- Mercredi
13 décembre 2023
- Mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne - Audition de M. Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, et Mme Michèle Lutz, maire de Mulhouse sur le rapport remis au ministre du logement
- Mission d'information sur la crise du logement - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire - Désignation d'un rapporteur
- Questions diverses
Mercredi 13 décembre 2023
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 09 h 30.
Mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne - Audition de M. Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, et Mme Michèle Lutz, maire de Mulhouse sur le rapport remis au ministre du logement
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame le maire, monsieur le maire, mes chers collègues, nous accueillons ce matin, Mme Michèle Lutz, maire de Mulhouse, et M. Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, tous les deux auteurs d'un rapport remis au ministre du logement, le 23 octobre 2023, et portant sur les outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou à améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne et le traitement des copropriétés dégradées.
Avant de vous laisser la parole pour présenter votre travail, je voudrais au préalable en rappeler le cadre.
L'Agence nationale de l'habitat (Anah) estime qu'il y aurait 9 millions de logements dans des copropriétés fragilisées. Vous-mêmes évaluez le nombre des logements indignes à 400 000 et à un million celui de leurs habitants. C'est dire l'importance du sujet et des mesures aussi bien préventives que correctives à prendre.
Depuis le lancement du plan initiative copropriétés (PIC) et le vote de la loi Elan en 2018, beaucoup a été fait.
Le plan initiatives copropriétés prévoit 3 milliards d'investissement sur dix ans pour traiter 1 117 copropriétés identifiées, dont 20 % environ sur dix-sept sites en « suivi national ».
De son côté la loi Elan a permis de réformer les polices. Vous vous souviendrez sans doute du rapport de notre commission autour de la proposition de loi de notre collègue Bruno Gilles suite au drame de la rue d'Aubagne à Marseille. Je vous remets ce rapport, même s'il commence à dater et ne traite pas le spectre des sujets que vous avez vous-mêmes abordés. Cela s'est concrètement traduit par une augmentation de 30 % du nombre d'arrêtés d'insalubrité (3 600 en 2022) et une centaine de condamnations par an de marchands de sommeil.
Dans nos territoires, nous savons que le renouvellement de certains quartiers bute sur le problème de l'habitat privé dégradé dans lequel il est beaucoup plus difficile d'intervenir parce que sa propriété est émiettée, qu'il n'existe pas les organes de gestion et de décision idoines et que le droit de la propriété ou de la copropriété peut servir de paravent à des marchands de sommeil, à des trafiquants ou à des gestionnaires véreux.
C'est dans ce contexte qu'Olivier Klein, ancien ministre du logement et surtout maire de Clichy-sous-Bois, vous avait demandé de réfléchir aux nouveaux outils à mobiliser pour sortir des impasses ou blocages actuels. Traiter une copropriété peut prendre une vingtaine d'années !
Parallèlement, le Gouvernement a préparé un projet de loi, qu'il a d'ailleurs tenté de faire passer par ordonnance cet été. Ceci avait suscité l'émoi du Sénat, dans le cadre du projet de loi sur la reconstruction en urgence des bâtiments et des édifices endommagés ou détruits suite aux émeutes de l'été.
Nous avions indiqué au Gouvernement que nous ne voterions pas ce projet si l'article 4 était maintenu dans ce véhicule législatif, considérant que traiter la question de l'habitat indigne et des copropriétés dégradées était un sujet bien trop important et lourd pour être mis dans un projet de loi d'urgence. Le Gouvernement en a pris acte et a retiré l'article 4.
C'est une bonne chose car, aujourd'hui, un projet de loi a été soumis au Conseil d'État. On en sait un peu plus depuis hier sur le calendrier et sur l'intitulé exact de ce projet de loi relatif à l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, qui sera examiné à partir du 22 janvier à l'Assemblée nationale.
C'est elle qui sera saisie en premier sur ce projet de loi. On peut donc penser, à l'issue de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, que le Sénat soit saisi d'un texte qui relèvera au fond de notre commission.
Nous allons donc pouvoir l'enrichir, comme nous essayons toujours de le faire, l'amender dans le sens même de l'intitulé c'est-à-dire l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé.
Nous voulons également améliorer ce texte à partir de l'expérience de nos territoires. C'est pourquoi vos témoignages nous serons particulièrement précieux. Vous êtes en effet l'un comme l'autre, en tant que maires, engagés depuis longtemps sur ces sujets. Vos communes n'ont pas les mêmes problématiques ni la même configuration. Il est donc extrêmement important que vous puissiez nous dire comment vous avez travaillé, ce que vous avez proposé à travers votre rapport et si, aujourd'hui, vous êtes satisfaits des propositions qui ont été intégrées dans ce projet de loi, d'autres pouvant l'être dans le cadre de la discussion parlementaire et à partir de votre expérience et de celle des maires du réseau des villes contre l'habitat indigne que vous avez créé.
Je crois que la force et l'intérêt de votre travail reposent sur le pragmatisme et le souci de l'efficacité. J'ai bien compris que votre ligne de conduite se nourrit de votre expérience du terrain, de vos difficultés et des obstacles que vous rencontrez encore. Les résultats que vous obtenez sont directement puisés dans le vif de votre action municipale.
Nous organiserons très rapidement une consultation des élus qui permettra de continuer à enrichir nos travaux via la plateforme mise en place par le Président Larcher, que nous utilisons de plus en plus souvent pour nous appuyer sur des témoignages concrets et pratique à l'échelle du territoire national.
Nous avons pensé que, sur ce véhicule législatif, nous pouvions utiliser cette plateforme pour recueillir les avis, les témoignages et les propositions des élus directement concernés par ces sujets en vue de l'examen du projet de loi.
Mes chers collègues, je vous invite enfin à noter que nous pourrons poursuivre l'échange de ce matin sur le terrain. En effet, M. Mathieu Hanotin a invité la commission dans sa ville de Saint-Denis le jeudi 25 janvier 2024. J'incite donc ceux qui sont intéressés par ce déplacement à s'inscrire auprès du secrétariat de la commission. Il sera très intéressant de voir ce qui se passe sur le terrain.
Lorsque j'étais rapporteure de la commission des affaires économiques, avec Sophie Primas, alors présidente, nous avons réalisé des déplacements en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers, mais aussi Montfermeil. Nous nous étions également rendues à Marseille, ainsi qu'en Guadeloupe et en Martinique, où la question de l'habitat dégradé, si elle se pose de façon différente, demeure extrêmement prégnante.
Vous avez compris que nous sommes pleinement mobilisés. Ce texte est pour nous extrêmement important. Ce qui va nous guider, c'est le souhait d'obtenir un outil efficace, dans un domaine où nous avons tous à coeur de trouver des solutions.
Madame le maire, vous avez la parole.
Mme Michèle Lutz, maire de Mulhouse. - Merci pour cette invitation à venir vous présenter le fruit d'un travail que nous avons entrepris avec Mathieu Hanotin. J'en suis d'autant plus heureuse que c'est un travail transpartisan, il faut le signaler, réalisé en un temps record.
Vous l'avez dit, madame la présidente, lutter contre l'habitat indigne, c'est un sujet d'ampleur. Je précise que nous avons consulté énormément de maires, Mathieu avec ses équipes, moi-même avec mon premier adjoint. Ce rapport devant être réalisé en un temps assez court, nous nous sommes réparti le travail.
Nous nous sommes rendu compte que ce sujet existe sur l'ensemble du territoire français, que ce soit en métropole ou en territoire rural. Aucun territoire n'est exempté.
On sait que le fait de ne pas traiter cette thématique peut avoir une issue dramatique. Vous connaissez le sujet mieux que nous encore.
Olivier Klein, ministre du logement, souhaitait un véhicule législatif différent. Peut-être y a-t-il moyen de le renforcer. Tout cela vous appartient. Il convient surtout de disposer d'une boîte à outils. Au fur à mesure, ce rapport est devenu un défi collectif que nous avons partagé.
Nous, maires, avons un souci. Mme la présidente l'a dit : nous sommes des gens pragmatiques et vivons au quotidien ce qui se passe dans la cité. On ressent donc une vraie nécessité de simplification, surtout dans un souci d'efficacité.
La mission qui nous a été confiée - et je suis ravi que Patrice Vergriete ait repris la mission d'Olivier Klein - était de fluidifier la chaîne administrative et financière, ce qui fait l'objet des 24 propositions.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - J'ai omis de remercier vos adjoints respectifs de leur présence, ainsi que vos services.
M. Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis. - Je suis très heureux de pouvoir avoir cet échange, qui intervient au bon moment. Nous avons un calendrier avec une perspective législative et présentons un rapport qui, par définition, va bien au-delà d'un texte législatif, qui embrasse tout le champ réglementaire. En effet, ce n'est pas avec une seule loi qu'on réglera le problème protéiforme de l'habitat indigne.
Je voudrais insister sur le fait que cette problématique est très représentée dans les grands centres métropolitains, et en particulier dans leurs zones périphériques, mais pas seulement. Il s'agit aujourd'hui d'une problématique nationale, qui touche également la ruralité, même si c'est dans des proportions moins importantes et avec des ressorts différents.
Vous avez évoqué l'outremer, madame la présidente, et je voulais y revenir. Nous n'avons pu nous y rendre pour des raisons de délais. C'est un de nos regrets. Si 400 000 logements, en France métropolitaine relèvent de l'habitat indigne, on en compte 100 000 outre-mer, soit 25 % du stock national - et on ne parle pas ici du mal-logement version « Abbé Pierre ». Quand une problématique concerne entre un million et 1,5 million de personnes de manière directe, il s'agit d'un problème de masse.
