- Mercredi 24 janvier 2024
- Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune - Examen des amendements au texte de la commission
- Désignation de rapporteurs
- Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France - Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
- Jeudi 25 janvier 2024
Mercredi 24 janvier 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Mouiller, président. - Nous commençons notre réunion par l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n° 2 rectifié est une demande de rapport sur l'accès des jeunes présentant un trouble du neuro-développement (TND) aux activités périscolaires. Même s'il s'agit d'un sujet important, ces activités ayant un rôle pédagogique fondamental et complétant, sous une forme différente, les apprentissages reçus à l'école, j'y suis défavorable, conformément à la position constante de la commission sur les demandes de rapport.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n° 1 concerne une demande de rapport sur la prise en charge de l'autisme. Pour les mêmes raisons, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Je tiens à vous dire que j'ai échangé hier après-midi avec Mme la ministre Catherine Vautrin sur ce texte. Même si le Gouvernement y est globalement favorable, il devrait déposer des amendements dans l'après-midi.
Je comprends que ces amendements pourraient concerner les articles 1er, 4 et 6 de manière substantielle et les articles 2 et 5, de manière plus rédactionnelle. Les échanges se poursuivent et nous verrons quels seront les amendements réellement déposés.
En particulier, le Gouvernement soutient l'article 7 relatif au dispositif de répit pour les proches aidants. Il pourrait l'amender, car il cherche le véhicule législatif idoine pour le promouvoir.
M. Philippe Mouiller, président. - Si vous en êtes d'accord, je vous propose de réunir la commission demain matin pour examiner les amendements du Gouvernement uniquement dans le cas où ceux-ci viseraient à apporter des éléments supplémentaires. S'ils ne tendent qu'à limiter la portée des articles ou à supprimer des articles, je propose que la commission émette un avis défavorable.
Mme Corinne Féret. - Je veux dire mon insatisfaction - c'est un euphémisme. Déposer des amendements cet après-midi alors que le Sénat examinera ce texte demain matin est irrespectueux du travail parlementaire ! Si, véritablement, le Gouvernement déposait des amendements sur tous les articles pour en limiter la portée de ce texte ou les remettre en cause, ce serait inacceptable.
Dans un autre ordre d'idées, nous n'avons pas pu entendre le ministre dans le cadre de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Nous allons auditionner Mme Vautrin cet après-midi. Nos conditions de travail ne sont vraiment pas satisfaisantes, alors que nous démontrons que nous examinons les textes dans un esprit constructif, notre travail se fondant sur les auditions des professionnels que nous avons organisées. Je tiens à exprimer mon total désaccord avec cette manière de faire.
M. Philippe Mouiller, président. - Je partage l'esprit de votre intervention.
Si les amendements du Gouvernement visent à améliorer le texte, je n'y vois pas d'inconvénient, mais je n'y suis pas favorable s'il s'agit d'en modifier le contenu. Je rappelle que la première proposition de loi que j'ai déposée sur le sujet date de 2021 : elle portait sur la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité. Certains collègues demandent des rapports, mais lisez déjà ceux qui ont été publiés sur le sujet ! Je remercie mes collègues Corinne Féret et Laurent Burgoa, qui ont travaillé avec moi sur ce rapport. La réalité est bien loin de la perception que l'on peut avoir de ce sujet.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ce texte ne changera rien à la situation. Il n'y a pas de suivi. Nous en sommes à sept ministres en cinq ans ! Ne pas disposer ce matin des amendements du Gouvernement, alors que nous examinerons le texte demain matin, témoigne d'un profond mépris du Parlement. Nous refusons cette façon de travailler.
Ce texte sera à l'image de nombreux autres textes : il n'apportera rien de plus aux professionnels, aux associations, aux parents qui s'occupent de ces enfants. Ce sera encore du bavardage, sans moyens financiers supplémentaires.
M. Laurent Burgoa. - J'espère que le Gouvernement ne déposera pas d'amendement à l'article 4. Soyons vigilants. Nous aurions souhaité la création d'un fichier national permettant une meilleure harmonisation entre toutes les MDPH.
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons maintenant les amendements de séance sur la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Permettez-moi au préalable de vous rappeler que cette proposition de loi vise à instaurer un décompte annuel des personnes sans abri par le biais de la Nuit de la solidarité, un décompte réalisé physiquement par des associations, des bénévoles et des travailleurs sociaux. La commission, par sa connaissance des enjeux territoriaux, a modifié le texte initial afin de réserver ce décompte aux communes de plus de 100 000 habitants. Concernant les communes de moins de 100 000 habitants, les maires transmettront leurs données selon une méthode qu'ils auront définie. Ces données, ils les connaîtraient par les moyens de leurs services, que ce soit le CCAS, la police municipale, les associations, les habitants. C'est du bon sens local.
L'amendement n° 3 du Gouvernement vise à supprimer les obligations de collecte et de transmission des données par les communes de moins de 100 000 habitants. Il n'y aurait plus d'obligation de collecter ces données pour les communes de moins de 100 000 habitants. J'ai indiqué au Gouvernement que le Sénat est sensible à l'attention qu'il porte sur les charges incombant aux communes, mais que nous avions déjà pris la mesure de cette obligation en supprimant le caractère systématique du décompte de la Nuit de la solidarité. Pour ma part, j'estime que les communes peuvent supporter le recensement des personnes sans abri présentes sur leur territoire, sans alourdir leurs charges.
