Mardi 6 février 2024

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 13 h 45.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°  9, les amendements identiques nos  1 rectifié, 2, 3, 7 et 13, l'amendement n°  10, et les amendements identiques nos  4 et 12 visent à rétablir le texte de l'Assemblée nationale, avec diverses variantes. Avis défavorable, car ils sont contraires à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9, aux amendements identiques nos 1 rectifié, 2, 3, 7 et 13, à l'amendement n° 10 et aux amendements identiques nos 4 et 12.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je salue l'effort de compromis de Mme Vogel, que traduit son amendement n°  14, mais la suppression du délai de six mois est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

Article 2

L'amendement n°  11 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 3

L'amendement n°  6 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme CORBIÈRE NAMINZO

9

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale avec une précision relative à la fratrie

Défavorable

Mme BILLON

1 rect. bis

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme HARRIBEY

2

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

3 rect.

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

M. MOHAMED SOILIHI

7

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

13

Rétablissement de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

10

Rétablissement partiel de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale avec une précision relative à la fratrie

Défavorable

Mme BILLON

4 rect.

Rétablissement partiel de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme VÉRIEN

12 rect.

Rétablissement partiel de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

14

Rétablissement partiel de l'article 1er dans sa version Assemblée nationale avec maintien de la saisine du JAF par le procureur de la République

Défavorable

Article 2

Mme CORBIÈRE NAMINZO

11

Dispense d'obligation alimentaire pour tous les membres de la fratrie

Irrecevable au titre de l'article 45
de la Constitution

Article 3

Mme PETRUS

6

Définition de la maltraitance dans le code pénal

Irrecevable au titre de l'article 45
de la Constitution

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au régime juridique des actions de groupe - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons aux amendements de séance sur la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe. Nous commençons par l'examen de deux amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er quinquies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  56 tend à préciser la procédure à suivre dans la phase de jugement sur la responsabilité en rapprochant les dispositions de la présente proposition de loi sur le droit en vigueur. Il prévoit en particulier que les mesures de publicité ordonnées par le juge au défendeur ne peuvent l'être qu'une fois que le jugement sur la responsabilité ne peut plus faire l'objet de recours ordinaire, ni de pourvoi en cassation.

L'amendement n° 56 est adopté.

Article 3

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  57 vise à compléter les dispositions adoptées en commission relatives à l'entrée en vigueur de la loi, pour prévoir que le régime antérieur à l'entrée en vigueur de la loi demeurerait applicable aux actions dont le fait générateur est lui-même antérieur à celle-ci.

L'amendement n° 57 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je tiens à vous informer que le Gouvernement devrait déposer des amendements sur plusieurs articles, mais nous n'en avons pas encore été formellement saisis.

Article 1er

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  25 qui vise à élargir la définition de l'action de groupe.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.

Article 1er bis A

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques de suppression nos  26 et 48.

Article 1er bis

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  27, 21 rectifié, 28, 45, 7 et 51. Elle demande le retrait de l'amendement n°  6 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  8 rectifié bis tend à inclure les syndicats agricoles parmi les personnes ayant qualité pour agir, tandis que l'amendement n°  14 rectifié concerne les syndicats de pêcheurs. Avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié bis sous réserve de le rectifier pour y inclure les syndicats de pêcheurs. Je demanderai alors le retrait de l'amendement n° 14 rectifié, satisfait par cette rectification.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié bis, sous réserve de rectification. Elle demande le retrait de l'amendement n° 14 rectifié. Elle émet un avis défavorable aux amendements nos  1 rectifié bis, 46 et 47.

Après l'article 1er ter (supprimé)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le sous-amendement n°  24 a trait à la publication du financement par des tiers. Toutefois, l'amendement n°  23 rectifié, qui prévoit le financement par des tiers des actions de groupe, présente déjà des garanties en matière de prévention des conflits d'intérêts. Au surplus, les dispositions relatives à la prévention des conflits d'intérêts prévues à l'article 1er quater AA me paraissent suffisantes. En conséquence, je suis défavorable au sous-amendement et je vous proposerai d'émettre au nom de la commission un avis de sagesse sur l'amendement, mais, à titre personnel, je suis très favorable à son principe.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 24. Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 23 rectifié.

Article 1er quater AA

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  3 prévoit la fourniture d'une déclaration d'intérêts par le demandeur à l'action. Si la rigueur juridique de l'alinéa 3 est effectivement perfectible, cet amendement ne paraît pas présenter de garanties supplémentaires. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  2 a trait à la justification de la situation fiscale par le demandeur à l'action. Avis défavorable, car la régularité de la situation fiscale d'une personne ne justifie pas nécessairement de l'absence de conflit d'intérêts.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos  4 et 5, car celui que le Gouvernement doit déposer devrait les satisfaire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4, de même qu'à l'amendement n° 5.

Article 1er quater A

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  44.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  29, qui tend à faire de la mise en demeure préalable une simple faculté.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29. Elle émet un avis favorable à l'amendement n°  17 rectifié.

Article 1er quater

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  30.

Article 1er quinquies

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  41.

Article 1er septies

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  31.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  9 qui prévoit d'ouvrir la consignation de sommes dues par le défendeur auprès de professions juridiques réglementées. Le monopole de la Caisse des dépôts et consignations a été reconnu par la loi et il n'y a pas lieu de le remettre en cause.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Article 1er nonies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  16 viendrait complexifier le droit. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.

Article 1er quaterdecies

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  32.

Article 1er quindecies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis de sagesse sur l'amendement n°  43 qui met les frais de publicité à la charge du défendeur ; les rapporteurs avaient déjà évoqué cette possibilité lors de l'examen de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 43.

Article 1er sexdecies

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  18 et 10.

Article 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  33. Je ne suis pas favorable à la spécialisation de trente-six tribunaux judiciaires - un par ressort de cour d'appel - en matière d'actions de groupe.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.

Après l'article 2 bis D

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je comprends l'intention de nos collègues du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires mais je suis défavorable à l'amendement n°  34 : il est intéressant mais sa rédaction ne me paraît pas mûre.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Article 2 quinquies A (supprimé)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  50 vise à rétablir la faculté pour le demandeur d'être assisté par un avocat. Nous l'avons dit, il s'agit d'une mesure superfétatoire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.

Article 2 quinquies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  11, qui vise à supprimer l'irrecevabilité d'une action de groupe déjà jugée, s'appuie sur un principe du droit pénal qui n'est pas pertinent en matière civile. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Article 2 sexies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  35 est déjà satisfait. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.

Après l'article 2 nonies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  36 concerne l'exonération du demandeur au paiement des dépens et des autres frais non compris dans ces derniers au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Avis défavorable, car, comme le prévoit déjà cet article, « dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ».

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

Article 2 undecies (supprimé)

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  37 et aux amendements identiques nos  19 rectifié, 38 et 49.

Article 2 duodecies

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  12 vise à imposer aux personnes morales souhaitant exercer des actions de groupe transfrontières de mettre à la disposition du public des informations dans toutes les langues officielles de l'Union européenne pour obtenir l'agrément du ministre chargé de la communication. Avis défavorable dans la mesure où il s'agit là d'une surtransposition.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°  39, qui vise à informer la Commission européenne en cas de modification de la liste des personnes agréées pour exercer des actions de groupe transfrontières.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 39.

Article 3

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  20 rectifié, les amendements identiques nos  15 et 40, l'amendement n°  22 rectifié et les amendements identiques nos  13 et 42 sont contraires à l'amendement de la commission que nous avons adopté.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié, aux amendements identiques nos 15 et 40, à l'amendement n° 22 rectifié, et aux amendements identiques nos  13 et 42.

M. François-Noël Buffet, président. - Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, le Gouvernement devrait déposer cet après-midi des amendements sur plusieurs articles.

Le Gouvernement vous en a communiqué la teneur. Je vous invite donc à nous en présenter les objets.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Nous avons acté la suppression du monopole syndical pour les actions de groupe en matière de droit du travail. Le Gouvernement souhaiterait rétablir ce monopole par un amendement, auquel je serai défavorable : je ne vois pas pourquoi nous limiterions aux seuls syndicats la qualité pour agir en matière de droit du travail.

En ce qui concerne l'article 1er quater AA, le Gouvernement souhaiterait clarifier la procédure en matière de conflits d'intérêts, afin de la rendre plus lisible pour tous. Je serai favorable à cette proposition.

Un amendement devrait également porter sur la mise aux frais du défendeur, lorsqu'il a été reconnu responsable, de la sollicitation par le demandeur d'un membre d'une profession juridique réglementée pour la gestion de l'indemnisation des personnes lésées. Je réserve ma position sur ce point, sous réserve de la rédaction retenue.

Sur la question du registre national des actions de groupe, prévu à l'article 1er sexdecies, je suis en désaccord avec la position du Gouvernement. La directive ne prévoit ni publicité ni registre. Pour notre part, nous sommes favorables à la tenue d'un registre, et avons souhaité en expliciter et élargir le contenu. Je serai donc défavorable à l'amendement du Gouvernement qui souhaite revenir sur notre texte de commission sur ce point.

Le dernier amendement concerne une coordination, qui ne devrait pas soulever de difficulté. J'y serai donc favorable.

M. François-Noël Buffet, président. - Le rapporteur ayant présenté les amendements et fait part de sa position sur chacun d'eux, je vous propose de considérer que la présentation de son avis en séance vaudra position de la commission.

Il en est ainsi décidé.

Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er quinquies

M. FRASSA

56

Exécution des mesures de publicité postérieure à l'extinction des recours ordinaires et du pourvoi en cassation et réduction du délai d'adhésion au groupe

Favorable

Article 3

M. FRASSA

57

Application des régimes antérieurs de l'action de groupe aux actions de groupe intentées sur des faits générateurs antérieurs à la publication de la loi

Favorable

La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme Mélanie VOGEL

25

Extension du champ de la définition de l'action de groupe

Défavorable

Article 1er bis A 

Mme Mélanie VOGEL

26

Suppression d'article

Défavorable

M. BOCQUET

48

Suppression d'article

Défavorable

Article 1er bis

Mme Mélanie VOGEL

27

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

M. BOURGI

21 rect.

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

28

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

M. BOCQUET

45

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

7

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

M. BOCQUET

51

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

6

Élargissement des conditions ouvrant qualité pour agir

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

8 rect. bis

Ouverture de la qualité pour agir aux syndicats agricoles et de pêcheurs

Favorable si rectifié

Mme Nathalie GOULET

14 rect.

Ouverture de la qualité pour agir aux syndicats agricoles et de pêcheurs

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

1 rect. bis

Extension du champ des actions de groupe conduites par des syndicats en matière de fraude fiscale 

Défavorable

M. SAVOLDELLI

46

Qualité pour agir des syndicats en reconnaissance de travail dissimulé

Défavorable

M. BOCQUET

47

Elargissement de la qualité pour agir des syndicats aux infractions boursières ou financières ou en matière de fraude fiscale

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er ter (Supprimé)

M. SZPINER

23 rect. bis

Financement par des tiers des actions de groupe

Sagesse

Mme Nathalie GOULET

24

Publication du financement par des tiers

Défavorable

Article 1er quater AA 

Mme Nathalie GOULET

3

Fourniture d'une déclaration d'intérêts par le demandeur à l'action

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

2

Justification de la situation fiscale par le demandeur à l'action

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

4

Clarification de la procédure de production d'un aperçu financier par le demandeur

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

5

Liste de financements

Défavorable

Article 1er quater A

M. BOCQUET

44

Suppression de la mise en demeure préalable

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

29

Faculté de mise en demeure préalable

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

17 rect.

Précision dans le cas où l'entreprise ne dispose pas de comité social et économique

Favorable

Article 1er quater

Mme Mélanie VOGEL

30

Délai maximal de 6 mois pour la cessation du manquement

Défavorable

Article 1er quinquies

Mme Mélanie VOGEL

41

Mesures d'instruction décidées par le juge

Défavorable

Article 1er septies

Mme Mélanie VOGEL

31

Exécution à titre provisoire du jugement sur la responsabilité

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

9

Consignation des sommes auprès d'une profession juridique réglementéeV

Défavorable

Article 1er nonies

Mme Nathalie GOULET

16

Amendement de précision

Défavorable

Article 1er quaterdecies

Mme Mélanie VOGEL

32

Interdiction de mettre les frais de médiation à la charge du demandeur ou des personnes lésées

Défavorable

Article 1er quindecies

M. BOCQUET

43

Frais de publicité à la charge du défendeur

Sagesse

Article 1er sexdecies

Mme Nathalie DELATTRE

18 rect.

Suppression de la mise à disposition du public du registre des actions de groupe, des actions en reconnaissance de droit et des actions collectives tenu par le garde des sceaux

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

10

Amendement de précision rédactionnelle

Défavorable

Article 2

Mme Mélanie VOGEL

33

Spécialisation d'un tribunal judiciaire par ressort de cour d'appel en matière d'action de groupe.

Défavorable

Article additionnel après l'article 2 bis D

Mme Mélanie VOGEL

34

Coordination de l'action de groupe en matière d'environnement avec la procédure de réparation du préjudice écologique. 

Défavorable

Article 2 quinquies A (Supprimé)

M. BOURGI

50

Rétablissement de la faculté pour le demandeur d'être assisté par un avocat. 

Défavorable

Article 2 quinquies

Mme Nathalie GOULET

11

Suppression de l'irrecevabilité d'une action de groupe déjà jugée.

Défavorable

Article 2 sexies

Mme Mélanie VOGEL

35

Absence de conséquences sur l'action de groupe en cas de perte de qualité à agir du demandeur. 

Défavorable

Article additionnel après l'Article 2 nonies

Mme Mélanie VOGEL

36

Exonération du demandeur au paiement des dépens et des autres frais non compris dans ces derniers au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 

Défavorable

Article 2 undecies (Supprimé)

Mme Mélanie VOGEL

37

Rétablissement de la sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

Défavorable

M. BOURGI

19 rect.

Rétablissement de la sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

38

Rétablissement de la sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

Défavorable

M. BOCQUET

49

Rétablissement de la sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

Défavorable

Article 2 duodecies

Mme Nathalie GOULET

12

Mise à disposition par les personnes morales souhaitant exercer des actions de groupe transfrontière d'informations dans toutes les langues officielles de l'Union européenne pour obtenir l'agrément du ministre chargé de la consommation

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

39

Information de la Commission européenne en cas de modification de la liste des personnes agréées pour exercer des actions de groupe transfrontières

Favorable

Article 3

M. BOURGI

20 rect.

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

       

Mme Nathalie GOULET

15

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

40

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

M. Patrice JOLY

22 rect.

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

13 rect.

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

M. BOCQUET

42

Dispositions d'entrée en vigueur

Défavorable

La réunion est close à 14 h 10.

Mercredi 7 février 2024

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 09 h 20.

Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Jacqueline Eustache-Brinio, Mme Françoise Gatel et M. Éric Kerrouche rapporteurs sur la proposition de loi n° 263 (2023-2024) portant création d'un statut de l'élu local présentée par Mme Françoise Gatel, MM Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille.

Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion

La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, Mme Marie Mercier, M. Francis Szpiner, Mme Dominique Vérien, Mme Corinne Narassiguin, M. Claude Raynal, M. Thani Mohamed Soilihi comme membres titulaires, et de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, Mme Elsa Schalck, M. Hervé Marseille, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Ian Brossat, Mme Corinne Bourcier et Mme Mélanie Vogel comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports - Examen du rapport et du texte proposé par la commission

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous examinons le rapport sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée par Philippe Tabarot et plusieurs collègues.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Cette proposition de loi, déposée par notre collègue Philippe Tabarot et cosignée par plus d'une centaine de sénateurs, est relative à l'insécurité dans les transports. Selon les données publiées par le ministère de l'intérieur, le nombre de victimes de vols et de violences comptabilisées dans les transports en commun s'élève à plus de 111 000, et près de 62 % des violences sont commises en Île-de-France. Dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques, il convient de traiter ce sujet rapidement afin que tous les outils soient réunis pour leur réussite : cela passe également par la sécurisation des transports en communs

Outre les forces de l'ordre, la SNCF et la RATP disposent de services internes de sécurité, respectivement la surveillance générale de la SNCF (Suge) et le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR). Leur statut leur confère des prérogatives renforcées, avec, notamment, la possibilité, sous certaines conditions, de procéder à des fouilles de bagages, à des palpations, et à des interventions aux abords des emprises immobilières dont ils ont la charge. Ils peuvent également porter des caméras-piétons, ils sont armés, et ont, pour ce faire, une formation poussée. Ce maillon du continuum de sécurité est essentiel pour assurer la sécurité de tous dans les transports. Nous pouvons toutefois regretter que le cadre juridique régissant leur intervention soit aujourd'hui trop contraint.

Des infractions spécifiques aux transports en commun existent déjà, comme le délit d'habitude lié aujourd'hui à la répétition d'infractions à caractère tarifaire, l'atteinte aux voies et le fait d'empêcher le fonctionnement des signaux. Toutefois, nous observons aujourd'hui que ces dispositifs sont soit insuffisants, soit inadaptés aux évolutions des modes opératoires des contrevenants.

En premier lieu, cette proposition de loi confère de nouvelles prérogatives aux agents de la Suge et du GPSR, en particulier la faculté de recourir à des palpations « préventives » inopinées, de même que la saisie d'objets jugés dangereux. Elle prévoit également l'extension du périmètre d'intervention de ces agents aux abords immédiats des emprises immobilières et des mesures spécifiques pour permettre à la Suge de mobiliser ses équipes cynotechniques de sa propre initiative pour des prestataires.

En deuxième lieu, elle vise à renforcer un continuum de sécurité entre les polices nationale et municipale, la gendarmerie et les services internes des opérateurs de transport. A ce titre, la proposition de loi ambitionne notamment de faciliter l'intervention des polices municipales dans les transports en commun.

En troisième lieu, elle prévoit diverses mesures permettant de renforcer les moyens technologiques que les services de sûreté de la SNCF et de la RATP peuvent mobiliser .

En quatrième lieu, elle tend à étoffer l'arsenal pénal pour mieux réprimer les infractions commises dans les transports, avec la création de nouveaux délits, pour sanctionner les pratiques dites de bus- ou train-surfing ; la délictualisation de l'oubli de bagage par négligence ; des peines complémentaires d'interdiction de paraître ; ou un nouveau droit de communication de données fiscales par les agents de contrôle et de sûreté pour fiabiliser le recouvrement des amendes.

En cinquième lieu, enfin, elle comprend des mesures de simplification des procédures de recrutement et d'affectation des agents des services de sûreté aéroportuaireet d'information de l'opérateur de transport lorsqu'un conducteur qu'il emploie voit son permis de conduire annulé, retiré ou suspendu.

Il est important d'apporter ces améliorations aux dispositions pénales et administratives en ce domaine pour renforcer l'opérationnalité et l'efficacité des dispositifs existants : les sanctions doivent être dissuasives et adaptées aux évolutions de la délinquance dans les transports. Je le répète, c'est d'autant plus indispensable que la plaque francilienne va accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques - nous nous devons d'être au rendez-vous.

J'ai porté une attention toute particulière à garantir un équilibre entre l'opérationnalité des mesures, la garantie des droits et libertés constitutionnels et la cohérence du continuum de sécurité.

Les seize amendements que je proposerai, pour certains en commun avec Philippe Tabarot, visent à rendre les dispositifs efficaces de manière à répondre à l'attente de nos concitoyens, quiéprouvent un sentiment d'insécurité, sans pour autant porter atteinte ni à la cohérence du continuum de sécurité - chacun doit rester dans son rôle - ni à nos libertés individuelles fondamentales. Je tiens à le rappeler ici : les gares et les stations de bus étant des lieux publics, en l'état de leur statut juridique nos marges de manoeuvre sont limitées. J'émettrai un avis favorable aux amendements de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont la moitié sont identiques aux amendements que j'ai déposés. Sous réserve de l'adoption de l'ensemble de ces amendements, je vous propose d'adopter cette proposition de loi qui complète utilement les prérogatives des agents du continuum de sécurité dans les transports et procède à des adaptations bienvenues de notre arsenal pénal pour réprimer les comportements dangereux dans les transports en commun.

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je vous remercie de m'accueillir ce matin pour l'examen du rapport de notre collègue Nadine Bellurot sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, dont je suis à la fois l'auteur et le rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

J'ai déposé cette proposition de loi sur le Bureau du Sénat le 28 décembre dernier, et elle a été par la suite cosignée par environ 140 collègues appartenant à quatre groupes politiques différents. Il me semble que cette mobilisation démontre l'acuité du sujet, qui s'est malheureusement rappelé à nous le week-end dernier, à la gare de Lyon et au métro Stalingrad.

Cette mobilisation est aussi partagée sur le plan social, car nombre des mesures prévues sont plébiscitées par les acteurs du transport - les directions, les agents de sûreté et les syndicats.

Ce texte part d'un double constat simple : nos espaces, nos gares, nos stations et les véhicules de transport concentrent un nombre important d'agressions et d'actes violents. La sécurisation de ces espaces est rendue plus difficile en raison de leur configuration singulière - espaces exigus, interconnexions entre les réseaux de surface et les réseaux souterrains - et des importants flux de voyageurs qui les fréquentent au quotidien.

Malgré les avancées notables de la loi de mars 2016, dite « Savary-Le Roux », portée par deux députés socialistes, et adoptée sous la présidence de François Hollande, ce qui démontre combien ce combat est transpartisan, il reste incontestablement des trous dans la raquette sur le plan opérationnel. Des manquements et des incongruités exigent que nous légiférions pour renforcer la sûreté dans les transports.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2023, d'après le ministère de l'intérieur, 10 % des vols violents et 15 % des vols sans violence ont été commis dans les transports en commun - près de 30 % en Île-de-France. On observe une augmentation de 4 % du nombre de victimes de violences sexuelles dans ces espaces en 2023, par rapport à 2022. D'après la dernière enquête conduite en Île-de-France, les transports en commun restent en tête des espaces les plus criminogènes, concentrant à eux seuls 38 % des agressions sexuelles.

Outre les violences et les agressions commises contre les usagers, les agents des opérateurs de transport sont particulièrement exposés à la violence verbale et physique, ainsi que l'ont mis en lumière les auditions conduites en commun avec Nadine Bellurot. L'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) a ainsi constaté en 2022 une hausse de 14 % du nombre d'agressions du personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail. La RATP constate également une augmentation du nombre des atteintes physiques portées aux machinistes. Nous gardons tous en mémoire le tragique décès d'un conducteur à Bayonne en 2020 à la suite d'une agression d'une grande violence.

En parallèle de ces constats préoccupants, la SNCF alerte sur une croissance exponentielle du nombre d'objets dangereux introduits dans les espaces de transport. En 2023, l'introduction de plus de 4 000 objets dangereux - hachoirs de boucher, pics à glace, couteaux, battes de baseball, bonbonnes de gaz, etc. - a été constatée dans les emprises ferroviaires.

En outre, les faits de sûreté ont de lourdes incidences sur l'exploitation des services de transport, en particulier dans le contexte actuel de menace terroriste. À cet égard, je prendrai un exemple concret : les abandons de bagages, qui nécessitent souvent l'intervention des forces de l'ordre, occasionnent chaque année d'importantes perturbations dans les transports. La RATP indique que, sur les 2 269 objets délaissés en 2023 sur son réseau, 46 % ont induit une interruption du trafic, pour un total de 512 heures d'interruption. Ces abandons correspondraient, d'après Jean Castex, à une interruption de la ligne 8 - la deuxième ligne de métro plus longue de Paris - pendant un mois en 2023.

Dans ce contexte, il convient d'assurer l'efficacité de l'action des forces de sûreté pouvant intervenir dans les transports, qui sont nombreuses et disposent de prérogatives différenciées - polices nationale et municipale, gendarmerie, services internes de sûreté des opérateurs de transports, agents de sécurité privée.

Si les forces de sécurité intérieure disposent des prérogatives les plus larges, elles ne peuvent, en pratique, assurer une présence quotidienne dans tous les réseaux de transport. Partant de ce constat, les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP sont le plus souvent en première ligne face aux diverses menaces qui pèsent sur nos réseaux de transport.

Pour cette raison, et sans que cela ne remette en cause les prérogatives des forces de sécurité intérieure, les agents de la Suge et du GPSR disposent de prérogatives qui sont en adéquation avec une sélection exigeante et une formation rigoureuse en droit, en déontologie, à la pratique du tir ou encore aux interpellations. Néanmoins, leur action se heurte à de nombreux obstacles sur le terrain, de telle sorte qu'ils se retrouvent souvent dans des situations que l'on pourrait qualifier d'ubuesques : les agents de la Suge et du GPSR ne peuvent intervenir hors des véhicules et des espaces de transport. Certains contrevenants tirent parti de cette limite et se retranchent parfois au seuil de ces emprises pour échapper à l'interpellation. Ils sont autorisés à retirer et à remettre aux forces de sécurité intérieures des armes classifiées. Ils ne peuvent, en revanche, saisir d'autres objets dangereux découverts à l'occasion de fouilles de bagages. Lorsque l'officier de police judiciaire (OPJ) n'est pas en mesure de se déplacer, l'individu est laissé libre avec les objets dangereux en sa possession. Ces mêmes agents peuvent enjoindre à une personne ayant commis une infraction de sortir d'un véhicule ou d'une gare, mais ils ne peuvent pas lui interdire d'y rentrer, de telle sorte qu'il faut attendre qu'il commette une deuxième infraction pour le contraindre à en sortir de nouveau.

Ces aberrations, qui nous ont été relayées par Jean Castex et par Jean-Pierre Farandou lors de nos auditions, ont motivé nombre des mesures que je vous propose. Ces derniers ne veulent pas qu'elles soient attentatoires aux libertés, tout comme nous. Ils les jugent nécessaires et même indispensables. Je rappelle que les transports sont un réceptacle du terrorisme dans l'histoire moderne. Les attentats et les attaques meurtrières se sont multipliés, et, à l'heure où je vous parle, un homme est entre la vie et la mort à la suite d'une attaque au couteau samedi dernier dans la gare de Lyon.

Garantir la sécurité des voyageurs est une exigence que, sur l'échiquier politique, nous devons tous partager.

Au-delà de ces difficultés opérationnelles réelles et préoccupantes, l'objectif du renforcement de la sûreté dans les transports est indissociable de celui de la décarbonation du secteur des transports. Tant que certains et certaines de nos concitoyens éviteront les transports en commun pour des raisons d'insécurité, tous les dispositifs que nous, législateurs, mettons en place en faveur du report modal vers les transports collectifs ne pourront être pleinement efficaces.

C'est pour ces raisons que la proposition de loi prévoit un certain nombre d'évolutions selon quatre axes principaux : renforcer les prérogatives en matière de prévention des services internes de sécurité des opérateurs de transport que sont la Suge et le GPSR ; améliorer le continuum de sécurité dans les transports ; recourir davantage à la technologie pour sécuriser les réseaux de transport ; et mieux réprimer les délits.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi hier après-midi, après de riches échanges, sous le bénéfice de l'adoption de six amendements. Trois d'entre eux sont identiques à des amendements déposés par la rapporteure. Je vous propose par ailleurs trois amendements visant respectivement à mieux protéger les conducteurs d'autobus et d'autocars exposés à la violence physique et verbale dans l'exercice de leur métier, en leur permettant de recourir à des dispositifs de caméras-piétons ; à renforcer l'efficacité du continuum de sécurité, en unifiant le traitement des signalements de sûreté des voyageurs du transport ferroviaire par le recours à une seule et même plateforme, y compris pour les nouveaux entrants ; enfin, à assurer le contrôle des futures interdictions de paraître dans les transports, en prévoyant une transmission systématique des procès-verbaux dressés par des agents assermentés à des officiers de police judiciaire, afin que ces derniers opèrent les vérifications nécessaires.

Enfin, ce texte répond à une demande très forte des usagers et des agents qui se trouvent en première ligne face à l'insécurité. L'objectif de lever les obstacles à l'efficacité de l'action des forces de sûreté dépasse largement l'échéance ô combien importante des jeux Olympiques et Paralympiques. Certains dispositifs peuvent bien évidemment appeler des améliorations, et je ne doute pas que votre travail et que la navette parlementaire permettront d'apporter des évolutions. Je forme en tout cas le voeu que nous parvenions collectivement à dépasser nos clivages politiques sur ce sujet qui préoccupe nos concitoyens au quotidien. Permettez-moi de rappeler que plus d'une femme sur deux en Île-de-France - mais ce constat vaut également sur d'autres territoires - redoute d'être agressée ou volée dans les transports en commun.

M. Christophe Chaillou. - Certains d'entre nous, dans leur collectivité, ont des responsabilités dans l'organisation des services de transport. Personne ne sous-estime la nécessité de veiller à la sécurité des usagers - ceux-ci utiliseront plus encore les transports publics s'ils ont le sentiment d'y être en sécurité - ainsi que celle des agents.

Néanmoins, au-delà des clivages partisans, nous devons veiller à ce que les dispositifs prévus respectent les principes constitutionnels. À ce sujet, nous avons quelques questionnements.

Il importe également que les dispositifs soient efficaces. Il ne faut pas être dans la surenchère permanente, en proposant des mesures gadgets. Or certaines mesures nous semblent baroques, notamment quant à leur mise en oeuvre concrète.

L'examen des amendements va nous permettre d'étudier toutes ces mesures de manière concrète.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

M. Philippe Bas. - Je félicite et je remercie l'auteur de la cette proposition de loi, qui est très utile. La problématique de la sécurité est marquée par de très grandes spécificités dans les transports ferroviaires. Je remercie également notre collègue rapporteure de son travail.

