Mardi 10 octobre 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article unique

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  9 tend à supprimer l'article unique de la proposition de loi. Sans surprise, nous y sommes défavorables.

Mme Viviane Artigalas. - Pour notre part, nous y sommes favorables.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - J'émets un avis défavorable à l'amendement n°  11 portant sur l'organisation de la présidence des commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol).

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  1 vise à accroître le nombre de membres de la Caleol représentant la commune et à rétablir la voix prépondérante du maire, que la commission a fait disparaître au profit d'un droit de veto. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  7 vise à porter à trois le nombre de membres de la commune au sein de la Caleol et à rétablir la voix prépondérante du maire. C'est également l'objet de l'amendement n°  6, qui tend à supprimer le droit de veto. À nouveau, ces dispositions sont contraires au rapport que nous avons présenté la semaine dernière.

M. Henri Cabanel. - Nous sommes favorables aux amendements nos 7 et 6.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 7 et 6.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  12 vise à limiter le droit de veto du maire à une seule occurrence. Il prévoit en outre que la Caleol instruise les demandes inscrites dans le système national d'enregistrement et s'appuie sur les résultats de la concertation organisée pour la première attribution des logements. Il apparaît souhaitable que le droit de veto du maire demeure plein et entier.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - Je propose également un avis défavorable à l'amendement n°  3, tendant à supprimer le droit de veto du maire.

M. Fabien Gay. - Je m'exprimerai sur le sujet en séance.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - Compte tenu des prérogatives et compétences dévolues au département, il semble tout à fait intéressant d'intégrer un membre du conseil départemental, avec voix consultative, à la Caleol, comme proposé à l'amendement n°  2 rectifié.

Mme Viviane Artigalas. - Étant opposés à cette proposition de loi, nous ne voyons pas l'intérêt de soutenir une quelconque amélioration du texte, d'autant que celle-ci n'est pas certaine.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2 rectifié.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  4 tend à rendre anonymes les dossiers des demandeurs lors du passage par les Caleol. Or, cet anonymat est déjà protégé avant l'examen, les éléments personnels n'étant pas transmis lors de la convocation. En outre, la décision d'attribution ne peut être que nominative : l'amendement ne porte donc pas sur le bon élément au sein de l'article L441-2 du code de la construction et de l'habitat. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  5 tend à supprimer la délégation du contingent préfectoral au maire lors de la première attribution des logements neufs. Or c'est un des trois piliers retenus dans cette proposition de loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  13, visant à faire de cette délégation une simple faculté, est également contraire à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.

Après l'article unique

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'amendement n°  8 tendant à créer une commission de concertation chargée de suivre les programmes neufs de logements sociaux jusqu'à leur livraison.

Mme Amel Gacquerre. - Nous ne cessons de dire qu'il faut simplifier...

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - Cette concertation existe déjà de fait. Il s'agit de faire travailler ensemble les bailleurs et les réservataires en amont de la livraison du programme.

Mme Amel Gacquerre. - Effectivement, la concertation existe déjà de manière informelle en amont, d'où l'intérêt de ne pas créer de nouvelles commissions obligatoires.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  10 tend à restreindre la composition de la Caleol aux seuls président et maires des communes de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) lorsqu'il existe une conférence intercommunale du logement ou une convention intercommunale d'attribution. Si, dans un tel cas, il ne serait pas illogique de confier la présidence à l'EPCI, il n'est pas légitime d'exclure de la composition le bailleur social, l'État et les membres ayant une voix consultative.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente, rapporteur. - Enfin, je vous propose un avis favorable à l'amendement n°  14 tendant à différencier les conséquences juridiques du rejet d'une demande de celles d'un refus d'attribution. Ces précisions nous semblent bienvenues : elles permettent de clarifier les responsabilités du président de la Caléol et, en conséquence, d'affiner la portée du droit de veto du maire.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14.

Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :

Article unique

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. JADOT

9

Suppression de l'article unique

Défavorable

Le Gouvernement

11

Organisation de la présidence des CALEOL dans les différentes situations

Défavorable

M. BUIS

1

Augmentation du nombre de membres de la CALEOL représentant la commune, de leur poids et rétablissement de la voix prépondérante du maire

Défavorable

M. CABANEL

7 rect. bis

Porter à trois le nombre de membres de la commune au sein de la CALEOL et rétablir la voix prépondérante du maire

Défavorable

M. CABANEL

6 rect.

Supprimer le droit de veto et rétablir la voix prépondérante

Défavorable

Le Gouvernement

12

Limitation du droit de veto d'un maire à une seule occurrence, instruction des demandes inscrites dans le SNE, organisation d'une concertation pour la première attribution

Défavorable

M. GAY

3

Suppression du droit de veto du maire

Défavorable

M. FOUASSIN

2 rect.

Ajout d'un membre du conseil départemental avec voix consultative à la CALEOL

Favorable

M. GAY

4

Anonymisation des dossiers des demandeurs lors de leur examen par les CALEOL

Défavorable

M. GAY

5

Suppression de la délégation du contingent préfectoral au maire lors de la première attribution

Défavorable

Le Gouvernement

13

Transformation de l'automaticité en simple faculté de la délégation du contingent préfectoral au maire pour la première attribution des logements sociaux dans les programmes neufs

Défavorable

Article additionnel après article unique

Mme AESCHLIMANN

8

Création d'une commission de concertation de suivi des programmes neufs de logements sociaux

Favorable

Mme NOËL

10 rect. ter

Composition de la CALEOL dans les cas où existent une conférence intercommunale du logement ou une convention intercommunale d'attribution

Défavorable

Le Gouvernement

14

Précision des conséquences juridiques d'un rejet d'une demande et d'une décision de non-attribution

Favorable

La réunion est close à 14 h 25.

Mercredi 11 octobre 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Audition de M. Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, pour la première audition de notre commission depuis son renouvellement, nous accueillons M. Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain. Il est accompagné de M. Emmanuel Normant, directeur du développement durable, et de M. Dominique Azam, directeur des affaires institutionnelles de Saint-Gobain.

Monsieur Bazin, je suis très heureuse de vous accueillir ce matin. Votre entreprise, Saint-Gobain, est un acteur majeur de la filière de la construction : elle conçoit, produit et distribue des matériaux dans les secteurs des infrastructures, de l'habitat et du bâtiment, ainsi que de l'industrie, notamment des transports.

Cette maison, vous la connaissez bien, et pour cause : vous y êtes entré il y a vingt-cinq ans et y avez occupé divers postes, entre autres ceux de directeur du plan, de directeur financier, de directeur général adjoint du pôle Distribution bâtiment puis du pôle Produits pour la construction. Plus récemment, vous avez été chargé, en tant que directeur général délégué, de piloter la réorganisation de Saint-Gobain. Depuis un peu plus de deux ans, vous êtes directeur général du groupe.

À ce titre, vous pilotez le virage, engagé depuis déjà plusieurs années, de Saint-Gobain vers la décarbonation du secteur de la construction. Saint-Gobain se présente comme le leader mondial de la construction durable, avec le verdissement des usages, des modes de production, etc. Vous nous direz ce que cela recouvre exactement.

En tout cas, cette stratégie fonctionne, puisque vos derniers résultats sont excellents, malgré les tensions sur l'approvisionnement en matières premières et la hausse des prix, notamment de l'énergie et des transports. Vous nous indiquerez, je l'espère, les facteurs qui permettent à Saint-Gobain de tirer son épingle du jeu. Je pense bien sûr aux mesures structurelles visant à renforcer la compétitivité des acteurs français par rapport à leurs concurrents étrangers, mais je pense aussi à vos choix stratégiques et organisationnels.

