- Mardi 31 octobre 2023
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
Mardi 31 octobre 2023
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
M. Philippe Mouiller, président. - Nous auditionnons M. Nicolas Grivel, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je me permettrai simplement de souligner, en introduction, que j'ai été frappé, comme sans doute de nombreux collègues, par la totale absence d'un volet « famille » au sein du texte déposé par le Gouvernement. Pourtant, les enjeux ne manquent pas, qu'il s'agisse de l'évolution préoccupante de la natalité ou des multiples questions que soulève la transformation du modèle familial. Je ne peux que constater que le PLFSS 2024 est muet sur tous ces sujets.
Monsieur le directeur général, je vais vous donner la parole afin que vous nous présentiez l'avis du conseil d'administration de la caisse sur le PLFSS 2024, sur les perspectives financières de votre branche et, si vous le souhaitez, sur les observations que j'ai formulées.
Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, à commencer par notre rapporteur de branche, Olivier Henno et notre rapporteure générale, Élisabeth Doineau.
M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales. - Effectivement, le PLFSS ne comporte que peu d'articles qui portent directement sur la branche famille, - nous sommes concernés par exemple par l'extension des publics bénéficiaires de la C2S en appui à nos collègues de l'Assurance maladie -, et nous sommes impactés bien davantage par des mesures réglementaires, en matière de lutte contre la fraude ou encore pour l'harmonisation à 9 mois de la condition de résidence sur le territoire national pour bénéficier des différentes prestations, alors qu'elle est de 6 mois pour les prestations familiales et de 8 mois pour les APL. Sur la fraude, il faut compter aussi avec la création, dans le PLFSS, d'un délit d'incitation à la fraude sociale, ce qui sera utile pour contrer un phénomène qu'on voit se développer en particulier sur les réseaux sociaux.
Cela étant dit, la branche famille fait face à une forte actualité, avec le renouvellement de sa convention d'objectifs et de gestion (COG), obtenu en juillet dernier dans des conditions favorables avec un large accord au sein de notre conseil d'administration. La nouvelle COG est ambitieuse, elle nous donne des moyens nouveaux pour mener à bien des réformes déjà votées comme celle des aides au logement, aussi bien que pour de nouveaux projets ; nous allons augmenter nos effectifs, cela n'est pas arrivé depuis longtemps, et le Fonds national d'action sociale (Fnas) va progresser de 6 % par an jusqu'en 2027, soit + 2 milliards d'euros dont 1,5 milliard pour la petite enfance, ce qui sera déterminant pour mettre en place le service public de la petite enfance (SPPE), d'abord pour accompagner les collectivités locales dans la montée en charge de ce service public, financièrement ainsi qu'en conseil et ingénierie. Ces éléments de forte actualité ne figurent donc pas en tant que tels dans le PLFSS, mais ils sont bien dans notre nouvelle COG et ils se traduisent également dans l'objectif de dépenses proposé par ce projet de loi de financement.
Nous sommes aussi fortement engagés dans le soutien aux politiques en direction de l'enfance, de la jeunesse, de la parentalité, la nouvelle COG prévoit de nouveaux moyens pour faire face en particulier aux difficultés financières de ces secteurs en période d'inflation. L'enjeu d'accompagnement des familles ne s'arrête pas aux 3 ans de l'enfant, nous sommes présents au-delà en soutenant les activités extra et périscolaires, nous soutenons les réseaux d'acteurs, les centres sociaux, et nous avons un rôle de facilitateur.
Je citerai quelques projets en cours, qui font suite à des mesures que vous avez votées récemment et qui sont au coeur de notre actualité.
D'abord, permettez-moi d'évoquer la « déconjugalisation » de l'allocation adulte handicapé (AAH), que vous avez votée à l'été 2022, bien que cela ne concerne pas le PLFSS. Nous avions alors eu un débat sur le délai d'application de cette réforme ambitieuse et complexe. Vous aviez tenu à une application dès octobre 2023, nous y sommes, et je peux vous dire ma confiance dans l'application effective, avec le versement du 5 novembre, de cette mesure de pouvoir d'achat tant attendue par les allocataires. Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour cette mise en place rapide et pour que cette réforme ne fasse pas de perdants ; nous avons estimé que 25 000 à 30 000 allocataires pourraient perdre au changement, nous assurons qu'ils resteront dans le mécanisme antérieur tant qu'il leur sera plus favorable.
Je mentionnerai également la mise en place, au 1er décembre prochain, de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, prévue par la proposition de loi de Valérie Létard, que vous avez votée avec une large majorité en début d'année. Nous attendons les textes réglementaires, et de notre côté nous nous sommes mobilisés pour une application effective à la date prévue.
La Cnaf a également dans son actualité, le projet de loi sur le plein emploi, qui aura une incidence directe pour la gestion du RSA et notre lien avec France Travail, avec une entrée en vigueur prévue en 2025, ce qui représente un intense travail de préparation l'an prochain. J'ajoute également au chapitre des réformes d'ampleur à mettre en oeuvre la mesure sur le complément de mode de garde, que vous avez votée en PLFSS l'an dernier pour harmoniser le reste à charge quel que soit le mode de garde, et qui sera applicable en 2025 elle aussi.
Autre réforme d'importance qui nourrit notre actualité : la solidarité à la source et la modernisation de notre système de délivrance des prestations. Le RSA et la prime d'activité reposent sur un système déclaratif : les allocataires déclarent leurs revenus tous les trois mois et leur allocation est calculée sur cette base. Ce système est délicat du fait que les allocataires peuvent se tromper et que les textes sont d'application complexe. Nous devons alors ajuster les versements ou réclamer des indus, ce qui occasionne une forme d'insécurité pour des publics qui ont besoin de stabilité financière. Dès lors que nous sommes capables de connaître les ressources en amont, autant aller vers cette solidarité à la source, avec le montant net social indiqué sur la feuille de paie - c'est effectif depuis le 1er juillet et cela devient obligatoire au 1er janvier prochain -, puis des déclarations pré-remplies que les allocataires n'auront plus qu'à vérifier et à compléter le cas échéant, comme cela se fait pour l'impôt sur le revenu. Ce système simplifiera la vie des allocataires et les relations que nous entretenons avec eux, dans une logique d'accès au droit : nous conduisons cette réforme complexe par étapes, avec des expérimentations l'an prochain, puis une généralisation souhaitée en 2025.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci, je confirme que la déconjugalisation de l'AAH est une réforme complexe à mettre en oeuvre.
Mme Élisabeth Doineau. - La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille au motif qu'il y avait trop de paiements erronés ; ils étaient de 7,6 % en 2021 contre 5,6 % en 2019. Que mettez-vous en place pour les maîtriser ?
M. Olivier Henno. - Le président a évoqué le silence de ce PLFSS sur la famille alors que la natalité baisse et que le modèle familial évolue, c'est effectivement une surprise, nous poserons la question au ministre. Il y a eu des annonces sur le retour à l'universalité des allocations familiales, les évolutions sur le congé parental, le complément mode de garde - tout ceci pour 2025 - ou encore sur les ressources humaines et sur les régimes d'autorisation. Aussi peut-on également s'étonner de voir l'excédent de la branche famille être réduit de 2 milliards d'euros en 2023 par un transfert artificiel de charges, alors même que des réformes comme celle des congés parentaux demandent des moyens supplémentaires, qui sont inscrits d'ailleurs dans la COG. Partagez-vous les projections optimistes du Gouvernement sur la situation financière de la branche famille ?
La nouvelle COG, ensuite, prévoit une hausse significative des dépenses en faveur des établissements d'accueil du jeune enfant, avec une prestation de service unique (PSU) augmentée de 6,71 % : cette hausse ne sera-t-elle pas intégralement absorbée par l'inflation ?
Enfin, le Gouvernement propose par amendement au PLFSS plusieurs ajustements de la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) adoptée l'année dernière. Pouvez-vous nous éclairer sur les travaux techniques engagés depuis un an ?
M. Nicolas Grivel. - Effectivement, notre système génère des erreurs déclaratives qui sont à l'origine des écarts de paiement que nous avons indiqués à la Cour des comptes - la Cour n'a pas critiqué la qualité de nos comptes, ils sont bien tenus, mais le fait qu'il y ait trop d'erreurs dans les données entrantes, les déclarations des allocataires. Cela tient, nous semble-t-il, à l'évolution de notre panier de prestations, qui a connu deux changements récents : le doublement de la prime d'activité et la réforme des aides au logement. Or, la prime d'activité a un indicateur de risque d'erreurs élevé - les erreurs augmentent donc mécaniquement quand on double la prime. Pour les aides au logement, qui sont nos prestations les plus importantes, on est passé d'une référence aux revenus fiscaux d'il y a deux ans, à une référence aux ressources des douze derniers mois, en continu, ce qui est une source d'erreurs bien plus grande et d'ajustements nécessaires, car toutes les ressources ne sont pas connues de manière exhaustive en continu. Nous essayons de réduire le volume d'erreurs, nous comptons en particulier sur la solidarité à la source, qui occasionnera nettement moins d'erreurs puisqu'il y aura moins de déclaratif. Les améliorations seront progressives puisque l'indicateur est à 24 mois. Nous allons continuer à gérer le système actuel. La Cour des comptes a souligné que la priorité devait être accordée à la solidarité à la source. Dans l'intervalle, nous avons un plan transversal d'amélioration de la qualité. J'espère que nos comptes pourront bien être certifiés au printemps prochain. Il faut également prendre en compte le fait que nous nous sommes attachés à la qualité de service, dans une période de réforme importante, cela devrait entrer dans la discussion que nous avons avec la Cour des comptes.
Nous partageons les projections financières du Gouvernement, la COG est calculée sur cette base et c'est dans ce cadre que nous définissons notre politique volontariste, avec un FNAS en progrès de plus de 6 % par an jusqu'en 2027. Cette augmentation est d'autant plus souhaitable qu'il y a de l'inflation, je pourrais même dire qu'il est heureux qu'elle intervienne, faute de quoi l'inflation ferait reculer nos moyens. Dans nos calculs, nous intégrons l'inflation et nos objectifs sur les salaires. L'équation, cependant, est difficile à résoudre, l'inflation augmente les coûts et le Gouvernement a légitimement annoncé vouloir améliorer l'attractivité des métiers, renforcer les effectifs et les actions du secteur de la petite enfance. Nous accompagnons le mouvement en renforçant aussi la qualité du service, avec plus d'accueil extra et périscolaire, plus de centres sociaux - nous évoluons en dégageant plus de moyens, y compris compte tenu de l'inflation. Les moyens prévus permettent d'agir sur tous ces leviers.
La réforme du complément de mode de garde a été engagée l'an passé, nous travaillons très étroitement avec l'Urssaf pour sa mise en oeuvre, avec l'objectif d'une application en 2025. La réforme est complexe, nous passons d'un système forfaitaire assez simple avec des tranches, à une aide proportionnelle aux ressources des parents. C'est intéressant pour l'accès au service public puisque certains modes de garde financièrement peu accessibles aujourd'hui aux ménages plus pauvres, vont le devenir davantage. C'est intéressant, mais cela nous demande d'internaliser en quelque sorte la complexité, d'où le délai nécessaire. Nous devons aussi prendre le compte le fait que s'il devait y avoir des perdants, nous devrions neutraliser temporairement l'effet de la réforme. Dans ces conditions, l'échéance de septembre 2025 parait raisonnable.
Mme Pascale Gruny. - Où en êtes-vous sur la fraude aux prestations familiales : évaluez-vous son montant avec précision - et avez-vous pu avancer pour la réduire ? Comment allez-vous mettre en oeuvre les articles 10 et 10 bis du projet de loi pour le plein emploi en ce qui concerne vos compétences ?
Mme Annie Le Houerou. - Ce PLFSS nous laisse sur notre faim en matière de politique familiale mais vous semblez satisfaits par les moyens que vous donne la nouvelle COG. Pourquoi l'augmentation des prestations familiales n'intervient-elle qu'au 1er avril prochain, alors que l'inflation pèse sur les familles ?
Pensez-vous, ensuite, que l'objectif de 100 000 places nouvelles pour la garde d'enfants puisse être atteint en 2027 ?
Vous avez hérité de la gestion des points information jeunesse : avez-vous obtenu des moyens supplémentaires pour ce faire, en particulier de l'État ?
Enfin, que faire pour revaloriser la rémunération des personnels techniques et administratifs de la petite enfance, qui ont, eux aussi, été exclus du Ségur ? Cela peut créer des tensions dans certains établissements.
M. Laurent Burgoa. - Quelles décisions avez-vous prises à la suite des révélations dans la presse, de pratiques inadmissibles dans certaines crèches ?
Pour tenir compte des émeutes qui se sont déroulées dans certains territoires il y a quelques mois, que pensez-vous de l'idée d'ouvrir davantage les centres sociaux des quartiers prioritaires de la ville (QPV) - avec une bonification de la Cnaf pour les y aider ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Savez-vous quel est le coût consolidé d'accueil et de prise en charge d'un enfant à l'extérieur de sa famille, en considérant bien l'ensemble des prestations et contributions de la Cnaf, en comparaison à une garde par la famille elle-même, solvabilisé par des aides, au premier chef l'indemnisation du congé parental ?
L'ambition n° 2 de votre nouvelle COG est ainsi intitulée : « Favoriser l'accueil périscolaire et extrascolaire des jeunes enfants », elle se traduit par le recrutement ou la mise à disposition de plus de 410 animateurs qualifiés, ceci dans un contexte où les communes peinent à recruter sur de tels postes et où les disparités sont fortes dans cet accueil, entre grandes et petites communes - l'Association des maires de France (AMF) l'a démontré dans son étude 2023. N'y a-t-il pas un risque que les inégalités ne se creusent davantage - et que faites-vous pour le contrer ? Comment renforcer l'attractivité des métiers de l'animation, pour faciliter les recrutements ?
