- Mercredi 6 décembre 2023
- Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques
- Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
- Jeudi 7 décembre 2023
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mercredi 6 décembre 2023
- Présidence de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques se réunit au Sénat le mercredi 6 décembre 2023.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Laurent Lafon, sénateur, président, de Mme Géraldine Bannier, députée, vice-présidente, de Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice, rapporteure pour le Sénat, et de M. Christophe Marion, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Laurent Lafon, sénateur, président. - Chers collègues députés, nous examinons un texte d'origine sénatoriale qui nous tient à coeur, fruit d'une initiative transpartisane, porté par nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias.
Le texte qu'il nous faut à présent élaborer doit être en mesure d'être adopté par nos deux assemblées. Rien ne servirait, en effet, que nous adoptions des dispositions susceptibles d'être rejetées par l'une ou l'autre de nos chambres. Compte tenu de la qualité du travail déjà accompli, tant à l'occasion de la navette parlementaire que lors de la préparation de cette réunion, j'espère que les propositions communes de rédaction de nos rapporteurs pourront nous rassembler.
Mme Géraldine Bannier, députée, vice-présidente. - Je remercie le président Laurent Lafon de son accueil et de la préparation de cette commission mixte paritaire (CMP). Je supplée la présidente Isabelle Rauch qui devait honorer un engagement pris de longue date.
La proposition de loi que nous examinons résulte d'un travail de longue haleine mené au sein du Sénat et a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier. Elle est la deuxième d'une série de textes simplifiant les conditions de restitution de biens appartenant aux collections publiques, dont les conditions d'acquisition justifient un tel retour : biens spoliés à des familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale, restes humains, biens issus de la colonisation. Cette série devait initialement comporter trois lois ; elle en comptera vraisemblablement quatre, la question de la restitution des restes humains d'origine ultramarine ayant émergé durant l'examen de la présente proposition de loi et devant être réglée séparément.
À l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, les deux articles de la proposition de loi restent en discussion. Il semble cependant que les modifications apportées par l'Assemblée ne traduisent pas des divergences de fond insurmontables et qu'une solution de compromis devrait pouvoir être trouvée. C'est en tout cas mon souhait.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de loi relative à la restitution des restes humains crée un dispositif administratif dérogatoire à l'inaliénabilité, permettant la sortie du domaine public des restes humains et leur juste restitution aux États étrangers qui en font la demande, sous réserve d'un certain nombre de conditions qui m'apparaissent équilibrées.
Ce dispositif constitue, non pas une fin en soi, mais un instrument qui devra s'accompagner de moyens nécessaires à son déploiement. En outre, la proposition de loi ne résout pas la question ultramarine, même si elle permet d'entrainer une réflexion indispensable sur ce sujet.
J'ai échangé à plusieurs reprises avec ma collègue rapporteure, Mme Catherine Morin-Desailly, et nous avons pu avancer sur les points restant en discussion, que les débats à l'Assemblée ont particulièrement mis en lumière. Je souhaite la remercier ainsi que ses collègues pour le travail entrepris depuis de nombreuses années et mené sans relâche pour faire vivre ce sujet en vue d'y apporter une solution très attendue.
Nous vous soumettons aujourd'hui plusieurs propositions de rédaction. Elles visent essentiellement à clarifier le dispositif et à accroître l'information et le contrôle du Parlement ; j'y souscris pleinement.
En ce qui concerne la suppression de l'adjectif « mémorielles » pour qualifier les fins conditionnant la restitution, ma position est plus réservée, cette précision ayant été introduite par mes soins en commission. Toutefois, afin de contribuer à notre accord sur le texte, je suis prêt à accepter la suppression, d'autant que la rapporteure m'a assuré que les fins mémorielles étaient en réalité couvertes par l'adjectif « funéraire ».
Le texte qui vous est soumis nous semble complet et équilibré. Nous vous proposons de l'adopter en l'état, sans le modifier sur le fond.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Permettez-moi de vous remercier chaleureusement d'avoir salué, dans vos interventions respectives en première lecture, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, mon engagement sur le sujet de la restitution de restes humains. Il est vrai que, à titre personnel, tout a commencé avec la restitution de la tête maorie du Muséum de Rouen. La proposition de loi qui nous rassemble revêt une importance particulière en ce qu'elle s'inscrit dans une démarche de promotion de la dignité de la personne, de justice, de respect des cultures et d'apaisement des mémoires.
L'expérience que j'ai acquise à l'occasion de la restitution des têtes maories me conforte dans l'idée que ces restitutions doivent être perçues, non pas comme une fin ou comme une manière de se débarrasser d'un passé devenu encombrant, mais, au contraire, comme le début d'un nouveau cycle de dialogue interculturel et de coopérations, comme un moyen de se pencher à nouveau, de manière constructive, sur notre histoire partagée. J'en veux pour exemple la numérisation de la tête maorie que le Muséum de Rouen a réalisée avant qu'elle ne retourne en Nouvelle-Zélande, et qui nous permet, encore aujourd'hui, de raconter les coutumes maories au sein des collections océaniennes et le commerce barbare qui a, par la suite, entouré ces têtes. Raconter le passé et le questionner font partie intégrante du rôle d'un musée.
Si notre texte est sur le point d'aboutir, c'est aussi que nous avons su faire collectivement preuve de patience, de méthode et de prudence. C'est l'un des enseignements que je veux retenir. Cette proposition est le fruit d'une mûre réflexion, engagée sur l'initiative de notre ancien collègue Nicolas About à la suite de la restitution de la dépouille de Saartje Baartman, puis près de dix ans après, avec celle des têtes maories. Le travail de la Commission scientifique nationale des collections (CSNC), voulue par le législateur en 2009, a grandement contribué à définir des critères de restitution qui font consensus.
C'est un point essentiel, car il ne saurait être question, par ces lois-cadres, de faire voler en éclats le principe d'inaliénabilité des collections, auquel nous restons très attachés. S'il nous est loisible d'y déroger, il est essentiel que les dérogations que nous mettons en place soient à la fois justifiées et circonscrites.
Le Sénat se félicite des nombreuses précisions rédactionnelles que l'Assemblée nationale a apportées et qui ont permis de clarifier la rédaction du texte. Il comprend le souhait qui a été le vôtre de garantir davantage de réciprocité à l'égard de l'État demandeur dans la procédure de restitution. C'est la raison pour laquelle nous acceptons, par exemple, que la date glissante de 500 ans soit remplacée par la date butoir, plus lisible, de l'an 1500, ou encore que les analyses génétiques soient subordonnées à l'accord de l'État demandeur, dans la mesure où Christophe Marion m'a assurée que dans le cas où l'État demandeur refuserait ces analyses, il en résulterait une réduction du périmètre des échantillons susceptibles d'être restitués.
Le Sénat reste, en revanche, particulièrement soucieux de la transparence de la procédure de restitution et de la bonne prise en compte du travail conduit par le comité scientifique, après l'expérience malheureuse des crânes algériens.
Il souhaite également que les restitutions qui en résulteront obéissent à des finalités clairement circonscrites, afin de justifier les dérogations au principe d'inaliénabilité des collections. C'est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas pertinent d'élargir la faculté de restitution à la considération de fins mémorielles. Le terme « funéraire » répond déjà à cette préoccupation, sans ouvrir non plus la voie à une infinité de possibilités d'usages qui pourraient faire perdre toute portée au principe d'inaliénabilité.
Plusieurs groupes se sont abstenus lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Christophe Marion et moi-même vous proposons un certain nombre de propositions de rédaction qui, je l'espère, répondront aux préoccupations que vous avez exprimées.
Dans la limite de ce qu'il nous était possible de vous proposer à ce stade de la navette, nous nous sommes efforcés de renforcer la transparence de la procédure de restitution et de donner au Parlement les moyens de la contrôler d'une manière qui ne soit pas exclusivement a posteriori. Ces dispositions nous paraissent d'autant plus importantes que le Gouvernement a annoncé le dépôt à venir de la troisième loi-cadre relative à la restitution de biens culturels appartenant aux collections publiques.
Le Sénat est particulièrement sensible à l'enjeu de la restitution aux territoires d'outre-mer de restes humains. Le premier texte que nous avions voté en janvier 2022, relatif à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, essayait d'ailleurs de traiter cette question. Il n'a pas prospéré, faute d'un accord du Gouvernement.
Avec mes collègues, nous n'avons eu connaissance de la requête guyanaise qu'une semaine avant le passage du présent texte en séance. Le seul moyen d'en tenir compte dans le délai imparti, et eu égard à l'impossibilité de transposer en l'espèce la procédure d'État à État, était cette demande de rapport. J'ai rencontré hier le ministre délégué chargé des outre-mer. Son ministère et celui de la culture ont noué contact et sont conscients de l'enjeu. Nous sommes convenus d'organiser une réunion au ministère au début de l'année prochaine, en y associant les délégations aux outre-mer de chacune de nos assemblées, afin d'approfondir la réflexion et d'identifier le plus rapidement possible une solution qui soit à la fois pertinente, globale et pérenne.
La présente proposition de loi est une amorce. Avec elle, le législateur fait sa part en levant les obstacles juridiques qui pèsent sur les restitutions de restes humains. Comme l'a indiqué Christophe Marion, il appartient de son côté au Gouvernement de donner à nos musées les moyens de mettre au jour les provenances, les origines et les identités des restes humains conservés dans nos collections.
Mme Annie Genevard, députée. - Lors d'une précédente CMP sur la loi-cadre concernant les biens des juifs spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale, j'avais déjà exprimé les très vives réserves que je nourris à l'égard de la procédure de la loi-cadre. Ces réserves ne sont pas tombées. Elles ont même tendance à se renforcer d'un texte-cadre à l'autre. La perspective d'avoir à examiner une nouvelle loi-cadre telle que Mme la ministre de la culture nous l'a annoncée ne laisse pas de m'inquiéter.
Peut-être y verrez-vous une forme de détermination. Je voudrais en expliquer les origines.
J'ai suivi des études d'histoire de l'art afin de devenir conservateur de musée, j'ai travaillé dans des musées, y compris dans de grandes institutions. Dans mes études, le principe du caractère inaliénable des oeuvres était une espèce de totem absolu.
Comprenez-moi bien. Il ne s'agit pas de revenir sur le bien-fondé de restituer les biens spoliés aux juifs ou de restituer des restes humains, eu égard à la dignité qui s'attache à la nature même de ce que nous restituons. Mon propos porte sur le principe de la loi-cadre, d'application très générale. Ce qui me pose également problème tient à ce que, en dépit des modifications que vous avez opérées sur le texte, le Parlement soit écarté de la décision de la restitution. Nous donnons en quelque sorte un blanc-seing à l'exécutif ainsi qu'à un comité scientifique pour exercer, non pas en notre nom, mais à notre place, ce qui était jusqu'alors notre prérogative. La sortie d'un bien du domaine public relève de la compétence de la loi et des parlementaires.
Permettez-moi de vous lire un passage d'un document que je tiens à votre disposition. Il s'agit d'un éditorial paru en 2019 dans le numéro 203 de La Revue de l'art, intitulé « De l'inaliénabilité à l'aliénation »: « L'inaliénabilité des collections publiques françaises dans leur ensemble, inaliénabilité sur laquelle il ne faudrait revenir que dans quelques cas exceptionnels et motivés, selon les voies permises actuellement par le code du patrimoine, apparaît en définitive comme un de ces principes intangibles dont une mise en cause plus générale [...] pourrait avoir des conséquences irréparables dans toutes nos institutions patrimoniales et aboutirait en définitive, à un appauvrissement non seulement matériel, mais aussi idéologique, de la Nation tout entière. »
Voilà résumée la position qui est la mienne. Et c'est la raison pour laquelle je vous proposerai des amendements visant à associer le Parlement à la procédure de restitution, autrement que par une simple information.
Je ne peux donc approuver le texte en l'état, en dépit de la qualité du travail qui l'a sous-tendu. Mon abstention a valeur d'alerte. Il n'est pas acceptable, après deux lois-cadres, que se dessine la perspective d'un texte encore plus général - il n'inclura pas les objets ultramarins, qui nécessitent un texte spécifique -, à l'objet moins circonscrit qu'il ne l'est dans les textes existants. Jamais un tel texte n'obtiendra mon approbation. Je mènerai une campagne active pour en empêcher l'adoption, car je considère qu'il remet en cause un principe fondamental en matière de protection du patrimoine.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur. - Je m'exprimerai comme archéologue et, à mon tour, comme ancien conservateur du patrimoine.
Pendant longtemps, les conservateurs ont vécu dans le déni. Ils accumulaient des quantités très importantes de vestiges humains dans les collections qu'ils exposaient. À partir des années 1980-1990, ils ont considéré que ce n'était plus acceptable. Ces vestiges ont alors migré vers les réserves où ils se trouvent toujours. André Delpuech, qui dirigeait le Musée de l'Homme, estimait le nombre de ces ossements à plusieurs milliers. Les collections de ce musée comprennent des choses effroyables, par exemple des crânes d'Arméniennes victimes du génocide perpétré à partir de 1915, qu'un militaire français avait recueilli à Deir ez-Zor. Comment peut-on imaginer qu'un musée détienne encore de tels restes humains dans ses armoires fortes ? La prise de conscience des conservateurs doit beaucoup à l'initiative de Catherine Morin-Desailly.
Nous faisons désormais face à des demandes multiples de restitutions de la part d'États. L'ambassadrice d'Australie en France, que nous avons rencontrée, relaie par exemple la demande très forte de la communauté aborigène en faveur du rapatriement des restes d'aborigènes. Vous savez combien ce dossier est politiquement sensible actuellement.
On peut considérer qu'il est possible d'agir comme par le passé et solliciter le Parlement afin qu'il adopte des lois d'espèce. Mais alors, avec des milliers de restes humains dans nos collections muséales, nous en aurons pour plusieurs décennies, voire un siècle...
On peut agir plutôt en référence à une pensée humaniste et universelle, qui considère que la dignité de l'homme se prolonge au-delà de la mort et qu'elle concerne également les restes humains.
Il a fallu, avec cette proposition de loi, trouver une solution qui autorise une restitution transparente, aisée et rapide. Des communautés attendent déjà depuis trente ou quarante ans certaines restitutions. Nous ne pouvons les faire attendre de manière indéfinie. Que leur dirons-nous, si nous ne mettons en place des procédures plus rapides ?
Le latiniste que je suis encore occasionnellement se le rappelle, « funéraire » renvoie au funus, c'est-à-dire à un rituel romain qui célébrait autant le corps du défunt que sa mémoire. Dans le rituel romain, la mémoire occupait une place importante. Dans cet esprit, le mot « funéraire » contenu dans la loi a une portée extrêmement vaste.
M. Bastien Lachaud, député. - Je me retrouve embarrassé. D'un côté, je souscris pleinement aux propos du sénateur Pierre Ouzoulias, car, en effet, la dignité humaine s'étend au-delà de la mort ; nul ne songerait à le contester et nous ne pouvons que saluer la volonté d'avancer dans le sens d'une facilitation des restitutions de restes humains, comme nous l'avions fait avec les biens spoliés aux juifs au cours de la dernière guerre mondiale. D'un autre côté, je n'ai pas un mot à retrancher aux propos de ma collègue Annie Genevard, en dépit des divergences de nos positions politiques respectives. Cela montre que le sujet n'est peut-être pas aussi simple qu'il y paraît.
Évidemment, il faut restituer et le faire rapidement. Mais comment, nous parlementaires, pouvons-nous accepter de céder à l'exécutif une part supplémentaire de notre pouvoir ? Le régime de la Ve République ne nous laisse déjà pas beaucoup de latitude. Lorsque je suis intervenu dans la discussion générale sur ce texte à l'Assemblée nationale, nous en étions au dix-septième recours à l'article 49 ; alinéa 3 de la Constitution sur les questions budgétaires. À ce jour, nous avons atteint le vingtième. Nous savons ce qu'est de voir passer des budgets sans les voter, alors que ce vote constitue la base même de la fonction parlementaire...
