- Mardi 12 décembre 2023
- Mercredi 13 décembre 2023
- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France - Désignation d'un rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution
- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 - Désignation d'un rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution
- Proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France - Examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution
- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 - Examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
- Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Audition de Mme Céline Berthon, directrice générale adjointe de la police nationale, et M. le général de corps d'armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale
Mardi 12 décembre 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 14 h 15.
Proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de compléter l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous examinons l'amendement de séance sur la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de compléter l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - L'amendement n° 1 déposé par le groupe socialiste, écologiste et républicain vise à faire mention de la « vie associative » dans l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
J'y suis défavorable, de même que le président Lafon, qui est à l'initiative de cette proposition de résolution.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
La réunion est close à 14 h 20.
Mercredi 13 décembre 2023
- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, vice-président -
La réunion est ouverte à 9 h 45.
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France - Désignation d'un rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution n° 144 (2023-2024) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 - Désignation d'un rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution n° 75 (2023-2024) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050.
Proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous examinons maintenant les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 5 vise à supprimer cet article. La disposition prévue, de faible portée juridique, ne contraint pourtant en aucun cas le juge à ordonner plus souvent la résidence alternée. En cas de séparation des parents, l'automaticité de la résidence alternée n'est pas possible, grâce aux modifications apportées à l'article 2 du texte initial par la commission. La disposition prévue à l'article 1er présente en outre l'avantage de signifier plus clairement aux parents que leurs obligations incluent l'entretien aussi régulier que possible de relations personnelles avec leur enfant. Il serait donc paradoxal de procéder à la suppression de cet article. Je propose donc d'émettre un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 3 rectifié bis tend à prévoir que les parents doivent entretenir des relations équitables avec leur enfant en cas de séparation. Il n'est pas possible d'envisager une telle disposition. L'intérêt de l'enfant à voir ses parents de façon équilibrée ne se présume pas ; il se constate éventuellement, si les conditions sont réunies. Il n'est aucunement acquis que l'intérêt de l'enfant soit toujours de voir ses parents à égalité, ou même de manière équitable ; cela peut être le cas, ou pas.
Dans ces conditions, il paraîtrait problématique d'adopter une telle disposition. Dès lors, je propose d'émettre un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié bis.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 6 prévoit d'insérer un article additionnel aux termes duquel l'autorité parentale serait retirée en cas de poursuite, mise en examen ou condamnation d'un parent pour violences intrafamiliales. Je propose une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable. Ne mélangeons pas les débats et ne préemptons pas une discussion que nous aurons prochainement lors de l'examen de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales de notre collègue députée Isabelle Santiago.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'article émane effectivement de cette proposition de loi telle qu'adoptée à l'Assemblée nationale. Si l'on considère que cette disposition sera rejetée lors de son passage en séance, il paraît étrange que la commission se positionne de manière différente : il pourrait être problématique que notre commission adopte une position aujourd'hui sur laquelle elle devrait potentiellement se dédire lors de l'examen en nouvelle lecture de cette proposition de loi.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - C'est précisément pour cette raison que nous demandons le retrait.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je vous rejoins alors et suggère à Annick Billon de retirer son amendement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Il ne faut pas préempter le débat.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 7 prévoit la prise en compte, pour la détermination du droit de visite et d'hébergement (DVH), des mêmes critères que ceux qui prévalent pour la détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Cette disposition paraît entièrement satisfaite par le droit existant ; le juge s'appuie déjà sur ces critères pour prononcer les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 8 prévoit la prise en compte des violences sexuelles par le juge aux affaires familiales (JAF) dans la détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Cette disposition est entièrement satisfaite par le droit : les violences sexuelles étant à la fois physiques et psychologiques, elles sont couvertes par la rédaction actuelle. Elle est également satisfaite par la pratique, les JAF tenant compte, dès lors qu'ils en ont connaissance, d'éventuelles violences sexuelles.
Il n'est au surplus pas acquis que l'insertion dans le droit existant de cette disposition ne cause aucun effet de bord ; les articles 371-1 et 378-1 du code civil mentionnent ainsi les seules violences psychologiques et physiques, est-ce à dire que par lecture a contrario de ces articles, les violences sexuelles n'y seraient désormais plus prises en compte ?
Je conçois néanmoins que l'envoi d'un message clair sur le rejet des violences sexuelles dans le cadre de la détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale de parents séparés par notre assemblée peut être vertueux. Par ailleurs, l'article 373-2-11 du code civil se bornant à énoncer une liste non exhaustive de critères, sa faiblesse prescriptive diminue le risque d'a contrario. Je propose que nous nous en remettions donc à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Bas. - Pour ma part, je voterai contre cet amendement. J'en ai assez que l'on adopte des dispositions inutiles uniquement pour se donner bonne conscience. Pas un juge en France ne confiera un enfant à un violeur. Cessons la démagogie !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'avis de sagesse est celui du rapporteur. Ne sommes-nous pas censés nous prononcer ?
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Madame le rapporteur, souhaitez-vous préciser votre position avant de passer au vote ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Comme je vous l'ai expliqué, actuellement, les JAF prennent déjà en compte les violences sexuelles. L'amendement vise à expliciter cette précision. Cette disposition étant superfétatoire, si vous préférez que nous mettions un avis défavorable, je n'y vois pas d'inconvénient, chers collègues.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Tant sur le fond que sur la forme, cet amendement n'a pas de sens. En toute cohérence, la commission des lois doit donner un avis défavorable.
Mme Patricia Schillinger. - En ce qui concerne le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, nous serons défavorables à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 1 prévoit l'audition obligatoire du mineur. Cette disposition est largement satisfaite dans son intention. Le juge a déjà la faculté d'entendre le mineur, dont les sentiments exprimés sont pris en considération ; et il en a également l'obligation lorsque le mineur le demande. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 4 rectifié bis concerne la possibilité d'une résidence alternée, en cas de décès du parent, avec un membre de la famille de celui-ci. J'y suis défavorable en premier lieu sur le plan juridique. La résidence alternée a vocation à être exercée entre parents car elle est intrinsèquement liée à l'exercice de l'autorité parentale, exercée conjointement par les deux parents. Étendre un tel dispositif à des personnes ne disposant pas de l'autorité parentale irait donc à l'encontre du dispositif de la résidence alternée tel qu'il existe aujourd'hui.
J'y suis également défavorable sur le plan de l'opportunité politique. En effet, je ne suis pas certaine que prévoir une telle possibilité dans la loi soit nécessairement en adéquation avec l'intérêt de l'enfant. Par exemple, les membres de famille concernés ne sont pas énumérés par le dispositif, ce qui pourrait conduire à une résidence alternée avec des personnes n'entretenant pas avec le parent encore en vie des liens suffisamment forts pour qu'une telle modalité de résidence de l'enfant se déroule bien.
J'y suis enfin défavorable sur le plan pratique : certains des membres de la famille du parent décédé ont déjà la possibilité de se voir reconnaître un DVH ; à cet égard, le droit permet donc déjà le maintien d'une stabilité affective. Avis défavorable.
Mme Patricia Schillinger. - Nous recevons beaucoup de courriers sur le sujet, avec notamment des grands-parents qui engagent des actions en justice. Nous souhaitons réaffirmer l'importance de la famille pour les enfants.
M. André Reichardt. - Il conviendrait de préciser ce que l'on entend par « membre de la famille ». Je partage l'opinion du rapporteur : cette formulation est trop large et pourrait ouvrir le dispositif à des membres de la famille entretenant un lien ténu avec le parent encore en vie et l'enfant. Avec cet amendement, nous ne savons pas où nous allons, et nous risquons de faire plus de mal que de bien.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 2 concerne une demande de rapport. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement no 9 vise à modifier l'intitulé de la proposition de loi en supprimant le mot « régulier », en lien avec l'amendement déjà examiné de suppression de l'article 1er. Par mesure de cohérence avec l'avis défavorable à celui-ci, je propose que nous émettions un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
La commission adopte les avis suivants :
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France - Examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires a souhaité la création de cette commission d'enquête, au titre de son droit de tirage. Notre commission ne doit pas se prononcer sur le fond, mais sur la recevabilité de cette demande.
Cette proposition de résolution respecte les conditions fixées à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ainsi que par le Règlement du Sénat.
Elle n'a pas pour effet de reconstituer une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois. En effet, si l'Assemblée nationale a mis en place, lors de la session parlementaire précédente, une commission d'enquête sur la souveraineté énergétique de la France ayant entendu le président-directeur-général de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, la commission d'enquête du Sénat aurait un objet plus ciblé et n'aborderait pas la thématique des investissements dans les énergies fossiles sous l'angle de la souveraineté énergétique, mais sous celui du respect des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France. Je considère donc qu'il ne s'agit pas du même objet.
Par ailleurs, la proposition de résolution respecte la condition d'effectifs, en ne dépassant pas la limite de vingt-trois membres fixée à l'article 8 ter de notre Règlement.
Enfin, elle porte sur la gestion de services publics au sens large, puisque la commission d'enquête devrait faire porter ses investigations sur la maîtrise de la politique énergétique et le respect des engagements internationaux de la France, sous le prisme du contrôle par l'État de leur bonne application par le groupe TotalEnergies, notamment au titre de l'article L. 100-2 du code de l'énergie, selon lequel l'État doit veiller, « en mobilisant les entreprises », à « réduire le recours aux énergies fossiles ».
Je vous invite donc à constater la recevabilité de cette PPR.
Mme Nathalie Delattre. - Plusieurs plaintes ont été déposées et je me demandais si cette commission d'enquête interférait avec d'autres procédures. Je constate cependant que la proposition de rédaction a été modifiée avant son dépôt officiel pour être recevable.
Par ailleurs, je trouve dommage que le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne s'intéresse qu'à TotalEnergies et que nous ne visions toujours que les groupes français.