Vous mentionnez également un bonus financier pour l'inclusion handicap : en quoi consiste-t-il ? Et comment s'articule-t-il avec le fait que les personnels spécialisés sont recrutés par l'Éducation nationale ou par les communes - ne faudrait-il pas unifier le recrutement, pour faciliter la politique d'inclusion dans l'accueil périscolaire et extrascolaire ?
M. Khalifé Khalifé. - Où en est-on de la généralisation des conventions territoriales globales - et quelle est leur incidence financière sur les dispositifs ?
M. Philippe Mouiller, président. - En tant que président de la commission, je suis sollicité par les centres sociaux sur l'application des accords de branche : prévoyez-vous une aide financière pour accompagner cette transformation ?
M. Nicolas Grivel. - La branche famille est très engagée dans la lutte contre la fraude, notre action est bien reconnue - la Cour des comptes l'a saluée. Notre modèle d'évaluation est ancien et élaboré, des échanges sur la fraude avec le ministère des comptes publics m'a permis de voir qu'un modèle aussi poussé était peu répandu. Nous faisons des enquêtes aléatoires approfondies tous les deux ans sur des dossiers, à partir de quoi nous extrapolons le niveau de fraude - à 2 milliards d'euros, sur 100 milliards d'euros de prestations, cela reste important. La déclaration pré-remplie aidera à limiter la fraude, car elle est moins facile ou moins tentante lorsqu'on sait d'avance que l'administration connait nos ressources. Nous disposons de quelque 700 contrôleurs engagés contre la fraude et, depuis deux ans, nous avons installé un service national de lutte contre la fraude dite à enjeu, forte d'une trentaine d'inspecteurs - ils seront bientôt 45 -, pour intervenir contre la fraude structurée, dont les allocataires sont souvent victimes puisqu'elle procède par des systèmes organisés d'usurpation d'identité ou de relevés d'identité bancaire (RIB), par de fausses microentreprises ou par des emplois fictifs. Nous avons d'ailleurs recruté des experts venant de la banque, de la police et de la gendarmerie. Nous sommes très actifs et même très réactifs sur ces sujets, avec des résultats ; pour les fraudes au RIB, par exemple, nous parvenons à ne rien verser dans quatre cas sur cinq, c'est d'autant plus intéressant que dans ce type de fraude organisée, nous ne récupérons généralement pas les sommes versées, ce qui n'est pas le cas pour les fraudes individuelles, où l'on se retourne plus facilement contre le fraudeur. Autre résultat, nous détectons plus tôt et mieux les fraudes à la résidence, nous avançons.
Sur la petite enfance, l'article 10 du projet de loi relatif au plein emploi est important puisqu'il clarifie la gouvernance locale du SPPE autour d'une autorité organisatrice, la commune, et le texte confie à la branche famille un rôle de soutien financier et de conseil, d'ingénierie. C'est ce que font déjà les CAF dans le cadre des conventions territoriales globales - c'est très important en particulier dans les petites communes, nous sommes en support pour le développement, pas des concurrents. Le texte issu de la commission mixte paritaire reprend aussi l'idée que les communes ayant conclu une convention territoriale globale avec une CAF, sont dispensées de l'obligation d'établir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant, c'est plus simple. Quant à l'article 10 bis sur les fraudes, nous sommes convaincus de l'intérêt d'une bonne articulation entre le contrôle financier, qui relève surtout des CAF, et le contrôle qualitatif, qui est plutôt entre les mains des PMI et des départements. Il faut travailler de manière articulée avec tous les partenaires et à différentes échelles - nous allons en particulier développer une approche par groupes, avec un regard national qui porte sur plusieurs crèches d'une même entreprise sur plusieurs départements, c'est parfois plus fécond que la focalisation à l'échelle d'un territoire ou d'un département. Une structure peut faire des erreurs, mais dans certains cas nous sommes en présence de fraudes, il faut alors bien cerner les comportements et prendre des sanctions, c'est le cas ici avec la nouvelle sanction administrative, qui est plus efficace qu'une sanction uniquement pénale.
S'agissant du nombre de places, l'objectif national est de 100 000 solutions d'accueil supplémentaires d'ici 2027, cela ne signifie pas 100 000 places de crèches puisqu'on prend en compte tous les modes d'accueil. Notre COG prévoit 35 000 places de crèches supplémentaires ce qui, en tenant compte des fermetures et des restrictions liées au manque de personnel, demande de planifier l'ouverture de 60 000 places en crèches d'ici 2027. Ce n'est pas la tendance ces dernières années, c'est dire le travail qui est devant nous, en soutien des collectivités territoriales, mais aussi ce que nous avons à faire sur les restes à charge, là encore en se répartissant les efforts supplémentaires à réaliser avec les collectivités, c'est le sens que nous donnons aux conventions territoriales globales. Nous avions besoin de l'article 10 pour poser un cadre plus stable, à l'intérieur duquel nous aurons à faire davantage pour développer l'offre. Ce n'est pas une voie facile sur le plan financier mais aussi sur le plan qualitatif, étant donné les difficultés de démographie professionnelle. Nous allons mobiliser le levier du PSU, qui va continuer d'augmenter, en le complétant de bonus liés à la qualité de service et à la revalorisation des rémunérations professionnelles, c'est un levier pour améliorer la qualité - nous n'opposons pas la quantité et la qualité, elles se complètent, nous le voyons bien quand on investit dans les lieux d'accueil, quand les rémunérations progressent. C'est sur tout cet ensemble qu'il faut avancer.
Je n'ai pas la réponse sur le coût comparé des modes d'accueil par rapport au maintien dans la famille, je vais regarder comment vous répondre plus précisément, mais il me semble qu'on ne peut pas raisonner sur le seul volet financier. Des travaux académiques montrent l'intérêt de l'accueil collectif pour la socialisation de l'enfant les mille premiers jours, il peut y avoir une bonne combinatoire entre famille et accueil collectif, en particulier dans les populations plus fragiles, qui accèdent plus facilement au congé parental - cela peut paraitre coûter moins cher, mais c'est sans prendre en compte les effets d'une moindre socialisation de l'enfant, et de l'éloignement des parents du marché du travail. Il faut raisonner en coût complet incluant la non-socialisation de l'enfant et l'éloignement du marché du travail pour le parent, c'est complexe mais je vais tâcher de vous apporter des éléments complémentaires.
Nous sommes très impliqués dans le développement territorial des centres sociaux. Nous avons avancé sur notre objectif d'une présence sur tous les territoires prioritaires - les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en particulier. Cet objectif était déjà celui de la précédente COG. Il n'est pas entièrement tenu, cela n'est pas de notre seul fait, mais les progrès ont été importants ; nous voulons y parvenir d'ici 2027, ce qui suppose de continuer à soutenir les structures actuelles qui voient leurs charges augmenter avec l'inflation, mais qui connaissent aussi des enjeux d'attractivité professionnelle importants. L'augmentation de l'amplitude horaire d'ouverture des centres sociaux a été essayée, elle ne donne pas tous les résultats qu'on en attendrait. Le sujet est plus complexe qu'il y paraît - il faut aussi pouvoir se poser la question de savoir si l'on propose la bonne activité au bon endroit, en particulier auprès des jeunes, c'est un sujet à travailler localement, plutôt qu'espérer un modèle qui vaudrait pour la France entière.
Nous voulons aussi avancer sur les activités extrascolaires et périscolaires. Nous étions limités financièrement dans la précédente COG pour accompagner le développement de solutions nouvelles, ce qui a entrainé des restes à charge différents selon notre participation. Nous avons désormais plus de souplesse, pour accompagner en particulier les communes qui n'ont pas pu assez investir ces activités, nous apportons en moyenne 20 % de financement, c'est moins important que pour la petite enfance ou les centres sociaux, mais ce n'est pas négligeable.
Nous allons également pouvoir mettre en place le bonus inclusion handicap, c'est une avancée importante annoncée par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, c'est une majoration financière liée au nombre d'enfants en situation de handicap - dès le premier enfant -, pour compenser les surcouts liés à cet accueil, nous l'avons déjà mise en place pour les crèches depuis quelques années.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Quelle part de votre budget consacrez-vous au contrôle et à la lutte contre la fraude ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Dans la présentation des objectifs, vous parlez de 100 000 solutions d'accueil supplémentaires, puis vous nous dites que pour obtenir 35 000 nouvelles places en crèches, donc 35 000 places « nettes », il faut en ouvrir 60 000, des places « brutes », pour tenir compte des fermetures et des pénuries de personnels : l'objectif annoncé par le Gouvernement est-il de 100 000 solutions « nettes », ou « brutes » ?
M. Nicolas Grivel. - Il y avait une question sur la revalorisation des prestations familiales, c'est un sujet qui relève du Gouvernement, nous respecterons les dates prévues par la loi, soit le 1er avril pour la plupart des prestations familiales.
Sur les points accueil écoute jeunes, nous avons récupéré la gestion sur les financements de la branche famille dans la précédente COG et la nouvelle nous donne des moyens pour structurer les choses et doter le dispositif d'une doctrine nationale, c'est intéressant.
Sur le Ségur et les personnels de la CAF, nous avons volonté de négocier la classification, en gardant en tête des sujets issus du Ségur, en particulier sur les travailleurs sociaux.
Sur les moyens consacrés à la lutte contre la fraude, je ne peux guère être plus précis à ce stade, les 700 contrôleurs dont je vous ai parlé sont à rapporter à 35 000 salariés, c'est significatif.
Enfin, s'agissant du décompte en création nette ou brute de places de crèches au sein des 100 000 solutions de garde, pour ce qui concerne l'accueil collectif, ce sont bien les 60 000 places « brutes » qui entrent dans l'objectif énoncé, lequel inclut aussi sur les modes d'accueil individuels - mais je pourrai vous communiquer des éléments supplémentaires, si vous le souhaitez.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci pour toutes vos réponses.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous recevons Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, sur le volet du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 dont elle a la charge.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Madame la ministre, nous sommes frappés par l'absence d'un véritable volet famille au sein du PLFSS, alors même que les enjeux sont considérables. Le volet autonomie est, certes, un peu plus fourni avec la fusion des sections soins et dépendance des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Par ailleurs, la commission a déjà eu l'occasion d'exprimer son inquiétude s'agissant du calibrage du fonds d'urgence destiné aux établissements et services en difficultés financières.
Après votre intervention liminaire, la rapporteure générale et nos rapporteurs de branche, ainsi que les collègues qui le souhaiteront, vous interrogeront.
Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. - Je suis très heureuse de participer aujourd'hui à ma première audition parlementaire au Sénat. Je le suis d'autant plus que les sujets que je porte en tant que ministre des solidarités et des familles sont au coeur des besoins essentiels de nos concitoyens, besoins qui nécessitent de renforcer nos services publics.
Il s'agit, d'abord, de nos familles et de nos enfants, dont nous devons permettre l'épanouissement et le développement. Il est de notre responsabilité absolue de lutter contre la baisse de la natalité observée depuis dix ans en renforçant l'accompagnement de toutes les familles, en cohérence avec ma conception universelle de la politique familiale. Celle-ci ne saurait se limiter à une politique de redistribution ou de correction des inégalités ; elle doit d'abord être une politique qui appuie et soutient toutes les familles dans le respect de leurs choix.
Il s'agit ensuite de nos aînés, de nos parents, dont nous devons soutenir l'autonomie. Nous faisons ainsi « grandir » la branche autonomie pour relever le défi du vieillissement de notre population. Soutenir toutes les familles, c'est soutenir tous les âges de la vie.
Il s'agit enfin des personnes en situation de handicap - un sujet auquel je sais que vous êtes très attentifs, mesdames, messieurs les sénateurs - auxquelles nous devons assurer une vie comme les autres, parmi les autres, afin que le droit commun s'applique à eux et à leurs familles. Nous mettrons en place, d'ici 2030, 50 000 solutions pour garantir leur inclusion.
Mais reprenons point par point.
Tout d'abord, les familles. Elles sont dans toute leur diversité le premier maillon de notre société et le creuset des apprentissages fondamentaux de la vie collective et de l'expression des solidarités. Le retour du terme « familles » dans la dénomination même de mon ministère n'est pas le fruit du hasard. Nous avons décidé de réaffirmer cette priorité politique, dans la lignée du choix fort fait par notre pays après la guerre : aider toutes les familles et s'en donner les moyens.
Cette ambition est d'autant plus essentielle dans le contexte de baisse continue de la natalité que notre pays connaît depuis dix ans, une baisse qui s'est encore accrue en 2023. Nous devons tout faire pour inverser cette tendance. C'est le sens de l'action que le Gouvernement mène afin de renouer avec une politique familiale universelle, qui répond aux besoins de toutes les familles.
La branche famille consacre déjà plus de 50 milliards d'euros chaque année à cet objectif. Ces moyens augmenteront de 2 milliards supplémentaires en 2024, notamment pour mettre en oeuvre le chantier du service public de la petite enfance, qui vise à garantir à tout parent l'accès à une solution d'accueil de qualité et en toute sécurité pour leur enfant, en crèche ou chez une assistante maternelle proche de chez eux et financièrement accessible.
Nous le savons, la question du mode de garde est aujourd'hui le premier frein à la réalisation du désir d'enfants au sein des familles. C'est pourquoi 6 milliards d'euros seront consacrés à ce service public jusqu'en 2027, pour revaloriser et accompagner nos professionnels de la petite enfance. Il s'agit d'un investissement indispensable si nous voulons créer les 200 000 solutions encore manquantes aujourd'hui.