Il s'agit donc de trouver une solution qui concilie la nécessaire restitution, son indispensable rapidité, avec la nécessité de conserver au Parlement ses prérogatives. Les amendements présentés par Mme Annie Genevard, qui reprennent une suggestion que j'avais faite au rapporteur en séance, allient les deux exigences. Il y est question d'un vote simple du Parlement, analogue à celui qui prévaut lorsque nous ratifions des traités internationaux. La procédure peut en être très rapide. Cette solution pourrait nous conduire à une belle unanimité sur un texte qui la mérite.
M. Max Brisson, sénateur. - Ce que nous avons proposé avec Catherine Morin-Desailly et Pierre Ouzoulias est incontestablement le fruit d'une longue maturation, un travail que nous avons repris à la suite des sénateurs qui nous avaient précédés. Le sujet doit être abordé avec la plus grande précaution.
Pour des raisons d'histoire et de dignité, les textes relatifs aux biens des juifs spoliés et aux restes humains font l'objet d'un large consensus, bien que l'on puisse encore discuter de leurs modalités d'application. Je comprends les propos d'Annie Genevard et en mesure la sincérité.
Le Gouvernement évoque un triptyque et souhaite un troisième texte. Celui-ci s'inscrirait dans le prolongement de nos travaux au Sénat, où nous avons fait voter, non sans ferrailler avec le Gouvernement qui lui était hostile, une proposition de loi, dont Catherine Morin-Desailly était la rapporteure, fixant un cadre juridique à la restitution des oeuvres d'art.
Je me suis forgé une conviction : mieux vaut une loi-cadre, à condition qu'elle fixe fermement des garde-fous et des lignes à ne pas franchir, que des lois d'espèce telles que celles que nous avons connues au cours du quinquennat précédent, qui ne faisaient que régulariser des restitutions déjà négociées, en particulier avec des États africains, et non nécessairement dans un esprit d'histoire partagée, mais selon une pratique du fait du prince.
Partager une histoire suppose d'identifier le parcours des objets, d'en rappeler le contexte de l'acquisition, une coopération, une volonté de circulation des oeuvres d'art et de dialogue des cultures, ce que le président Chirac portait très haut et qui a motivé la création du musée du quai Branly. Il s'agit de fixer une méthode, car c'est son absence qui génère les polémiques.
Le Président de la République a pu sembler, à un certain moment, donner crédit à des positions qui ne sont pas partagées sur les travées du Sénat, bien au-delà de mon groupe politique. Nous ne saurions souscrire à une vision en quelque sorte déconstruite de l'histoire de notre pays et de son rapport avec les autres pays. Laissons cette approche à d'autres. Ici, nous avons fait le choix d'une coopération résolue.
Annie Genevard a mis en évidence la question du rôle et de la place du Parlement. Cette question est d'autant plus aiguë que le principe d'inaliénabilité confié au Parlement remonte aux grandes lois de la Révolution française, qui ont fondé et porté notre République jusqu'à nos jours. Le principe d'inaliénabilité renvoie aussi à l'universalisme de nos musées. Nous ne pouvons le passer par pertes et profits. Il revient au Parlement seul de décider de faire sortir des collections publiques des biens qui s'y trouvent. Je prends donc l'intervention et les amendements d'Annie Genevard, ainsi qu'elle le suggérait, comme une alerte.
Je suis personnellement engagé dans le texte que nous examinons et j'approuve les travaux de nos rapporteurs. Il est évident que, dans un troisième texte, la place du Parlement sera pour nous essentielle, à côté de celle du comité scientifique que nous avions, au Sénat, souhaitée. Il faudra éviter que, dans la procédure de restitution, le dialogue ne se réduise aux scientifiques et à l'exécutif. Telle sera la condition pour que le consensus perdure.
Mme Caroline Parmentier, députée. - Le fait du prince me semble la juste expression pour définir ce qui a présidé à la restitution de restes humains jusqu'à ce jour. Je salue les avancées de cette proposition de loi utile et juste, qui constitue une forme de réparation et tire les leçons d'une réflexion éthique sur le statut des corps humains post mortem.
J'attire votre attention sur deux points. Le premier concerne les demandes de restitution qui doivent émaner d'un État, ce qui exclut les demandes, pourtant fondées, des territoires ultramarins ; j'avais proposé, en séance publique, une extension du texte allant dans ce sens.
Le second point concerne l'emploi du terme « mémorielles », qui me semble peu clair et risque de conduire à la restitution de restes humains ne relevant pas exclusivement de fins funéraires ; j'avais proposé en séance un amendement afin de supprimer ce mot, et vous le proposez également à l'occasion de cette CMP.
M. Adel Ziane, sénateur. - Ces questions dont nous parlons, qui à la fin du XXe siècle ne se posaient pas, ont suscité une prise de conscience des musées au cours de ces dernières années. Les conservateurs, qui ne sont pas étanches aux débats de société, sont aujourd'hui plus sensibles et plus ouverts à ces problématiques liées au caractère inaliénable des oeuvres.
Dans le cadre de nos coopérations internationales, nous observons une réappropriation des enjeux patrimoniaux par nos partenaires. M. Ouzoulias a évoqué le cas de restes humains acquis ou collectés sur des champs de bataille ; les professionnels des musées expriment aujourd'hui le besoin d'un cadre. Ces derniers attendent de l'État que celui-ci leur indique un chemin et précise une méthode permettant de répondre à ces demandes susceptibles d'émerger du jour au lendemain.
Au sujet des collections nationales, je défends l'idée du caractère inaliénable des oeuvres. Mais encore faut-il s'interroger sur la manière dont ces oeuvres sont rentrées dans les collections nationales à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, et dont elles sont devenues aujourd'hui des biens publics, appartenant aux citoyens. Les musées réfléchissent à la trajectoire de ces acquisitions et s'interrogent sur la manière de répondre aux demandes. Le caractère universel des propositions et les éléments d'information précisés dans le texte sécurisent notre pays par rapport à ces demandes internationales. La France s'honorerait à apporter une réponse globale.
Nous avons adopté la loi concernant les biens culturels spoliés aux familles juives entre 1933 et 1945. Aujourd'hui, M. David Zivie est responsable d'une mission qui dispose de moyens importants pour mener des travaux de recherche sur la généalogie, les ayants droit et la provenance. De même, il sera primordial que des moyens soient mis à la disposition des personnes qui travailleront sur ces questions.
M. Bertrand Sorre, député. - Ce texte est le fruit d'un long travail. La précision des réponses apportées par les deux rapporteurs, lors des commissions et des séances publiques, a permis de lever de nombreux doutes.
Le terme « funéraires » recouvre bien celui de « mémorielles », et la rédaction conjointe des rapporteurs doit pouvoir convenir à une majorité d'entre nous.
Sur un tel sujet, nous ne pouvons pas nous contenter de lois d'espèce, très longues à faire adopter et sources permanentes d'insatisfaction tant pour les conservateurs que pour les pays demandeurs. Cette loi-cadre contribue à ce que notre pays rattrape son immense retard. Elle pose un cadre juridique clair, permettant de répondre plus rapidement et plus précisément aux demandes de restitutions légitimes de ces pays étrangers. Elle permettra également de renforcer les coopérations, notamment scientifiques, avec les pays concernés. Enfin, nous serons très attentifs à ce que le sujet ultramarin trouve des réponses satisfaisantes.
Mme Béatrice Gosselin, sénatrice. - Il a fallu attendre plus de quatre-vingts ans avant de nous intéresser aux biens culturels spoliés aux familles juives. Dans le cas présent, très différent, il fallait une autre loi-cadre. Il est temps de rendre à ces peuples les biens appartenant à leur histoire. Le travail scientifique étant réalisé, il nous revient désormais d'agir pour que ces dispositions soient effectives le plus tôt possible.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Pour répondre à M. Lachaud, je n'ai absolument pas l'impression, en proposant ce texte avec mes collègues, de me départir d'un pouvoir de décision. Nous résolvons un conflit entre deux lois : la loi sur l'inaliénabilité des collections, à laquelle nous sommes très attachés, et celle sur la bioéthique, précisant que le corps ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial.
Ce conflit entre les deux lois a provoqué un imbroglio, qui a duré plus de trois ans, autour de la question des têtes maories. Je vous invite, mes chers collègues, à regarder les débats qui ont présidé à la décision du tribunal administratif de Douai, après que la ville de Rouen a souhaité rendre sa tête maorie à la Nouvelle-Zélande ; les juges ont indiqué qu'il leur était impossible de statuer en raison d'un vide juridique. À l'époque, on parlait de restes humains dits « sensibles », et non de tous les restes humains ; d'où notre proposition de précision concernant l'intitulé du texte de loi : il s'agit de restes humains collectés dans des conditions indignes, inhumaines, lorsque des actes de barbarie ont été commis afin de constituer des pièces de musée et de les transformer en objets patrimoniaux.
Le champ de la proposition de loi est donc circonscrit. Nous apportons une solution à ce conflit entre les deux textes de loi, en précisant la nature de ces restes humains. Si nous en revenions à des lois successives, le questionnement serait sans fin. Depuis dix ans, je note également une prise de conscience des musées, à l'image de ce qui se passe également dans le monde, à l'Unesco notamment. Les musées se sont débarrassés d'une forme d'omerta concernant ces restes humains, dont ils avaient un peu honte - ces restes n'étaient d'ailleurs pas toujours bien conservés.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
Intitulé de la proposition de loi
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction no 1 apporte une clarification rédactionnelle à l'intitulé de la proposition de loi. En mentionnant « la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques », l'intitulé initial pourrait donner, à tort, le sentiment que le texte vise à restituer l'ensemble des restes humains conservés dans nos collections. Or tel n'est pas l'objet du texte, qui rend certes possibles de telles restitutions, mais définit les conditions dans lesquelles elles peuvent être prononcées ; d'où le remplacement du terme « des » par le terme « de ». Les reliques et les ossements archéologiques d'avant l'an 1500, date qui borne l'exercice, ne sont pas concernés.
Pour la communauté scientifique, cette faculté de restitution ne doit pas être interprétée comme un moyen systématique de jeter l'opprobre sur l'existence même de ces collections de restes humains. Elles sont certes sensibles, mais ont toute leur place dans les musées, dans la mesure où elles permettent de nourrir la connaissance et la réflexion des visiteurs qui y sont confrontés. L'enjeu reste celui de la gestion éthique de ces collections, et non leur remise en cause.
La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.
Avant l'article 1er
Mme Annie Genevard, députée. - Ma proposition de rédaction no 8 vise à créer une délégation parlementaire pour la détermination des conditions de sortie des restes humains appartenant au domaine public. Cette délégation parlementaire serait saisie chaque fois qu'il serait question d'une sortie des biens du domaine public.
Il existe, par exemple, entre autres, une délégation consacrée à l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, une délégation parlementaire au renseignement et une délégation aux outre-mer. Le principe de la délégation n'est donc pas nouveau ; je lui accorde un champ supplémentaire, celui de la restitution - en l'espèce : des restes humains.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - La valeur ajoutée de cette délégation parlementaire ne me semble pas évidente. Souvent, nos commissions déplorent que les délégations usent de leur propre pouvoir de contrôle et d'évaluation. Ce rôle peut être assumé par les commissions des deux assemblées amenées à se réunir régulièrement. Par ailleurs, la création d'une délégation supplémentaire est limitée par les règlements intérieurs de nos deux assemblées ; cela mobiliserait des ressources et des moyens dont nous disposons déjà au sein de nos commissions. Mon avis est défavorable.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur. - Madame Genevard, vous proposez de créer une délégation interparlementaire avec pour objectif de lui donner « le pouvoir de s'assurer que les décisions de restitution sont prises de manière éthique et équilibrée ». Vous considérez donc que la décision relève de l'exécutif. Votre rédaction ne précise pas non plus si le Parlement doit donner un avis conforme ou pas. Dans la négative, l'exécutif pourrait continuer le processus de restitution, ce qui n'est pas cohérent avec votre position sur la reprise en main du Parlement.
Mme Annie Genevard, députée. - Ma proposition de rédaction no 9 précise, dans l'article 1er, le rôle de cette délégation. Ainsi est-il envisagé qu'elle émette un avis favorable sur la restitution des restes humains.
La proposition de rédaction n° 8 de Mme Annie Genevard n'est pas adoptée.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Dans mon propos liminaire, j'ai présenté l'enjeu de la proposition commune de rédaction no 2, identique à la proposition de rédaction no 12 de Mme Annie Genevard. Le Sénat n'est pas favorable à l'élargissement de la faculté de restitution à des fins mémorielles pour plusieurs raisons.
Il s'avère d'abord que la France n'a jamais reçu de demande de restitution de restes humains pour d'autres motifs que des fins funéraires. Ensuite, ce terme paraît redondant avec le terme de funéraire. Le dictionnaire de l'Académie française, dans son édition actuelle, définit l'adjectif funéraire comme ce qui est lié au souvenir d'une personne. De même, Le Robert le définit comme tout élément qui concerne le culte des morts et l'hommage rendu aux morts. On ne peut pas considérer que les fins funéraires réduisent les restitutions au seul but d'inhumation ou d'incinération ; ces deux mots ne sont d'ailleurs pas prononcés dans les définitions.
J'en veux pour preuve le fait que les têtes maories, lorsqu'elles ont été restituées, ont été déposées au musée Te Papa, dans une salle spéciale, qui n'est pas accessible au public et qui constitue un mémorial, en attendant qu'elles soient identifiées pour être rendues à leur communauté d'origine ; ces communautés les traiteront ensuite à leur manière, selon les cultes dus aux morts dans leur tradition. Les fins funéraires ouvrent déjà la voie à d'autres possibilités que la seule inhumation ou incinération.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, certains ont pu s'inquiéter que ces restitutions empêchent l'évocation de l'histoire, notamment dans nos musées. Je tenais à vous rassurer : la restitution des têtes maories a, au contraire, suscité davantage d'expositions et de dialogues partagés.
Enfin, le terme « mémorielles » ne nous paraît pas assez précis. Comme l'a souligné mon collègue rapporteur de l'Assemblée nationale dans son intervention en séance publique, il recouvre une infinité de possibilités d'usage. N'oublions pas que le texte met en place une dérogation au principe d'inaliénabilité des collections. Il est important que la motivation soit suffisamment forte pour justifier cette dérogation, mais aussi qu'elle soit suffisamment précise pour que le législateur ne soit pas taxé d'incompétence négative en se dessaisissant à l'avenir de sa compétence pour lever le principe d'inaliénabilité.
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.
Mme Annie Genevard, députée. - Ma proposition de rédaction no 11 prévoit d'ajouter, après le mot « demandeur », les termes suivants : « associant les parlements respectifs ».
La proposition de rédaction n° 11 de Mme Annie Genevard n'est pas adoptée.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction de rédaction no 3 prévoit d'insérer la phrase suivante : « Le Gouvernement informe les commissions permanentes chargées de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat de la création d'un tel comité et de sa composition. »
Afin de répondre aux inquiétudes d'un certain nombre de parlementaires s'interrogeant sur le rôle du Parlement dans le cadre de ces restitutions, il nous a paru important d'ajouter dans la loi que les parlementaires seraient informés de la constitution des comités scientifiques. De la sorte, ils pourront, s'ils le souhaitent, conduire des auditions de leurs membres au sein des commissions chargées de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat, de manière à réaliser un travail de contrôle.
