Mercredi 17 janvier 2024

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France - Désignation d'un rapporteur

M. Laurent Lafon, président. - Avant d'écouter Michel Cadot et Nicolas Ferrand, je vous propose de désigner un rapporteur sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, déposée en septembre dernier par nos collègues Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, qui sera débattue en séance le 14 février prochain.

Je vous propose de confier la conduite de nos travaux sur ce texte à Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp.

En l'absence d'opposition, il en est ainsi décidé.

Audition de MM. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS) et Nicolas Ferrand, directeur général exécutif de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo)

M. Laurent Lafon, président. - Pour débuter cette année placée sous le signe de l'olympisme, nous avons le plaisir d'accueillir M. Michel Cadot, délégué interministériel aux JOP 2024 et président de l'agence nationale du sport et M. Nicolas Ferrand, directeur général exécutif de la société de livraison des ouvrages olympiques.

Messieurs, soyez les bienvenus au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et désormais du sport ! Nous avons en effet complété l'intitulé de notre commission il y a quelques semaines.

Vous êtes bien placés pour savoir que nous entrons dans la dernière ligne droite de la longue phase de préparation des 33e jeux Olympiques d'été. Le Président de la Cour des comptes a parlé, en bon français, de « money time » lors de son audition, non sans avoir indiqué que la plupart des voyants étaient au vert !

Il estimait que les délais d'organisation seraient tenus, que les coûts seraient sans doute maîtrisés, il a constaté que la livraison des ouvrages olympiques allait bon train et que les sites pouvaient désormais être préparés à accueillir les épreuves.

La multiplicité des enjeux et des intervenants implique bien entendu un travail de coordination considérable. Vous nous direz sans doute quels sont vos principaux points de vigilance pour les prochains mois.

Nous sommes également intéressés, comme bon nombre de nos concitoyens, outre l'évolution des coûts d'organisation que j'évoquais à l'instant, par les questions associées à la sécurité et aux transports.

Nous cherchons enfin à nous assurer, en tant que membres d'une chambre tournée vers les territoires, que ces jeux concernent un maximum d'entre eux. C'est un enjeu que nous avons identifié il y a plusieurs mois et sur lequel nous avons toujours des interrogations. Beaucoup ont souhaité accueillir des épreuves, des entraînements ou des délégations sportives. D'autres verront passer la flamme olympique, qui rejoindra Marseille depuis Athènes le 8 mai prochain, et traversera ensuite plus de 400 villes françaises pendant 68 jours. Elle passera d'ailleurs au Sénat le 14 juillet prochain !

Mais des interrogations persistent sur les retombées effectives de cet évènement sur les territoires concernés et leurs populations, en un mot, sur l'héritage laissé par ces jeux pour l'ensemble du pays.

Nous comptons donc sur vous, à six mois de l'échéance, pour lever ces interrogations et nous éclairer sur vos réalisations et sur vos perspectives pour ces prochains mois décisifs pour le succès de cet évènement que l'on aimerait à la fois planétaire et local.

Je vais donc vous laisser la parole, Messieurs, pour des interventions liminaires d'une quinzaine de minutes, à l'issue desquelles je donnerai la parole à l'ensemble de mes collègues, en commençant par Claude Kern et Jean-Jacques Lozach, co-rapporteurs de la mission d'information de la commission consacrée aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Je rappelle à chacun que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site internet du Sénat et consultable ensuite en vidéo à la demande.

M. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS). - Je suis très heureux d'être devant votre commission, aux côtés de Nicolas Ferrand, en ce début d'année 2024. L'année 2023 s'est terminée correctement en termes de préparation des jeux. Les principales infrastructures, sous la responsabilité de la Solideo, ont été livrées dans les temps, en respectant les budgets, aux indices d'évolution du BTP près. Les derniers ouvrages seront livrés dans les délais prévus, ce qui est remarquable. Nicolas Ferrand développera ce point. À la fin de l'année dernière, nous avons eu quelques préoccupations, dont la presse s'est fait l'écho, sur le Grand Palais, sur la piscine de Colombes, sur Teahupo'o à Tahiti et sur le site de Châteauroux, choisi plus tardivement pour les épreuves de tir. Tous ces points ont été réglés, avec des feuilles de route très claires partagées avec les acteurs locaux.

Le bilan 2023 est extrêmement satisfaisant en termes d'emploi de personnes en insertion professionnelle. Plus de 3 700 personnes auront travaillé dans les chantiers de la Solideo, ce qui représente des millions d'heures d'insertion. Celui du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) est lui aussi satisfaisant. Son conseil d'administration a adopté un budget à l'équilibre le 11 décembre 2023, avec une augmentation des dépenses de 17 millions d'euros, équilibrée par une augmentation des recettes du même montant, pour un total de 4,4 milliards d'euros. Il dispose d'une réserve de 120 millions d'euros, qui reste conséquente, pour couvrir les imprévus. Cette réserve est pilotée de manière très resserrée par la Dijop et par la direction du budget.

La billetterie se développe dans de très bonnes conditions pour les jeux. Nous suivons celle des jeux Paralympiques avec attention, les achats de billets étant plus tardifs. Tous les contrats de délégation avec les opérateurs, les event delivery entities, ont été signés en 2023. Les contrats de location et d'occupation des sites, les venue use agreements, ont également été signés ou sont en cours de signature. Leurs modalités et leurs coûts sont arrêtés. Sur la sécurité privée, nous sommes dans la dernière vague des appels d'offres. Tous les contrats seront signés avant mi-février, que les sites soient directement opérés par Paris 2024 ou qu'ils soient délégués à des event delivery entities.

Le COJO est dans la phase de livraison opérationnelle, toute la contractualisation est derrière lui et s'est déroulée dans de bonnes conditions. Il y a un an, le COJO employait moins de 500 personnes et 2 000 fin 2023. Il en emploiera 4 000 au mois de juillet et déléguera l'essentiel de ses effectifs sur les sites pour coordonner les aspects logistiques d'installation, de raccordements énergétiques, de conditions d'accès, etc.

Pour l'État, il s'agit désormais de médiatiser et d'expliquer ce qui va être visible sur le territoire. À Paris, les premiers chantiers temporaires vont commencer à être installés, par exemple sur la place de la Concorde, dès le mois d'avril. Il est donc important de faire connaître le sens de cet événement et ce qu'il apporte au pays.

J'identifie quatre enjeux principaux jusqu'à la fin du mois d'avril, c'est-à-dire le moment où le relais de la flamme va se déployer sur le territoire.

Le premier porte sur la sécurité. Quelques points doivent être suivis avec soin et feront l'objet de comptes rendus devant les commissions parlementaires. Les cérémonies d'ouverture des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques constituent des défis, avec leur accès gratuit et l'accueil de plusieurs centaines de milliers de spectateurs. C'est pour nous un enjeu de sécurité, de fluidité et de qualité de la parade nautique. Elle donnera la tonalité de l'image des jeux. Les moyens que la sécurité privée sera capable d'allouer aux jeux sont également suivis avec la plus grande attention. Les derniers contrats seront signés d'ici la fin du mois de février mais cela ne signifie pas que les agents de sécurité privée seront au rendez-vous. Il y a d'innombrables problèmes d'accréditation et de formation. Le gouvernement a mis en place un plan de mobilisation de la sécurité privée avec des financements considérables, plusieurs dizaines de millions d'euros pour la formation et l'accréditation par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Ce plan se déploie dans de très bonnes conditions. Plus de 9 000 personnes sont entrées en formation depuis le début de l'année 2023. Enfin, nous travaillons sur l'articulation des chaînes de commandement, très spécifique aux jeux, entre les centres de commandement nationaux, le centre interministériel de crise, le Centre national de coordination stratégique (CNCS) créé pour la sécurisation de la Coupe du monde de rugby et toute la chaîne du CIO et du COJO, dont le main operation center et les dispositifs de sécurisation qui correspondent au schéma olympique renouvelé à chaque olympiade. Ces derniers doivent être adaptés au système français assez vertical autour des préfets et du préfet de police pour la région Île-de-France. Le plan cyber se déploie correctement et la lutte anti-drone a été financée en loi de programmation militaire. Les plans de remédiation sur chacun des risques sont pris en compte et la Coupe du monde de rugby, qui constituait un test pour les jeux, s'est bien déroulée.

Le deuxième enjeu concerne les transports et l'adaptation des conditions de circulation, particulièrement en Île-de-France. Pour les transports collectifs, qui devront absorber entre 600 000 et 800 000 personnes supplémentaires par jour pendant les jeux, le schéma est à peu près stabilisé. Le plan de transport prévoit une hausse de 15 % des capacités de la RATP, de la SNCF et les autres opérateurs de transport. Certaines zones verront leurs capacités de transport assez contraintes, notamment la zone ouest avec le Parc des Princes et le stade de Roland-Garros. Pendant plusieurs jours, il y aura des croisements de flux et une gestion des mobilités extrêmement complexe. Le plan national de mobilité sera mis en place d'ici la fin du mois de mars. Il détaillera les données de chaque site, les conditions d'accès à notre pays dans les aéroports et dans les gares, le renforcement des moyens de contrôle frontalier etc. Enfin, le Travel demand management (TDM) permettra de gérer la demande de transport et d'informer les Franciliens sur les conditions d'encombrement ou sur les difficultés d'accès à certaines lignes. Ils pourront planifier leurs déplacements domicile/travail en temps réel pendant les jeux. Le dossier des transports est considérable. Il repose sur l'accessibilité et sur la bonne information des publics.

Le troisième sujet de vigilance porte sur le dialogue social et sur l'acceptabilité sociale des mesures impliquées par les jeux comme la dérogation aux congés hebdomadaires, le report des congés annuels, etc. Sur tous ces points, les travaux juridiques sont derrière nous. Le décret sur la durée hebdomadaire du travail a été modifié, les administrations ont mis en place des plans de continuation d'activité qui conduisent à limiter les congés et à interdire la prise de congé sur certaines semaines pour permettre de disposer de tous les moyens au moment où ils seront nécessaires. Il est nécessaire de mettre en place des mesures d'accompagnement, dont des primes d'indemnisation. Ces sujets sont traités ministère par ministère, en tenant compte des statuts des personnels et de leurs contraintes (policiers, services d'urgence des hôpitaux, etc.). Ils sont aussi suivis par le Comité de la charte sociale animé par le Medef avec Dominique Carlac'h et par la CGT avec Bernard Thibault. Il est pour nous essentiel que ces sujets soient traités dans le cadre d'un véritable dialogue social et nous attendons les éléments et les budgets qui ressortiront de ces concertations.