Je partage pleinement l'avis de la présidente Estrosi Sassone : ce genre de sujet ne se traite pas à la va-vite, au milieu de l'été. Ce n'était en tout cas pas notre demande. On n'a pas besoin d'outils magiques. Il faut aller en profondeur pour ne pas faire d'erreur, car c'est le genre de sujet sur lequel on ne revient pas tous les six mois. Il ne faut donc pas rater ces opportunités.
Le sentiment que j'ai en tant qu'ancien parlementaire, c'est que cette problématique touche tout le monde, de manière transpartisane, au-delà des acteurs politiques. La société, les grands réseaux de propriétaires et de locataires ont pris conscience qu'il faut globalement s'attaquer à cette problématique. Il n'est pas normal que notre pays, sixième puissance mondiale, tolère que 1,5 million de personnes vivent dans un habitat qui menace directement leur santé.
Comme le disait Michèle Lutz, nous avons essayé de regrouper nos propositions en quatre blocs. La commande stipulait - et c'était notre souhait - que notre rapport ne traite pas toutes les problématiques de l'habitat indigne et ne constitue pas un rapport moral, comme on peut le retrouver dans les associations ni un rapport de droit pénal : nous sommes des maires, nous sommes là pour agir.
On a donc parlé de ce que l'on connaissait, à savoir les freins qui existent dans notre action quotidienne. Le maire de Marseille a récemment fait des propositions sur la question de l'augmentation de la judiciarisation potentielle des marchands de sommeil et la définition de ces délits. Cela peut être complémentaire, mais l'enjeu porte ici sur l'amélioration des outils à la disposition des acteurs de terrain, les communes et bien souvent leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI), afin de pouvoir agir.
Le premier bloc de propositions, qu'on retrouve le plus dans le projet de loi, porte sur une amélioration de l'existant et une redéfinition des régimes d'expropriation-préemption concernant l'habitat indigne, avec la création d'une solution ad hoc spécifique. Pourquoi ?
Aujourd'hui, il existe sur ce point un régime spécifique dit de la loi Vivien, qui intervient quand arrive soit l'insalubrité irrémédiable, soit le péril définitif ou imminent. La jurisprudence a aujourd'hui durci l'accès à la loi Vivien en exigeant des démonstrations économiques et en intégrant les coûts de démolition. Ceci a eu tendance à restreindre son utilisation pour les immeubles qui menacent de s'écrouler.
Cette situation peut paraître compréhensible dans sa philosophie : ce n'est pas à la puissance publique de régler des problèmes de droit privé par l'expropriation, mais aux copropriétaires de s'en arranger. La puissance publique doit motiver l'expropriation par un motif d'utilité publique par rapport à une destination - logement social, école, route, etc.
Dans le centre-ville de Saint-Denis, on compte 50 % de logements sociaux au titre de la loi SRU. Il faut ajouter que 30 % de l'habitat privé est de l'habitat indigne. On ne va pas faire basculer ces logements dans le logement social alors qu'il y en a déjà 50 %. Cela finirait de déséquilibrer les choses, alors que notre mouvement essaie plutôt de trouver une forme d'harmonie et d'équilibre, sans parler du fait que tout cela coûte énormément d'argent.
Dans les logements sociaux - et c'est bien normal - les décotes sont gigantesques et vont, dans nos villes, d'un à dix. On achète dix euros un bien dans l'habitat indigne qui a été estimé par rapport à sa valeur vénale potentielle et on le vend un euro à un opérateur social pour qu'il le rénove, parce que cela ne vaut vraiment pas plus cher.
À Saint-Denis, le premier arrêté de péril d'un immeuble aujourd'hui disparu, en face de la mairie, remonte à 2000. L'arrêté de péril imminent qui a provoqué l'évacuation date de 2016-2017. L'évacuation et les expropriations ont suivi. On l'a démoli en 2023. Le nouvel immeuble sera livré en 2026 ou 2027, alors qu'il y a eu seize arrêtés différents qui n'ont jamais été levés mais qui se sont cumulés. Cela représente vingt-six ou vingt-sept ans pour traiter un immeuble d'une copropriété de vingt logements.
On est dans un cas extrême : probablement y a-t-il eu un peu d'inefficacité en termes d'action publique locale et d'autres phénomènes. On arrive à faire un peu plus vite aujourd'hui, mais cela nécessite tout de même quinze ans dans le meilleur des cas. Pourquoi ? Aujourd'hui, on perd énormément de temps. La loi contraint la puissance publique à attendre que l'immeuble continue de se dégrader, alors même qu'il existe des périls divers et variés.
Notre première proposition, qui se retrouve quasi entièrement dans l'article 3 du projet de loi, est de créer un régime spécifique permettant aux collectivités d'agir bien plus tôt dans la chaîne, dès qu'apparaissent des périls même non imminents, des insalubrités même non irrémédiables et qu'il existe une inaction des copropriétaires, sur la base de prescriptions fixées par l'autorité locale.
Cela doit devenir, comme dans la loi Vivien, un motif d'intérêt légitime, d'intérêt public qui déclenche l'action publique et qui, accessoirement, supprime le corollaire de la destination, sans obliger les collectivités à faire du logement social en aggravant leurs finances. C'est la proposition phare de notre rapport, qui se retrouve dans le projet de loi.
Notre deuxième proposition vise pour le coup à sécuriser l'ensemble des procédures existantes, qui resteront utiles, comme la loi Vivien, dont l'accès est trop restreint. En particulier la procédure de carence dans les grandes copropriétés est très difficile à mettre en oeuvre, en raison de la difficulté à diviser les copropriétés pour pouvoir agir, comme à Marseille, avec des ensembles comptant 3 000 copropriétaires. Pour espérer agir, il faut commencer par les scinder. Aujourd'hui, il faut que tout le monde soit d'accord, et cela ne fonctionne pas.
Il faut alors des dizaines d'années pour exproprier, comme à Clichy-sous-Bois, dans les copropriétés du Chêne pointu qui, pourtant, ont bénéficié de tous les outils existants, et où les choses avancent, mais à vitesse réduite.
J'insiste sur le point numéro 3, qui ne relève pas du domaine législatif, mais qui est pertinent dans le débat public pour instaurer une méthode nationale de décote des logements indignes.
Par ailleurs, aujourd'hui, un propriétaire malveillant qui s'apparente à un marchand de sommeil va immédiatement devant le juge de l'expropriation. Certains cas de figure sont complètement ahurissants, avec des valeurs vénales potentielles décidées par le juge de l'expropriation supérieures à trois ou quatre fois l'avis des domaines, sur lequel on a parfois réussi à obtenir une certaine décote. Le juge ne dispose aujourd'hui d'aucun outil destiné à l'estimation, si ce n'est pour constater ce qui existe autour.
Il y a derrière tout ceci une question d'opérationnalité pour les communes et une question morale : il faut arrêter d'enrichir des marchands de sommeil avec de l'argent public. C'est aujourd'hui ce que les collectivités sont parfois contraintes de faire, avec un arbitrage terrible entre l'inaction et la récompense de personnages malveillants.
La judiciarisation de l'aspect pénal est nécessaire, mais elle a aussi ses limites. Les enquêtes sont longues, la justice disposant de peu de moyens et la matérialisation des preuves est difficile. Vendredi, à Bobigny, se tiendra un grand procès autour de 27 familles de victimes. Je représenterai moi-même la ville à la barre. Sur les 27 familles, seules trois ont accepté de témoigner. Les autres n'ont malheureusement pas fait ce choix.
Le point numéro 4 porte sur les financements des déficits à l'îlot. Il est très important de considérer les conséquences qu'un immeuble relevant de l'habitat indigne peut avoir sur le reste de l'îlot, certains copropriétaires n'ayant rien demandé. Nous ferons une autre proposition dans les cas les plus graves d'effondrement, afin de pouvoir intervenir et ouvrir des financements autour de l'habitat indigne.
Nous souhaiterions que les biens confisqués par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) dans le cadre de l'habitat indigne puissent être rétrocédés aux collectivités plutôt à l'euro symbolique, faute de quoi l'État le revend au prix de la valeur vénale potentielle. Cela ne fait que renforcer les difficultés.
Le point numéro 7 est extrêmement important pour les communes. Il vise au nécessaire renforcement de l'ingénierie pour la mettre au service de la lutte contre l'habitat indigne. On est dans une fragmentation des différentes ingénieries, avec des injustices entre des communes qui exercent aussi la compétence de l'État via des services communaux d'hygiène et de santé (SCHS) qui ne sont pas financés pour le faire. La dernière loi de décentralisation en la matière date de 1983. Elle ne correspond donc plus vraiment à la réalité. Ce qui fonctionne, c'est l'unification des procédures.
Si un jour on s'aventure dans le domaine de l'insalubrité et qu'on n'a pas la compétence péril nécessaire ni le contact avec les inspecteurs de l'urbanisme, voire la police municipale quand un commerce a potentiellement dégradé les choses, chacun s'épuise là où il faudrait une logique similaire à celle du comité départemental anti-fraude (Codaf), où on pourrait avoir un diagnostic à 360 degrés sur un immeuble.
Dans les grandes métropoles qui ont les moyens de développer ces ingénieries, il faut aller dans ce sens et réfléchir à la façon d'en créer pour les petites communes à une autre échelle, les ingénieries ne pouvant se développer à l'échelle de quelques milliers d'habitants.
Nous proposons également une mesure en matière de portage foncier, mais celle-ci n'est pas déterminante.