Par ailleurs, cela reviendrait à exclure les communes rurales et les communes moyennes d'un processus national, alors qu'elles voient elles aussi augmenter le nombre des sans-abri. Il n'y a pas deux France : la France des moins de 100 000 habitants et la France des plus de 100 000 habitants. Cela n'est pas conforme à l'esprit de la proposition de loi, ni à celui du Sénat ! D'ailleurs, avec ce décompte, les maires pourront demander aux préfets des moyens supplémentaires pour héberger et soutenir ces personnes. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Le décompte des sans-abri est déjà obligatoire dans les plans communaux de sauvegarde. Il y a déjà une forme de précomptage.
Mme Frédérique Puissat. - Comme je l'ai indiqué lors de la réunion précédente, le palier des 100 000 habitants est important. Nous connaissons les contraintes qui pèsent sur les collectivités. Aussi, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Il y a déjà une contrainte qui pèse sur les communes sur le décompte des personnes sans abri. Je ne vois pas en quoi cet amendement changerait les choses. La commission a déjà été attentive à cette question en n'instaurant pas une obligation de décompte pour les communes de moins de 100 000 habitants par le biais de la Nuit de la solidarité. Les communes doivent de toute façon procéder à un décompte pour les observatoires sociaux au titre des centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) pour les intercommunalités. Pour ma part, je m'oppose à cet amendement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Dans nos villages et nos petites villes, nous connaissons les personnes sans abri. N'oublions pas que des villes comme Calais, qui compte 80 000 habitants, n'entreraient pas dans ce dispositif alors qu'elles ont de nombreux sans-abri. Retenir le seuil de 100 000 habitants revient à exclure du dispositif toutes ces villes, ce qui fait baisser les statistiques des sans-abri.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement n° 6 vise à remplacer l'annualité du décompte par une bis-annualité. On sait bien que le comptage ne sera pas exhaustif, mais il est intéressant de voir l'évolution d'une année sur l'autre. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement n° 4 du Gouvernement vise à fixer une date unique à laquelle les décomptes sont réalisés dans les communes de plus de 100 000 habitants. Où est la cohérence du Gouvernement ? La commission a allégé les contraintes des communes en leur permettant de déterminer la nuit au cours de laquelle elles procéderont au décompte. En conséquence, mon avis est défavorable.
Mme Frédérique Puissat. - Nous suivrons la rapporteure, les amendements du Gouvernement sont en effet incohérents. Notre collègue Khalifé Khalifé l'a dit la semaine dernière, certaines communes ne rencontrent pas du tout les mêmes problématiques que Paris. Gardons une souplesse au niveau local.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement n° 5 vise à supprimer la mention de la participation des travailleurs sociaux et des bénévoles aux décomptes. Or cette mention n'est pas limitative. Mentionner les bénévoles, c'est montrer l'importance de la mobilisation citoyenne. Je suis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement n° 2 rectifié prévoit la publication des données sous forme d'une cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais cet amendement entre dans un niveau de détail excessif. Cela pourrait figurer dans le décret. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 7 du Gouvernement, qui est un amendement de cohérence avec l'amendement n° 6 proposé par le Gouvernement à l'article 1er.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement n° 1 rectifié, qui vise à intégrer le nombre de femmes et d'enfants sans abri aux niveaux local et national, est utile et cohérent avec l'action que mène la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Avis favorable.
Mme Frédérique Puissat. - Nous y sommes favorables d'autant que cela n'alourdira pas la procédure.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
Désignation de rapporteurs
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous informe des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de la commission des affaires sociales jusqu'à l'été prochain.
La Mecss va faire des travaux préparatoires au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Les rapporteurs des branches de la sécurité sociale, sous l'autorité de la rapporteure générale, procéderont à une évaluation de l'application des textes relatifs aux comptes de la sécurité sociale. C'est une mission qui lui est maintenant dévolue tous les ans dans le cadre du contrôle parlementaire. Ce travail donnera lieu à une communication de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, la Mecss traitera des taxes comportementales en matière de santé publique, qui donnent lieu à des débats récurrents lors de l'examen des projets de financement de la sécurité sociale. Enfin, elle examinera les grands enjeux de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » (AT-MP), en faisant notamment un état des lieux.
Mme Marie-Pierre Richer. - Annie Le Houérou et moi-même avons été désignés rapporteurs sur ce dernier sujet.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous devons à présent désigner des rapporteurs pour nos prochains travaux de contrôle.
Nous proposons une mission de contrôle sur la financiarisation de la santé, en remplacement de celle que nous avions prévue sur les organismes complémentaires d'assurance maladie. En effet, le groupe RDPI, au titre de son droit de tirage, lance une mission d'information sur l'impact de l'augmentation des complémentaires santé sur le pouvoir d'achat. N'hésitez pas à participer à cette mission d'information. À l'issue des travaux, la commission des affaires sociales fera le point sur les conclusions, pour voir s'il convient d'élargir le sujet au rôle et à l'évolution des complémentaires santé.
Je propose que Corinne Imbert, Olivier Henno et Bernard Jomier soient les rapporteurs de cette mission.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Comment les rapporteurs sont-ils désignés ? Faut-il se porter candidat ? J'étais intéressée par la mission de la Mecss sur la branche AT-MP.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous choisissons les groupes politiques qui porteront les rapports au regard de la représentation proportionnelle des groupes, dans le respect du Règlement du Sénat, puis le président de chaque groupe désigne, dans un souci d'équilibre et d'équité, les personnes qui seront associées à ces travaux.
Pour la mission de contrôle sur la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), je propose que les rapporteurs soient Chantal Deseyne, Solanges Nadille et Anne Souyris. Cette mission travaillera à l'échelle des territoires, pour répondre à la demande du président du Sénat.