La commission constate la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 - Examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - La demande de création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, formulée par le groupe Union centriste, ne pose pas de difficulté particulière.
Elle respecte les conditions de recevabilité fixées aussi bien à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires que par le Règlement du Sénat.
Elle n'a pas pour effet de reconstituer une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois. Bien que l'Assemblée nationale ait mis en place une commission d'enquête sur la souveraineté énergétique de la France, celle du Sénat aurait un objet plus précis.
En ce qui concerne la composition de la commission, la proposition de résolution respecte le Règlement du Sénat puisque ses effectifs ne dépasseraient pas 23 membres.
Enfin, la commission d'enquête fera porter ses investigations sur le service public de l'électricité, tel qu'il est défini à l'article L. 121-1 du code de l'énergie.
La commission constate la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - La proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants revient en discussion devant notre commission après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie le 1er juin dernier, et son adoption en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 10 octobre dernier. Elle vise à modifier les règles du code civil relatives à l'autorité parentale, pour y intégrer les problématiques de respect de la vie privée et du droit à l'image de l'enfant.
Le député Bruno Studer, qui en a eu l'initiative et en est également le rapporteur à l'Assemblée nationale, souhaite mieux sensibiliser les parents sur les conséquences de la diffusion de photos de leurs enfants sur internet, en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites, notamment sur des réseaux pédophiles ou à des fins de harcèlement scolaire.
Comme l'avait relevé notre collègue Valérie Boyer, rapporteure en première lecture, l'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, à la fois pour les familles, mais également pour les institutions, en particulier en matière d'éducation et de santé publique. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a récemment évoqué une « catastrophe sanitaire et éducative » à ce sujet.
Dans ces conditions, il est regrettable de n'avoir aucune initiative gouvernementale d'envergure, mais une succession de propositions de loi cantonnées à telle ou telle thématique. Le droit à l'image n'en est qu'une parmi d'autres ; je citerai la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, la majorité numérique ou encore les enfants influenceurs.
La commission puis le Sénat dans son ensemble ont choisi d'adopter une approche constructive sur cette proposition de loi, que je vous invite à conserver aujourd'hui.
Lors de la CMP, les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat se sont cristallisées sur deux points principaux. Le premier concernait l'exigence d'un accord des deux parents pour toute diffusion de contenu relatif à la vie privée de leur enfant sur internet. Par cette initiative à l'article 3, Valérie Boyer avait souhaité inciter les parents à réfléchir ensemble avant de poster la photo de leur enfant sur un réseau social, compte tenu des risques de réutilisation ultérieure.
Le second point de divergence concernait l'article 4 - intégré au texte dès son origine -, qui crée une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant à un tiers, en cas d'atteinte grave à sa dignité ou à son intégrité morale ; le Sénat l'avait supprimé et les députés souhaitaient le maintenir.
Si l'Assemblée nationale a fait légèrement évoluer son texte en nouvelle lecture pour tenir compte, à la marge, de certaines remarques exprimées par le Sénat, elle a toutefois maintenu sa position sur des dispositions problématiques. Je vous propose de prendre acte de ces désaccords de fond et de recentrer le texte sur la protection du droit à l'image de l'enfant par ses parents.
Venons-en maintenant à l'examen des articles.
L'article 1er introduit le respect de la vie privée de l'enfant parmi les obligations des parents dans le cadre de l'autorité parentale, au même titre que la protection de la sécurité, de la santé et de la moralité.
Nous avions refusé cette disposition en première lecture, car la protection de la sécurité, la santé et la moralité justifient, dans certains cas, une atteinte à la vie privée de l'enfant. Nous avions en revanche accepté de mentionner la vie privée pour expliciter le « respect dû à la personne de l'enfant », déjà présent dans l'article 371-1 du code civil.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a maintenu la version initialement adoptée. Je vous propose d'acter clairement notre désaccord en supprimant l'article 1er ; cette suppression me paraît d'autant plus justifiée que la mention de la vie privée de l'enfant à l'article 371-1 du code civil me semble inutile, voire inopportune. Je vous rappelle que l'article 9 du code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée » ; ce « chacun » inclut évidemment les enfants.
L'article 2, qui ne faisait que décliner le principe d'un exercice commun de l'autorité parentale pour le droit à l'image, a légèrement évolué en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Il pose désormais le principe que les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant, et qu'ils doivent l'associer à l'exercice de ce droit selon son âge et son degré de maturité.
Dans un état d'esprit constructif, je vous propose d'être favorable au maintien de cette nouvelle rédaction consacrant l'obligation de protection du droit à l'image de l'enfant par les parents. Cette formulation simple et pédagogique présente l'intérêt de sensibiliser ces derniers sur les dangers d'exposer leurs enfants sur les réseaux sociaux. En revanche, je vous suggère de supprimer le reste de l'article 2, simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l'image, des dispositions de l'article 371-1 du code civil.
L'article 3 prévoit que, en cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image de leur enfant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut interdire à l'un d'eux de publier ou de diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre. Sur ce point, le Sénat était allé plus loin en introduisant l'exigence d'un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à la vie privée de leur enfant.
Je vous propose de faire évoluer notre position sur cet article par souci de cohérence avec celle qui a été exprimée par le Sénat lors du vote de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ce texte, sur l'initiative de la commission de la culture du Sénat, ne requiert l'accord que d'un seul titulaire de l'autorité parentale pour permettre à un enfant de s'inscrire à un réseau social avant ses quinze ans. Il ne me semble pas logique de créer une différence de traitement entre ces deux situations, sachant que l'inscription à un réseau social n'est souvent que le préalable à la diffusion de photos.
Je vous propose donc d'accepter la disposition votée par les députés, tout en précisant que le but poursuivi par la mesure prononcée par le JAF consisterait à assurer la protection du droit à l'image de l'enfant, et non pas à exercer le droit à l'image de leur enfant qui peut sous-entendre un but mercantile.
L'article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale. En première lecture, notre commission avait choisi de supprimer cette disposition, considérant qu'elle n'apportait pas de solution plus efficiente que les mesures d'assistance éducative prises par le juge des enfants dans le cadre de l'article 375 du code civil. Je suis d'avis de maintenir cette position en nouvelle lecture, dans la mesure où cette disposition, d'une part, ne paraît pas opérante et, d'autre part, soulève des difficultés juridiques.
Enfin, l'article 5 a été introduit en première lecture au Sénat afin de permettre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) de saisir le tribunal judiciaire en référé dès lors que des données à caractère personnel d'un mineur sont concernées. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale en a précisé la portée, afin de circonscrire l'intervention de la Cnil aux cas de non-exécution ou d'absence de réponse à une demande d'effacement des données. Dans la mesure où cette nouvelle rédaction précise ce qui avait été souhaité par le Sénat, je suis favorable à la conserver. Je vous présenterai un amendement prévoyant son application en outre-mer.
Pour conclure, comme vous l'aurez compris, je ne suis guère enthousiaste sur ce texte, mais il me semble préférable d'adopter des dispositions qui marquent la préoccupation du Sénat à assurer la protection du droit à l'image des enfants sur internet.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Au titre de l'article 45 de la Constitution, le périmètre me semble devoir être identique à celui qui a été retenu en première lecture, car tous les articles de la proposition de loi initiale restent en discussion. Je vous propose d'indiquer qu'il porte sur l'intégration de la vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale, sur les conditions de l'exercice par les parents du droit à l'image de leur enfant mineur, sur les pouvoirs du JAF en cas de désaccord des parents dans le cadre de l'exercice du droit à l'image de leur enfant mineur, ainsi que sur la délégation forcée de l'autorité parentale en cas de diffusion de l'image de l'enfant par ses parents portant gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-1 propose de supprimer l'article 1er.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est supprimé.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Dans un esprit de compromis, l'amendement COM-2 reprend la version de l'Assemblée nationale en la recentrant sur l'essentiel.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Dans un souci de pédagogie, l'amendement COM-3 précise la rédaction de l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-4 supprime l'article 4, qui n'ajoute rien au code civil et à la protection du droit à l'image des enfants.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-5 permet l'application outre-mer de l'article 5.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires est issu des premières assises des dérives sectaires organisées en mars dernier. S'inscrivant dans une stratégie gouvernementale globale pour les années 2024-2027, ce texte poursuit une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous conduire à nous interroger collectivement.
Ce projet de loi marque un regain d'intérêt bienvenu sur la question des dérives sectaires, après des années de désengagement des pouvoirs publics en la matière. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les dérives sectaires en matière de santé rapporté par Jacques Mézard date de 2013 et n'a été suivi d'aucun effet. Plus inquiétant encore, le maintien même de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a été remis en cause à plusieurs reprises. Le Sénat a dénoncé les atteintes qui lui ont été portées, notamment dans le cadre de l'avis budgétaire pour 2020 de notre ancien collègue M. Pierre-Yves Collombat.
La gravité de ce sujet, ainsi que les difficultés à lutter contre des acteurs parfois très organisés et disposant de moyens importants, appelle une plus grande responsabilité et une vigilance particulière. Il n'est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité en soit avérée, au risque de fragiliser tout l'arsenal pénal existant. Comme me l'ont rappelé Nicolas About, , et Jacques Mézard, nos anciens collègues, ainsi que Georges Fenech et Serge Blisko, anciens présidents de la Miviludes, il faut d'abord appliquer les lois existantes et donner les moyens opérationnels pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.
Or, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal existant et de s'interroger sur les causes de l'émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées en mars dernier appelaient une réponse législative centrée non pas sur un renforcement des moyens de la justice, ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d'éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.
On ne peut que regretter cette focalisation de la réflexion et de l'action publique sur la réponse pénale, qui a pour conséquence d'occulter la nécessité pour les pouvoirs publics de porter leurs efforts sur l'amplification des actions de prévention et sur le renforcement des moyens de la justice comme des services enquêteurs spécialisés.