Mme Michèle Lutz. - Axe 2 : comment faciliter l'intervention des acteurs du logement en donnant à tous les acteurs et aux propriétaires les moyens de mieux faire ? La volonté est souvent là, mais les moyens ne sont pas toujours présents.
Peut-être faut-il agir de façon plus autonome, fluidifier la chaîne. Mathieu Hanotin l'a très justement illustré par rapport à l'immeuble dont il a parlé. L'intervention publique est souvent lourde, coûteuse, très longue et demande beaucoup d'énergie pour arriver à un résultat très délayé dans le temps. Cela nous préoccupe beaucoup.
Partager la charge de mise en sécurité des occupants et la sauvegarde des immeubles ne va pas de soi. On ne rappellera pas les exemples dramatiques que nous avons connus, mais les élus locaux que nous sommes ne sont pas outillés. Nous n'arrivons pas à réagir assez précocement aux signalements. Nous attendons les sinistres pour pouvoir agir ensuite. Il faut vraiment faire évoluer les choses et agir dans ce domaine.
Je citerai quelques-unes des propositions phares contenues dans l'axe 2 de ce rapport.
Un des acteurs majeurs est le syndic, dont les interventions ne sont pas de qualité égale. J'entends que la salle réagit : cela me fait très plaisir ! C'est vrai pour les cas les plus graves. On pensait pouvoir imaginer un syndic de copropriété à caractère public ou d'intérêt général, je ne sais comment le nommer, mais cela vous appartient.
Il convient bien sûr de responsabiliser les copropriétaires, et on avait envisagé, pour la programmation des travaux dans les copropriétés, un diagnostic technique global et complet qu'on ne fait à aucun moment et, encore plus intéressant de notre point de vue, un diagnostic du point de vue structurel. On voit bien, avec les exemples que nous avons, que la question de la structure n'est jamais prise en compte assez tôt dans des contrôles réguliers ou très en amont du dispositif.
Une fois qu'on a dit cela, il faut en avoir les moyens. On s'est rendu compte, en échangeant avec les acteurs du logement, mais aussi avec les autres maires, qu'il faudrait peut-être améliorer les dispositifs de préfinancement pour les travaux, grâce à des aides publiques et un financement du reste à charge.
Les copropriétés dégradées sont souvent occupées par un public fragile, qui n'arrive malheureusement pas à financer les travaux nécessaires pour éviter le pire. Comment trouver une aide au niveau de l'État, surtout pour le reste à charge ? On sait que tous ces occupants sont modestes et ne peuvent entrer dans le cadre du système bancaire traditionnel. Il faudrait donc réfléchir à la façon dont l'État peut préfinancer tous ces travaux.
L'élargissement du dispositif Denormandie semble garanti jusqu'en 2030. Le ministre nous l'a assuré. Ce vecteur nous semble intéressant.
J'ai oublié d'indiquer que notre mission concernait au départ tout ce qui tourne autour du logement indigne. Le ministre a souhaité l'élargir aux copropriétés dégradées et aux immeubles de grande hauteur (IGH). En effet, un certain nombre de maires, en France, doivent traiter des immeubles de grande taille. À Mulhouse, un immeuble de grande hauteur est classé IGH pour seulement deux étages au-dessus du seuil de classement. Peut-être faudrait-il trouver une solution.
Le numérique peut-il constituer une réponse partielle ? On ne sait pas. On est aujourd'hui capable de sécuriser un immeuble grâce au numérique. On sait que les PC de sécurité, avec une présence humaine 24 heures sur 24, grèvent les charges. Nous n'avons pas la solution. Cela pourrait-il s'appliquer à Mulhouse en neutralisant les deux derniers étages ? Cela pose aussi des problèmes par rapport à l'organisation des fluides et autres. Nous n'avons pas de solution et ne savons pas comment gérer tous ces immeubles de grande hauteur. On sait que la réglementation s'est figée dans les années 2015. Du coup, beaucoup de copropriétés se retrouvent à nouveau dégradées.
M. Mathieu Hanotin. - Troisième bloc : on ne peut parler d'habitat indigne sans réfléchir à la question de ceux qui l'occupent. Comment mieux les protéger ? On recense aujourd'hui des cas de maltraitance.
Je signale que nous sommes régulièrement confrontés à une problématique qui repose sur le fait que la situation administrative de l'occupant bloque la situation. Elle empêche en effet le recours au dispositif d'hébergement d'urgence classique. C'est un constat. Il y a en ce moment beaucoup de débats sur le sujet.
Néanmoins, le Sénat a, dans le cadre du projet de loi sur l'immigration, adopté une mesure sur laquelle je souhaite attirer votre attention. Il s'agit de celle proposée par Ian Brossat qui vise à accorder aux victimes de l'habitat indigne, comme aux victimes du terrorisme, un titre de séjour provisoire pour faire en sorte que les collectivités ne soient pas contraintes de placer des personnes à l'hôtel pendant des années à grands frais. Aujourd'hui, c'est la seule solution qu'offre la loi. Nous dépensons des dizaines de milliers d'euros pour ce faire pour des questions de situation administrative. C'est ubuesque pour toutes les collectivités locales.
Je veux saluer l'avancée qui a été portée par votre assemblé, et qui nous permettrait de régler cette problématique que nous avons pointée du doigt. Nous avions proposé d'ouvrir les résidences sociales et les résidences d'urgence de manière dérogatoire au-delà de la situation administrative. Il y a plusieurs manières de traiter le sujet, mais on ne peut pas ne pas le faire si on veut être efficace demain.
On souhaite par ailleurs pouvoir améliorer le droit des occupants, qu'ils soient locataires ou propriétaires. Beaucoup de mesures figurent à propos de la question de l'information des propriétaires. Face à des syndics qui ne font pas leur travail, une meilleure information des copropriétaires est cruciale. Le projet de loi comportera des dispositions à ce sujet.
Il s'agit aussi de protéger la vie des occupants, quand il n'est pas trop tard, en facilitant l'accès au crédit. C'est une proposition de la banque des territoires, qui a rédigé un rapport à ce sujet. Elle vise à accorder un crédit aux copropriétés en difficulté, mais pas seulement, afin que celles-ci ne basculent pas. Lorsque, dans un immeuble, on doit faire un ravalement, il faut quatre ans avant de réunir l'argent. Ce sont quatre ans supplémentaires de dégradation, qu'on ne peut arrêter.
Une autre proposition a émergé à propos de la question de la protection des victimes indirectes à Marseille, Bordeaux, Lille. Il s'agit de personnes qui ont bien entretenu leur immeuble, qui n'ont jamais eu un problème, mais qui ont eu le malheur d'habiter à côté d'un immeuble qui s'est effondré. La seule réponse étatique en termes de sécurité nationale est la réponse assurantielle, dont on sait qu'elle ne se déclenchera que dans dix ans.
Ces personnes ont souscrit un crédit et n'ont plus le droit d'accéder à leur appartement, l'immeuble ayant été fragilisé par l'effondrement d'un autre immeuble. Je pense qu'il faut créer un fonds de garantie pour ces victimes. On parle de quelques dizaines de personnes en attente, le temps que la séquence assurantielle entre en jeu, un peu sur le modèle de qui a été imaginé pour les victimes du terrorisme.
Par ailleurs, comment articule-t-on tout cela avec les diagnostics techniques globaux, dont on souhaite qu'ils concernent les logements mais puissent aussi s'élargir à la question de la structure de l'immeuble ? Trop peu de dispositifs visent à prévenir les effondrements qu'on a pu connaître.
Mme Michèle Lutz. - Nous nous sommes aussi intéressés aux mesures coercitives envers les propriétaires indélicats. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet également, Madame la Présidente. Cela reste une actualité prégnante dans nos villes, il ne faut pas le nier.
Nous avons besoin que des moyens soient alloués à ce contentieux. On se sent souvent très démuni dans les juridictions ou par rapport aux forces de l'ordre. On ne dispose pas de véritables moyens contre ces propriétaires indélicats, que l'on qualifie de marchands de sommeil dans la plupart des cas.
Une fois de plus, il s'agit de procédures complexes, très longues pour la copropriété. Nos concitoyens ont le sentiment qu'on ne traite pas les difficultés et qu'on fait mal les choses. À partir du moment où on n'a pas de textes ou qu'il n'existe pas de contentieux devant les juridictions sur lequel s'appuyer, on est complètement démuni.
Peut-être faut-il - et je fais ces quelques propositions avec humilité - doter les inspecteurs de salubrité ou les agents de la police municipale de pouvoirs d'enquête judiciaire en matière d'habitat indigne. En 2020, les inspecteurs de l'environnement se sont vus attribuer des pouvoirs exceptionnels et élargis. Peut-on s'appuyer là-dessus ? Je sais que le ministre de l'intérieur souhaite donner des pouvoirs supplémentaires aux polices municipales. Cela parle aux maires. Il existe des outils comme le groupe local de traitement de la délinquance (GLTD). Peut-être peut-il intervenir aussi ?
J'en ai un à Mulhouse. Le logement et le traitement des propriétaires indélicats font partie intégrante des tâches du GLTD, mais cela ne concerne qu'une fraction. Y aurait-il moyen d'amplifier les choses ou de créer un GLTD spécifique au logement indigne ? Je pose la question.
On peut aussi proposer que les collectivités se substituent en cas d'inaction du syndic au sujet des impayés relatifs à la consommation d'eau. L'inaction du syndic fait que les choses se délaient dans le temps et que les copropriétaires indélicats ne sont pas sanctionnés tout de suite. C'est une façon déguisée d'avancer lorsque l'immeuble est frappé d'une procédure engageant la responsabilité du syndic, les choses n'étant pas toujours perçues comme telles.