Soutenir toutes les familles, c'est aussi soutenir les mères seules. Le PLFSS intègre des aides monétaires qui seront revalorisées à hauteur de 4,6 % en avril, comme l'allocation de soutien familial (ASF), soit la pension alimentaire minimale, dont nous avons augmenté de 50 % le montant l'année dernière.
Au total, la branche famille représentera 63 milliards de dépenses en 2027, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2022. Le complément de libre choix du mode de garde (CMG), l'aide individuelle à la garde d'enfants, fera l'objet d'une double réforme : il sera étendu à toutes les familles monoparentales jusqu'aux 11 ans révolus de l'enfant ; et il sera modifié encore en 2025 pour que le reste à charge soit enfin le même pour toutes les familles, qu'elles choisissent de faire garder leur enfant en crèche ou auprès d'une assistante maternelle. Je m'assurerai que ces moyens soient dépensés effectivement et efficacement afin de garantir la qualité de la prise en charge et la sécurité de nos enfants. Ainsi, pas un seul euro des 200 millions dédiés chaque année à la revalorisation des professionnels de la petite enfance n'ira aux structures qui n'amélioreraient pas réellement les conditions de travail de ces derniers.
Enfin, quand on parle de natalité, un chiffre relevé par l'Union nationale des associations familiales (Unaf) est très parlant. C'est celui de l'écart, grandissant, entre le désir d'enfants et le nombre d'enfants mis au monde dans chaque famille. Le désir d'enfants est constant : il se situe autour de 2,4 enfants par femme, quand les couples ont plutôt aujourd'hui 1,8 enfant en moyenne. Ma responsabilité est bien là : réduire le plus possible cet écart pour permettre aux familles d'avoir les enfants qu'elles souhaitent.
Le service public de la petite enfance est un premier élément de réponse. Mais nous devons aller au-delà en levant les tabous liés à l'infertilité, comme je le fais dans le cadre de travaux que nous menons avec le ministre de la santé, ou encore en laissant plus de liberté et de choix aux familles concernant le congé parental. J'ai lancé à ce sujet une concertation la semaine dernière avec les organisations syndicales et patronales, en lien avec les annonces faites par la Première ministre lors de la conférence sociale du 16 octobre 2023. Notre objectif est de faire évoluer ce congé vers une période d'interruption choisie, mieux indemnisée et mieux partagée entre les parents.
Les solidarités et la famille, c'est aussi tout au long de la vie. C'est pourquoi, plus que jamais, la question de l'autonomie doit nous préoccuper. Nous devons faire face à un défi démographique, si ce n'est à un choc démographique, dans les années à venir, comme le montrent deux chiffres : en 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, les plus de 65 ans sont actuellement plus nombreux que les moins de 15 ans. L'objectif global de dépenses qui finance nos établissements aussi bien pour personnes âgées que pour personnes en situation de handicap augmentera de 4 % en 2024, soit davantage que les 2,5 % d'inflation anticipée. Cette hausse des moyens traduit nos engagements non seulement envers les familles, mais aussi envers les professionnels du secteur.
Je rappellerai les engagements les plus importants.
Il faut d'abord répondre aux demandes des personnes concernées, au premier rang desquelles figure la volonté de vieillir chez elles, à leur domicile. C'est la raison pour laquelle nous mettrons en oeuvre le virage domiciliaire dès janvier 2024 par le biais de Ma Prime Adapt', une nouvelle aide financière qui doit permettre de prévenir la perte d'autonomie et d'adapter les logements à celle-ci.
Des moyens sont ensuite consacrés à la poursuite du développement de nouveaux centres de ressources territoriaux afin de décloisonner les interventions auprès des personnes âgées à domicile et de simplifier leurs démarches. Ces centres s'inscrivent dans la dynamique du service public départemental de l'autonomie (SPDA). Il faut mettre fin au parcours du combattant de nos aînés, des personnes en situation de handicap et de leurs proches, à cette errance administrative et institutionnelle qui constitue une forme de maltraitance. Il s'agit d'un projet d'humanisation et de simplification de nos services publics. L'appel à manifestation d'intérêt a été lancé en septembre dernier auprès de l'ensemble des conseils départementaux pour sélectionner les premiers territoires pilotes du SPDA. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à inciter vos départements à faire acte de candidature.
Parmi les réformes structurelles que nous menons figure celle de l'aide à domicile.
Le tarif plancher, fixé à 22 euros en 2022 puis à 23 euros en 2023, sera indexé indirectement sur l'inflation à compter de 2024. La dotation complémentaire, appelée aussi bonus qualité, a été portée à 3 euros. Nous prévoyons également d'ici à 2030 la création de 25 000 nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Enfin, les deux heures supplémentaires dédiées à l'accompagnement et à la lutte contre l'isolement social, en particulier pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), s'appliqueront à partir du 1er janvier 2024.
Nous irons plus loin sur ce sujet dès le 20 novembre prochain, à l'occasion de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi « Bien vieillir », qui sera ensuite examinée - je l'espère - dans les meilleurs délais au Sénat. Elle contient déjà des éléments de réponse très concrets avec la carte professionnelle pour les aides à domicile, mais également avec le fonds de soutien à la mobilité, ainsi qu'en matière de lutte contre les maltraitances.
Je souhaite que nous proposions un véritable parcours résidentiel adapté aux besoins et aux envies de nos concitoyens. Nous devons donc continuer à développer sur l'ensemble de notre territoire des structures d'habitat intermédiaire. Entre le domicile et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), de plus en plus médicalisé, d'autres choix de résidence doivent exister. Je pense au développement de l'habitat inclusif, des résidences autonomie et des résidences seniors.
J'ai réuni le comité des financeurs pour travailler avec certains présidents de département choisis par l'Assemblée des départements de France (ADF) et avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à l'élaboration d'une vraie réforme des concours de la branche autonomie aux départements. La CNSA doit être un instrument de pilotage efficace des politiques publiques sur la question des parcours résidentiels.
Pour consolider l'offre d'accompagnement des personnes âgées en établissement, des recrutements doivent pallier la pénurie de personnels. Ainsi, 50 000 postes supplémentaires en Ehpad sont prévus à l'horizon 2030 ; nous respectons la trajectoire exigeante fixée par le Président de la République, avec 6 000 postes ouverts en 2024, après 3 000 cette année.
L'enjeu est aussi de rendre ces postes attractifs. C'est pourquoi j'ai obtenu que les infirmiers et les aides-soignants en Ehpad publics bénéficient de la même mesure de revalorisation pour le travail de nuit et les jours fériés que leurs collègues en établissements publics sanitaires. Cette revalorisation concerne également le secteur privé non lucratif. Il n'y a pas, d'un côté, le secteur sanitaire et, de l'autre, le secteur médico-social : les deux font face aux mêmes difficultés et doivent par conséquent travailler dans les mêmes conditions, sans hiérarchie.
Enfin, concernant le fonds d'urgence que vous avez évoqué, monsieur le président, je n'ignore rien des difficultés financières d'un grand nombre d'Ehpad. Nous avons débloqué 100 millions d'euros pour ce fonds avec la Première ministre dès cet été. Notre objectif était de créer des commissions départementales afin de mettre autour de la table créanciers et financeurs. À ce sujet, j'ai donné instruction aux agences régionales de santé (ARS) d'informer systématiquement les parlementaires de ces réunions et de leur suivi. Il faut parfois changer la culture de nos administrations déconcentrées...
Ces commissions départementales, au-delà de soutenir financièrement les Ehpad et les services d'aide à domicile les plus en difficulté, doivent nous permettre d'établir une cartographie globale de la situation des 7 500 Ehpad de notre pays, entre ce qui relève de difficultés conjoncturelles et ce qui relève de problèmes structurels.
En l'occurrence, le PLFSS apporte une première réponse structurelle avec la possibilité, pour les départements qui le souhaitent, de fusionner les sections soins et dépendance. Une mesure importante en termes de financement qui, une fois le PLFSS adopté, sera testée dans quelques départements pilotes qui auront manifesté leur intérêt.
Je compte également sur la réforme des concours de la CNSA pour rendre véritablement lisible la politique publique que nous menons en matière d'autonomie. Je l'ai dit au président de l'Assemblée des départements de France (ADF) et je le redis devant vous : rien ne se décidera sans ou contre les départements. Il ne s'agit absolument pas de recentraliser leurs compétences. Je crois à l'échelon départemental et à la nécessité d'avoir des politiques décentralisées au plus près de nos concitoyens, mais je crois aussi à la nécessité de l'équité territoriale. La réforme des concours doit nous permettre de soutenir plus et mieux les départements : tel est l'objectif assigné à la CNSA, en lien avec le comité des financeurs et les présidents des départements.
Enfin, dernier point que je souhaiterais aborder - je sais que vous y êtes très attentif, monsieur le président -, la question du handicap et de la mise en oeuvre des engagements pris par le Président de la République dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.
Nous avons annoncé le déploiement de 50 000 nouvelles solutions pour les personnes en situation de handicap. Je parle de « solutions » au pluriel, car on a trop longtemps considéré qu'il fallait un bloc uni de solutions. En réalité, les personnes en situation de handicap et leurs familles attendent une multiplicité de solutions qui répondent réellement à leurs préoccupations. Je pense notamment au droit à la scolarité, y compris en institut médico-éducatif, où il est anormal que des enfants n'aient qu'une demi-matinée de cours par semaine, ou au droit à une prise en charge adaptée, notamment au sein de l'aide sociale à l'enfance, qui compte 20 % d'enfants en situation de handicap.
Ces 50 000 solutions favoriseront en priorité la sortie des 10 000 adultes maintenus dans des établissements pour enfants au titre de l' « amendement Creton ». Ils ont eux aussi droit à une prise en charge qui corresponde à leurs besoins et qui respecte leur dignité. Cela permettra de libérer des places qui devraient être dévolues à des enfants.
Une autre mesure clé pour 2025 concerne la création d'un véritable service de repérage et d'orientation des situations de handicap chez les enfants de 0 à 6 ans, un dispositif qui devrait nous permettre d'en finir avec les pertes de chance. Une détection précoce permet en effet une meilleure prise en charge des enfants et des familles concernés.
Enfin, nous facilitons la vie des personnes en situation de handicap en agissant sur le reste à charge des familles. Aujourd'hui, 60 000 de nos compatriotes déboursent en moyenne plus de 5 000 euros pour avoir un fauteuil adapté à leurs besoins. Nous avons pris l'engagement de couvrir à 100 % le coût des fauteuils roulants, quelles que soient leurs spécificités ; le texte a même été corrigé pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur l'intention du Gouvernement. Qu'ils soient manuels ou électriques, même s'ils coûtent jusqu'à 30 000 euros, tout sera absolument pris en charge. C'est une petite révolution qui devrait changer concrètement la vie des familles et - je l'espère - mettra fin aux cagnottes lancées sur internet pour acheter un fauteuil adapté.
Les progrès que j'ai évoqués pour accompagner les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ne sont possibles que grâce à la création de la cinquième branche relative à l'autonomie et la part supplémentaire de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), soit 2,6 milliards d'euros, qui lui est dévolue à compter de 2024. Nous consommons déjà la moitié de ce surplus dès 2024 et la trajectoire de dépenses que nous avons envisagée le consomme presque intégralement d'ici à 2027.
Enfin, le texte qui vous sera présenté reprendra plusieurs amendements auxquels le Gouvernement a donné un avis favorable à l'Assemblée nationale. Je pense à ceux qui s'inscrivent dans le prolongement de la nouvelle stratégie pour les aidants, que j'ai présentée avec Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Cette stratégie garantit notamment 40 000 solutions d'ici à la fin du quinquennat pour que les aidants, notamment familiaux, puissent bénéficier de quinze jours de répit.
Nous prolongerons en 2024 l'expérimentation du dispositif de relayage au domicile des personnes, en attendant une généralisation qui ne saurait tarder compte tenu de la pertinence du dispositif.
Le renouvellement des droits à l'allocation journalière du proche aidant pour chaque nouvelle personne aidée sera également rendu possible, parce qu'on peut être aidant plusieurs fois dans sa vie ou en même temps au bénéfice de plusieurs personnes.
Enfin, dans le cadre d'une politique familiale que je souhaite la plus universelle possible, il s'agira de corriger les effets de bord, en facilitant par exemple la prise du congé paternité pour les pères agriculteurs qui, de facto, peinent à se faire remplacer pendant cette période.
Je ne doute pas que le Sénat aura la volonté de faire évoluer encore le PLFSS.
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie, madame la ministre, pour cette présentation qui s'apparente à un véritable discours de politique générale et traduit vos ambitions sur les différents volets que vous avez abordés ! Nous allons maintenant évoquer plus particulièrement la partie budgétaire du PLFSS.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci, madame la ministre, pour votre énergie et la volonté que vous affichez, mais il semble qu'il y ait un net décalage entre vos propositions et les mesures contenues dans le PLFSS pour 2024.
Aux termes de la loi du 7 août 2020, ce PLFSS prévoit l'attribution à la CNSA de 0,15 point de CSG supplémentaire, soit 2,6 milliards d'euros, auparavant attribués à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Or l'article 10 du PLFSS tend à neutraliser l'incidence de cette augmentation sur les plafonds de la compensation de la CNSA aux départements pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'APA ; la différence s'élèverait à 250 millions d'euros. Ce n'est pas un très bon signal à envoyer aux départements au moment où ils font face à des besoins croissants liés au vieillissement de la population et aux problèmes liés à la perte d'autonomie. Comment justifier cette disposition ?