Permettez-moi d'évoquer un point qui n'est pas abordé dans ce texte, mais tel n'était pas son objet, à savoir la question de la gouvernance de la police ferroviaire - je m'en suis entretenu hier avec Philippe Tabarot. Il me semble qu'il ne faudrait pas rater l'occasion de traiter cette question parce que les difficultés de coordination entre la SNCF et la RATP sont un obstacle à l'efficacité de la police ferroviaire.

De la même façon que l'on a remis en 2002 entre les mains du ministre de l'intérieur la police et la gendarmerie nationales pour assurer une meilleure coordination, une meilleure interopérabilité, un meilleur suivi des opérations de police, le moment est venu de faire un pas en remettant l'autorité entre les mains des autorités organisatrices de transport. Avec Jacqueline Eustache-Brinio, j'ai déposé des amendements en ce sens. Je ne sais quel sort leur sera réservé, mais les points de friction entre la police ferroviaire exercée par la RATP et celle qui est exercée par la SNCF sont trop nombreux pour que l'on se désintéresse de cet aspect du problème.

Mme Marie Mercier. - Je félicite à mon tour Philippe Tabarot pour cette proposition de loi. Nous avons bien compris que l'objectif est de protéger les chauffeurs et les usagers des actes délictueux. Toutefois, j'évoquerai un sujet annexe : le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

Avec Dominique Vérien et Michèle Meunier, nous avons mené en 2019 une mission d'information sur les violences sexuelles contre les mineurs, qui nous a conduit à nous intéresser aux chauffeurs de bus qui peuvent commettre des actes délictueux sur des personnes mineures ou vulnérables. Personne n'arrive à consulter le Fijais, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des sociétés de transport privées. Lors de l'embauche d'un chauffeur, l'employeur n'a pas la faculté de savoir si la personne est inscrite au Fijais. Or les chauffeurs de bus transportent des personnes mineures et/ou présentant des handicaps. Nous devons réfléchir à l'accès du Fijais et à l'obligation de le consulter.

Mme Dominique Vérien. - Je soutiens totalement les propos de Marie Mercier. Les sociétés de transport elles-mêmes demandent à accéder au Fijais. Il y a un véritable risque pour les enfants.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Christophe Chaillou s'interroge sur l'efficacité des mesures proposées. J'ai déposé cette proposition de loi après avoir travaillé durant deux ans avec les acteurs concernés, et ce sont eux qui demandent ces mesures, même si certaines peuvent l'interroger.

Philippe Bas, nous avons évoqué hier le sujet de la gouvernance de la police ferroviaire. J'ai pris l'attache d'Île-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice de la mobilité la plus importante, qui m'a fait part de deux préoccupations.

La première préoccupation a trait à la question de la sécurité privée, mais c'est une autre problématique que je n'ai pas traitée ici, à laquelle il faudra s'atteler. Je rappelle que c'est un agent de sécurité privé qui a évité le massacre samedi dernier à la gare de Lyon.

Leur seconde préoccupation a trait à la présence d'agents d'IDFM dans les salles d'information et de commandement relevant de l'État. Tel est l'objet de l'article 7. C'est la moindre des choses dans la mesure où IDFM est l'un des principaux financeurs de ces installations.

Toutefois, les représentants d'IDFM ne m'ont jamais fait part de leur souhait de voir évoluer la question de la gouvernance au cours de nos échanges avant le dépôt de la proposition de loi. Pour autant, il faudra la traiter, en ayant une vision nationale. Les décisions qui sont prises en Île-de-France ont des répercussions sur l'ensemble du territoire national.

Marie Mercier, votre question sur le Fijais dépasse le cadre de cette proposition de loi. Pour ma part, j'ai souhaité inscrire dans ce texte que l'employeur, en l'occurrence la RATP, soit averti lorsqu'un chauffeur se voit retirer son permis de conduire.

J'espère que vous adopterez cette proposition de loi, qui est le fruit d'un travail avec les acteurs de terrain.

M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au périmètre de compétences et aux prérogatives des agents des services internes de sécurité et des agents assermentés de la SNCF et de la RATP ; aux compétences des agents d'Île-de-France Mobilités en matière de sûreté dans les transports ; à l'intervention des polices municipales dans les transports en commun ; aux infractions commises dans les transports en commun ; et aux mesures relatives au recrutement et à l'affectation des effectifs participant à la sûreté dans les transports.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-11 tend à simplifier le cadre juridique d'autorisation des palpations en Île-de-France. Actuellement, celles-ci sont autorisées sur le fondement d'un arrêté du représentant de l'État dans le département. En fonction des départements, ils sont délivrés dans des conditions diverses. Qui plus est, dans la région d'Île-de-France, un grand nombre d'acteurs préfectoraux interviennent, ce qui rend difficile l'intervention à l'échelle de la région des agents de la Suge et du GPSR.

Aussi, sans remettre en cause les prérogatives de l'autorité préfectorale, cet amendement vise à renforcer son efficacité en confiant au seul préfet de police de Paris, qui dispose d'une vision globale des enjeux de la sûreté dans la région, le soin de prendre des arrêtés autorisant les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pour l'ensemble de la région d'Île-de-France. Cette mesure est demandée par l'ensemble des acteurs.

Cet amendement vise également à supprimer les alinéas 6 à 9 relatifs à la saisie des objets qui pourraient présenter un caractère dangereux, la rédaction n'étant pas satisfaisante. Nous en proposerons une nouvelle rédaction plus sécurisée juridiquement en vue de la séance publique.

M. Christophe Chaillou. - Cet amendement va dans le bon sens dans la mesure où il tend à supprimer une partie du dispositif qui nous semblait critiquable au regard des exigences constitutionnelles. Toutefois, je note que vous pérennisez un dispositif dont la portée était circonscrite aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Quand disposerons-nous de cette nouvelle rédaction ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Nous ne faisons, à ce stade, que clarifier la répartition complexe des rôles des préfets. Nous travaillons à une nouvelle rédaction, que je vous soumettrai lors de la réunion d'examen des amendements de séance.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-6 rectifié bis et l'amendement COM-7 rectifié bis concernent les prérogatives des agents de sécurité privée, différentes des prérogatives des agents de la Suge et du GPSR. Cet amendement reviendrait à leur confier les mêmes prérogatives qu'aux agents de la Suge et du GPSR, au mépris de la cohérence du continuum de sécurité et des exigences de sélection et de formation renforcées pour ces derniers. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ne sont-ils pas plutôt irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution ?

M. François-Noël Buffet, président. - L'article 45 ne s'applique pas ici. L'avis de la commission est défavorable sur le fond.

Les amendements COM-6 rectifié bis et COM-7 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Article 2

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-12 vise à circonscrire la portée du dispositif, en limitant la prérogative des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP à un droit de poursuite aux abords immédiats des emprises des personnes ayant commis en leur sein des infractions relevant de la police du transport.

M. Christophe Chaillou. - Certes, cet amendement permet de préciser le dispositif, mais le périmètre d'intervention pourrait se heurter au principe constitutionnel interdisant la délégation à des personnes privées des compétences de police générale inhérentes à l'exercice de la force publique, parmi lesquelles figure la surveillance générale de la voie publique.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Il ne s'agit là que de leur donner un droit de poursuite aux abords immédiats des emprises. Les agents ont déjà le droit de constater l'infraction au sein de l'emprise ; ils pourraient continuer à l'extérieur si le contrevenant venait à s'échapper ou à sortir des emprises après avoir commis une infraction.

M. François-Noël Buffet, président. - Les services de sécurité auront la possibilité de poursuivre l'auteur de l'infraction qui a été commise au sein de l'emprise sur le domaine public.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La frontière géographique est parfois baroque, et on ne sait pas quel sera exactement le périmètre géographique. Il faudrait remettre à plat l'intervention des différentes forces de sécurité - un vaste chantier.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-4 rectifié bis concerne le champ géographique des interventions des agents des sociétés de sécurité privées, différent de celui des agents de la Suge et du GPSR, au mépris, à nouveau, de la cohérence du continuum de sécurité. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La décision du Conseil constitutionnel n'est pas étrangère à votre propos.

L'auteur de la proposition de loi a indiqué que la question des sociétés de sécurité privées devra être traitée dans le cadre d'un autre texte. Vous persistez à dire que vous êtes défavorable aux amendements qui y sont relatifs, mais ils sont en réalité irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution. Cet article faisait partie en quelque sorte des Tables de la loi au Sénat ; il faudra vraiment voir ce que nous en ferons...

L'amendement COM-4 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-13 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-14 vise à prolonger la durée de validité de la certification nécessaire pour assurer la détection d'explosifs au sein des emprises de la SNCF et de la RATP pour la durée des jeux Olympiques et Paralympiques. En raison d'une récente évolution des critères visant à élargir les types de produits pouvant être détectés, plus de 60 % des chiens de la SNCF et 75 % des chiens de la RATP ont perdu leur certification.

Pour répondre à cette difficulté, je propose, aux seules fins de sécuriser les jeux Olympiques et Paralympiques, de prolonger jusqu'au 30 septembre 2024 l'ensemble des certifications obtenues avant le 1er mai 2023.

Mme Agnès Canayer. - Je confirme la nécessité de répondre à cette difficulté dans la perspective des Jeux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il faut aller plus vite et interpeller le ministre de l'intérieur sur ce sujet. Le recours aux équipes cynotechniques est de nature à répondre très rapidement aux problèmes qui se posent.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-15 vise à réaffirmer l'autorité du maire sur l'activité de sa police municipale. À cet effet, il donne aux exploitants des services de transport public la faculté de conclure avec les communes et l'autorité organisatrice des conventions destinées à organiser le libre accès des agents des polices municipales aux espaces de transport et aux trains en circulation.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Dans le souci de renforcer la cohérence entre le dispositif prévu à l'article 7 et sa finalité opérationnelle, l'amendement COM-16 prévoit de circonscrire expressément les dispositions de l'article aux agents exerçant des missions relatives à la sûreté d'Île-de-France Mobilités, dont les effectifs se sont renforcés et professionnalisés au cours des années récentes, notamment dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des réseaux. La finalité de leur accès aux images serait précisée. L'entrée en vigueur de l'article serait en outre reportée à la date de début de l'ouverture à la concurrence des réseaux de bus et de tramway.

M. Christophe Chaillou. - Notre groupe est défavorable à cet amendement, dans la lignée de la position que nous avions exprimée lors de l'examen du projet de loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Les amendements identiques COM-3 et COM-10 rectifié ont pour objet de limiter l'application du document de référence et de tarification des prestations de sûreté aux prestations réalisées à la demande par la RATP. La tarification des prestations réalisées « en monopole » par le GPSR serait, à l'inverse, déterminée dans le cadre de la convention bilatérale entre IDFM et la RATP, sans référence à ce document. 

Je ne crois pas que la présente proposition de loi soit le véhicule adéquat pour prévoir ce type de mesures qui relève, au fond, des relations financières entre IDFM et la RATP. En tout état de cause, ce sujet n'a pas été abordé lors des auditions, et il me semble qu'au vu de son importance et de sa complexité il mériterait une instruction en bonne et due forme par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avant d'être tranché. Mon avis est donc défavorable.

M. Christophe Chaillou. - Les amendements qui portent sur des questions de financement et de tarification devraient tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution.

M. François-Noël Buffet, président. - Ce n'est pas le cas ; nous avons saisi le président de la commission des finances qui a considéré que ces amendements étaient recevables au regard de l'article 40 de la Constitution.

Les amendements identiques COM-3 et COM-10 rectifié ne sont pas adoptés.

Article 8

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Les amendements identiques COM-17 et COM-28 visent à tirer les conséquences de la mesure prévue à l'article 2, qui autorise, sous certaines conditions, les agents des services de sûreté de la SNCF et de la RATP à poursuivre leurs interventions aux abords immédiats des emprises immobilières gérées par l'exploitant.

Par dérogation à la règle selon laquelle ces agents ne peuvent utiliser leur caméra-piéton en dehors de ces emprises ou véhicules ou sur la voie publique, les amendements prévoient de les autoriser à poursuivre leur enregistrement pour la durée de leurs interventions, dès lors que celui-ci a débuté au sein de ces emprises ou des véhicules de transport. Cette mesure est prise en cohérence avec la disposition que nous avons votée précédemment.

M. Christophe Chaillou. - Les mesures proposées sont effectivement cohérentes, mais elles reviennent à avaliser l'autorisation donnée aux agents d'agir en dehors des gares.

Les amendements identiques COM-17 et COM-28 sont adoptés.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 8

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Les amendements identiques COM-29 et COM-5 rectifié ter visent à instituer une expérimentation de l'usage des caméras-piétons par les conducteurs d'autobus et d'autocars.

L'extension de ce dispositif à ces personnels paraît pleinement opportune. De surcroît, elle permet une satisfaction partielle des objectifs de l'article 11. L'avis est donc favorable.

Les amendements identiques COM-29 et COM-5 rectifié ter sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-30 prévoit la mise en place d'un numéro unique d'alerte pour les usagers des transports. Une telle initiative, de nature à améliorer l'efficacité des signalements, et donc la réponse des acteurs de la sûreté, semble pleinement opportune.

L'amendement COM-30 est adopté et devient article additionnel.

Article 9

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-18 procède à plusieurs modifications afin de rendre expérimentale l'utilisation de traitements algorithmiques sur des images issues des caméras des opérateurs de transport aux fins de répondre plus efficacement à des réquisitions judiciaires.

Cette expérimentation se ferait sur le modèle de celle qui existe pour le déploiement de la vidéointelligence augmentée dans le cadre de la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Elle serait conduite par l'État, qui disposerait d'un monopole d'acquisition, et accompagnée de garanties quant au développement des logiciels utilisés. Seraient également définies les conditions d'utilisation de ces traitements et la formation que devront suivre les agents de la SNCF et de la RATP.

Enfin, l'expérimentation serait placée sous le contrôle du Parlement, avec l'obligation pour le Gouvernement de lui rendre un rapport. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) serait chargée du contrôle de l'application des dispositions.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On parle d'expérimentation, mais, en termes de libertés publiques, on met le doigt dans un engrenage que l'on ne pourra pas stopper ! Je rappelle que la police utilise le logiciel Briefcam, alors qu'elle ne devrait plus s'en servir...

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Le dispositif exclut l'utilisation des données biométriques et interdit la mise en relation des traitements visés avec d'autres traitements existants.

L'amendement COM-18 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-19 vise à supprimer l'article 10. L'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « informatique et libertés », prévoit déjà au bénéfice de toute personne morale ou physique, pour la seule poursuite des infractions flagrantes, la faculté de collecter et traiter des données sensibles pour le compte de l'État.

Par ailleurs, aucune règle spécifique en matière de traitement des données sensibles ne trouve à s'appliquer aux services internes de la SNCF et de la RATP. Il n'apparaît donc pas opportun de prévoir un tel régime.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 10 est supprimé.

Article 11

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-20 vise à supprimer la faculté, ouverte par l'article 11, de capter le son au sein des matériels roulants : elle constitue en effet une atteinte à la vie privée disproportionnée au regard des bénéfices opérationnels escomptés.