Peut-être peut-on mettre également en cohérence les différents codes qui existent. Des efforts ont été faits, mais n'y aurait-il pas moyen de rendre les choses plus fluides et lisibles ?
Je laisse Mathieu Hanotin conclure.
M. Mathieu Hanotin. - Le Gouvernement et le Président de la République avaient pris l'engagement de se saisir de ce sujet. C'est le cas aujourd'hui.
Le ministre nous a confié une mission dans la perspective de nourrir une réflexion qui devait amener à ce projet de loi. Nous y sommes. Or je pense que, dans le mouvement politique que nous vivons, il est bon d'avoir des espaces qui font consensus, des espaces transpartisans où on peut entendre la voix des maires et des collectivités. Nous n'avons pas la prétention d'avoir inventé le fil à couper le beurre. Nous répondons à des problématiques qui se posent à tous les maires. Rien n'est pire, lorsqu'on est maire et élu local, de ne pouvoir rien faire alors que le bon sens commande d'agir et qu'on récompense parfois les mauvaises personnes.
Quand on contrôle aujourd'hui un logement, on n'a pas le droit de le visiter en même temps au titre du code de l'urbanisme et du code de la construction. On en vient donc à donner des permis de louer à des logements en infraction majeure par rapport à l'urbanisme. Unifier les polices de l'habitat servirait à cela. Il s'agit d'avoir une vision à 360 degrés. Nous disposons des compétences : il faut qu'on puisse les exercer en même temps.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour cet exposé complet et précis qui témoigne de la qualité de vos travaux dans le cadre de cette mission dont une partie figure dans le texte du projet de loi.
La parole est aux commissaires.
Mme Amel Gacquerre. - Merci pour votre approche pragmatique du sujet.
Ma question porte sur la recherche d'une gouvernance efficace. Les associations qui travaillent sur le sujet et la Cour des comptes ont relevé l'absence de coordination de la politique de lutte contre l'habitat indigne, déplorant le manque d'une instance de concertation et de pilotage au sein de laquelle l'État et les collectivités territoriales pourraient travailler sur le sujet, et ce d'autant qu'il existe un certain nombre de dispositifs nationaux en la matière - Action coeur de ville, nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Les contours du futur projet de loi sont encore flous, même si nombre de propositions sont actées. Savez-vous si le texte porte sur la gouvernance de la politique de lutte contre logement indigne autour d'une stratégie nationale ? Si ce n'est pas le cas, faut-il selon vous revoir le fonctionnement de cette gouvernance, et quelle forme pourrait-elle prendre ?
Par ailleurs, s'agissant de l'habitat indigne dans les territoires ruraux, vous avez bien intégré que la problématique est différente. Il n'en reste pas moins que le parc de logement rural a ses particularités - grandes maisons anciennes, difficiles à chauffer, parfois avec des familles modestes, problématiques de précarité énergétique très présentes, notamment en diffus et, de manière plus concentrée, au sein des centres-bourgs, locataires qui trouvent refuge dans le privé parfois dégradé.
Dans ces territoires, la lutte contre l'habitat indigne s'avère compliquée pour plusieurs raisons. La première vient du fait que les élus locaux ne sont pas forcément informés. En second lieu, le maillage des acteurs n'existe pas et les politiques publiques ne couvrent pas suffisamment ces territoires.
Il y a donc là un vrai problème de repérage. C'est un vrai cercle vicieux, qui débouche sur des moyens d'action insuffisants. Quelles sont vos propositions sur ce sujet, très prégnant sur tous les territoires ?
M. Franck Menonville. - Félicitations pour la qualité de ce rapport, qui répond aux réalités que nous vivons tous dans nos territoires, urbains ou ruraux.
Je voudrais revenir sur un point essentiel, le lien à la propriété, notamment l'expropriation ou la préemption. Ce que nous vivons dans nos territoires est infernal. On se focalise souvent sur les territoires urbains, mais on trouve aussi des biens vacants qui se dégradent dans les territoires ruraux.
Ma question porte aussi sur les biens vacants. On parle de logements dégradés, insalubres, mais il existe aussi dans les communes des logements vacants qui font courir des risques au voisinage. Nous y sommes tous confrontés. À Bar-le-Duc, j'ai été confronté à un dossier concret qui a mis près de 30 ans pour aboutir. Finalement, les procédures successives ont permis de trancher à l'amiable !
C'est donc un sujet essentiel. Beaucoup d'initiatives ont été prises au Sénat par nos collègues du RDSE et son président de l'époque, Jean-Claude Requier, qui avaient porté une proposition de loi afin de faciliter les choses, mais cela n'a jamais été vraiment opérant.
Comment définissez-vous le contour de ces nouvelles possibilités ? Y voyez-vous un élargissement possible à des biens vacants qui se dégradent ? Est-ce conditionné à des documents d'urbanisme, à des périmètres, ou est-ce la situation réelle de l'habitat et de l'immobilier qui déterminera les moyens et les conditions d'action ?
Mme Viviane Artigalas. - Votre rapport et cette loi sont très attendus dans les territoires. J'ai pu voir au cours de quelques déplacements à Grigny et Vaulx-en-Velin combien cette question était prégnante et comment cet immobilisme débouche sur des conséquences dramatiques.
Je vous remercie également d'avoir abordé la ruralité outremer. Ce sujet s'étend en effet à tous les territoires.
Ma question portera sur les restes à charge des collectivités. Vous avez démontré que certains étaient si importants qu'ils peuvent déboucher sur l'inaction. Les finances des collectivités actuelles m'incitent à penser que ce problème peut s'aggraver. Vous faites des propositions en ce sens, mais pouvez-vous être plus précis sur ce point ?
S'agissant de la question du portage du foncier, pensez-vous que les établissements publics peuvent avoir un rôle à ce sujet ?
Je me pose également la question des organismes HLM en tant que syndics publics. Est-ce vraiment judicieux s'agissant de questions de copropriétés privées ? Cela ne peut-il déboucher sur des logements sociaux qu'on ne souhaite peut-être pas sur certains territoires ?
Mme Michèle Lutz. - La question de la gouvernance est cruciale. Il existe des dispositifs à ce sujet. Cette gouvernance ne peut s'exercer qu'au niveau local pour être efficace. On sait que si l'on s'en détache, on perd en efficacité.
Il existe déjà un plan départemental pour le logement des personnes défavorisées. Est-ce une première pierre et faut-il améliorer les choses ? Je pose la question, sans avoir de réponse à ce stade.
Concernant la ruralité, les maires des villes les plus grandes ont la chance d'être organisés avec leurs services pour conduire un certain nombre de choses. Néanmoins, deux points reviennent en permanence lorsqu'on discute avec les maires ruraux, dont la question de l'ingénierie, qui est cruciale. Des dispositifs vont être nécessaires pour améliorer ce point. Aucun maire, même dans les plus grandes villes ou les métropoles, n'a assez de moyens en ressources humaines pour compenser cette ingénierie, a fortiori dans les communes rurales. Pour l'instant, personne n'est outillé.
Le ministre a dit qu'il s'agissait d'une grande cause nationale. À ce titre, il va falloir faire appel à la solidarité nationale. Cette ingénierie est cruciale.
Il en va de même des enquêtes. Nous ne disposons pas de suffisamment de ressources humaines dans nos collectivités pour mener les enquêtes administratives et juridiques pour porter ce dossier devant les juridictions. Il existe des plans départementaux. Je pense qu'il faut revoir les choses. Je ne dis pas que cela n'a pas eu d'effet ou que cela a été mal fait, je dis que ce n'est plus suffisant au vu des volumes à traiter.
La question de la ruralité doit vraiment être abordée. J'ai rencontré des maires désespérés, démunis et qui n'arrivent pas à traiter les sujets. Même lorsqu'une commune rurale ne possède que six logements, c'est infernal.
M. Mathieu Hanotin. - Madame Gacquerre, vous posez une très bonne question, qui ne trouvera pas de réponse dans le projet de loi, mais c'est un des objets de la grande loi sur la décentralisation du logement.
Mme Amel Gacquerre. - Merci pour votre réponse claire !
M. Mathieu Hanotin. - Néanmoins, il faut un pilote dans la lutte contre l'habitat indigne, et cela ne peut être le même partout. Il faut être capable de s'adapter en fonction des réalités locales, qui ne sont pas les mêmes d'un département à un autre, d'une ville à une autre, d'une métropole à une autre. Cela peut dépendre de réalités physiques et géographiques ou des paralysies politiques qui peuvent exister du fait de dysfonctionnements.
Il faut qu'on arrive à avoir une certaine souplesse, peut-être grâce à la signature d'un contrat avec un État stratège qui fixe des objectifs. Si j'ai bien une certitude, c'est qu'il faut réunir les compétences. Si on dit qu'il s'agit d'un EPCI, fort bien, mais il faut arrêter la segmentation entre l'État qui se charge de l'insalubrité et les communes qui traitent du péril. Il faut donner les moyens d'agir ensemble. C'est pour moi extrêmement important.
En Seine-Saint-Denis, la moitié des enquêtes pénales du parquet de Bobigny viennent de Saint-Denis. Cent vingt enquêtes ont été ouvertes, dont 60 à Saint-Denis. On s'est mieux organisé et on a aujourd'hui un savoir-faire reconnu. Cela a un coût. La ville de Saint-Denis, pour exercer la compétence de l'État dans la loi de 1983, est compensée à hauteur de 700 000 euros. Le coût total incluant les ressources humaines s'élève à 2,3 millions. C'est un choix politique que j'ai fait, 5 000 logements relevant de l'habitat indigne, soit 20 % de l'habitat privé.