Je ferai ensuite une remarque générale sur le fonds d'urgence. Certes, 100 millions d'euros, ce n'est pas une somme négligeable. Les départements pourraient, pour ceux qui le peuvent, apporter leur participation financière. Comment assurer à toutes les structures qui ont besoin d'aide qu'elles pourront en bénéficier ? On a un peu le sentiment, en l'état, que les premiers arrivés seront les premiers servis, et tant pis pour les autres. Attention à ne pas reproduire la frustration qu'avaient pu ressentir « les oubliés » du Ségur de la santé !
De larges moyens sont accordés à la CNSA et j'ose espérer, madame la ministre, que vous veillerez à ce qu'ils soient distribués en parfaite équité, afin que ce ne soit pas, encore une fois, les plus habiles qui décrochent les financements les plus importants, comme c'est déjà le cas dans certains territoires.
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Je vous remercie, madame la ministre, pour vos propos, qui révèlent votre intérêt pour la famille et les questions de natalité. Je regrette toutefois le décalage qui existe entre vos ambitions et la réalité de ce PLFSS. Comme le dit le docteur House dans la célèbre série, ce sont les actes qui comptent et non les mots ! (Sourires.)
Le PLFSS doit fixer des caps et des priorités. Vous avez annoncé un retour au concept de politique familiale universelle. Doit-on s'attendre à un retour de l'universalité des allocations familiales, à laquelle le gouvernement Valls avait mis fin ? Sinon, de quoi s'agit-il ?
Pouvez-vous nous préciser le calendrier de la réforme du congé parental ? Avec ma collègue Annie Le Houerou, nous avons récemment rendu un rapport sur le sujet.
Vous avez évoqué la pénurie de personnel dans les crèches. Qu'avez-vous prévu pour rendre ces métiers plus attractifs ? Et quels nouveaux moyens, concrètement, seront alloués aux établissements de protection maternelle infantile (PMI) pour qu'ils puissent mettre en place le régime d'autorisation et de contrôle prévu par le projet de loi pour le plein emploi ?
Enfin, alors que le solde positif de la branche famille a déjà été réduit de 2 milliards d'euros en 2023 avec les transferts de charges depuis l'assurance maladie-maternité et que l'excédent ne sera que de 800 millions d'euros en 2024, ne craignez-vous pas un décalage entre les ambitions que vous affichez et la réalité des financements disponibles ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - On sent, en effet, un véritable engagement dans vos propos, madame la ministre. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur la fusion des sections soins et autonomie ? Le texte prévoit une option irréversible, dépendant de la seule décision des départements, qui risque de créer durablement un régime à deux vitesses. Ne serait-il pas plus judicieux de parler d'une expérimentation qui serait évaluée au bout de trois ans avant de la généraliser ? Par ailleurs, quelles conditions financières seront proposées aux départements qui souhaiteraient mettre en place cette fusion dès 2025 ?
Je regrette que le virage domiciliaire que vous voulez opérer soit doté de si peu de moyens. Où en sommes-nous sur l'objectif de 25 000 places en Ssiad et quelles sont vos propositions en matière de recrutement pour les services à domicile et les Ehpad, tous deux peu attractifs ?
Enfin, je terminerai sur l'article 38 qui vise à mettre en place un service de diagnostic et de prise en charge précoce. Qu'apporte ce dispositif par rapport aux plateformes de coordination et d'orientation (PCO) mises en place pour les troubles du neurodéveloppement (TND), ou aux centres d'action médico-sociale précoce (Camsp) ? N'y a-t-il pas là une part d'affichage ? Car des dispositifs de repérage existent déjà - je pense notamment aux visites obligatoires jusqu'aux 3 ans de l'enfant. Quelle est donc l'ambition réelle de cet article ?
Mme Aurore Bergé, ministre. - Pour davantage de cohérence, je vous répondrai thématique par thématique.
Premier point : la branche autonomie.
Elle bénéficie bien de 0,15 point de CSG, soit 2,6 milliards d'euros. On en consomme la moitié, ce qui permet d'éviter à la branche de connaître, dès 2024, un déficit estimé à 1,3 milliard d'euros, et de garantir la trajectoire de nos engagements pour 2027, notamment avec la montée en charge des 50 000 nouveaux personnels soignants prévus d'ici à 2030 - 3 000 nouveaux postes en 2023, puis 6 000 en 2024.
Avec ce système, nous garantissons également l'intégralité du financement du tarif plancher pour les aides à domicile - un enjeu majeur pour la revalorisation de ces métiers - et le financement à 100 % du bonus qualité de 3 euros supplémentaires. Les 50 000 nouvelles solutions pour les personnes en situation de handicap sont elles aussi assurées.
Comment coordonner toutes ces actions qui relèvent de compétences partagées avec les départements ? Selon moi, la CNSA est le bon instrument de pilotage : au lieu de se voir assigner un rôle réel de pilotage de politiques publiques, elle est perçue comme un organisme « porte-monnaie », si vous me permettez l'expression. Il faut mettre de la cohérence dans le système et évaluer les besoins de chaque département en fonction de leur évolution démographique, du vieillissement de leur population ou encore de l'importance prise par les maladies neurodégénératives, qui risquent de concerner jusqu'à 1,2 million de personnes dans les années à venir.
En tant que ministre des solidarités et des familles, et à la demande du président de l'ADF, j'ai la charge de présider les réunions du comité des financeurs aux côtés des quatorze présidents de département désignés par l'ADF. J'ai demandé à la CNSA des simulations de l'évolution démographique de chaque département, afin de mieux évaluer leurs besoins. Nous travaillerons en coordination avec les commissions départementales installées depuis la fin du mois de septembre.
Je ne connais pas la situation de chaque Ehpad. Nous sommes régulièrement alertés de la situation déficitaire de trop nombreux établissements, mais découle-t-elle de difficultés conjoncturelles, liées à la revalorisation des salaires des personnels, l'augmentation des prix de l'énergie ou celle des prix de l'alimentation, ou bien de problèmes structurels, liés à l'inadaptation aux besoins de la population ? La cartographie qui sera réalisée devrait nous permettre d'assurer un meilleur pilotage de nos actions.
Nous avons désormais les moyens de mieux prendre en charge les dépenses des départements grâce à la branche autonomie. Une première enveloppe budgétaire sera ouverte dès 2024, mais une réforme systémique des concours de la CNSA est nécessaire pour arrêter l'empilement de mesures - un nouveau concours à chaque nouveau ministre et à chaque nouvelle politique publique. Les critères d'attribution devront également être clarifiés et réorganisés pour accompagner au mieux les départements, encore une fois dans une logique de partenariat. On ne pourra engager ce chantier sans les départements, et ils ne le feront pas sans nous.
Pour répondre à votre remarque, madame la rapporteure générale, il faut accepter l'idée que les départements qui bénéficieront du fonds d'urgence seront soit les plus en difficulté, soit les plus engagés. Il paraît légitime de récompenser les meilleurs élèves, même si nous ne pouvons malheureusement pas toujours le faire, mais, dans un souci d'équité - je reprends le terme que vous avez employé -, il n'est bien sûr pas question de laisser tomber des établissements qui en auraient besoin.
Nous tenterons de répartir le plus objectivement possible les 100 millions d'euros du fonds entre les départements, en fonction de leur taille et de la proportion de personnes âgées de plus de 75 ans - un bon indicateur sur les risques de perte d'autonomie. Ce travail a été fait par les ARS. Cela signifie-t-il que nous ne pourrons pas aller au-delà de cette enveloppe ? Non, comme nous le montrons avec l'utilisation des crédits non reconductibles des ARS. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé des engagements supplémentaires dans certains départements, décidés non pas « à la tête du client », mais en fonction de critères objectivables.
Sur la fusion des sections soins et dépendance, l'idée n'est pas de la rendre irréversible. Je suis totalement d'accord avec l'idée d'une expérimentation : j'ai d'ailleurs parlé de départements pilotes. Je suis en revanche défavorable à une généralisation immédiate. Ce serait contraire à l'idée de la décentralisation, qui sous-entend une possibilité de différenciation territoriale. Les départements ne sont pas dans les mêmes situations budgétaire et démographique, et n'ont pas les mêmes besoins.
Certains départements voudront s'engager très rapidement parce que c'est leur intérêt, notamment en termes de finances publiques. Nous les aiderons en priorité, pour garantir l'équité territoriale et le soutien aux personnes qui doivent être accompagnées. Je suis favorable à une véritable expérimentation. Il ne sera pas question de généraliser avant d'avoir fini d'expérimenter, dans la mesure où il s'agit d'évaluer la situation.
Deuxième point : la politique familiale.
Je vous remercie d'avoir noté mon engagement et mon énergie ; je vais faire en sorte de vous en convaincre par des actes désormais.
L'actuel CMG implique une prise en charge différente selon que l'enfant est confié à une assistante maternelle ou à une crèche. Or le mode de garde n'est pas toujours choisi par les parents, qui doivent souvent se contenter des offres disponibles autour d'eux. Il est donc injuste de les pénaliser en arguant qu'ils auraient fait un choix. Désormais, hormis les modulations selon le revenu ou la composition du foyer, le reste à charge sera le même, quel que soit le mode de garde : telle est notre conception d'une politique familiale universelle.
Sur le congé parental, je souhaite que nous allions vite, et cette ambition a été réaffirmée par la Première ministre lors de la conférence sociale du 16 octobre 2023. Il y a de facto un lien entre la garde des enfants et l'emploi, de même qu'entre le nombre d'enfants au sein d'une famille et le stress lié à la question du mode de garde. De manière générale, il s'agit d'un enjeu majeur d'égalité entre les femmes et les hommes. J'ajoute que les pays ayant la natalité la plus élevée sont aussi ceux où le taux d'emploi des femmes est le plus haut. Pour soutenir la natalité, il faut donc soutenir l'égalité entre les femmes et les hommes.
Aujourd'hui, moins de 1 % des pères demandent à bénéficier du congé parental, contre 14 % des mères, et le nombre de bénéficiaires a été divisé par deux depuis que ce congé a été réformé. Ce n'est pas un succès ! Il convient donc de le modifier, ou de créer à côté un droit nouveau, pour que les parents puissent passer davantage de temps avec leur jeune enfant.
Troisième point : la pénurie de professionnels.
Cette pénurie concerne l'ensemble des secteurs dont j'ai la responsabilité, notamment le médico-social, mais aussi ceux du soin, du lien et de l'humain. Plusieurs raisons expliquent cette situation, notamment le fait que durant des années on ait peu - ou pas - considéré ces professions, qui parfois n'étaient pas jugées comme des métiers à part entière. Or elles impliquent une technicité ; une aide à domicile doit, par exemple, apprendre à porter une personne âgée.
Il faut avant tout reconnaître ces métiers, tout comme la formation, la qualification et la reconnaissance salariale qui s'y attachent. C'est ce que nous faisons, notamment dans le secteur de la petite enfance auquel nous consacrerons 200 millions d'euros chaque année à partir du 1er janvier 2024. J'ai posé des conditions à ce soutien : l'ensemble de ces personnels devront relever d'une convention collective, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et les conventions devront prévoir la revalorisation des bas salaires, une meilleure formation continue, des possibilités de mobilité professionnelle ainsi que la reprise de l'ancienneté.
Quatrième point : le handicap et son diagnostic précoce.
Nous souhaitons rendre lisible l'offre d'accompagnement et aller vers les familles, notamment celles qui sont les plus éloignées de nos administrations, afin que 100 % des enfants puissent bénéficier de la détection du handicap. À cette fin, le projet de budget prévoit une augmentation des moyens des centres médico-sociaux (CMS). Il s'agit, là aussi, de garantir une prise en charge universelle, sans reste à charge, l'équité territoriale et familiale, ainsi que l'égalité entre les bénéficiaires, qu'ils soient salariés ou professions libérales. Nous éviterons ainsi le parcours du combattant administratif infligé aux familles et faciliterons la prise en charge des enfants.
Mme Jocelyne Guidez. - En zone rurale, le recrutement des aides à domicile est difficile, car celles-ci n'ont souvent pas les moyens, du fait de leur situation précaire, de passer le permis de conduire. Peut-être faudrait-il leur permettre, pendant quatre ou cinq ans, de travailler au même endroit ?
L'article 38 du PLFSS, relatif au service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce et à l'accompagnement du handicap, ne va pas assez loin. Qu'est-il prévu pour les enfants de 6 à 12 ans, et pour les adultes ? Comment envisagez-vous de rattraper notre retard dans ce domaine ? Je rappelle que les PCO sont destinées aux enfants de 0 à 6 ans et de 7 à 12 ans. Cette incohérence est-elle liée à un manque de personnels ?
Les frais médicaux pour les enfants de moins de 6 ans seront remboursés de manière forfaitaire, une partie étant prise en charge par l'assurance maladie et le reste à charge par les complémentaires santé. Quid des parents qui n'ont pas de complémentaire ? Toutes les complémentaires accepteront-elles de couvrir ces dépenses ?
Il est prévu qu'un arrêté fixe, pour le service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce, le reste à charge des assurés. Or j'avais cru comprendre qu'il n'y en aurait pas... J'y insiste, ce service public s'adressant en particulier aux familles les plus démunies, le reste à charge doit être le plus faible possible, voire nul comme c'est le cas pour les PCO.
Je vous remercie, madame la ministre, au nom des 24 départements concernés par l'expérimentation du « baluchonnage ». Il faut désormais pérenniser le dispositif.
Mme Céline Brulin. - À propos du recrutement de 50 000 soignants dans les Ehpad, vous avez dit que la trajectoire était tenue. La prolongation de l'effort jusqu'en 2030 nécessiterait une loi de programmation ; cela ne semble pas prévu. Qu'en est-il ?