Le quatrième et dernier sujet concerne l'acceptabilité sociale de cet événement et de ses contraintes dans les territoires. Nous sommes attachés à l'héritage des jeux et à la mobilisation populaire. Nicolas Ferrand détaillera l'héritage matériel des jeux. Il sera effectif en Seine-Saint-Denis, à Marseille avec la requalification de la Marina, à Châteauroux et à Lille. L'héritage immatériel porte sur le renforcement de la pratique sportive, notamment avec les 30 minutes d'activité physique à l'école. Le plan 5 000 équipements, qui a été un très grand succès, se termine et le président de la République a annoncé un nouveau plan, Génération 2024. 1 000 emplois sportifs ont été créés pour permettre aux clubs et aux collectivités de participer à des projets accompagnant les jeux. Pendant l'été, un dispositif olympique assez massif a été prévu pour les jeunes qui resteront sur place.

Toujours dans l'héritage immatériel, les jeux Paralympiques permettront de changer le regard sur le handicap. Les chaînes publiques diffuseront plus de 300 heures d'épreuves paralympiques, ce qui permettra de mieux prendre la mesure de ce que signifie être un athlète ou un sportif en situation de handicap.

Enfin, nous mènerons 14 études pour mesurer, après les jeux, leur impact économique, social et environnemental. La mobilisation des territoires et la mobilisation populaire sont de plus en plus visibles. Le relais de la flamme mobilisera 15 000 relayeurs dont 11 000 ont déjà été choisis. Un dispositif de sécurité a été mis en place par les préfets en lien avec les élus. 400 000 billets gratuits ont été réservés, dont 100 000 pour les jeux Olympiques et 300 000 pour les jeux Paralympiques. Un grand nombre de ces billets pour les épreuves paralympiques sont dédiés aux élèves des écoles, des collèges et des lycées de tous les départements français. Ils pourront, par groupe de 30, assister à des épreuves avec leurs encadrants, principalement en Île-de-France. Ils bénéficieront également de conditions de transports préférentielles avec la SNCF et parfois de solutions d'hébergement s'ils ne peuvent pas rentrer chez eux le soir même ou s'ils ont la possibilité d'assister à une autre épreuve le lendemain. Ces éléments offriront une capacité de participation collective nécessaire. Enfin, près de 250 clubs 2024 ont été agréés. Les territoires se mobilisent de plus en plus pour assurer, par ces fans zones, une très large diffusion des jeux. Il y a d'autres mesures de valorisation territoriale sur lesquelles nous pourrons revenir au moment des questions.

M. Nicolas Ferrand, directeur général exécutif de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). - Je commencerai par rappeler l'organisation qui a été mise en place pour la préparation des jeux. Paris 2024 a été créé pour réaliser l'événement et la Solideo a pour rôle de construire les ouvrages nécessaires qui auront une vie après les jeux. Nous construisons en quelque sorte le théâtre et les équipes de Tony Estanguet installent le décor et jouent la pièce.

L'écosystème de la Solideo est assez complexe avec 13 cofinanceurs et 31 maîtres d'ouvrage, publics ou privés. La Solideo devait garantir la livraison de tous les ouvrages dans les temps, c'est-à-dire au 31 décembre 2023 pour une transmission à Paris 2024 à partir du 1er mars 2024. Ce planning est inchangé depuis 2017. Tous les jalons ont été passés dans les temps impartis.

85 % des travaux étaient achevés au 31 décembre 2023. Nous sommes actuellement dans la phase de levée des réserves. Les derniers ouvrages seront transférés au COJO début juin.

À l'issue des jeux Paralympiques, la Solideo sera en charge des travaux de conversion des ouvrages dans leur format définitif.

La Solideo a la responsabilité de 70 ouvrages olympiques, à la fois des ouvrages neufs et des rénovations. La plupart de ces ouvrages sont situés en Île-de-France, notamment en Seine-Saint-Denis mais aussi dans les Hauts-de-Seine, dans les Yvelines, à Paris et à Marseille.

Le Village des athlètes a été construit sur trois communes : Saint-Ouen, Saint-Denis et L'Île-Saint-Denis. Il s'organise autour de la Cité du cinéma et accueillera 15 000 athlètes pendant les jeux Olympiques et 9 000 pendant les jeux Paralympiques. À l'issue des jeux, ce sont 6 000 habitants et 6 000 salariés qui occuperont les bâtiments. Nous avons construit un nouveau pont sur la Seine, réorganisé l'échangeur autoroutier autour de Pleyel, aménagé 7 hectares d'espaces verts, etc.

Les bâtiments pour loger les athlètes, construits par Icade, Nexity et Vinci, sont terminés. Nous sommes dans la phase de levée de réserves et la Solideo achève les espaces publics maintenant que les échafaudages et les bases de chantier ont été démontés.

Nous avons souhaité une diversité architecturale puisque ces jeux sont les premiers en Europe après toute une série d'Olympiades en Asie (Pékin, Tokyo, PyeongChang) et l'exposition universelle de Dubaï. Il s'agissait de montrer au monde un autre modèle urbain et nous avons pensé que la qualité architecturale et la qualité des espaces publics étaient une marque distinctive de la ville européenne. Les rez-de-chaussée seront occupés, pendant les jeux, par des services pour les athlètes apportés par les délégations nationales puis, après les jeux, par des commerces. Nous avons été particulièrement attentifs à l'accessibilité des espaces publics. Ainsi, une grande rampe ronde permet de rattraper la différence de niveau entre les rues hautes et les rues basses. C'est aussi l'endroit où les athlètes seront accueillis. Nous avons ici un rapport intéressant entre la nature, la Seine, cette rampe extrêmement « instagrammable » et les bâtiments anciens, représentatifs de la ville européenne.

Le nouveau pont sur la Seine est achevé, nous sommes en train de réaliser les plantations. Les berges de la Seine ont été retravaillées pour recréer un rapport entre le fleuve et la ville.

Le Village olympique, c'est aussi de l'innovation puisque la France dispose de leaders mondiaux dans tous les modèles urbains. Nous avons souhaité en faire une vitrine. À titre d'exemple, de grands purificateurs d'air sont installés. Ce dispositif a également été déployé dans des écoles autour du Village des athlètes.

Nous avons également rénové un certain nombre d'équipements autour du Village pour permettre aux athlètes de s'entraîner. Le plus emblématique est la Grande Nef de l'Île-des-Vannes. Elle a été remise en état pour les entraînements de gymnastique rythmique. La réception de ce bâtiment aura lieu en avril et il sera mis à la disposition de Paris 2024 en juin.

Paris 2024 prend en main dès le mois de mars les équipements nécessitant des aménagements. En revanche, les équipements destinés aux entraînements dans lesquels aucune action n'est requise seront mis à sa disposition au mois de juin.

À côté du Village des athlètes, nous avons aménagé le Cluster des Médias sur Dugny et sur le parc des expositions du Bourget, où nous avons reconstruit le Hall 3, transformé en studio de télévision géant de 80 000 m2 pendant les jeux. Sur ce site nous devons aménager l'espace d'escalade, construire un pont au-dessus de l'autoroute A1 et réaliser un village pour les journalistes. La partie bâtimentaire est aujourd'hui terminée et nous travaillons sur les espaces publics.

Le pont sur l'autoroute a été construit en bois du Morvan transformé dans le Jura. C'est important pour la filière bois car c'est la première fois que le bois est utilisé au-dessus d'une autoroute, les ingénieurs autoroutiers, dont je suis, étant jusqu'alors opposés à l'utilisation de ce matériau. Le parc des sports de la ville du Bourget a été complètement reconstruit pour accueillir le site d'escalade. Deux écoles ont été déplacées. Le site d'escalade, qui est un site provisoire, est réalisé par Paris 2024 et sera livré courant mars.

Le Centre Aquatique Olympique a été réalisé par la Métropole du Grand Paris en face du Stade de France auquel il est relié par un pont au-dessus de l'autoroute A1. Les bassins sont en eau, les 5 000 sièges ont été installés. Cette piscine servira pour le plongeon, pour la natation synchronisée et pour certaines phases du water-polo. Elle dispose de parois mobiles qui permettront, après les jeux, d'organiser plusieurs usages simultanément. Elle sera achevée début mars, avec un mois d'avance, pour une prise en main par le COJO début avril.

L'Arena Porte de la Chapelle comprend 9 000 places. Elle complète les Arenas de Bercy (20 000 places) et de La Défense de 40 000 places. Les travaux sont terminés, nous sommes dans la phase de levée de réserves. Le 1er match aura lieu le 11 février et l'équipement sera mis à la disposition de Paris 2024 le 26 avril. La Ville de Paris a souhaité réaliser un certain nombre d'équipements de proximité, notamment deux gymnases. Le Paris Basket Club sera le club résident de cette Arena.

Le stade départemental Yves-du-Manoir a été achevé au mois de décembre. Le président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, Georges Siffredi, a organisé une cérémonie qui a été couverte par la presse. Le stade sera mis à la disposition de Paris 2024 en avril.

La piste de VTT olympique a été aménagée dans la colline d'Élancourt. Un test event a eu lieu en juillet 2023 et nous réalisons de petits travaux d'ajustement pour une parfaite adéquation des équipements aux besoins.

Un test event a également été organisé en juillet dernier dans la Marina du Roucas Blanc à Marseille. 3 bâtiments ont été construits ou reconstruits et ont reçu le satisfecit de la Fédération française de voile. Les 3 derniers bâtiments seront réceptionnés à la fin du mois de janvier et mis à la disposition de Paris 2024 à la fin du mois d'avril.

C'est la grande singularité des jeux de Paris, il n'a pas été nécessaire de construire un stade olympique, puisque nous disposons du Stade de France. Cela représente une économie de près de 1,5 milliard d'euros, soit le coût du stade de Tokyo. Nous avons rénové quelques éléments pour environ 50 millions d'euros, notamment les écrans, les éclairages, le poste de commandement opérationnel et les salles pour les journalistes. Le stade ayant été très bien conçu au moment de sa construction en 1995, il n'était pas nécessaire de le démolir et de le reconstruire.

Pour l'entraînement des athlètes, nous avons construit ou rénové huit piscines.

Nous avons également construit trois écoles, un lycée, 5 ponts, et reconfiguré un échangeur autoroutier.

Trois sujets sont sous surveillance. Sur la patrie îlienne du Village olympique, l'écoquartier fluvial, le groupement de promoteurs Pichet et Legendre doit livrer un ensemble de bâtiments pour accueillir 2 700 athlètes. 500 lits seront livrés courant avril au COJO et non début mars comme prévu.