M. Philippe Mouiller, président. - S'agissant de la mission de contrôle sur les négociations salariales dans les entreprises et les branches professionnelles, je vous propose de désigner Frédérique Puissat et Corinne Bourcier comme rapporteurs.
M. Philippe Mouiller, président. - Concernant la mission de suivi du rapport sur la psychiatrie, les rapporteurs pourraient être Jean Sol et Céline Brulin.
M. Philippe Mouiller, président. - Pour la mission flash sur les cancers professionnels des sapeurs-pompiers, je propose qu'Émilienne Poumirol et Anne-Marie Nédélec en soient les rapporteurs.
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous rappelle que les auditions sont ouvertes à tous les membres de la commission.
Par ailleurs, deux déplacements seront organisés : un en Allemagne et au Danemark pour examiner la question de l'accès aux soins et de la dépendance et un autre au Canada pour ce qui concerne la question des politiques de l'emploi. Les rapporteurs seront désignés ultérieurement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je suis d'accord avec la méthode, mais je rappelle que la mission sur les fraudes sociales est en cours. Nous attendons toujours des réponses de la Caisse nationale d'assurance maladie.
M. Philippe Mouiller, président. - Je ferai un point sur le calendrier des travaux avec les rapporteurs de chaque mission, l'idée étant de publier les rapports de manière échelonnée dans le temps en fonction de l'importance du sujet.
J'attire votre attention sur le fait que d'autres missions d'information peuvent être créées dans le cadre des droits de tirage des groupes politiques.
Par ailleurs, notre commission établira deux rapports à la suite des enquêtes que nous avons demandées à la Cour des comptes sur l'Agence de la biomédecine et sur la santé respiratoire. Je vous propose d'en être le rapporteur.
Je présenterai le rapport de la Cour des comptes et, dans un second temps, la commission auditionnera l'Agence de biomédecine, qui pourra répondre ainsi aux préconisations de la Cour. Concernant le rapport sur la santé respiratoire, nous auditionnerons un certain nombre d'organismes pour alimenter nos débats.
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous rappelle que sont prévues cet après-midi les réunions constitutives des groupes d'études Cancer et Handicap. Concernant la composition, le nombre de vice-présidents est lié au poids des groupes politiques, mais, par principe, chaque groupe politique a au moins un vice-président. Nous attendons la date de la réunion constitutive du groupe d'études Monde combattant et mémoire.
Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Laurence Rossignol rapporteure sur la proposition de loi n° 537 rectifiée (2022-2023) visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues.
M. Philippe Mouiller, président. - Cette proposition de loi pourrait être inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat dès la mi-février.
La réunion est close à 10 h 55.
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France - Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, au sujet de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Le texte que nous examinerons en séance à partir de la semaine prochaine a été étudié par la commission dans des conditions un peu difficiles, notamment en raison du calendrier. Malgré cela, nos rapporteurs, Jean Sol et Jocelyne Guidez, ont réalisé un travail remarquable. Néanmoins, du fait du changement de gouvernement, nous n'avons pas pu auditionner la ministre et auteure de la proposition de loi Aurore Bergé.
Je tenais à ce que nous vous auditionnions avant l'examen de ce texte en séance, pour vous entendre sur le sujet important de la prise en charge du vieillissement. En complément des travaux qu'ils ont déjà menés, nos rapporteurs pourront en outre vous poser quelques questions.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. - Je vous remercie de vos propos, monsieur le président, et de m'avoir accueillie dans votre département il y a quelques jours.
J'ai déjà été amenée à étudier la question de l'autonomie. Dans l'un des gouvernements Raffarin dont j'ai eu l'honneur de faire partie, j'ai été durant six mois chargée des personnes âgées, juste au moment de l'application de la journée de solidarité décidée à la suite de la canicule de 2003. Or je me souviens bien des grandes déclarations et des grands engagements de l'époque sur l'autonomie. Force est de constater que l'enjeu du vieillissement reste le même ; la différence est qu'il ne suffit plus aujourd'hui de le dire avec la main sur le coeur. D'ici quelques années, notre pays comptera davantage de personnes de plus de 65 ans que de personnes de moins de 15 ans. L'élue locale que je demeure mesure au quotidien la difficulté que représente l'accompagnement des personnes âgées, d'autant qu'il nous faut entendre ce que celles-ci nous demandent, et qui nous oblige : 90 % d'entre elles souhaitent rester chez elles. Cela nous conduit à réfléchir à notre capacité à réussir le grand virage du vieillissement de la population et aux réponses que nous pourrions apporter à nos concitoyens. Sur ce point, les situations varient selon que l'on se trouve dans l'Hexagone ou dans les outre-mer, en zone urbaine ou rurale.
Je salue cette proposition de loi, qui résume bien la situation, notamment par l'emploi de la notion de bien-vieillir. Ce qui doit nous interpeller, c'est notre capacité à accompagner nos concitoyens du premier au dernier souffle, en visant la bonne santé à tous les âges de la vie. Se pose ici la question de la prévention. J'ai regardé avec beaucoup d'intérêt les réflexions visant à anticiper et à amoindrir autant que possible les pathologies liées au grand âge.