Il convient également de veiller aux effets de bord des règles présentées comme destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale ; nous y reviendrons.
En conséquence, si nous ne pouvons qu'approuver les objectifs poursuivis avec ce projet de loi, je vous propose d'en aborder l'examen de manière pragmatique, avec le souci de faciliter des solutions opérationnelles inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d'effets d'annonce et de solutions de façade.
Ce projet de loi marque un regain d'intérêt des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène connu de longue date, particulièrement les dérives observables dans le domaine de la santé. Ce phénomène avait été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990. Il est cependant marqué depuis lors par deux évolutions majeures : d'une part, le développement des moyens électroniques de communication et les réseaux sociaux ; d'autre part, les polémiques entourant l'épidémie de covid-19, qui ont vu une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies ainsi que l'efficacité et les risques des traitements conventionnels.
Cette profusion de discours tendant soit à décourager le recours à la vaccination, soit à promouvoir des traitements sans validation scientifique, voire hors du champ de la pharmacie, véhiculait, parmi des critiques et des opinions parfaitement légitimes, des dérives sectaires qui ont pu inquiéter la population comme les pouvoirs publics.
Le doublement entre 2020 et 2021 du nombre de signalements et de demandes d'avis relatifs au domaine de la santé adressés à la Miviludes, de même que l'augmentation particulièrement importante des signalements liés aux phénomènes que la mission qualifie de « psycho-spiritualité », découlent de ce climat d'incertitude et d'anxiété.
Deux types de signalements ressortent des chiffres fournis par la Miviludes : ceux qui concernent des mouvements connus pour leurs dérives sectaires, et ceux qui concernent des individus ou des groupes réduits intervenant dans tous les domaines, de la santé à la formation en passant par le bien-être. Si les seconds se sont développés au cours des dernières années, les premiers n'ont jamais disparu et continuent leurs activités, que dénonce régulièrement la presse. Il est donc nécessaire de sensibiliser davantage la société à cette problématique croissante.
Force est de constater que le contenu du projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Je déplore, en particulier, que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit d'un avis négatif du Conseil d'État soulevant, selon le cas, l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels pesant sur certaines dispositions ; ce ne sont pas là des critiques que l'on peut écarter sans examen sérieux.
Plusieurs des mesures du projet de loi concernent le code pénal. L'article 1er rompt avec la logique de la loi dite « About-Picard » de 2001 qui a permis la répression de l'abus frauduleux d'ignorance et de faiblesse, notamment par la sujétion physique ou psychologique, pour faire de la mise sous sujétion d'une personne et de l'abus frauduleux de cette sujétion une infraction autonome.
L'article 2 en tire les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante de l'abus de vulnérabilité, une circonstance de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.
L'article 4 entend, quant à lui, réprimer les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement susceptible de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.
Le Gouvernement justifie ces évolutions par la difficulté dont témoignent certaines victimes à se voir comme étant en situation de faiblesse, et elles visent à réprimer l'essor des discours déviants sur internet, par ceux qu'on décrit comme des « gourous 2.0 ».
Ce projet de loi tient également compte du rôle joué par les partenaires de la Miviludes que sont les associations de défense des victimes et les ordres professionnels médicaux. L'article 3 du projet de loi entend ainsi faciliter la possibilité pour les associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d'une reconnaissance d'utilité publique un nouveau mécanisme d'agrément, plus souple.
L'article 5 renforce l'information des ordres professionnels, au premier rang desquels l'ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l'encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel.
L'article 6 octroie à la Miviludes un rôle nouveau d'amicus curiae, afin de faciliter son intervention en tant que service « expert » dans les procès.
Je vous propose de compléter et de renforcer la solidité juridique des dispositions des articles 3, 5 et 6, qui me paraissent aller dans le sens d'une plus grande efficacité de la lutte contre les dérives sectaires. En revanche, je vous propose la suppression des dispositions créant de nouvelles infractions pénales. En effet, l'article 1er vient doubler des infractions existantes et risque d'entraîner des confusions dommageables dans l'application du droit pénal, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.
L'article 4, bien que restreint dans sa portée depuis les critiques sévères adressées par le Conseil d'État, demeure attentatoire aux libertés, sans garantie d'efficacité contre l'essor de discours en faveur des dérives sectaires. Si nous laissons les tenants des dérives sectaires se draper dans le manteau des libertés, nous aboutirions à desservir la cause que nous prétendons défendre.
Outre ces modifications, l'occasion nous est donnée de nous saisir de ce texte afin de permettre la mise en oeuvre des recommandations de rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2013.
Aussi, je propose de doter la Miviludes d'un statut législatif. Cela permettra enfin d'inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l'intérieur. Ce statut permettra de reconnaître l'ensemble des missions qu'elle exerce et de la protéger en la personne de son président, ainsi que les personnes réalisant des signalements, contre les procédures abusives.
Je ne peux également que m'étonner de l'absence de dispositions dans le projet de loi visant à réprimer les nouveaux modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne. En conséquence, je vous soumets des amendements tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse, dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.
Enfin, je vous propose de prendre en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne coure qu'à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au fait de placer un enfant dans une situation d'isolement social.
Nous pouvons faire oeuvre utile sans donner dans l'illusion de créer des mesures qui existent déjà, évitant ainsi le risque de faire moins bien et d'ajouter à la confusion des normes, tout en portant à leur terme le fruit de travaux parlementaires réfléchis et transpartisans. Je vous propose donc d'adopter ce texte, sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai déposés.
M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous avons tous été fortement sollicités par divers acteurs, essentiellement par courriels, et c'est me semble-t-il un bon indice de l'intérêt porté à cette thématique des dérives sectaires.
Par ailleurs, j'observe que trois textes que nous examinons aujourd'hui évoquent les violences familiales ; et chaque fois, se pose la question de la réponse législative à ces violences.
Mme Dominique Vérien. - Dans le cas présent, il ne s'agit pas de violences familiales, même si la manière d'endoctriner peut s'y référer. Tous ceux qui s'intéressent aux dérives sectaires attendaient le renforcement de la Miviludes, ainsi que la prise en compte du fait que beaucoup de ces endoctrinements s'effectuent aujourd'hui en ligne.
Je comprends la suppression des articles 1er et 4 ; mais je sais également que les policiers et les gendarmes poursuivant ces dérives sectaires ont besoin d'outils. En resserrant davantage le texte, en évoquant la spécificité de l'endoctrinement propre aux dérives sectaires, différent du système d'emprise que l'on connaît dans les violences intrafamiliales, nous pouvons peut-être résoudre la quadrature du cercle d'ici à la semaine prochaine.
Mme Nathalie Delattre. - Dès 1990, le sujet a fait l'objet d'un rapport parlementaire. Au Sénat, un rapport comportant plus de 500 pages d'auditions, a été publié sur le sujet en 2013, résultant des travaux conduits par notre ancien collègue Jacques Mézard. Même s'il date de 2013, le constat reste, aujourd'hui encore, édifiant qu'il dressait reste pleinement d'actualité.
Il s'agit ici d'un texte sur un sujet majeur, et je déplore qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de nos travaux un 19 décembre. Je déplore également que le Conseil d'État n'ait pas été saisi suffisamment en amont, comme il l'indique lui-même dans son avis. Madame le rapporteur, vous supprimez l'article 4, mais, à mon sens, il faudrait trouver une autre solution juridique.
En revanche, je salue votre proposition concernant la Miviludes. Avec Jacqueline Eustache-Brinio, dans notre rapport sur la radicalisation islamiste, nous avions proposé un « rétablissement de la Miviludes » car celle-ci était alors menacée de disparaître.
J'ai déposé plusieurs amendements, notamment pour modifier l'article 4. Nous avons reçu beaucoup de messages souhaitant la suppression de cet article, parmi lesquels un certain nombre proviennent de militants antivax. Des médecins pratiquant l'hypnose ou l'homéopathie se sentent également menacés. Hélas, nous n'avons pas le temps de trouver un compromis.
Enfin, un de mes amendements plaide pour un report de prescription s'agissant des mineurs victimes. Après avoir suivi certaines préconisations sur internet, de nombreux jeunes sombrent dans l'anorexie mentale et vont parfois jusqu'au suicide. Le report de prescription existe pour les viols ou pour d'autres infractions sexuelles ; quand l'intégrité d'une jeune personne est ainsi atteinte, cela me semble aussi grave.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
M. Christophe Chaillou. - Ce texte important, qui nous parvient dans des délais contraints, soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses concrètes. Les interrogations portent sur l'approche elle-même, sur les solutions privilégiées et les moyens accordés ; le Conseil d'État a d'ailleurs émis un avis réservé sur une disposition essentielle du texte.
Je partage le point de vue du rapporteur concernant l'absence d'approche préventive et la volonté d'éviter les effets d'annonce. Pour ce texte comme pour d'autres, il s'agit de privilégier des solutions efficaces. Une approche purement pénale ne permet pas de répondre au problème dans sa globalité et sa complexité.
Le renforcement de la Miviludes doit pouvoir faire consensus. Au-delà de la question du statut, celle des moyens accordés, aujourd'hui trop faibles par rapport à l'explosion du nombre de cas, semble essentielle.
Par ailleurs, la prise en compte de la dimension technologique dans les sanctions semble aller dans le bon sens, de même que l'allongement du délai de prescription pour les mineurs.
Concernant l'article 4, on peut entendre les arguments exprimés à l'instant par notre collègue Nathalie Delattre. La mesure est très controversée, on touche là à des aspects essentiels des libertés publiques et individuelles. La proposition de supprimer l'article, compte tenu des délais, semble la plus raisonnable.
Le texte ne répond pas à la globalité des situations. Une partie de l'arsenal existe déjà, il s'agit de l'appliquer en renforçant les moyens.