Nous avons une coopération avec l'établissement public territorial (EPT) et avons tendance à déléguer à notre EPCI en faisant redescendre la compétence au niveau de la mairie pour être au plus près du terrain, en lien avec les polices municipales et les acteurs du domaine. Il faut que chacun puisse construire sa solution en unifiant les politiques. C'est en tout cas ma réponse au sujet de la gouvernance, avec un État qui reste stratège. On ne peut passer des heures à se battre pour espérer que l'ARS vienne réaliser un contrôle. Il faut que le maire puisse le décider.
Monsieur Menonville, vous m'avez interrogé sur la question des logements vacants, que j'ai comprise comme celle des biens sans maître. On a identifié cette problématique. On n'a pas la solution. On est là dans un domaine très spécifique. Il faut que le Gouvernement permette d'accélérer les procédures relatives aux biens sans maître, qui peuvent demander des années, ces délais s'ajoutant à ceux que j'ai déjà évoqués.
Beaucoup de maires y ont été confrontés. C'est une problématique qui est présente dans beaucoup de communes rurales. Nous l'avons signalé, mais nous n'avons pas à notre niveau la compétence technique pour détailler ces spécificités.
Cela étant, toutes les dispositions que nous proposons s'appliqueront demain aux logements vacants. Ce n'est pas comme dans le cas du permis de louer, où le locataire, en tant que tel, peut déclencher une action.
Il peut y avoir également des problèmes d'effondrement et d'insalubrité dans les logements inoccupés. Cela relève des pouvoirs de police du maire. Le droit sera le même pour un logement relevant de l'habitat indigne ou pour 100 logements. Faire avancer les choses sera profitable à tout le monde, communes urbaines ou rurales.
Les questions d'ingénierie sont cruciales et nécessaires. En zone rurale, j'ai la faiblesse de croire que les communautés de communes constituent le bon échelon. Dans les grandes villes, j'ai tendance à penser que cela relève plutôt de la municipalité, car il faut arriver à combiner ce besoin de proximité, de repérage et de connexion avec les pouvoirs de police, notamment municipale, avec en même temps une ingénierie suffisamment forte et rodée.
À Saint-Denis, la direction de l'habitat durable compte une quarantaine de personnes. On va en augmenter le nombre pour se situer entre 40 et 50 en fusionnant avec la ville de Pierrefitte-sur-Seine - mais c'est un autre sujet.
Madame Artigalas, vous avez parfaitement raison à propos du foncier. On parlait d'État stratège. S'il existe un sujet sur lequel les maires attendent d'être accompagnés par la puissance publique étatique, c'est bien celui de la question de la maîtrise du foncier. Aujourd'hui, il n'y a pas de stratégie foncière nationale, je suis désolé de le dire en ces termes.
Des outils existent dans presque toutes les régions, des établissements publics fonciers (EPF) qui sont suffisamment soclés pour résister financièrement, mais dont les missions ne sont pas de faire de la réserve foncière de très long terme pour préparer de grands projets d'avenir ni intervenir lorsque les collectivités ne savent pas faire ou les accompagner en matière de maîtrise de copropriété, etc.
Ce sont les EPCI qui le font en direct ou via leurs outils d'aménagement, comme la Société de requalification des quartiers anciens (Soreqa), en Île-de-France, ou la Société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLAIN), à Marseille, etc. Cette volumétrie financière en matière de portage foncier est cruciale.
Je milite activement pour que l'on ne crée pas un « machin » de plus et pour que l'on confie, sur la question de l'habitat indigne, une mission aux EPF. Cela demande de clarifier un certain nombre de choses dans la chaîne des responsabilités, notamment pénales, car il ne faut pas que les EPF deviennent des marchands de sommeil. Des solutions existent.
On a rencontré des représentants d'établissements publics fonciers. Je pense qu'on pourrait imaginer que les EPF interviennent à partir du moment où les outils de la puissance publique permettent de prendre en charge les occupants et d'être à côté financièrement si on veut accélérer les choses.
Dans une ville comme Saint-Denis, ce n'est pas une solution qu'il faut mobiliser, mais dix à quinze solutions cumulées, avec les acteurs privés que sont les grandes foncières, afin que celles-ci se mobilisent et y trouvent un intérêt économique.
De ce point de vue, la question de la pérennisation du Denormandie prévue dans le PLF est une très bonne chose, mais nous préconisons également une extension qui puisse couvrir les grandes métropoles et de créer suffisamment d'intéressement financier pour que ces foncières se spécialisent sur le sujet.
On dit qu'on a besoin de construire des milliers de logements : on en a des milliers devant nous, pratiquement à coût carbone zéro, car on parle de rénovation ou d'amélioration qui pourrait recevoir des occupants dans de bonnes conditions. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
S'agissant des syndics, on a beaucoup hésité à faire cette proposition. La loi oblige les syndics à clarifier leur rôle et leurs missions, mais il existe un problème spécifique en matière d'ingénierie privée des copropriétés en vue d'accompagner le redressement des immeubles ou leur bon entretien.
Deux solutions existent aujourd'hui, qui ne sont ni l'une ni l'autre satisfaisantes. Quand on en arrive au stade des administrations judiciaires, cela fonctionne rarement. Ce sera le cas avec un accompagnement extrêmement fort de la puissance publique à côté de l'administration judiciaire.
Quand il y a carence, l'administration judiciaire ne peut trouver des solutions magiques - et c'est bien normal. À Épinay-sur-Seine, la dégradation de la tour Obélisque, une grande copropriété en IGH, s'est accélérée lorsqu'elle est passée sous administration judiciaire. Elle a fini par être évacuée il y a un an et demi, dans des conditions très compliquées.
Il existe également un dispositif appelé « syndic de redressement », mais il connaît un problème majeur d'équilibre économique. Aujourd'hui, les syndics perdent de l'argent s'ils veulent s'occuper convenablement des copropriétés dégradées.
Elles ne doivent représenter qu'une petite part de leur portefeuille et ils doivent équilibrer leur chiffre d'affaires avec des copropriétés qui fonctionnent très bien, car cela prend des heures et des heures, les copropriétaires étant souvent ceux qui n'ont pas le plus d'argent pour payer des charges élevées. Il faut donc réussir à cadrer les choses, le but n'étant pas de faire basculer ces copropriétés dans le domaine public.
Par contre, il faut créer un outil que nous avons appelé « syndic d'intérêt général », qui pourrait être proposé par les offices HLM dans le cadre d'une politique de diversification de leur offre, mais peut-être aussi par d'autres acteurs. Il faut réussir à sortir du champ concurrentiel pour subventionner cette ingénierie, sans quoi les choses ne seront jamais rentables.
C'est notre intérêt : si on le subventionne assez tôt, c'est autant d'immeubles qu'on aura plus tard en recyclage. Au final, les quelques milliers d'euros de subventions de fonctionnement qu'on aura donnés à la copropriété ne représenteront rien par rapport au coût de résorption auquel on aura échappé.
Le problème, c'est qu'on ne peut octroyer une subvention à un syndic privé classique dans le champ concurrentiel. N'étant pas totalement sûrs que cela fonctionne, nous avons demandé à réaliser une expérimentation. Cela ne se retrouve pas dans la loi mais, normalement, un décret doit permettre de tester cette expérimentation.
M. Serge Mérillou. - La proposition numéro 20 est pour moi le point de départ du traitement de l'habitat indigne avec son recensement, sa localisation et son signalement.
Vous proposez d'améliorer les outils numériques existants et déconnectés. C'est donc qu'il y a des difficultés. À mon sens, cela correspond à l'habitat collectif de grande dimension. Il est beaucoup plus difficile, dans l'habitat diffus, en zone rurale, voire dans le petit collectif, de déterminer l'habitat indigne.
Or on n'a plus, dans nos communes, d'interlocuteurs pour signaler cet habitat indigne. L'habitat indigne est vécu par les victimes de façon honteuse. Comme beaucoup ici, j'ai été maire. Le premier signal, c'est lorsque vous proposez à un habitant de passer le voir et qu'il préfère passer à la mairie. La personne a honte de l'endroit où elle habite. On a besoin de remettre de l'humanité autour de la question de l'habitat indigne. C'est fondamental pour nos concitoyens.
Mme Antoinette Guhl. - Merci à chacun de vous. Un rapport établi par des maires est rassurant : on ressent la pertinence des propositions.
Je voudrais vous interroger sur un point annexe, mais malgré tout important. Comment s'assurer que toutes ces procédures qui vont dans le sens de l'intérêt général ne sont pas détournées à l'encontre de petits propriétaires, qui se trouvent dans des copropriétés qui ne sont pas encore dégradées, mais qui vont l'être prochainement ? Il existe en effet des syndics mal intentionnés.
La profession est mal contrôlée et mal encadrée. Que fait-on contre cela ? La solution d'administrateur provisoire n'aboutit pratiquement jamais à la résolution du problème, mais souvent à l'expropriation. Comment faire pour protéger les habitants peu aisés des abus ?
Enfin, je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit sur le caractère essentiel du rapport et des actions qui sont proposées.
M. Yves Bleunven. - J'aimerais vous soumettre une idée complémentaire. Nous avons tous ici été maires et avons utilisé certains outils. Je voudrais revenir sur les centres communaux d'action sociale (CCAS), qui traitent des logements indignes, de leur repérage, de l'accompagnement des résidents, souvent en grande précarité. Ils n'ont cependant pas d'outils d'accompagnement en matière de rénovation.