M. Bastien Lachaud, député. - Je crains que l'on ne confonde l'information au Parlement et le contrôle parlementaire. Plus le Parlement est informé, mieux la démocratie se porte. Mais, une fois celui-ci informé, où se situe la dimension de contrôle ? Si le Parlement n'est pas satisfait, que peut-il faire ?
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les auditions peuvent être l'occasion d'interpeller le Gouvernement, de même qu'une question d'actualité au Gouvernement dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Il est également possible de s'adresser à l'opinion publique. Il existe de multiples manières de s'exprimer, sans que cela passe nécessairement par un vote.
M. Max Brisson, sénateur. - Je me réjouis de cet ajout proposé. En informant les deux commissions du Parlement, on assure la publicité de la procédure du début à la fin. À l'occasion des lois d'espèce, nous avons eu le sentiment qu'avant l'arrivée des textes en commission, puis en séance publique, un dialogue exclusif avait eu lieu entre le pouvoir exécutif et l'État demandeur. Cette information permet de renouer avec la capacité d'agir du Parlement, et favorise la publicité.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur. - La mission de contrôle du Parlement est constitutionnelle ; elle n'a pas besoin de la loi pour être affirmée. Lorsque la commission de la culture du Sénat s'est saisie de la question des crânes algériens, il est apparu que, parmi ces crânes restitués, certains appartenaient non pas à des résistants algériens, mais à des soldats de l'armée coloniale ; le travail de vérification de la commission de la culture du Sénat a permis de le démontrer. Nous pouvons réaliser notre mission de contrôle quand nous le voulons, nul besoin d'une loi.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Nous avons souhaité que le Parlement soit informé du début jusqu'à la fin de la procédure, afin qu'il puisse exercer son rôle constitutionnel de contrôle. À chaque demande émise, les commissions de la culture du Parlement doivent être informées. Ensuite, le comité scientifique nous remettra son rapport, et un bilan sera également dressé a posteriori. Cette procédure est préférable à celle qui prévaut : par le biais d'une procédure de dépôt, les crânes algériens ont été restitués à l'Algérie avant que nous ne puissions assumer notre mission de contrôle, et avant même que le comité scientifique n'ait eu le temps de terminer son travail. Notre proposition de loi permettra d'éviter ces détournements de procédure et les erreurs de restitution qui en découlent.
Mme Annie Genevard, députée. - Actuellement, pour sortir un bien d'une collection publique, il faut en passer par une loi. Avec cette loi-cadre, le Parlement s'en remet à l'avis d'un comité scientifique, nommé sur proposition de l'exécutif. La création de ce comité scientifique est certes une bonne chose, mais nous passons d'un système où le Parlement est décisionnaire à un système où il est seulement informé. Le poids cumulé du comité scientifique et du pouvoir exécutif sera déterminant. À aucun moment, le Parlement ne valide une décision, alors que, jusqu'à présent, cela relevait de ses prérogatives.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Jusqu'à présent, nous donnions un blanc-seing à des situations décidées au préalable, via des procédures détournées. N'oublions pas que le Conseil d'État exercera désormais lui aussi un rôle de contrôle. Par ailleurs, nous avons toujours la possibilité de lancer des missions de contrôle.
Mme Annie Genevard, députée. - Vous évoquez beaucoup le traumatisme des expériences passées, ainsi que la nature des biens restitués par cette loi-cadre. Personne ne trouve à redire à la dignité attachée au corps humain qui commande de restituer ces restes pour leur donner une sépulture, avec les rites qui s'y attachent ; et je suis, comme vous madame la rapporteure, tout à fait hostile à ces restitutions déguisées sous la forme de prêts prolongés. Le seul sujet concerne la préservation du pouvoir parlementaire.
M. Max Brisson, sénateur. - Le débat porté par Mme Genevard est noble, et nous n'y échapperons pas lors de l'examen du troisième texte. Un accord devra être trouvé, en tenant compte des positions des uns et des autres.
J'ai très mal vécu une nuit dans l'hémicycle, en présence de la ministre de la culture, alors que nous débattions de la restitution du trésor du roi Béhanzin. Au même moment, un avion décollait de l'aéroport du Bourget afin de restituer le dais de la reine de Madagascar. On peut se demander si l'avion n'a pas survolé le jardin du Luxembourg en forme d'humiliation absolue...
M. Bastien Lachaud, député. - Pour vous prémunir de semblable humiliation, vous acceptez de renoncer à votre pouvoir plutôt que de réfléchir à une manière de l'organiser. Aujourd'hui, un vote du Parlement est nécessaire, alors que demain ce dernier sera seulement informé. Vous ne pouvez pas nier, madame la rapporteure, que cette proposition de loi entérine le renoncement à un pouvoir. Et le contrôle que nous exercerons n'y changera rien ; si l'exécutif a décidé de restituer, il le fera. En votant cette loi-cadre, nous remettons en question un principe d'inaliénabilité.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nos débats concernant le rôle du Parlement seraient, à mon avis, très mal perçus par les communautés étrangères qui attendent aujourd'hui la restitution des restes de leurs ancêtres, notamment ceux qui ont été exposés dans les zoos humains au XXe siècle. Il est beaucoup question de dignité dans ce texte ; sans doute devrions-nous en avoir davantage, afin d'éviter certains débats.
M. Max Brisson, sénateur. - Si nous n'examinions que ce texte sur les restes humains, le débat n'aurait pas lieu. Le Gouvernement a fixé un calendrier et, si mes informations sont bonnes, il compte même l'accélérer. Cela explique notre débat du jour, qui anticipe le troisième texte dont nous devrions être saisis.
Mme Annie Genevard, députée. - Monsieur le rapporteur, je ne peux pas admettre, au regard de la nature des biens dont il est question, qu'il soit indigne de débattre de l'inaliénabilité des collections publiques. Si nos deux heures de discussion sont indignes, alors j'ignore à quoi nous servons. La question du rôle du Parlement est parfaitement légitime. Monsieur le rapporteur, j'ose espérer que vos propos ont dépassé votre pensée, car j'attache la même importance que vous à la dignité du corps humain et à la nécessité d'en restituer les restes.
M. Laurent Lafon, sénateur, président. - Nous travaillons actuellement sur le texte concernant la restitution des restes humains, même si nous pouvons avoir un autre texte à l'esprit. Le cadre de la CMP ne doit pas vous inciter à refaire le débat.
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction no 4 prévoit d'ajouter les commissions permanentes chargées de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat comme destinataires du rapport détaillant les travaux conduits et fixant la liste des restes humains établie par le comité scientifique, de manière que les parlementaires aient accès au même niveau d'information que le pouvoir exécutif et l'État demandeur.
La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.
M. Laurent Lafon, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 9 de Mme Annie Genevard est devenue sans objet du fait du rejet de la proposition de rédaction n° 8.
Mme Annie Genevard, députée. - Nous sommes amenés à voter pour ratifier des traités ; ceux-ci ne sont ni débattus ni amendés, mais ils doivent être ratifiés par le Parlement. Avec cette proposition de rédaction, la sortie du domaine public ne pourrait être prononcée qu'après le vote du Parlement. Tel est l'objet de la proposition de rédaction n° 10.
La proposition de rédaction n° 10 de Mme Annie Genevard n'est pas adoptée.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction no 5 permet au Parlement de comprendre les raisons qui auraient pu conduire le Gouvernement à s'écarter des conclusions du rapport du comité scientifique au moment de la restitution. L'objectif est de valoriser le rôle du comité scientifique et de donner au législateur les moyens de contrôler la motivation de la décision de restitution.
M. Bastien Lachaud, député. - Madame la rapporteure, vous assumez donc que l'exécutif puisse prendre une décision de restitution, et donc de sortie du domaine public, en dehors du cadre déterminé par le comité scientifique. Les humiliations que vous avez décrites continueront d'exister, nous serons éclairés seulement a posteriori. Cette rédaction est beaucoup plus inquiétante encore !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Vous oubliez toujours le rôle du Conseil d'État. Sur ces questions de procédure, je vous invite à relire le texte.
La proposition commune de rédaction n° 5 des rapporteurs est adoptée.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction no 6 prévoit de rédiger ainsi la fin de l'alinéa 24 : « Lorsque l'instruction de ces demandes a donné lieu à la création d'un comité scientifique en application de l'article L. 115-7 du même code, le rapport de ce comité est joint. » En cas de refus de restitution, cet ajout permettra que soit joint au rapport annuel au Parlement le rapport du comité scientifique. Cela garantira que les élus puissent déterminer si le refus tient à des causes scientifiques, comme, par exemple, l'impossibilité d'une identification, ou à d'autres motifs, et d'interroger le Gouvernement sur ce sujet.
Mme Annie Genevard, députée. - Je m'interroge sur la formulation ; il n'est pas question ici de la création du comité scientifique, mais du rapport émis par ce dernier.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Je vous renvoie à l'article L. 115-7 : « Lors d'une demande de restitution de restes humains dont l'identification est incertaine, un comité scientifique est créé de façon concertée avec l'État demandeur. »
Mme Annie Genevard, députée. - Ce n'est pas le sujet. Il est indiqué que l'instruction de ces demandes ayant donné lieu à la création d'un comité scientifique, le rapport de ce dernier est joint ; en fait, le comité scientifique est d'abord créé, puis saisi.
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Ce n'est pas toujours le cas. Si aucun problème n'apparaît concernant l'identification des restes humains, aucun comité scientifique ne sera constitué. Pour rappel, la création de ce comité n'est pas obligatoire et dépend des doutes qui peuvent subsister sur la nature des restes humains demandés.
Mme Annie Genevard, députée. - À chaque loi correspond donc la création d'un comité scientifique ad hoc ?
M. Christophe Marion, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pour chaque restitution, en cas de besoin, un comité scientifique spécifique est créé.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Selon la spécificité des restes humains en question, on fera appel à certains experts plutôt que d'autres.
M. Laurent Lafon, sénateur, président. - La précision est utile à la compréhension du texte.
La proposition commune de rédaction n° 6 des rapporteurs est adoptée.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Toujours dans le souci de donner au Parlement la possibilité d'assurer un meilleur suivi des procédures de restitution, la proposition commune de rédaction no 7 prévoit une information automatique du Parlement par le Gouvernement, dès que des demandes de restitution portant sur des restes humains lui parviennent.
La proposition commune de rédaction n° 7 des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Max Brisson, sénateur. - Nos débats n'ont pas été inutiles, et je souhaite que l'on parvienne à un accord. Il n'est pas simple de rompre avec cet absolu, certes malmené, qui donnait depuis 1793 à la représentation nationale le pouvoir exclusif de mettre fin à l'inaliénabilité d'un bien dans des collections publiques. Je mesure que nous avons encore du chemin à parcourir ; en effet, le fait d'informer le Parlement ne suffit pas à rencontrer le consensus nécessaire sur ces sujets.
Dans les autres pays d'Europe, ces débats avancent. Nous avons tout intérêt à les mener ici, en étant forts de notre histoire et de ce qui constitue la spécificité française concernant l'universalisme de nos musées et la question de l'inaliénabilité. Il s'agit de construire un cadre assurant la possibilité au Parlement de donner son avis tout au long de la procédure ; en cela, cette CMP, fort utile, nous a permis de préparer la suite.
Mme Annie Genevard, députée. - Notre débat a le mérite de soulever un certain nombre de questions. Prochainement, nous allons nous retrouver pour évoquer d'autres lois portant sur des restitutions d'oeuvres d'art ; la ministre a indiqué vouloir avancer à marche rapide. Nous saurons tirer profit des échanges qui ont animé notre débat aujourd'hui, afin d'enrichir notre réflexion dans le sens que j'appelle de mes voeux, à savoir le respect du Parlement.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour le Sénat. - Avec mon collègue rapporteur de l'Assemblée nationale, nous avons essayé de construire un consensus. Cela nécessite du temps et de la réflexion. Dans la perspective d'un troisième texte, nous devrons mener beaucoup de travaux et d'auditions.
Je me réjouis que la France puisse avancer sur ces questions. Comme je l'avais évoqué en 2009 dans cadre de la loi sur la restitution des têtes maories, il convient de s'emparer lucidement de ces sujets qui interrogent notre histoire, non pas dans un sens de repentance, mais de vérité historique. Mieux vaut légiférer et bien cadrer les choses, plutôt que de procéder à des lois de contournement.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.
M. Laurent Lafon, sénateur, président. - Le texte sera examiné par l'Assemblée nationale le 12 décembre, et sera soumis au Sénat le 18 décembre en fin d'après-midi.
La réunion est close à 18 h 15.
- Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat -
La réunion est ouverte à 18 h 50.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP se réunit au Sénat le mercredi 6 décembre 2023.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Didier Mandelli, sénateur, président, de M. Jean-Marc Zulesi, député, vice-président, de M. Franck Dhersin, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Bruno Millienne, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Didier Mandelli, sénateur, président. - J'ai le plaisir de vous accueillir au Sénat pour la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Cette proposition de loi a été déposée le 29 septembre dernier par notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui est ici présent. Elle comporte huit articles, qui visent à apporter des solutions concrètes aux difficultés opérationnelles et techniques rencontrées dans le cadre du processus d'ouverture à la concurrence, tout en confortant les garanties sociales des personnels transférés aux nouveaux opérateurs. Le travail de nos deux assemblées a permis d'améliorer le texte, dans l'intérêt des voyageurs, du service et des salariés.
Les articles 4 et 8 ayant été adoptés conformes, notre discussion se concentrera sur les six autres articles.
Je souhaite remercier les sénateurs et les députés qui se sont investis pour apporter des solutions aux défis inédits que le processus d'ouverture à la concurrence a soulevés et que la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) ne pouvait anticiper. Je pense notamment à la crise sanitaire, aux difficultés de recrutement ou encore à l'évolution rapide des habitudes des voyageurs. Les rapporteurs, dont l'expertise s'est forgée au cours des auditions et des échanges menés avec les acteurs, présenteront plus en détail ces enjeux.
Enfin, je souhaite faire part de ma sincère émotion, en tant qu'ancien rapporteur de la LOM, de présider cette CMP aux côtés de celui qui a été rapporteur sur le même texte pour l'Assemblée nationale.
M. Jean-Marc Zulesi, député, vice-président. - Je me réjouis de l'initiative du sénateur Vincent Capo-Canellas, qui s'inscrit dans une démarche également engagée à l'Assemblée nationale. En effet, notre commission avait examiné une proposition de loi, déposée par le député Stéphane Peu, qui partait d'un constat similaire : le processus d'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien, entamé il y a près de quinze ans, mérite d'être adapté et amélioré, dans le respect du cadre européen.
Des discussions constructives ont eu lieu entre l'État, la RATP et Île-de-France Mobilités (IDFM). Elles ont été éclairées par un rapport précieux remis par MM. Jean-Paul Bailly et Jean Grosset, dans l'objectif d'approfondir la concertation et de définir des garanties sociales supplémentaires aux personnels. Cet état d'esprit constructif s'est traduit dans les discussions parlementaires, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Nous avons tous à coeur d'aboutir à un texte pragmatique, en prévoyant le report d'une échéance trop rapprochée. À cet égard, l'échelonnement sur deux ans du calendrier d'ouverture à la concurrence offre une réponse satisfaisante.
Par ailleurs, nous partageons la volonté d'offrir aux agents de la RATP les garanties sociales nécessaires pour répondre à leurs inquiétudes. Le renforcement du « sac à dos social » y contribue. Enfin, la qualité du service rendu aux usagers devrait être renforcée grâce à ce texte.
Nos deux rapporteurs ont travaillé ensemble pour parvenir à un compromis ambitieux et les logiques ayant guidé les travaux de nos deux assemblées ont été proches. La navette parlementaire a permis de clarifier et d'enrichir le texte. J'espère que notre CMP permettra de conclure ce processus de façon positive, pour le bénéfice de tous les acteurs concernés.