La question du parcours résidentiel me tient également à coeur. Rester chez soi est certes souhaitable, mais encore faut-il que ce chez-soi soit adapté. C'est l'objet du dispositif « MaPrimeAdapt ». La question de l'adaptation des logements au vieillissement de la population se pose notamment pour les femmes, dont l'espérance de vie est plus élevée. Une femme seule, en zone rurale, dans une maison mal isolée, et dont la chambre à coucher se trouve à l'étage, ne souhaite pas quitter ses meubles et sa vie. Or, comme le constatent les soignants, il est toujours trop tôt ou trop tard pour lui apporter des réponses. Je suis totalement à votre écoute sur ce point. Nous sommes dans le domaine de l'intime ; il n'y a pas ici d'injonction à l'égard de nos concitoyens : il faut leur proposer des solutions potentiellement intéressantes. Cela implique de réfléchir à l'échelle du bassin de vie, car on ne peut rester à son domicile tout seul. Des réponses doivent être apportées par le secteur médico-social et les aidants familiaux, sachant que les familles mais nos familles ont beaucoup évolué et que de nombreux enfants ont des responsabilités ou ont fait des choix de vie qui font qu'ils ne sont pas, selon une jolie expression, à portée d'embrassade. La solitude de nos aînés est donc l'un de leurs principaux maux. Nous n'avons que peu de réponses à y apporter, sauf à veiller à un meilleur accompagnement.
Je suis attachée également à la reconnaissance de ceux qui entourent nos personnes âgées. La proposition de loi contient à cet égard des propositions intéressantes, sur la carte professionnelle, par exemple, ou sur la prise en charge des transports des soignants. Je tiens aussi à la formation tout au long de la vie. Permettre une validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les personnes en poste depuis deux ans me paraît important, car je peux parfaitement entendre que l'on n'ait pas envie de passer dix, vingt, trente ou quarante ans dans ces métiers. Nous devons permettre aux personnes qui s'engagent dans les métiers de l'humain - où il n'y a pas de travail à distance possible - d'évoluer et apporter des réponses à leurs souhaits en ce sens.
Enfin, il faut restaurer la confiance à l'égard des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et rattraper certaines maladresses. La présence des proches dans les Ehpad est essentielle, et la confiance n'exclut pas le contrôle, mais dans le respect du principe de la présomption d'innocence. L'arrivée dans ces établissements se fait de plus en plus tard, pour des durées moyennes de séjour de plus en plus courtes et pour des pathologies de plus en plus lourdes. Cela nécessite une réflexion et une adaptation.
Le calendrier de cette proposition de loi me convient d'autant mieux qu'un engagement a été pris sur une loi relative au grand âge. L'article 34 de la Constitution ne prévoit pas qu'une loi de programmation soit possible sur ce type de sujet ; une saisine du Conseil d'État est en cours à ce sujet. Si ce dernier estime qu'il n'est pas possible d'appeler cette loi « loi de programmation », cela ne nous empêchera pas de rédiger un projet de loi sur le grand âge et de vous le présenter d'ici à la fin de l'année.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci, la fin de votre intervention a été bien entendue ! C'est pour nous un point essentiel. La loi sur le grand âge est une priorité.
M. Jean Sol, rapporteur. - Suivant les recommandations du rapport de Dominique Libault de mars 2022, la proposition de loi prévoit la création d'un service public départemental de l'autonomie, ou SPDA. Ce service public ajouterait une couche supplémentaire au-dessus des dispositifs de coordination existants. Cette organisation marque-t-elle, selon vous, une étape transitoire avant une réforme plus profonde ? À terme, quels dispositifs le SPDA a-t-il vocation à remplacer ?
La commission des affaires sociales a apporté des modifications au dispositif. Quel regard portez-vous sur notre proposition de permettre la mise en place des conférences territoriales de l'autonomie à un niveau infradépartemental, afin de rendre possible un pilotage à l'échelle des bassins de vie ?
La proposition de loi prévoit par ailleurs la généralisation du programme de soins intégrés pour les personnes âgées (Integrated Care for Older People - Icope), une démarche de repérage et de prévention de la perte d'autonomie expérimentée depuis 2019, à laquelle nous croyons beaucoup. Bien que la commission ait clarifié l'articulation entre ce programme et les rendez-vous de prévention, les modalités de cette généralisation restent peu explicites. Quels sont les objectifs de déploiement du programme ? Quels seraient les acteurs chargés de sa mise en oeuvre ? Quels moyens seraient consacrés à ce programme en 2025 et les années suivantes ?
Enfin, la proposition de loi prévoit l'adoption avant la fin 2024, puis une fois tous les cinq ans, d'une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. Cette disposition n'a pas de portée normative, puisque le Parlement ne peut lui-même se lier, mais elle marque l'engagement pris par le précédent Gouvernement de présenter un projet de loi de programmation avant l'été en vue d'une adoption au second semestre. Ce texte est désormais plus attendu par les acteurs du grand âge que la proposition de loi que nous examinons.
Madame la ministre, vous sentez-vous liée par cet engagement de votre prédécesseur ? Quelles sont vos lignes directrices pour cette future loi de programmation ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Le texte propose la création d'une nouvelle aide financière de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements pour soutenir la mobilité des professionnels de l'aide à domicile. L'objectif est louable mais, après le concours complémentaire prévu par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, ce dispositif viendrait encore complexifier les relations financières entre la CNSA et les départements. N'est-ce pas incohérent avec la volonté affichée du Gouvernement de rationaliser les concours financiers de la CNSA ?
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a attribué à cette aide le second objectif de contribuer à l'organisation de temps d'échange et de partage de bonnes pratiques au profit des professionnels de l'aide à domicile. Seriez-vous favorable à un amendement rattachant ce second volet de l'aide à un dispositif existant dans lequel il aurait davantage sa place, par exemple la dotation qualité pouvant être attribuée aux services autonomie à domicile (SAD) ?
Le Gouvernement a également prévu, par un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, l'expérimentation par les départements volontaires d'un financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) sous forme de dotation globale. Or il ressort de nos auditions une appréciation assez mitigée du secteur sur une nouvelle expérimentation de quatre ans, après celle qui a été menée dès 2012, et le constat qu'il est urgent de réformer plus profondément le financement des services à domicile, étant donné leur situation économique.