Le tarif plancher pour chaque heure d'intervention des aides à domicile est passé de 22 à 23 euros et va continuer de progresser - c'est une bonne chose. La compensation pour les départements est calculée en se basant sur le delta entre le tarif précédemment pratiqué par ces collectivités et celui désormais en vigueur sur tout le territoire. Les départements qui étaient volontaristes en la matière se retrouvent donc pénalisés. Ne serait-il pas plus pertinent de retenir des critères démographiques, comme la proportion de personnes âgées, ou liés aux moyens des collectivités ?
L'expérimentation des pôles d'appui à la scolarisation, prévue à l'article 53 du projet de loi de finances pour 2024, inquiète les parents d'élèves en situation de handicap : ils craignent que des moyens manquent pour l'accompagnement de leurs enfants. Quel sera le calibrage de ce dispositif ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - J'apprécie votre propos volontariste, madame la ministre, mais nous attendons des actes. Vous souhaitez mettre en place une politique familiale universelle ; je ne suis pas convaincu que ce PLFSS permette de répondre à cette ambition.
Nous avons alerté le président de la CNSA, Jean-René Lecerf, lors de son audition par notre commission : dans de nombreux départements, les associations d'aide à domicile et les Ehpad sont en faillite, pour des raisons conjoncturelles et structurelles. Les rémunérations ont certes augmenté, mais de manière encore insuffisante si l'on veut recruter des personnels qualifiés, compétents et formés. Il faut poursuivre l'effort ; il y a urgence ! Les 100 millions d'euros concédés par la CNSA ne permettront pas de résoudre le problème, car il ne s'agit que de saupoudrage. L'excédent de cette caisse est de 1,3 milliard d'euros : il faut les mobiliser immédiatement, et ne pas attendre la fin 2024. C'est un cri d'alarme que je vous adresse !
Mme Annie Le Houerou. - J'ai, moi aussi, bien entendu votre volontarisme, madame la ministre.
Je me fais la porte-parole de ma collègue Monique Lubin, sénatrice des Landes, qui souhaite vous interroger sur les résidences de répit partagé. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat avait adopté à l'unanimité un amendement prévoyant des solutions temporaires de répit partagé entre les aidants et leurs proches, lesquelles relèvent du code de l'action sociale et des familles. Mme Lubin avait demandé à votre prédécesseur, en février dernier, si le Gouvernement envisageait de mettre à disposition les crédits nécessaires au financement de ces places. La réponse était ambiguë.
La nouvelle stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027, dévoilée le 6 octobre dernier, fait bien mention du répit et des vacances partagées, mais il n'y est indiqué ni chiffrage ni calendrier. Vous parlez de 40 000 solutions de répit. Dans les Landes, le projet est prêt, le site identifié, les études préalables et le programme immobilier sont en cours de finalisation ; le dossier de financement est prêt à être déposé. Qu'en est-il du chiffrage et du calendrier ? Des projets sont également prêts en Bretagne, en Normandie et en Occitanie.
Mme Aurore Bergé, ministre. - Madame Guidez, les aides à domicile constituent la profession la plus féminisée - 99 % de femmes - et, vous avez raison, l'une des plus précaires, avec un taux de pauvreté de 19 %. Elles accompagnent près d'un million de personnes en perte d'autonomie ou handicapées. Nous apportons deux réponses pour améliorer leur situation : nous créons un fonds mobilité, et nous augmentons l'indemnité kilométrique, qui passe de 0,38 à 0,55 euro.
Nous pouvons aller plus loin en matière de flottes de véhicules - soutien au leasing ou à l'achat de voitures électriques - parce que c'est un enjeu écologique et que leur voiture coûte très cher en entretien et en carburant aux aides à domicile. À cet égard, la CNSA pourrait contribuer plus et mieux, en lien avec les départements, en vue d'expérimenter de nouvelles solutions. On ne peut accepter que ces professionnelles paient pour travailler ! C'est un enjeu majeur.
Madame Brulin, sur le tarif plancher, ce n'est pas la bonne option qui a été choisie puisque ce sont les départements n'ayant pas fait d'effort pour l'aide à domicile - était-ce trop compliqué pour eux ou n'en avaient-ils pas les moyens ? - qui ont bénéficié de la compensation. Quoi qu'il en soit, des départements ruraux qui, eux, avaient fourni cet effort ne sont pas soutenus. Il faut donc une véritable refonte des fonds de concours, en lien avec les départements, si l'on veut adapter notre société au vieillissement et accompagner les professionnels du secteur.
La question d'une loi de programmation ou d'orientation est posée. Le Gouvernement doit respecter les engagements pris devant le Parlement, surtout lorsque ceux-ci ont été approuvés à l'unanimité dans le cadre de la proposition de loi sur le « Bien vieillir ». Il convient d'introduire davantage de cohérence et de lisibilité dans les dispositifs que nous prévoyons, notamment quant aux moyens dévolus à l'enjeu de l'autonomie.
Monsieur Vanlerenberghe, il n'y a pas d'excédent disponible puisque l'enjeu est de garantir une trajectoire jusqu'en 2027. Si nous décidions de consommer la totalité des 2,6 milliards d'euros de crédits, je ne pourrais pas vous garantir que cette trajectoire serait tenue ; or je vous rappelle qu'elle prévoit notamment la création de 50 000 emplois.
En revanche, le Gouvernement est prêt à produire à cet égard un effort renforcé dès 2024, avec une enveloppe supplémentaire en faveur des départements. Plutôt que de proposer une consommation immédiate des crédits, il faut se poser des questions de plus long terme sur le financement de la branche autonomie, au-delà de la réaffectation de 0,15 point de CSG. Une proposition de loi vise à répondre à ces enjeux. Le Gouvernement décidera ensuite s'il faut présenter un projet de loi de cadrage, d'orientation ou de programmation.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Et les Ehpad ?
Mme Aurore Bergé, ministre. - Monsieur le sénateur, j'ai pleinement conscience de ce problème sur lequel je suis interpellée quotidiennement. Mais il nous faut, parallèlement, réussir à prendre le virage domiciliaire. L'État a consacré 1 milliard d'euros à l'aide à domicile depuis 2017. C'est très important ! Il faut poursuivre l'effort, pour garantir la rémunération des professionnelles qui s'engagent concrètement sur le terrain.
Par ailleurs, quel modèle économique voulons-nous pour nos Ehpad, dont certains sont très médicalisés, par exemple avec des unités pour les maladies neurodégénératives ?
Il faut aussi réfléchir aux solutions intermédiaires, entre le domiciliaire et l'Ehpad - habitat inclusif, résidences autonomie et seniors -, en tenant compte des engagements financiers de l'État et des départements. La réforme des concours de la CNSA permettra de définir des critères pertinents et objectifs, ce qui n'a pas été fait au cours des dernières années. Il faut cesser de décourager les départements qui veulent agir.
Madame Le Houerou, le droit au répit est en effet un enjeu déterminant, car l'état de santé des aidants familiaux se dégrade ; il arrive que certains d'entre eux décèdent avant la personne qu'ils accompagnent. Nous avons annoncé la création de 6 000 places de répit supplémentaires, ce qui s'ajoute au rechargement des droits à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA).
Pour ce qui concerne l'accueil temporaire, les modèles étaient trop rigides. Par exemple, il serait bon de trouver des solutions uniquement pour la nuit, ainsi que des solutions de répit partagé qui n'impliquent pas de partir de son domicile puisqu'il s'agit de dégager un peu de temps pour soi. Des amendements seront déposés en ce sens. Je souhaite que nous avancions sur ce sujet. Je serai favorable à toute proposition améliorant le dispositif de répit partagé. N'hésitez pas à me transmettre les projets concrets qui existent sur le terrain !
Mme Corinne Féret. - La situation des établissements accueillant des personnes âgées est dramatique. N'oublions pas que les besoins permettant de prendre soin des personnes âgées dépendantes, notamment, s'élèvent à 9 milliards d'euros par an. L'excédent est donc insuffisant et aucune nouvelle ressource n'est prévue, si ce n'est la fraction de CSG réaffectée, ce qui n'est pas négligeable. Il faut prévoir des moyens si l'on veut, comme vous le souhaitez, renforcer la branche autonomie, et soutenir les départements et les établissements en grande difficulté. Les intentions ne suffisent pas.
Vous avez déploré le manque de moyens prévus au cours des dix dernières années. Or la majorité présidentielle est aux responsabilités depuis 2017 !
Vous irez prochainement dans les Côtes-d'Armor. Venez aussi dans le Calvados ! Dans chaque département, les directeurs d'Ehpad et les élus vous feront part de leurs inquiétudes.
Nous devons faire face au choc démographique que représente le vieillissement de la population. À quand une grande loi sur l'autonomie et la prise en charge du grand âge ? Différents rapports ont exposé le problème. Il convient désormais de prendre des mesures pour répondre à ce défi sociétal. Or les moyens prévus dans ce PLFSS sont insuffisants. Quant aux difficultés des professionnels du secteur, elles ne sont pas nouvelles...
S'agissant de la fusion entre les sections soin et dépendance, prévue à l'article 37 du PLFSS, elle ne fait pas l'objet d'une phase expérimentale : il s'agit d'une mesure pérenne pour laquelle seuls les départements qui le souhaitent opteront. Je vous invite donc, madame la ministre, à proposer un amendement afin de rendre cet article conforme à ce que vous annoncez.
Mme Corinne Imbert. - Vous dites ne pas vouloir pénaliser les conseils départementaux qui se sont engagés en prévoyant un tarif plancher et en aidant les services à domicile à louer des flottes de véhicules. En tant qu'élus des territoires, nous y veillerons.
Quel est le montant des mesures nouvelles prévues dans ce PLFSS, si l'on met de côté l'effet bénéficiaire ?
Selon votre prédécesseur, puisque la compétence autonomie relève des conseils départementaux, lorsque l'État dépense un euro dans ce secteur, les départements doivent aussi y consacrer un euro. Êtes-vous sur la même ligne ?
Mme Anne-Sophie Romagny. - En matière de risque dépendance et de perte d'autonomie, le reste à charge des familles est estimé à 500 euros en moyenne par personne dépendante, ce qui est énorme. L'État ne pourra pas le prendre en charge, nous le savons. La prévention est insuffisante : peu de Français ont aujourd'hui une couverture dépendance. Pourriez-vous prévoir une cotisation dédiée au risque dépendance, une solution de solidarité collective en quelque sorte ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je prends acte de vos propos volontaristes sur le libre choix pour la garde des jeunes enfants et la diversification des modes de garde.
Nous constatons des errances importantes dans le secteur des Ehpad publics, et nombreux sont ceux qui rencontrent des problèmes financiers. Le calibrage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), à ce stade, permet-il de prendre en compte ces difficultés ?
Mme Marie-Pierre Richer. - Dans le département du Cher, deux associations d'aide à domicile sont en redressement. Nous constatons tous que le fonds d'urgence pour l'aide à domicile n'est pas suffisant. Que comptez-vous mettre en place pour soutenir les conseils départementaux et ces associations ? Cette problématique est liée à celle de l'accès aux soins.
Mme Aurore Bergé, ministre. - En 2022, la branche autonomie a bénéficié de 35 milliards d'euros ; en 2027, ces crédits atteindront 45 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 30 %. Et, pour autant, les impôts des Français n'augmenteront pas. La montée en puissance de cette branche est donc très nette, ce qui est légitime au regard du défi démographique auquel nous devons faire face. N'oublions pas la bonne nouvelle sous-tendue par ces chiffres : l'espérance de vie en bonne santé progresse, ce qui devrait nous réjouir. Mais cela implique de prendre des mesures structurelles, portées avec les départements.
Je n'utiliserai pas l'expression « un euro pour un euro », madame Imbert. Mais il faut tenir compte de la situation de chaque département et de la cartographie des Ehpad dont il hérite. Nous voulons certes mettre en place une politique territorialement équitable, mais en procédant à une différenciation afin d'accompagner davantage et mieux certains départements. Pour autant, je ne souhaite pas voir se reproduire l'écueil du tarif plancher, qui a été très désincitatif.
Madame Aeschlimann, la situation déficitaire des Ehpad publics est généralisée. Les commissions départementales que nous avons installées doivent aussi servir à cartographier, accompagner et restructurer ces établissements. Je ne veux pas que les difficultés se posent de nouveau dans six mois ou un an ; ce ne serait ni tenable en termes de finances publiques ni de bonne gestion. Il convient donc de prendre des décisions plus structurelles, par exemple en transformant un Ehpad en habitat intermédiaire.
Madame Romagny, le reste à charge pour les familles des personnes dépendantes est en effet insuffisant. Quant au reste à vivre des résidents dans les établissements, il est de 100 euros et n'a pas été revalorisé depuis longtemps. Il convient donc de procéder à des ajustements.
Enfin, il faudra se poser la question du financement à long terme de la branche autonomie, car notre société va continuer à vieillir. La réforme à entreprendre devra concerner les dix ou quinze prochaines années, ainsi que l'ensemble des parcours d'accompagnement.
Madame Guidez, je complète la réponse que je vous ai faite : l'article relatif au service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce et à l'accompagnement du handicap prévoit, pour les enfants âgés de 0 à 6 ans, un forfait s'appliquant dans le cadre d'une prescription de séances, lesquelles seront prises en charge à 100 %. C'est un dispositif nouveau. Quant aux enfants âgés de 7 à 12 ans, les plateformes de coordination et d'orientation permettent d'assurer leur suivi.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous vous remercions, madame la ministre, pour vos réponses.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Audition de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
M. Philippe Mouiller, président. - Monsieur le ministre, vous allez nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS), en particulier ses équilibres généraux et les mesures envisagées en matière de recettes. À cet égard, notre commission s'interroge sur la trajectoire financière quadriennale que présente ce projet de loi et sur sa compatibilité avec une extinction de la dette sociale à l'horizon 2033.