La Réunion des musées nationaux, qui est le maître d'ouvrage du Grand Palais, a fait un gros travail pour que la mise à disposition des espaces ait lieu, comme prévu, le 19 avril. Un certain nombre de réserves seront levées après le 19 avril mais elles n'empêcheront pas Paris 2024 de commencer ses travaux d'aménagement.

Enfin, la piscine de Colombes, destinée à l'entraînement pour la natation synchronisée, sera livrée début juin et mise à la disposition de Paris 2024 fin juin. Ce chantier a connu de nombreuses péripéties et nous le suivons avec beaucoup d'attention pour que le nouveau calendrier soit tenu.

Trois infrastructures sur 70 sont donc sous surveillance, sans remise en cause du programme global.

Sur le plan budgétaire, nous avons réussi à tenir les budgets hors inflation, exprimés en euros constants 2016. Le budget initial était de 1,378 milliard d'euros en euros 2016 et nous devrions achever notre mission avec un budget de 1,412 milliard d'euros, toujours en euros 2016, soit un écart de 34 millions d'euros, soit 2 %. Ce budget est tenu en partie grâce aux nouveaux ouvrages confiés à la Solideo, notamment les voies provisoires, et en partie grâce à un sous-dimensionnement initial de nos moyens de fonctionnement, point mis en avant par la Cour des comptes qui considérait que nous n'avions pas les moyens d'achever sereinement nos travaux dans son premier rapport en 2021. Si le budget est donc tenu en euros 2016, nous avons subi l'inflation en euros courants.

La Solideo a aussi été attentive à l'héritage immatériel des jeux. Les ouvrages olympiques incarnent le meilleur du savoir-faire français et une ambition environnementale.

Le bilan carbone du Village olympique, qui représente plus de 300 000 m2 de surface de plancher, a été réduit de 47 % par rapport à ce qui se faisait en 2019. Nous l'avons réalisé sans subvention publique. Cet objectif de -47 % correspond à celui fixé par la Stratégie nationale bas carbone pour la construction à l'horizon 2030-2035. Nous avons pu l'atteindre dès aujourd'hui, sans subvention publique. C'est le principal héritage immatériel pour la filière de la construction.

Nous avons également travaillé sur l'économie circulaire. Nous avons par exemple construit un bâtiment qui met en place un certain nombre d'innovations de ruptures, en recyclant les eaux grises et noires, ce qui permet près de 60 % d'économie d'eau potable. Au moment où la sécheresse est l'objet de préoccupations croissantes, nous disposons de démonstrateurs permettant de réaliser des économies extrêmement substantielles en termes d'eau potable.

Nous avons pris en main la résilience par rapport au changement climatique en vérifiant que nos bâtiments seraient confortables à l'été 2050, c'est-à-dire au niveau de la canicule de 2003. Sans climatisation, nous atteignons un taux de confort dans 97 % des pièces du Village olympique. Ces résultats ont été modélisés par Météo France et par Dassault Systèmes.

Cette démarche d'innovation s'appuie sur un Fonds d'innovation qui a subventionné 34 projets sur les 60 soumis, pour un montant de 36 millions d'euros.

Parallèlement à cette ambition environnementale, nous avons eu une ambition sociale extrêmement forte. 10 % des heures travaillées ont été dédiées à des publics éloignés de l'emploi. Notre objectif était de parvenir à 2,4 millions d'heures d'insertion. Nous en sommes aujourd'hui à plus de 2,7 millions et il reste des travaux à réaliser après les jeux. Plus de 3 800 personnes ont ainsi pu accéder à un emploi grâce aux jeux, qui profitent ainsi aux territoires.

Par ailleurs, alors nous devions confier 25 % de la valeur de nos marchés aux TPE/PME et aux structures de l'économie sociale et solidaire (ESS), nous en avons confié 38 %. Ce sont 2 407 TPE/PME et 120 structures de l'ESS, réparties dans 85 départements, qui ont bénéficié d'un contrat pour la construction des ouvrages olympiques.

Enfin, nous avons enregistré quatre fois moins d'accidents sur nos chantiers que sur des chantiers comparables. Nous déplorons 169 accidents, dont 27 graves, mais aucun accident mortel, grâce à la prévention, aux contrôles de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) et à la mobilisation de l'ensemble des entreprises. Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, a reconnu dans Le Monde le 13 octobre dernier les efforts de la Solideo pour réduire les accidents du travail.

Nous avons également lutté contre le travail illégal. Seule une centaine de travailleurs sans papier ou non déclarés à l'URSSAF ont été identifiés sur les 30 000 personnes qui ont travaillé sur les chantiers olympiques.

Nous nous préparons aujourd'hui à reprendre les travaux après les jeux sur une école, un parc, la phase 2 du Cluster des Médias, la réversibilité des logements du Village, etc. Les permis de construire ont été obtenus, une équipe de 46 personnes est d'ores et déjà constituée et les marchés sont en cours de rédaction.

Pour conclure, les ouvrages olympiques sont dans les temps, dans les coûts et dans les ambitions fixés.

M. Claude Kern, co-rapporteur de la mission d'information sur la préparation des JOP. - Merci pour vos exposés très complets qui laissent entrevoir la réussite de ces jeux que nous souhaitons tous.

M. le Délégué interministériel, nous vous avions auditionné à la suite des incidents survenus au Stade de France le 28 mai 2022. Vous aviez alors relevé une situation « grave, très défavorable à notre réputation internationale en matière d'organisation d'événements sportifs, notamment en raison d'une gestion des flux déficiente ». Pouvez-vous aujourd'hui nous rassurer, en nous expliquant comment vos recommandations ont été prises en compte dans l'organisation des jeux ? Comment anticipez-vous d'éventuels problèmes de transport, de délinquance ou de billetterie falsifiée qui viendraient perturber l'accès aux sites comme ce fut le cas au Stade de France ?

S'agissant plus généralement de la sécurité, le Cojop estime que 70 % de besoins sont aujourd'hui couverts et que les 30 % restant le seront dans les prochains mois. Pouvons-nous croire ces prévisions optimistes connaissant les carences de la sécurité privée ? Aujourd'hui les policiers sont inquiets et demandent que leur participation soit clarifiée, comme les contreparties indemnitaires et sociales qui leur sont accordées.

Dans son rapport de juillet 2023, la Cour des comptes demandait la finalisation rapide du dispositif de sécurité, avant octobre 2023. Or, nous n'y sommes pas encore parvenus. Risquons-nous de devoir combler dans l'urgence les besoins, comme ce fut le cas lors des jeux Olympiques de Londres, en mobilisant les armées ? Quelles sont vos attentes vis-à-vis du ministère de l'Intérieur et plus globalement vis-à-vis de l'État à ce sujet ?

Par ailleurs, le très beau Centre aquatique olympique de Saint-Denis ne répond pas aux besoins des compétitions de natation en ligne car la jauge des spectateurs est trop faible. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, quelles sont les solutions apportées et quelle est leur incidence sur le budget ?

M. Jean-Jacques Lozach, co-rapporteur de la mission d'information sur la préparation des JOP. - Le sentiment largement répandu, vous l'avez confirmé ce matin, est que les jeux Olympiques et Paralympiques se présentent plutôt bien, même si quelques difficultés demeurent ici ou là, ou si des polémiques apparaissent sur le prix de l'hébergement, le prix de certains billets pour la cérémonie d'ouverture ou les difficultés de déplacement. Je n'aborderai pas le plan de transport car un certain nombre de collègues vous interpelleront sur ce sujet.

Sur le plan du financement, nous sommes plutôt rassurés à la lecture des observations du Comité d'audit du Cojop et par les deux filets de sécurité mis en place, d'une part la garantie de l'État, d'autre part la réserve pour aléas qui s'élève à 120 millions d'euros et qui ne sera sans doute pas complètement consommée.

Si pendant le débat budgétaire nous avons été très critiques sur le programme 219, c'est-à-dire le financement des politiques sportives nationales, nous avons été conciliants, pour ne pas dire approbateurs, sur le programme 350 concernant le financement de la Solideo dont le budget semble tenu. Il nous est en revanche très difficile d'apprécier la préparation de nos équipes nationales.

Est-ce qu'une nouvelle loi olympique sera nécessaire au cours du 1er semestre 2024 pour compléter ou corriger l'existant ?

Sur la sécurité, nous avions eu un long débat lors du vote de la loi du 19 mai 2023 autorisant à titre expérimental, jusqu'au 31 mars 2025, uniquement pour les événements de grande ampleur, le recours à des techniques de vidéosurveillance intelligentes. Où en sommes-nous des tests de ces techniques en conditions réelles ?

Sur le financement, la Cour des comptes estime les dépenses de l'État à environ 3 milliards d'euros. Cependant, la dépense publique englobe celles des collectivités territoriales. Nous avons demandé que, dans le rapport que la Cour des comptes publiera en octobre 2025, figurent toutes les dépenses publiques. À combien estimez-vous le montant global de la dépense publique incluant les animations autour de la flamme, le financement de Terre de jeux ou celui de centres de préparation ? Envisagez-vous de prendre de nouvelles mesures d'optimisation de la gestion des sites ou de réduction des niveaux de service ?

Le programme Héritage olympique prévoit 170 orientations stratégiques. Quelles sont les mesures qui méritent d'être priorisées ? Les objectifs seront-ils tous atteints ? Enfin, la grille d'évaluation vous paraît-elle satisfaisante ?

Sur la billetterie populaire, des difficultés en termes de transport ou d'hébergement remontent du terrain pour les jeunes venant des territoires. En avez-vous connaissance ?

Enfin, la mise à disposition du Stade de France se traduira par une perte de recettes d'environ 20 millions d'euros pour le consortium gestionnaire. Qu'avez-vous prévu pour indemniser ces pertes d'exploitation ?

M. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS). - Sur les incidents au Stade de France en mai 2022, la totalité des mesures préconisées par les commissions parlementaires ou par le rapport que j'ai remis aux ministres de l'Intérieur et à la ministre des Sports en juin 2022 ont été mises en oeuvre. Le ministère de l'Intérieur a demandé aux préfets d'élaborer des plans « zéro délinquance » pour chaque site olympique, avec des renforts considérables pour assurer les contrôles. Lors de la Ligue des Champions, de nombreux moyens étaient destinés à faire face à des problèmes d'ordre public et non à contrôler les petites attaques, les vols, sur les spectateurs qui attendaient pour entrer dans le Stade de France. Par ailleurs, la billetterie sera sécurisée, totalement digitalisée, comme le prévoit une circulaire de la ministre des Sports prise à la fin de l'année dernière pour tous les événements d'une certaine dimension. Enfin, nous mettrons en place un dispositif de régulation des flux entre les arrivées dans les stations de transport collectif et les entrées dans les stades. Si des encombrements semblent susceptibles de générer des incidents, les flux pourront être ajustés. Pour ce faire, la vidéoprotection autour des sites a été renforcée grâce à des crédits massifs et le COJO prévoit de recruter 45 000 bénévoles. Par ailleurs, les collectivités locales sont impliquées dans le cheminement sur l'espace public entre l'arrivée du transport collectif et la prise en charge par l'organisateur de l'épreuve. Enfin, les opérateurs de transport déploieront sur le terrain des bénévoles ou des salariés volontaires pour guider les spectateurs.