Or dans nos communes, nombre de CCAS sont propriétaires d'un patrimoine qui a besoin d'être rénové. Peuvent-ils être légataires d'un patrimoine constitué de biens relevant de l'habitat indigne ? On parle beaucoup des bailleurs sociaux et des grandes opérations, mais quand il faut mener de petites opérations en milieu rural, sans doute le CCAS a-t-il un rôle à jouer. Ils ne sont toutefois pas éligibles aux aides à la pierre ni à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).
J'ai fait passer un amendement il y a quinze jours en loi de finances 2024. Il a été adopté dans une mission qui a été rejetée. Il n'empêche qu'il n'est pas normal qu'on ne puisse avoir, dans une filiale à 100 % d'une commune, un outil comme le CCAS capable, parmi les multiples outils à notre disposition, de nous accompagner dans ce genre de politique.
Sans doute faut-il mener par ailleurs une réflexion sur la capacité à récupérer tous les biens des personnes qu'on accompagne en fin de vie ou dans des situations de précarité importantes, qui sont prêtes à signer un legs. Je pense que le CCAS est, de ce point de vue, un très bel outil.
M. Mathieu Hanotin. - C'est pour des raisons de proximité que nous avons essayé de recentraliser les outils à la mairie. Le CCAS a en effet un rôle majeur. Il connaît les publics en difficulté. Il est capable d'échanger avec les personnels du bureau à côté du leur qui sont chargés de l'habitat indigne, d'informer les occupants sur leurs droits ou de renvoyer vers une permanence de l'Agence départementale d'information sur le logement (Adil).
Tout un bloc en faveur d'une meilleure information des propriétaires et des locataires, leurs droits et leurs capacités à agir est prévu dans le projet de loi. Le Gouvernement veut pouvoir continuer à développer des outils numériques existants, comme Histologe, même s'ils ne sont peut-être pas complètement utiles en matière de lutte contre l'habitat indigne.
Ce qui est référencé dans Histologe concerne beaucoup de tracas du quotidien. Il faut veiller à ne pas encombrer nos services, faute de quoi cela ne fonctionnera pas non plus. À l'évidence, les outils numériques ont un rôle à jouer. Comment faire pour les rendre plus spécifiques et les mettre au service de l'habitat indigne ? On ne peut les voir aujourd'hui comme des outils majeurs de lutte contre l'habitat indigne.
Je partage ce qui a été dit à propos du guichet unique. On est là dans de l'humain, du physique. Même si on dispose d'outils numériques, cela passe de toute façon par un rendez-vous, un accompagnement. Bizarrement, les personnes ne subissent rarement qu'un problème d'habitat indigne, mais ont généralement tout le paquet qui va avec ! C'est en proposant un accompagnement global qu'on arrivera à contribuer à la résorption de l'habitat indigne.
Madame Guhl, je suis heureux qu'on évoque les « garde-fous ». Certains gagnent beaucoup d'argent en organisant la chute des copropriétés. Ils s'arrangent pour récupérer une forme de majorité, organisent la dégradation en louant de très petits logements à quinze personnes et en n'investissant plus rien. Personne ne veut plus alors acquérir de biens. Ils rachètent ainsi les autres logements à vil prix, font tourner la machine bien souvent de manière frauduleuse, avec des loyers perçus en liquide, etc. À la fin, ils se font racheter par la puissance publique ou un promoteur, et gagnent ainsi sur tous les tableaux : investissements minimums, rendements maximums, avec surprime finale. Ce schéma, je l'ai vécu à Saint-Denis, dans un immeuble boulevard d'Ornano, dans la circonscription d'Éric Coquerel - et cela ne s'est pas limité à une fois.
C'est cependant une exception. Ce niveau de malveillance dans le pilotage n'est pas le lot commun. Quand bien même : les dérives que vous pointez ne sont pas celles que l'on risque avec les nouveaux outils. Quand on exproprie quelqu'un plus tôt et qu'il n'y a plus de solution, on protège le petit copropriétaire. Quand on l'exproprie en recourant à la loi Vivien, que lui reste-t-il dans la poche ? Pas grand-chose ! Il ne reste plus grand-chose à la collectivité non plus, parce que les coûts de démolition et de dépollution sont colossaux. On va là aussi perdre beaucoup d'argent. Laisser la dégradation aller jusqu'à son terme est un système perdant-perdant. C'est assez cohérent : quand on laisse un bien se dégrader, il perd de sa valeur pour tout le monde.
Au contraire, si on intervient plus tôt, soit par le biais d'une intervention privée, avec les financements qu'on évoquait tout à l'heure, soit par le biais d'une intervention publique, on indemnise le petit propriétaire à une valeur plus juste, car son logement vaut plus d'argent. On peut ainsi pour le coup stopper les phénomènes de malveillance, la collectivité pouvant acheter à un juste prix, alors que les personnages véreux qui ont organisé la dégradation rachètent à vil prix.
Ce qu'on propose permet donc de mieux lutter contre ces délinquants, même si je ne prétends pas les empêcher d'agir. Certains préféreront toujours être à côté des lois.
Mme Michèle Lutz. - Le reste à charge est un point très important sur lequel nous ne sommes pas revenus. On est face à un public fragile et à des gens modestes. Une fois de plus, il va falloir que l'État puisse être à nos côtés pour préfinancer ces travaux.
À partir du moment où on constate des défaillances sur des travaux qu'on n'est pas en capacité de financer, on est déjà face à un échec. Les publics concernés échappent complètement au système bancaire traditionnel et ne peuvent solliciter un prêt, n'étant pas en capacité de financière de rembourser. Faut-il créer un fonds spécial ? Faut-il que l'État puisse octroyer des prêts différents ? La question se pose.
Quant au CCAS, nous en présidons chacun un. Le CCAS est la première réponse qu'on peut apporter à des personnes qui sont dans une situation inextricable, victimes de marchands de sommeil. Le CCAS n'est pas éligible à un certain nombre d'aides de l'État. C'est là aussi une question qu'il faut se poser.
Enfin, concernant les administrateurs judiciaires, la particularité de Mulhouse est de n'avoir qu'un seul cabinet qui traite toutes ces questions. Les administrateurs judiciaires s'organisent désormais en réseau. Leur formation est peut-être une question à prendre en compte.
M. Alain Couchot, premier adjoint au maire de Mulhouse. - Vous avez raison s'agissant du numérique : il faut d'abord de l'humain et des moyens. L'ingénierie nécessite de recourir à des personnes capables d'aller sur le terrain. Un certain nombre d'organismes gravitent autour de l'habitat indigne : les communes, la direction générale des finances publiques (DGFiP), l'agence régionale de santé (ARS), les caisses d'allocations familiales (CAF), chacun a son propre système d'information et très peu communiquent.
À Mulhouse, on a mis en place un permis de louer. On s'est rendu compte assez rapidement que les personnes qui le demandaient étaient de bonne foi et qu'on ne pouvait savoir qui ne le demandait pas. On a établi un protocole d'accord avec la CAF qui nous permet de connaître les changements de bail et de vérifier qu'une demande de permis de louer a bien été déposée.
Un certain nombre de propriétaires étant en infraction, on a dressé des amendes et on s'est rendu compte qu'il n'existait pas d'interconnexion avec la DGFiP. Cela a mis des mois pour pouvoir recouvrer ces amendes. La crédibilité du système en prend un coup. Il s'agit d'interconnecter les différents systèmes d'information des acteurs qui gravitent autour du logement indigne, ce qui n'enlève rien à la nécessité de pouvoir avant tout compter sur de l'humain.
M. Daniel Fargeot. - Pour moi, le permis de louer est la solution pour endiguer l'habitat indigne en règle générale. C'est par ailleurs une condition qui est très peu connue, voire méconnue ou peu mise en oeuvre par les communes et autres EPCI.
C'est fort dommage car cela permet d'identifier au mieux les propriétaires ou les bailleurs indélicats via les CCAS, comme je l'ai fait dans ma commune, mais aussi via la DDFiP et la commission des impôts locaux. Bien souvent, les commissaires ont une bonne connaissance du terrain depuis fort longtemps.
Je pense que c'est une possibilité de mesure coercitive cohérente, mais il faut aussi assouplir et favoriser les conditions d'accès à ce permis de louer à travers des contrôles qui devraient être repris par la puissance publique afin de favoriser leur mise en oeuvre.
Dans ma commune, j'ai également instauré une sanction financière afin de refacturer aux propriétaires indélicats le coût de cette mission, qui représente une charge supplémentaire pour nos collectivités.
M. Jean-Luc Brault. - Une question se pose aux communes rurales s'agissant des logements indignes et insalubres à propos de ce que nous imposent les gens du voyage. Dans un territoire comme le mien - 7 000 habitants -, où l'on compte 160 caravanes à l'année, on nous oblige à présent à faire du logement !
Non seulement on ne règle pas le problème des logements indignes, mais on nous oblige de plus à construire des logements au titre des citoyens français itinérants (CFI). Comment voulez-vous que l'on fasse ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Ce n'est pas le sujet du rapport.
M. Jean-Luc Brault. - Non, mais il ne faut pas l'oublier. Je pense que le maire de Saint-Denis doit connaître ces problèmes régulièrement.
M. Bernard Buis. - Le permis de louer a été mis en place dans plus de 400 villes. Il permet de mieux lutter contre l'habitat indigne et de travailler en amont en contrôlant les logements avant toute mise en location. Pensez-vous qu'on pourrait généraliser cette mise en place ?