Nous aurons aussi l'occasion d'évoquer votre position quant aux autres régimes d'assurance sociale, en particulier l'Unédic et l'Agirc-Arrco.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics. - J'insisterai sur les grands équilibres financiers du PLFSS et sur quelques mesures essentielles relatives aux recettes de la sécurité sociale.
Le cadrage financier prévu dans ce texte s'inscrit dans une trajectoire plus large, que nous avons proposée au travers du projet de loi de programmation des finances publiques. L'objectif est de parvenir d'ici à 2027 à une réduction de notre déficit en deçà du seuil de 3 %. Il en va de la soutenabilité de notre système, et l'ensemble des administrations, dont la sécurité sociale, doivent y contribuer. C'est la raison pour laquelle le PLFSS qui vous est proposé poursuit l'investissement massif pour la sécurité sociale, notamment dans les champs de la santé, de l'accès aux médicaments et de l'autonomie. Ainsi prévoit-il plus de 640 milliards d'euros de dépenses, en hausse de 30 milliards d'euros par rapport à 2023. Cette augmentation s'explique en particulier par le mécanisme protecteur d'indexation des prestations sur l'inflation, qui représente 14 milliards d'euros pour les retraites.
Tout en poursuivant cet investissement pour la sécurité sociale, le PLFSS prévoit d'importantes économies. La construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024 en est une parfaite illustration.
Nous prévoyons en effet une rectification de l'Ondam 2023 de 2,8 milliards d'euros, et une progression de l'Ondam 2024 de 3,2 %, soit un niveau très largement supérieur à l'inflation, laquelle devrait s'élever à 2,5 %.
La hausse des dépenses en 2024 concernera en particulier le secteur hospitalier puisque, pour la deuxième année consécutive, l'Ondam hospitalier dépassera les 100 milliards d'euros, soit un niveau historique. L'Ondam médico-social représentera, quant à lui, plus de 30 milliards d'euros.
Plus précisément pour 2023, la rectification de l'Ondam permettra de financer les revalorisations salariales en faveur des professionnels de nos établissements sanitaires et médico-sociaux. Il s'agit d'un effort inédit. La révision à la hausse de l'Ondam permettra aussi d'abonder le fonds d'urgence pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), annoncé par la Première ministre l'été dernier, qui disposera ainsi de 100 millions d'euros pour accompagner les établissements en difficulté. Pour 2024, les revalorisations salariales prendront effet toute l'année et représenteront 6,2 milliards d'euros, qui viennent s'ajouter aux 10,9 milliards d'euros déjà prévus par le Ségur de la Santé.
L'Ondam permettra aussi de soutenir la branche autonomie en prévoyant les moyens nécessaires à la création des 6 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en Ehpad. Il s'agira aussi de financer la mise en place progressive des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap, dont le coût sera de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2030.
Pour la branche autonomie, nous créons enfin, en 2024, les plateformes de repérage et d'orientation précoce des enfants en situation de handicap.
Il s'agit donc non pas de diminuer les dépenses, mais de maîtriser leur progression.
Cette maîtrise des dépenses sera assurée par plusieurs leviers, qui représentent 3,5 milliards d'euros d'économies au titre d'un effort partagé entre tous les acteurs du système de santé. Des économies à hauteur de 1,3 milliard d'euros sont attendues du secteur des produits de santé, soit 1 milliard d'euros au titre de la baisse des prix négociés avec les industriels, et 300 millions d'euros du fait de la baisse des volumes. Pour y parvenir, plusieurs mesures sont prévues au niveau législatif dans le PLFSS, telles que, par exemple, la délivrance par les pharmaciens de certains médicaments, sous réserve de la réalisation d'un test en confirmant l'utilité.
Par ailleurs, des économies à hauteur de 1,3 milliard d'euros correspondent aux efforts demandés aux assurés et à leurs complémentaires dans une logique d'efficience, mais aussi de lutte contre les gaspillages. Différentes options peuvent être envisagées et nécessitent encore d'être discutées et concertées.
Enfin, 900 millions d'euros d'économies sont liés aux soins de ville, à l'hôpital et aux établissements médico-sociaux. En particulier, l'amélioration de l'efficience à l'hôpital et dans le secteur médico-social, via la politique d'achat et d'amélioration de la pertinence et de l'efficience des soins, devra permettre de réaliser 600 millions d'euros d'économies.
Ces économies répondent à des enjeux financiers, mais aussi sanitaires et environnementaux. Les médicaments, par exemple, représentent 4 % des émissions de carbone en France. La réduction de leur consommation constituera donc aussi un levier pour notre combat en faveur de la transition écologique.
Nous construisons ainsi une trajectoire graduelle de rétablissement des comptes, qui passe aussi par des mesures en recettes et par la préservation des économies issues des réformes passées ; je pense notamment aux réformes de l'assurance chômage et des retraites portées par mon collègue Olivier Dussopt.
Je souhaite, à ce titre, refaire le point sur les mesures du texte et évoquer l'impact de mesures nouvelles introduites à l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'Agirc-Arrco, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, nous conservons l'objectif de sanctuariser les économies pour financer des dispositifs de solidarité du système de retraite, et souhaitons avancer par la voie du dialogue social sur la base de l'article 9 de l'accord national interprofessionnel (ANI). Je me réjouis d'ailleurs fortement que les organisations patronales, dans leur ensemble, aient désormais fait part de leur souhait d'ouvrir les discussions sur le sujet.
L'article 8 du PLFSS revient sur le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire, qui devait avoir lieu en 2024. Vous en aviez d'ailleurs souligné les risques dans un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) en 2022. Après le report que vous aviez préconisé, et que nous avons mis en oeuvre en 2023, nous avons désormais fait le choix du maintien d'un circuit spécifique.
La discussion à l'Assemblée nationale nous a permis d'introduire deux mesures très importantes, sur lesquelles je souhaite revenir : le gel des points de sortie des allègements généraux, et la réforme de l'assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Nous allons d'ailleurs nous attacher à déposer un amendement portant actualisation des annexes financières du PLFSS, pour que vous ayez une vue juste de l'impact financier de ces mesures.
Pour sécuriser la réduction de notre déficit public dès 2024, nous avons ainsi introduit, à l'occasion des débats à l'Assemblée nationale, une mesure visant à geler les barèmes des allègements généraux. Nous stabiliserons les barèmes à leur niveau de 2023 s'agissant des bornes de 2,5 Smic et 3,5 Smic, ce qui évitera une perte de recettes de l'ordre de 600 millions d'euros pour la sécurité sociale.
Comme vous le savez, nous sommes très prudents sur l'évolution de ces exonérations. En effet, il s'agit d'un déterminant essentiel du coût du travail, que nous avons cherché à abaisser autant que possible dans une logique, à la fois, de compétitivité et d'amélioration du revenu net des salariés. Aujourd'hui, cependant, compte tenu de la très forte dynamique du Smic en relation avec l'inflation, le montant des allègements a augmenté de manière considérable : ils devraient coûter 80 milliards d'euros en 2024. La structure de ces allègements s'est également déformée au profit des salaires moyens ou élevés dans la distribution, alors même que leur efficacité est plus élevée pour les salaires les moins élevés.
Ainsi, le dispositif de gel permettra, d'une part, de modérer la dynamique d'exonération et, d'autre part, de préserver le montant global des réductions accordées aux employeurs, ainsi que la répartition entre les secteurs économiques concernés, ce qui donne toute la visibilité et la prévisibilité nécessaires aux entreprises.
La deuxième mesure que nous avons introduite est la réforme de l'assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Il s'agit d'une grande réforme de simplification administrative, mais surtout d'une réforme créatrice de droits sociaux nouveaux. L'ambition est d'améliorer les droits à la retraite des travailleurs indépendants, du fait de la reconfiguration des contributions et cotisations. Leur contribution sociale généralisée (CSG) diminuera et leur assiette de cotisation augmentera. C'est pourquoi, d'ailleurs, cette réforme a recueilli le plein soutien de l'Union des entreprises de proximité (U2P) et de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui ont été étroitement concertées.
Le projet qui vous est soumis est le fruit d'échanges nombreux, et correspond à des modifications substantielles de la proposition initiale du Gouvernement. Ce gain sera fonction de la majoration des cotisations de retraite complémentaire à laquelle procéderont les différents régimes professionnels et du rendement des droits acquis au sein de ces régimes.
Le cadrage de la réforme impose une neutralité financière globale. Elle illustre notre capacité à conduire des réformes complexes qui permettent, à la fois, l'acquisition de droits nouveaux et la préservation de notre trajectoire financière. Elle démontre qu'il est possible d'avancer et d'améliorer la vie de nos concitoyens sans dégrader les déficits.
Au-delà de ces deux mesures, nous avons plus largement eu le souci d'enrichir le texte à l'Assemblée nationale à partir des propositions des parlementaires.
Nous avons ainsi, sur proposition du groupe Les Républicains, sécurisé l'affiliation des commissaires aux comptes aux dispositifs spécifiques de la caisse nationale des professionnels libéraux pour l'assurance vieillesse et les indemnités journalières maladie. Les mécanismes de clause de sauvegarde visant à réguler les dépenses de produits de santé ont également été retouchés sur la base d'amendements de la majorité et des Républicains.
Dans sa troisième partie, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité reprend plusieurs propositions transpartisanes, dont l'élargissement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus aux jeunes accueillis dans les établissements médico-sociaux, qui avait fait l'objet d'amendements du groupe Socialistes et apparentés et du groupe Les Républicains, ou la prise en compte des bilans de santé réalisés à l'entrée dans les dispositifs de l'aide sociale à l'enfance (ASE) pour faciliter le repérage précoce des situations de handicap dans le cadre des nouvelles plateformes créées par le PLFSS, à la suite du dépôt d'amendements des Républicains, du groupe Socialistes et apparentés, de la Gauche démocrate et républicaine comme des Écologistes, ou encore la suppression de l'article 39 relatif à l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), comme l'ont demandé les différents groupes de l'Assemblée nationale, en accord avec les partenaires sociaux.
Nous avons aussi retenu des amendements déposés par les groupes de la majorité en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, comme la généralisation du dépistage du cytomégalovirus pendant la grossesse, ou les mesures d'ajustement des financements de certaines activités hospitalières comme la dialyse et la radiothérapie.
Le PLFSS que nous vous présentons dans cette version enrichie par l'Assemblée nationale est donc à la fois un texte créateur de droits nouveaux, un texte qui investit massivement dans la santé et nos politiques sociales, mais aussi un texte qui assure la soutenabilité à long terme de notre système.
M. Philippe Mouiller, président. - Je me permets de vous faire, en préambule, une remarque de méthode concernant l'actualisation des annexes financières. L'exercice est à chaque fois particulier, à une semaine de l'examen du PLFSS en commission. Cette actualisation ne dépend pas que des évolutions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ; elle correspond aussi à un travail de fond. J'avoue que cela nous gêne toujours de ne récupérer ces informations que très peu de temps avant leur examen. Cette remarque est en rapport avec notre capacité à disposer, en bonne et due forme, des informations nécessaires pour juger les évolutions proposées.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Monsieur le ministre, j'ai un doute : parlons-nous de la même trajectoire des déficits ? Vous parlez de « maîtrise », mais il me semble qu'à partir de 2025 les déficits augmenteront fortement, et je n'y vois pas l'ombre d'une maîtrise ou du remboursement de la dette sociale.
J'ai plusieurs questions portant sur la revue de dépenses. L'article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit que le dispositif de revue des dépenses permettra 6 milliards d'euros d'économies par an entre 2025 et 2027, répartis entre les dépenses des différentes administrations de sécurité sociale. La rédaction du rapport annexé suggère qu'il ne s'agira pas de réaliser 6 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année, mais de réaliser 6 milliards d'euros d'économies en 2025, maintenus les années suivantes. Confirmez-vous ce point ? A-t-on une idée de la répartition de ces 6 milliards d'euros d'économies entre les régimes obligatoires de base et les autres administrations de sécurité sociale ? Nous ne disposons que de très peu de détail : on nous annonce des économies, on avance un chiffre, mais nous ne savons pas quelle sera la répartition.
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit dans son rapport annexé que l'excédent des régimes complémentaires de retraite, actuellement de 0,3 point de PIB, soit près de 10 milliards d'euros, restera à ce niveau jusqu'en 2027. Pourtant, les prévisions à l'horizon de 2037 récemment transmises à la commission par l'Agirc-Arrco anticipent un déficit technique permanent au moins jusqu'en 2037. Cet objectif d'excédent des régimes complémentaires est-il toujours d'actualité, alors que l'Agirc-Arrco représente actuellement 80 % des dépenses des régimes complémentaires et de leurs excédents ? Si oui, comment prévoyez-vous d'y parvenir ?
Concernant le financement de la dette sociale, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a autorisé le transfert de 136 milliards d'euros de dette de l'Urssaf Caisse nationale à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Il ressort des montants déjà transférés qu'il n'est plus possible de transférer que 8,8 milliards d'euros en 2024. Si rien n'était fait, les déficits s'accumuleraient à l'Urssaf Caisse nationale. Selon vous, quel encours maximal de dette l'Urssaf Caisse nationale peut-elle gérer dans de bonnes conditions, et quelles seraient les conséquences concrètes d'une accumulation de dette au-delà de ce seuil ? Que prévoit de faire le Gouvernement pour sécuriser le financement de la dette sociale ? Envisage-t-il, par exemple, de modifier l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996, pour repousser une nouvelle fois l'échéance de l'amortissement actuellement fixé à 2033 ?