M. Dany Wattebled. - Je m'oppose à la suppression des articles 1er et 4. La sujétion est, à mes yeux, aussi importante que les effets négatifs qui peuvent en découler. Le maintien de ces articles est donc fondamental. On se rend compte de l'influence des réseaux sociaux sur certaines personnes ; je pense notamment à ce qui a pu se passer pour Samuel Paty.
M. Olivier Bitz. - Les dérives sectaires concernent, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes. L'appareil législatif ne correspond plus aux enjeux actuels. Vingt ans après la loi About-Picard, une nouvelle étape dans la lutte contre les dérives sectaires est nécessaire. Nous connaissons les moyens technologiques employés par ces mouvements, et nous savons également qu'ils sont très actifs dans le milieu de la santé.
Nous sommes défavorables à la suppression des articles 1er et 4, qui correspondent précisément aux besoins exprimés par les policiers spécialisés, ainsi qu'aux demandes des milieux associatifs ; ainsi, à la fois l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi) et le Centre contre les manipulations mentales (CCMM) se sont prononcés en faveur du texte. Les principaux acteurs de la lutte contre les dérives sectaires demandent des outils législatifs supplémentaires, y compris concernant la répression pénale. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la nécessité d'adapter l'appareil répressif aux nouvelles pratiques.
Depuis 2010, nous observons deux fois plus de signalements à la Miviludes ; en comparaison, le nombre de poursuites engagées est très faible, en raison de la difficulté à caractériser les infractions. Les dispositions pénales en vigueur ne sont pas suffisantes pour protéger nos concitoyens.
L'article 1er marque une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires. Il permet de mieux prendre en compte les spécificités de l'emprise sectaire, et d'agir en amont de l'abus de faiblesse. Peut-être des éléments sont-ils à retravailler, mais nous ne pouvons pas supprimer cet article.
De même, concernant l'article 4, je perçois tous les messages reçus comme un encouragement à poursuivre ; cela veut dire que, pour toutes ces personnes, notamment dans le domaine de santé, les dispositions de ce texte représentent une menace pour leurs pratiques.
J'entends les réserves exprimées concernant la rédaction. Mettons-nous autour de la table et essayons d'avancer, en tenant compte de l'avis du Conseil d'État. Il faut ouvrir la porte à une modification de l'article 4 et travailler à une nouvelle rédaction. Nous enverrions un mauvais message en proposant un amendement de suppression, alors que ces pratiques entraînent des morts.
M. André Reichardt. - Je soutiens ce rapport dans son intégralité. Il est pour le moins maladroit de traiter un texte aussi important la veille de Noël ; ce n'est pas la bonne période, nous aurions dû avoir davantage de temps.
Je déplore que l'on fasse si peu cas de l'avis du Conseil d'État sur la question des libertés et de l'aspect discriminatoire de certains articles.
Je suis favorable à la suppression des articles 1er et 4. Concernant l'article 5, je trouve également que nous allons très loin.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous partageons tous ce constat : la lutte contre les dérives sectaires mérite un traitement plus approfondi, notamment concernant la définition des infractions permettant de les sanctionner. Nous avons besoin de légiférer, mais cela ne doit se faire ni à cette période ni de cette manière.
Nous avons étudié le code pénal et les dispositions existantes ; le problème est qu'il s'avère impossible de caractériser les dérives sectaires dans la loi, et qu'en tout état de cause, cela n'est pas souhaitable. Le rapport de 2013, bien avant l'épidémie de covid-19 et la crise sanitaire, portait déjà sur des problématiques des soins, notamment sur les thérapies « non conventionnelles » ou « alternatives » ; depuis, le phénomène n'a fait que croître, et s'est cristallisé avec les réseaux sociaux et la communication numérique.
L'absence de mesures concernant la communication numérique est révélatrice des faiblesses de ce texte insuffisamment préparé. Il aurait fallu a minima prévoir une sanction pour les infractions commises par le biais de moyens numériques ; nous le proposons au travers d'un amendement considérant, sur la base d'infractions pénales existantes, l'utilisation de moyens numériques comme une circonstance aggravante.
Concernant l'article 4, on ne peut pas faire abstraction des risques d'inconstitutionnalité pointés par le Conseil d'État. Devant les réactions suscitées, vous évoquez le fait de toucher un point sensible ; mais en appuyant de la sorte sur ce point, nous risquons d'aggraver les problèmes : les mouvements sectaires ne manqueront pas de se draper dans une posture de défense des libertés, dans un pays déjà fracturé sur ces questions, si nous adoptons un dispositif fragile juridiquement.
L'état de sujétion, tel qu'il est présenté à l'article 1er, s'avère une notion trop large. Qu'est-ce qu'un état de sujétion et doit-il être réprimé de façon autonome ? L'autorité parentale, selon la manière dont elle est exercée, ne conduit-elle pas à une forme de sujétion ? Dans nos propositions, nous cherchons à défendre les mineurs, notamment par le bais de l'amendement prévoyant d'allonger le délai de prescription, afin qu'une victime puisse avoir le temps de se concevoir comme telle et entamer des poursuites.
Le code pénal prévoit un arsenal suffisant. Les services enquêteurs et les magistrats instructeurs le disent : il ne s'agit pas d'un problème de définition des infractions, mais d'établissement de la matérialité des faits et de collecte de preuves. Pour cela, il convient d'abord d'assurer un statut interministériel à la Miviludes, de manière à pouvoir engager une véritable politique de lutte contre les infractions, avec davantage de moyens. Nous devons également permettre que les signalements et les avis soient confidentiels et protégés par la loi ; actuellement, les victimes n'osent pas toujours se signaler, de peur que ce signalement ne soit divulgué.
M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que celui-ci comprend les dispositions relatives aux infractions pénales permettant de réprimer et sanctionner les effets négatifs des dérives sectaires, aux prérogatives et moyens de la Miviludes, aux modalités de constitution de partie civile pour les associations de défense des victimes de dérives sectaires, ainsi qu'aux modalités d'information des ordres médicaux en cas de sanction pénale ou de mesure de sûreté prononcée à l'encontre d'un de leurs membres en lien avec une dérive sectaire.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Division additionnelle avant le chapitre 1er
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-12 propose d'insérer l'article 1er A dans un nouveau chapitre consacrant les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.
L'amendement COM-12 est adopté.
Une division additionnelle est ainsi insérée.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-13 consacre dans la loi la Miviludes, acteur incontournable et indispensable à la lutte contre les dérives sectaires. Il permet d'ancrer cette mission dont l'utilité n'est plus à démontrer, avec un statut interministériel et la possibilité de présenter un rapport annuel dont les éléments sont protégés contre les recours abusifs.
L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-14 permet d'actualiser le droit existant afin de mieux prendre en compte l'utilisation des réseaux sociaux et des supports numériques, et d'adapter en conséquence l'arsenal répressif. Sur le modèle des circonstances aggravantes en matière de harcèlement moral ou scolaire, l'amendement introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d'abus de faiblesse à raison des moyens utilisés. Plus précisément, les peines seront portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende dès lors qu'un abus de faiblesse sera commis par l'utilisation des moyens de communication en ligne.
L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-15 vise à supprimer l'article 1er.
L'amendement COM-15 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-8 devient sans objet.
L'article 1er est supprimé.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-16 vise à supprimer l'article 2, qui perd toute cohérence du fait de la suppression de l'article 1er.
L'amendement COM-16 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-9 devient sans objet.
L'article 2 est supprimé.
Division additionnelle après l'article 2
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-17 prévoit d'insérer un chapitre comportant l'ensemble des nouvelles dispositions que je propose d'introduire et qui visent à renforcer spécifiquement la protection des mineurs.
L'amendement COM-17 est adopté.
Une division additionnelle est ainsi insérée.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié prévoient d'allonger le délai de prescription : il sera désormais de six années, à compter de la majorité de la victime.
Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-19 tend à renforcer la répression des phénomènes visant à soustraire volontairement les enfants à tout contrôle et à les placer dans des situations d'isolement social. Lors des différentes enquêtes menées au sein des mouvements sectaires, on découvre des enfants isolés, qui ne sont même pas déclarés à l'état civil. Il est proposé d'ériger cette non déclaration en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soin et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur.
L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-20 concerne la procédure d'agrément. Il est utile que les associations puissent se constituer partie civile dans le cadre des procédures d'instruction. Les associations, notamment l'Unadfi, souhaitaient disposer d'un délai plus long afin de poursuivre ces procédures ; nous étendons ce délai de neuf mois à un an.
L'amendement COM-20 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-21 a pour objet de sanctionner plus fortement les délits commis avec les moyens numériques. Il propose d'instituer une nouvelle circonstance aggravante dans le cas d'une utilisation de ces moyens, et d'introduire une peine complémentaire, en cas de commission de ces mêmes infractions par ces moyens, de bannissement numérique.
L'amendement COM-21 est adopté et devient article additionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis visent à supprimer l'article 4.
M. Christophe Chaillou. - La rédaction n'est pas satisfaisante, mais la suppression de l'article ne veut pas dire que nous approuvons celle-ci sur le fond.
Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.
L'article 4 est supprimé.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 visent à supprimer l'article 5, alors que nous souhaitons le maintenir.
En effet, lorsqu'un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, il nous semble logique d'en informer l'ordre duquel il est membre, de manière à faciliter le prononcé rapide de sanctions ordinales. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 ne sont pas adoptés.
L'article 5 est adopté sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-6 aborde une vraie difficulté dans la lutte contre les dérives thérapeutiques, mais se heurte à plusieurs obstacles, celle de l'information des individus bénéficiant de thérapies « non conventionnelles ».
Tout d'abord, le ministère de la santé nous a indiqué qu'il n'existait pas de liste établie de ces thérapies. Par ailleurs, la Miviludes ne dispose sans doute pas des moyens d'établir les fiches demandées. Enfin, l'infraction pénale, telle qu'elle est rédigée, ne permet pas de déterminer avec certitude sur qui pèsera la sanction, notamment s'il s'agira d'une personne physique ou morale.