M. Simon Uzenat, sénateur. - Le fait que cette CMP s'annonce conclusive ne nous surprend pas. Cependant, même si nous ne sommes pas d'accord avec le texte, je tiens à saluer le souci du président de la commission, du rapporteur et des sénateurs de la majorité mobilisés sur le texte d'avoir associé l'ensemble des composantes politiques de notre assemblée.
Après avoir pris connaissance des propositions de rédaction, nous considérons que les conditions ne sont toujours pas remplies s'agissant des garanties sociales. Nous ne tenterons pas de vous convaincre. Nous avons déjà eu l'occasion de le démontrer lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable et au terme des auditions approfondies qui ont été menées avec les organisations syndicales. Les conditions ne semblent pas remplies non plus sur l'unité du réseau. Nos inquiétudes demeurent, à la lumière de l'ouverture à la concurrence réalisée pour la grande couronne, dont le bilan est plus que mitigé. Les manques en matière de garanties sociales, d'attractivité des métiers et de capacité à fidéliser les agents sur l'unité du réseau participeront à la dégradation du service rendu aux usagers.
Enfin, en ce qui concerne le calendrier, au regard des échéances démocratiques à venir entre 2026 et 2028, il aurait été plus sage de reporter cette ouverture à la concurrence de quelques années, pour permettre à nos concitoyens de se prononcer en toute connaissance de cause.
Nous nous abstiendrons sur les propositions de rédaction n° 1 et 3 concernant l'Autorité de régulation des transports (ART). Comme la majorité sénatoriale, nous considérons que l'ART a vocation à régler les différends éventuels entre IDFM et la RATP. Cependant, nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas donné suite à nos demandes de revalorisation des moyens de l'ART, afin qu'elle puisse exercer ses prérogatives. Par ailleurs, nous maintenons notre position défavorable sur le texte.
M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je commencerai par remercier nos collègues sénateurs pour le dépôt de cette proposition de loi et pour le travail effectué en première lecture, qui nous a grandement facilité la tâche. Si les débats ont été particulièrement âpres dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, ils n'ont que peu porté sur le fond du texte, mais plus sur le principe de l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, voire sur le principe même de concurrence. Au-delà de ces échanges, le texte n'a que très peu évolué entre ses deux versions.
Les principes et les objectifs fondamentaux ont été préservés, qu'il s'agisse du renforcement de la protection des salariés, de l'échelonnement de l'ouverture effective des lots à la concurrence ou de la possibilité pour IDFM de monter rapidement en compétences sur certaines nouvelles missions.
Par l'adoption de ce texte, que j'espère effective dans les prochains jours, le législateur reste dans le strict champ de ses compétences et répond présent au rendez-vous fixé par cette évolution majeure. Le cadre légal sera le meilleur possible pour que cette ouverture à la concurrence soit une réussite. Le cadre réglementaire qui en découlera ne tardera sans doute pas à s'ajuster pour atteindre cet objectif.
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie le rapporteur Bruno Millienne pour la qualité de nos échanges. Nous parvenons à un moment charnière de l'examen de ce texte, à l'issue de son adoption par nos deux assemblées. Malgré l'encombrement de l'ordre du jour et en dépit des lois de finances qui monopolisent une bonne partie des travaux parlementaires de l'automne, nous sommes parvenus à examiner ce texte en à peine deux mois. J'espère que nous poursuivrons sur notre lancée et que notre CMP sera conclusive.
Ce texte n'instaure pas l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, mais il en module la mise en oeuvre et précise les garanties sociales pour les salariés transférés aux nouveaux opérateurs. Il ne s'agit aucunement d'un texte idéologique, mais d'un texte qui aménage l'ouverture effective à la concurrence, dans un esprit d'équité concurrentielle et de bon sens.
Je salue l'initiative de Vincent Capo-Canellas, qui a fait oeuvre utile en déposant cette proposition de loi, animé par une intention aussi simple que louable : s'assurer que le processus soit équitable et améliore la qualité du service. Les acteurs rencontrés en audition estiment que ce texte parvient à un point d'équilibre, à même de fluidifier le processus et de rassurer les salariés, en offrant un aménagement de calendrier raisonnable et respectueux du cadre réglementaire européen. Il semble que cette vision soit également partagée de façon majoritaire au Palais-Bourbon.
Les points de désaccord qui subsistent sont en somme assez minimes et seuls six articles restent en discussion. Les évolutions apportées par l'Assemblée nationale aux articles 5 et 6 me satisfont. M. Millienne et moi-même vous soumettons des propositions de rédaction aux articles 1er, 2, 3 et 7. La plupart ne sont que des modifications relevant de la clarification rédactionnelle, de la cohérence sémantique ou de l'harmonisation légistique.
En définitive, il ne subsiste qu'une seule divergence entre nos deux assemblées, qui concerne les modalités de règlement des différends relatifs au nombre de salariés transférés entre IDFM et la RATP. La LOM a confié cette mission arbitrale à l'ART, qui a - enfin ! - un président, depuis aujourd'hui. Au cours des auditions que j'ai menées, les représentants de l'Autorité m'ont indiqué que leurs moyens ne leur permettaient pas de trancher les conflits dans le délai de trois mois à compter de la demande, imposé par la LOM. Persuadé de la compétence et du professionnalisme de cette autorité publique indépendante, mais conscient de ses difficultés, j'ai proposé de faire courir ce délai à compter de la saisine complète et de pouvoir étendre ce délai, sur décision motivée, de trois mois supplémentaires. Le Sénat a adopté cette rédaction et l'ART m'avait alors félicité de cette évolution.
Cependant, les députés ont souhaité retirer cette compétence à l'ART pour la confier au juge ordinaire. Cette suppression de l'intervention du régulateur des transports comme juge de paix en la matière me paraît problématique, car elle n'est pas encadrée par un délai dans lequel la décision doit être rendue. En cas de contentieux et en tenant compte des voies de recours - appel et cassation -, l'aménagement du calendrier de l'ouverture à la concurrence pourrait ne pas être tenu.
Nous y reviendrons au cours de la discussion des articles 1er et 3, afin de trouver un accord qui puisse satisfaire à la fois la volonté du Sénat de voir les contentieux rapidement tranchés par une autorité légitime et l'inquiétude exprimée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, quant aux moyens de l'ART de répondre à cette mission confiée par le législateur depuis la LOM.
Je forme le voeu que nos débats soient constructifs et permettent d'aboutir à un accord, dans l'intérêt de tous, en ayant opéré une synthèse délicate entre garanties sociales, équité concurrentielle et respect du droit européen, tout en promouvant une ouverture à la concurrence équitable, juste et bénéfique à tous.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 1 - comme la proposition n° 3 portant sur l'article 3 - vise à rétablir la rédaction du Sénat sur la compétence de l'ART en matière de règlement des différends concernant le nombre de salariés transférés.
La suppression de l'intervention arbitrale du régulateur est problématique, car elle remet le règlement d'un éventuel différend à la compétence du juge ordinaire, qui ne possède pas la même expertise que l'ART. De plus, l'engorgement des tribunaux fait craindre des délais de traitement excessifs ; je rappelle à cet égard que la durée moyenne d'une affaire civile en première instance est de 420 jours... En cas de contentieux sur le nombre d'équivalents temps plein (ETP), l'aménagement du calendrier d'ouverture à la concurrence pourrait ne pas être tenu.
M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je ne ferai pas de cette question un casus belli mais je souhaiterais expliquer ce qui a conduit l'Assemblée nationale à la suppression de la compétence de l'ART.
D'abord, l'ART n'a pas de compétence préexistante sur les réseaux de surface à Paris, pas plus qu'en petite et grande couronnes. Aujourd'hui, l'Autorité n'a pas les moyens d'assumer cette compétence sans nuire à ses autres missions, en raison de problèmes de financement et de ressources humaines, ce dont nous sommes collectivement responsables. M. Thierry Guimbaud, futur président de l'ART, a dit que l'Autorité assumerait cette compétence si elle leur était donnée, même aux dépens d'autres missions.
Effectivement, ce n'est pas à l'ART de dicter au législateur ce qui doit figurer dans la loi. M. Guimbaud l'a dit très clairement aujourd'hui. Il n'y a pas eu de lobbying acharné en la matière, mais des prises de parole qui ont été écoutées sans être prises pour argent comptant. Nous avons ensuite analysé les difficultés de l'ART pour savoir si elles pouvaient mettre en péril le bon déroulement de l'ouverture à la concurrence. Le problème des délais trop courts a été réglé par la proposition de Franck Dhersin d'allonger la durée jusqu'à trois mois supplémentaires. Cependant, nous craignions une contestation systématique des avis rendus, qui aurait entraîné un processus beaucoup plus long, puisque le pôle économique et commercial de la cour d'appel aurait été chargé de trancher, sans aucun cadrage dans le temps.
Je ne reviendrai pas sur le fait que la responsabilité a été confiée à l'ART par la LOM. Nous pouvons réintégrer l'ART comme autorité compétente, mais je voudrais mettre en garde sur les conséquences d'une éventuelle saisine de la cour d'appel. À cet égard, nous avions proposé avec le ministre des transports, après avoir travaillé avec la Chancellerie, de renvoyer les litiges directement à la cour d'appel, en intégrant au décret un bornage dans le temps de neuf mois et une clause d'effet non suspensif.
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. - L'ouverture à la concurrence concerne treize lots et les risques de contentieux sont donc peu nombreux. De plus, les relations entre la RATP et IDFM ne sont pas si mauvaises.
M. Simon Uzenat, sénateur. - L'examen de la proposition de loi a été très contraint dans le temps et s'est fait sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État. Cette rapidité s'explique par la façon dont la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle ont su travailler de concert, comme la présidente de la région Île-de-France et le Gouvernement. Nous espérons que vous saurez aussi faire front commun sur ce sujet, pour doter l'ART de moyens qui soient à la hauteur de ses missions.
La proposition de rédaction n° 1 du rapporteur pour le Sénat est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 2 vise à clarifier le dispositif. Nous avons procédé en accord avec Franck Dhersin.
M. Simon Uzenat, sénateur. - Comme pour toutes les propositions rédactionnelles, nous avons décidé de ne privilégier ni la version du Sénat ni la version de l'Assemblée nationale. Nous nous abstiendrons donc sur ces propositions de rédaction.
La proposition n° 2, rédactionnelle, du rapporteur pour l'Assemblée nationale est adoptée.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 3 vise à revenir à la rédaction du Sénat.
La proposition de rédaction n° 3 du rapporteur pour le Sénat est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 5
M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 4 vise à maintenir la rédaction de l'Assemblée nationale sur la clarification de la date d'effet du cadre social territorialisé.
La proposition de rédaction n° 4 du rapporteur pour l'Assemblée nationale est adoptée.
L'article 5 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 6
M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 5 vise à maintenir la rédaction de l'Assemblée nationale.
La proposition de rédaction n° 5 du rapporteur pour l'Assemblée nationale est adoptée.
L'article 6 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 6 vise à préciser et clarifier la rédaction de l'article 7 relatif à la date de transfert à IDFM des biens de retour et des biens de reprise.
La proposition n° 6, rédactionnelle, du rapporteur pour le Sénat est adoptée.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
M. Vincent Capo-Canellas, sénateur. - En tant qu'auteur de la proposition de loi, je remercie les deux présidents et j'ai une pensée amicale pour Jean-François Longeot, qui m'a permis d'assister à cette CMP en me laissant sa place. Je salue le travail de Franck Dhersin, de Bruno Millienne et des membres des deux commissions.
Le texte a été adopté dans un délai contraint, mais nous l'étions par le dispositif initial. Le texte améliore le droit par rapport à la LOM, qui avait fait l'objet d'un très bon travail, mais ne pouvait pas tout appréhender. À l'usage, il est apparu qu'il fallait apporter des modifications.
Le texte est pragmatique et attendu par chacun des acteurs. J'espère qu'il nous permettra de mener l'ouverture à la concurrence dans de bonnes conditions. Il s'agit d'un enjeu important compte tenu du nombre de conducteurs et de machinistes concernés. Nous souhaitons que le texte soit utile pour développer la mobilité et qu'elle soit la plus décarbonée possible.
M. Jean-Marc Zulesi, député, vice-président. - Nous avons démontré ce soir notre capacité à avancer ensemble.
La réunion est close à 19 h 25.
Jeudi 7 décembre 2023
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels se réunit au Sénat le jeudi 7 décembre 2023.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Philippe Mouiller, sénateur, président, de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, députée, vice-présidente, de Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat, et de M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - Je vous souhaite la bienvenue ; nous examinons ce matin les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels adoptée par l'Assemblée nationale le 15 juin 2023 et par le Sénat le 25 octobre dernier.
Le texte déposé par Frédéric Valletoux était composé de onze articles. L'Assemblée nationale a inséré vingt-huit nouveaux articles et en a supprimé deux. Lors de son examen, le Sénat a adopté conformes trois articles ; confirmé la suppression de deux articles ; inséré onze articles additionnels ; modifié vingt-quatre articles et supprimé dix articles.
Au total, quarante-cinq articles sont donc soumis à notre commission mixte paritaire (CMP), ce qui a donné lieu à d'intenses travaux préparatoires que les rapporteurs vont nous présenter.
Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, députée, vice-présidente. - Je vous remercie de votre accueil et je forme des voeux de réussite pour cette CMP. Je tiens à saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont cherché un compromis pour que celle-ci soit conclusive.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - À la demande du Gouvernement, le Sénat a dû, dès le début de la session parlementaire, examiner la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, qui nous réunit aujourd'hui.
Notre commission des affaires sociales avait souligné le caractère maladroit, voire contre-productif d'un tel calendrier, faisant intervenir la discussion de ce texte avant même l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et alors que les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux venaient de reprendre, après un échec douloureux au début de cette année. Le ministre Aurélien Rousseau avait reconnu lui-même la difficulté de ce calendrier et les conditions d'examen regrettables imposées au Sénat.
Au-delà de ces considérations, notre commission avait également fortement déploré l'accumulation de textes relatifs à la santé d'initiative exclusivement parlementaire. Nous nous retrouvons, députés comme sénateurs, chargés d'examiner chaque trimestre des initiatives nombreuses et, souvent, louables, alors que seul un projet de loi ambitieux pourrait répondre efficacement aux multiples fractures de notre système de santé.
Force est de constater que cette méthode n'est ni satisfaisante ni appropriée. De cette accumulation de textes résulte un pointillisme législatif, qui ne sert pas la qualité du droit, décourage les acteurs de notre système de santé et conduit le législateur à revenir sur des dispositions pourtant tout juste adoptées. Ce texte ne fait pas exception à la règle.
Ainsi, certains articles modifient des apports des lois Rist 2 et Khattabi adoptées il y a quelques mois seulement, tandis que d'autres doublonnent avec des dispositions du projet de loi Immigration, de la proposition de loi Bien vieillir et d'un texte examiné ce soir même à l'Assemblée nationale.
Pour autant, fidèle à sa position toujours constructive à l'égard des initiatives qui lui sont soumises, notre commission a fait preuve de bienveillance sur le texte qui nous réunit ce matin. Sur son initiative, le Sénat a adopté les dispositions de cette proposition de loi qui lui ont paru bienvenues pour améliorer l'accès aux soins et pour répondre à des lacunes juridiques ou opérationnelles identifiées.
Certains points qui ont été considérés par la commission et par le Sénat comme des irritants substantiels ou des dispositions juridiquement fragiles, superflues ou parfois contre-productives ont été, quant à eux, profondément remaniés au cours de la première lecture ou supprimés.
Au terme de son examen, notre chambre a adopté, le 25 octobre dernier, la proposition de loi modifiée par quatre-vingt-cinq amendements, dont quarante-quatre ont été adoptés en commission et quarante et un en séance publique.