La commission a avancé au 31 décembre 2025 le terme de ces expérimentations. Les problèmes posés par la tarification des services à domicile étant déjà bien identifiés et leur restructuration déjà en cours, vous paraît-il possible d'engager à cette échéance une réforme pérenne ? Quel est, selon vous, le modèle vers lequel il faut tendre ?
Enfin, ma question suivante portera sur le contrôle des antécédents judiciaires dans le secteur médico-social. En audition devant notre commission, l'ancienne secrétaire d'État, Charlotte Caubel, a relevé le défi que représentait l'application de la loi du 7 février 2022, qui prévoit le criblage de plusieurs millions de personnes travaillant au contact de mineurs. La proposition de loi prévoit d'étendre ces contrôles aux intervenants des structures prenant en charge des majeurs vulnérables, ce qui correspond à un public supplémentaire d'un million de personnes environ.
À quelle échéance les contrôles seront-ils étendus aux structures accueillant des majeurs vulnérables ? Quelles dispositions envisagez-vous afin de vous assurer que les moyens, notamment humains, seront suffisants pour rendre ces contrôles effectifs ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je dois ouvrir une double discussion avec les départements, car mon ministère traite à la fois du travail - nous connaissons la compétence sociale des départements - et de l'autonomie. L'idée est de travailler avec eux sur le financement, pour savoir qui finance quoi, pourquoi, et comment. Nous devons nous appuyer sur leur expérience de proximité, car l'enjeu est d'adapter notre structure administrative à l'échelle du bassin de vie. Nos concitoyens décident d'habiter à tel ou tel endroit, charge à nous de leur apporter des réponses. Il y a là une réflexion globale à mener. Le projet de loi que j'ai évoqué devra étudier le lien entre les départements et l'État sur le financement des politiques liées au vieillissement.
L'accompagnement de la prise en charge des transports, mis en avant dans la proposition de loi, est un sujet important, au vu du prix des carburants et des transports publics.
L'expérimentation Icope est en cours. Son rapport d'évaluation va être rendu en octobre 2024. Elle ouvre une réflexion sur l'anticipation des pathologies du grand âge. Je ne vois que des avantages à avancer sur ce point.
Concernant le projet de loi, l'idée est de réunir et d'auditionner plusieurs personnes afin de le rédiger, sa présentation devant intervenir durant la deuxième partie de l'année.
Enfin, s'il est possible, assez facilement, de contrôler les antécédents judiciaires d'une personne avant son embauche, il ne me revient pas de décider de la capacité de telle ou telle structure à imposer une sanction en cas de problème. En revanche, la vigilance est de mise et les signalements doivent être immédiats, dans le respect, toutefois, de la présomption d'innocence. Nous devons donc articuler ce respect avec la mise en sécurité des personnes vulnérables. Je ne peux pas aller plus loin aujourd'hui sur ce point, mais je partage complètement votre préoccupation.
M. Dominique Théophile. - Selon l'Insee, à l'horizon 2030, près de 30 % de la population guadeloupéenne sera âgée de 65 ans et plus, soit plus de 100 000 personnes sur environ 300 000 habitants, dont 28 000 en perte d'autonomie. La Guadeloupe et la Martinique deviendront d'ici à 2050 les deux départements les plus âgés de France. Si je me retrouve dans l'esprit de ce texte, la proposition de loi ne pourra seule répondre au défi du vieillissement dans ces territoires. La question des moyens, notamment humains, se pose, particulièrement pour les soins à domicile. Quelles sont vos intentions sur cette question, sachant qu'un plan de soutien à l'offre médico-sociale pour les personnes âgées en outre-mer et en Corse a été décidé en 2022 dans le cadre de la stratégie bien-vieillir ?
Mme Corinne Féret. - Cette proposition de loi ne répond que partiellement au besoin que nous avons d'un vrai texte sur les personnes âgées et l'autonomie, que nous attendons depuis plus de six ans. Il est d'ailleurs regrettable que le Président de la République n'ait pas dit un mot de ces sujets lors de sa récente conférence de presse.
Alors que vous étiez interviewée par la presse normande ce dimanche sur vos nouvelles fonctions, à la question de savoir si la loi de programmation sur le grand âge serait présentée au Parlement cette année, vous avez répondu que l'agenda restait à définir. Or l'article 2 bis B de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France indique clairement qu'avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge déterminera la trajectoire des finances publiques en matière d'autonomie des personnes âgées.
Cet engagement, que nous avons adopté en commission, sera-t-il tenu ? Vous évoquez la présentation d'un projet de loi d'ici à la fin de l'année, mais il devrait contenir des engagements financiers. Les années passent, les rapports se succèdent, et nous connaissons la situation : la population française est vieillissante et les besoins sont importants. Or, même après la création de la cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l'autonomie, les moyens manquent pour répondre au défi de société que représente la prise en charge de l'accompagnement des personnes âgées. Si la question du financement n'était plus abordée dans un projet de loi, nous aurions perdu une année supplémentaire.
Dans la même interview, vous avez également indiqué vouloir apporter des réponses concrètes par la voie réglementaire, car on ne passe pas tout par la loi. Or le Parlement joue un rôle essentiel et nous devons pouvoir exercer notre rôle de parlementaires.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les textes ne sont pas présentés dans l'ordre. La loi sur le grand âge devrait être examinée avant la présente proposition de loi. Dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), des mesures sont prises, mais leur direction n'est pas claire. Or une loi trace des axes stratégiques, fixe une gouvernance et prévoit un financement. La proposition de loi ne prévoit pour sa part que des mesures de moyen terme.