Lors de son audition, le ministère de la santé a indiqué qu'il réactivait son groupe d'étude pour améliorer le dispositif existant. Sans doute sera-t-il à même d'apporter une réponse partielle au problème soulevé. En l'état, il nous semble impossible d'adopter cet amendement. J'en demande de retrait ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme Nathalie Delattre. - Je le retire et le présenterai de nouveau en séance, comme amendement d'appel.
L'amendement COM-6 est retiré.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Suivant la jurisprudence de la commission en matière de rapports, avis défavorable à l'amendement COM-7.
Mme Nathalie Delattre. - Je le présenterai de nouveau, comme amendement d'appel. Nous n'avons pas l'habitude de demander des rapports, mais le sujet est grave. Cela permettra d'avoir un débat en séance, notamment sur la question de l'absence de liste concernant les pratiques non conventionnelles.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-23 tire les conséquences de la suppression des articles 1er et 2 du projet de loi, tout en conservant la procédure d'amicus curiae, au bénéfice notamment de la Miviludes.
L'amendement COM-23 est adopté.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-10 vise à ouvrir la procédure d'expertise, ce que prévoit déjà la procédure d'instruction pénale, mais pas sous le statut d'amicus curiae. Avis défavorable.
Pour rappel, la procédure d'amicus curiae permettra à la Miviludes d'intervenir dans le cadre de l'instruction pénale indépendamment de ce qui existe déjà, à savoir l'expertise judiciaire ou le témoignage. Le magistrat instructeur pourra interroger la Miviludes sur des éléments généraux et objectifs.
M. François-Noël Buffet, président. - En droit, un amicus curiae est une personnalité ou un organisme non directement liés aux protagonistes d'une affaire judiciaire, qui propose au tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l'aider à trancher l'affaire sous la forme d'un mémoire, d'un témoignage non sollicité par une des parties ou d'un document traitant d'un sujet en rapport avec le cas. La décision sur l'opportunité d'admettre le dépôt de ces informations ou de ces opinions est à la discrétion du tribunal.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous sommes favorables à cette nouvelle mesure.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-24 précise que les éléments produits par un service de l'État, dans le cadre de cette nouvelle procédure, sont soumis au débat contradictoire.
L'amendement COM-24 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Par coordination, l'amendement COM-25 vise à supprimer l'article 7.
L'amendement COM-25 est adopté.
L'article 7 est supprimé.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-4 prévoit de changer l'intitulé de la proposition de loi, comme le suggérait le Conseil d'État. Ce projet visait à réprimer, au-delà des dérives sectaires, tous les phénomènes d'emprise mentale. Cela ne nous apparaissait pas souhaitable, et nous avons, en conséquence, décidé de supprimer l'article 1er. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion, suspendue à 11 h 20 est reprise à 16 h 30.
Projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, Mme Muriel Jourda, M. Philippe Bonnecarrère, M. Bruno Retailleau, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, Mme Corinne Narassiguin et M. Olivier Bitz comme membres titulaires, et de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, Mme Nadine Bellurot, Mme Isabelle Florennes, M. Patrick Kanner, M. Ian Brossat, M. Claude Malhuret et M. Guy Benarroche, comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Audition de Mme Céline Berthon, directrice générale adjointe de la police nationale, et M. le général de corps d'armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - La commission des lois et la commission de la culture vous entendent aujourd'hui dans le cadre de leur mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes.
Je vous prie d'excuser le président Buffet qui est contraint d'assister à une autre réunion.
Si cette mission d'information ne peut se pencher sur les faits qui font l'objet d'une enquête en cours, son objectif est de s'intéresser aux modalités de prévention, d'évaluation et de traitement des menaces exercées à l'encontre des enseignants et, au-delà, de l'ensemble des membres de la communauté éducative.
Notre premier axe d'interrogation porte sur les modalités de dépôt de plaintes et de mains courantes de la part des enseignants victimes d'agressions, ainsi que leur traitement. Disposez-vous en particulier d'éléments relatifs au délai moyen de traitement de ces plaintes ? Comment les agents concernés sont-ils informés de leur stade d'avancement ?
En second lieu, nous souhaiterions avoir des précisions quant aux suites policières qui sont données à ces plaintes. Dans quelle mesure celles-ci donnent-elles lieu à des arrestations ? En outre, dans quels cas l'agent enseignant ou administratif menacé peut-il bénéficier d'une mesure de protection policière ?
Une autre forme de pression que subissent les enseignants retient également notre attention dans le cadre de nos travaux : celle que constituent les plaintes déposées à l'encontre des enseignants par les parents d'élèves. Disposez-vous d'éléments à ce sujet ?
Enfin, nous serions intéressés par toute précision que vous pourriez apporter concernant les partenariats qui existent entre les préfectures, les services de police et de gendarmerie, les parquets et les rectorats : comment les services de police et de gendarmerie et le ministère de l'éducation nationale coordonnent-ils leur action pour agir contre les menaces et agressions à l'encontre des enseignants ?
Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse et diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Nos travaux ayant par ailleurs obtenu du Sénat l'obtention des prérogatives des commissions d'enquête, je vous rappelle qu'un faux témoignage serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Céline Berthon et M. André Petillot prêtent serment.
Mme Céline Berthon, directrice générale adjointe de la police nationale. -Je suis accompagnée de Virginie Brunner, directrice nationale de la sécurité publique et, à ce titre, responsable de la totalité des commissariats de police hors compétence territoriale de la préfecture de police.
Les missions de la police nationale consistent à engager les mesures de prévention, d'identification des auteurs d'infraction et de poursuites des enquêtes judiciaires aux fins de présenter les auteurs devant la justice. Cela nous conduit à interagir avec le milieu enseignant et plus largement avec la communauté éducative, dans le cadre d'un partenariat qui s'est renforcé au fil du temps, des crises et des drames pour prendre en compte de la manière la plus adaptée possible les enjeux de sécurité rencontrés dans ce milieu.
Plusieurs volets traduisent ce partenariat.
Le premier porte sur la prévention, qui s'appuie sur l'instauration d'une relation de confiance et s'exprime dans le cadre d'une coordination avec les établissements et les services départementaux de l'éducation nationale. La mise en place d'un écosystème pluridisciplinaire est nécessaire pour prendre en compte les problématiques rencontrées par la communauté enseignante et la communauté éducative, et pour y apporter des solutions. Cela se fait sous l'autorité du préfet et du rectorat, suivant plusieurs axes de travail, souvent via une convention partenariale afin de permettre l'échange d'informations très concrètes sur un certain nombre de situations.
Un de nos premiers axes est la prise en compte des risques et des menaces auxquels sont confrontés les établissements. Nous travaillons dans ce cadre avec l'autorité préfectorale, le rectorat et les services de renseignement. Nous coopérons également avec les parquets, qui sont régulièrement sollicités, par exemple pour émettre des réquisitions nous autorisant à mener des contrôles aux abords des établissements scolaires. Ce partenariat s'étend aux municipalités qui disposent évidemment de pouvoirs d'intervention et peuvent aussi mobiliser leurs propres services.
Nous avons des correspondants spécialisés et identifiés dans la totalité des circonscriptions. Ce sont des interlocuteurs privilégiés pour les chefs d'établissement, avec lesquels ils ont des contacts réguliers. En dehors des crises, la préparation des rentrées scolaires nous donne l'occasion de faire avec l'établissement un point d'ensemble sur les perspectives et sur la nature des difficultés rencontrées, et d'aménager si nécessaire des mesures de sécurisation passive des établissements. On y associe bien souvent d'ailleurs les services municipaux afin de réfléchir aussi à des enjeux d'urbanisme extérieur.
Ce volet préventif permet le développement d'un réseau de proximité dense qui facilite l'action opérationnelle quand elle est malheureusement nécessaire.
L'action opérationnelle est un volet ancien qui s'est évidemment renforcé au regard des menaces à l'encontre de la communauté enseignante, après l'assassinat de Samuel Paty, l'attentat d'Arras ou la situation à Rennes évoquée par la presse depuis le milieu de la matinée.
Un autre axe majeur est le traitement prioritaire des appels police secours qui parviennent sur le 17 pour intervenir le plus vite possible. Mme Brunner dispose d'informations, si vous souhaitez, sur les délais d'intervention à Arras et aujourd'hui à Rennes, qui témoignent de la réactivité des services. Cette réactivité repose notamment sur le déplacement systématique des équipes, en prenant en compte à chaque fois les appels avec le même sérieux et la même diligence, car ils peuvent être parfois bruyants ou imprécis.
Nous avons également renforcé la coordination afin de préparer les modalités d'intervention dans les établissements scolaires, qui ont la spécificité d'abriter de nombreux enfants. L'objectif est évidemment d'intervenir vite et bien. Dans le cadre de la menace terroriste qu'a connue notre pays ces dernières années, nombre de plans d'exercice ont été menés dans les établissements, souvent avec les policiers municipaux et les services de la police nationale. Nous avons recueilli les plans des établissements, de manière à pouvoir intervenir en cas de crise ou les mettre à disposition des services primo-intervenants, comme les unités spécialisées d'intervention.
Après le temps de l'intervention, ou en parallèle, selon la gravité des faits, vient la prise de plainte. Elle est déterminante en ce qu'elle ouvre un champ judiciaire qui rend possible un levier d'action plus large. Depuis plusieurs années, nous sommes engagés dans une démarche d'accompagnement qualitatif pour faciliter la prise de plainte des personnes victimes d'infraction, par exemple en fixant un rendez-vous, voire en délocalisant la prise de plainte. Nous pouvons solliciter des services d'accompagnement des victimes et le soutien d'associations qui peuvent être nécessaires pour les enseignants.