Avant de vous laisser la parole pour un propos liminaire, puis de laisser mes collègues vous interroger, je souhaite orienter votre propos sur deux points spécifiques.

D'une part, j'aimerais que vous nous présentiez les perspectives de votre entreprise pour les mois à venir. Alors que le marché de la construction neuve s'essouffle en France mais aussi aux États-Unis, l'activité de rénovation, dont vous avez fait un de vos axes de développement, pourra-t-elle compenser ce repli ? Comment mieux encourager et accompagner la rénovation ? En particulier, quel regard portez-vous sur la politique des aides publiques en France, et en particulier l'évolution de MaPrimeRénov' pour 2024 ? Parallèlement, comment réamorcer la construction de logements neufs en France ?

D'autre part, quel regard portez-vous sur la décarbonation de l'économie et plus spécifiquement de l'industrie ? Quels changements cette ambition implique-t-elle, tant en matière de matériaux et d'approvisionnement en énergie que d'organisation du travail industriel ? Comment financer cette transition ? Vous qui connaissez bien les États-Unis, où Saint-Gobain est fortement implantée, avez-vous ressenti les effets de l'Inflation Reduction Act (IRA) sur l'attractivité européenne ? Comment anticipez-vous les effets de la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne, qui va être mise en place prochainement ? Quelles retombées pour Saint-Gobain ?

Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat. La vidéo sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Je précise que nous allons expérimenter un changement d'organisation des auditions en commission. Pour plus de dynamisme et de réactivité, je propose que la personne entendue réponde après chaque question, et non après une série de questions, comme c'était le cas auparavant. Pour que cela fonctionne, je vous invite, chers collègues, à poser des questions courtes et percutantes.

M. Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain. - Merci de me recevoir. Pour commencer, permettez-moi de vous donner quelques chiffres sur Saint-Gobain : notre chiffre d'affaires dans le monde s'élève à 51 milliards d'euros et nous sommes présents dans 75 pays, avec 165 000 collaborateurs et 800 usines. La France représente notre premier pays en matière de chiffre d'affaires - 20 % du total. Nous y avons 38 000 collaborateurs et 90 usines.

Notre raison d'être, c'est « making the world a better home » : nous sommes centrés sur la construction et avons l'ambition d'être le leader mondial de la construction durable. Les solutions techniques pour une meilleure efficacité énergétique dans le bâtiment existent, pour le neuf comme pour la rénovation.

En ce qui concerne la décarbonation, il est important de souligner que des secteurs entiers, à commencer par les transports et l'industrie, ne peuvent vivre sans énergie - même la voiture électrique, par exemple, a besoin d'électricité pour fonctionner ; l'industrie a besoin de gaz ou d'électricité pour fonctionner. Or nous ne mesurons pas assez à quel point le bâtiment peut constituer un fantastique réservoir d'énergie - même s'il faut bien sûr le décarboner. Mais électrifier le bâtiment ou substituer des modes de chauffage à ceux qui existent n'est pas suffisant. La pompe à chaleur, par exemple, ne décroît pas en elle-même la consommation énergétique du bâtiment.

Quelque 44 % des dépenses d'énergie en France concernent les bâtiments, publics et privés. En diminuant ces dépenses de 10 %, nous économiserions sept tranches nucléaires ! C'est important, vu les délais de construction dans le domaine de l'énergie : le réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville sera opérationnel à pleine puissance en 2035 ! D'ici là, nous devrions être capables de baisser la consommation d'énergie dans le bâtiment. Changer les systèmes de chauffage n'apporte pas de confort thermique à l'occupant et ne diminue pas ses factures énergétiques. Or c'est précisément cela qui rendra la transition énergétique acceptable. Au cours des prochaines années, nous manquerons d'énergie, en particulier décarbonée, en France et en Europe ; il faut donc investir dans l'efficacité énergétique de l'enveloppe du bâtiment. En effet, une bonne isolation divise par six ou sept la consommation énergétique d'un bâtiment.

Des solutions techniques existent pour cela et c'est notre métier que d'en apporter, à la fois dans le neuf, avec des constructions dites légères - nous avons divisé par deux le poids des matériaux et donc leur teneur en CO- et dans le secteur de la rénovation (qui représente dans le monde 50 % de notre activité), grâce à une trentaine de produits, il est possible de diviser par cinq ou six la facture énergétique d'une maison pour environ 250 euros par mètre carré. L'économie d'énergie ainsi réalisée peut permettre de remplacer la source d'énergie, par exemple au moyen d'une pompe à chaleur proportionnée.

La dynamique interne de Saint-Gobain consiste à minimiser notre empreinte industrielle en matière de CO2 et à maximiser l'impact de nos solutions. Le secteur de la construction représente 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont un quart provient de la construction et le reste de la vie des bâtiments - air conditionné, énergie dépensée, etc. Avec nos solutions, nous pouvons éviter l'émission de 1,3 milliard de tonnes de CO2 dans la durée de vie du bâtiment, soit l'équivalent des émissions annuelles de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni réunis.

Passons à la question de la décarbonation des procédés de Saint-Gobain. Pour rappel, nos principaux procédés concernent la production de verre plat pour le bâtiment et l'automobile, de laine minérale comme isolant, de plaques de plâtre et de matériaux céramiques. Ils sont énergivores : le groupe consomme environ 40 térawattheures d'énergie dans le monde (huit en électricité et le reste en gaz), dont quatre térawattheures en France. Notre facture énergétique a ainsi triplé en deux ans et représente, avec 3 milliards d'euros, 15 % de nos coûts industriels en Europe ; aux États-Unis, où l'énergie est moins chère, ce coût est très inférieur. Nous devons donc travailler sur notre consommation d'énergie pour diminuer notre empreinte carbone.

Nous avons par ailleurs d'autres activités, moins énergivores : activités industrielles plus légères, négoce de matériaux, formation de nouvelles générations d'artisans, etc.

Nous nous sommes engagés en 2019 à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, trajectoire validée par l'organisation internationale de référence SBTI (Science-Based Target Initiative). Nous allons diminuer de 90 % nos émissions directes par rapport à 2017 et développer des solutions de séquestration des émissions résiduelles. À ce stade, nous n'avons pas inclus de compensation financière de ces émissions dans notre feuille de route.

Pourquoi cet horizon, qui peut sembler lointain ? Une usine de verre plat a une durée de vie de vingt ans. Pour qu'elle soit neutre en carbone en 2050, elle doit être prête en 2030 et donc avoir un pilote industriel en 2025. Saint-Gobain s'est toujours projetée dans le temps long, mais vous pouvez constater que 2050, c'est pour nous un temps très court.

Nous avons par ailleurs fixé une étape intermédiaire, avec l'engagement de réduire de 33 % nos émissions de scopes 1 et 2 d'ici à 2030. En 2022, nous les avons déjà réduites de 27 % par rapport à 2017. Nous sommes donc en avance sur notre feuille de route. Nous avons augmenté notre chiffre d'affaires tout en réduisant nos émissions. Il est donc possible de croître et d'être rentable tout en tendant à plus de neutralité carbone.

Pour réduire nos émissions, nous travaillons sur l'excellence opérationnelle - améliorer les rendements, réduire les déchets -, sur l'efficacité énergétique de nos procédés - récupération de chaleur, contenu recyclé de nos produits (en utilisant du verre recyclé, on divise quasiment par trois les émissions de CO2 ; en France, notre laine de verre est à 70 % issue de matériaux recyclés) - et sur l'accès à une électricité décarbonée - énergie solaire et éolienne (nous avons été précurseurs pour signer des accords nous permettant d'avoir accès à de l'énergie solaire), utilisation de la biomasse pour substituer au gaz du biogaz, etc.