Par ailleurs, la loi de programmation devrait embrasser tous les champs de l'autonomie, dont les personnes handicapées, pour éviter d'accumuler les dispositifs et de continuer à traiter les sujets en silos - d'autant qu'il faut également se préoccuper du cas des personnes en situation de handicap qui vieillissent.
Une crise d'attractivité s'observe dans le secteur de l'aide à domicile et un décloisonnement est nécessaire pour faciliter les parcours professionnels des soignants. Cependant, il faut tenir compte des conséquences délétères des distorsions de concurrence induites notamment par le Ségur de la santé, dont ce secteur, contrairement à celui des Ehpad, n'a pas pleinement bénéficié. Cette situation est dénoncée depuis longtemps par les fédérations. Si l'on veut que les parcours de soins des personnes vulnérables soient sans rupture, il faut y remédier.
J'espère aussi que vous ne ferez pas comme vos prédécesseurs au ministère du travail, qui ont tardé à agréer l'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide à domicile, plongeant ainsi le secteur dans une crise d'attractivité dont il ne s'est pas remis.
Mme Pascale Gruny. - Madame la ministre, je connais votre force de travail et de persuasion ainsi que votre courage ; j'espère que je ne serai pas déçue !
Je souhaite vous faire part d'un sujet qui me tient à coeur : la situation précaire de notre conseil départemental de l'Aisne, dont les moyens financiers sont très faibles. Nous sommes confrontés à un nombre croissant de lits inoccupés dans nos Ehpad, dont l'un, proche de Saint-Quentin, va même devoir fermer, en raison de la préférence marquée des personnes pour le maintien à domicile. Or nous ne pourrons pas continuer, avec nos moyens limités, à soutenir à la fois les Ehpad et les soins à domicile. Ce dilemme nécessite une réflexion profonde sur notre modèle de prise en charge. De plus, la médicalisation croissante des Ehpad interroge sur leur rattachement aux départements plutôt qu'au secteur hospitalier.
Actuellement, les dispositifs d'alerte en matière de maltraitance sont insuffisamment efficaces et dissuasifs. J'y suis sensibilisée pour des raisons familiales, et leur complexité conduit beaucoup d'intéressés à y renoncer. Il faut les simplifier.
Je salue votre mobilisation sur la prévention, qu'il faut généraliser, alors que notre pays accuse un certain retard dans ce domaine, non seulement pour les personnes vieillissantes, mais également dans le cadre de la médecine du travail, par exemple.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Monsieur Théophile, la situation spécifique de l'outre-mer mérite notre attention, et j'ai pris bonne note de vos remarques s'agissant de la Guadeloupe. Ce grand ministère rassemblant le travail et les solidarités doit nous permettre de relever les défis du chômage et de la formation professionnelle, car nous devons trouver des moyens humains. Il s'agit d'un des sujets importants en matière de grand âge, même si ce n'est pas la seule solution. Il est crucial de trouver des moyens pour l'outre-mer, comme pour l'Hexagone, afin de résoudre ces difficultés.
Madame Féret, en effet, il faut définir un agenda, mais l'expression « loi de programmation » ne pourra pas être utilisée, si la Constitution ne le permet pas. Sa forme exacte dépendra de l'avis du Conseil d'État, attendu sous un mois. Je m'engage alors à préparer une loi sur le grand âge, qui s'articulera autour de trois axes essentiels : la stratégie, les finances et la gouvernance. Nous devrons définir le virage domiciliaire que nous comptons mettre en oeuvre et les acteurs qui y seront associés.
Cela me permet donc de répondre à Mme Gruny ; j'ai rencontré le président du département de l'Aisne, qui m'a indiqué combien le sujet que vous abordez est important ; le futur texte législatif sera l'occasion de le repenser globalement.
Concernant mes propos sur le choix de la voie réglementaire, certaines questions peuvent être résolues de cette manière : la loi, que votent les parlementaires, établit le cadre global et, en fonction de sa rédaction, certaines de ses dispositions sont déclinées par voie réglementaire.
Je suis ministre du travail, de la santé et des solidarités et j'insiste sur le continuum entre ces domaines : ma responsabilité est de les articuler pour apporter une réponse complète. Ainsi deux types de parcours relèvent de mes compétences : celui de nos concitoyens les plus âgés ainsi que celui des professionnels du secteur. Les formations dans les métiers de l'humain doivent s'adapter au parcours professionnel et personnel des employés, certains souhaitent évoluer, d'autres préfèrent faire autre chose, en adéquation avec l'évolution de leurs capacités, et passer, par exemple d'aide-soignante à assistante médicale. Nous devons travailler sur ce continuum.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Je m'associe aux propos du président pour vous faire le meilleur accueil, madame la ministre. Nous aurons l'occasion de travailler ensemble de manière saisonnière autour du PLFSS.
Cette proposition de loi répond à certaines questions, mais n'apporte pas de solution complète aux frustrations qui règnent dans le domaine du vieillissement de la population. La loi sur le grand âge a été promise par différents gouvernements, et nous devons tous reconnaître notre part de responsabilité dans l'épreuve collective que constitue son absence. Pour s'attaquer sérieusement à ce sujet, il faut y consacrer des fonds importants, mais nous rencontrons des difficultés dans ce domaine, comme le montrent les déficits programmés dans chaque PLFSS. Pour autant, la volonté d'agir est là, et il est bien connu que là où il y a la volonté, il y a un chemin ! La priorité actuelle sur le terrain est clairement le recrutement des professionnels de santé. Il faut aussi donner aux établissements les moyens de se projeter dans l'avenir. Je comprends la perspective domiciliaire, mais veillons à ne pas condamner les établissements, qui devront accueillir et s'adapter à une population encore plus âgée, alors qu'ils rencontrent déjà de lourdes difficultés budgétaires. Une loi de programmation devra conduire à soutenir l'ensemble des compétences et des emplois dans ce domaine, c'est essentiel sur nos territoires.