Nous essayons aussi d'associer tant que possible la communauté éducative dans le travail que l'on mène de manière très concrète sur des problématiques identifiées à l'échelle territoriale : je voudrais évoquer ici l'initiative développée par la sécurité publique des groupes de partenariat opérationnel (GPO). Ce sont des réunions pluridisciplinaires de tous les acteurs ayant vocation à conduire une action sur une problématique concrète autour des établissements scolaires. Elles peuvent concerner des squats aux abords d'établissements scolaires ou la circulation. Cela peut sembler marginal par rapport à la sécurité de la communauté éducative ; cependant, les chefs d'établissement sont préoccupés par tout ce qui se passe devant leurs établissements.
L'intensification du partenariat et des modalités de notre réaction aux phénomènes dont sont victimes les enseignants répond à l'accentuation et à la diversification des menaces. Nous vous fournirons les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) qui indiquent une augmentation des violences physiques, mais également des atteintes à la dignité et à la personnalité de la communauté enseignante. Sur les trois dernières années, 2021 a vu une hausse importante de ces problèmes, probablement en lien avec l'assassinat de Samuel Paty, avec à la fois des incidents et des signalements plus nombreux. L'année 2022 marque un léger recul par rapport à 2021, mais indique néanmoins une progression par rapport à 2020. Nous observons donc un phénomène qui s'installe et qu'il nous faut, évidemment, prendre en compte.
Ce phénomène est de plus en plus protéiforme. Nous avons tous fréquenté des établissements scolaires où les enseignants pouvaient être victimes de violence ou d'insultes. Mais l'assassinat de Samuel Paty a mis en exergue une nouveauté : la dimension numérique ou virtuelle des menaces avec les réseaux sociaux, qui sont un facteur de propagation de fausses informations et de menaces, visant des personnalités individuelles ou des établissements. Nous avons eu à connaître, notamment depuis l'attentat d'Arras, une multiplication des phénomènes de menaces parfois virtuelles et d'alertes à la bombe, qui ont conduit à un nombre significatif d'évacuations d'établissements. Ces menaces, combinées au rôle des réseaux sociaux, peuvent aboutir au pire.
Il faut, à cet égard, souligner la mobilisation de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos). Elle est animée par la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ). Cet outil nous permet de mieux détecter et de judiciariser les violences et les menaces dans l'espace numérique. Pharos exploite les signalements relatifs aux contenus illicites diffusés en ligne, qui incluent un certain nombre de menaces et d'apologies du terrorisme.
En recoupant et en analysant les signalements, nous conduisons deux types d'actions.
La première action, à dimension administrative, vise à permettre la suppression ou le déréférencement des contenus illicites qui sont identifiés. C'est important car un contenu retiré se diffuse moins, ce quipeut nous laisser espérer qu'il produira moins de dégâts en viralité ou influence sur des publics fragiles.
L'autre action se situe sur le terrain judiciaire : il s'agit d'identifier les auteurs des infractions et de rechercher les preuves pour conduire les intéressés devant la justice. Je souligne d'ailleurs qu'après l'attentat commis au lycée Gambetta d'Arras, nous avons connu une augmentation du nombre de signalements à traiter, mais aussi des interpellations que nous avons pu réaliser.
Ce phénomène nous conduit à ne pas négliger la dimension dangereuse que peut prendre une menace et à développer un travail d'évaluation. Nous mobilisons pour cela l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), qui dépend de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Une fois les menaces évaluées, nous pouvons être conduits à mettre en oeuvre des mesures de protection de deux types.
D'une part,des mesures de protection rapprochée par le service de la protection (SDLP) peuvent être mises en oeuvreau bénéfice principalement de personnalités ou de membres du Gouvernement et, plus rarement, d'enseignants comme cela fut le cas en 2021, après des dépôts de plainte et l'évaluation par l'Uclat des menaces pesant sur trois membres du personnel de l'éducation nationale. En 2022 à l'inverse, cinq personnes issues de la communauté éducative et ayant déposé plainte ont fait l'objet d'évaluations qui n'ont pas conduit à ce que des mesures de protection rapprochée soient mises en oeuvre.
D'autre part, les mesures de protection peuvent être territoriales, c'est-à-dire qu'elles reposent sur des patrouilles plus régulières aux abords des établissements scolaires et sur des présences fixes aux heures sensibles comme les heures d'arrivée et de départ d'un personnel menacé. Nous pouvons décliner ces mesures de vigilance aux abords du domicile, et nous collaborons souvent avec nos camarades de la gendarmerie nationale en fonction des lieux de résidence ou d'emploi des personnes menacées.
Dans la mesure du possible, nous recueillons les coordonnées des personnes ayant manifesté des inquiétudes dans nos centres d'information et de commandement, de manière à ce que, en cas d'appel d'urgence, leur numéro puisse être immédiatement identifié. Cela nous permet de déterminer tout de suite le niveau de la menace et d'intervenir aussitôt.
Depuis l'attentat commis à Arras qui a conduit à la mort de Dominique Bernard, dans le cadre du plan Vigipirate « urgence attentat », nous avons organisé des réunions avec les établissements scolaires afin de refaire un point sur leurs attentes particulières et d'être en mesure d'y répondre, si besoin en réactivant des dispositifs spécifiques. Le conflit israélo-palestinien nous a également conduits à identifier de nouveaux points de vigilance, la communauté éducative pouvant être particulièrement ciblée. Toutes ces mesures s'inscrivent, une fois encore, dans une logique d'accompagnement qualitatif que nous souhaitons développer.
M. le général de corps d'armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale. - J'essayerai de compléter sans redite le propos de Mme Berthon, puisque tout ce qu'elle a évoqué se décline de manière très similaire pour la gendarmerie nationale.
La question de la sécurité dans l'espace scolaire a émergé il y a presque trente ans. Les premiers dispositifs ont été mis en place en 1996. Il s'agissait d'un premier rapprochement entre les forces de sécurité et le milieu éducatif, centré principalement sur la question de l'usage des stupéfiants qui posait problème au sein des établissements, mais qui a aussi permis de développer la connaissance mutuelle de ces deux mondes et des actions de prévention.
L'année 2009 a ensuite été une étape importante, car la question des violences dans les établissements scolaires, ou autour de ces derniers, a pris une dimension beaucoup plus vaste que la simple question des stupéfiants. Les violences contre les enseignants et autour des établissements scolaires existaient déjà. On a donc créé un référent scolaire dans chaque brigade de gendarmerie. Ce dispositif existe toujours. Ces référents jouent le rôle de point de contact pour l'ensemble des établissements implantés sur la circonscription de la brigade et sont des interlocuteurs parfaitement identifiés par les enseignants et les chefs d'établissement, avec lesquels ils doivent entretenir des relations régulières. Ils effectuent ainsi des visites d'établissement et, en cas de difficulté, peuvent conseiller ou orienter vers les référents chargés de la prévention technique de la malveillance, par exemple s'il y a des diagnostics à faire.
Les années 2015-2016, marquée par des attentats terroristes, constituent l'étape suivante : on s'est beaucoup penché sur la sécurisation de l'espace scolaire en lui-même, afin d'empêcher des actions comme les tueries de masse. L'effort s'est porté sur la sécurisation passive des établissements, le rehaussement des contrôles d'accès... Nous appuyons les communautés éducatives et les collectivités territoriales responsables des travaux de ces établissements scolaires par la mise en place de procédures avec les chefs d'établissement sur les modalités de confinement des élèves et comment nous intervenons dans ce cadre.
L'assassinat de Samuel Paty a constitué un tournant : désormais, la menace à l'encontre des enseignants n'est plus circonscrite à l'enceinte du lycée, du collège ou de l'école. Deux thématiques coexistent : la violence contre les enseignants, liée à des comportements individuels ; et une dimension idéologique liée au séparatisme, qui est, je suppose, au coeur de vos travaux. La nouveauté aujourd'hui, c'est qu'on ne doit plus s'intéresser seulement à l'établissement lui-même, à sa sécurisation, au lien avec la communauté éducative, mais également à la sécurité d'un enseignant, y compris dans sa vie personnelle. Mme Berthon a rappelé les dispositifs en place, qui sont suivis avec une très grande vigilance pour assurer la protection des enseignants.
Quelques éléments chiffrés : 56 % des écoles sont en zone gendarmerie, ce qui représente 23 800 écoles ; de même pour le second degré, nous gérons 7 700 établissements, soit 43 % de l'ensemble ; et 2 144 établissements du supérieur, soit 19 % de l'ensemble de ceux-ci. Les enseignants et membres de la communauté éducative représentent quant à euxplus d'un million de personnes. Le volume est extrêmement important, et il est évidemment partagé avec la police nationale.
Le nombre d'agressions et de menaces à l'encontre du monde éducatif est clairement en hausse, comme les violences en général. Nous ne voyons pas de singularité dans l'évolution du nombre d'agressions contre les enseignants ou contre les représentants de l'autorité au sens large.
Les départements les plus concernés sont, pour la gendarmerie, ceux à très forte population : la Gironde, la Haute-Garonne, l'Isère, le Nord, l'Oise, l'Hérault et le Pas-de-Calais. Il n'y a pas de déterminisme géographique.
S'agissant des auteurs, 45 % d'entre eux sont mineurs, ce qui veut dire que 55 % sont majeurs. Hormis certains qui ont peut-être un parcours scolaire un peu retardé, il ne s'agit donc pas d'élèves. Ce sont des parents, des frères et soeurs, ou encore des tiers. Une part importante des auteurs sont extérieurs à l'établissement scolaire et n'ont donc pas vocation à y pénétrer, sauf les parents quand ils sont invités à des réunions. Cela aussi a une incidence sur la réponse pénale à apporter.
Les infractions consistent principalement en des outrages, des menaces, des menaces de mort, des insultes et des injures - la part des violences étant heureusement très minoritaire. Pour autant, quand on menace aujourd'hui un enseignant de mort, c'est loin d'être anodin. C'est une épée de Damoclès parce qu'on sait très bien que cela peut se traduire par un acte réel.