Dans notre siège, situé à la Défense, nous avons réduit notre consommation de 12 % en 2022 par rapport à 2021 et nous prévoyons une réduction supplémentaire de 15 % en 2023 par rapport à 2022, grâce à un ensemble de petites mesures.

À plus long terme, nous devons développer de nouvelles technologies pour passer du gaz à l'électricité. Aujourd'hui, aucune usine de verre plat n'est capable de fonctionner à l'électricité, car cela nécessite une puissance énergétique extrêmement précise : 1 500 degrés sur une surface de 300 m². Un degré de plus ou de moins, et votre plaque de verre est irrégulière, comme les fenêtres d'autrefois ; ce n'est pas ce que l'on attend d'un pare-brise... Nous y travaillons.

Saint-Gobain a accompli des premières mondiales récemment, comme la première production zéro carbone de verre plat, en France l'année dernière, et de plaque de plâtre, en Suède. La fabrication d'une plaque de plâtre nécessite beaucoup d'énergie : il faut mouiller le plâtre puis le sécher. Notre usine de Vaujours est ainsi le premier consommateur privé de gaz en Île-de-France. Nous avons ouvert notre première usine électrifiée de plaques de plâtre en Norvège. Pourquoi ? Parce que nous avons dans ce pays trente ans de visibilité sur une hydroélectricité bon marché. La deuxième usine ouvrira en 2024 à Montréal, au Canada, car Hydropower Canada nous verse une subvention de 40 millions de dollars canadiens sur un investissement de 100 millions et nous donne une visibilité du coût de l'hydroélectricité sur les quarante prochaines années.

Nous avons par ailleurs fait basculer notre usine d'Aniche, dans le nord de la France, vers le biogaz qui, combiné avec 70 % de verre recyclé, nous permet d'avoir une offre commerciale bas-carbone de verre plat.

Autre première de Saint-Gobain, en Allemagne : l'introduction d'hydrogène dans un four à verre plat. À terme, la solution devrait être l'introduction de 50 % à 60 % d'électricité, pour remplacer le gaz naturel - le reste pouvant être du biogaz ou de l'hydrogène vert (si tant est que l'hydrogène vert existe, et puisse être à un coût abordable). Nous faisons en ce moment des tests avec un concurrent japonais sur ce que serait un four verrier avec plus de 50 % d'électricité.

Nos usines françaises de laine de verre sont déjà bas-carbone, puisqu'elles fonctionnent à l'électricité.

Quels obstacles rencontrons-nous ? Nous avons besoin d'une électricité bas-carbone à un prix raisonnable, avec de la visibilité.

Le coût de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui s'applique à 60 % de notre consommation, est pour nous de 42 euros par mégawattheure (MWh). S'il était porté à 70 euros, cela représenterait une hausse de 66 % et il faut y ajouter l'amortissement de l'électrification de l'usine, à hauteur de 10 euros. Pour que ce coût de 80 euros soit compétitif par rapport au gaz, il faudrait que ce dernier coûte au moins 60 euros, puisqu'à 100 euros le coût d'émission de la tonne de CO2, compte tenu du facteur d'émission du gaz, il faut ajouter à ces 60 euros une somme de 20 euros de coût CO2 pour avoir le coût total du gaz. Si l'on traduit ce coût en MBTU (Million British Thermal Unit), unité utilisée sur le marché américain - 1 MWh équivaut à environ 3 MBTU -, cela représente un prix de 20 euros ou 20 dollars du MBTU. Or le gaz américain est à 3 dollars le MBTU. Un prix Arenh à 70 euros représenterait donc un coût sept fois supérieur à celui du gaz américain, qui, certes, n'est pas décarboné.

L'IRA, pour moi, n'est que la cerise sur le gâteau que représente cet écart gigantesque entre les coûts de l'énergie. À cela s'ajoute une politique énergétique européenne qui manque de clarté : nous ne savons toujours pas quel sera le prix de l'électricité en France en 2026. Pour que Saint-Gobain passe à l'électricité en France comme en Norvège ou au Canada, nous avons besoin de le savoir. C'est un enjeu de compétitivité très important.

Autre sujet : le coût et le délai d'installation des lignes électriques. Nous avons 80 usines en France ; toutes n'ont pas besoin d'une forte alimentation, mais il faut bien les relier. Dunkerque, où nous investissons beaucoup, est dans la liste de priorité de RTE, mais il faut relier tous les sites industriels français. S'il fallait électrifier l'ensemble des usines de Saint-Gobain, le coût des investissements représenterait l'équivalent de 800 à 900 euros par tonne de CO2 économisée, soit 8 milliards d'euros au total. C'est quatre fois nos investissements annuels. Cela représenterait aussi 900 millions de surcoûts de fonctionnement, soit un prix de 25 % à 30 % plus cher : si nos concurrents ne passent pas eux aussi à l'électrique, avec de tels coûts, nous sortirions du marché.

Pour autant, nous nous engageons : la trajectoire que j'ai évoquée nous a conduits à investir 200 millions d'euros l'année dernière pour la décarbonation ; nous nous sommes fixé depuis 2016 un prix interne du carbone, actuellement de 100 euros pour les investissements et de 200 euros pour la recherche et développement, ce qui signifie que lorsque nous avons des projets d'investissement, partout dans le monde, nous prenons en compte ce prix du carbone pour évaluer le retour sur investissement. Le retour sur investissement de l'installation d'un récupérateur de chaleur sur un four peut ainsi passer de dix à quatre ans, ce qui nous permet de le réaliser. Même chose concernant la recherche sur des matières moins carbonées. Les bonus annuels et à long terme des managers sont alignés sur cette feuille de route et 8 000 collaborateurs ont été formés à la Fresque du climat ; cet engagement de toute l'entreprise est naturel, puisque notre raison d'être est, je le répète, « making the world a better home ».

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci de cette introduction éclairante.

M. Jean-Claude Tissot. - Votre filière Isonat, consacrée à la fibre de bois, est développée notamment dans votre usine de Mably, dans la Loire. En 2020, grâce aux crédits du plan de relance, des objectifs très ambitieux avaient été annoncés, soit une production passant de 19 000 à 42 000 tonnes en 2023. Je sais qu'un incendie a touché le site, mais ces objectifs sont-ils atteints ou en passe de l'être ?

En ce qui concerne les biomatériaux pour la construction durable, depuis plusieurs années, la recherche s'intéresse au miscanthus, plante aux nombreuses vertus et qui peut être transformée en parpaing. L'utilisez-vous ou prévoyez-vous de l'utiliser ? Quels biomatériaux produisez-vous ?

M. Benoit Bazin. - Notre usine de Mably fait de l'isolation à partir de la fibre de bois. Nous avons consenti des investissements supplémentaires, mais c'est plus compliqué que prévu : nous ne sommes pas des experts de cette filière d'isolation à partir de bois. Mais nous montons en puissance, et nous allons encore investir l'an prochain.

Il faut savoir raison garder sur les biomatériaux, qui n'ont pas le meilleur cycle de vie qui soit : on ne sait pas recycler la fibre de bois, par exemple. Si vous la laissez pourrir en fin de vie, vous perdez l'avantage de la captation du carbone. Il faut lui ajouter des fongicides, ce qui n'est pas neutre. Cela représente une petite part du marché et n'ira pas jusqu'à 50 % ; heureusement, car cela tuerait la forêt française ! Celle-ci n'est d'ailleurs pas très compétitive et elle représente en elle-même un puits de carbone. La laine de verre n'est pas un dérivé du pétrole : elle est fabriquée à partir de sable, de calcaire et de sucre comme liant, et est recyclable à l'infini.