Mon dernier point portera sur la fiscalité nutritionnelle. Il s'agit d'un levier mobilisé dans plusieurs pays afin de dégager des recettes nouvelles, la France apparaissant nettement en retard. En France, seules les boissons sucrées et édulcorées font l'objet d'une taxation spécifique à visée comportementale, qui a rapporté 600 millions d'euros en 2022. En juillet 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires recommandait notamment de réformer la fiscalité actuelle sur les boissons sucrées et édulcorées, d'augmenter les barèmes de contribution sur ces produits, et d'étudier l'extension de cette fiscalité aux produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé. Le Gouvernement travaille-t-il à de telles mesures, et des hypothèses de recettes ont-elles été étudiées et chiffrées ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - S'agissant des mesures d'économies structurelles inscrites dans la loi de programmation des finances publiques, nous devons trouver 12 milliards d'euros d'économie d'ici 2025, 6 milliards pour l'État et 6 milliards pour le champ des administrations de sécurité sociale (Asso), dont la sécurité sociale. Nous n'avons pas défini de sous-objectifs ; à ce stade, c'est bien l'exercice de revue des dépenses, que nous avons relancé avec la Première ministre, qui doit nous permettre de documenter ces réformes, qui ne sont donc pas connues à cette heure, puisque nous menons dès maintenant ce travail en préparation du budget pour 2025. Je le précise, même si je n'ai pas de répartition des montants à vous indiquer à ce stade : le niveau d'économie attendu est ambitieux, tant pour l'État que pour la sécurité sociale.
Concernant les capacités de la Cades de continuer à amortir le transfert de la dette de l'Urssaf, j'aurais pu commencer mon propos en indiquant que la trajectoire est effectivement dégradée. Le déficit de la sécurité sociale en 2027 sera de 17,5 milliards d'euros : j'en conviens avec vous, c'est important. En tant que ministre des comptes publics, je défends l'idée qu'un système qui n'est pas financé est un système en danger. Pour cette raison, nous nous attelons avec beaucoup d'ambition à ce programme de revue des dépenses, car nous devons identifier les mesures non de baisse, mais de maîtrise de la dépense pour garantir le financement de notre régime.
La Cades amortit chaque année entre 15 et 20 milliards d'euros de dette sociale ; elle a déjà amorti plus que le déficit de la sécurité sociale. Il reste près de 9 milliards de dette que l'on peut transférer à la Cades, et les futurs déficits seront donc maintenus à l'Urssaf Caisse nationale, anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Durant la période de la covid-19, l'Acoss avait déjà géré un haut niveau d'endettement, et nous n'avons aucune inquiétude pour 2024. Nous travaillons pour ajuster nos outils afin de rendre finançable et soutenable la dette sociale au sens large. Ce travail est en cours, et nous regardons avec attention les années qui viennent.
En réponse à votre interpellation sur l'actualisation tardive des annexes du PLFSS, Monsieur le président, vous connaissez le calendrier. Nous avons pris l'engagement de vous transmettre ces annexes avant le débat en séance publique, afin d'intégrer les nouvelles données. Les grands équilibres et les trois parties du texte viennent d'être arrêtés il y a quelques jours. Nos services sont extrêmement mobilisés pour éclairer au mieux la représentation nationale, et vous donner dans les meilleurs délais toutes les informations vous permettant de vous prononcer.
Un mot enfin sur la fiscalité comportementale. Nous avons pris l'engagement de ne pas augmenter les impôts, ce qui concerne également les sujets de fiscalité comportementale. Au moment de se battre pour le pouvoir d'achat, nous ne souhaitons pas grever le pouvoir d'achat des Français par un alourdissement de la fiscalité. Je le dis en tant que ministre des comptes publics, au risque de susciter le débat : tous les problèmes de politique publique ne trouvent pas leur réponse au moyen de la fiscalité. Par exemple, les politiques de lutte contre les addictions ne passent pas nécessairement par l'arme fiscale. Nous devons utiliser tous les leviers, tout en tenant notre engagement pris devant les Français de ne pas alourdir la fiscalité.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je rejoins l'inquiétude de la rapporteure générale et ses doutes concernant la soutenabilité à long terme du système. Avec un déficit de 9 milliards d'euros pour l'assurance maladie jusqu'en 2027, un déficit qui croît de 6 milliards jusqu'à 14 milliards en 2027 pour l'assurance vieillesse, je ne vois pas comment faire. Vous nous dites que vos services y travaillent : nous n'en doutons pas, mais il nous aurait paru utile que vous nous donniez quelques informations, quelques pistes de propositions détaillées sur lesquelles vous comptez.
Pour ma part, je vous donnerai quelques pistes : les fraudes sociales. Vous faites un effort : par une lettre de mission, votre prédécesseur M. Dussopt avait demandé à chaque caisse de sécurité sociale de fournir une estimation précise des montants constatés des fraudes, pour faire une estimation des récupérations possibles. Certaines caisses ont réalisé ce travail, mais l'assurance maladie, prétextant la complexité de ce calcul, est en retard de deux ans. Il s'agit pourtant de dépenses de 250 milliards d'euros ; les estimations corroborées par la Cour des comptes avancent que, suivant les professions, entre 2,5 % et 6 % des opérations sont frauduleuses ou erronées, ce qui aboutit à un chiffre approximatif d'une dizaine de milliards d'économies à opérer, uniquement pour la fraude à l'assurance maladie.
Le montant des fraudes aux cotisations de l'Urssaf est estimé, par la Cour des comptes, entre 6 et 8 milliards d'euros. Que fait-on, de façon intensive, volontariste, pour résoudre ces problèmes et le réduire ? Des pistes réelles permettent de rechercher non pas 1 milliard, mais peut-être 15, voire 20 milliards d'euros. Je doute de la volonté de certaines caisses, et non de celle du ministre... Mais le ministre est là pour exiger que des réponses précises soient apportées à la lettre de mission cosignée par le Premier ministre de l'époque !
Un autre sujet, c'est celui de la pertinence des actes. Selon l'OCDE, 25 % des soins sont inutiles, car redondants. Nous l'avons plusieurs fois vérifié lors de nos auditions. La ministre de la santé d'alors, Mme Buzyn, corroborant ce chiffre, indiquait qu'un travail de la Haute Autorité de santé (HAS) était en cours. C'est insuffisant : lors de notre audition de la présidente de la HAS, son directeur a indiqué que nous n'arriverions pas à récupérer ces 25 % avec les médecins. Je parle non de les récupérer d'un coup, mais de faire un effort pour aller dans ce sens ! Pour cela, il faut prendre des dispositions, établir des moyens de contrôle : l'investissement dans le contrôle est un investissement productif. On ne fait pas les efforts nécessaires, alors qu'il y a là des milliards à glaner avant de penser à chercher ces sommes chez les salariés.
Concernant la vieillesse, j'avais proposé qu'on augmente la cotisation vieillesse des entreprises, ce qui n'a malheureusement été accepté ni par le Gouvernement ni par le Sénat. Pour moi, l'effort demandé aux entreprises concernant la vieillesse est insuffisant, pour ne pas dire inexistant. Nous attendons toujours les suites des propositions et des décisions prises sur les seniors. Augmenter cette cotisation d'un demi-point représenterait 300 euros par salarié par entreprise et par an. C'est peu, cela ne met pas les entreprises en faillite, mais cela permettrait 4,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires si on l'appliquait à toutes les entreprises et aux 30 millions de salariés. On pourrait d'ailleurs envisager un taux plus progressif, avec une augmentation commençant par 0,25 point.
Vous appliquez une doxa parfaitement claire, selon laquelle vous ne voulez pas augmenter les impôts. Je vous livre ainsi une petite idée, parce que j'ai entendu parler d'un swap possible autour des cotisations de l'Agirc-Arrco - pourquoi pas, temporairement, à la condition que cela soit négocié avec les partenaires sociaux. Notre groupe tient beaucoup au paritarisme. Des pistes importantes et fructueuses mériteraient d'être considérées.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Monsieur le ministre, je ne suis absolument pas convaincue par vos propos. Qu'entendez-vous par l'expression « pertinence des soins » ?
J'ai également une suggestion pour vous permettre de faire des économies dans le budget de la sécurité sociale : la part des cotisations sociales dans les recettes de la sécurité sociale est passée de 90 % à la fin des années 1980 à 50 % depuis 2019. Ne pensez-vous pas qu'il faut agir pour que des cotisations sociales plus justes permettent de renflouer les caisses de la sécurité sociale ?
Je reconnais au Gouvernement, même si le ministre change, une certaine constance au sujet des transferts précipités du recouvrement des cotisations de l'Agirc-Arrco vers l'Urssaf. Vous y avez renoncé, certes, mais pas tout à fait : ce leitmotiv revient. Votre décision est-elle définitive, ou poursuivez-vous l'ambition de transférer les cotisations de l'Agirc-Arrco vers l'Urssaf, en remettant ce transfert sur le tapis non lors de ce PLFSS, mais par la suite ? Le sujet nous inquiète toujours beaucoup.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - Je vous poserai deux questions concernant la branche autonomie. Nous en avons parlé précédemment avec la ministre Aurore Bergé, la branche autonomie verse aux départements douze concours financiers, pour un montant total de 4 milliards d'euros. Le système est assez complexe. Les départements, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les représentants du secteur médico-social sont favorables à une réforme. Quels sont les obstacles actuels à cette réforme ?
Une deuxième question concerne la fusion entre les sections des soins et de la dépendance. Quelles seront les modalités de la compensation financière des départements qui auront opté pour la fusion ? Disposeront-ils bien de toute l'information nécessaire pour éventuellement choisir cette fusion ?
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Il me semble que ce texte est un PLFSS de transition. Nous abordons une période différente sur le plan économique et financier : nous ne sommes plus du tout dans une période sans inflation, où l'argent n'était pas cher, où les taux d'intérêt étaient parfois négatifs, où M. Amghar nous disait lors d'une audition que l'Urssaf Caisse nationale bénéficiait d'une provision positive, car l'Acoss avait beaucoup emprunté. Il me semble que nous n'anticipons pas beaucoup ces changements économiques et l'augmentation des taux. Vous avez abordé la trajectoire pour 2025, mais qu'en est-il durablement ? M. Amghar nous l'a dit lors de sa dernière audition, 80 % de notre dette est financée par les marchés, et cette situation n'est pas soutenable durablement. Quelle est votre vision sur ce point, dans ce PLFSS ?
Cela étant, ma situation est paradoxale, car je suis rapporteur pour la branche famille, qui elle est excédentaire depuis plusieurs années. Quelle est votre lecture de cet excédent ? Les recettes sont-elles mal calibrées ? Y a-t-il un manque de volonté politique ?
Malheureusement, nous ne pourrons pas tout de suite corriger le tir concernant la baisse de la natalité dans notre pays. Avez-vous des éléments pour déterminer son impact financier sur les comptes de la sécurité sociale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie. - Je vous prie de m'excuser si je suis un peu longue, mais la branche maladie pèse presque 255 milliards d'euros, et j'ai plusieurs questions à vous poser.
Je commencerai par l'Ondam. Vous nous demandez de rectifier l'Ondam pour 2023 et d'approuver celui pour 2024. Pouvez-vous préciser les hypothèses sur lesquelles sont établies les prévisions pour 2024, et comment a été révisée la base pour 2023 ? Les prévisions du Gouvernement semblent largement éloignées des besoins effectifs des établissements de santé. Le ministre Aurélien Rousseau a indiqué que le Gouvernement ne laisserait pas les hôpitaux basculer dans le rouge à la fin de l'année, alors que le déficit des hôpitaux publics atteint 1 milliard d'euros. Comment le Gouvernement compte-t-il effectivement couvrir les conséquences de l'inflation pour les établissements ? Cela relèvera-t-il de crédits nouveaux, annoncés au Sénat et servant de base pour 2024, ou n'y aura-t-il qu'un tour de passe-passe du fait du déblocage du gel prudentiel ?
Nous avons atteint 284,9 milliards d'euros de dette. Votre collègue Aurélien Rousseau disait la semaine dernière devant notre commission qu'il fallait que l'Ondam redevienne ce qu'il doit être, un instrument de pilotage et une norme de dépense. Comment faire ? Les instruments de prévision de la direction de la sécurité sociale sont-ils dépassés, ou les dépenses sont-elles devenues ingérables ?
De plus, comment faire de l'Ondam un moment de sanction parlementaire de l'autorisation des dépenses publiques ? Quand construirez-vous des sous-objectifs ne dépassant pas 100 milliards d'euros, somme dépassée par les dépenses des soins de ville comme par le financement des hôpitaux ? Pourrait-on disposer d'une vision plus fine de ces dépenses ? Êtes-vous prêts à faire voter les parlementaires, comme nous le demandions lors de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss), sur les dotations qui ne relèvent pas du remboursement des prestations sociales ?
Au début de votre propos, vous annonciez avoir inclus dans le texte transmis au Sénat des mesures introduites à l'Assemblée nationale, mais je constate que le montant de l'Ondam reste inchangé. Les montants de ces dépenses se chiffrent peut-être en dizaines de millions d'euros, et n'apparaissent peut-être pas dans le tableau, mais de combien sont dégradés l'Ondam et le déficit de la branche maladie, du fait de ces mesures retenues ?
Je terminerai avec trois questions : la réforme du financement des activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique ne serait pas coûteuse : dès lors, quels en seront les gagnants et les perdants ?
L'article 27 du PLFSS vise à réguler les dépenses d'indemnités journalières (IJ) maladie. Le ministre de la santé a indiqué qu'il était ouvert à la négociation sur cet article, et qu'il n'était pas certain qu'il faille porter, politiquement et symboliquement, la responsabilité de l'explosion des IJ sur le patient. Partagez-vous son avis ?