On élucide les affaires à 40 %, ce qui peut sembler relativement faible. Mais il faut savoir qu'un certain nombre de faits sont des insultes, des tags, des dégradations. Quand on crève les pneus du véhicule de l'enseignant sur le parking devant l'école, quand on écrit « M. Machin est ceci ou cela », c'est très compliqué à élucider. En revanche, quand il s'agit d'atteintes physiques ou de violences, les auteurs sont beaucoup plus simples à identifier.
Le texte de référence en matière de prise en compte de ce phénomène est l'instruction interministérielle du 27 octobre 2020 relative à la sécurisation de l'espace scolaire et aux mesures d'accompagnement du corps enseignant. Ce texte, postérieur à l'attentat qui a visé Samuel Paty, met en place un accompagnement des enseignants avec une incitation forte au dépôt de plainte. Nous avons observé que, contrairement à ce qui a été mis en place pour la lutte contre les violences intrafamiliales, l'enquête judiciaire n'est pas systématique. En cas de violence intrafamiliale, qu'il y ait plainte ou pas, à partir du moment où l'enquêteur a connaissance de faits susceptibles d'une qualification pénale, il doit ouvrir une enquête judiciaire et en aviser le parquet. Ce n'est pas aussi clair pour les atteintes aux enseignants. On peut le comprendre car une partie importante des auteurs sont des mineurs : il appartient souvent au parquet de privilégier des traitements administratifs tels que le travail disciplinaire propre à établissement. Par ailleurs, une enquête judiciaire n'est pas toujours indispensable ou même opportune.
Mais il y a peut-être une réflexion à avoir sur un éventuel angle mort ; lorsqu'un enseignant signale des faits mais ne souhaite pas déposer plainte, l'incident peut passer sous les radars, même si, en principe, quand les faits sont d'une nature grave, l'enquêteur doit en rendre compte au parquet.
Néanmoins, de leur côté, les chefs d'établissement sont censés faire un signalement suivant l'article 40 du code de procédure pénale pour tous les faits de nature susceptibles de recevoir une qualification pénale. Il ne s'agit pas de paralyser le système judiciaire avec des faits de nature anecdotique, mais si l'on veut vraiment sécuriser les choses et s'assurer qu'il n'y ait pas de faille dans le dispositif, il faut être le plus précis possible dans les actions mises en oeuvre.
L'attention particulière portée à ces faits se traduit également dans les modalités de dépôt de plainte et de traitement : le reporting est systématique et national. Toute atteinte à un enseignant ou un membre de la communauté éducative fait l'objet d'une remontée d'information au niveau central, priorisée. La hiérarchie des unités est chargée de vérifier qu'à chaque fois les plaintes sont prises et les investigations menées, sous l'autorité des magistrats.
Les délais de traitement sont variables selon la complexité des investigations. Si vous avez l'auteur sous la main et que les faits sont caractérisés, ils peuvent être extrêmement rapides. Quand il s'agit de menaces en ligne, un signalement à Pharos peut prendre des semaines, voire parfois des mois, pour identifier l'auteur, quand il n'a pas été suffisamment prudent pour masquer son identité. Il y a toujours des difficultés, mais dans l'ensemble, c'est une véritable priorité pour tout le monde, enquêteurs comme magistrats. Les délais sont donc les plus courts possible, de manière à ce que la réponse soit la plus rapide possible.
Je ne reviens pas sur les mesures de protection, que Mme Berthon a largement développées.
On peut aussi noter que notre arsenal juridique est assez robuste. Pour toutes les infractions commises à l'encontre d'un enseignant, les circonstances aggravantes sont retenues. Des mesures judiciaires comme l'exclusion d'établissement scolaire peuvent être prises. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, a également créé une infraction peut-être insuffisamment connue, mais répondant aux menaces qui défrayent la chronique actuellement : l'article 433-3-1 du code pénal a trait à la répression des menaces, violences et actes d'intimidation à l'égard « de toute personne participant à l'exécution de la mission de service public, afin d'obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service ». Cela concerne principalement les hôpitaux, mais peut s'appliquer assez précisément à un certain nombre de situations dans des établissements scolaires. Il faut sans doute mieux faire connaître et mieux déployer cet outil juridique.
Nous répondrons de manière très précise et détaillée aux questions qui nous ont été adressées sur les chiffres et les différents dispositifs. J'ai fait imprimer l'ensemble des faits qui ont émaillé l'année 2023 pour vous donner quelques exemples de ce à quoi sont confrontés aujourd'hui nos enseignants. Les cas sont extrêmement variés et nombre d'entre eux n'ont rien à voir avec ce qui est rapporté dans les médias.
Par exemple, pendant un cours d'espagnol, un élève tire sur la professeure à l'aide d'un pistolet à eau. La professeure demande à l'élève de lui remettre le pistolet à eau. L'élève refuse à plusieurs reprises avant de finir par le poser sur la table. La professeure le confisque. Un deuxième élève intervient,lui dit que le pistolet à eau lui appartient et qu'elle n'a pas le droit de le lui prendre. Les deux jeunes filles continuent à réclamer et à ordonner que la professeure leur rende le pistolet à eau. L'affaire se termine par des intimidations à l'encontre de la professeure et du conseiller principal d'éducation (CPE).
Un autre exemple : l'auteur des faits se trouve en salle de classe, prend une photographie de sa professeure alors qu'elle donne son cours et diffuse la photo sur le réseau social Snapchat en écrivant « grosse pute » sur l'image. Les élèves constatent la publication, en informent la professeure. Celle-ci demande à l'auteur de lui montrer son téléphone. L'élève refuse de le donner et refuse la confiscation du téléphone.
Dernier exemple : le mis en cause insulte sa professeure en cours d'histoire-géographie, lui disant qu'elle l'emmerde et la traitant de « pétasse » à la fin du cours. À la suite de ces faits, le mineur fait l'objet d'une exclusion du collège. Le soir même, le mineur envoie un message à sa CPE pour l'informer qu'il avait dit à Mme Untel qu'elle allait mourir.
Voilà le quotidien de nos enseignants.
Comme pour les violences intrafamiliales, nous incitons les enseignants à déposer systématiquement plainte. Dans ces deux cas de figure, la victime a tendance à relativiser les faits ; or le système ne peut se mettre efficacement en place et apporter une réponse exemplaire sans dépôt de plainte.
Mme Marie-Pierre Monier. - Dans quels cas les protections sont-elles mises en place ? Nous avons des exemples d'enseignants menacés qui n'ont pas bénéficié de protection.
À la suite de la mort de Dominique Bernard, il était question de généraliser dans les écoles un bouton d'alerte pour prévenir directement les commissariats et les gendarmeries. Cela existe déjà dans certains établissements scolaires. Quels sont les retours ? De manière générale, que préconisez-vous en matière de sécurisation des établissements ?
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les référents que vous avez évoqués ? Est-ce qu'une gendarmerie est chargée de tous les établissements d'un secteur ?
Y a-t-il une approche spécifique à la police et à la gendarmerie ?
Enfin, dans le cadre des travaux ayant conduit au rapport Bilan des mesures éducatives du quinquennat que nous avons publié en juillet 2023, les enseignants nous ont exprimé le sentiment d'une moindre prise en compte de leurs plaintes, comparé à celles d'autres représentants du service public. Comme pour les violences faites aux femmes, un travail de sensibilisation est-il mené auprès de vos forces de police ? Les dépôts de plaintes sont-ils toujours enregistrés ? Une enseignante nous signalait récemment que sa plainte ne l'avait pas été. Des critères précis ont-ils été fixés ? Les agissements verbaux que vous avez cités sont-ils pris en compte, et de quelles façons ?
M. André Petillot. - Concernant la gendarmerie, un référent est nommé par brigade territoriale. Il est chargé de l'ensemble des établissements scolaires implantés sur la circonscription de la brigade.
Ces référents scolaires relèvent du dispositif mis en place en 2009, appelé « sanctuarisation globale de l'espace scolaire » (Sages). Il vise à rassurer la communauté scolaire, à entraver l'action des fauteurs de troubles et à interpeller les auteurs pour les traduire en justice.
Un autre dispositif appelé « sécurisation des interventions et de protection » (SIP) vise à inscrire les enseignants dans notre base de données. En cas d'agression ou de menace, leur appel est ainsi priorisé par le centre opérationnel et permet d'intervenir très rapidement si la menace est caractérisée. Tout enseignant victime se voit proposer ce dispositif. Il peut s'inscrire s'il le souhaite, mais nous ne l'imposons pas. Ce dispositif intègre également les domiciles des enseignants inscrits dans les programmes de patrouilles des unités, de manière à détecter et dissuader les individus suspects.
Des points d'écoute de gendarmes existent dans les établissements les plus exposés. À l'origine, ils ont vocation à lutter contre le harcèlement scolaire, mais peuvent tout à fait servir aux enseignants qui souhaiteraient se confier là plutôt qu'à la brigade.
L'Uclat évalue le dispositif de protection pour les faits les plus graves, mais les autorités préfectorales peuvent aussi prescrire des mesures de protection. Elles ne sont pas aussi musclées que celles de l'Uclat mais peuvent concerner des passages réguliers à proximité du domicile, voire du statique si des menaces sont avérées. Nous faisons tout notre possible pour renforcer la protection des enseignants ou d'établissements scolaires sujets aux menaces.
S'agissant du dépôt de plainte, nous ne sommes pas à l'abri d'un raté, mais les consignes sont claires : les plaintes doivent être systématiquement enregistrées. Les cas évoqués sont des outrages, qui relèvent du délit. On peut considérer que ce sont des faits banals, mais s'ils ne sont pas recadrés, ils se répéteront et l'impunité s'instaurera.