En l'occurrence, une telle disposition permettrait de capter des paroles et des conversations prononcées à titre privé au sein d'une rame de train ou de métro, sans avoir à légiférer sur ce point - cela ne nous a d'ailleurs pas été demandé par les forces de l'ordre.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 11 est supprimé.

Article 12

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-21 tend à sécuriser juridiquement le dispositif instituant un délit d'incivilité d'habitude.

M. Christophe Chaillou. - Notre groupe y est défavorable, par cohérence avec les positions que nous défendons.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-22 procède à plusieurs modifications de l'article qui crée une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports en commun, afin de reprendre des dispositions déjà votées à deux reprises par le Sénat.

M. Christophe Chaillou. - Nous y sommes défavorables, conformément à nos positions.

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Les amendements identiques COM-23 et COM-31 tendent à améliorer la cohérence juridique du dispositif visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagage sur les réseaux de transport.

M. Christophe Chaillou. - La définition même du caractère intentionnel de l'abandon et le caractère disproportionnel des sanctions prévues nous semblent vraiment baroques...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est un gag ! On va interroger le voyageur pour lui demander s'il a intentionnellement, ou non, oublié son bagage...

M. Guy Benarroche. - Nous présenterons des amendements en séance sur un certain nombre d'articles.

Concernant le dispositif proposé, je n'en comprends pas bien la logique. On ne va tout de même pas condamner à des peines les personnes qui oublient leur bagage ! La rapporteure devrait plutôt proposer la suppression de l'article 14.

M. François-Noël Buffet, président. - L'avis de la rapporteure aujourd'hui n'est pas de supprimer cet article.

Les amendements identiques COM-23 et COM-31 sont adoptés.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Les amendements identiques COM-24 et COM-32 ont un double objectif : d'une part, s'assurer que le délit nouvellement créé de bus-surfing et de train-surfing trouve à s'appliquer dans le cadre du transport ferroviaire comme routier ; d'autre part, permettre le prononcé d'une amende forfaire délictuelle pour améliorer l'effectivité de la réponse pénale à l'encontre de ce type de comportement.

Les amendements identiques COM-24 et COM-32 sont adoptés.

L'article 15 est ainsi rédigé.

Article 16

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-33 vise à substituer au dispositif initial de l'article 16 instituant un fichier recensant l'état civil des auteurs d'infractions un dispositif de transmission d'informations sur les auteurs par les agents de sûreté au ministère public.

La finalité est la même : faciliter le constat de la violation d'une interdiction de paraître dans les réseaux de transport. Le dispositif proposé dans l'amendement paraît cependant mieux adapté aux besoins opérationnels et cohérent avec les prérogatives de chacun des acteurs du continuum de sécurité.

L'avis est donc favorable. 

M. Christophe Chaillou. - Nous y sommes défavorables par cohérence avec les positions que nous avons adoptées.

L'amendement COM-33 est adopté.

L'article 16 est ainsi rédigé.

Article 17

L'amendement de précision rédactionnelle COM-26 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

L'article 18 est adopté sans modification.

Article 19

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'amendement COM-27 vise à renforcer les garanties qui entourent la mise en oeuvre du dispositif permettant la communication, par l'administration, de certaines données fiscales et sociales aux agents chargés du recouvrement des indemnités. Ce sont des sommes importantes qui sont en jeu !

L'amendement COM-27 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Nathalie Delattre. - Le groupe du RDSE salue le travail réalisé sur cette proposition de loi.

En cas de bagage abandonné, les services de sécurité incitent les voyageurs à se déplacer sur un côté de la gare : un attentat terroriste pourrait être bien plus meurtrier au vu de la concentration des personnes massées à cet endroit. Aucune doctrine de sécurité n'a été élaborée : les forces de sécurité se concentrent sur le bagage abandonné, et non sur les voyageurs présents dans la gare. Des recommandations devraient être données sur ce sujet, même s'il est difficile de le faire dans un texte législatif.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avec cette proposition de loi, nous avons essayé d'accompagner au mieux les forces de sécurité, mais nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire. Il faudrait maintenant envisager de donner un statut juridique particulier à l'espace public des gares afin de permettre le déploiement d'une véritable police des transports.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Chapitre Ier : Renforcer les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport

Article 1er

Mme BELLUROT, rapporteure

11

Rationalisation du cadre juridique d'autorisation de ces palpations en région Île-de-France

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Mme EUSTACHE-BRINIO

6 rect. bis

Extension aux services internes de sécurité privés des opérateurs de transports de la faculté d''injonction à quitter un véhicule ou une emprise de transport

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

7 rect. bis

Création d'une obligation pour les auteurs d'infractions de justifier leur identité et leur adresse à bord des véhicules de transport

Rejeté

Article 2

Mme BELLUROT, rapporteure

12

Encadrement des facultés d'intervention des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP aux abords immédiats de leurs emprises de transport

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme EUSTACHE-BRINIO

4 rect. bis

Autorisation aux services internes de sécurité privés des opérateurs de transports d'exercer leurs missions sur le voie publique

Rejeté

Article 3

Mme BELLUROT, rapporteure

13

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 4

Mme BELLUROT, rapporteure

14

Prolongation de la durée de validité de la certification nécessaire pour assurer la détection d'explosifs au sein des emprises de la SNCF et de la RATP pour la durée des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Adopté

Article 5

Chapitre II : Renforcer le continuum de sécurité pour une meilleure sécurisation de nos transports

Article 6

Mme BELLUROT, rapporteure

15

Faculté pour les exploitants des services de transports de conclure des conventions avec les communes pour encadrer le libre accès des agents de la police municipale aux espaces de transport et aux trains

Adopté

Article 7

Mme BELLUROT, rapporteure

16

Précision des finalités de l'accès d'Île-de-France Mobilités au CCOS

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

M. BAS

3

Limitation de l'application du document de référence et de tarification des prestations de sûreté aux prestations réalisées "à la demande" par la RATP

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

10 rect.

Limitation de l'application du document de référence et de tarification des prestations de sûreté aux prestations réalisées "à la demande" par la RATP

Rejeté

Chapitre III : Une sécurisation de l'offre de service par la technologie

Article 8

Mme BELLUROT, rapporteure

17

Autorisation sous condition du recours aux caméras-piétons dans le cadre d'interventions aux abords immédiats des emprises de transports pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP

Adopté

M. TABAROT

28

Autorisation sous condition du recours aux caméras-piétons dans le cadre d'interventions aux abords immédiats des emprises de transports pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 8

M. TABAROT

29

Expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

5 rect. ter

Expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars

Adopté

M. TABAROT

30

Mise en place d'un numéro unique d'alerte pour les usagers des transports

Adopté

Article 9

Mme BELLUROT, rapporteure

18

Expérimentation et encadrement de l'autorisation d'utilisation de traitements algorithmiques pour répondre plus efficacement aux réquisitions judiciaires

Adopté

Article 10

Mme BELLUROT, rapporteure

19

Suppression de l'article 10 relatif à la collecte et au traitement de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP

Adopté

Article 11

Mme BELLUROT, rapporteure

20

Suppression de l'article 11 visant à autoriser la captation du son dans les véhicules de transport

Adopté

Chapitre IV : De nouveaux dispositifs pénaux pour mieux réprimer les délits relatifs aux transports

Article 12

Mme BELLUROT, rapporteure

21

Sécurisation juridique du dispositif instituant un délit d'incivilité d'habitude

Adopté

Article 13

Mme BELLUROT, rapporteure

22

Divers ajustements au dispositif instituant une peine complémentaire d'interdiction de paraitre dans les transports en commun

Adopté

Article 14

Mme BELLUROT, rapporteure

23

Amélioration de la cohérence juridique du dispositif visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagages sur les réseaux de transports

Adopté

M. TABAROT

31

Amélioration de la cohérence juridique du dispositif visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagages sur les réseaux de transports

Adopté

Article 15

Mme BELLUROT, rapporteure

24

Amélioration de l'effectivité du dispositif instituant un délit de bus et trainsurfing

Adopté

M. TABAROT

32

Amélioration de l'effectivité du dispositif instituant un délit de bus et trainsurfing

Adopté

Chapitre V : Création d'un fichier administratif pour centraliser les auteurs d'infractions dans les transports

Article 16

M. TABAROT

33

Transmission d'informations au ministère public pour faciliter le constat de la violation d'une interdiction de paraître dans les réseaux de transport

Adopté

Chapitre VI : Mesures relatives à la sécurisation du recrutement et de l'affectation en lien avec les transports

Article 17

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BELLUROT, rapporteure

26

Amendement de précision rédactionnelle

Adopté

Chapitre VII : Mesures relatives au renforcement de la lutte contre la fraude dans les transports

Article 19

Mme BELLUROT, rapporteure

27

Renforcement des garanties applicables au dispositif de communication de données fiscales et sociales aux agents assermentés des opérateurs de transport

Adopté

Proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise - Examen du rapport et du texte proposé par la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Mes chers collègues, si une impression de déjà-vu vous saisit, n'ayez crainte ! Il n'y a là rien que de très normal puisque nous avons déjà délibéré sur ce dispositif. Nous voici donc réunis pour examiner de nouveau l'opportunité d'octroyer le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques des juristes d'entreprise.

Cette question est d'autant moins originale qu'elle agite les professions du droit depuis le début des années 1990. Elle a d'abord été formulée comme une question statutaire : alors que la fusion des professions d'avocat et de conseil juridique n'a pas prévu l'intégration à la première des juristes d'entreprise, l'hypothèse de la création du statut d'avocat en entreprise a longtemps été explorée, sans jamais aboutir. Qu'on le regrette ou non, cette indétermination n'a pas permis de trancher le débat sur l'un des principaux attributs liés au statut d'avocat dont ne bénéficient pas les juristes d'entreprise : la confidentialité des avis qu'ils rendent dans le cadre de leurs fonctions.

C'est ce débat que la présente proposition de loi entend clore définitivement. Ce faisant, elle reprend un dispositif que notre majorité sénatoriale a déjà adopté lors de l'examen du projet de loi de programmation et d'orientation du ministère de la justice, suivie en cela par l'Assemblée nationale.

Pour rappel, ce dispositif prévoyait l'octroi de la confidentialité aux consultations juridiques des juristes d'entreprise respectant quatre critères : la qualification, puisque le juriste d'entreprise qui les rédige devait être titulaire d'un master en droit ou équivalent ; la formation, puisqu'il devait avoir suivi des formations initiale et continue en matière de déontologie ; la destination, les consultations devant être adressées à certains membres de l'entreprise. Le quatrième critère était matériel : les consultations devaient porter une mention écrite les identifiant comme soumises à la confidentialité. L'apposition frauduleuse de cette mention était passible des sanctions prévues par le code pénal pour faux et usage de faux.

Les principales conséquences juridiques attachées à cette confidentialité étaient l'insaisissabilité et l'inopposabilité du document concerné dans le cadre de procédures ou litiges en matière civile, commerciale ou administrative. À l'inverse, la confidentialité ne pouvait être opposée en matière pénale ou fiscale.

Enfin, le dispositif que nous avions adopté prévoyait une procédure de levée de la confidentialité d'un document confidentiel saisi, placée selon le cas sous l'autorité du juge des libertés et de la détention (JLD) ou du président de la juridiction ayant ordonné la mesure d'exécution à l'occasion de laquelle la saisie est réalisée. Pour les décisions du JLD, le premier président de la cour d'appel du ressort pouvait être saisi en appel.

Ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel, en ce qu'il constituait - sans surprise ! - un cavalier législatif. La présente proposition de loi reprend donc le dispositif que nous avions adopté, en ne le modifiant qu'à la marge, sur quatre points : en prévoyant une définition de la consultation juridique ; en étendant la confidentialité aux « documents préparatoires » ; en élargissant le nombre de destinataires des consultations juridiques par l'ajout des responsables de service opérationnel de l'entreprise ; et en abaissant la condition de qualification, une simple maîtrise permettant à un juriste d'entreprise de revêtir ses consultations juridiques de la confidentialité.

Cela ne vous surprendra guère, je vous proposerai d'adopter cette proposition de loi, en cohérence avec la position déjà adoptée par notre majorité et le Parlement à l'automne dernier. Sauf à faire peu de cas de nos précédentes délibérations, il me paraîtrait particulièrement paradoxal de rejeter un texte aussi similaire à celui que nous avions adopté.

Pour autant, je sais que le dispositif a suscité deux réactions inquiètes.

D'une part, la profession d'avocat est divisée sur ce sujet, le Barreau de Paris y étant favorable alors que la Conférence des bâtonniers et le Conseil national des barreaux (CNB) y sont opposés.

D'autre part, certaines autorités administratives indépendantes (AAI) craignent que la confidentialité ainsi octroyée aux consultations juridiques n'obère leurs pouvoirs d'enquête et de contrôle.

Tout en réaffirmant notre accord avec le dispositif que nous avons déjà adopté, il me paraît important que notre commission puisse apporter des réponses à ces inquiétudes.

C'est notamment l'objet du premier des amendements que je vous proposerai d'adopter. Il vise à expliciter clairement notre intention de ne pas créer une nouvelle profession juridique : la suppression de la mention de la déontologie dans la condition de formation des juristes d'entreprise et de la commission afférente à celle-ci me paraît à cet égard donner un gage supplémentaire en la matière.

Il prévoit également de renforcer la procédure de contestation et de levée de la confidentialité, en particulier en évitant que le document dont la confidentialité est alléguée ne demeure pas dans les locaux de l'entreprise, qui pourrait ensuite l'altérer. Le recours à un tiers de confiance, en la personne d'un commissaire de justice, m'a paru à même de régler la difficulté ainsi posée.

Plus généralement, mes trois amendements ont quatre objectifs.

En premier lieu, je vous propose de renforcer les conditions ouvrant le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques des juristes d'entreprise. À cet égard, outre la suppression de la mention de la déontologie dans la formation que j'ai déjà évoquée, mon premier amendement tend à revenir sur deux ajouts problématiques de la proposition de loi. Ainsi, il prévoit le renforcement de la condition de qualification : seuls les juristes d'entreprise titulaires d'un master en droit, et non d'une maîtrise, me paraissent devoir bénéficier de cette confidentialité. Par ailleurs, il restreint le champ des destinataires des consultations juridiques susceptibles d'être revêtues de la confidentialité. L'ajout par la proposition de loi à la liste des destinataires des « responsables de service opérationnel », fonction mal identifiée dans le droit en vigueur, paraît ainsi préjudiciable au dispositif.

Pour le respect de ces deux conditions, je vous soumettrai un amendement prévoyant des dispositions transitoires - une clause « du grand-père » comme on pourrait l'appeler familièrement - pour les juristes d'entreprise ayant déjà achevé leur formation initiale.

En deuxième lieu, je vous proposerai de préciser les conséquences juridiques générales attachées à la rédaction par les juristes d'entreprise de consultations juridiques confidentielles.