Je ne crois pas que nous travaillions sur le miscanthus, mais nous avons investi 5 milliards d'euros dans la décarbonation du béton. Chryso, ancienne propriété de Lafarge peut, grâce à des adjuvants, diviser par trois ou quatre sa teneur en CO2. On peut faire du béton avec de l'argile, des cendres volantes, du laitier de haut-fourneau... On peut aussi faire de la construction en terre, en adaptant des méthodes traditionnelles à des technologies modernes.

Le patron de Lufthansa a récemment déclaré que, s'il devait consommer seulement du Sustainable Aviation Fuel (SAF), il consommerait la moitié de l'électricité allemande. Le chanvre sert à l'isolation, mais nous n'allons pas couvrir toute la surface agricole française avec cette plante. On peut s'enthousiasmer sur certains biomatériaux ou pour le biomimétisme dans les modes de construction, mais certains produits classiques d'isolation sont recyclables à l'infini. Pour moi, l'enjeu numéro un est l'économie circulaire. Nous avons ainsi demandé à ce que la mise en place de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) ne soit pas à nouveau reportée et avons mis en place 300 agences Point P pour la collecte des déchets de démolition des chantiers.

Mme Viviane Artigalas. - Merci pour votre exposé passionnant. Vous avez parlé d'un accompagnement spécifique à la rénovation pour les plus démunis. Pouvez-vous donner des exemples d'actions concrètes en la matière ?

La rénovation globale et performante nécessite une coordination ; or cette filière n'existe pas en France. Cela engendre des monogestes inadaptés, comme l'installation d'une pompe à chaleur sans isolation préalable. Vous avez parlé de former 10 000 artisans par an : la coordination de la rénovation globale est-elle abordée ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces questions qui rappellent le travail de la commission d'enquête que j'ai présidée et dont Guillaume Gontard était rapporteur.

M. Benoit Bazin. - Nous sommes présents sur l'ensemble de la chaîne de valeur : recherche et développement, fabrication en France de plaques de plâtre, isolants, mortiers, verre plat... Nous avons 2 000 agences au plus près des artisans ; 85 % à 90 % des 450 000 artisans ou entreprises adhérentes de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) ou à la Fédération française du bâtiment (FFB) ont un compte chez nous.

Nous avons développé des logiciels qui leur permettent de faire des devis avec les prix exacts et de procéder au calepinage pour évaluer les quantités de matériaux nécessaires. Nous avons aussi lancé des centres de formation des apprentis (CFA) comme l'École du toit, l'École des bâtisseurs chez point P ou « 19 degrés » chez Cedeo, qui forme des couvreurs, des climatiseurs et des chauffagistes. Nous aidons 10 000 artisans à être formés à la mention RGE (reconnu garant de l'environnement).

Sur le RGE, les représentants de la Capeb se plaignent : on ne demande pas à tous les transporteurs de France de repasser le permis de conduire tous les dix ans ! Plutôt que d'être obligés de retourner sur les bancs de l'école, ils préféreraient que les chantiers soient audités trois fois par an et que les artisans dont les réalisations ne sont pas conformes aux visées de la norme RGE soient disqualifiés et que leurs chantiers n'aient plus accès aux soutiens publics. Je n'ose croire que ces nouveaux examens soient un outil pour réduire les dépenses de MaPrimeRenov'...

Il me paraît donc nécessaire d'assouplir le mécanisme du label RGE, qui n'existe pas dans d'autres professions. Nous nous efforçons néanmoins de déployer des formations dans ce domaine, à destination des artisans. Ainsi, nous avons lancé une filière d'accompagnateurs Renov' dans nos équipes.

De plus, nous avons lancé cette année le premier observatoire au monde de la construction durable, et avons interviewé dans ce contexte 800 professionnels : architectes, artisans, etc. Des discussions ont en outre été engagées début juillet avec le président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) et plusieurs acteurs, dont des députés, parmi lesquels Marjolaine Meynier-Millefert, coauteur d'un récent rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments. Je me trouvais par ailleurs à New York pendant la Climate Week.

S'il existe des solutions techniques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, la difficulté est de fédérer les acteurs concernés, dans un secteur très fragmenté. Nous nous efforçons de jouer ce rôle. Saint-Gobain n'est pas le Doctolib de la rénovation énergétique pour autant ! Il incombe aux acteurs publics d'agir, de façon décentralisée de préférence, pour distribuer et coordonner les aides. Saint-Gobain soutient ensuite ces actions, en lien avec les fédérations professionnelles.

Il est possible également d'agir sur un plan symbolique. Ainsi, le mot « isolation » est absent de la charte d'engagement pour la sobriété des bâtiments tertiaires privés que les entreprises devront signer prochainement. Or nous savons depuis la nuit des temps que l'isolation de l'enveloppe des bâtiments constitue un premier geste pour baisser la consommation d'énergie. Installer une pompe à chaleur dans une maison mal isolée revient en effet à conduire sa voiture les fenêtres ouvertes avec la climatisation en marche ! Si l'on adopte un angle purement « CO2 », en effet, en installant une pompe à chaleur, on baisse les émissions. Mais nos concitoyens ont besoin de gagner en confort : en confort thermique, par une meilleure isolation, et en confort financier, par un gain sur leurs factures d'énergie. S'il existait réellement de l'électricité décarbonée nucléaire en surabondance en France, il faudrait effectivement développer massivement les pompes à chaleur. Mais si nous avons un doute sur notre capacité à déployer quatorze EPR à plein régime d'ici à 2030, il faut se préoccuper de l'isolation des bâtiments. Il me paraît donc important de mentionner ce point dans un document officiel qui sera envoyé à toutes les entreprises de France.

Mme Amel Gacquerre. - Le secteur de la construction, qui a créé 15 000 emplois en 2022, souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre dans tous les corps de métier, à laquelle s'ajoute une pénurie de compétences. Or 220 000 embauches seront nécessaires dans les métiers du bâtiment pour répondre à l'enjeu de la rénovation thermique, dont 100 000 postes pour les ouvriers qualifiés. Dans un rapport d'information sur la souveraineté économique de la France coécrit avec Sophie Primas et Franck Montaugé et publié en 2022, j'avais d'ailleurs souligné la nécessité d'agir sur ce point, de manière générale, dans l'industrie.

Depuis 2020, le Gouvernement a multiplié les annonces pour inverser la tendance, en se donnant notamment pour objectif d'atteindre un million de contrats d'apprentissage par an d'ici à 2027, avec notamment une prime de 6 000 euros qui a été accordée aux employeurs qui recrutent des jeunes en contrat de professionnalisation. Ces annonces sont-elles à la hauteur des enjeux qui se présentent à nous ? À l'approche de l'examen du projet de loi de finances, quelles sont vos préconisations en la matière ? Quelles mesures adopter pour une meilleure adéquation entre l'offre et la demande ?

M. Benoit Bazin. - L'important est d'offrir de la stabilité et de la visibilité aux entreprises. L'augmentation par le Gouvernement du budget du dispositif MaPrimeRénov' de 1 milliard à 4 milliards d'euros est à cet égard bienvenue. Je plaidais pour ma part en faveur du déploiement d'un véritable plan Marshall, doté de 10 milliards d'euros par an et ciblé sur la rénovation des bâtiments classés F et G.