Enfin, une question au sujet d'une disposition qui ne figure pas dans le texte, mais dont on a beaucoup parlé avant la présentation du PLFSS, qui concerne les franchises médicales. Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement en la matière ? L'Ondam de ville 2024 est-il bien assis sur une hypothèse d'augmentation de ces franchises et participations forfaitaires, pour un rendement de 800 millions d'euros, à rapporter aux 3,5 milliards d'économies dont vous parliez tout à l'heure ? Pourquoi ne pas avoir préféré un report sur l'assurance maladie complémentaire, plutôt qu'une franchise qui ne peut être couverte par ces dernières ? Pourquoi ne pas avoir soumis cette mesure à la représentation nationale, même si j'entends bien que la création d'une nouvelle franchise peut relever du domaine réglementaire ?
Mme Annie Le Houerou. - Concernant la branche famille, excédentaire, le PLFSS prévoit une augmentation des prestations familiales seulement à compter du 1er avril 2024, date tardive pour prendre en compte l'inflation subie par les familles. Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) suggère une indexation des prestations en cas de dépassement de l'inflation de 2 % à compter de la dernière revalorisation. Cette proposition est-elle étudiée, et a-t-elle une chance d'aboutir ?
À plusieurs reprises, vous avez répété votre leitmotiv de ne pas augmenter les impôts. Est-ce pour autant raisonnable, alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) réclame 2 milliards d'euros supplémentaires pour les hôpitaux, et après avoir, lors de la précédente audition, longuement parlé des grandes difficultés des Ehpad, le vieillissement supposant un accompagnement des familles, y compris au niveau financier ? Je m'interroge sur cet Ondam, comme sur la sincérité de ce budget.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Monsieur Vanlerenberghe, ce PLFSS porte 3,5 milliards d'euros d'économies, que j'ai détaillées dans mon propos liminaire. Telle est notre conviction : nous devons continuer à avoir un système protecteur, mais les économies sont légitimes pour garantir à long terme la protection sociale, un haut niveau de services, et une sécurité sociale de qualité.
Nous l'avons fait dans ce texte pour 2024, autour des sujets comme la dépense des produits de santé, l'efficience à l'hôpital, la politique des achats. Nous devons continuer à bâtir ces mesures qui nous permettront de faire d'autres économies. Par exemple, je suis attaché à la prescription à l'unité des médicaments. Je suis frappé par le gaspillage dans nos armoires à pharmacie. J'entends les difficultés, je vois ce qui se passe dans d'autres pays, y compris pour garantir la traçabilité des médicaments : est-on capables de prescrire la juste dose pour éviter ce gaspillage ? Il y a là un sujet logistique, industriel, mais aussi un sujet de prescription. Le rapport portant sur la régulation des produits de santé, récemment remis au Gouvernement, évoque les budgets de prescription des professionnels de santé. Dans d'autres pays, comme en Allemagne, on regarde les volumes de prescription en fonction de la typologie de la patientèle, de son âge ou de sa localisation géographique. Dans l'ouverture de la négociation conventionnelle conduite par le ministre de la santé, peut-on s'engager sur des mesures de régulation des prescriptions de dépenses de médicaments, qui progressent de 4 % chaque année ? Si l'on veut continuer à couvrir les protocoles les plus coûteux et les plus innovants, pour accroître les chances des malades, nous devons aussi faire des économies là où cela est possible. Oui, nous devons faire des économies. Je reviendrai sur le sujet des indemnités journalières ; nous avons un champ très large à explorer.
Sur la fraude sociale, ce PLFSS, tout comme le projet de loi de finances (PLF), prévoit déjà certaines mesures importantes. Je suis disposé à écouter vos propositions, car je pense qu'il faut aller plus loin. Mais rappelons-nous que le PLFSS contient une mesure pour mieux sécuriser le crédit d'impôt services à la personne comme les prélèvements de cotisation sur les travailleurs des plateformes, et que les caisses de sécurité sociale se sont engagées à recruter 1 000 ETP d'ici 2027 pour lutter contre la fraude sociale. Il y va de notre cohésion sociale. Un véritable effort est fait, selon l'orientation fixée aux caisses de sécurité sociale, pour renforcer la lutte contre la fraude. Le PLFSS introduit un délit d'incitation à la fraude sociale, par parallélisme avec le délit d'incitation à la fraude fiscale. Ceux qui font la promotion de la fraude sociale portent un coup de canif à notre contrat social, et il faut pouvoir traiter la fraude à la source. Nous devons être intransigeants sur ce sujet. Chaque caisse de sécurité sociale a des plans d'action, certaines ont des moyens renforcés pour lutter contre la fraude. En présence de la rapporteure générale, j'ai participé à l'installation du Conseil d'évaluation des fraudes, soulignant alors qu'il faut mieux évaluer. Certes, nous disposons des rapports de la Cour des comptes, mais nous devons, pour mieux lutter contre la fraude, y voir plus clair. C'est tout le mandat que nous avons fixé aux administrations dans le cadre de cette instance.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'était déjà fait !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Non, il y a des manques, d'importants trous dans la raquette. L'assurance maladie était d'accord pour mieux évaluer le montant des fraudes, et il y a un travail à conduire. Je suis par ailleurs ouvert à toutes les propositions des parlementaires à ce sujet : je suis prêt à porter un projet de loi dédié à la lutte contre les fraudes si l'on constate que des dispositifs législatifs sont nécessaires pour la muscler. Je suis à l'écoute des propositions de la commission et des sénateurs sur ce sujet.
Je vous ai déjà partiellement répondu au sujet des dispositifs médicaux. Nous faisons une baisse de prix de 1 milliard d'euros, et une économie en volume à hauteur de 300 millions d'euros, notamment au travers de sujets très concrets comme les tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) sur les angines ou les cystites. J'insiste sur la prescription à l'unité en cas de risque de rupture d'approvisionnement, mais je suis convaincu que nous pourrions en faire autant dans d'autres cas de figure, car il s'agit d'un bon instrument de régulation de la dépense.
En revanche, je ne vous suis plus au sujet de l'augmentation des cotisations vieillesse des entreprises. Un des leviers très importants pour garantir la viabilité et la pérennité de notre modèle social est le niveau d'emploi, le niveau d'activité, et donc la croissance. Tout ce qui ampute le soutien à la création d'emplois joue finalement contre le redressement de nos finances sociales. Depuis 2017, nous avons créé 2 millions d'emplois supplémentaires grâce à notre action économique parce que nous avons assumé des politiques de baisse d'impôt, paradoxalement bonnes pour les finances publiques. Je suis très vigilant sur l'augmentation des cotisations des entreprises : le but n'est pas d'accroître le coût du travail, car il faut continuer d'inciter les entreprises à créer le plus d'emplois possible.
Madame Apourceau-Poly, la pertinence des soins suppose de travailler avec les professionnels de santé pour se poser la question de la juste prescription, d'une meilleure prescription, et parfois d'une moindre prescription, notamment pour les médicaments. Nous avons reçu des propositions concrètes, notamment dans le rapport récemment remis que je mentionnais. Cela nous aide non pas à baisser la dépense, mais à la maîtriser.
J'ai cru un instant que vous alliez saluer la décision du transfert de recouvrement...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je la salue pour cette année !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je vous invite alors à la saluer pour les années qui viennent ! L'objectif, vu de l'entreprise, c'est que ces réseaux se parlent, pour simplifier la situation des entreprises. Cette coordination pour simplifier les démarches, c'est tout le travail qui doit être mené entre l'Urssaf et l'Agirc-Arrco. Je pense que vous avez été entendue.
Mme Deseyne m'a interpellé sur les douze concours financiers versés aux départements. Ce sujet doit être discuté, mais après une concertation préalable qu'il faut mener avec les départements. Il faut écouter les difficultés et essayer de bâtir : il n'y a pas d'obstacle de principe de la part du Gouvernement.
La fusion des sections, notamment celles du soin et de l'hébergement, est attendue en matière de simplification. Le travail est en cours, et les modalités de financement seront précisées dans le PLF pour 2025. Les départements seront informés pour faire des choix éclairés. La voie de l'expérimentation a été retenue. Les concours de la CNSA aux départements nécessitent également une concertation.
Monsieur Henno, vous avez raison : l'augmentation des taux d'intérêt a changé beaucoup de choses. Pour le budget de l'État, la charge des intérêts de la dette va passer de plus de 40 milliards d'euros cette année à quasiment 75 milliards. Je défends un projet de loi de fin de gestion dans lequel on doit ouvrir 3,8 milliards d'euros en plus au titre de la charge des intérêts de la dette. Bien sûr, cela change la donne, et cela exige que nous soyons d'autant plus ambitieux sur la dépense et sur les économies, qui constituent autant de marges de manoeuvre.
Vous m'interpellez sur l'excédent de la branche famille, qui va diminuer progressivement, des mesures importantes ayant été prises. Pour encourager la natalité, il faut accompagner l'arrivée des jeunes enfants. La loi de financement de la sécurité sociale de 2023 comporte des mesures importantes : le recours aux assistantes maternelles a été facilité, le complément mode de garde a été étendu, l'allocation de soutien familial pour les familles monoparentales a été revalorisée. Ce projet de loi va indexer les prestations familiales sur l'inflation, ce qui représente un effort de plus de 1 milliard d'euros. La ministre chargée des solidarités et de la famille travaille à ces sujets, comme elle a pu vous l'exposer lors de l'audition précédente.
L'Ondam pour 2023 prévoyait déjà un financement des charges non salariales liées à l'inflation, à hauteur de 800 millions d'euros. Entend-on les fédérations dire qu'elles rencontrent des problèmes pour boucler les budgets ? Le ministre de la santé a lancé un travail avec elles pour estimer l'impact de l'inflation sur leurs situations financières, en prenant en compte le bouclier énergétique et l'ensemble des mesures prises. L'Ondam doit-il redevenir ce qu'il doit être ? Oui, mais rappelons-nous que nous venons de traverser des périodes qui nous ont bousculés, et que l'Ondam lui-même a été bousculé, tant par la crise du covid que par la crise inflationniste. Je souhaite qu'il redevienne une ancre très importante dans le pilotage de nos finances sociales : sa progression de 3,2 %, nettement supérieure à l'inflation, lui permet de redevenir cette ancre de nos finances sociales.
Faut-il aller plus loin dans les sous-objectifs ? En la matière, les annexes du PLFSS offrent en la matière un niveau de détail beaucoup plus important que celui des sous-objectifs, ce qui devrait répondre à vos questions. Quant aux mesures arrêtées dans la version de la P3 proposée par le Gouvernement, elles ont peu d'impact sur l'Ondam.
Par ailleurs, la réforme de la tarification à l'activité (T2A) est engagée dans ce PLFSS. Des études sont en cours avec les fédérations hospitalières pour apprécier qui en seraient les gagnants et les perdants. La dotation créée dans ce PLFSS a fait l'objet d'une large concertation avec les fédérations.
Sur les indemnités journalières, on doit avoir un vrai travail : ce sujet n'est pas de la seule responsabilité des salariés, il faut le regarder de manière très large. C'est pourquoi nous avons invité les partenaires sociaux à en négocier. Les IJ se développent en lien avec le vieillissement de la population et l'élargissement du marché du travail, mais certains comportements doivent être regardés de près, car cette dépense progresse extrêmement vite.
Madame Le Houerou, l'inflation dans les établissements de santé a été prise en compte dès 2022, à hauteur de 887 millions d'euros dans l'Ondam. L'Ondam pour 2023 prévoit déjà le financement des coûts liés à l'inflation sur les charges non salariales, ce travail se poursuit avec les fédérations.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Concernant la réindexation au 1er avril des prestations familiales, que pensez-vous de la proposition du HCFEA d'instaurer une augmentation mécanique des prestations familiales à partir d'un certain niveau d'inflation, un peu comme cela se fait pour le Smic ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - On a en France une myriade d'aides, qui ont toutes des règles de revalorisation différentes. Le travail est engagé sur la solidarité à la source, réforme structurelle importante pour redonner de la visibilité ; il faut se poser ces questions, mais cela doit se faire au sein de ce chantier titanesque.
Enfin, en réponse à madame Imbert sur les franchises et la participation forfaitaire, nous avons prévu un objectif de 1,3 milliard d'euros d'économies, à réaliser par un ensemble de mesures en cours de discussion ; ainsi, pour le transport sanitaire, le partage de véhicules, quand il est possible, permet d'en limiter le coût, mais aussi l'impact climatique. Un travail est aussi mené avec les organismes complémentaires. La fixation de la franchise ne relève pas du domaine de la loi, mais de discussions obligatoires, engagées par le ministère de la santé.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Une augmentation des franchises, c'est toujours une augmentation d'impôt. Le coût des complémentaires augmente de manière exponentielle. En augmentant les franchises, vous l'augmenterez encore, de façon mécanique, pénalisant ainsi le pouvoir d'achat.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Il est hors de question que les mineurs ou les personnes souffrant d'une affection de longue durée soient touchés par ces augmentations de franchise. Ce dispositif, depuis qu'il existe, n'a été revu ni par la droite ni par la gauche. Mais on ne peut pas résumer tout notre enjeu de maîtrise de la consommation de médicaments à la question des franchises. Il y a un travail colossal à faire avec les professionnels de santé, mais aussi avec les industriels, notamment sur la prescription à l'unité.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous ne voulez pas de fiscalité environnementale, ni de taxation de l'alcool : votre discours sur le pouvoir d'achat est contradictoire !
M. Philippe Mouiller, président. - Nous aurons bientôt ces débats dans l'hémicycle ! Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 05.