Mme Céline Berthon. - Même chose pour la police : un fait pénal qui nous est déclaré est suivi d'un dépôt de plainte automatique. Il peut y avoir des enjeux d'appréciation lorsque les faits relèvent de l'infra-pénal. Si les faits sont mal qualifiés, confus ou mal caractérisés par l'agent, cela peut éventuellement conduire à un accueil inapproprié.
Le délai de traitement pourra être variable selon la nature des faits. On ne traitera peut-être pas avec la même diligence une insulte qu'un fait de violence ou une menace. Le contexte des faits, la personnalité de l'auteur ou encore le profil social de l'établissement est aussi à prendre en compte. Bien souvent, les chefs d'établissement confrontés à ce type de situation incitent à déposer plainte, mais peine à convaincre. Certains faits récents, largement couverts par la presse, ne sont par exemple pas suivis d'une plainte.
Le gage de notre efficacité réside dans la complémentarité entre les mesures disciplinaires prises par l'établissement et l'action étatique, notamment enclenchée par la plainte. D'où l'importance de référents à même de conseiller la meilleure approche à adopter.
On distingue deux catégories de protection : la protection rapprochée, avec des agents au contact permanent d'une personne. Elle est très coûteuse et n'est donc appliquée qu'en cas de menace avérée. C'est à l'Uclat, qui dépend de la DGSI, qu'il revient de déterminer si une menace relève de cette dimension. Je ne suis pas en mesure de vous détailler ce qui conduit précisément à la mise en oeuvre de cette mesure exceptionnelle et exorbitante : cela peut par exemple tenir à la personnalité de l'auteur de la menace. Dans d'autres cas, une autre forme de protection individualisée peut rassurer un enseignant inquiet pour sa sécurité. Nous l'avons mise en place à chaque fois que cela était nécessaire.
Enfin, le bouton d'alerte supposerait à la fois un raccordement direct entre un établissement scolaire et un commissariat ou une gendarmerie, et une intervention immédiate à son déclenchement. On sait par habitude qu'une alarme peut se déclencher de manière inopportune, aussi le dispositif ne semble-t-il pas tout à fait judicieux.
En revanche, nous disposons dans nos centres de l'alarme Ramses (réception des alarmes et des messages des sites et établissements sensibles), qui identifie des correspondants privilégiés. C'est par ce dispositif, par exemple, que nous prenons en compte les alertes émanant des téléphones dit « grave danger ». Il consiste en un abonnement à un service raccordé. Ce n'est pas à proprement parler un bouton d'alarme.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Madame Brunner, je vous demande à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Virginie Brunner prête serment.
Mme Virginie Brunner, directrice nationale de la sécurité publique. - Il existe quatre correspondants spécifiques : le correspondant « police sécurité », en lien avec tous les chefs d'établissement d'une circonscription, à l'échelon local ; le référent départemental « police-éducation nationale » travaille sur l'ensemble du département ; le chef de circonscription est en lien avec les équipes de direction du monde enseignant ; enfin, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) travaille plutôt avec le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) ou le rectorat.
D'autres référents peuvent être affiliés à des thématiques spécifiques, comme les référents « sureté », chargés d'analyser la menace extérieure et de développer la culture de la sûreté au sein des établissements. Ils sont accompagnés du correspondant « sureté », dont le rôle est décliné au niveau local, mais aussi de policiers formateurs antidrogue (PFAD).
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Combien d'établissements sont abonnés au dispositif Ramses ?
Mme Céline Berthon. - Actuellement, aucun. Il s'agit d'un dispositif de gestion des alarmes « agression ». Il suppose un raccordement et entraîne par conséquent un coût d'installation et d'abonnement.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Est-ce la police qui le propose, ou bien les établissements qui en font la demande ?
Mme Céline Berthon. - À ce jour, nous ne le proposons pas aux établissements scolaires. Il cible plutôt des bâtiments publics qui nécessitent des mesures de réaction particulière en cas d'agression, tels que la Banque de France.
M. Jean-Michel Arnaud. - Certains témoignages passent en effet au travers des mailles du filet. Je vous transmets celui d'un professeur d'histoire-géographie de mon département : « Au mois de juin, j'ai déposé une plainte contre un de mes élèves qui avait posté une photo de moi en cours sur un réseau social. Pas bien méchant certes, mais le même s'est révélé harceleur de camarade. Conseil de discipline, élève exclu définitivement et menace de la part de parents me rendant responsable de son exclusion. Nouvelle plainte contre les propos des parents et puis plus rien. Plus de nouvelles de mes plaintes... »
Dans ces situations, vous préconisez une réponse disciplinaire en interne : or les exclusions qui découlent d'un conseil de discipline peuvent avoir un impact extérieur, avec des parents qui sont menaçants sur les réseaux sociaux, voire physiquement. Pourquoi la plainte de cet enseignant n'a-t-elle pas eu de suite, alors que chaque établissement est doté de référents censés accompagner un enseignant en danger, ou qui se sent en danger ? Les forces de police étant extérieures à l'établissement et la direction extérieure à la classe, l'enseignant semble plus en mesure de jauger la gravité de la situation. Sinon comment juger si celle-ci plutôt qu'une autre relève du cas d'alerte ? Comment être sûr de ne pas passer à côté d'un cas grave, comme c'est souvent le cas lorsqu'un drame survient ?
Les collectivités locales n'ont pas été citées, alors qu'il s'agit du réseau de proximité principal en cas d'emprise scolaire, familiale ou de comportement séparatiste dans les clubs de sport. Dans les établissements du premier et du second degrés, ce sont notamment les communes, les départements et les régions qui ont la main sur la vidéosurveillance, la sécurisation des entrées au moyen de portiques et sur la police de proximité - complémentaire à la vôtre. Les conseils municipaux ont même leurs propres référents « sécurité ». Comment cette architecture globale se met-elle en mouvement pour limiter le risque ?
Mme Colombe Brossel. - Faut-il élargir aux deux zones de police et de gendarmerie les conventions signées avec les rectorats, ou sont-elles déjà généralisées ?
L'une des difficultés est d'arriver à convaincre de l'utilité du dépôt de plainte. Les services de gendarmerie sont-ils sollicités pour en parler aux futurs enseignants ou sont-ils proactifs ? Ces sujets sont-ils abordés au cours de la formation des professeurs ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Existe-t-il des procédures spécifiques lorsqu'un élève ou un parent est fiché S ?
M. André Petillot. - La gendarmerie a signé une convention nationale avec l'éducation nationale, qui arrive par ailleurs à échéance. Nous intégrerons de nouveaux compléments au vu de l'évolution de la menace qui frappe le monde éducatif. La prochaine échéance est celle de 2024-2027. Elle sera déclinée dans les territoires, sous l'autorité des préfets départementaux.
Nous n'intervenons pas sur la formation des enseignants, mais ce pourrait être intéressant de démontrer, dans ce cadre, l'importance de déposer plainte. Un autre axe de progression serait même de nous permettre d'investiguer sans qu'une plainte soit forcément déposée. C'est aujourd'hui le cas pour les violences intrafamiliales pour lesquelles, même sans plainte, une enquête est lancée quand la situation l'impose.
Pour autant, il faut faire attention à ce que l'enquête ne soit pas contre-productive, dans le cas, par exemple, d'un jeune dont le comportement problématique relève de simples mesures disciplinaires. Si la police a un doute sur la nature des faits, c'est au magistrat qu'il revient d'évaluer ce qui relève d'une infraction pénale ou non. Si l'infraction pénale n'est pas qualifiée, il n'y a pas lieu de poursuivre l'enquête. Si tout le monde fait son travail, il ne devrait pas y avoir d'angle mort.
Les collectivités locales sont bien évidemment concernées et associées au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), dans le cadre de son volet « établissements scolaires ». L'éducation nationale peut être associée aux états-majors de sécurité dans le cadre de travaux spécifiques au monde éducatif, mais cela concerne davantage les directeurs départementaux des services de l'éducation nationale que les collectivités territoriales.
Mme Céline Berthon. - Dans le témoignage évoqué, l'enseignant ne dit pas que le suivi est inexistant, mais qu'il n'en a pas connaissance, ce qui n'est pas nécessairement la même chose. Pour autant, un meilleur partage d'informations entre les services de police et de gendarmerie et ceux de l'autorité judiciaire paraît nécessaire. Il faut rassurer le plaignant sur le fait que sa plainte a bien été traitée avec la célérité nécessaire et qu'elle a reçu une réponse, quelle qu'elle soit. Mais dès lors qu'il s'agit de faits commis pour la plupart par des mineurs, dont, pour certains, le casier judiciaire est vierge, le niveau de réponse pénale doit être adapté.
Les conventions de partenariat mentionnées sont les conventions « éducation nationale-justice », qui ont vocation à traiter des signalements réalisés au titre de l'article 40 du code de procédure pénale sur la survenance d'une infraction. Elles visent à favoriser l'articulation entre la réponse judiciaire et disciplinaire. Ces outils sont éventuellement intéressants pour informer les victimes. Compte tenu du nombre massif de ces faits, il n'y a pas de suivi systématique.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Ces conventions ne sont donc pas systématiques ?
Mme Céline Berthon. - Elles ne le sont manifestement pas, mais je compléterai mes éléments de réponse par écrit sur ce sujet.
Enfin, la fiche S couvre des situations extrêmement variables, dont la radicalisation. Nous n'avons pas vocation à indiquer ces éléments aux établissements scolaires. En revanche, il existe dans tous les départements des cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), qui prennent en compte le cas de mineurs radicalisés, ou en voie de radicalisation. Elles réunissent, sous l'autorité du préfet, les acteurs dans ce domaine, y compris les correspondants de l'éducation nationale, membres de ces CPRAF.
À la suite de l'assassinat de Dominique Bernard, les ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale ont demandé à réunir les CPRAF ; à cette occasion, des informations protégées ont pu être partagées.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Nous vous remercions pour les réponses précises que vous avez apportées et que vous vous êtes engagés à compléter plus précisément par écrit.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 h 40.