D'après les présidents de fédérations, une meilleure visibilité sur la durée de vie des mécanismes d'aides existants fournira en tout cas la possibilité d'embaucher davantage. Par exemple, le plan de rénovation énergétique des écoles annoncé par Christophe Béchu est positif, il permet d'avoir une vision à horizon 2030 et offre donc des possibilités d'embauche aux artisans.

Les questions qui se posent sur l'avenir du DPE créent en revanche une forte instabilité, et suscitent une forme de fébrilité chez les acteurs du secteur, qui souffrent déjà d'une conjoncture difficile. Même Saint-Gobain, qui a de très bons résultats, a connu l'an passé une baisse en volume de 6 à 7 % sur le premier semestre 2023 ; la rénovation ne compense pas intégralement le ralentissement dans la construction neuve.

L'apprentissage a bien évolué en France durant les dernières années. Saint-Gobain emploie environ 2 200 alternants. Nous cultivons par ailleurs le mentorat. Un lien doit être noué à ce sujet avec l'éducation nationale. Il faut revaloriser les métiers du bâtiment, qui sont des emplois modernes : nous mesurons du kilowattheure par mètre carré, des émissions de CO2, la performance acoustique d'une salle de classe... De nombreuses documentations peuvent être utilisées pour revaloriser ces métiers, au-delà de l'image que l'on pouvait en avoir il y a plusieurs décennies. Nous avons également des partenariats avec des lycées professionnels.

Du fait de la révision du dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E) et de la suppression de la prime « Coup de pouce isolation » pour l'isolation des combles, Saint-Gobain a dû mettre à l'arrêt une usine angevine dans laquelle 40 millions d'euros avaient été investis en 2017-2018 ; nous avons licencié nos collaborateurs. Or nous pensions avoir une visibilité sur dix ou vingt ans, et nous croyions à cette action. En effet, 30 % de la déperdition d'énergie d'un bâtiment passe par le toit. Il y avait certes des abus, mais cela ne justifiait pas l'annulation du dispositif. Aujourd'hui, on installe partout des pompes à chaleur venues de Chine, en faisant travailler des ouvriers moldaves. Il est essentiel de donner davantage de stabilité, de visibilité à nos entreprises, et de clarifier les dispositifs.

Le nouveau ministre du logement est un expert du DPE. Essayons de parler d'une même voix sur ces sujets.

Mme Anne-Catherine Loisier. - La place du matériau bois dans la rénovation énergétique des bâtiments n'est visiblement pas votre priorité. Vous paraissez plutôt séduit par le béton, et semblez juger judicieux de laisser les forêts dépérir pour libérer du carbone. Or le bois pourrait être utilisé dans le bâtiment pour séquestrer le bois.

Quel est l'impact de la responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du bâtiment (REP Bâtiment) dans vos activités ?

Le déploiement d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne contribuera-t-il à réduire la concurrence énergétique, notamment avec les États-Unis ?

M. Benoit Bazin. - Nous ne faisons pas de béton, en revanche nous proposons des solutions innovantes pour les cimentiers et bétonniers, pour les aider à substituer certains matériaux pour baisser leur empreinte carbone. Nous venons ainsi d'acquérir une société qui produit des fibres bas-carbone pour remplacer l'acier dans le béton.

La construction en bois est effectivement possible en France, nous en faisons. La difficulté est que la forêt française n'est pas compétitive parce qu'elle n'a pas été remembrée.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je ne partage pas votre analyse.

M. Benoit Bazin. - En l'absence de scierie compétitive, le bois qui sert pour la construction en France vient de Pologne ou de Suède.

Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est faux de dire cela ! On exporte du bois !

M. Benoit Bazin. - La REP Bâtiment soulève principalement des questions logistiques. Il faut trier au moment de la démolition du chantier. Nos agences de distribution apportent six à sept big bags sur les chantiers pour trier l'aluminium, le verre, etc. Un partenariat a été signé avec la mairie de Paris pour que les fenêtres et les plaques de plâtre de tous les chantiers de la mairie puissent ainsi être recyclées. Il faut voir ensuite comment ces matériaux peuvent être réintégrés dans les usines ; l'aspect technique n'est pas ce qui pose problème, nous utilisons déjà pour nos plaques de plâtre 20 % de gypse recyclé. Un ancien dirigeant d'Isover et Placo est d'ailleurs à la tête de Valobat, éco-organisme doté d'une soixantaine de partenaires, qui organise ces filières.

Le recyclage le plus difficile à effectuer est celui des fenêtres et des pare-brise, car il faut les désosser. Il y a toute une activité logistique à déployer. Nous essayons de mettre nos agences, dont 300 sont labellisées Valobat, à la disposition des artisans de la Capeb et de la FFB pour les aider à recycler leurs déchets. Nos usines sont par ailleurs dotées d'unités de tri.

En interne comme avec nos partenaires, nous nous efforçons de coordonner nos efforts, selon le principe de l'économie circulaire. À titre d'exemple, si la constitution de verre plat est exigeante, requérant une grande qualité optique, le verre recyclé de moindre qualité peut être utilisé dans la laine de verre. Nous pouvons utiliser les déchets de céramique pour remplacer le ciment, par exemple pour du mortier ou de la colle pour carrelage. C'est en dégradant les produits recyclés dans l'ensemble de la chaîne de valeur qu'on les valorise au mieux. Pour y parvenir, des boucles locales « multi-industries » sont nécessaires.

Même si le recyclage n'est pas notre coeur de métier, il nous arrive également - cela a été le cas en Autriche, par exemple, ou au Brésil - de prendre des participations minoritaires au capital d'un acteur du recyclage pour le sécuriser financièrement.

Alors que ces sujets étaient perçus comme des contraintes il y a six ou sept ans, ils sont désormais considérés comme des opportunités stratégiques. Le sable étant devenu une ressource rare en France, il est en effet essentiel d'avoir accès à des matières recyclées. N'oublions pas par ailleurs que le réemploi est vieux comme le monde du bâtiment : dans la basilique Sainte-Sophie, on a réutilisé des colonnes du temple d'Artémis !

Nous concevons également des produits modulables. Nous avons par exemple conçu dès l'origine des cloisons en plâtre qui permettront, sans les démolir, de recycler les bâtiments du village olympique que nous avons construit avec Vinci en Seine-Saint-Denis, en bâtiments de bureau ou de logement. La réutilisation des matériaux peut toutefois se heurter à des réglementations particulières ou à des questions assurantielles : par exemple, les portes d'un hôtel ne peuvent être facilement réemployées dans un lycée.

Nous plaidons par ailleurs pour le déploiement de la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne. Même s'il s'agit d'un dispositif compliqué, il faut le rendre aussi complet que possible et le parfaire.

M. Serge Mérillou. - Le bois me paraît une solution pertinente pour l'évolution des matériaux de construction : son cycle de vie est positif, sa production étant bas-carbone, et il peut être utilisé en fin de vie pour la production d'énergie. Au vu de l'engagement de Saint-Gobain dans l'économie circulaire, quelle place pour la filière bois dans la décarbonation de l'industrie ?

Par ailleurs, prévoyez-vous d'utiliser l'intelligence artificielle pour la décarbonation de l'industrie, au-delà de la seule réduction de la consommation énergétique ?

M. Benoit Bazin. - Je suis très partisan du bois. Saint-Gobain construit en bois aux États-Unis, en Norvège, en Suède et au Japon. Saint-Gobain dispose de catalogues de construction bois. Nous avons en outre une grande enseigne de distribution de bois et panneaux, Dispano. Nous adaptons même nos produits à la construction en bois, par exemple pour adapter les matériaux d'isolation acoustique aux contraintes de la construction en bois.