Le Sénat a, sur les trente-neuf articles que comportait le texte transmis, confirmé la suppression de deux articles ; adopté conformes trois articles ; supprimé dix articles ; adopté avec modifications vingt-quatre articles et adopté onze articles additionnels. Ce sont donc quarante-cinq articles qui restent en discussion.
Frédéric Valletoux et moi-même avons mené un long travail préparatoire à cette réunion et échangé à de nombreuses reprises. Je ne crois pas trahir la réalité en reconnaissant que ces derniers ont été francs et, parfois, tendus au regard des désaccords initiaux entre nos deux chambres. Ces divergences d'approche étaient substantielles, reconnaissons-le, mais je crois, toutefois, que chacun de nous a pu faire valoir ses analyses, confronter ses manières d'appréhender le système de santé avec pour objectif de faire advenir un texte de compromis, qui, je l'espère, saura recueillir ce matin le soutien de notre commission mixte paritaire.
Je tiens naturellement à remercier mon collègue rapporteur Frédéric Valletoux pour la qualité de nos échanges et salue son engagement au service d'une territorialisation ambitieuse de notre système de santé. Ils nous ont permis de trouver, sur les points de désaccord entre nos deux chambres, des solutions de compromis portées par seize propositions de rédaction que nous vous soumettrons.
Sur plusieurs dispositions du texte, les positions de nos deux chambres ont spontanément convergé. Tel est le cas des articles 3 bis A sur le rôle du médecin coordonnateur en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou de l'article 5 quinquies sur la protection de la santé des étudiants par les employeurs.
Le Sénat a, de la même manière, souscrit à la volonté de l'Assemblée nationale de créer un statut d'infirmier référent à l'article 3 bis D, qui permettra de mieux reconnaître leur rôle dans la coordination des parcours de soins et le suivi des patients.
Il a également soutenu l'extension des contrats d'engagement de service public (CESP) aux étudiants de maïeutique et de pharmacie prévue à l'article 5.
Le Sénat a, encore, renforcé les dispositions relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), en permettant la réalisation en ambulatoire des parcours de consolidation des compétences ou en garantissant l'examen des demandes d'autorisation d'exercice par des commissions nationales, majoritairement composées de professionnels de santé.
Soucieux de prémunir les collectivités contre les dérives liées à la pratique, certes minoritaire, du « nomadisme » chez certains professionnels de santé, le Sénat a élargi le champ des aides à l'installation dont l'octroi a été limité à une fois tous les dix ans par l'article 2 bis.
Pour améliorer l'accès aux soins, le Sénat a également consolidé les travaux menés à l'Assemblée nationale sur le développement du cumul emploi-retraite pour les professionnels de santé exerçant dans des structures publiques.
Il en est de même pour les articles 3 bis B et 3 bis C, qui contribueront à développer l'exercice coordonné, en modifiant le régime juridique applicable aux structures portant les maisons de santé, et que le Sénat a accueillis favorablement.
Nos positions ont convergé, enfin, sur l'article 3 bis AA relatif aux possibilités de fermeture de centres de santé déconventionnés par l'assurance maladie au regard de manquements graves.
Toutefois, sur plusieurs articles, le Sénat et l'Assemblée nationale ont fait valoir des visions sensiblement différentes de l'organisation de l'offre de soins.
C'est le cas, d'abord, pour les articles 1er et 3, relatifs respectivement aux conseils territoriaux de santé (CTS) et à l'adhésion aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Depuis plusieurs semaines, le dialogue, l'explicitation de nos positions respectives et une volonté de compromis nous ont pourtant permis de parvenir à des points d'accord difficilement négociés.
Sur l'article 1er relatif à l'inscription des politiques de santé dans les territoires et au CTS, le Sénat avait assez largement allégé la rédaction initiale. Soucieux de renforcer le rôle du CTS sans brider les initiatives des acteurs de l'offre de soins, nous sommes parvenus à une rédaction de compromis permettant de renforcer les missions du CTS en l'associant à l'élaboration des projets territoriaux de santé.
Le Sénat avait, par ailleurs, supprimé l'article 3, qui prévoyait l'adhésion automatique aux CPTS. En contraignant inutilement les professionnels de santé, ces dispositions risquaient de s'avérer contre-productives. Elles soulevaient, par ailleurs, d'importantes difficultés juridiques. Je me réjouis que nos échanges nous aient conduits à vous proposer le maintien de sa suppression.
Sur l'article 2 quinquies, considérant que l'enjeu réside davantage dans l'élaboration d'un diagnostic territorial fiable et régulièrement actualisé que dans la création d'un nouvel indicateur de l'offre, les apports des deux assemblées contribueront à mieux outiller les acteurs du territoire.
Le Sénat avait, par ailleurs, adopté trois articles additionnels visant à libérer du temps médical et à mieux tenir compte des difficultés d'accès à un médecin.
Si je ne peux que regretter la suppression des articles 2 quater A et 2 quater B qui visaient, en ce sens, à limiter les certificats médicaux inutiles, je me félicite, en revanche, du maintien de l'article 2 quater C dans le texte que nous vous proposerons d'adopter ce matin. Ce dernier vise à étendre à l'ensemble du territoire national l'expérimentation de la signature des certificats de décès par les infirmiers, dont le lancement n'a que trop tardé. Il s'agit là de répondre à une attente forte des élus comme des familles des défunts.
Enfin, concernant l'hôpital, nous avons malheureusement subi dans la préparation de cette CMP le parcours erratique de la discussion des articles 4 et 4 bis A relatif à la permanence des soins en établissement de santé et de l'article 6 relatif aux groupements hospitaliers de territoire (GHT). Sur ces articles, le Sénat avait déjà fait des concessions en tendant la main au Gouvernement et tenté autant que faire se peut de sécuriser des dispositions insuffisamment abouties. Les ajustements présentés aujourd'hui traduisent le souhait d'avoir des rédactions équilibrées sur des articles pour lesquels, disons-le, l'essentiel a toujours été partagé.
Nous pouvons nous satisfaire de voir aboutir des intentions communes concernant le rééquilibrage de la permanence des soins en établissement de santé, l'accompagnement de l'accès des GHT à la personnalité morale ou encore le renforcement du conseil de surveillance comme de la gouvernance médico-administrative à l'hôpital.
Au bénéfice des observations que je viens de présenter et sous réserve des conclusions de mon homologue rapporteur de l'Assemblée nationale, il me semble tout à fait possible d'aboutir aujourd'hui à un travail conclusif de notre commission mixte paritaire. Tel est en tout cas le voeu que je forme.
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous nous retrouvons ce matin en commission mixte paritaire pour examiner cette proposition de loi que j'ai déposée avec mon groupe, Horizons, et le groupe Renaissance, au printemps dernier.
Ce texte s'inscrit dans le prolongement des travaux engagés par le Gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale ; je pense notamment à la récente loi portée par notre collègue Stéphanie Rist, qui avait fait l'objet d'une CMP conclusive ici même en avril dernier, mais aussi à toutes les bonnes volontés et aux travaux transpartisans réalisés dans notre assemblée. Ce texte entend apporter une pierre importante à l'édification d'un système de santé plus robuste, moins inégalitaire, mieux coordonné entre les divers acteurs et, enfin, mieux adapté aux spécificités de chaque territoire.
Forte de onze articles lors de son dépôt, la proposition de loi s'est enrichie au cours des débats au sein de nos deux assemblées, pour en compter près de cinquante à l'issue de son examen au Sénat.
Je me réjouis tout d'abord qu'une majorité d'entre eux aient fait l'objet d'un accord rapide entre nos deux assemblées. D'autres articles ont suscité, de part et d'autre, des inquiétudes ou du moins des interrogations. Nous avons donc travaillé ardemment jusqu'à une heure tardive hier avec Corinne Imbert, dont je salue à la fois la ténacité, l'esprit d'ouverture et de construction, pour parvenir à des rédactions communes, qui respectent autant que faire se peut les sensibilités de chacun.
Commençons d'abord par les points d'accord ou de consensus entre nos deux chambres.
Au total, sept articles ont été adoptés conformes entre nos deux assemblées. Ils recouvrent une diversité de sujets comme la neutralisation de la majoration du ticket modérateur pour les patients n'ayant plus de médecin traitant ; le lancement d'une expérimentation visant à encourager l'orientation des lycéens issus de déserts médicaux vers les études de santé ; le contrôle des centres de santé par les juridictions financières ou encore leur fermeture éventuelle lorsqu'ils font l'objet d'une décision de déconventionnement par l'assurance maladie.
Certains articles, qui figuraient dans le texte initial, ont été précisés et renforcés au cours de la procédure législative, à l'instar de l'article 5 sur l'extension du CESP, lequel sera désormais ouvert dès la deuxième année. Nous le savons tous, la formation sera un axe majeur du renforcement de l'accès aux soins et c'est d'ailleurs ce que souligne l'article 5 quinquies, introduit par un amendement de Stéphanie Rist afin de protéger et d'assurer la sécurité de la santé physique et mentale des internes en stage, et dont Corinne Imbert a étendu, à juste titre, la portée aux étudiants en deuxième cycle de médecine.
Ainsi, nous le voyons, un certain nombre d'articles ont été modifiés par le Sénat, qui a soit enrichi les dispositifs, soit apporté des modifications rédactionnelles précieuses, et sur lesquelles je porte un avis favorable. Je pense, par exemple, à l'article 2 bis qui permettra de mieux encadrer les aides à l'installation et les exonérations pour éviter les phénomènes de nomadisme, à l'article 3 bis A sur le rôle du médecin coordonnateur en Ehpad ou encore à l'article 3 bis D sur le statut d'infirmier référent, qui est attendu depuis longtemps par la profession.
L'Assemblée nationale et le Sénat ont ajouté un certain nombre d'articles qui ont sensiblement enrichi le texte et ont fait consensus. Ils apportent des avancées concrètes pour notre système de santé et ses acteurs, parmi lesquelles des mesures attendues de longue date. Je pense notamment à l'affiliation à l'Ircantec des praticiens hospitalo-universitaires sur leur activité hospitalière, que le Sénat a adoptée.
Il en va de même pour l'extension des aides des collectivités aux étudiants en odontologie et toute spécialité médicale ou pour l'extension à l'ensemble du territorial national de l'expérimentation concernant la réalisation des certificats de décès par les infirmiers.
Je pense également à d'autres dispositions qui représenteront un apport très tangible pour les acteurs sur le terrain, telles que la rénovation du régime applicable aux Padhue afin de permettre la meilleure intégration de ceux-ci dans notre système de santé. Cette rénovation comprend des modifications de la procédure d'autorisation d'exercice ou encore l'extension du régime dérogatoire applicable en outre-mer, et sera parachevée prochainement par le projet de loi Immigration.
J'en viens aux articles qui ont suscité des inquiétudes ou du moins des interrogations, comme je le disais précédemment, et pour lesquels nous vous proposerons avec Corinne Imbert, à l'issue des discussions de ces dernières heures, des modifications qui pourront nous permettre d'aboutir à des rédactions communes.
Permettez-moi d'évoquer les principaux points concernés.
Concernant les conseils territoriaux de santé, nous vous proposerons des rédactions à l'article 1er qui permettront de conforter ces instances de démocratie sanitaire en les associant pleinement à l'élaboration des projets territoriaux de santé. Ils se voient confier des missions précises quant à l'offre de soins. Dans le même temps, nous proposons de clarifier les leviers des directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) pour mobiliser les acteurs du système de santé afin de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
Sur les CPTS, nous avons entendu les craintes des professionnels de santé liées à l'article 3, qui prévoyait qu'ils deviennent automatiquement membres de ces structures. En responsabilité, nous vous proposons de maintenir la suppression de cet article, qui pourrait s'avérer contre-productif par rapport à notre volonté de poursuivre le déploiement de ces structures sur l'ensemble du territoire national.
Concernant la permanence des soins, nous savons que nous sommes très attendus partout en France et avons réussi à être d'accord sur l'essentiel. L'article 4 permettra de ne plus faire reposer essentiellement la permanence des soins sur les hôpitaux, comme c'est le cas aujourd'hui ; il permettra d'y associer plus étroitement les établissements privés et leurs professionnels de santé dans le cadre d'un dispositif clarifié. Il faut saluer cette avancée, qui fait suite aux travaux de l'inspection générale des affaires sociales (Igas).
En outre, l'article 4 bis A prévoit que l'octroi d'une autorisation puisse être conditionné par le directeur général de l'ARS, et ce dans l'intérêt de l'organisation de la permanence des soins.
Enfin, nous sommes convenus de maintenir la suppression de l'article 4 bis qui, au-delà du fait qu'il constituait sans doute un irritant, n'aurait rien changé quant au fonctionnement de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) compte tenu de sa rédaction.
Sur l'accès aux soins en ville de façon plus générale, j'ai tenu à ce que nous préservions un certain nombre d'articles issus d'amendements portés par plusieurs membres du groupe de travail animé par Guillaume Garot.
Ainsi, nous vous proposerons, par exemple, que le diagnostic territorial partagé, qui devra être actualisé tous les deux ans, puisse évaluer la densité de l'offre de soins et la mettre en perspective grâce à des données se rapportant à la situation nationale. Par ailleurs, nous avons maintenu l'obligation pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes d'informer l'ARS et les ordres, avec un préavis de six mois pour les libéraux et dès que possible pour les centres de santé, de toute cessation définitive d'activité, afin de mieux garantir la continuité de l'offre de soins dans les territoires.
Sur l'interdiction de l'exercice en intérim en début de carrière pour les soignants, nous proposons à l'article 7 de la restreindre à cette unique période de la vie professionnelle, en y intégrant les établissements ou services d'enseignement aux mineurs et jeunes adultes handicapés.
Concernant les modalités du numerus apertus, les besoins de santé des territoires pourront être pris en compte en priorité pour fixer les objectifs pluriannuels d'admission en deuxième cycle - il s'agit là d'une disposition prévue à l'article 5 bis qui s'articule bien avec la proposition de loi de notre collègue Yannick Neuder, en cours d'examen à l'Assemblée nationale et dont les ambitions sont largement partagées sur nos bancs. C'est d'ailleurs à l'un des amendements de Yannick Neuder que nous devons la version de cet article adoptée en juin dernier, et que nous avons logiquement souhaité rétablir dans le texte que nous vous proposons ce matin.
Dans le même esprit, nous souhaitons rétablir l'article 10 quater prévoyant la remise d'un rapport sur le déroulement de l'internat en médecine et des études de santé, né d'une ambition transpartisane qui perdure et demeure forte aujourd'hui.
Sur l'hôpital, les articles 6 et 6 bis A ont naturellement fait l'objet de nombreuses discussions.
Pour doter les groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui le souhaiteraient de la personnalité morale, nous vous proposons une rédaction ajustée, qui fait consensus au sein de la communauté hospitalière. La proposition de rédaction de l'article 6 bis A ouvre, quant à elle, la voie à une demande, partagée entre les établissements des groupements concernés, de changement de périmètre des GHT, plutôt qu'à la création de nouvelles entités.
En outre, nous vous proposons des modifications visant à renforcer la médicalisation de la gouvernance hospitalière, sans alourdir la charge administrative qui en découle pour les hôpitaux. Ainsi, en nous appuyant sur le droit existant, nous suggérons l'ajout, pour délibération par le conseil de surveillance, d'une présentation conjointe annuelle du directeur et du président de la commission médicale d'établissement (CME) sur les modalités de mise en oeuvre du projet d'établissement. De même, le conseil de surveillance serait désormais conduit à se prononcer pour avis sur la charte de gouvernance entre le directeur et le président de la CME, laquelle existe déjà dans le code de la santé publique. Enfin, vous l'aurez compris, le conseil de surveillance serait ainsi lui aussi renforcé dans son rôle.