Concernant la proposition de loi, j'aurais souhaité que celle-ci consacre plus de moyens à la mobilité, non seulement des professionnels, mais aussi des personnes âgées, qui rencontrent souvent des difficultés lorsqu'elles ne peuvent plus conduire et doivent se rendre à des rendez-vous médicaux, parfois sans aide familiale à proximité. Les initiatives locales d'associations ne sont pas toujours soutenues par les départements ou par la CNSA.
Enfin, à mon sens, une attention insuffisante est accordée au secteur paramédical, qui joue pourtant un rôle crucial dans la prévention. Cet aspect semble être un angle mort de ce texte.
Mme Corinne Bourcier. - Je souhaite aborder la question de la lutte contre la maltraitance en Ehpad. La proposition de loi se concentre sur l'amélioration du signalement et de son traitement. Toutefois, une politique efficace consiste d'abord à prévenir ces situations. Quels leviers pourraient être mis en place à ce titre ?
Le personnel bénéficie de formations sur la bientraitance et un référent est désigné au sein de chaque établissement ; le numéro d'appel contre la maltraitance est obligatoirement affiché. Cependant, ces mesures se révèlent insuffisantes. La maltraitance ne provient en effet pas uniquement d'actes volontaires du personnel, mais elle est très souvent involontaire, si l'on peut dire, c'est-à-dire liée à un manque de temps et de personnel.
Ainsi, garantir un nombre de soignants suffisant par établissement, proportionnel au niveau de dépendance des résidents, et renforcer la formation semblent être des solutions efficaces. Cela pose cependant des problèmes liés aux difficultés de recrutement et à la nécessité d'accroître l'attractivité et la valorisation de la profession.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Madame la ministre, j'ai pris connaissance de votre feuille de route sur une grande politique nationale de santé dans Ouest-France. Nous lisons la presse, mais nous souhaitons que vous veniez présenter cette feuille de route devant le Sénat. Hormis cette PPL au rabais, de nombreux sujets nous préoccupent, notamment l'hôpital public, l'accès aux soins, la pénurie de médicaments, la santé au travail ou le droit au travail.
Concernant la loi de programmation sur la perte d'autonomie, avec ma collègue Silvana Silvani, nous avons quelques doutes. En cinq ans, nous avons vu passer six ministres de la santé et, à chaque changement, une loi sur l'autonomie et le grand âge nous a été annoncée, sans que nous la voyions se concrétiser. Nous espérons vivement qu'une telle loi voie le jour, car nous sommes confrontés à de graves problèmes, notamment à de la maltraitance dans certains Ehpad lucratifs, ainsi que l'a révélé Victor Castanet. Alors que les dirigeants de ces entreprises s'octroyaient des salaires indécents avec l'argent public, le manque de personnel était flagrant dans les établissements. Nous faisons face également à des problèmes de recrutement chez les aides à domicile ainsi qu'à des problèmes de salaires dans les Ehpad.
Envisagez-vous, enfin, de financer notre protection sociale à son juste niveau en remettant en cause les 87 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales pour les employeurs, ce qui apporterait un soutien significatif au budget de la sécurité sociale ?
Mme Véronique Guillotin. - Je salue votre présence ici dix jours après votre nomination ; votre capacité de travail et votre volontarisme sont reconnus, nous devrions parvenir à avancer.
Ces lois sur le grand âge sont transversales, incluant la prévention, l'habitat, la formation des professionnels de santé, les aspects sociaux, mais aussi l'aménagement du territoire ; en effet, la mobilité des personnes âgées reste problématique, car le transport est encore payant. Certaines mesures réglementaires pourraient être prises rapidement à ce sujet.
Concernant la prévention, nous avons progressé en matière d'activité physique adaptée pour les patients atteints de cancer, il faudrait étendre le remboursement de ces pratiques à d'autres types de patients fragilisés.
Le virage domiciliaire est très important, car le souhait de vivre à domicile domine chez les personnes âgées. Malheureusement, la fin de vie se déroule trop souvent à l'hôpital, révélant ainsi un manque d'accompagnement des aidants et de préparation au décès. Nous devons donc nous atteler à cette étape de vie : le bien-vieillir, c'est aussi le bien-mourir. Les ressources humaines me semblent être, à ce titre, l'alpha et l'oméga du maintien à domicile des personnes âgées.
Une réflexion a-t-elle été engagée sur la notion d'Ehpad « hors les murs » ? La rapporteure générale Élisabeth Doineau a évoqué la mobilisation des ressources des Ehpad pour créer des places « hors les murs », ce qui pourrait faciliter la coordination des soins, qui est la difficulté principale du maintien à domicile, alors que la personne aidante est parfois aussi âgée que l'aidée. Quand on ne parvient pas à joindre le médecin, que l'infirmière ne passe pas, que l'on bute sur une plateforme, on finit par appeler le 15, et cela se termine à l'hôpital, entraînant une rupture de parcours. Cela pourrait faire partie des réflexions autour de cette loi sur le grand âge.
Mme Corinne Imbert. - Madame la ministre, quel est votre regard sur l'accueil familial ?