Cependant, l'analyse de cycle de vie dans la construction bois n'est pas la même que celle qui s'applique à l'ensemble des matériaux.

De plus, l'Office national des forêts (ONF) n'a à sa disposition que 20 % à 25 % du territoire des forêts françaises. La compétitivité des coupes françaises est donc limitée. Il est possible néanmoins de l'améliorer, afin d'encourager la construction bois à partir de bois français. Remembrer les forêts françaises permettrait d'y remédier. La taille moyenne d'une coupe en France est en effet bien inférieure à ce que l'on observe en Suède ou en Pologne. Notre concurrent en matière d'isolation par fibres de bois, Steico, achète ainsi 80 % de son bois en Pologne. Il est cependant possible de faire grandir la filière bois en France. Travaillons ensemble dans cet objectif.

Nous utilisons l'intelligence artificielle dans nos procédés, pour améliorer notre empreinte carbone en optimisant notre logistique. Il est trop tôt pour envisager d'autres applications pour l'instant dans le monde de la construction. Nous continuerons néanmoins à y travailler. Près de 80 data scientists sont mobilisés sur le sujet. La remontée mensuelle des informations relatives aux émissions de CO2 de nos usines a ainsi été automatisée.

M. Daniel Salmon. - D'excellentes études de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) démontrent les performances énergétiques des matériaux biosourcés.

Le sable commence à manquer au niveau mondial. Quelles quantités de sable consommez-vous ? Rencontrez-vous des difficultés d'approvisionnement en ce moment ?

Vous êtes très investi dans le recyclage. Quelle part du verre plat que vous utilisez est recyclée et que faut-il améliorer au sein de la filière pour bien le collecter ? Qu'en est-il pour le plâtre ?

Quelle est la durabilité des verres que vous produisez ?

Y a-t-il des marges de progression sur les performances thermiques des vitrages ?

Enfin, êtes-vous partie prenante du projet de relance de la production de panneaux photovoltaïques en Europe et des potentielles gigafactories qui l'accompagnent ?

M. Benoit Bazin. - Ne disposant pas de chiffres précis à ce sujet, je vous communiquerai ultérieurement les quantités de sable que nous utilisons en France. En tout état de cause, nous employons de plus en plus de matériaux de substitution : béton concassé, laitier, cendres volantes, etc.

La part de verre plat recyclé s'élève à 10 %, ce qui est peu. Cela tient aux contraintes liées au recyclage des fenêtres. Il est plus simple pour les artisans de les mettre à la benne plutôt que de les démonter. Environ 20 % du plâtre est recyclé. Il est possible néanmoins de faire mieux dans ce domaine du recyclage. Le Royaume-Uni comptabilise ainsi 30 % de matières recyclées dans le verre plat.

Des évolutions réglementaires seraient cependant nécessaires. Il faut également constituer une filière adaptée. Les mairies peuvent agir sur ce point. Notre verre ORAÉ bas-carbone constitue par ailleurs une offre commerciale : il a ainsi été employé pour la réhabilitation de l'ancien siège du conseil régional d'Île-de-France, dans le quartier des Invalides.

Le verre est très durable. Les miroirs de la galerie des Glaces du château de Versailles ont 350 ans ! En revanche, des changements normatifs seraient toutefois bienvenus, pour encourager l'utilisation du double ou du triple vitrage en France, à l'image de ce qui se fait en Allemagne depuis dix ans. Le verre est aussi recyclage à l'infini.

M. Daniel Salmon. - Le gaz introduit entre deux vitrages peut cependant compromettre la durabilité de l'ensemble.

M. Benoit Bazin. - Ces sujets évoluent techniquement, ces vitrages ont de très bonnes performances pendant au moins une décennie. Toutefois, l'enjeu n'est pas d'équiper tous les bâtiments publics de France de verre électrochrome ! Il faudrait déjà passer au double vitrage en France pour les bâtiments publics.

M. Fabien Gay. - Saint-Gobain est une belle entreprise dotée d'une histoire de 350 ans et nourrie par le savoir-faire de centaines de milliers d'ouvriers. Je vous invite d'ailleurs à regarder le beau documentaire Nous les ouvriers qui a été diffusé hier sur France Télévisions. Il y a 30 000 salariés en France, 165 000 dans le monde. La question du sens au travail est réelle pour la classe ouvrière. Il faut tenir compte également de la période d'inflation que nous traversons et de la difficulté de vos métiers. Au vu de ces réalités, êtes-vous d'accord pour augmenter les salaires ?

Les 1 500 salariés de l'usine de Pont-à-Mousson ont connu récemment une période de chômage partiel. Pourtant, nous avons un besoin croissant de canalisateurs, nous perdons beaucoup d'eau à cause de nos canalisations ! Êtes-vous en discussion avec l'État concernant un grand plan de remplacement de nos canalisations ?

Enfin, un débat ne serait-il pas nécessaire entre les entreprises, les élus et l'État sur la recréation d'un grand service public de l'énergie ? Les entreprises ont besoin de visibilité, c'est tout à fait normal. Les contrats d'achat d'électricité renouvelable comme celui que vous avez signé pour quinze ans avec TotalEnergies ne suffiront pas à résoudre les problèmes que nous rencontrons, en matière d'approvisionnement et de coût de l'énergie.

M. Benoit Bazin. - Saint-Gobain vit de ses magasiniers, de ses vendeurs et des ouvriers qui travaillent dans ses usines. Chacun doit pouvoir s'approprier la raison d'être de l'entreprise et voir sa contribution personnelle au succès collectif valorisée. Ce qui importe, pour tous, c'est le sens et l'autonomie au travail. Nous menons chaque année une enquête de satisfaction auprès de tous nos collaborateurs dans le monde, à laquelle 84 % d'entre eux ont participé en 2022. À la question « Avez-vous la bonne autonomie dans votre travail ? », 92 % des répondants ont répondu par l'affirmative.

Nous avons augmenté les salaires, presque au niveau de l'inflation. Saint-Gobain a enregistré de bons résultats. La part variable distribuée en France a ainsi doublé en quatre ans. De plus, 72 % de nos collaborateurs en France sont actionnaires du groupe, toutes catégories professionnelles confondues.

La nécessité d'un Plan eau était évidente, nous avons bien sûr eu depuis longtemps ce débat avec l'État. Mais c'est un financement de 5 milliards d'euros par an qui serait nécessaire, pas de 400 millions d'euros. Des débats ont lieu par ailleurs depuis plusieurs années sur la clause de réciprocité. Depuis 2014, il est possible en Europe de fermer l'accès aux marchés publics aux entreprises venant de pays dont les marchés publics ne sont pas ouverts : Turquie, Inde, Chine, etc. Or, en France, nous n'avons toujours pas de texte juridique clair sur ce sujet. Nous avons convaincu environ 80 communes d'appliquer cette clause, pour favoriser la production européenne et française, mais l'Agence française de développement (AFD) finance des projets à l'international impliquant des produits qui ne sont pas français ! Nous avons plusieurs fois signalé le problème. Je suis très attaché à l'avenir de nos usines à long terme. Voilà encore quelques années, la Société du canal de Provence achetait de l'acier turc, à un prix supérieur à celui qui était proposé par l'usine de Pont-à-Mousson ! Nous sommes très vigilants sur ce point.