En deuxième lieu, votre proposition numéro 9 évoque la création d'un syndicat à caractère d'intérêt général. Comment fonctionnerait-il ? En quoi serait-il différent des syndicats actuels ?
Enfin, l'enjeu de la création d'un fonds d'accompagnement et de garantie des victimes vise aussi la protection des habitants. Vous imaginez la création d'un fonds de garantie pour les victimes indirectes : les assurances étant parfois très longues à réagir, il est important qu'une garantie puisse prendre le relais avant qu'elles ne se chargent du dossier, comme dans le cas d'un effondrement d'immeuble. Qui financerait ce fonds et quelles seraient les conditions pour le déclencher ?
M. Mathieu Hanotin. - Ce serait à la solidarité nationale d'agir. On parle ici plutôt de systèmes d'avance, le temps que les assurances prennent le relais.
Les problèmes d'effondrement, à l'échelle du pays, ne représentent que quelques dizaines d'appartements, une centaine au maximum. Pour une commune, cela peut devenir insupportable. Pour le budget de l'État, on est sur des enjeux financiers microscopiques.
Mme Katy Bontinck, adjointe au maire de Saint-Denis. - S'agissant du permis de louer, notre recul est de quatre années. L'intercommunalité Plaine commune a mis en effet en place cette expérimentation en 2019, avant de la généraliser aux neuf villes du territoire.
On a expérimenté à la fois l'autorisation préalable de mise en location - le permis de louer le plus complet - et la déclaration préalable, qui a moins bien fonctionné. Le système de l'autorisation préalable que nous utilisons nécessite de renforcer les signalements. Nous ne réalisons pas des visites à toutes les adresses, mais nous avons réussi à mettre en place une véritable cartographie. Le montant des travaux qui a pu être généré grâce à ce biais commence à être très significatif. Il s'agit donc bien d'un outil de prévention et d'amélioration de l'habitat.
Dans le rapport, nous avons voulu aller plus loin pour que le décret relatif à la décence et le permis de louer soient en adéquation afin de ne pas repartir à chaque fois au début de la procédure.
Comment faire pour rattraper les propriétaires indélicats qui ne demandent pas le permis de louer ? Nous avons mis en place un partenariat avec la CAF grâce auquel nous procédons à un échange de données. C'est très efficace. Plus de 100 signalements ont été réalisés grâce à cela. Ce n'est pas du ressort législatif, mais il faut le généraliser.
Au-delà, nous avons croisé nos données avec Enedis et Veolia. Toutes les installations de compteurs constituent un indicateur très pertinent pour repérer la suroccupation et les logements-dortoirs. C'est très efficace.
Enfin, il faut que les habitants puissent disposer d'un guichet unique complémentaire du numérique. Les visites à domicile permettent aussi de repérer les logements indécents. À Saint-Denis, on a formé les infirmiers et les infirmières libérales qui font des visites à domicile, le service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), le service de portage de repas, la protection maternelle et infantile (PMI) pour qu'ils nous signalent des situations particulières.
La semaine dernière, on a utilisé la procédure d'urgence pour évacuer des personnes, un occupant ayant appelé le service de la ville parce que son meuble de cuisine s'était décroché d'un mur qui avait bougé.
Les moyens du CCAS ou du service communal d'hygiène et de santé (SCHS) ne figurent pas dans le projet de loi, mais le plan d'action globale va bien plus loin.
M. Mathieu Hanotin. - Je ne veux pas que l'on désigne les petits propriétaires comme des coupables potentiels. Neuf sur dix sont de bonne volonté. Le permis de louer doit servir à les accompagner, et cela fonctionne très bien. Ce dispositif permet à certains de ne pas basculer involontairement du mauvais côté de la barrière. Un certain nombre de problèmes ont été ainsi résolus.
S'agissant du syndic d'intérêt général, l'idée est de mieux spécifier les missions. Il existe des syndics de redressement extrêmement utiles lorsque la copropriété est dégradée et qu'il n'est pas trop tard. Quand une copropriété est défaillante, la collectivité a besoin d'une ingénierie privée, sans quoi elle doit la remplacer. Il faudrait donc un statut spécifique, parapublic. C'est pour cela qu'on voudrait expérimenter ce syndic d'intérêt général.
Mme Michèle Lutz. - Le syndic d'intérêt général reste avant tout un opérateur potentiel. Je pense qu'il sera plus simple de missionner un syndic d'intérêt général qu'un syndic privé. Il existe des syndics de qualité différente.
Un plan curatif ne peut selon moi être géré que par un syndic d'intérêt public, car il existe trop d'enjeux financiers.
Mme Anne-Catherine Loisier. - On a tous bien identifié les points clés relatifs à la gouvernance et à l'ingénierie sur les territoires, mais - vous venez de poser la question -avec quel financement ? Comment les choses peuvent être mises en place sur les territoires ?
Je voudrais revenir sur la proposition numéro 22, qui vise à doter la police municipale de pouvoirs d'enquête judiciaire. C'est un sujet important pour les maires et même fondamental. Comment en voyez-vous la faisabilité ? Il me semble que lorsqu'on entre dans ce champ, c'est le procureur qui prend la main. Comment voyez-vous le partenariat entre élus et procureurs à ce sujet ?
Mme Sophie Primas. - Certaines de vos mesures vont dans le sens d'une expropriation et d'une prise de propriété plus rapides par les pouvoirs publics. Il faut que les propriétaires, qui ne sont pas tous malfaisants, puissent exercer des recours. Ce sont ces recours qui nous prennent beaucoup de temps. Le projet de loi et vos propositions traitent-ils de cette question ?
Par ailleurs, avec la présidente Dominique Estrosi Sassone, nous sommes allées en outremer où se pose la question du propriétaire. Avez-vous fait des propositions particulières à ce sujet ?
Enfin, j'ai bien entendu votre recommandation de bon sens d'exercer des contrôles de structure des bâtiments. C'est une norme supplémentaire que nous nous apprêtons à instaurer, alors que nous y sommes d'habitude réticents. Assurons-nous que les choses soient bien coordonnées avec les diagnostics de performance énergétique (DPE). Cela va nécessiter des compétences, des cabinets, et générer des frais supplémentaires. Qui va les prendre en charge ? Comment s'organiser ? Qu'en est-il au bout de dix ou quinze ans ? J'en comprends le sens mais, vous qui êtes élus locaux, le savez : les normes nous « cassent les pieds » !
Mme Marianne Margaté. - Une intervention publique forte s'avère indispensable, mais s'inscrit dans un cadre qui va la rendre plus difficile encore et aggraver l'habitat indigne, tout en augmentant le nombre de copropriétés dégradées. On sait que les personnes victimes des marchands de sommeil sont souvent en marge de la société, hors du droit commun. Il va donc être difficile de fixer des perspectives à long terme.
L'interdiction de louer des logements catégorie F et G d'ici à 2028 pourrait également accélérer le phénomène des copropriétés dégradées. Sans investissement des propriétaires bailleurs, le risque est de voir augmenter le nombre de logements mis en vente, qui pourraient constituer une aubaine pour des propriétaires peu respectueux des règles.
Je partage l'idée de proximité en vue d'être plus efficace, mais les communes doivent parfois arbitrer des choix financiers insolubles.
Le fait que les communes ou les intercommunalités doivent embaucher des inspecteurs de salubrité pose un problème de recrutement et de formation. Toutes les communes se font concurrence dans le domaine du recrutement. L'articulation avec le préfet et les ARS est parfois compliquée. Je ne sais d'ailleurs pas si vous avez pu étudier la place de l'ARS et ses moyens. Lorsqu'on affaiblit le service public local, on affaiblit aussi l'accompagnement des victimes par nos agents. Je suis très partagée sur le fait de leur confier des compétences de police judiciaire. Mieux vaut multiplier les acteurs que les charges qui pèsent sur les agents.
Mme Michèle Lutz. - La question de donner des pouvoirs supplémentaires à la police municipale se pose en effet. J'ai eu l'occasion d'échanger récemment avec le ministre de l'intérieur sur cette question. Faut-il le faire de cette manière ? Nous n'avons pas suffisamment de moyens en matière de ressources humaines. Faut-il ne former que certains policiers municipaux, qui seraient affectés à d'autres missions ? Je pose la question. Sur notre territoire, nous n'avons qu'un seul inspecteur de salubrité pour deux départements, et nous n'arrivons pas à le solliciter. Plus nous serons réactifs, plus vite nous aurons des enquêtes administratives et judiciaires, plus vite nous agirons. Sans cela, nous ne le pourrons pas.
Bien évidemment, cela ne peut se faire autrement que sous l'égide du procureur de la République. C'est un préalable et c'est ce qu'avait annoncé le ministre de l'intérieur. En même temps, le juge de l'expropriation ne peut remplir ce genre de mission. On est dans une sorte de cercle vicieux où, si on ne parvient pas à déclencher une enquête, on ne peut saisir la justice et nous ne pouvons réagir. Si nous l'avons relevé dans notre rapport, c'est bien parce que cela constitue un souci quotidien au sujet duquel nous n'avons pas de réponse.
S'agissant du contrôle de structure, il existe généralement un plan pluriannuel de travaux (PPT). Nous avions imaginé pouvoir inscrire cette obligation à l'intérieur de ce plan. Il pourrait s'agir d'un diagnostic tous les dix ans. On sait que cela ne peut être réalisé de la même manière que d'autres diagnostics. C'est une proposition qu'on aimerait intégrer à ce stade.