J'observe que, pendant la Coupe du Monde de Rugby, nous n'avons rencontré des difficultés que pendant les deux premières journées, à Bordeaux et à Marseille, d'une part en raison d'une panne de tramway, d'autre part à cause d'une mauvaise compréhension des touristes étrangers qui ne savaient pas où sortir pour se rendre au stade Vélodrome. Tout cela a été immédiatement corrigé. Le dispositif est aujourd'hui rodé, piloté en temps réel et en proximité par les opérateurs et les responsables qui se le sont appropriés, avec des moyens d'information parfaitement coordonnés.

Tous les contrats relatifs à la sécurité privée seront conclus d'ici la fin du mois de février par Paris 2024 ou ses délégataires. Pour autant, nous sommes face à un vrai défi de mobilisation. Pendant les jeux Olympiques, l'objectif est de disposer, en moyenne, de 18 000 positions/jour, avec des pics à 24 000, et pendant les jeux Paralympiques de 8 000 postes/jour en moyenne, avec des pointes à 13 000. Des agents de sécurité supplémentaires doivent être formés et agréés par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). En Île-de-France, leur recrutement est piloté par le préfet de région, Pôle Emploi et la DRIEETS. Les résultats sont à date assez positifs. Sur un objectif de 28 000 entrées en formation, dont 20 000 en Île-de-France, 9 600 demandeurs d'emploi avaient bénéficié à fin novembre d'un recrutement dans la sécurité privée et 15 000 avaient été formés. Des financements nationaux et régionaux ont été mobilisés pour leur formation et la montée en charge est effective. En revanche, nous ne savons pas si ces personnes choisiront de travailler sur la sécurité des jeux et sur celle des événements organisés par les partenaires. Il faut vérifier les conditions dans lesquelles se feront les appariements, mettre en place un système de réservation et faciliter le dispositif d'accréditation pour éviter tout découragement des candidats. Le moment venu, il faudra faire un point sur la capacité mobilisable, évaluer le risque d'absentéisme (no-show) et déterminer les besoins éventuels de renforts publics. C'est aujourd'hui prématuré et notre objectif est de limiter le recours à des renforts publics au strict minimum.

Sur le financement, la réserve de 120 millions d'euros est importante mais elle doit être suivie de très près car nous entrons dans une période où les dépenses seront difficilement évitables. Un certain nombre de travaux et d'aménagements devront être réalisés au dernier moment pour que les sites soient livrés. Il sera difficile de les reporter, les réduire ou les compenser par des économies.

Une nouvelle loi olympique n'est pas une hypothèse sur laquelle travaillent les services de l'État. Nous aurons certainement besoin d'une loi pour les jeux d'hiver en 2030 mais la loi olympique de 2023 a permis de traiter l'essentiel de nos exigences.

La loi liste les cas d'usage permettant de recourir à des techniques de vidéo-intelligence, sans reconnaissance faciale. Le dispositif a été testé lors d'événements récents. Les retours sont assez positifs, même si nous savions que les délais seraient un peu courts puisque le dispositif ne faisait pas partie de la loi sur la sécurité globale votée il y a trois ans. Il sera déployé de manière limitée dans des zones de forte densité, par exemple dans le centre de Paris, autour des sites et avant les contrôles. Cet outil peut identifier des colis abandonnés et lancer des vérifications, repérer des voitures qui stationnent à des endroits non autorisés, etc. Le schéma est extrêmement protecteur puisque l'arrêté du préfet de police sera soumis à la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

La Cour des comptes réclame communication du total des dépenses de l'État mais nous ne sommes pas capables aujourd'hui de fournir un chiffre définitif en raison des moyens complémentaires que l'État devra mobiliser, des coûts liés aux indemnités, aux hébergements, etc. L'État a par exemple réservé plus de 25 000 lits pour les forces de sécurité intérieures en Île-de-France, notamment dans des internats de collèges et lycées, dans des résidences universitaires ou dans les grandes écoles, qui ont des capacités libres pendant l'été. Cette démarche est plus compliquée pour les jeux Paralympiques, période pendant laquelle nous avons réservé des chambres d'hôtel. Nous attendons environ 30 000 membres des forces de sécurité intérieure venus de province pour renforcer les moyens de la Préfecture de police.

Sur l'héritage, les 170 mesures sont assez bien tenues. Dans le cadre de la « grande cause nationale » et des engagements de la ministre des sports et des JOP, nous avons intérêt à renforcer quelques mesures, notamment sur la pratique du sport dans les entreprises. Les exonérations fiscales et sociales ont été mises en place mais il faudra sans doute lancer une campagne pour en faciliter le déploiement qui répond à une véritable attente.

Enfin, sur le Stade de France, l'arbitrage est quasiment finalisé, après des discussions extrêmement complexes, entre le consortium, les fédérations et l'État. L'indemnisation tient compte des travaux à réaliser avant les jeux, par exemple sur la piste d'athlétisme. Des solutions ont été trouvées pour reporter certains matches après les jeux et les concilier avec les travaux sur les voies ferrées qui reprendront à la rentrée. L'accord devrait être officialisé dans quelques semaines.

M. Nicolas Ferrand, directeur général exécutif de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). - Pour répondre à la question sur la jauge de la natation en ligne, je suis obligé de vous rappeler l'historique. Dans le dossier de candidature construit en 2015 et en 2016, figure le projet d'une grande piscine de 17 000 places, en face du Stade de France, pour un coût de 110 millions d'euros. Après la désignation de Paris en septembre 2017, le gouvernement a demandé à l'Inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable un audit sur le dossier de candidature. Dans leur rapport rendu au printemps 2018, les inspections ont estimé que le chiffre de 110 millions d'euros n'était pas réaliste au regard du coût de la piscine olympique de Londres, 260 millions d'euros, ou de celle de Tokyo, 300 millions d'euros. Les différents acteurs ont conclu que la France n'avait pas besoin de manière pérenne d'une piscine de 17 000 places. En effet, seuls les jeux Olympiques nécessitent une telle jauge. Il a donc été décidé de ne pas construire de piscine pérenne de 17 000 places mais une piscine provisoire et, pour les besoins du territoire et la capacité à organiser des championnats d'Europe, de construire une piscine de 5 000 places. C'est la Métropole du Grand Paris qui a pris la maîtrise d'ouvrage de cet équipement dont le coût s'élève à 147 millions d'euros. Parallèlement, le COJO a étudié la faisabilité de construire une piscine provisoire de 17 000 places et a retenu en 2020 l'Arena de La Défense pour accueillir les épreuves de natation en ligne. Cette décision démontre la modularité de cette Arena.

M. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS). - Je précise que le protocole de juin 2018 suivant l'audit du dossier de candidature a été signé par une quarantaine d'acteurs. Il a été validé par tous les maires concernés dans le cadre d'un dialogue nourri. En 2020, les différents acteurs ont aussi décidé de transférer, après les jeux, les deux bassins provisoires à Sevran et à Bagnolet. Ce travail de concertation, qui s'appuie sur des compétences techniques incontestables, est aussi un héritage des jeux. Il traduit un réel partenariat, autour d'objectifs communs.

M. Michel Savin. - Je vous trouve, Monsieur le délégué interministériel, très optimiste quand vous parlez de jeux populaires. En effet les prix des chambres d'hôtel à Paris sont multipliés par 3 ou par 4, et ceux des Airbnb sont en train de flamber dans toute la région parisienne. De nombreux Français, qui ont acheté des billets, sont dans l'incapacité de se loger. J'ai rencontré sur mon territoire des concitoyens qui veulent revendre leurs places.

Vous avez évoqué le logement des forces de l'ordre et des agents de sécurité mais pas des volontaires. Comment comptez-vous loger les milliers de volontaires qui n'ont pas de parents ou d'amis vivant à Paris ?

Enfin, comment envisagez-vous la période de six mois qui s'ouvre et pendant laquelle des décisions devront être prises rapidement, avec une ministre qui jusqu'à maintenant était très présente, mobilisée sur les jeux, mais qui est depuis la semaine dernière aussi en charge de l'Éducation nationale ? Cette situation aura-t-elle un impact sur l'organisation de ces jeux ?

Mme Colombe Brossel. - Je vous remercie, Monsieur le préfet, Monsieur le directeur, pour vos propos rassurants sur le fait que nous allons tous vivre un moment extraordinaire qui n'arrive qu'une fois dans une vie. Nous avons bien besoin de faire vivre les valeurs de l'olympisme et de la fraternité.

Pour que ces jeux soient un beau moment, plusieurs sujets doivent être totalement réglés. Sur les transports, les réponses que vous avez apportées me semblent manquer de précision. Il faudra en effet rendre compatibles les transports du quotidien des Parisiens et des Franciliens avec l'acheminement dans de bonnes conditions des spectateurs des épreuves. J'ai pris aujourd'hui, comme tous les matins, le métro pour me rendre au Sénat et j'ai failli arriver en retard à cette audition car il n'y avait aucune rame sur la ligne 5... C'est la vie quotidienne des Parisiens et des Franciliens. Par conséquent, j'ai du mal à comprendre, au regard des annonces qui sont faites sur l'augmentation des capacités pour absorber les flux de voyageurs, comment les transports du quotidien pourront être compatibles avec ceux des spectateurs.

J'ai bien noté que les Parisiens et les Franciliens subiront la hausse du Pass Navigo hebdomadaire ou des tickets individuels. Je ne comprends pas pourquoi ce coût doit être pris en charge par les usagers des transports du quotidien.

Enfin, vous avez évoqué la gestion du pôle ouest qui couvre Roland Garros et le Parc des Princes. Des interrogations subsistent sur l'offre structurelle de transport : RER C, lignes 9 et 10 du métro, et sur leur compatibilité avec la tenue de plusieurs épreuves au même moment. Pouvez-vous préciser quels sont les moyens qui seront mis en place ? Mettre sur le terrain des personnes pour renseigner et réguler les flux, c'est bien, mais pouvoir monter dans un métro ou dans un RER serait encore mieux.