À court terme, la situation de Pont-à-Mousson reste difficile. Les collectivités, prises entre leurs dépenses d'investissement et leurs dépenses de fonctionnement, privilégient les tuyaux en plastique au détriment des tuyaux de fonte. Nous nous efforçons d'agir néanmoins.

Le Power Purchase Agreement (PPA) passé avec TotalEnergies concerne les États-Unis, où les investissements de ce groupe dans l'énergie solaire sont considérables. En tant que groupe industriel, nous avons besoin d'un cadre clair et compétitif défini par l'État : coût du travail, fiscalité, infrastructures portuaires et aéroportuaires, etc. La France a la chance d'avoir la plus belle façade maritime d'Europe, la compétitivité de nos ports est essentielle.

Un cadre de formation est également nécessaire, car la décarbonation de l'industrie requiert des ingénieurs et des ouvriers compétents. L'investissement dans la formation en sciences aux États-Unis ou en Inde est bien supérieur au nôtre. Il faut en outre un cadre relatif aux infrastructures énergétiques. En revanche, je ne me prononcerai pas sur la forme juridique que cet encadrement doit prendre.

M. Bernard Buis. - Le groupe Saint-Gobain a annoncé fin septembre avoir conclu un accord définitif, dans le cadre de son plan stratégique « Grow & Impact », pour l'acquisition d'Adfil NV, acteur international de premier plan dans les fibres de renfort pour béton. Dans quelle mesure cette stratégie contribuera-t-elle à la réduction de votre empreinte carbone et de celle de vos clients ? Avez-vous des chiffres à ce sujet ? En quoi les fibres de renfort pour béton sont-elles des matériaux utiles pour la transition écologique ?

M. Benoit Bazin. - Nous investissons depuis plusieurs années dans la chimie de la construction, notamment dans les adjuvants. S'il est nécessaire de moins utiliser le béton dans le bâtiment, on ne peut le retirer des ponts, par exemple, ou des infrastructures aéroportuaires. Donc, l'enjeu est de passer à du béton bas-carbone, à l'image de celui qui été employé par Vinci pour les voussoirs de tunnel du Grand Paris Express, dont le béton contenait 90 % de CO2 de moins qu'un béton ordinaire. Or des adjuvants sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, afin de conserver les propriétés techniques du béton tout en substituant certains matériaux - cendres volantes, ou laitiers de hauts-fourneaux - à d'autres, et en retirant le clinker, qui représente 80 % de la teneur en CO2 du béton. Les fibres de polypropylène que vous évoquez agissent de cette façon : la performance technique du béton est conservée, même en enlevant des matières carbonées ou de l'acier. Il est donc possible de retirer du carbone dans le béton en utilisant les innovations de la chimie de la construction.

M. Henri Cabanel. - Je n'ai pas trouvé mention sur le site de Saint-Gobain de l'organisme certificateur du groupe concernant son engagement en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Que pensez-vous des entreprises qui mettent ce label en avant dans leur communication sans engager de véritables actions conformes à ses sept principes ? Comment percevez-vous la future évolution de la norme internationale ISO 26000 ?

M. Benoit Bazin. - Le cabinet Deloitte est notre organisme certificateur en matière de RSE. Plusieurs agences internationales notent également Saint-Gobain sur plusieurs critères : le Carbon Disclosure Project (CDP) ou encore Vigeo.

Il faut tenir compte par ailleurs de la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, ou CSRD). Les entreprises font face à une multitude de normes européennes et américaines, qui évoluent sans cesse. Mais notre activité de négoce des matériaux et de formation des artisans n'est pas prise en compte dans la taxonomie européenne, alors que la construction bois ou l'installation de laines minérales ne peuvent se faire toutes seules. La gestion de ces contraintes peut s'avérer perturbante pour les entreprises. La nouvelle directive CSRD sera mise en oeuvre en Europe en 2025. Il faudra s'y préparer en 2024 et rendre les mécanismes associés aussi intelligibles et accessibles que possible pour les entreprises. La nouvelle formule de la directive CSRD représente 1 000 lignes de reporting supplémentaires, pour 800 usines et 4 000 points de négoce ! L'enjeu serait plutôt à mon sens d'avancer sur le fond, de la façon la plus intelligible possible, plutôt que d'ajouter des critères. De manière générale, nous suivons ces sujets de près. Il faut des normes stables et claires, qui s'appliquent à tous.

M. Yannick Jadot. - L'amendement en faveur d'un « Buy European Act » que j'ai présenté récemment au Parlement européen, auquel nombre d'eurodéputés, notamment français, étaient favorables, n'a pas été soutenu par Bercy, malgré les positions affichées par le Gouvernement. Bercy ne soutient pas la perspective d'une préférence accordée aux entreprises européennes dans les marchés publics.

Par ailleurs, votre commentaire sur la certification RGE m'a paru un peu facile. Quand un chauffeur routier change de format de véhicule, il a bien des heures de formation, idem pour un chirurgien qui travaille sur une nouvelle machine. De même, le label RGE relève bien de la formation professionnelle.

L'important, pour les artisans, c'est la stabilité, la visibilité et l'ambition de nos politiques publiques. On se donne des objectifs en matière de décarbonation, sans se donner les moyens ni la volonté politique de les atteindre. On finit donc toujours par revenir sur ces objectifs. C'est cela qui déstabilise vos activités. Saint-Gobain a toujours oeuvré en Europe pour la définition d'objectifs ambitieux en matière d'efficacité énergétique, mais, en l'absence d'un véritable service public de la rénovation énergétique et de moyens consacrés, nous n'y parviendrons pas. Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz l'ont souligné : il faut une action de plus grande ampleur, ce qui requiert de la stabilité.

J'ai écrit un rapport au Parlement européen sur un mécanisme européen d'ajustement des émissions de carbone aux frontières. Finalement, des quotas gratuits ont été appliqués pendant dix ans, car on ne voulait pas aller au bout de notre politique industrielle de décarbonation. Que pensez-vous du maintien de ces quotas gratuits, qui nuit à l'efficacité de l'ajustement des émissions de carbone aux frontières ?

M. Benoit Bazin. - J'ai pu employer des images maladroites concernant le label RGE, pour aller rapidement.

La possibilité d'une clause de réciprocité dans certains marchés publics de fournitures et de travaux a été votée par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'industrie verte, ce qui est une bonne nouvelle.

La stabilité des politiques publiques est essentielle. Les quotas gratuits disparaîtront d'ici à 2027 ou à 2028, c'est pourquoi nous accélérons la décarbonation de nos activités. Il faut nous assurer que nous soyons en phase avec la trajectoire fixée. Toutefois, compte tenu de ses masses d'activités, qui sont considérables, le secteur du bâtiment peut mettre un an et demi à deux ans pour mettre en oeuvre une nouvelle norme, ce qui est parfois frustrant pour la puissance publique et le régulateur. Il faut tenir compte de cette inertie et accepter qu'un certain laps de temps soit nécessaire avant de voir les effets d'une nouvelle législation. De plus, ce n'est pas parce que le système n'est pas parfait dès le premier jour qu'il faut en changer. L'exemple de l'abandon de la politique d'encouragement à l'isolation des combles est à cet égard très parlant. Il aurait fallu quinze ans pour isoler tous les combles de France et voir quels en auraient été les effets. La filière de la construction a besoin de visibilité pour embaucher ; les industriels ont besoin de visibilité pour réduire leurs coûts de production.

M. Franck Menonville. - Quel serait le bon ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, compte tenu des écarts de compétitivité existants avec des pays tiers ?