À cette fin, l'amendement prévoit la modification de la sanction pénale attachée à l'apposition indue de la mention « confidentiel - consultation juridique - juriste d'entreprise », la sanction pour faux et usage de faux me paraissant moins pertinente que celle qui est déjà prévue par le législateur pour la violation des conditions d'exercice de la profession de juriste d'entreprise. Je souhaite ainsi aligner la sanction sur celle qui existe déjà.

L'amendement apporte également une précision destinée à corriger ce qui semblait être une erreur de plume : limiter, comme le prévoyait la proposition de loi initiale, l'inopposabilité de la confidentialité aux procédures en matière pénale « et » fiscale serait excessivement restreint. Je vous propose de revenir à la rédaction adoptée par le Parlement pour prévoir que la confidentialité est inopposable en matière pénale « ou » fiscale.

En troisième lieu, je vous proposerai de consolider la procédure de contestation ou de levée de la confidentialité. Au-delà du recours, que j'ai déjà évoqué, à un commissaire de justice en cas de saisie d'une consultation juridique confidentielle, j'ai souhaité prévoir une procédure ad hoc pour le cas où la confidentialité a été opposée dans le cadre d'un droit de communication exercé par une autorité administrative : une telle procédure me paraissait ainsi faire défaut.

En consolidant cette procédure, nous avons souhaité sécuriser un cadre juridique qui paraissait insuffisamment précis. Il pourra peut-être l'être davantage en séance, mais j'ai d'ores et déjà souhaité témoigner de notre volonté de ne pas faire de la confidentialité des consultations juridiques une entrave aux pouvoirs d'enquête et de contrôle des autorités administratives.

En dernier lieu, mes amendements tendent à procéder à quelques précisions nécessaires : les modalités d'entrée en vigueur, mais également la suppression de la définition proposée de la consultation juridique, dont l'utilité comme le contenu ne me paraissent pas pertinents, et la substitution à la notion de « documents préparatoires » celle plus précise de « versions successives ».

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements que je soumets à votre examen, je vous propose d'adopter la présente proposition de loi. Je saisis cette occasion pour remercier l'auteur de la proposition de loi, Louis Vogel, pour nos échanges fructueux sur ce sujet. Conformément au gentleman's agreement, il a accepté les amendements que je lui ai proposés.

Mme Agnès Canayer. - Je soutiens cette proposition de loi équilibrée. Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, nous avions alors introduit un dispositif similaire non pas pour donner du grain à moudre au Conseil constitutionnel - même si nous connaissions les risques encourus -, mais pour répondre à une attente forte des entreprises. Un travail important avait alors été mené sur le sujet avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Louis Vogel a repris nos propositions dans le texte qui nous est soumis. Le dispositif est aujourd'hui arrivé à maturité, et il permet de répondre aux craintes des avocats. Nous instaurons non pas une nouvelle profession juridique réglementée, mais une confidentialité contrôlée sur la consultation des juristes d'entreprise, afin de leur permettre d'alerter les chefs d'entreprise sur les risques sans s'auto-incriminer.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je remercie l'auteur de la proposition de loi et la rapporteure pour la qualité de leur travail. L'objet du texte est clairement défini - la confidentialité de la consultation des juristes d'entreprise -, et il n'y a rien à en redire, d'autant que vous avez écarté l'inopposabilité de la confidentialité en matière pénale et fiscale, excessivement restrictive et qui m'avait inquiété au départ.

Je m'interroge sur deux points.

Vous avez évoqué le débat qui plane au-dessus de notre sujet : le lien entre la profession d'avocat et celle de juriste d'entreprise. La profession d'avocat a des positions contradictoires en son sein, et les juristes d'entreprise ne sont pas forcément plus clairs. Je me demande si l'adoption de la proposition de loi conduira à la convergence entre les deux professions ou si, à l'inverse, les juristes d'entreprise ayant obtenu le bénéfice de la confidentialité, le sujet du rapprochement sera maintenant clos. Nous n'avons pas d'idée quant à l'après. Il aurait peut-être fallu prévoir une application à moyen terme de la loi - je pense à un délai de deux ans - afin de permettre aux professions d'en tirer les conséquences.

Vous avez écarté du texte les dispositions qui pourraient conduire à la création d'une nouvelle profession. Je suis choqué que la profession d'avocat, assujettie aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ne fasse quasiment aucune déclaration de soupçon à Tracfin, tout comme je suis frappé de voir que les juristes d'entreprise, eux aussi confrontés à la circulation de l'argent et aux difficultés inhérentes, ne se sentent pas concernés par ces obligations de déclaration.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bien qu'étant avocate, je tiens à préciser que je ne m'exprime pas ici au nom d'une quelconque organisation représentative d'avocats.

L'exclusion de la confidentialité dans les procédures pénales ou fiscales est évidemment indispensable ; la confidentialité reste donc applicable dans le cadre des litiges civils, commerciaux et administratifs - y compris les procédures menées par les autorités administratives indépendantes, en particulier l'Autorité des marchés financiers (AMF), l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité de la concurrence.

La confidentialité conduit donc à limiter le pouvoir de contrôle de ces autorités, ce qui entraîne plusieurs inconvénients.

D'abord, le régime probatoire serait différent pour ces autorités de contrôle et pour le parquet national financier (PNF).

Ensuite, un recours en manquement pourrait être exercé par la Commission européenne si elle estime que le legal privilege entrave les pouvoirs d'enquête de ces autorités dans le cadre de procédures européennes. Alors que notre pays a candidaté pour accueillir la future autorité européenne de lutte contre le blanchiment d'argent, il est paradoxal de vouloir réduire les pouvoirs de contrôle de l'ACPR. La création de l'Agence française anticorruption visait à répondre à l'extraterritorialité du droit américain en la matière : c'est en démontrant que la France a un régime juridique stable que nous pourrons nous épargner cette intrusion.

Enfin, il est erroné de prétendre que le dispositif vise simplement à aligner le régime juridique français sur ce qui est prévu dans les autres pays européens. Quatre pays prévoient le legal privilege pour les juristes d'entreprise, mais pour trois d'entre eux il s'agit d'une profession réglementée.

Nous présenterons un amendement pour que les autorités de contrôle bénéficient d'une dérogation. Tel est d'ailleurs l'objet d'un courrier qu'elles ont adressé conjointement au Premier ministre.

Pour finir, je m'interroge sur le champ d'application précis du texte. À qui la confidentialité va-t-elle concrètement bénéficier dans l'entreprise ?

M. Philippe Bas. - Nous n'avons à être le relais ni d'une profession ni des autorités administratives, qui cherchent à étendre leurs pouvoirs d'action. Cette proposition de loi doit permettre aux entreprises de mettre en place de nouvelles procédures d'autorégulation, lesquelles leur sont imposées par des législations de plus en plus nombreuses. Ces procédures reposent sur une cartographie des risques, ce qui suppose de mettre en évidence des anomalies, voire des irrégularités, et de chercher à les corriger. Le contrôle interne repose sur une forme de confiance à l'égard des entreprises, mais suppose des règles de confidentialité pour être vraiment efficace.

Je soutiens ce texte, et je me réjouis que son auteur se soit entendu avec notre rapporteure. Je recommanderai la prudence dans la manière dont nous accueillons les revendications d'institutions ou de professions.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je fais miennes les inquiétudes soulevées par Marie-Pierre de La Gontrie. Je salue l'auteur de la proposition de loi et notre rapporteure, qui a retravaillé le dispositif pour tenir compte des craintes exprimées.

Il est en effet important de répondre aux inquiétudes des professions et les organismes de contrôle, qui se demandaient si nous n'étions pas en train de rapprocher le régime d'une profession au statut de la profession réglementée d'avocat.

En ce qui concerne Tracfin, monsieur Bonnecarrère, je vous indique que la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) surveille le maniement des fonds.

Il serait intéressant d'avoir le retour des parties concernées sur les amendements proposés, lesquels vont, à mon avis, dans le bon sens.

M. Louis Vogel, auteur de la proposition de loi. - Je remercie la rapporteure pour notre travail commun qui a permis d'aboutir à un texte équilibré. Il ne met pas en cause les pouvoirs d'investigation des AAI,...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Un peu quand même !

M. Louis Vogel. - ... mais permet de prendre en compte un nouveau droit en train de naître : celui de la conformité, ou la compliance, qui fait peser l'application de la norme sur les juristes d'entreprise. Pour leur permettre de faire leur travail, il faut leur donner un certain nombre de garanties. La seule chose qui changera pour les AAI, c'est qu'elles ne pourront pas saisir les mises en garde des juristes pour incriminer l'entreprise.

Les textes sur la responsabilité sociétale des entreprises, sur l'égalité des femmes et des hommes et sur la corruption sont mis en oeuvre non pas directement par l'État, mais par l'entreprise. Il n'y a pas de norme générale, tout dépendra de la situation de l'entreprise, du secteur dans lequel elle évolue... L'État se décharge ainsi d'un certain nombre de missions de contrôle, mais le droit pénal reste entre ses mains, et le non-respect de toutes ces dispositions est au final pénalement sanctionné.

Monsieur Bonnecarrère, sur le rapprochement des professions, Jean-Denis Combrexelle a parfaitement résumé la situation. Chargé de la question de la justice sociale et économique et, à ce titre, de la confidentialité des consultations juridiques dans le cadre des États généraux de la justice, il n'imaginait la création d'un statut de l'avocat en entreprise qu'en dernier recours, si la réforme de la confidentialité des avis juridiques n'était pas suffisante. Nous en sommes au stade préalable : il faut voir comment le dispositif fonctionne avant d'aller éventuellement plus loin.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le point de départ de ce dispositif est notamment, comme l'a montré le rapport de notre ancien collègue député Raphaël Gauvain, que les entreprises souhaitaient la mise sur pied d'un dispositif de confidentialité pour se prémunir des ingérences étrangères - les lois de blocage ayant montré leurs limites en la matière.

En ce qui concerne la mise en conformité avec les normes que nous créons, il faut permettre aux juristes d'attirer l'attention sur les fragilités des entreprises, et pour cela la confidentialité est nécessaire. Sinon, les AAI prennent tout dans leur filet lorsqu'elles cherchent une pratique délictueuse...

Nous avons prévu l'intervention de la procédure du tiers de confiance, le commissaire de justice, lequel saisirait les documents dont la confidentialité est alléguée : charge au juge de se prononcer, soit sur le caractère effectivement confidentiel - au regard des critères que nous posons - du document, soit sur la levée de cette confidentialité lorsqu'il estime que le document a eu pour finalité d'inciter ou de faciliter la commission d'un manquement.

Les missions d'avocat et de juriste sont complémentaires : l'avocat intervient ponctuellement pour une mission spécifique, alors que le juriste travaille en continu dans l'entreprise. Le Barreau de Paris est favorable au texte, car il sait que les entreprises concernées sont leurs clients : lorsqu'il faudra décider ce qui est confidentiel de ce qui ne l'est pas, les deux parties seront assistées de leur avocat ! La confidentialité s'attache aux documents, et non à la personne qui l'émet.

L'entrée en vigueur est prévue dans un an. Les juristes n'ont pas clairement exprimé le souhait d'aller vers un statut d'avocat d'entreprise ; en revanche, une partie des avocats, et en particulier la Conférence des bâtonniers ne sont pas prêts, contrairement au Barreau de Paris.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de la proposition de loi inclut les dispositions relatives aux consultations juridiques rédigées par les juristes d'entreprise.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à renforcer les conditions ouvrant le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques. Seuls les juristes d'entreprise titulaires d'un master en droit pourront voir leurs consultations bénéficier de cette confidentialité. Une clause du grand-père sera prévue dans un article additionnel suivant.

L'amendement tend ensuite à modifier les conséquences juridiques générales attachées à la rédaction de consultations confidentielles par les juristes d'entreprise, notamment en modifiant la sanction pénale prévue dans le texte.

Il vise également à préciser la procédure de levée de la confidentialité d'une consultation juridique, avec l'intervention du tiers de confiance ou du juge.

Enfin, il apporte certaines précisions juridiques : il supprime ainsi la définition de la consultation juridique, qui pourrait poser problème alors que la jurisprudence sur le sujet est claire.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article unique

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-2 porte sur les dispositions transitoires, avec la clause du grand-père.

L'amendement COM-2 est adopté et devient article additionnel.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-3 prévoit que l'entrée en vigueur aura lieu au plus tard un an après la promulgation de la loi.

L'amendement COM-3 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme VÉRIEN, rapporteure

1

Consolidation juridique du dispositif

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

Mme VÉRIEN, rapporteure

2

Dispositions transitoires

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

3

Entrée en vigueur

Adopté

Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales - Examen du rapport et du texte proposé par la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales.

M. Hussein Bourgi, rapporteur. - Nous le savons tous, les élus locaux rencontrent des difficultés grandissantes pour lancer les projets d'investissement dont leurs administrés ont pourtant cruellement besoin. Cette situation touche particulièrement les communes rurales, dont les budgets sont les plus contraints, alors même que leurs besoins en termes d'équipement, d'aménagement et de réhabilitation ne cessent de croître.

Ce constat s'explique en partie par l'érosion des ressources financières des collectivités locales, mais également par l'existence de règles trop rigides, introduites afin de limiter la pratique des financements croisés, mais qui pénalisent aujourd'hui l'investissement des communes rurales. Il est louable de chercher à éviter les effets d'aubaine, mais cette volonté vient parfois entraver les marges de manoeuvre des communes.

La règle de participation financière minimale des collectivités territoriales aux projets d'investissement dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage, issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite « loi RCT », illustre parfaitement cette problématique. En effet, cette règle impose aux collectivités territoriales de participer à hauteur de 20 % minimum aux projets d'investissement qu'elles lancent en qualité de maître d'ouvrage. Ce taux est apprécié au regard de l'ensemble des financements publics - intercommunalité, département, région, État.

Le reste à charge de 20 % apparaît souvent disproportionné pour les communes rurales. Au cours des auditions que j'ai conduites, de nombreux élus ruraux m'ont indiqué devoir différer, voire renoncer à lancer certains projets d'investissement pourtant indispensables en raison de ces restes à charge. À titre d'exemple, le reste à charge pour la restauration d'une église classée ou inscrite aux monuments historiques représente parfois l'équivalent de trois années de budget pour ces communes. Le dilemme est le suivant pour les équipes municipales : soit elles décident de restaurer ce patrimoine multiséculaire remarquable et il faut alors passer sous les fourches caudines de l'architecte des bâtiments de France (ABF) et de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), en faisant l'impasse sur tout autre investissement important pendant trois ans ; soit elles délaissent le patrimoine pour procéder à d'autres investissements, ce qui entraîne des critiques acerbes des administrés, de la presse ou des touristes.

Plusieurs mécanismes de dérogation ont été introduits par le législateur pour permettre une application moins rigide de cette règle.

Certaines dérogations sont appliquées automatiquement : les collectivités ultramarines ne sont ainsi pas tenues de respecter cette règle, pour tenir compte de leurs difficultés budgétaires structurelles.