À propos du conseil de surveillance, je tiens à souligner que nous avons jusqu'à très récemment encore continué de réfléchir à la meilleure rédaction possible de l'article 6 bis B, qui prévoit la participation, avec voix consultative, de parlementaires en son sein. Pour pallier les difficultés actuelles sur la participation des sénateurs, sans complexifier outre mesure les règles d'organisation du conseil de surveillance, nous n'avons pas souhaité modifier le droit existant pour les députés, mais nous ouvrons la voie à la participation volontaire des sénateurs de la circonscription où se trouve le siège de l'établissement.
Après de nombreuses heures de travail, de concertation et de débats, en commission et en séance dans nos assemblées respectives, mais également au cours de plusieurs réunions lors de ces derniers jours avec Corinne Imbert, que je tiens à remercier, je crois pouvoir dire que nous avons abouti à un texte qui, certes, ne contentera sans doute pas tout le monde, mais permettra des avancées concrètes majeures et d'apporter des réponses aux préoccupations de nos concitoyens.
Pour ces raisons, je souhaite que la commission mixte paritaire puisse parvenir à un accord aujourd'hui et que le texte soit adopté afin que les mesures qu'il contient puissent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais.
M. Bernard Jomier, sénateur. - Les exposés de Frédéric Valletoux et de Corinne Imbert se terminent tous deux sur le constat d'un travail collectif approfondi, aboutissant à un texte consensuel. Si je vous félicite pour ce bel exercice de synthèse parlementaire, la question n'était pas de contenter les uns et les autres, mais de savoir, compte tenu de l'état actuel de notre système de santé et de l'accès aux soins, si ce texte est de nature à apporter des progrès substantiels.
Je ne vous surprendrai pas en souscrivant aux remarques de Corinne Imbert, qui a rappelé à quel point nous sommes saisis de textes à caractère partiel, portant des mesures techniques ou de saupoudrage, sans répondre à l'important défi auquel nous sommes confrontés.
Ce cadre général nous pose problème, car le texte qui nous est soumis porte des dispositions concernant à la fois l'accès aux soins en ville et le secteur hospitalier, y compris sur des dispositifs relatifs aux carrières : il nous paraît donc par trop dispersé.
La proposition de loi introduit à l'article 1er, qui a vocation à propulser le texte, la question de la démocratie sanitaire en apportant une réponse hélas ! fort insuffisante. Si le Sénat a pu débattre de l'intégralité du PLFSS pour 2024, nos collègues députés ont été privés de cette chance pour la deuxième fois, un fonctionnement qui ne pourra pas perdurer tant il pose un problème démocratique dans l'élaboration des politiques, avec des conséquences qui s'étendent jusqu'à ce texte.
Les acteurs ont ainsi tendance à se tourner vers les sénateurs, car ils ne peuvent plus trouver auprès des députés le relais légitime que les représentants du peuple doivent leur fournir. Nous sommes donc confrontés à un dysfonctionnement démocratique majeur.
Cet article n'apporte pas de réels outils permettant de peser sur la construction des politiques de santé au niveau des CTS, dans la mesure où il ne prévoit qu'un élargissement des assemblées, toujours dans le cadre d'un processus purement consultatif, et aucunement la capacité, au niveau des départements, de participer réellement à la décision. Tant que cette situation perdurera, on ne répondra pas aux enjeux territoriaux de l'accès aux soins, variable d'un département à l'autre. Un désaccord de fond émerge dès le premier article.
Nous avons de nombreux autres désaccords, par exemple sur l'intérim. Nous avons soutenu la lutte contre le mercenariat, mais l'intérim n'est aucunement synonyme de mercenariat. Au début de leur vie professionnelle, les jeunes effectuent des remplacements en libéral, ce dont tout le monde se satisfait, alors que ce texte leur interdit cette possibilité en tant que salarié. Les organisations de jeunes ont raison de dénoncer le caractère injuste de cette disposition.
S'agissant des aides à l'installation, nous saluons, en revanche, le tour de vis qui a été donné. Si elles ne sont pas dénuées d'effets, ces aides ont prouvé leurs limites et ont atteint un seuil déraisonnable qui appelait un meilleur cadrage.
Par ailleurs, de nombreux postes de médecins coordonnateurs en Ehpad sont vacants, en raison des conditions d'accès contraintes des médecins généralistes, qui ne les incitent pas à postuler. Nous prenons le pari que le texte ne changera rien au taux de vacance que connaît cette fonction.
Nous ne sommes pas opposés à des mesures positives, même quand elles sont partielles, en témoigne notre soutien à la loi Rist 2. Nous avions alors contribué à ce que la CMP soit conclusive, car nous estimions que cette loi apportait des réponses : ce n'est pas le cas de ce texte.
En conclusion, j'attire votre attention sur le phénomène de financiarisation qui n'est pas du tout traité dans ce texte alors qu'il désorganise l'offre de soins territoriale. Ce mouvement de financiarisation a commencé par les établissements hospitaliers privés, avec deux groupes qui détiennent désormais à eux seuls 35 % de l'offre, avant de se poursuivre dans le domaine de la biologie. Nous avons pu en observer les effets à l'occasion de la crise du covid-19, lorsque l'État a dû négocier les modalités de prise en charge et le coût des tests avec ce secteur de la biologie, largement dépendant de la financiarisation.
Le phénomène s'étend maintenant à l'imagerie médicale, à l'offre de soins de proximité et à l'offre de soins ambulatoires, avec la création de centres de santé et de centres de soins non programmés. Ce mouvement de fond, qui remodèle en profondeur l'offre de soins, devrait nous interpeller et nous conduire à y apporter rapidement des réponses, sous peine de voir toute politique visant à améliorer la pertinence des soins mise à bas et les recettes de la sécurité sociale - assises sur les contributions des assurés sociaux, et en partie fiscalisées - transformées en dividendes versés aux actionnaires.
Je regrette que cette question n'ait pas été évoquée, alors que l'Assemblée nationale comme le Sénat ont débattu de mesures de régulation de l'offre libérale. Ces dernières ne représentent d'ailleurs pas une réponse adaptée, car les jeunes sont attirés par le salariat, non pas dans des centres de santé tels que nous les connaissions, mais dans des structures créées par des groupes internationaux. Ce phénomène massif, qui va dégrader l'offre de soins et l'accès aux soins de nos compatriotes, n'est malheureusement pas abordé par la proposition de loi.
Voilà pourquoi, même si nous saluons quelques avancées, nous estimons que ce texte n'apporte pas une réponse satisfaisante à la question posée.
Mme Nadia Sollogoub, sénateur. - Je remercie Frédéric Valletoux pour cette proposition de loi bienvenue au moment où l'ensemble de nos administrés expriment des inquiétudes de plus en plus vives quant à leurs difficultés à accéder aux soins.
Les ressources humaines restent le problème principal : au-delà des déclarations et des intentions, nous devons déterminer des déclinaisons concrètes sur le terrain en termes de délégation de tâches, de formation et de permanence des soins. Nous souhaitons trouver un accord afin de pouvoir mettre en oeuvre les mesures concrètes contenues dans le texte, en respectant les sensibilités de chacun et en avançant de manière constructive.
M. Nicolas Turquois, député. - Je fais le même constat que le sénateur Bernard Jomier, mais sans en tirer des conclusions identiques.
Certes, ce texte ne répond pas à tous les enjeux en matière de santé, mais il contient des avancées. Pour reprendre l'exemple de la démocratie sanitaire, j'observe que les CTS, auxquels je participe parfois, permettent a minima aux acteurs de santé d'un territoire de se connaître, d'interagir et donc de contribuer à développer un exercice coordonné de la médecine.
Nous aurions pu aller plus loin, par ailleurs, dans les zones mieux dotées, en accentuant la régulation pour certains professionnels libéraux. Je pense, en outre, que nous devrons étudier la question de la régionalisation des examens d'accès aux études médicales, car les praticiens qui s'installent dans un territoire très rural tel que le mien en sont originaires. À titre d'illustration, la faculté de Poitiers compte 50 % d'étudiants bordelais refusés dans la faculté de leur ville d'origine, dans laquelle ils retournent dès la fin de leurs études.
Les avancées du texte sont intéressantes, notamment sur les Padhue ; je le voterai.
M. Yannick Neuder, député. - Je partage l'opinion du sénateur Bernard Jomier sur le fait qu'une loi de programmation pluriannuelle dédiée à la santé serait bienvenue, afin de traiter de la problématique de la formation des professionnels de santé : nous peinons à former un nombre de médecins équivalent à celui des années 1970, alors que la population s'est accrue d'environ 15 millions d'habitants, que le rapport au travail des professionnels de santé a considérablement évolué et que, par ailleurs, l'offre de soins a notoirement changé en raison du vieillissement de la population.
Concernant les CTS, j'entends les propos de M. Turquois, mais j'estime qu'il faut s'assurer que ces instances associent les représentants adéquats des professions, un léger décalage existant parfois entre ces derniers et les professionnels sur le terrain. En tout état de cause, conforter le rôle des CTS me semble aller dans le bon sens.
Il me paraît sage, en outre, de n'avoir pas rendu obligatoire, pour les acteurs de santé, le mécanisme des CPTS. Il faut créer les conditions du dialogue et de la coopération, sans l'imposer.
J'en viens à l'article 3 bis A et au médecin coordonnateur, en me félicitant d'une évolution attendue que j'avais proposée dans le PLFSS pour 2023 et que nous avions également évoquée dans la proposition de loi Bien-vieillir. Le fait de doter ce médecin du pouvoir de prescription, afin d'éviter les hospitalisations inutiles, va à la fois rendre un grand service aux patients des Ehpad et soulager les urgences hospitalières.
Autre élément positif, le rôle de l'infirmier diplômé d'État (IDE) référent a été rappelé.
En revanche, je reste vigilant sur les GHT, me méfiant d'un excès de mutualisation qui, au nom de l'efficience, entraîne une perte de proximité des directions d'établissements. Le problème se pose particulièrement quand ces GHT regroupent un établissement important et de plus petites structures, ces dernières ayant elles aussi besoin d'un management de proximité.
Veillons, enfin, à ne pas considérer que tous les centres de soins non programmés sont soumis à une logique de financiarisation excessive, comme l'a affirmé le sénateur Bernard Jomier. Il s'agit parfois non seulement d'un mode d'exercice pour des médecins qui viennent d'achever leurs études, mais aussi de la seule solution permettant d'assurer une offre de soins dans certains territoires en l'absence de structures d'hospitalisation et lorsque la permanence des soins n'est pas assurée.
De plus, nous pouvons distinguer les centres de soins non programmés qui concurrencent de manière déloyale les médecins hospitaliers des services d'urgence sur des horaires classiques de journée, de ceux qui assurent une véritable permanence des soins en fonctionnant sept jours sur sept avec des horaires décalés allant jusqu'à la fin de la nuit. Vous avez bien fait de soulever le sujet, mais nous devrons le traiter au prisme de cette différenciation.
M. Guillaume Garot, député. - Ce texte contient à l'évidence des dispositions utiles pour ce qui relève de la mise en oeuvre territoriale des politiques de santé. Néanmoins, pour audacieux, agiles et imaginatifs que sont les territoires, ne laissons pas penser que toutes les solutions aux défis immenses de notre système de santé, qui ne répond pas aujourd'hui aux attentes des patients, pourront venir de l'échelon local.
Le sénateur Nadia Sollogoub a pointé le problème des ressources humaines. Pour le dire autrement, nous sommes confrontés à un problème de répartition des ressources humaines disponibles à l'échelle nationale. C'est la raison pour laquelle nous sommes quelques-uns ici - députés et sénateurs - à considérer que la régulation de l'installation est l'une des réponses indispensables aux besoins de santé existants. Si la disposition ne figure pas dans le texte que nous examinons ce matin, le sujet a donné lieu à un débat dans les deux assemblées.
Outre les avancées que contient ce texte, des points de discussion existent, notamment sur la finalité du diagnostic de santé. Nous avions retenu, à l'Assemblée nationale, l'idée d'un indicateur territorial de l'offre de soins (Itos), afin de pouvoir comparer l'état de l'offre et les besoins de santé sur l'ensemble des territoires.
Un autre sujet d'importance est celui de la permanence des soins. Nous savons que ceux qui acceptent de s'engager pour la garantir s'exposent à une lourde charge. Nous devrons la répartir au mieux, ce qui posera la question de l'inévitable engagement des médecins libéraux.
Le dernier point a été évoqué par Yannick Neuder : la question de la priorisation des besoins de santé dans la détermination de l'offre de formation à l'échelle des territoires est laissée en suspens dans le texte qui nous est soumis.
Nous souhaitons que la proposition de loi ne s'en tienne pas à des intentions et à des ambiguïtés. Si nous voulons être utiles au pays, nous devons à l'évidence franchir une véritable étape dans la réforme de notre système de santé.
M. Hadrien Clouet, député. - Mon intervention s'inscrit dans le prolongement de celle de Guillaume Garot, ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où nous appartenons au même groupe de travail transpartisan à l'Assemblée nationale.
Nonobstant l'échec de ce texte à être le véhicule de la régulation - et non pas de la coercition - de l'installation des professionnels de santé, je souligne qu'il résulte largement d'un processus de coconstruction à l'Assemblée nationale, un terme que j'emploie plutôt rarement en tant que député de la France insoumise s'agissant de relations avec les élus de la majorité. Cette coconstruction a été rendue possible à la fois par les qualités de Frédéric Valletoux et par les propositions d'un groupe de travail transpartisan.
Ce travail commun a pu être mené grâce à un fil rouge que nous avons peut-être un peu perdu de vue en chemin, justifiant l'impression de dispersion évoquée par nos collègues du Sénat. Ledit fil rouge correspondait à la capacité à réguler le temps médical disponible - et non pas les formes d'installation - via plusieurs amendements adoptés à une très large majorité, avec l'avis favorable de Frédéric Valletoux. Je pense notamment à l'obligation de garantir la permanence des soins et à la mise en place d'un indicateur à caractère statistique de l'offre de soins, qui permet justement de surmonter l'une des faiblesses du texte, à savoir un raisonnement basé sur l'échelle de territoires qui, par leur découpage, peuvent éprouver des difficultés à répartir l'offre de soins. L'indicateur visait ainsi à bâtir une comparaison entre territoires et à apporter des réponses, à la fois sur l'offre de soins et sur l'anticipation de leurs capacités.
J'y ajoute la question du préavis de départ, ainsi que celle de la priorisation des besoins de santé dans l'ouverture des places et des capacités. En résumé, un ensemble de dispositions me semblait acter un retour de la puissance publique en matière d'offre de soins, qu'il s'agisse de son organisation, de sa qualité, de sa quantité ou de sa répartition, mais qui n'est plus forcément présent dans le texte qui nous est présenté ce matin.
M. Jean-François Rousset, député. - Nous partageons le diagnostic sur notre système de santé : d'un côté, les jeunes médecins ne sont pas encore en nombre suffisant pour irriguer l'ensemble de nos territoires et veulent travailler dans des conditions différentes ; de l'autre, les personnels soignants ont exprimé leur souffrance au travail, tandis que les usagers du système de santé se montrent très exigeants, sur fond de vieillissement de la population.
Nous avons choisi, après la loi Rist, d'avancer pas à pas. Le texte élaboré par Frédéric Valletoux vient compléter le dispositif en permettant de gagner du temps médical, enjeu essentiel et concret bien éloigné de la coercition et de l'obligation d'installation prônée par certains, qui nous paraît inopportune. D'autres mécanismes de bon aloi permettront de gagner en souplesse et d'améliorer l'organisation territoriale afin d'assurer la permanence des soins.