La loi de financement de la sécurité sociale votée en 2022 contraint les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) à se rapprocher des services d'aide à domicile ; le décret en ce sens est paru l'année dernière, il est presque incompréhensible. L'application sur le terrain de cette mesure pose des difficultés pratiques pour des raisons de périmètre ou de statut des salariés. Dans le cadre de la proposition de loi actuelle, envisagez-vous d'assouplir ces règles, pour que ce rapprochement devienne une option et non plus une obligation ?
Enfin, concernant la loi sur le grand âge et l'autonomie, je forme le voeu que vous n'adoptiez pas la même approche que l'une de vos prédécesseurs, qui, sous prétexte que ces compétences relèvent des départements, envisageait d'exiger que ceux-ci dépensent un euro pour chaque euro investi par l'État. Le Sénat ne soutiendra aucune proposition de cet ordre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je suis une élue locale, les sujets que vous abordez, je les vis au quotidien, je ne me contente pas d'en entendre parler.
Madame Bourcier, sur la question de la maltraitance, je reconnais qu'il est fondamental de distinguer les conséquences de l'exaspération et de la fatigue de la maltraitance volontaire. La formation est essentielle à ce titre, mais je tiens à souligner, avec une très grande prudence, l'importance de la psychiatrie. Des pathologies affectent toutes les tranches d'âge, les plus jeunes comme les plus âgés, et nécessitent des formations spécialisées. De même, il est crucial de reconnaître la pression ressentie par les professionnels qui ne savent pas au quotidien dans quel état ils vont trouver leurs patients. Je porte à ce sujet une attention particulière.
En ce qui concerne les propos de Madame Guillotin, je suis d'accord sur l'importance de l'activité physique adaptée. L'Ehpad « hors les murs », pourquoi pas ? La coordination des soins est un sujet déterminant, pour autant, vous soulignez une difficulté : le numerus apertus atteint 10 300 médecins par an, mais il faut dix ans pour les former ; nous avons donc encore cinq années difficiles devant nous. En outre, ces médecins font des choix de vie que nous devons respecter : ils ne se considèrent pas en dette après leurs études. C'est un facteur à prendre en compte pour trouver des solutions complémentaires.
Madame Doineau, je suis consciente des frustrations qui règnent dans le secteur du grand âge concernant le financement public. L'enjeu de ce grand ministère est le suivant : chaque fois que des personnes retournent vers l'emploi, cela libère des marges de manoeuvre budgétaires. Il n'y a pas d'argent magique et la situation de l'emploi est moins bonne aujourd'hui qu'elle ne l'était l'année dernière, il faut en tenir compte.
Je ne suis pas là pour condamner les Ehpad, mais j'entends que dans certains lieux, certains d'entre eux ne trouvent pas leur public. Toute la question est de parvenir à trouver le bon équilibre, car certaines pathologies du grand âge relèvent bien de ces établissements et les familles n'ont pas d'autre choix. Nous devons trouver la capacité d'y répondre.
Madame Apourceau-Poly, je vous assure de ma disponibilité envers les parlementaires, j'ai d'ailleurs déjà représenté le Gouvernement par la discussion de deux textes en séance publique. Je serai présente autant que nécessaire ; nous ne serons sans doute pas toujours d'accord, mais il est essentiel que nous travaillions ensemble pour avancer vers une reconnaissance des métiers de l'humain afin de favoriser leur attractivité.
Madame Imbert, je suis ouverte à introduire un article dans le texte sur l'accueil familial afin que nous en discutions ensemble. Concernant les Ssiad, l'étendue des compétences de mon ministère me permettra peut-être d'apporter une réponse statutaire. Je vais en étudier les possibilités.
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.
La réunion est close à 17 h 25.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Jeudi 25 janvier 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Mouiller, président. - Comme annoncé hier, nous examinons ce matin les amendements déposés par le Gouvernement, ainsi qu'un amendement et un sous-amendement par la rapporteure.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE LA RAPPORTEURE
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure, rapporteur spécial. - L'amendement n° 7 fait suite à une discussion que j'ai eue hier soir avec le Gouvernement ; il est mieux-disant que l'article tel que la commission l'avait rédigé. Il prévoit la création d'au moins un dispositif dédié à l'accueil des élèves de l'enseignement primaire dans chaque circonscription académique et d'au moins un dispositif dédié à l'accueil des élèves de l'enseignement secondaire dans chaque département. Dans la mesure où notre amendement pouvait potentiellement tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution, le Gouvernement a déposé un amendement identique (n° 6).
L'amendement n° 7 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION (SUITE)
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - La commission est évidemment favorable à l'amendement n° 6 qui est identique à l'amendement de la commission que nous venons d'adopter.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 4, qui formalise un compromis trouvé avec le Gouvernement sur la rédaction de l'article 2.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Contrairement à ce qui a nous été dit, l'amendement n° 5 du Gouvernement n'est pas purement rédactionnel. Certes, des améliorations rédactionnelles auxquelles je souscris sont proposées, mais il prévoit en outre l'application des régimes d'équivalence dans le cadre des prestations de relayage. Surtout, il prévoit qu'un décret définisse les critères auxquels les profils des personnes aidées doivent répondre pour avoir accès à ces prestations. Aussi, je propose un avis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 8 supprimant ce renvoi au décret.
M. Philippe Mouiller, président. - Outre des modifications rédactionnelles, l'amendement du Gouvernement qui vient d'être déposé modifie des éléments substantiels. Or nous n'avons pas les éléments pour juger de leur bien-fondé.
La commission adopte le sous-amendement n° 8 puis émet un avis favorable à l'amendement n° 5, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.
La réunion est close à 10 h 40.
TABLEAU DES AVIS