M. Pierre Ouzoulias. - Je vous remercie pour la qualité de vos présentations.

Je tiens à rappeler quelles seront les hausses des titres de transport pendant les jeux. Le billet à l'unité passera de 2,15 euros à 4 euros et le carnet de 10 tickets de 17,30 euros à 32 euros. Vous avez annoncé une augmentation de 15 % du volume de transport. Est-ce que ce sont les usagers qui vont payer cette augmentation ? J'espère que ces hausses ne constitueront pas l'héritage des jeux et que les tarifs redeviendront acceptables.

Dans le bilan financier de l'événement, il faudra bien évidemment inclure ce qu'apportent les départements. Je suis conseiller départemental des Hauts-de-Seine et je sais ce qu'a coûté la mise à niveau du stade de Colombes. Je crois aussi qu'il faudra inclure les sommes versées par les usagers des transports parisiens.

Les jeux devaient payer les jeux ... mais la réalité est tout autre. Il est important d'en prendre conscience pour l'acceptabilité sociale des jeux Olympiques. C'est un mauvais exemple que nous donnons aux prochaines villes hôtes, en contournant ce principe.

Enfin, à titre personnel, je regrette aussi que les jeux nous privent du tournoi des 6 Nations au Stade de France !

Mme Monique de Marco. - Les ambitions initiales des organisateurs des jeux étaient de réduire de moitié les émissions de CO2, en passant de 3,16 à 1,58 million de tonnes et en disant que les jeux 2024 seraient historiques pour le climat. Quelle est l'estimation globale du bilan carbone de ces jeux Olympiques ?

Par ailleurs, s'agissant de la tour d'arbitrage des épreuves de surf à Teahupo'o en Polynésie, pourquoi n'avez-vous pas mené d'études d'impact environnemental et géologique, pourquoi la faune et la flore n'ont-elles pas été inventoriées ? Quel est le coût des changements qui sont intervenus dans le projet ?

M. Ahmed Laouedj. - Je vous remercie à mon tour. J'ai visité cette semaine le chantier du Village olympique et je remercie M. Ferrand pour cette visite de terrain très intéressante. C'est une véritable réussite dont nous nous félicitons. Le département de Seine-Saint-Denis sera directement concerné par ces jeux Olympiques et Paralympiques mais le devenir des centres sportifs construits pour l'occasion est très peu évoqué. Un plan de transition a-t-il été envisagé ? Quels moyens seront donnés aux collectivités pour entretenir et faire vivre ces structures après les jeux ?

M. Adel Ziane. - Même si nous ne sommes pas encore à l'ouverture des jeux, je tiens à saluer l'engagement exceptionnel du délégué interministériel et du directeur de la Solideo pour leur travail de préparation. Je le dis en tant que sénateur de Seine-Saint-Denis mais aussi en tant qu'élu de Saint-Ouen. En regardant les photos que vous avez projetées, je pense que nous pourrions présenter la situation avant / après pour se rendre compte du tour de force que représente la construction d'un Village olympique de 51 hectares. L'espace est fonctionnel comme nous avons pu le constater lors de la visite de terrain. Je rappelle une discussion en juillet 2020 avec le directeur de la Solideo. Je l'interrogeais alors, avec le maire de Saint-Ouen sur sa capacité à tenir les délais de construction du Village et il m'avait répondu qu'il n'avait pas le choix et que la Solideo serait au rendez-vous, car les athlètes n'arriveraient pas en septembre mais le 26 juillet.

La Solideo sera démantelée et je m'interroge sur la manière de capitaliser sur l'expertise qui a été déployée pour que la France soit au rendez-vous des jeux. Il y a eu des avancées importantes en termes d'insertion, de sécurité sur les chantiers, sur les recrutements. La Solideo a montré un savoir-faire, une excellence française, sa capacité à tenir les délais et les budgets. Quel héritage comptez-vous laisser en matière de gestion, de coordination et de collaboration entre différentes collectivités ? Comment envisagez-vous de conserver cette expertise ?

Ma seconde question s'adresse au délégué interministériel qui est aussi président de l'ANS. La Seine-Saint-Denis est le deuxième département le moins bien doté de France métropolitaine en équipements sportifs. C'est aussi celui qui a le plus faible nombre de licenciés, alors que c'est le plus jeune de France. Il y a donc une déconnexion entre une jeunesse souhaitant pratiquer des activités sportives et le manque criant d'équipements sportifs. Pouvez-vous nous présenter un point d'étape du plan « 5 000 terrains de sport » lancé en 2021 et qui arrive à échéance en 2024. Je rappelle également qu'une convention de financement spécifique a été signée avec la Seine-Saint-Denis.

M. Jacques Grosperrin. - Pensez-vous recourir aux 120 millions d'euros de réserves du COJO ? Que deviendra cette enveloppe à l'issue des jeux ?

Je sais que la CNIL est très réticente à l'utilisation de l'intelligence artificielle sur la vidéoprotection. L'avez-vous véritablement expérimentée lors de la Coupe du monde de rugby ? Quelles conclusions en avez-vous tirées ?

Enfin, sur l'héritage des jeux, le Village olympique construit sur plusieurs villes de Seine-Saint-Denis fait face à des critiques. Au-delà du manque d'accessibilité en transports en commun, le prix du m2 est relativement élevé. Est-ce que vous craignez une gentrification de ces villes populaires ?

Mme Mathilde Ollivier. - Je tiens à revenir sur les émissions de gaz à effet de serre. Les prévisions esquissaient qu'un tiers des émissions serait lié aux déplacements, un tiers aux constructions et le dernier tiers aux activités liées aux jeux Olympiques et Paralympiques. Pouvez-vous nous donner des chiffres plus précis sur les réductions des émissions ?

Vous nous avez dit qu'un maximum d'infrastructures existantes avaient été utilisées. Qu'en est-il des zones artificialisées ? Êtes-vous en capacité de les chiffrer ? Quelles compensations avez-vous prévues ?

Par ailleurs, toutes les émissions ne pourront pas être évitées et devront être compensées. Avez-vous mesuré ces compensations ? Quelle est leur place dans l'avancement des travaux ?

Enfin, de nombreux hôtels se sont retirés ces dernières années du dispositif d'hébergement d'urgence. En 2022, ce sont 5 200 nuitées qui ont été perdues et la situation risque d'empirer en 2024, alors que le dispositif est au bord de la rupture. Quelles sont les solutions envisagées pour les personnes vulnérables qui risquent d'être sans solution pendant la période des jeux ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je vous remercie, Messieurs, pour vos interventions respectives. Je ne souhaite pas vous interroger mais partager avec vous une réflexion. Au sein de cette commission, nous défendons le sport et les grands événements sportifs mais notre groupe n'est pas d'accord avec certaines décisions de l'exécutif sur l'hébergement pendant ces jeux. Dans le dossier de candidature de Paris 2024, il n'était pas question d'expulser des étudiants. La ministre de l'Enseignement supérieur a généreusement annoncé que les 2 000 étudiants qui devront quitter leur logement recevront 100 euros et deux places pour les épreuves... mais pas pour la finale du 100 mètres ! Dans mon département, les Alpes-Maritimes, nous n'expulsons pas les étudiants quand nous organisons le Festival de Cannes, le Mipim ou le Carnaval de Nice.

Au sein de cette commission, nous défendons aussi l'accès aux événements sportifs pour tous. Or, je rejoins Michel Savin, le prix des billets a totalement fissuré l'idée de jeux populaires. Si l'accueil de grands événements permet aux professionnels du tourisme d'en tirer profit, je regrette qu'aucune voix nationale ne dénonce cette flambée des prix, non seulement pour les épreuves mais aussi pour l'hébergement.

Au-delà de la réussite des jeux pour nos athlètes tricolores et de l'organisation générale de cet événement majeur pour la France, je souhaite qu'en 2030, pour les jeux Olympiques d'hiver, nous tirions les leçons pour ne plus entacher l'événement par des polémiques nombreuses, qui auraient pu être évitées, afin de rendre au sport et à notre pays le rayonnement qu'il mérite.

M. Stéphane Piednoir. - Je vous remercie, Messieurs, pour votre exposé. Ma question porte sur les jeux Paralympiques qui auront lieu du 28 août au 8 septembre. 2,8 millions de billets sont mis en vente mais ce sujet est rarement évoqué. Le dernier pointage montrait que 80 % des 800 000 billets vendus avaient été achetés par le secteur public, majoritairement par l'État. Cela signifie que seuls 200 000 billets ont trouvé preneur auprès au grand public. Où en êtes-vous de la commercialisation des billets restants ? Quels sont les moyens de communication prévus pour essayer d'amplifier le mouvement ?

M. Laurent Lafon, président. - J'ai pour ma part deux nouvelles questions. La première porte sur la cérémonie d'ouverture. Quel est l'état de la réflexion sur la jauge ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'existence d'un « plan B » ? Le Stade de France peut-il être ce « plan B » ?

Par ailleurs, je m'interroge sur la « baignabilité » de la Seine. Ce n'est pas un équipement mais c'est un élément important pour la tenue de certaines disciplines. Où en est-on sur la « baignabilité » de la Seine et de la Marne ? Quelle pourrait être la solution de repli en cas de forte pluviométrie la veille des épreuves ?

Mme Agnès Evren. - Je vous remercie pour votre mobilisation et pour la présentation fin 2023 d'un bilan des différents chantiers des jeux Olympiques, qui fait ressortir un très bon taux de réalisation de 84 % pour les 70 ouvrages et opérations d'aménagement.

Je m'interroge sur la sécurité de la cérémonie d'ouverture qui s'étendra sur un parcours de plusieurs centaines de mètres le long de la Seine. Une jauge maximale de sécurité a-t-elle été définie ? Qu'avez-vous prévu pour prévenir les menaces venant des bâtiments au sein du périmètre restreint à la circulation ?

Y a-t-il une alternative, un « plan B », à la cérémonie envisagée le long de la Seine, si le risque terroriste est trop important ? C'est un point très important pour l'élue de Paris que je suis.

Dans un contexte de tensions sociales et géopolitiques, nous assistons à une augmentation des cyberattaques et le risque terroriste reste élevé. Pouvez-vous détailler les dispositifs mis en place pour protéger les infrastructures physiques et numériques du COJO ?

Enfin, le chantier de rénovation du Grand Palais est énorme. Le bâtiment sera-t-il prêt à temps ?

M. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS). - Pour la cérémonie d'ouverture, le travail sur l'estimation détaillée des jauges, à la fois sur les quais bas et sur les ponts, dont l'accès sera payant, et sur les quais hauts gratuit, est en cours de finalisation avec le préfet de police et le COJO. Les éléments se sont précisés au fur et à mesure de la construction du projet artistique de parade nautique, avec notamment des choix sur les écrans à positionner à tel ou tel endroit, entraînant des réductions ou des augmentations de capacité.

Sur les quais hauts, il s'agit d'éviter des mouvements de foule qui suivraient la parade. Des pré-réservations seront nécessaires pour accéder aux différentes zones des quais hauts, permettant ainsi d'éviter ces mouvements.

Sur un certain nombre d'endroits se pose la question des bouquinistes. En effet, le maintien des boîtes des bouquinistes réduirait la vue des quais hauts. 80 écrans sont prévus pour diffuser la parade et la rendre visible dans de bonnes conditions.

La jauge sera légèrement revue, avec une baisse de l'ordre de 10 à 15 %, tenant compte du projet final.

En termes de plan B, s'il faut toujours réfléchir, dans le cadre de grands événements, à hypothèses où nous ferions face à des impossibilités, il n'est pas imaginable d'utiliser le Stade de France où seront organisées des épreuves dès le début des JOP. C'est le concept de la cérémonie elle-même qui pourrait être adapté.

Sur la « baignabilité », le plan de qualité des eaux de baignade porté par la Mairie de Paris, l'Agence de l'eau et le préfet de la région Île-de-France avance très bien. Des résultats remarquables sont déjà visibles mais des risques météorologiques ne sont pas à exclure. Là aussi, un plan B ne se décrète pas. Les épreuves prévues dans la Seine sont des épreuves de triathlon consistant à courir, prendre le vélo et se baigner, avec des points de départ identiques. On ne peut donc pas imaginer de les déplacer en raison d'une turbidité de l'eau à la suite d'un orage sans redéployer un plan de circulation vélo et de course à pied. Le plan B consisterait à avancer ou à reporter d'un jour ou deux les épreuves en fonction des anticipations météorologiques.

M. Savin insiste sur la nécessaire adhésion populaire aux jeux. Je rappelle que 50 % des billets coûtent moins de 50 euros. J'ai moi-même assisté à d'autres olympiades et il est possible de trouver des hôtels ou des campings pour se loger. J'ai accompagné mon fils aux jeux d'Athènes : notre famille a logé dans un camping à trois heures de voiture de la capitale grecque, dont tous les occupants étaient là pour les jeux. Chaque jour, nous nous rendions à Athènes pour assister aux épreuves. Des solutions peuvent donc être trouvées, pas forcément dans des hôtels et à Paris. L'Île-de-France dispose de capacités importantes, notamment de vastes bases de loisirs. Par ailleurs, je suis convaincu que les spectateurs sont prêts à faire un petit effort pour participer à cet événement historique. La demande sera très forte pour les hôtels et les Airbnb, elle générera des tensions sur les prix que nous ne pouvons pas contrôler, même si nous essaierons de le moraliser au maximum.

Il n'a jamais été question de payer ou d'héberger les 45 000 volontaires, à l'exception de quelques milliers d'entre eux pour des raisons bien spécifiques. La plupart font appel à leur réseau personnel et trouvent des solutions pour participer à un événement historique centennal, qui à leurs yeux n'a pas de prix.

Enfin, la mobilisation des ministres, notamment celle de la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des JOP, est acquise depuis plusieurs mois. La mobilisation de tous les ministres va s'accentuer au fil des mois. Le pilotage interministériel est organisé autour du Premier ministre, du Comité interministériel (Cijop). Les conseils relevant du Président de la République sont également très présents. L'exécutif est donc extrêmement mobilisé et il est évident que Mme Amélie Oudéa-Castéra s'intégrera pleinement à ce dispositif.

Sur les transports, nous avons tous conscience, sur le plan national avec la SNCF et Aéroports de Paris, comme Francilien avec les opérateurs régionaux, qu'accueillir des jeux Olympiques dans notre pays, même s'il est doté d'un excellent réseau de transports publics, constitue un véritable défi. Nous allons le relever, dans un schéma propre à la France, qui ne correspond pas du tout au schéma anglais. Pour les jeux de 2012, une seule collectivité, le Grand Londres, était engagée, avec un seul opérateur, London Transport, qui dépendait du Grand Londres. L'organisation était pilotée par une seule entité qui assurait le travail de la Solideo et de la Dijop. En France, de nombreuses collectivités et de nombreux opérateurs sont regroupés au sein d'une autorité organisatrice de transport mais cela ne nous empêchera pas de relever ce défi. Nous avons besoin d'une communication transparente sur les transports et que les citoyens se sentent partie prenante de ce défi, en acceptant, comme il a su le faire dans des périodes de confinement pénibles pour notre pays, d'adapter ses horaires, de choisir d'autres modes de transport. Ceux qui habitent à Paris ou dans la proche couronne pourront par exemple se déplacer à vélo. Grâce à la mobilisation de l'État, de la région, de la métropole, des départements et des communes, nous avons créé 280 kilomètres de voies cyclistes olympiques, avec une continuité de transport sur tous les sites, à l'exception de celui de Villepinte. Nous financerons également des parkings gardés. Nous espérons ainsi que 6 % à 10 % des spectateurs utilisent leur vélo pour se rendre aux épreuves. D'autres pourront également venir à pied.

Sur les zones les plus contraintes, comme la zone ouest ou celle du Stade de France, nous disposerons d'un plan de transport extrêmement fin, réactif, qui permettra selon les heures, selon les jours, selon les intersessions d'orienter les spectateurs. Par exemple, ceux qui quitteront le Parc des Princes seront orientés vers le RER C parce que les lignes 9 et 10 du métro ne pourront absorber ce flux. Il faudra organiser les flux avec la police et prévoir des trains aussi nombreux que possible. Nous ouvrirons aussi plus tôt les enceintes avant le début des épreuves pour lisser les pointes d'arrivée, etc. Ce travail est en cours et sera rendu public à la fin du mois, après que le préfet de police aura finalisé sa concertation sur les périmètres de sécurité. Certains choisiront de quitter Paris, d'autres privilégieront le télétravail ou des horaires décalés. Les chefs d'entreprise seront incités à faire preuve de souplesse pendant quelques semaines. Enfin, des navettes seront mises en place sur la zone ouest pour compléter les lignes 9 et 10 et métro et conduire les spectateurs porte Dauphine ou place de l'Étoile.

Les éventuels surcoûts ne sont pas encore estimés, je me suis déjà exprimé sur ce point.

Sur le financement des transports, l'État a annoncé il y a presque un an qu'il allouerait des crédits spécifiques, de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros, à Île-de-France Mobilité pour que l'autorité puisse assumer les surcoûts liés aux jeux.

La tour des juges à Teahupo'o, qui a été choisie par le président du gouvernement polynésien, avec l'accord de l'État et du COJO, correspond à la tour initiale, allégée. Une étude d'impact a permis de garantir l'absence d'impact sur le corail. Elle sera également réutilisable pour d'autres épreuves, alors que l'ancienne tour n'était plus adaptée.

Tous les crédits du plan « 5 000 équipements sportifs » ont été consommés. Le gouvernement a mis en place un nouveau plan de 300 millions d'euros sur les années 2024, 2025 et 2026, dont 100 millions d'euros sur la reconduction du plan « petits équipements de proximité » pour prendre en charge les dossiers qui n'avaient pas pu être financés en raison de l'épuisement des crédits du plan précédent.

Enfin, les dispositifs d'intelligence artificielle ont été testés à Marseille pendant un match à l'occasion de la Coupe du Monde de Rugby.

M. Nicolas Ferrand, directeur général exécutif de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). - Je n'ai rien à ajouter sur Tahiti qui est un sujet dépendant du COJO.

Sur le devenir des équipements, nous avons construit ou rénové, à l'occasion des jeux, 12 stades ou gymnases et 8 piscines. Les travaux correspondent aux besoins des territoires exprimés par les élus, le COJO ajoutant les équipements nécessaires aux jeux.

La Solideo va bien sûr travailler sur les enseignements à tirer de son action. Je rappelle que nous avons été capables de livrer un programme représentant environ 4,5 milliards d'euros d'investissement dans le cadre législatif actuel. Nous avons appliqué le Code de l'environnement, celui de l'urbanisme ou encore celui de la commande publique. La France est donc en mesure aujourd'hui de mener, dans le cadre juridique actuel, le plus grand projet d'Europe. Sous l'autorité du délégué interministériel, le collectif et la gouvernance ont été extrêmement forts. Le portage politique s'est organisé autour d'une société créée spécifiquement pour ce projet et qui disparaîtra après. Nous ne sommes pas en train de chercher du chiffre d'affaires pour essayer de poursuivre notre activité. Notre statut de société de projet nous a permis d'avoir une gouvernance politique extrêmement stable, centrée uniquement sur le projet.

Par ailleurs, tous les acteurs publics ont toujours considéré les sujets que nous portions, la construction des ouvrages olympiques, comme prioritaires. Ils nous ont donné des avis rapides, même s'ils étaient parfois négatifs.

Sur les émissions de carbone, je ne suis pas en mesure de vous répondre, elles sont calculées par le COJO. Je ne peux que vous rappeler les efforts de la Solideo sur les ouvrages pour lesquels nous avons réussi à baisser les émissions de 47 %, ce qui était inespéré.

Pour les zones artificialisées, les gros équipements comme le Village olympique ou le centre aquatique olympique (CAO), ont été construits sur d'anciennes zones industrielles complètement atrophiées. Nous les avons massivement désartificialisées et nous avons recréé des espaces naturels. Pour le Village des médias, qui a été en partie construit sur l'aire des vents, nous avons urbanisé 6 hectares et nous avons rendu à l'état naturel les 13 hectares de l'ancien terrain aux essences des armées. Il était tellement pollué qu'il était inaccessible. La balance en termes de zones naturelles est donc à +6 hectares et la zone Natura 2000 a pu être étendue.

Sur le Grand Palais, où nous rénovons environ 30 000 m2 de planchers, les sujets d'inquiétude ne portent pas sur la nef où se dérouleront les compétitions mais sur la climatisation des 1 000 m2 du salon Alexandre III et sur le restaurant du 1er étage. L'été dernier, nous craignions de ne pas être capables de livrer ces deux espaces dans les temps. Aujourd'hui, nous savons qu'ils seront livrés au COJO, avec des levées de réserve après le 19 avril.

M. Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, président de l'Agence nationale du sport (ANS). - Je confirme que le COJO calcule l'impact environnemental des jeux, avec pour objectif de diminuer leur bilan carbone de 50 %, avec une partie de compensation.

L'État souhaite mesurer précisément l'impact des jeux en termes de bilan carbone mais aussi sur d'autres aspects. Nous avons lancé 14 études indépendantes, confiées à des organismes universitaires ou, pour le bilan économique, à l'INSEE.

Nous pouvons vous adresser une note détaillant ces études qui s'appuient sur une observation de départ et une observation après les jeux. Elles ne seront donc pas disponibles avant 2025 ou 2026. Par exemple, pour les athlètes, nous constaterons les médailles obtenues aux jeux Olympiques et aux jeux Paralympiques, ce qui a été réalisé avec les financements « Ambition bleue » et nous pourrons ainsi déterminer si ces investissements ont été pertinents. D'autres études portent sur l'impact économique des jeux, notamment en Seine-Saint-Denis, sur leur impact environnemental, etc.

Ce travail objectif servira de base d'analyse sur l'impact multifactoriel des jeux dans notre pays.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, Messieurs, pour vos réponses très précises à nos questions. Nous continuerons à suivre avec beaucoup d'attention votre travail et nous vous souhaitons bon courage dans cette période très intense.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons maintenant la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.

Mme Anne Ventalon, rapporteure. - Cette proposition de loi, que j'ai l'honneur de rapporter, découle de l'une des recommandations du rapport de son auteur, Cédric Vial, intitulé Modalités de gestion des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), pour une école inclusive.

Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés est en constante augmentation : il a quadruplé depuis 2006, atteignant 478 000 à la rentrée 2023. Il faut saluer cette évolution, même si une réforme de l'école inclusive s'impose.

Les auditions que j'ai menées ont toutefois révélé l'absence de données fiables sur le nombre d'enfants nécessitant un accompagnement humain sur le temps méridien. Ni les associations de collectivités locales, ni l'association des directeurs des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), en charge des notifications, ni l'éducation nationale ne disposent en effet de chiffres précis. Un ordre de grandeur, seulement, provient de la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), laquelle a insisté sur sa fragilité. Sur la base d'un sondage réalisé en 2021, elle chiffrait à plus ou moins 13 200 le nombre d'élèves bénéficiant d'un accompagnement sur le temps périscolaire. En appliquant une règle de trois afin de prendre en compte l'augmentation du nombre d'élèves handicapés scolarisés, elle estime donc que 20 000 à 25 000 élèves pourraient avoir besoin d'un accompagnement humain sur le temps périscolaire en 2023.

Comme les services du ministère de l'éducation nationale me l'ont indiqué, il s'agirait sans doute d'une fourchette basse si ce texte entre en vigueur : l'existence d'un service organisé par l'État entraînerait mécaniquement une hausse des demandes et des prescriptions. Actuellement, en effet, des familles n'osent pas le demander, et, dans certains départements, les MDPH excluent le temps périscolaire de leurs recommandations.

Ce travail de recensement, bien qu'approximatif, me semble néanmoins important pour mesurer les attentes de nos concitoyens ; il permet en outre un premier chiffrage du dispositif proposé : le ministère estime « à la louche » à 31 millions d'euros le coût pour l'État d'un transfert de compétences de la prise en charge des AESH sur la pause méridienne, un montant à placer en regard des sommes consacrées à l'école inclusive - 4,5 milliards d'euros en 2024 - dont il ne représenterait que 0,7 %.

Cette proposition de loi trouve son origine dans la décision du Conseil d'État du 20 novembre 2020, lequel a jugé que la compétence de l'État était restreinte à la prise en charge des situations de handicap sur la seule période scolaire, les temps périscolaires, incluant la cantine, relevant de la responsabilité des collectivités territoriales. Cette décision a constitué un tournant dans la prise en charge financière et administrative des AESH sur le temps méridien, à rebours d'une pratique qui prévalait jusqu'alors.

Les conséquences de cette évolution ont été nombreuses : les AESH ont vu leurs emplois du temps réorganisés, ne pouvant plus travailler pour l'éducation nationale sur le temps périscolaire. Pour celles - les AESH étant principalement des femmes - qui ont fait le choix de poursuivre l'accompagnement de leur élève sur le temps de la cantine, les conditions de travail se sont dégradées : elles se sont retrouvées avec deux employeurs - l'État pour le temps scolaire et la commune pour le temps périscolaire -, enchaînant les heures sans pouvoir bénéficier d'une pause réglementaire de vingt minutes à midi, ou sans prise en compte des temps de trajet lorsqu'elles sont affectées dans un autre établissement l'après-midi.

Les communes ont dû, quant à elles, assumer une charge financière supplémentaire, dans un contexte budgétaire contraint. Par ailleurs, comme me l'a indiqué le représentant de l'Association des maires ruraux de France (Amrf), les communes n'exerçant traditionnellement pas de compétence en matière de handicap, elles peuvent rencontrer des difficultés pour identifier la bonne personne à recruter.

Enfin, certains élèves en situation de handicap se sont retrouvés sans accompagnement sur le temps méridien, malgré des recommandations inverses de la MDPH. Les services de l'éducation nationale ont d'ailleurs reçu pour consigne de ne pas remettre en cause les situations existantes afin d'éviter de mettre en difficulté des élèves qui bénéficiaient jusque-là d'un accompagnement pris en charge par l'État à la cantine.

Plus largement, cette décision provoque des différences de traitement entre les élèves scolarisés dans le premier degré - où la prise en charge sur le temps méridien dépend de la commune - et dans le second. Il m'a ainsi été confirmé que l'État continue de prendre en charge les AESH sur le temps méridien en ce qui concerne les lycéens. Toutes les régions, hormis une, ont adopté une position d'attente et estiment ne pas devoir se substituer à l'État en la matière.

Les élèves handicapés scolarisés dans des établissements privés sous contrat peuvent également se trouver en difficulté : le forfait scolaire ne permet pas de couvrir les dépenses qui interviennent sur le temps périscolaire. Pour reprendre les mots du secrétaire général de l'enseignement catholique, que j'ai auditionné : il « bricole ». Ces établissements font appel à des volontaires - des parents, des grands-parents, ou des enseignants retraités. Dans certains cas, des AESH sont présents sans refacturation par le rectorat et chacun fait comme si cela était possible. Reste une question, passée sous silence, concernant la responsabilité en cas d'accident du travail. Certains élèves ont également été retirés de l'établissement par leurs parents en raison de l'absence de solution.

Je souhaite évoquer brièvement la situation des « unités localisées pour l'inclusion scolaire » (Ulis). Les élèves concernés sont affectés dans ces classes par l'éducation nationale, et l'école qui les accueille peut être située dans une commune autre que leur commune de résidence. Or certains maires, considérant qu'ils n'ont pas donné leur accord à une scolarisation en dehors de la commune, refusent de payer la prise en charge de l'AESH sur le temps périscolaire. Cela crée des tensions entre les élus et induit un surcoût important pour la commune qui dispose d'une classe Ulis, au point que certains maires s'opposent aujourd'hui à l'ouverture d'une telle classe dans leurs écoles, ce qui participe aux remises en cause de l'école inclusive qui se font entendre de plus en plus.

Face aux nombreuses interrogations des communes, le directeur de cabinet de l'ancien ministre de l'éducation nationale a adressé une note aux recteurs le 4 janvier 2023, rappelant les trois modalités possibles pour l'organisation de la prise en charge des élèves handicapés pendant la pause méridienne : le recrutement direct par la collectivité territoriale, le recrutement en commun et la mise à disposition par l'éducation nationale d'AESH volontaires aux collectivités territoriales. Cette troisième option doit être privilégiée, avec l'accord de la collectivité territoriale.

Cette circulaire a un an, quel premier bilan peut-on en tirer ? La mise à disposition représente un progrès, notamment pour les AESH, mais reste néanmoins difficile à utiliser pour les communes, car il n'existe pas de convention type harmonisée. Cette procédure repose sur une convention tripartite entre le rectorat, la commune et l'AESH et constitue donc un outil juridique complexe, notamment pour les petites communes. Dans mon département de l'Ardèche, la procédure de conventionnement se met lentement en place depuis début décembre. Actuellement, cinq communes sur les 335 du département sont entrées dans ce dispositif ou ont prévu de le faire. Il m'a également été indiqué qu'une académie au moins d'État - Bordeaux - exigeait des frais de gestion de 5 % de la part des collectivités dans le cadre de la mise à disposition. Enfin, et de manière générale, le conventionnement ne règle pas la question du coût, pour les communes comme pour les établissements privés sous contrat.

Cette proposition de loi vise donc à transférer à l'État la prise en charge des AESH intervenant sur le temps méridien ; elle modifie ainsi la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales.

Je partage cet objectif, dans l'intérêt de l'élève en situation de handicap, afin d'assurer la continuité de sa prise en charge. Il s'agit également de réduire les inégalités de situation entre des enfants aux besoins comparables et d'apporter une réponse aux établissements sous contrat. L'accompagnement est trop aléatoire, d'autant que le rapport d'information de Cédric Vial a attiré notre attention sur le non-recours aux droits en la matière.

Je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi sans modification.

Ces dispositions doivent, en revanche, s'accompagner d'une formation complémentaire pour les AESH, axée sur les gestes du quotidien, laquelle relève du domaine réglementaire.

Enfin, ce texte ne répond qu'à une partie de la problématique de l'école inclusive, qu'il est nécessaire de repenser dans son ensemble. Il y a urgence, car le système est au bord de la rupture. L'étude sur le climat scolaire dans le premier degré publiée par l'Autonome de solidarité laïque en décembre dernier met ainsi en avant les difficultés rencontrées par les personnels de l'éducation nationale dans la mise en oeuvre de l'école inclusive, ainsi que leur désarroi, qui peut aller, pour certains d'entre eux, jusqu'à son rejet. Cédric Vial soulignait dans son rapport la nécessité de remettre l'accessibilité physique, matérielle et pédagogique au coeur des priorités de l'école inclusive et ne pas se reposer uniquement sur l'accompagnement humain, lequel montre ses limites. Une réflexion sur l'école inclusive doit donc être menée avec l'ensemble des acteurs et j'insiste à ce titre sur la nécessité d'une véritable concertation. Comme Jacques Grosperrin et beaucoup d'entre vous l'avaient souligné en novembre dernier, celle-ci ne saurait se tenir à l'occasion du débat budgétaire. Peut-être en aurons-nous l'occasion cette année, puisque la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en pôles d'appui à la scolarité (PAS), souhaitée par le Gouvernement, n'a pas abouti, le Conseil constitutionnel ayant censuré l'article en question du projet de loi de finances pour 2024.