Au-delà des nombreuses avancées de cette proposition de loi, le problème de la formation des personnels soignants et des médecins reste posé, mais nécessite une réflexion de fond, car il concerne à la fois l'université, le système hospitalier et les praticiens de ville. Je suis très attaché à cette réflexion et j'ai déjà constitué un groupe de travail dédié, bien qu'il ne soit pas encore transpartisan.
Nous soutiendrons cette proposition de loi, qui constitue une étape supplémentaire dans l'amélioration du fonctionnement de notre système de santé.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
Article 1er
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 1er vise à renforcer la capacité d'action des acteurs locaux pour mieux faire vivre la démocratie en santé à l'échelle locale. J'exprime ma confiance dans la nouvelle instance des CTS, dès lors qu'on lui confie des missions précises, notamment la permanence des soins et la lutte contre les déserts médicaux.
À cette fin, la proposition commune de rédaction n° 1 a pour objet de faire participer le CTS à l'élaboration des projets territoriaux de santé portés par les différents acteurs, notamment les hôpitaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Afin de renforcer les missions du CTS et de mieux l'associer à l'élaboration et au suivi des projets territoriaux de santé, la proposition commune de rédaction n° 2 prévoit que ce conseil évalue régulièrement la mise en oeuvre des projets territoriaux de santé, sur la base d'objectifs prioritaires qu'il lui reviendra de définir en matière d'accès aux soins, de permanence des soins et d'équilibre territorial de l'offre de soins, objectifs en fonction desquels il pourra réaliser son évaluation.
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 3 tend à rétablir, dans sa rédaction initialement votée par l'Assemblée nationale, les pouvoirs que les directeurs généraux des ARS peuvent exercer pour mettre en oeuvre les missions qui relèvent du CTS s'ils constatent la carence des acteurs de leur territoire.
M. Hadrien Clouet, député. - Il ne s'agit pas, à proprement parler, de la rédaction initiale de l'Assemblée nationale, car une phrase a disparu, à laquelle nous tenions : elle ménageait à l'ARS la possibilité de salarier des médecins volontaires. La disposition correspondait aux demandes de certains professionnels de santé, de territoires, ainsi que de directeurs et directrices généraux d'ARS qui jugeaient cet outil pertinent pour répartir au plus juste l'offre de soins.
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette rédaction n'était pas exempte d'ambiguïté. Le retrait de la disposition n'empêche pas la solution qui consiste à recourir au salariat.
M. Hadrien Clouet, député. - Sans toutefois que l'ARS apporte son financement, ce qui était le sens de l'alinéa qui a disparu...
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 bis
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 4 supprime la demande de rapport introduite par le Sénat afin d'évaluer les effets de la limitation à une fois tous les dix ans de l'octroi de certaines aides aux professionnels de santé.
La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 ter (supprimé)
L'article 2 ter est supprimé.
Article 2 quater A (nouveau)
L'article 2 quater A est supprimé.
Article 2 quater B (nouveau)
L'article 2 quater B est supprimé.
Article 2 quater C (nouveau)
L'article 2 quater C est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 2 quater
L'article 2 quater est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2 quinquies
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 5 prévoit que le diagnostic territorial de santé constitue un outil de pilotage destiné à aider les acteurs du CTS à définir le cadre de leur action et à juger, au fil du temps, des effets des décisions prises. Il doit objectiver les inégalités territoriales de santé et s'appuyer sur des données fiables et actualisées, grâce à un travail de remise à jour périodique par l'ARS.
M. Hadrien Clouet, député. - Je me prononce contre l'adoption de cette proposition de rédaction qui me semble opérer un pas de côté très important par rapport aux intentions initiales formulées à l'Assemblée nationale.
Nous souhaitions en effet disposer d'un indicateur statistique, consultable trimestre par trimestre ou année par année, qui nous offre des éléments de comparaison terme à terme entre les territoires. On ne nous propose ici qu'un rapport territorial qui, selon les endroits, sera plus ou moins succinct et qui ne permettra pas immédiatement un tel exercice comparatif. Moins-disante que la rédaction antérieure, cette version du texte ne me paraît pas propice à l'objectivation des données relatives à l'offre de santé ainsi qu'aux conditions sociales d'accès des publics aux soins et à la santé.
M. Guillaume Garot, député. - Je partage la déception d'Hadrien Clouet. À l'Assemblée nationale, nous avions voté un indicateur territorial de l'offre de soins, afin d'être capables d'objectiver réellement cette offre et la désertification médicale à l'échelle nationale.
Nombre de données existent, mais elles ne s'agrègent pas forcément entre elles. Des données démographiques doivent être mises en relation avec des données de santé et avec des données géographiques. La prévalence des pathologies selon l'âge n'est pas, par exemple, la même d'une région à l'autre.
Un indicateur territorial rendait possible ce travail d'agrégation des données et, par suite, des comparaisons entre les territoires à l'échelle nationale. Véritable outil d'aide au pilotage de nos politiques de santé, un tel indicateur permettrait d'engager localement les meilleures politiques possibles. Nous ne trouvons là qu'un diagnostic, une photographie, une monographie, qui risque de ne valoir que pour le territoire auquel il se rapporte.
Mme Émilienne Poumirol, sénatrice. - Au Sénat, notre groupe avait défendu la création de cet indicateur, pour les raisons qui viennent d'être évoquées, et nous regrettons qu'il ait disparu du texte. Nous avions également souligné la nécessité de reconsidérer régulièrement les zonages.
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Hadrien Clouet et Guillaume Garot ont eu raison de rappeler la position de départ de l'Assemblée nationale. À l'arrivée, celle du Sénat avait consisté en une suppression pure et simple de l'article.
Dans un esprit constructif, avec Corinne Imbert, nous avons trouvé cette voie de passage. Le texte dispose que les données qui figureront dans le diagnostic seront mises en perspective « au regard des situations régionale et nationale ». Le diagnostic comportera donc des éléments de comparaison qui permettront d'évaluer chaque territoire par rapport à une échelle plus vaste. Cela me semble satisfaire la volonté initialement exprimée.
M. Hadrien Clouet, député. - Des exemples de ce type de document existent. Je mets au défi quiconque de comparer deux territoires à partir des diagnostics territoriaux de Pôle emploi ! Je crains qu'on ne retrouve ici ce genre de document, peu opérationnel.
La proposition commune de rédaction n° 5 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 sexies
L'article 2 sexies est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Afin de ne pas imposer aux professionnels salariés un préavis incompatible avec les règles encadrant aujourd'hui les cessations de contrat, notamment par démission, la proposition de rédaction commune n° 6 apporte deux modifications. Elle restreint, d'une part, l'application du préavis de six mois aux seuls professionnels libéraux conventionnés. Elle prévoit, d'autre part, que les centres de santé qui emploient des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes doivent communiquer à l'ARS et au conseil de l'ordre concerné, dès qu'ils en ont connaissance, l'intention des professionnels concernés de cesser leur activité. De cette manière, les délais de préavis applicables à ces professionnels salariés demeureront ceux de leurs contrats de travail.
M. Bernard Jomier, sénateur. - Le délai de préavis de six mois s'appliquera-t-il aux centres de santé ?
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Ce délai de six mois concerne uniquement les professionnels de santé libéraux. Le texte qui nous est d'abord parvenu de l'Assemblée nationale concernait à la fois les libéraux et les salariés. Nous avions, au Sénat, réduit le délai à trois mois pour ces derniers, afin de nous conformer au droit du travail.
M. Yannick Neuder, député. - Je me satisfais de l'accord trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Mais du point de vue de son application, j'attire l'attention sur le fait que la mobilité du médecin est conditionnée par l'emploi du conjoint. Six mois imposent à celui-ci peu de temps pour s'adapter à une nouvelle situation.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Le texte ne prévoit aucune sanction au non-respect du délai de prévenance, de sorte que toutes les situations - mutations, maladies - pourront être entendues, et j'espère que le bon sens l'emportera.
M. Hadrien Clouet, député. - Pour rassurer notre collègue Yannick Neuder, et l'inciter à voter une prochaine fois la formulation proposée à l'Assemblée nationale, je signale que le texte s'accompagnait d'une liste de cas exonérant de l'obligation de préavis. Elle incluait ceux que nous évoquons ici.
Mme Émilienne Poumirol, sénatrice. - Si je comprends bien, nous nous contentons d'un affichage de belles intentions. En pratique, faute de sanction et de pénalités, et s'il est loisible de rattacher la plupart des situations à de possibles cas de dérogations, les délais de préavis risquent de rester des voeux pieux.
La proposition commune de rédaction n° 6 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 octies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 nonies (supprimé)
L'article 2 nonies est supprimé.
Article 2 decies
L'article 2 decies est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 2 undecies
L'article 2 undecies est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3 (supprimé)
L'article 3 est supprimé.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique, le Sénat a adopté l'article 3 bis AA visant à faciliter la fermeture par le directeur général de l'ARS de centres de santé déviants dans le cas où la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) aurait décidé de déconventionner la structure.
La proposition commune de rédaction n° 7 tend à conforter juridiquement le dispositif proposé, en veillant à l'effective motivation de la sanction prononcée au regard des éléments déjà instruits par la CPAM et portés à la connaissance du directeur général de l'ARS, et à assurer sa cohérence avec le régime de sanctions prévu à l'article L. 6323-2-12 du code de la santé publique.
La proposition commune de rédaction n° 7 des rapporteurs est adoptée.
L'article 3 bis AA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis A
L'article 3 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 3 bis B
L'article 3 bis B est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3 bis C
L'article 3 bis C est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3 bis D
L'article 3 bis D est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 3 bis
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 8 reformule la disposition relative au régime assurantiel des professionnels de santé qui décident de contribuer à la permanence des soins hors de leur établissement d'exercice, qu'elle déplace en outre à l'alinéa 4 de cet article.
Elle vise par ailleurs à corriger à l'alinéa 7 un doublon issu d'une erreur matérielle.
La proposition commune de rédaction n° 8 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4 bis A (nouveau)
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 9 a pour objet de clarifier la formulation introduite par le Sénat et d'assurer la cohérence du texte consolidé de l'article 4 bis A qui vise à préciser les conditions particulières qui peuvent être exigées en contrepartie d'une autorisation d'activité accordée à un établissement de santé, en faisant expressément figurer l'organisation de la permanence des soins.
La proposition commune de rédaction n° 9 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4 bis B (nouveau)
L'article 4 bis B est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 4 bis (supprimé)
Mme Mathilde Hignet, députée. - Nous sommes déçus par le recul opéré sur la permanence des soins. Environ un tiers seulement des professionnels de santé assurent cette permanence. Nous souhaitons la répartir équitablement entre l'ensemble des médecins, de façon que la charge de travail ne repose pas uniquement sur ceux qui l'acceptent de manière volontaire.
Mme Émilienne Poumirol, sénatrice. - Notre groupe avait défendu au Sénat une permanence des soins ambulatoires ainsi qu'une permanence des soins en établissements de santé (PDSES) auxquelles devaient obligatoirement participer les établissements de santé privés. Nous exprimons également notre déception devant un texte qui ne reprend pas cette obligation, en particulier en matière de PDSA. Depuis que la loi Mattei a fait reposer la permanence des soins sur le volontariat individuel, seuls 38 % des médecins participent aux gardes. Nous soutenons une obligation collective, applicable à l'échelle d'un territoire.
M. Guillaume Garot, député. - Je regrette la présente rédaction et je comprends mal comment nous expliquerons aux patients que nous nous refusons à généraliser la permanence des soins qui a existé jusqu'en 2003 sans poser de problème particulier. Sans doute, à l'époque, un mouvement syndical a-t-il conduit à la remettre en cause.
Dire que nous n'envisageons pas la possibilité d'une telle généralisation revient à reconnaître que nous restons à côté des enjeux réels. Étendre l'obligation aux établissements de santé privés, comme les cliniques, représente certes une avancée, qu'il convient de saluer ; mais donner un tant soit peu de contenu au texte de la proposition de loi que nous examinons implique de généraliser l'obligation à l'ensemble des médecins.
De plus, nous apporterions là une réponse aux professionnels de santé qui redoutent d'assurer la permanence des soins pour des raisons tenant à la charge de travail qu'elle engendre. Cette charge est d'autant plus lourde que certains ne veulent pas contribuer à la permanence des soins ! La généraliser de façon collective à tous les professionnels de santé, y compris les généralistes de la médecine de ville, ainsi que le prévoyait l'Assemblée nationale, répartit beaucoup plus équitablement la charge de travail. Une telle approche apporte également une réponse aux attentes des patients.
M. Hadrien Clouet, député. - Dans le même ordre d'idées, la régulation de l'installation des professionnels de santé me paraissait un compromis acceptable, porteur d'une solution plutôt utile et efficace, tant pour les patients que pour les professionnels des services d'urgences qui, aujourd'hui, assurent de fait la permanence des soins. L'Assemblée nationale a reculé sur ce point.
Par un jeu de redistribution du temps médical disponible, la permanence des soins est une manière de répondre aux files d'attente qui engorgent les établissements publics de santé.
M. Nicolas Turquois, député. - Je partage la même analyse et vous avouerai ma perplexité quant à mon vote sur cet article. J'entends la position des professionnels de santé, mais la PDSA a existé dans les territoires ruraux et dans les villes. Les gens s'en souviennent et comprennent mal que nous n'avancions pas sur le sujet. De nos jours, la permanence des soins repose sur un nombre trop restreint de professionnels.
Mme Florence Lassarade, sénatrice. - La permanence des soins se révèle complexe à organiser du fait d'une pénurie de volontaires. On a supprimé en 2003 l'obligation qui la concernait et il apparaît très difficile de revenir sur cette suppression, d'autant que nous voyons vieillir la population des professionnels de santé. Je connais des confrères qui, à 70 ans, n'envisagent plus d'assurer des gardes de nuit.
Cependant, les établissements de soins hospitaliers privés soulignent qu'une permanence de soins existe malgré tout pour les malades chroniques, par exemple certains cancéreux.
M. Sébastien Peytavie, député. - Le sujet de la permanence des soins est essentiel dans le texte que nous examinons.
Si nous avons été déçus de ne pas enregistrer d'avancée quant à la régulation de l'installation des professionnels de santé, l'enjeu tient pour beaucoup à l'âge de nombre de médecins. La profession se féminise également. Nous constatons que ceux qui acceptent aujourd'hui la permanence des soins au titre du volontariat en arrivent à une forme d'épuisement et nous savons que nous pâtirons d'une pénurie de médecins pendant encore une dizaine d'années.
Le meilleur, mais aussi le seul moyen d'assurer la permanence des soins, consiste à y impliquer absolument tout le monde, afin d'assurer une juste répartition de la charge de travail sur l'ensemble du territoire.
Mme Nadia Sollogoub, sénateur. - Distinguons la théorie et la pratique.
En ce qui concerne la médecine de ville, dans un département comme la Nièvre, tous les médecins sont volontaires pour assurer la permanence des soins. Malheureusement, la régulation s'y révèle très mal organisée : elle est décentralisée à Dijon, où l'on envoie tous les patients aux urgences.
Ce n'est donc pas parce que les médecins de ville ne veulent pas prendre des gardes que la permanence des soins ne fonctionne pas. Certaines situations se règlent, non par la loi, mais par des simplifications administratives et une fluidification des dispositifs.
Si vous instauriez une permanence des soins obligatoire, votre décision ferait sourire les praticiens de la Nièvre...
M. Bernard Jomier, sénateur. - Un principe doit faire consensus : participer à la permanence des soins est consubstantiel à la condition de soignant et, en particulier, à l'exercice de la médecine de ville.