M. Mathieu Hanotin. - Mon sentiment au sujet des polices municipales est très positif. Il faut que l'on puisse participer mais, s'agissant de l'habitat indigne, on a un problème de moyens humains, qui existe dans la police nationale comme dans la justice. Il faut utiliser toutes les ressources dont on dispose.
Je pense qu'il faut contractualiser les pouvoirs de police du maire entre la collectivité et l'État, les réalités étant différentes d'un endroit à l'autre. On a bien confié des pouvoirs d'enquête aux inspecteurs de l'environnement. Pourquoi n'en donnerait-on pas à des inspecteurs de salubrité ? Il en faudrait plus, c'est vrai, mais autant utiliser ceux qui sont là au maximum. Pour le coup, le projet de loi pourrait être l'occasion d'avoir ce débat.
Vous m'avez interrogé sur les garde-fous concernant le droit de propriété. On a essayé de faire quelque chose de très équilibré. Oui, on crée un nouveau droit d'expropriation, mais il est borné - et c'est notre souhait. Il faut, pour qu'on puisse exercer ce nouveau droit, que l'immeuble soit frappé d'arrêté de péril ou d'insalubrité et que la liste des prescriptions ne soit pas respectée. C'est une double condition. Le contrôle judiciaire et les voies de recours s'exerceront vis-à-vis de ces procédures. Si un maire recourt abusivement à ce droit, il sera en faute.
Il faut évidemment raccourcir les délais de recours, mais leur longueur tient essentiellement au traitement judiciaire. Nous avons demandé un juge de l'expropriation dans chaque tribunal et un parquet dédié à la lutte contre l'habitat indigne dans chaque département.
Si on veut gagner la bataille de l'habitat indigne, cela demandera aussi un investissement financier de la puissance publique pendant dix à quinze ans, et il va falloir que cela monte en puissance, mais je ne voulais pas que notre point de départ consiste à réclamer de l'argent. À droit constant, nous avons un problème.
Commençons par changer un certain nombre de règles incohérentes, ce qui peut nous permettre d'accélérer. Le débat budgétaire doit de toute façon avoir lieu tous les ans. Selon moi, il faudrait créer une taxe affectée qui alimente la lutte contre l'habitat indigne. Les Français comprennent quand on leur prend de l'argent dans un but précis.
J'avais proposé, lorsque j'étais parlementaire - c'était mon côté un peu « gauchiste » - une taxation sur l'immobilier de luxe en créant un droit de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les appartements de plus d'un million d'euros. À chaque million, on ajoutait 1 % de DMTO, ce qui touchait assez peu les Français - mais ce n'est pas à l'ordre du jour.
Mme Annick Jacquemet. - Je voudrais revenir sur les délais. Avez-vous imaginé un schéma idéal entre l'identification du bien, les obligations de diagnostic, le temps de justice, de rétrocession, d'expropriation, d'administrateur judiciaire aussi bien dans l'urbain que dans le rural ?
Avez-vous pu déterminer un temps incompressible de gestion de ces dossiers ? Pouvez-vous nous donner une échelle de temps ?
Deuxièmement, comment pourrait-on borner les choses dans le temps ? Y a-t-il moyen de fixer des obligations, des délais maximums de traitement ou de réponse ? Pour ceux qui s'en occupent, c'est source d'agacement et de découragement, car cela traîne des années.
Troisièmement, je suis un dossier dans le Doubs avec obligation de faire réaliser des travaux relevant de l'urgence. La représentante de la direction départementale des territoires (DDT) nous a dit que, vu sa taille, cette commune n'était pas prioritaire et que les travaux ne seraient pas engagés avant un an ou un an et demi. Comment différencie-t-on le traitement des dossiers dans l'urbain et le rural ?
M. Franck Montaugé. - Disposez-vous d'une estimation globale ou par dispositif des coûts de votre plan d'action ?
M. Stéphane Fouassin. - Vous le savez, les petites communes n'ont pas forcément les moyens de faire l'acquisition d'immeubles ou de propriétés et demandent souvent à l'EPF un portage sur cinq ou sept ans. On récupère alors le bâtiment dans un état désastreux, alors qu'il pourrait être mis à disposition des communes dès l'acquisition par l'EPF, ce qui n'est pas le cas à La Réunion.
Comment accélérer les choses ou mettre en place une solution pour faire en sorte que les mairies soient immédiatement propriétaires ?
M. Mathieu Hanotin. - Chaque EPF est maître de sa politique. Nous avons fixé une borne à cinq ans de portage maximum. L'objectif est d'acheter des biens avec un projet d'activation à cinq ans, donc quasi immédiat.
Mon sujet est plutôt de savoir comment arriver à construire des portages longs à dix, quinze ou vingt ans, pour faire de la ressource foncière et de l'anticipation. La difficulté, quand on parle de l'habitat indigne, c'est la question du grignotage. On a souvent des multipropriétés. Cela prend du temps et l'argent est immobilisé. Je préfère que ce soit l'argent des EPF plutôt que celui des communes, qui doit servir à des projets d'aménagement et non à investir dans des acquisitions foncières.
Quant au coût, on n'a pas voulu faire un rapport qui engage des dépenses mais change les règles, permette d'agir plus vite et, accessoirement, pour des montants moins élevés. Ce qui coûte le plus cher, c'est lorsqu'on intervient tout au bout de la chaîne. Plus on intervient en amont, moins on dépense, qu'il s'agisse de la puissance publique ou des acteurs privés.
La question des délais est très complexe. Les réalités sont différentes d'un bien à l'autre. Un maire préférera toujours traiter à l'amiable plutôt que d'engager une procédure d'expropriation judiciaire, mais plus le maire détient de pouvoirs de contrainte, plus cela facilite le règlement des dossiers à l'amiable. Il faudrait un délai de traitement global entre cinq et dix ans.
Le temps d'identification, de recours, de constat d'inefficacité et d'expropriation ne devrait pas excéder deux ans. On est sur une durée de sept ans, parfois six, parfois huit. C'est cette échelle de temps que visent nos propositions.
Mme Michèle Lutz. - Quand il existe un plan pluriannuel de travaux, c'est que la copropriété ne fonctionne pas si mal. Quant au financement, on pourrait solliciter la solidarité nationale. Nous avons échangé avec d'autres acteurs comme l'Anah ou la Banque des territoires.
Je tenais à vous remercier pour l'ensemble des questions.
M. Mathieu Hanotin. - Je m'associe pleinement à ces remerciements.
Mme Michèle Lutz. - Merci de nous avoir écoutés. Bien évidemment, nous comptons sur vous. Vous êtes nos planches de salut dans la suite du dispositif !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Au nom de toute la commission, merci.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mission d'information sur la crise du logement - Désignation d'un rapporteur
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Dans la continuité de la table ronde de la semaine passée et comme annoncé à cette occasion, notre commission a lancé une mission sur la crise du logement et les moyens d'y remédier. J'en assumerai le rapport, avec à mes côtés Amel Gacquerre pour le groupe Union Centriste et Viviane Artigalas pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il n'y a pas d'opposition ?
Je vous remercie.
Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire - Désignation d'un rapporteur
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il nous revient également de procéder à la désignation d'un rapporteur sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. Ce texte sera renvoyé au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, mais nous serons saisis pour avis avec une délégation au fond dont je vous préciserai le périmètre très prochainement. Je vous propose la candidature de notre collègue Patrick Chaize.
M. Fabien Gay. - Je m'inquiète de la diminution progressive des compétences de la commission au profit de celle de l'aménagement du territoire et du développement durable. Sur le secteur de l'énergie, nous perdons tous les arbitrages depuis plusieurs années. Sur ce cas précis, cela pose un problème aux groupes qui suivent la question de la fusion IRSN-ASN, puisque c'était initialement aux affaires économiques que le texte sur l'accélération du nucléaire avait été renvoyé au fond. J'avais par exemple moi-même eu de nombreux contacts avec les syndicats. Il faut maintenant que ce soit ma collègue du développement durable qui suive. La frontière entre les deux commissions n'est pas claire, de plus elle est mouvante.
M. Franck Montaugé. - Je partage le point de vue de mon collègue. Il serait préférable que l'énergie ne soit pas partagée entre deux commissions, mais considérée comme un bloc, sinon on ne s'y retrouve pas.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Je vous remercie de vos interventions. J'ai plaidé notre cause. L'arbitrage a été rendu. Nous pourrons exprimer notre avis sur l'ensemble du texte, même si nous avons la délégation pour 6 articles sur 18.
Il en est ainsi décidé.
Questions diverses
Enfin, nous devons désigner trois sénateurs pour siéger au sein d'organismes extra-parlementaires qui relèvent directement de notre commission. D'une part, il nous revient de nommer deux titulaires au Conseil national de la montagne, où la commission était représentée depuis 2017 par M. Jean-Marc Boyer (LR) et Mme Cécile Cukierman (CRCE-K) qui a toutefois quitté la commission lors du renouvellement sénatorial de septembre 2020. Il est proposé de reconduire M. Jean-Marc Boyer et de désigner au titre du groupe CRCE-K Mme Évelyne Corbière Naminzo. D'autre part, il convient de désigner un titulaire à la Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, en remplacement de Mme Catherine Procaccia (LR), qui avait été nommée en 2017 et dont le mandat a pris fin. Afin de garantir le respect de la parité et des équilibres politiques, il est proposé de désigner Mme Sylviane Noël, membre du groupe LR, pour siéger au sein de cet organisme aux côtés de M. Rémi Cardon (SER) dont le mandat court jusqu'en 2026.
Je vous remercie.
La réunion est close à 12 h 05.