Enfin, concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer qu'il comprend les dispositions relatives aux modalités de prise en charge financière et administrative des accompagnants d'élèves en situation de handicap intervenant sur le temps méridien.

Il en est ainsi décidé.

Mme Annick Billon. - Je salue l'initiative de l'auteur de cette proposition de loi, car ce texte est bienvenu ; en outre, les auditions ont été intenses, nombreuses et très intéressantes, j'en remercie la rapporteure.

Tous les acteurs attendent une solution pour clarifier la prise en charge des élèves concernés. Certains d'entre eux relèvent de deux ou trois contrats AESH pour le temps scolaire, le temps périscolaire et la période méridienne. Qu'en est-il, dès lors, de la qualité et de la continuité de l'accompagnement ? En 2018, la cour administrative d'appel de Nantes avait estimé que la prise en charge des AESH incombait à l'État dans les temps scolaire et périscolaire, mais le Conseil d'État a cassé cette décision, emportant des conséquences très importantes. Les solutions trouvées ayant donné lieu à beaucoup de bricolage, cette proposition de loi a le mérite de solidifier et de clarifier des situations très diverses. Ainsi, face à l'absence de prise en charge, des parents doivent embaucher eux-mêmes des intervenants, parfois pour 400 euros par mois, ou sont contraints d'arrêter de travailler. On est bien loin de l'école inclusive ! De plus, ces embauches ne s'accompagnent pas des contrôles que l'éducation nationale réalise pour ses AESH. Nous avons entendu des appels au secours, notamment celui d'une maman qui a créé un collectif pour sensibiliser sur le sujet.

La circulaire du 4 janvier 2023 n'est pas suffisante ; cette proposition de loi est donc attendue. Pour autant, elle ne constitue qu'une étape, certes importante, mais qui en appelle d'autres. L'évaluation des besoins, le fonctionnement des Pial, la volonté du gouvernement de les transformer en PAS, la formation des AESH, le déficit d'attractivité du métier, sa précarité, les manquements au code du travail rendent nécessaires d'autres réponses.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie pour la qualité des auditions très larges qui ont été menées. Par ce texte, Cédric Vial entend mettre en application une des recommandations de la mission d'information sur les AESH qu'il avait menée. Après la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation, l'engagement de notre assemblée en faveur de l'amélioration des conditions de travail de ces personnels est ainsi confirmé. Ces derniers font en effet vivre l'école inclusive.

Ce texte permet de revenir à l'esprit de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ainsi qu'au paradigme en vigueur jusqu'à la décision du Conseil d'État. Cette dernière a posé des difficultés aux collectivités territoriales, et a donné lieu à des inégalités. La dualité des employeurs a aggravé la situation des AESH, avec des règles différentes et des conditions de travail dégradées. Le sort des jeunes concernés est encore moins satisfaisant. À ce titre, il a été très difficile d'obtenir les données de la Dgesco, alors que ces situations posent de nombreux problèmes.

La note de service de janvier 2023 allait dans la bonne direction, mais n'a rien réglé ; nous rejoignons donc l'objectif de cette proposition de loi.

Pour autant, nous nous devons de relever quelques points d'alerte. Concernant le coût de la mesure, évalué à 33 millions d'euros, avons-nous reçu des gages du Gouvernement quant à sa prise en charge ? Prenons garde à ce que celle-ci ne s'opère pas au détriment d'autres postes. Nous nourrissons quelques regrets, également, quant à la restriction de cette proposition de loi au temps méridien plutôt qu'au temps périscolaire dans son ensemble. Enfin, s'il s'agit bien d'un progrès, nous ne saurions pour autant faire l'économie d'une réflexion plus globale sur l'école inclusive, sur le statut des personnels concernés, deuxième catégorie de personnels de l'éducation nationale en nombre, piliers de l'école inclusive, qui offrent un accompagnement essentiel au personnel enseignant tout en exerçant dans des conditions indignes, sans même de prise en compte du temps de préparation. Ces conditions nuisent à l'attractivité de leurs professions et ces agents ont grand besoin de formation. La censure par le Conseil constitutionnel de l'article du projet de loi de finances mettant en place les PAS doit être, pour le Gouvernement, l'occasion de remettre ses choix en question.

Malgré ces réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi.

Mme Laure Darcos. - Je m'associe aux remerciements exprimés par mes collègues.

Les maires se retrouvent en effet dans des situations très contraignantes, emportant des coûts considérables. L'audition de la Dgesco m'a laissée perplexe : il est tout de même extraordinaire que nous ne disposions pas de statistiques sur l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien ! L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) devrait peut-être mener elle-même ce travail ?

En auditionnant des familles, nous avons réalisé combien tout cela avait été mis en place dans l'urgence, avec des bouts de ficelle ; les parents se sont trouvés contraints de recruter des personnes en dehors des cadres, sans aucun contrôle. Nous nous sommes battus pour que les AESH obtiennent les mêmes droits que les autres membres de la communauté éducative : des métiers à temps complet et une reconnaissance de l'éducation nationale, qui paie leurs salaires.

Le groupe Les Indépendants - République et Territoires votera cette proposition de loi.

Mme Monique de Marco. - Ce texte était très attendu et nous le saluons ; pour autant, il ne s'agit que d'un point d'étape.

Nous avons également relevé quelques points d'alerte : qu'en est-il du périscolaire avant et après le temps de classe ? Nous avons constaté une disproportion entre les différentes collectivités : certaines d'entre elles ont accordé des avantages en termes de moyens et pas d'autres. D'une manière générale, toutes ont fait face à une énorme difficulté de recrutement, parce que les missions sont intenses, les conditions de travail difficiles et le taux horaire bas. À ce titre, il me semble que les AESH sont d'abord attachés à une augmentation de ce taux, plus qu'à un allongement de leurs heures de travail.

M. Ahmed Laouedj. - Les AESH jouent un rôle essentiel en matière d'éducation inclusive en permettant aux enfants en situation de handicap de bénéficier d'un accompagnement indispensable à leur intégration. La décision du Conseil d'État a créé de nombreux déséquilibres dans les territoires en faisant peser sur les communes un nouvel effort financier important et de nouvelles contraintes organisationnelles. La prise en charge sur le temps périscolaire est déterminante pour les enfants en situation de handicap, mais sans une prise en charge encadrée et structurée, ces moments peuvent devenir une source d'angoisse et de stress. Dès lors, nous devrons nous pencher sur la question de la formation des AESH en insistant sur son renforcement afin qu'aucun accompagnant ne se retrouve face à des situations dramatiques. Comment assurer la continuité de la prise en charge des enfants dans le besoin sans risquer de responsabiliser aveuglément les accompagnants ?

Cette proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons.

M. Gérard Lahellec. - Ce texte est bienvenu, les acteurs du secteur l'attendent, la résolution du problème ne saurait relever du bricolage et de choix aléatoires, qui génèrent des inégalités et des tensions. Pour autant, il a des limites et ne répond qu'à une partie du problème, sans régler, en particulier, la question du statut social des personnels concernés.

Nous le voterons.

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi. - L'objectif de la mission que j'ai menée était plus large que le sujet de cette proposition de loi, mais la mesure que celle-ci porte en était la disposition législative majeure, le reste des recommandations relevant surtout du domaine réglementaire. Le travail nécessaire sur l'école inclusive est donc plus large, mais pour l'essentiel non législatif.

L'objectif de cette proposition de loi est de régler de manière simple des problèmes complexes qui n'existent que parce que le ministère les a créés. La loi de 2005 fonctionnait bien, la volonté du législateur était claire et tout le monde était d'accord, mais une jurisprudence, à l'origine de laquelle se trouve le ministère de l'éducation nationale, a renversé l'esprit de la loi fixé par le législateur. Cette proposition de loi rétablit donc ce que le législateur a toujours affirmé depuis 2005.

N'oublions pas que nous faisons cela pour le bien-être des enfants en situation de handicap, notamment autistique, pour qui la présence d'un référent principal est importante.

Ce texte a toutefois d'autres objectifs, notamment celui de faciliter la gestion en matière de ressources humaines des AESH et d'améliorer leurs conditions de travail. Enfin, il apporte une réponse à la gestion du temps méridien dans les établissements privés sous contrat, qui sont sans solution, car le forfait scolaire ne leur permet pas d'intervenir sur le temps méridien. La déscolarisation qui en résulte conduit à une surcharge des établissements publics voisins. Il faut le rappeler : l'État continue à payer cette prise en charge pour la plupart des établissements privés alors qu'il y a renoncé pour les établissements publics !

La rapporteure a en outre évoqué les classes Ulis, qui posent une difficulté, car leur coût est à la charge de la commune accueillante. Cette situation emporte un désengagement des communes rurales qui est contre-productif. Nous avons obtenu une circulaire du ministère, mais la Dgesco ne l'applique pas, comme l'indiquent ses propres chiffres. Il ne s'agit donc pas d'une solution acceptable.

Se pose la question du droit : l'accompagnement sur le temps méridien ne relève que d'une préconisation de la MDPH et pas d'une prescription ; il convient d'en faire un droit, ce qui a des conséquences, notamment en termes de coût. Pour autant, un budget de 30 millions d'euros sur 4,8 milliards d'euros au total ne devrait pas être considéré comme une contrainte forte, d'autant qu'il est certainement surestimé.

Vous évoquez le temps périscolaire, et le ministère craint en effet que l'on en vienne ensuite à lui étendre la mesure que porte ce texte. À mon sens, il s'agit pourtant de deux sujets différents : le temps méridien est essentiel à la scolarisation, alors que le temps périscolaire n'était pas prévu par les textes auparavant. Ces deux sujets doivent être séparés.

Pour terminer, je suis stupéfait par la jurisprudence du Conseil d'État, qui me semble inaboutie. Il est choquant que le Conseil d'État ait choisi d'aborder cette question non par le biais de la compétence, mais par celui de la période concernée : l'État n'a pas compétence sur le « temps scolaire », mais bien sur la scolarité. S'il insiste à faire valoir le contraire et à raisonner en termes de temps, alors nous poserons la question du statut des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui sont payés par les collectivités territoriales. Le ministère doit donc accepter de revenir à une situation plus simple pour tout le monde et moins coûteuse.

Mme Anne Ventalon, rapporteure. - Je vous remercie de vos propos et je me félicite que nos réflexions convergent. L'école inclusive que nous évoquons dans ce texte est un chantier qui doit se poursuivre.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

La réunion est close à 12 h 20.