Mais, dans le détail, à quoi la permanence des soins correspond-elle ? Des médecins arrêtent leurs consultations à 18 heures, d'autres les assurent jusqu'à 20 heures. Vaut-il mieux que ces derniers terminent leur journée de travail ordinaire à 18 heures, en échange d'un créneau exceptionnel de 21 heures à minuit durant lequel, peut-être, ils ne verront personne ? Pareillement, les consultations du samedi matin concourent-elles à la permanence des soins ? En l'état, la réglementation ne leur reconnaît pas cette qualité, bien que des organisations de soignants attirent de longue date notre attention sur le fait que cela n'est pas juste. Certains professionnels, dans leur exercice quotidien et sans se rendre à la maison médicale de garde, prennent assurément leur part dans la permanence des soins.
Nous devons nous méfier des mesures qui aggraveraient la situation. Or la détermination de ce qu'est, effectivement, la permanence des soins reste malaisée.
Nous avions suggéré une forme de compromis, que le Sénat n'a pas retenu. Elle consistait à rappeler l'obligation de participer à la permanence des soins, en y mettant une borne d'âge à 55 ans. On demande en effet aux soignants de travailler de plus en plus longtemps, mais le travail de nuit ne convient manifestement plus aux organismes au-delà d'un certain âge.
M. Guillaume Garot, député. - À l'Assemblée nationale, le groupe transpartisan avait émis l'idée de mieux répartir la charge de travail entre tous les professionnels, afin qu'elle soit plus supportable pour chacun. Nous proposions de plus que l'obligation soit collective, à charge ensuite pour les territoires de s'organiser. Tel est d'ailleurs bien le sens du texte que nous examinons ce matin. Je trouverais dommage que nous écartions la possibilité d'une organisation collective et obligatoire de la permanence des soins à l'échelle des territoires.
Par ailleurs, je rejoins Bernard Jomier pour dire que, au-delà de 55 ans, la fatigue s'installe et que l'on peut alors comprendre, humainement, le peu d'appétence pour participer aux gardes.
M. Yannick Neuder, député. - La féminisation des professions médicales et l'évolution du rapport au travail sont les principaux facteurs qui nous amènent à nous interroger sur la permanence des soins.
Il y a vingt ans, finir à 20 heures le soir ne posait aucun problème. C'est désormais différent, avec une charge familiale beaucoup mieux répartie entre les hommes et les femmes : exercer dans le créneau de 18 à 20 heures ne va plus de soi quand se présente l'obligation d'aller récupérer les enfants à 18 heures. Il faut accepter de l'entendre : 70 % de mes internes sont des femmes et je constate que le créneau 18-20 heures est, pour elles, un véritable sujet. Il en va de même du samedi matin. À l'hôpital, nous avons pendant longtemps assuré sans difficulté une permanence le samedi matin ; depuis quelques années, et notamment avec les 35 heures, les choses ont changé. Quand le week-end commence-t-il ? Le conjoint occupe ici une place centrale : s'il pose une demi-journée de RTT le vendredi, le soignant a du mal à justifier auprès de lui sa présence au travail le vendredi après-midi ; et c'est encore plus vrai le samedi matin, quand son travail ne fait pas l'objet d'une rémunération spécifique.
M. Jean-François Rousset, député. - Il me semble que tous les médecins ont à coeur d'assurer la permanence des soins. Elle fait partie de leur engagement. C'est l'exercice individuel qui la rend difficile. De ce point de vue, toutes les mesures que nous avons prises, destinées à encourager l'exercice en commun, faciliteront l'implication des médecins dans l'organisation de la permanence des soins.
Quand cette organisation n'existe pas directement, les services d'accès aux soins (SAS) prennent le relais. Celui de l'Aude, que j'ai visité, est un modèle du genre. Ces services reposent le plus souvent sur la volonté, bien réelle, des professionnels. La quasi-totalité des médecins généralistes s'est organisée en ce sens. Ce système permet de dégager du temps médical et de la place pour les véritables urgences.
Ne l'ignorons pas et ne cherchons pas, non plus, à vouloir toujours tout encadrer !
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je fais confiance aux professionnels. La permanence des soins le soir, et jusqu'à une heure avancée, est assurée dans 95 % ou 96 % des territoires, même si tous les professionnels n'y participent pas. Nous pouvons discuter de la nuit profonde, mais celle-ci renvoie à un nombre de situations beaucoup plus limité. Pourquoi, dans ces conditions, bousculer ce qui fonctionne ?
Dans les faits, avec la mise en place de plus en plus fréquente d'exercices coordonnés, ce sont les médecins plus âgés qui entraîneront leurs jeunes confrères et consoeurs - de jeunes pères ne veulent pas non plus travailler au-delà de 18 heures ! - à prendre leur part à la permanence des soins. Et il n'est pas forcément besoin de l'inscrire dans la loi.
Le Sénat a supprimé cet article parce qu'il y a six mois nous avions déjà voté, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de la députée Stéphanie Rist, l'article sur la responsabilité collective des professionnels de santé à la permanence des soins, en y ajoutant les infirmières et les sages-femmes. Et je crois que les professionnels de terrain ne refuseront pas cette responsabilité.
Il ne faut pas que le dispositif que nous arrêterons se révèle contre-productif. Aujourd'hui, la médecine générale est l'antépénultième spécialité choisie parmi les quarante-quatre spécialités qui s'offrent aux médecins en formation. Mettre une borne d'âge à l'obligation de permanence des soins conduira au désengagement des médecins les plus âgés.
N'est-il pas préférable de conserver un système où un médecin ne participe certes pas à la permanence des soins le soir, mais ouvre son cabinet le samedi matin ?
Nous n'améliorerons pas l'accès aux soins sans les professionnels de santé et, en particulier, sans les médecins généralistes.
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je partage le constat selon lequel la permanence des soins ne fonctionne pas en médecine ambulatoire, ou qu'elle ne correspond pas au besoin. Cependant, l'ordre des médecins considère que, lorsqu'un seul médecin y participe, le territoire est couvert. C'est déraisonnable, le doublement de la fréquentation des services d'urgences en atteste.
Dans le présent texte, nous progressons significativement sur la permanence des soins dans les établissements de santé.
Corinne Imbert a raison de rappeler qu'il y a quelques mois, nous avons fait évoluer la permanence des soins en médecine ambulatoire en posant le principe d'une responsabilité collective de l'ensemble des professionnels. En outre, l'article 1er que nous avons adopté dispose que la mission d'organiser la permanence des soins relève désormais des CTS. Les médecins libéraux, les médecins hospitaliers, les élus locaux, les autorités de régulation, les ordres professionnels, tous les acteurs du système de santé se retrouveront dans cette enceinte pour en discuter. Sans doute, par capillarité, la permanence des soins dépassera-t-elle progressivement la proportion de 40 % de professionnels qui l'assurent actuellement.
Je fais également le pari de la confiance aux professionnels. Avançons, non à coup d'obligations légales, mais en encourageant le débat dans les territoires.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La mention expresse, dans le texte, des ordres professionnels comme parties prenantes des CTS n'était pas indispensable au regard du code de la santé publique, qui ne limite pas la composition de ces conseils. Les représentants des syndicats et des unions régionales des professionnels de santé (URPS) la contestaient, mais nous avons résolument voulu impliquer l'ensemble des acteurs sur le sujet de la permanence territoriale des soins, afin d'améliorer le dispositif. Or les ordres professionnels tiennent les tableaux de garde et nous avons aussi besoin de leur contribution.
L'article 4 bis est supprimé.
Article 5
L'article 5 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 5 bis A (nouveau)
L'article 5 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 5 bis
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5 ter (supprimé)
L'article 5 ter est supprimé.
Article 5 quater (supprimé)
L'article 5 quater est supprimé.
Article 5 quinquies
L'article 5 quinquies est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 6
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 10 vise à préciser les modalités dans lesquelles la personnalité morale peut être attribuée à un GHT hors cas de fusion des établissements parties.
La proposition commune de rédaction n° 10 des rapporteurs est adoptée.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Lors de l'examen du texte en séance publique au Sénat, il a été prévu de soumettre à la délibération du conseil de surveillance des hôpitaux un « contrat de gouvernance » comprenant la charte de gouvernance déjà prévue par le code de la santé publique, assortie d'une « feuille de route stratégique », présentée conjointement par le directeur et le président de la commission médicale d'établissement (CME), relative à la mise en oeuvre du projet d'établissement.
La proposition commune de rédaction n° 11 vise, en retenant l'intention d'un renforcement du binôme que forment le directeur et le président de la CME, à simplifier la formulation du dispositif, en soumettant à la délibération du conseil de surveillance les modalités de mise en oeuvre du projet d'établissement, lesquelles seront présentées par le directeur et le président de la CME chaque année et concerneront tant l'établissement que ses pôles et services, et en soumettant à l'avis du conseil de surveillance la charte de gouvernance.
La proposition commune de rédaction n° 11 des rapporteurs est adoptée.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 6 bis A (supprimé)
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 12 vise à reformuler les dispositions relatives au changement de périmètre des GHT. En liaison avec l'ARS, un GHT qui s'interroge sur l'utilité et le bien-fondé de son périmètre pourra demander à rejoindre la convention d'un autre GHT.
La proposition commune de rédaction n° 12 des rapporteurs est adoptée.
L'article 6 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Cet article entend répondre à une difficulté opérationnelle du fait de l'inapplicabilité pour le Sénat des dispositions de la loi de 2021 dite « Rist 1 » concernant la participation de parlementaires au sein des conseils de surveillance des hôpitaux.
Il est ainsi proposé d'alléger la rédaction codifiée afin de supprimer la modalité de désignation par la commission des affaires sociales du Sénat.
La proposition commune de rédaction n° 13 précise la démarche volontaire des parlementaires de la circonscription d'un établissement de santé en vue de la participation au conseil de surveillance de ce dernier.
La proposition commune de rédaction n° 13 des rapporteurs est adoptée.
L'article 6 bis B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 6 ter
L'article 6 ter est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 7
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le Sénat a choisi d'intégrer au champ de l'encadrement de l'intérim les établissements médico-sociaux d'enseignement. La proposition commune de rédaction n° 14 vise à préserver cet apport.
La proposition commune de rédaction n° 14 des rapporteurs est adoptée.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 8
L'article 8 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 8 bis A (nouveau)
L'article 8 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 8 ter (nouveau)
L'article 8 ter est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 8 quater (nouveau)
L'article 8 quater est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 10 (supprimé)
L'article 10 est supprimé.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 15 vise à reporter l'entrée en vigueur de la réforme projetée de la procédure d'autorisation d'exercice des Padhue à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025, afin de permettre au Gouvernement de prendre les dispositions réglementaires d'application nécessaires.
Elle permet, en revanche, de fixer sans attendre de nouvelles procédures d'affectation des Padhue en parcours de consolidation des compétences, et supprime à cet effet le principe de l'affectation en fonction du rang de classement. Il est, en effet, nécessaire de permettre aux Padhue bénéficiant des nouvelles attestations temporaires d'être affectés en priorité à l'établissement au sein duquel ils exercent d'ores et déjà.
La proposition commune de rédaction n° 15 des rapporteurs est adoptée.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 16 vise à permettre au Gouvernement de fixer annuellement, dans des conditions définies par des dispositions réglementaires, le nombre de places offertes aux épreuves de vérification des connaissances des Padhue.
La proposition commune de rédaction n° 16 des rapporteurs est adoptée.
L'article 10 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 10 ter A (nouveau)
L'article 10 ter A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 10 ter (supprimé)
L'article 10 ter est supprimé.
Article 10 quater (supprimé)
M. Frédéric Valletoux, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous étions convenus, lors de nos échanges, que la demande de rapport portant notamment sur le déroulement de l'internat en médecine et les conditions dans lesquelles les étudiants sont pris en charge, et qui avait été soutenue par l'ensemble des groupes à l'Assemblée nationale, soit retenue dans le cadre de la CMP. Aussi, je souhaite le rétablissement de cet article.
M. Yannick Neuder, député. - Même si je sais le peu d'appétence du Sénat pour les rapports, je soutiens cette demande. Si vous en décidez autrement, j'intégrerai cette disposition dans la proposition de loi que nous examinerons tout à l'heure à l'Assemblée nationale, car les internes en ont fortement besoin pour prendre leurs décisions.
M. Hadrien Clouet, député. - Je plaide moi aussi en faveur de la demande de ce rapport. Les internes font partie des professionnels qui suivent de près les travaux de nos deux assemblées. Dès lors que nous parvenons à une CMP conclusive, il me semble difficile, dans le cadre de ce consensus, de ne pas répondre à leurs attentes. Ce rapport nous permettra ensuite de discuter des évolutions que nous pourrons apporter. Intégrons cette demande dès maintenant !
M. Jean-François Rousset, député. - Plus qu'un geste, cet article témoignerait de la considération que nous portons aux internes.
M. Nicolas Turquois, député. - Je souscris à cette demande de rapport. En effet, le déroulement de l'internat, la rémunération et les conditions de travail des étudiants posent question. Mais la position commune de Yannick Neuder et d'Hadrien Clouet m'interpelle. Serait-ce dû à la magie du Sénat ?...
M. Guillaume Garot, député. - J'invite notre collègue Nicolas Turquois à rejoindre le groupe de travail transpartisan de l'Assemblée nationale ; la magie y opère tout le temps.
L'Assemblée nationale a voté ce rapport, car les internes nous ont fait part de leurs difficultés en termes de conditions de travail, de rémunération. Nous sommes tous d'accord pour le reconnaître, ils portent l'hôpital à bout de bras. Quel signal allons-nous leur envoyer si nous ne retenons pas cet article dans le cadre de cette CMP ? Politiquement, il serait positif de maintenir ce rapport, même si certains d'entre vous nourrissent des doutes sur l'utilité des rapports.
Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je n'ai aucun doute sur l'utilité des rapports ; le Sénat doute de la production des rapports. D'où la position constante de notre commission de les supprimer. Force est de constater que ne disposons jamais des rapports.
Pour autant, j'entends vos arguments et le Sénat n'a pas la volonté de faire un affront aux internes en confirmant la suppression de cet article. Aussi, à titre personnel, suis-je favorable au rétablissement de cet article. Je guetterai ce rapport avec beaucoup d'attention, vous l'imaginez bien, et je le lirai avec minutie...
Je vous rappelle que nous avons étendu précédemment une disposition aux internes du deuxième cycle, ce qui témoigne de notre bienveillance à leur égard.
L'article 10 quater est rétabli dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - J'appuie la demande de Mme Imbert de disposer réellement de ce rapport. À titre d'exemple, lors de l'examen du dernier PLFSS par le Sénat, une centaine de demandes de rapport ont été formulées. Le Sénat ne remet pas en cause le bien-fondé de ces rapports, mais les amendements tendant à formuler des demandes de rapport sont souvent l'occasion de prendre la parole sur un sujet. J'observe que seuls deux rapports sur les huit demandés dans le cadre de la LFSS pour 2023 ont été produits, avec beaucoup de retard au demeurant. Si certains d'entre vous peuvent faire oeuvre utile en demandant au Gouvernement de remettre vraiment ce rapport au Parlement, alors nous nous féliciterons d'avoir rétabli cet article issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Mme Florence Lassarade, sénatrice. - J'ai été choquée par les propos de notre collègue Yannick Neuder sur les internes femmes qui iraient chercher leurs enfants à la sortie de l'école. Nous sommes plusieurs ici à avoir fait des semaines de quatre-vingts heures lorsque nous exercions une profession médicale. Il faut que ce rapport prenne en compte la qualité du service rendu au regard du taux de féminisation de la profession.
M. Hadrien Clouet, député. - En accord avec mes collègues du groupe de travail transpartisan, même si nous sommes satisfaits de certaines avancées, sur la permanence des soins, sur les droits donnés à l'ARS sur la salarisation ou sur l'indicateur territorial de l'offre de soins, nos déceptions motiveront un vote contre.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.
La réunion est close à 10 h 55.