D'autres sont accordées au cas par cas par le préfet de département. Celui-ci peut, par exemple, accorder des dérogations au taux de participation minimale de 20 % pour la réparation des dégâts provoqués par les calamités publiques, notamment lorsqu'il estime que la participation minimale est disproportionnée au regard de la capacité financière du maître d'ouvrage.

Introduite dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique par notre collègue Françoise Gatel, cette possibilité de dérogation est toutefois peu connue, tant des maires et de leurs associations que des préfets. En outre, les demandes de dérogations sont complexes à formuler. Ainsi, en raison de ces difficultés, en 2022, seule une centaine de dérogations ont été octroyées, pour un total de 22 000 projets d'investissement lancés ! J'ai suggéré aux associations de maires de prévoir une communication sur ce sujet.

La proposition de loi présentée par nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, dont je tiens à saluer le travail, vise précisément à répondre à cette problématique en créant une nouvelle dérogation, destinée aux communes rurales.

L'article unique de cette proposition de loi prévoit d'exonérer intégralement les communes rurales de l'obligation de participation minimale du maître d'ouvrage, sur le modèle de l'exonération intégrale et permanente dont bénéficient déjà les collectivités ultramarines.

Les communes concernées par cette dérogation seraient : les communes métropolitaines dont la population n'excède pas 2 000 habitants ; les communes métropolitaines dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 5 000 habitants, si elles n'appartiennent pas à une unité urbaine ou si elles appartiennent à une unité urbaine dont la population n'excède pas 5 000 habitants ; et enfin, certaines communes des départements d'outre-mer n'apparaissant pas sur la liste des communes urbaines ultramarines qui figure en annexe du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Je suis bien évidemment favorable à la création de cette dérogation pour les communes rurales, car le besoin est clairement identifié. Je note d'ailleurs que cette proposition de loi répond à une préoccupation exprimée par le Sénat dès l'introduction de cette règle en 2010. Dans son rapport, notre collègue de la commission des finances, Charles Guené, alors rapporteur pour avis de la loi RCT, se demandait déjà : « Est-il possible d'appliquer aux petites communes rurales les mêmes règles en matière de cofinancement qu'à de vastes communes riches ? »

Je vous proposerai par conséquent de voter ce texte, sous réserve de l'adoption de deux amendements.

Le premier vise à préciser le champ de la dérogation créée à destination des communes rurales.

Il m'est apparu nécessaire, d'abord, de supprimer la référence à un article réglementaire du CGCT, pour inscrire directement dans la loi les communes concernées par cette dérogation. J'ai souhaité centrer cette dérogation uniquement sur les communes de moins de 2 000 habitants, afin de cibler les communes rurales dont les budgets sont les plus contraints et qui ne peuvent, à l'heure actuelle, lancer aucun des investissements pourtant nécessaires.

Je vous proposerai par ailleurs, dans le même amendement, de remplacer l'exonération intégrale prévue par la proposition de loi par une participation minimale de 5 % aux opérations d'investissement dont les communes concernées assurent la maîtrise d'ouvrage. Il m'a en effet semblé, à l'issue des auditions que j'ai menées, qu'une participation minimale devait être conservée pour responsabiliser les conseils municipaux sur les choix des investissements à réaliser.

Je vous soumettrai enfin un amendement visant à supprimer le gage financier, prévu par le second alinéa de l'article unique de cette proposition de loi, qui n'apparaissait pas nécessaire.

Ces deux amendements ont été préparés en parfait accord avec les auteurs de la proposition de loi.

En revanche, nous avons une divergence sur un amendement que je vous proposerai en vue de la séance publique. En effet, conformément au gentleman's agreement applicable aux espaces réservés aux groupes minoritaires, nous n'adoptons pas, au stade de l'examen du texte de la commission, des amendements qui n'auraient pas recueilli l'aval des auteurs du texte.

Il me semble en effet souhaitable de limiter le champ des projets d'investissement pouvant ouvrir le bénéfice de la dérogation, afin de cibler les projets les plus structurants et d'éviter de subventionner des projets dont l'importance n'est pas certaine ou qui serviraient à la pratique d'une activité récréative ou ludique : des terrains de tennis ou de football, par exemple.

L'objectif est de prévoir que les communes rurales bénéficieront de la dérogation créée pour les projets en matière de rénovation du patrimoine, d'eau et d'assainissement, de rénovation thermique des bâtiments, de ponts et d'ouvrages d'art, de voirie ou encore de protection contre les incendies. En raison des 20 % de reste à charge, de nombreux maires se plaignent par exemple de ne pouvoir utiliser les subventions du fonds vert, dont ils craignent l'extinction dans les années qui viennent, pour effectuer les travaux de rénovation thermique de l'école ou de la mairie.

Je terminerai en rappelant que, si cette proposition de loi constitue indéniablement un progrès et permettra aux communes rurales de lancer enfin certains projets d'investissement, elle ne suffira pas à elle seule à résoudre l'ensemble des problèmes que rencontrent les élus locaux.

D'autres difficultés freinent l'investissement des collectivités territoriales, à commencer par celle relative au remboursement des avances de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui pose des problèmes récurrents de trésorerie. Les maires que j'ai pu entendre au cours des auditions m'ont ainsi indiqué que ces avances de TVA n'étaient parfois remboursées que l'année suivante, voire l'année n+°2 !

Ces remarques effectuées et au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi amendée.

Mme Muriel Jourda. - Je remercie le rapporteur pour son travail. La proposition de loi revient donc à permettre aux communes de moins de 2 000 habitants d'obtenir 15 % de subventions supplémentaires pour des projets dont nous discuterons du périmètre en séance. Par qui seront payés ces 15 % supplémentaires ? Dans les territoires ruraux, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) jouent un rôle important. Au cours de vos auditions, avez-vous obtenu des informations sur une éventuelle augmentation du volume de ces dotations pour faire face aux demandes ? Sinon, cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul...

Je ne nie pas la nécessité de fixer un seuil pour la taille des communes concernées. Mais une commune de 2 200 habitants est confrontée aux mêmes difficultés qu'une commune de 2 000 habitants... On risque de retirer des subventions à des communes qui en ont tout autant besoin si les enveloppes de la DETR et la DSIL ne sont pas augmentées.

M. Olivier Bitz. - Merci pour le travail effectué.

La proposition de loi vise à contrer le fait que les dérogations existantes ne sont actuellement pas appliquées. Il faudrait donc une loi pour faire appliquer des dérogations existantes... Est-ce bien utile au moment où l'on parle de production normative excessive et d'inflation législative ?

Notre assemblée a voté à l'unanimité, le 14 décembre dernier, la proposition de loi, transpartisane, portée par Nadège Havet, tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires. L'objet de ce texte était de réduire de 20 % à 10 % le reste à charge pour le maître d'ouvrage. Nous nous étions alors tous félicités d'avoir donné la priorité au secteur scolaire. Le rapporteur Stéphane Sautarel avait évoqué la nécessité de maintenir un taux raisonnable de participation pour éviter le lancement de projets dont les coûts de fonctionnement seraient ensuite difficiles à supporter pour la collectivité. Quelle est la cohérence avec le texte que nous examinons aujourd'hui ?

Sur la question du seuil, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la volonté du rapporteur de réserver la dérogation aux seules communes de moins de 2 000 habitants. Ainsi, la commune de Plan-d'Aups-Sainte-Baume, qui compte 2 200 habitants, devait entretenir l'accès au site de la grotte de la Sainte-Baume : elle n'avait absolument pas les moyens de payer les 3 millions d'euros de travaux. Alors sous-préfet de Brignoles, j'ai passé un accord avec la région pour que celle-ci et l'État puissent prendre en charge, à hauteur de 50 % chacun, l'intégralité de cette somme. Cette solution n'aurait pu être mise en oeuvre s'il avait fallu prévoir une participation minimale de la commune.

Je suis d'accord avec Muriel Jourda : s'agissant de la DETR et de la DSIL, nous parlons d'enveloppes fermées. Si l'on finance davantage certains projets, ce sera au détriment d'autres. Un gage n'est pas nécessaire en l'absence de dépense nouvelle. Dans le département de l'Orne, ces enveloppes ont été multipliées par trois en dix ans.

Il faut également se poser la question de la délégation de la maîtrise d'ouvrage, car une collectivité qui a du mal à financer un investissement a souvent des difficultés à assurer sa maîtrise d'ouvrage.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercie également le rapporteur pour le travail qu'il a effectué.

La proposition de loi doit permettre à certaines communes de réaliser certains investissements qu'elles ne peuvent actuellement effectuer. Un grand nombre de dossiers DETR-DSIL ne concerne pas les communes très rurales. Il s'agit de rééquilibrer l'attribution de ces fonds d'État en direction de ces dernières.

Le rapporteur souhaite restreindre les dossiers éligibles à cette aide complémentaire pour éviter des effets d'aubaine et une forme d'irresponsabilité qui pourrait se développer si l'autofinancement était réduit à zéro. Je signale que certaines communes rurales sont riches : dans un souci de préserver le fléchage de ces financements vers les communes rurales qui en ont le plus besoin, il faudrait introduire un élément relatif au potentiel financier.

Mme Nathalie Delattre. - J'ai moi aussi des interrogations sur le seuil. Dans certains départements, comme la Lozère, les communes sont très petites, souvent de quelques dizaines d'habitants : tout le département sera concerné par la dérogation.

Le CGCT prévoit déjà des dérogations, mais les disparités existent. La problématique de l'enveloppe se pose toujours lorsque nous discutons des dérogations en commission DETR-DSIL. On en déshabille certains pour en habiller d'autres !

C'est là le bémol de cette proposition de loi, que j'ai pourtant cosignée. Il faudrait pouvoir développer des mécanismes d'alerte pour faire remonter les demandes de nos territoires.

Je m'interroge sur le seuil d'habitants retenu, mais aussi sur l'abaissement de la participation minimale et ses conséquences sur la DETR et la DSIL. Je constate que vous ne parlez pas du fonds vert, monsieur le rapporteur. Est-il concerné par la dérogation en matière thermique que vous souhaitez intégrer ?

M. Hussein Bourgi, rapporteur. - Bien sûr !

Mme Nathalie Delattre. - À défaut, il faudrait se tourner vers la DETR pour bénéficier de l'intégralité de l'enveloppe.

M. Pierre-Alain Roiron. - Cette proposition de loi touche un sujet profondément ancré dans la gestion des territoires : l'équilibre entre la responsabilisation des collectivités dans leurs projets d'investissement et la nécessité de maîtriser la dépense publique à l'échelle locale.

L'article L. 1110-10 du CGCT impose une contribution minimale de 20 % au total des financements publics pour la réalisation d'un projet. Nous partageons avec les auteurs du texte un constat clair : l'application de ce principe, pour limiter la pratique des financements croisés et encourager une meilleure responsabilité des élus, présente des défis disproportionnés pour nombre de communes rurales. Ces dernières, déjà en proie à des contraintes financières très significatives, se voient ainsi freinées dans leur capacité à mener des projets d'investissement essentiels à leur développement. En ce sens, la proposition de loi est pleinement pertinente.

Cependant, le texte appelle une réflexion plus nuancée quant à ses applications. Ses auteurs justifient l'introduction de cette dérogation par une application insuffisante des dérogations existantes, conduisant à l'arrêt de nombreux projets d'investissement. Cela soulève la question de l'efficacité du cadre législatif actuel en matière de financement des projets locaux : si les dérogations existantes ne sont pas pleinement exploitées, il convient de s'interroger sur les obstacles à leur mise en oeuvre et de rechercher des solutions adaptées.

Par ailleurs, l'exonération proposée couvrirait une large part des communes françaises, soit environ 29 000, rendant de facto le principe de la participation minimale obsolète. Une telle généralisation pourrait masquer des disparités réelles entre les communes et ainsi ne pas répondre de manière équitable aux défis spécifiques de chacune. La préservation d'une participation minimale à hauteur de 5 % serait la bienvenue.

Enfin, sur le plan formel, le texte renvoie à un décret pour définir l'application de l'exonération. Cette approche, bien que flexible, pourrait entrer en contradiction avec la volonté du législateur en permettant des ajustements réglementaires qui modifient l'esprit de la loi. Il est donc essentiel que la rédaction finale du texte garantisse clarté et stabilité du cadre législatif.

Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe soutiendra cette proposition de loi, convaincu de son importance pour les communes rurales. Nous sommes attentifs aux réserves exprimées et souhaitons que les débats à venir enrichissent et précisent le texte, afin qu'il puisse répondre au mieux aux enjeux de solidarité territoriale et au développement local.

M. Hussein Bourgi, rapporteur. - Il ne faut pas uniquement concentrer notre attention sur les enveloppes de la DETR, de la DSIL et du fonds vert.

Pour exemple, une commune sinistrée a sollicité l'État, la région et le département, lesquels ont procédé à une répartition tripartite du soutien financier. L'État a notifié sa participation le premier, suivi par la région : la commune bénéficiait ainsi de 60 % de soutien financier. En revanche, elle ne pouvait plus recevoir 30 % de participation de la part du département, comme prévu initialement, puisque le total du soutien financier ne peut excéder 80 %. Le département a alors demandé au maire de lui présenter un autre dossier, ce qu'il n'était pas en mesure de faire. La participation du département s'est donc limitée à 20 % et les 10 % perdus ont considérablement affecté le budget de la commune.

La manière dont nous abordons ce sujet ne doit pas nous conduire à raisonner uniquement sur les aides de l'État. N'oublions pas les soutiens que les autres collectivités sont en mesure d'apporter : je pense notamment aux financements de l'Union européenne qui transitent par la région.

On constate une relative stabilité de la DETR et de la DSIL. La rigueur intellectuelle m'oblige à dire que le fonds vert, qui est une création nouvelle, est très largement abondé. Il existe une augmentation substantielle des sommes versées aux collectivités lorsqu'on additionne les aides département par département. Mais les petites communes sont laissées à la porte : elles peinent à émarger sur le fonds vert, car c'est celui sur lequel le préfet a le plus de marges de manoeuvre - ce sont souvent les grandes collectivités et celles qui ne sont éligibles ni à la DETR ni à la DSIL qui bénéficient du fonds vert en priorité.

Au travers de cette proposition de loi, et dans la perspective du prochain projet de loi de finances, nous appelerons le Gouvernement à abonder les enveloppes de la DETR et de la DSIL afin qu'elles permettent de répondre aux demandes.

Dans beaucoup de lieux, ce sont les préfets qui, autoritairement, récupèrent les dossiers et les flèchent vers le fonds vert pour alléger la pression qui pèse sur la DSIL et la DETR. C'est bien d'argent public qu'il s'agit.

Concernant la dérogation introduite par la loi dite « Engagement et proximité » de 2019, celle-ci concerne uniquement les travaux effectués à la suite de calamités naturelles, en l'occurrence des intempéries. Il s'agit de cas très exceptionnels.

Le nombre d'arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pris en 2022 est peu élevé par rapport au nombre de communes affectées par les diverses calamités - incendies ou grêle par exemple. Seules 100 dérogations ont été accordées pour toute la France : on ne peut pas s'en satisfaire ! Une trentaine de dérogations concernait des communes urbaines, pour répondre aux émeutes de juin dernier. Pour le reste, on comptait deux dossiers pour des départements et seulement quarante pour des communes rurales.

En conclusion, la dérogation qui a vocation à accompagner les communes affectées par des intempéries et des catastrophes naturelles n'est pas connue, et donc pas suffisamment mise en oeuvre.

La proposition de loi de Nadège Havet concerne toutes les communes. La nôtre concerne uniquement les communes de moins de 2 000 habitants. Ces deux textes ne sont pas contradictoires : notre dispositif est tout simplement plus avantageux pour les communes de moins de 2 000 habitants.

Monsieur Arnaud a fait une proposition pleine de bon sens sur le potentiel financier des communes. En effet, certaines petites communes de moins de 2 000 habitants sont riches grâce à leur physionomie et leurs activités, notamment touristiques, qui peuvent engendrer parfois d'importantes retombées économiques. Nous aurons l'occasion de parfaire ce point d'ici le débat en séance.

S'agissant des seuils, on est toujours confrontés à de cruels dilemmes lorsqu'on doit en fixer. Les représentants du ministère ne se sont pas montrés favorables à cette proposition de loi. Si toutefois elle devait être retenue, ils ont suggéré, au doigt mouillé, de fixer un seuil de 500 habitants.

Je m'en suis surtout remis aux maires des communes du Nord, du Pas-de-Calais, du Loiret, d'Indre-et-Loire et de l'Hérault, entendus au cours des auditions que j'ai menées, qui proposaient de fixer un seuil de 2 000 habitants, comme le souhaitaient les auteurs du texte.

Enfin, je reviendrai sur l'exemple de la grotte qui, typiquement, révèle ce qui reste du pouvoir souverain du préfet. Celui-ci peut, à titre exceptionnel - cela ne peut ni concerner plusieurs dossiers par an ni se produire chaque année -, financer ou cofinancer tel ouvrage ou tel équipement jusqu'à 100 %.

C'est pourquoi la présente proposition de loi laisse la possibilité aux communes, aux départements, aux intercommunalités et aux régions de chercher les financements les plus larges. L'idée est d'éviter de laisser aux communes un reste à charge trop important.

J'ai bien entendu les observations de notre collègue Pierre-Alain Roiron sur les dérogations qui ne sont pas connues.

Notre mission, en tant que parlementaires, consiste à faire de la pédagogie, à porter l'information auprès des maires au moyen de newsletters, de rencontres et de participations aux assemblées générales des communes rurales.

C'est en s'adressant aux publics concernés que nous parviendrons à les inciter à activer les dispositifs existants - en espérant qu'elle puisse être votée en séance publique la semaine prochaine.

M. François-Noël Buffet, président. - Avant d'examiner les amendements, il me revient de vous indiquer que le périmètre indicatif de la proposition de loi inclut les dispositions relatives à la participation minimale des collectivités territoriales aux projets d'investissement dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Les amendements COM-1 et COM-2 sont adoptés.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BOURGI, rapporteur

1

Précisions relatives au champ de la dérogation au taux de participation minimale à destination des communes rurales

Adopté

M. BOURGI, rapporteur

2

Suppression du gage financier

Adopté

Mission d'information sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023 - Audition de MM. Djigui Diarra, réalisateur du court-métrage Malgré eux (2017) et David Dufresne, réalisateur des documentaires Quand la France s'embrase (2007) et Un pays qui se tient sage (2020)

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous arrivons bientôt au terme des travaux de la mission d'information instituée pour comprendre les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, l'idée étant d'y apporter un regard qui dépasse largement les matières relevant de la compétence directe de la commission des lois. Dans ce cadre, nous avons entendu une grande diversité de personnalités - des professeurs d'université, des sociologues, des maires - et nous nous sommes déplacés sur le terrain, comme à Laval et Vénissieux, des communes qui ont connu des violences importantes.

Nous recevons ce matin Djigui Diarra et David Dufresne, qui ont réalisé des documentaires ayant pour cadre et objet d'analyse des banlieues. L'intérêt de votre audition, messieurs, est de croiser les regards, afin de mieux comprendre ce qui a occasionné les événements du mois de juin dernier et de bénéficier de votre expertise.

Il sera peut-être apporté une réponse législative ou réglementaire à ces émeutes ; dans cette perspective, nos travaux devront sans doute être prolongés. Le rapport de notre mission d'information sera rendu à la fin du mois de mars prochain.

M. David Dufresne, réalisateur des documentaires Quand la France s'embrase (2007) et Un pays qui se tient sage (2020). - À vrai dire, je suis dans l'expectative au sujet de cette mission d'information. Je trouve néanmoins formidable que le Sénat, et singulièrement la commission des lois, sonde les réalisateurs et les acteurs de la culture pour faire la lumière sur les événements de juin dernier.

En 2007, j'ai réalisé mon premier documentaire, Quand la France s'embrase, à la suite des émeutes de 2005 et des manifestations contre le contrat de première embauche (CPE) de 2006. Il s'agissait d'un premier travail sur le maintien de l'ordre dit répressif, distinct du maintien de l'ordre récréatif, question qui m'occupe encore beaucoup aujourd'hui. Ayant vécu à Saint-Denis pendant sept ans, j'ai une vision des choses qui dépasse le périphérique de Paris.

Je commencerai par citer un rapport publié le 23 novembre 2005 par la direction centrale des renseignements généraux (DCRG), qui aurait très bien pu être écrit en 2023. Voici ce qu'on peut y lire, selon un résumé publié par le journal Le Monde : « "La France a connu une forme d'insurrection non organisée avec l'émergence dans le temps et l'espace d'une révolte populaire des cités, sans leader et sans proposition de programme" [...] Les policiers affirment qu'"aucune manipulation n'a été décelée permettant d'accréditer la thèse d'un soulèvement généralisé et organisé". Ainsi, les islamistes n'auraient joué "aucun rôle dans le déclenchement des violences et dans leur expansion". Ils auraient au contraire eu "tout intérêt à un retour rapide au calme pour éviter les amalgames" [...] "les jeunes des cités étaient habités d'un fort sentiment identitaire ne reposant pas uniquement sur leur origine ethnique ou géographique, mais sur leur condition sociale d'exclus de la société française [...] Les jeunes des quartiers sensibles se sentent pénalisés par leur pauvreté, la couleur de leur peau et leurs noms. Ceux qui ont saccagé les cités avaient en commun l'absence de perspectives et d'investissement par le travail dans la société française" [...] En conclusion, les policiers évoquent avec inquiétude, à propos des cités, des "ghettos urbains à caractère ethnique" [...] Il est à craindre désormais que tout nouvel incident fortuit - à savoir le décès d'un jeune - provoque une nouvelle flambée de violences généralisées" ».

Il y a de cela vingt ans, tout était déjà dit. Il se trouve que Nicolas Sarkozy a dissous les renseignements généraux pour les intégrer à la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui deviendra plus tard la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

L'élément déclencheur est toujours le même : la mort d'un jeune. En 2005, les renseignements généraux évoquaient un « soulèvement populaire des quartiers ». En 2023, les acteurs des quartiers parlent eux aussi de « soulèvement », de « révolte » ou de « colère », mais ils n'emploient jamais le terme d'« émeutes » : lorsqu'on emploie ce mot qui appartient au langage courant, on pointe uniquement l'aspect délictuel et criminel et on dévitalise totalement le message exprimé. Je vous remercie d'écouter des messages qui ne sont pas ceux que la doxa politico-médiatique a relayés en 2005, comme en 2023.

M. Djigui Diarra, réalisateur du court-métrage Malgré eux (2017). - Je remercie mes aînés, dont David Dufresne, pour leurs travaux sur les violences policières. Ils m'ont fait comprendre que ces dernières constituaient un fléau minant la société française depuis bien longtemps.

Je suis cinéaste et originaire de Grigny, ville la plus pauvre de France, connue pour son côté sulfureux. J'ai grandi dans le quartier de la Grande Borne, qui a fait face à la police plus que la norme nationale. Malheureusement, les rapports entre la population et la police sont souvent conflictuels, alimentant la peur et la défiance. Quand j'avais dix ans, l'un de mes aînés s'est fait contrôler devant mes yeux à la sortie de l'école. Les choses ont vite escaladé, à la manière de l'arrestation de George Floyd aux États-Unis : genou du policier sur la tête, injures, tutoiement délibéré... Il est difficile de se construire avec ce genre de situations.

En grandissant, j'ai développé une passion pour le cinéma. En 2015, j'ai intégré la Fémis - l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son -, puis, en 2017, j'ai réalisé un court-métrage sur les violences policières, dans le contexte des « affaires » Adama Traoré et Théo Luhaka.

Je préfère employer l'expression de « violences policières », et non celle de « bavures policières », laquelle insinue qu'une simple erreur a été commise. Lorsque les faits se répètent de manière constante, voire systémique, ils constituent des violences ou des crimes policiers.

En matière de violences policières, il n'y a pas le camp des gentils et celui des méchants, il y a du mal des deux côtés. Beaucoup de personnes, y compris en banlieue, désirent la justice et la paix. Or la seule façon d'y parvenir est de respecter et d'humaniser les populations.

Comment oublier Steve Maia Caniço, décédé en 2019 lors de la fête de la musique, à la suite d'une intervention de police ? Le policier mis en cause sera promu chef de circonscription de la police nationale à Lyon quelques jours avant son procès. En 2017, à Bobigny, Théo Luhaka a été violé par un policier lors d'un contrôle - il s'agit bien d'un viol lorsqu'on introduit de force un objet dans le corps de quelqu'un. Le fait que trois des policiers mis en cause aient simplement écopé d'une peine avec sursis ne peut que susciter la défiance.

Il ne s'agit pas d'essentialiser tout le corps policier : de nombreux agents exercent leur métier par amour, par vertu, par souci de servir la population française, quelle que soit son origine. Mais ces crachats à la figure des familles de victimes que constituent les violences policières engendrent forcément de la défiance.

Au travers de mon court-métrage, j'ai tenté de proposer des hypothèses sur les raisons qui ont conduit aux émeutes. Je suis témoin du fait que, dans les banlieues, les rapports entre l'institution policière et la population peuvent être incandescents.

Mme Corinne Narassiguin. - En 2005, les émeutes étaient davantage circonscrites et moins répandues à l'échelle nationale. L'événement déclencheur, à savoir la mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois, n'était contesté par personne.

Concernant les émeutes de 2023, il ressort de nos auditions et de nos déplacements que la mort de Nahel est très peu citée par les émeutiers, excepté en Île-de-France. La propagation des émeutes a été beaucoup plus large et inattendue, notamment du fait des réseaux sociaux, si bien que des violences se sont produites dans des territoires où l'on n'avait pas l'habitude d'en voir.

Quel est votre regard sur la déconnexion entre l'événement déclencheur qu'a été la mort de Nahel et les émeutes ? Un phénomène d'identification, ajouté à la colère ressentie, peut sans doute expliquer cet embrasement, même en l'absence de revendication politique construite. Il y a aussi eu des comportements opportunistes et très violents : pillages en bande organisée, usage de mortiers, etc. Des phénomènes complexes se sont entrecroisés, ce que nous n'avions pas vu en 2005.

Selon vous, quelle est l'importance de l'origine sociale des émeutiers dans ces événements ? En 2023, il est clair que nous sommes passés à un niveau de violence plus élevé, marqué par la volonté délibérée de viser des policiers, des bâtiments publics et des lieux qui profitent à la population.

Monsieur Dufresne, quel est votre avis sur la gestion très spécifique du maintien de l'ordre en France ? N'augmenterait-elle finalement pas le désordre ?

Monsieur Diarra, les discriminations et les comportements violents systématiques de la part des policiers sont-ils ressentis par tous les jeunes de ces quartiers, ou seulement par des populations restreintes ?

Mme Lauriane Josende. - Je souhaiterais tout d'abord préciser que, dans le cadre de cette mission d'information, nous avons clairement défini la mort de Nahel comme étant le fait générateur des émeutes.

Comment expliquez-vous que sa mort ait engendré des manifestations de violences dans certaines villes, mais pas dans d'autres ? Étant élue des Pyrénées-Orientales, je sais que Perpignan est, de façon générale, une place de violences et de rébellions. En 2005, la ville avait été présentée comme l'un des centres névralgiques de la violence et des difficultés sociales exprimées. Or, en 2023, nous n'avons pas observé de mouvements, et aucun des spécialistes que nous avons interrogés n'a su nous dire pourquoi.

Selon les observateurs, les émeutes de juin dernier se sont ainsi articulées : dans un premier temps, la mort de Nahel était présentée comme l'élément déclencheur des violences ; dans un second temps, il n'y était plus du tout fait référence et on invoquait d'autres raisons, notamment les difficultés sociales. Nous avons du mal à comprendre pourquoi la mort de Nahel a été quasiment oubliée...

Ces émeutes ont été caractérisées par une course aux images-chocs. L'influence des réseaux sociaux a été pointée du doigt comme ayant poussé les jeunes à capter l'image la plus forte pour la relayer sur les réseaux de communication privés et sur les chaînes d'information. Une forme d'autorité est sans doute recherchée au travers de ces images, mais pourquoi les privilégier par rapport à des témoignages qui pourraient s'avérer plus justes ? Ne pensez-vous pas que ces images-chocs étaient potentiellement contradictoires avec le message porté par ceux qui ont exprimé leur colère ?

Mme Isabelle Florennes. - En tant qu'élue des Hauts-de-Seine, je suis particulièrement intéressée par ce sujet. J'ai vu de près comment le climat dans ces quartiers a évolué depuis plusieurs années.

Nanterre a bénéficié de trois programmes de rénovation urbaine. Un rapport de la Cour des comptes révèle tout ce qui a été accompli dans ce cadre entre 2004 et 2020 : 600 quartiers ont été rénovés au profit de 4 millions d'habitants, et 12 milliards d'euros ont été versés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) - on prévoit d'ailleurs de déployer 12 milliards supplémentaires d'ici à 2030.

Vous qui êtes des acteurs du monde culturel, comment percevez-vous la place des associations dans ces quartiers ? Quel est leur rôle, et comment l'améliorer ? Je n'ignore pas qu'un travail sincère et réel a été mené sur le terrain, mais il faut tenir compte de ce qu'il s'est passé en 2023 ; des réponses très concrètes doivent être apportées. Du reste, je crains l'influence grandissante d'un certain nombre d'associations qui ne rendent pas service à notre jeunesse.

M. Éric Kerrouche. - L'un des sociologues que nous avons entendus dans le cadre de notre mission d'information m'a renvoyé à des travaux comparatifs entre l'Allemagne et la France. En Allemagne, les capacités d'insertion des jeunes issus de l'immigration sont plus fortes, en particulier dans les filières industrielles, tandis qu'en France, la promesse d'universalité, qui se traduit par le diplôme, est sans cesse remise en cause, créant une désillusion de plus en plus forte des descendants d'immigrés vis-à-vis des institutions.

Comment percevez-vous et mesurez-vous cette désillusion ? Bien entendu, il ne s'agit pas d'excuser les débordements qui se sont produits, lesquels relèvent davantage de la délinquance que du mouvement social - même si les deux sont la plupart du temps intriqués. Comment jugez-vous le fait que la République n'ait pas tenu sa promesse d'universalité ?

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous avions souhaité nous rendre à Grigny, mais le maire nous a indiqué qu'il n'y avait pas eu d'événement majeur en juin dernier. Nous nous déplacerons donc à Évry-Courcouronnes.

La mort de Nahel a suscité une première réaction sur le territoire de Nanterre. En revanche, à l'échelle du territoire national, plus personne n'a revendiqué agir pour cette cause-là. Nous avions donc incontestablement affaire à l'opportunisme de certains, les conduisant à piller des magasins et à détruire des bâtiments publics, avec la volonté de contester toutes les formes d'autorité. Des violences se sont produites dans des communes où, d'ordinaire, elles ne surviennent pas. Paradoxalement, certains territoires habitués aux émeutes, à savoir les banlieues dites difficiles, n'ont pas bougé, ou très peu.

Les événements de juin dernier se caractérisent par la violence extrêmement forte des émeutiers à l'égard des policiers, leur volonté de blesser, voire de tuer, au moyen de mortiers d'artifice. Cela semble très nouveau. Regardez-vous les émeutes de cette année de la même manière que celles de 2005 ? Pensez-vous qu'elles ont les mêmes causes ?

Au demeurant, je précise que les renseignements généraux dont vous parliez ont été reconstitués après les attentats de 2015.

M. David Dufresne. - Il ne faut pas minimiser les violences de 2005 : elles ont tout de même duré trois semaines et ont concerné quatre-vingts départements. L'état d'urgence, décrété par Dominique de Villepin contre l'avis de Nicolas Sarkozy, n'avait pas été mis en place depuis 1961 en France, soit depuis la guerre d'Algérie.

Toutes les questions auxquelles nous nous efforçons de répondre aujourd'hui se posaient déjà en 2005.

La mort de deux jeunes dans un poste électrique de Clichy-sous-Bois avait bel et bien été contestée. On expliquait qu'ils avaient fui après avoir commis un cambriolage dans un cabanon de chantier. Il avait été extrêmement difficile d'établir la vérité à l'époque, d'autant qu'on ne disposait d'aucune image de la centrale électrique.

Il est vrai que les émeutes de 2023 ont été caractérisées par une violence plus intense, comme le révèlent les rapports de police et les différents témoignages. En 2005, les émeutiers n'avaient brandi une arme à feu qu'une seule fois, à Grigny. C'est en 2007, à Villiers-le-Bel, que des policiers ont, pour la première fois, essuyé des tirs de mortier d'artifice. Depuis, les policiers sont équipés de lanceurs de balles de défense (LBD), dit « flash-ball ». Cela a considérablement modifié le maintien de l'ordre et les rapports entre la police et la population.

En 2023, des armes à feu ont été brandies par certains émeutiers. Mais, de l'aveu même des services de renseignement, elles restaient en nombre très faible par rapport au volume total d'armes en circulation dans les banlieues. Le niveau de violence doit toujours être ramené au rapport de force qui existe.

J'en viens au phénomène d'identification. En 2005, comme en 2023, les émeutiers se sont dans un premier temps identifiés aux jeunes qui avaient trouvé la mort. Si, dans un second temps, les émeutiers ne font plus référence à cet élément déclencheur, c'est parce que le rapport de force n'est plus le même. L'étincelle déclenche un incendie qui, le temps de sa propagation, est entretenu par les émeutiers. Ceux-ci n'ont pas besoin d'un slogan pour exprimer leur colère : pourquoi voudriez-vous qu'ils s'arrêtent alors que le feu a pris ?

Il s'agit non pas d'amusement, mais de l'expression d'une exaspération, d'un sentiment d'injustice. Certains émeutiers ont agi en opportunistes en piquant des téléphones pour les revendre. Mais on sait aussi que des mères de famille ont volé du papier toilette : cela en dit long sur l'état social dans lequel nous sommes.

La gestion du maintien de l'ordre augmente-t-elle le désordre ? Nous l'avons vu ces derniers jours avec les manifestations des agriculteurs, la doctrine du maintien de l'ordre a changé : dès lors que le ministère de l'intérieur n'envoie pas de CRS contre des gens qui souffrent, il n'y a quasiment pas de problème de violences. Cela ressemble à la doctrine allemande de la désescalade qu'ont dû vous expliquer Fabien Jobard et Sebastian Roché, lorsque vous les avez reçus. En 2005, ni mains arrachées, ni éborgnages, ni morts ne sont à déplorer du côté des émeutiers. En 2023, des émeutiers sont morts à Marseille. Le niveau de violence dépend donc aussi du maintien de l'ordre.

Pourquoi certaines villes ont été touchées par les émeutes, mais pas d'autres ? En 2005, Marseille a été une énigme totale : aucune émeute n'est survenue, alors qu'il s'agit tout de même de la deuxième ville de France, et personne n'a su dire pourquoi. On ne se révolte pas dans les quartiers nord, comme on voit la mer, auront dit certains... S'agissant de Perpignan, il faudra sans doute consulter les travailleurs sociaux pour savoir ce qui s'est passé. La rivalité entre les quartiers et les villes peut jouer un rôle d'émulation ou, au contraire, d'annulation.

Quant au rôle des images, il a bien évidemment été central en 2023. Mais souvenez-vous des journaux télévisés de France 2 et de TF1 qui relayaient les images en boucle en 2005. À l'époque, j'étais rédacteur en chef chez iTélé ; on m'avait demandé d'arrêter de faire le palmarès, chaque soir, du nombre de voitures brûlées, de commissariats attaqués, d'arrestations. Au même moment, CNN débarquait et présentait des cartes absurdes situant Strasbourg à Varsovie ou Lille à Montpellier. On nous expliquait que les émeutes n'avaient aucune justification sociale et qu'elles étaient motivées par la soif d'images et de reconnaissance des émeutiers.

En réalité, c'est toute la société qui est traversée par cette soif d'images, des émeutiers jusqu'aux ministres. Croire que les jeux vidéo et les réseaux sociaux sont responsables des émeutes, comme l'a dit Emmanuel Macron, c'est faire acte d'irresponsabilité.

Enfin, concernant la rénovation urbaine, vous avez mille fois raison. Beaucoup de quartiers ont été rénovés après 2005 ; sur ce sujet, je vous invite à regarder le film Bâtiment 5, réalisé par Ladj Ly. Certes, 12 milliards d'euros ont été versés à ces quartiers par l'Anru - c'est toutefois moins que l'argent injecté dans les jeux Olympiques qui vont durer trois semaines. Mais on a beau avoir changé les bâtiments, on n'a pas changé la vie des gens.

Jean-Louis Borloo estime qu'on a arrêté de s'occuper des banlieues lorsque la situation a commencé à s'améliorer au milieu des années 2010. Les banlieues n'étaient alors plus considérées comme un problème. Selon un ancien préfet de Seine-Saint-Denis, la génération des 15-17 ans aura été sacrifiée : oubliée de la politique de la ville, de la rénovation urbaine et de l'égalité des chances, c'est celle qui constitue le gros des émeutiers de juin dernier.

M. Djigui Diarra. - Il est évident qu'en alliant du son et de l'image, on peut influencer et manipuler beaucoup des personnes, qu'on le fasse de manière professionnelle ou via des réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram.

Lors des émeutes, beaucoup de personnes ont agi de façon opportuniste en saccageant des magasins et en faisant beaucoup de mal à leurs propriétaires. Comme dans tout mouvement et toute revendication, il y a une minorité « de fraude » : ce sont des gens qui ne sont pas amoureux de justice et de paix. Cette minorité fait beaucoup de bruit, mais on lui tend aussi le micro, car c'est elle qui intéresse parfois le plus.

Je suis le premier à avoir été offusqué par ces saccages et ces exactions. On ne peut pas les accepter, car ils entachent la mémoire de Nahel et de tous ceux qui ont perdu la vie à cause des violences policières.

Il faut recentrer la question sur ce qui a suscité la violence chez les émeutiers, à savoir la déshumanisation d'une partie de la population, l'injustice à tout-va, la brutalité de la police, le fait de traiter certaines personnes comme des citoyens de seconde zone. Tout cela forme un cocktail explosif et ces violences regrettables ont été dénoncées par les habitants des banlieues.

Les violences policières touchent non seulement la population maghrébine et noire-africaine, mais aussi les blancs - on l'a vu lors du mouvement des gilets jaunes. Ce fléau, il faut le dénoncer et le combattre. À vrai dire, les violences policières sont uniquement l'extension d'un système lui-même très violent, raciste et parfois négrophobe, antisémite et islamophobe.

Concernant les rénovations, ce n'est pas en mettant un coup de peinture que les gens vont être heureux. Le travail mis en place par les villes peut être salué, mais il doit être beaucoup plus profond et inclure les questions de logement, de travail, et de perspectives d'émancipation.

Les brutalités policières sont cycliques et sont marquées par des pics - 2005, 2007, 2023 -, au moment où les frustrations et la colère explosent. J'insiste, ce n'est pas par joie que les émeutiers se révoltent : ces derniers expriment un ras-le-bol, qui est en réalité partagé par l'immense majorité des Français, et pas seulement par les Noirs et les Arabes. Il faut apporter une réponse aux violences policières pour sortir de la poudrière dans laquelle nous vivons en France depuis un moment.

M. David Dufresne. - Sur la question de la désillusion des descendants d'immigrés français vis-à-vis de la promesse républicaine, je vous donnerai quelques chiffres publiés par l'Insee en 2023. Dans les 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), le taux de pauvreté, de l'ordre de 43 %, est trois fois plus élevé que dans le reste des unités urbaines. Le taux de chômage atteint quant à lui 18,6 %. Enfin, 57 % des enfants y vivent sous le seuil de pauvreté. Voilà ce qui fait le lit du séparatisme et de la ségrégation.

Avant même d'avoir des désillusions, comment voulez-vous avoir la moindre illusion lorsque vous vivez dans des conditions pareilles ?

M. Djigui Diarra. - La possibilité de rêver et de croire dans les institutions chez certains habitants de ces quartiers est sapée très tôt, d'où l'expression d'une défiance et d'un rejet. Dans mon cas, dès mes dix ans, il m'a été difficile de croire aveuglément en la police, et même en la France. On a toujours l'espoir de viser une vie meilleure, de pouvoir vivre comme il se doit - mon prénom signifiant « espoir » dans les langues mandingues, je ne pourrai pas dire le contraire -, mais le racisme sera toujours là.

Mme Marie Mercier. - Je partage votre analyse : la base, c'est l'éducation, et il s'agit de trouver comment élever nos enfants, nos jeunes, dans l'amour de la République.

Cela dit, je m'interroge sur un point. En Saône-et-Loire, dans la ville de Chalon-sur-Saône, où se trouvent des QPV, il n'y a rien eu. Soixante kilomètres plus au sud, à Mâcon, les émeutes ont entraîné des dégâts considérables, de même que dans le bassin minier. Les équipes municipales étaient en pleurs, alors qu'elles ont une action dans les quartiers ; personne ne comprenait...

La précarité est la même dans ces trois pôles, mais pourquoi seuls deux d'entre eux ont fait l'objet de violences considérables et non celui de Chalon-sur-Saône ?

M. Djigui Diarra. - Les relations entre la population et la police ne sont pas les mêmes partout, même s'il y a des QPV. Par exemple, en Île-de-France, Grigny n'est pas du tout dans la même situation que Nanterre. Je pense que c'est l'explication. Et il faut s'en réjouir, c'est bien qu'il n'y ait pas que des problèmes. Peut-être faudrait-il s'inspirer de ces endroits, pour savoir comment le dialogue, la confiance, peuvent s'instaurer.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Peut-on dire que la situation n'a pas varié depuis 2005 mais que l'intensité de la violence a crû ? Et pourquoi ? Est-ce lié au fait que, pour des habitants de certains quartiers, les difficultés sont telles que l'espoir n'existe pas ?

M. David Dufresne. - Je suis convaincu que l'intensité de la révolte est indexée sur l'intensité du désespoir. En outre, contrairement aux émeutiers, qui, pour la plupart, n'étaient pas nés en 2005, les quartiers ont de la mémoire. Or ils se souviennent de la démission de Jean-Louis Borloo, qui considérait qu'il n'avait pas les moyens de sa politique. C'est un moment d'exaspération forte.

En outre, on a vu en 2023 une police beaucoup plus violente qu'en 2005 et des services n'ayant rien à faire - eux-mêmes le reconnaissent à demi-mot - dans le maintien de l'ordre sont intervenus et se sont très mal comportés. Je pense en particulier au groupe Recherche, assistance, intervention, dissuasion (Raid) et au groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), dont l'action à Marseille a provoqué des morts et des blessés. L'intensité policière a été beaucoup plus forte qu'en 2005. Or, pour faire des émeutes, il faut être deux et les travaux sociologiques démontrent que, dans les démocraties, en dehors des moments révolutionnaires - ce n'était pas un moment révolutionnaire -, c'est l'État qui fixe le niveau de violence. On en a eu un exemple clair avec les agriculteurs.

Bref, je ne crois ni que les jeunes soient plus violents que naguère ni que les armes à feu soient plus disponibles, puisqu'on n'en a quasiment pas vu. Cela tient selon moi aux deux raisons que j'ai données.

M. Djigui Diarra. - J'ajoute un facteur : internet et les réseaux sociaux. Cela a été un vecteur important de l'escalade des deux côtés. Quand on voit l'intensité des répressions sur internet, dès le lendemain ou le soir même, on veut répondre.

M. David Dufresne. - Ceux qui ont eu des déclarations séditieuses, guerrières, ce sont certains syndicats de police. Rappelez-vous le communiqué ayant fait suite à la mise en détention du policier accusé d'avoir tué Nahel. Ce communiqué du Bloc syndical, comprenant notamment Alliance, n'a pas été dénoncé comme il aurait dû l'être par le ministre de l'intérieur.

Mon prénom ne signifie pas « espoir », donc je vais peut-être paraître plus désespéré que Djigui Diarra : si on laisse les syndicats de police prendre le dessus sur le pouvoir politique, si on laisse les identitaires de tous bords prendre le pouvoir sur les quartiers - je pense aux descentes de l'extrême droite comme à Crépol, en guise de revanche fasciste aux émeutes -, si les institutions ne prennent pas acte de ce qui est en train de se passer, alors je ne pourrai plus dire, dans quelques années, « 2030, c'est comme 2023 ». La base, c'est le social, le travail de fond ; cela coûte plus cher, c'est moins démonstratif que de mettre plus de bleu dans la rue, mais c'est infiniment plus profond.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Je vous remercie de vos interventions.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 45.