La mission d'information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle, que j'ai présidée voilà quelques années et dont Valérie Létard était la rapporteure, plaidait déjà pour une réciprocité entre les contraintes imposées aux industriels européens et celles qui pesaient sur les importations. Le mécanisme européen vous semble-t-il suffisamment ambitieux et complet ? Quelles conséquences cela a-t-il sur votre stratégie ?

M. Benoit Bazin. - Le groupe Saint-Gobain n'est pas le mieux placé pour répondre à cette question. Il fabrique en effet ses produits localement, car les coûts de transport seraient trop élevés, pour des produits fabriqués à l'étranger. Nous sommes donc moins concernés que d'autres par la taxe carbone. L'usine de Pont-à-Mousson, qui exporte et importe certains produits, est en revanche touchée par cette réglementation. Sur le principe, il me semble préférable de prévoir des mécanismes larges incorporant tous les composants.

M. Daniel Gremillet. - La société RTE a présenté le 20 septembre dernier une mise à jour de son rapport Futurs énergétiques 2050 pour la période 2023-2035, qui mentionne une économie potentielle de 100 térawattheures grâce à la rénovation. Actuellement, 100 000 rénovations globales sont réalisées chaque année, l'objectif est d'atteindre le nombre de 370 000 d'ici à 2030 et de 700 000 d'ici à 2050. Pourrez-vous augmenter vos capacités de production en conséquence ? De plus, qu'en est-il du coût de la rénovation énergétique, qui a fortement augmenté et n'est donc pas supportable pour nombre de familles ?

RTE considère que la pompe à chaleur peut fournir 25 térawattheures d'économies d'énergie. Qu'est-ce qui explique la différence entre vos deux analyses ?

Enfin, le projet de loi de finances pour 2024 contient à nouveau une modification du dispositif MaPrimeRénov'. Qu'en pensez-vous ?

M. Benoit Bazin. - Nous avons les capacités industrielles nécessaires pour atteindre les objectifs fixés en matière de rénovation globale. Nous pouvons notamment relancer rapidement nos unités de production de laine soufflée pour l'isolation des combles, qui avaient été arrêtées à la suite du changement réglementaire dont j'ai parlé précédemment. Nous sommes leader de la laine soufflée aux États-Unis. Des usines suisses ou hollandaises sont prêtes en outre à suppléer les usines françaises en cas de nécessité.

Le coût de la rénovation a augmenté du fait de l'inflation énergétique. Si nous consommions moins d'énergie ou si nous disposions d'une surabondance d'offres d'électricité décarbonée nucléaire, l'énergie serait moins chère. Il se trouve qu'elle est coûteuse, ce qui engendre de l'inflation sur les matériaux.

Cependant, la question principale qui se pose concernant la rénovation est celle du financement. Le monde financier en France n'a pas d'intérêt à investir dans la rénovation énergétique des bâtiments, les prêteurs immobiliers n'ayant aucun intérêt à aider les particuliers à faire passer la note énergétique de leur logement de la classe G à la classe C. Si l'on considère que la rénovation énergétique des bâtiments est une priorité nationale, nous pouvons imaginer d'imposer aux banquiers de prévoir systématiquement un complément de prêt consacré à cette rénovation. En l'absence d'un engagement du monde financier, il me semble difficile de parvenir à mettre réellement en oeuvre la transition énergétique dans le bâtiment. Or, en dehors de la Caisse des dépôts et consignations pour le logement social et de quelques banques mutualistes, aucun acteur financier ne s'y intéresse pour l'instant.

Sur les 50 milliards d'euros consacrés au bouclier tarifaire, 10 milliards d'euros auraient pu être fléchés uniquement sur les bâtiments classés F et G. De même, le dispositif MaPrimeRénov' pourrait leur être spécifiquement destiné, car ces bâtiments abritent des ménages en situation de précarité énergétique, qui ne pourront assumer un reste à charge trop important. De plus, ces logements sortiront du marché locatif en 2025 et en 2028, alors que nous manquons de logements en France. Enfin, ils sont fortement émetteurs de CO2. Le bon sens voudrait que l'on investisse préférentiellement dans leur rénovation, plutôt que dans un bouclier tarifaire accordé à tous, y compris ceux qui n'en ont pas besoin. Si ce bouclier tarifaire avait été conçu plus finement, il aurait été orienté vers les personnes qui en avaient le plus besoin, qui auraient alors reçu davantage, et l'argent économisé aurait pu être investi utilement. La question du financement est donc essentielle.

Je suis par ailleurs très favorable à la pompe à chaleur. Notre enseigne Cedeo en vend beaucoup. Il reste néanmoins qu'une bonne isolation préalable est indispensable pour qu'elle fonctionne et pour assurer une bonne efficacité thermodynamique. La rénovation globale implique d'ailleurs quatre gestes : dans l'ordre, l'isolation des combles, de la façade et du sol, et le changement du système de chauffage. Si je me réjouis de l'existence d'une filière française de la pompe à chaleur, il est important de faire les choses dans le bon ordre.

M. Laurent Duplomb. - Nous sommes très fiers de Saint-Gobain, de ce que vous faites et de ce que vous dites. Nous devons nous soucier de notre compétitivité et de nos capacités de production. Si on ne le fait pas, cela revient à accepter que l'on ne produise plus rien en France. Nous devons au contraire nous inscrire dans la lignée de l'action de Colbert en faveur de l'indépendance française et miser sur les matières premières issues de notre pays grâce auxquelles nous pouvons fabriquer l'excellence mondiale ou européenne. C'est ce que vous faites depuis 350 ans.

La carrière Samin, située à Roche-en-Régnier, extrait de la silice dont on se sert pour fabriquer du verre. Nous devons garder nos capacités de produire des matières premières sur notre sol. Or on nous dit désormais qu'il faut fabriquer du verre sans prélever du sable ni de la silice ! Quelle serait votre stratégie pour conserver ces carrières emblématiques ?

M. Benoit Bazin. - Nous sommes très attachés à l'indépendance de Saint-Gobain. Pour la préserver, nous avons organisé des boucles logistiques locales. Ainsi, durant la crise de la covid-19, aucune de nos usines ni aucun de nos chantiers n'a été arrêté dans le monde, car moins de 1 % de nos sources d'approvisionnement était situé de Chine. L'économie circulaire est en outre importante et commence par le recyclage des matières premières.

Les carrières constituent un enjeu stratégique pour nous. On m'a ainsi proposé hier d'investir dans une carrière de l'Arkansas, en prévision de la pénurie de gypse attendue dans vingt ans. Nous avons une activité consacrée aux carrières, à l'échelle internationale comme à l'échelle nationale.

Mme Martine Berthet. - Considérant la prochaine arrivée à épuisement de certains sites d'extraction de matières premières et la baisse de leur acceptation sociale, comment développer l'utilisation des matériaux recyclables ? Toutes les filières sont-elles suffisamment performantes selon vous ?

M. Benoit Bazin. - Notre activité de recherche et développement s'appuie sur quatre piliers : la décarbonation des procédés, le développement des systèmes de construction légère, notamment la construction bois, l'invention de nouveaux matériaux et l'économie circulaire. Cela implique de substituer certaines matières à d'autres, qui sont carbonées. Nous utilisons ainsi du silicate de calcium, la wollastonite, pour la production de nos verres, en remplacement du carbonate de calcium.

Nous nous efforçons également d'utiliser des matériaux recyclés - la difficulté étant d'assurer la compétitivité de la boucle de recyclage et de contrôler la précision de nos formulations matière. Des mécanismes de tri très précis sont nécessaires. Les équipes de recherche Saint-Gobain sont très impliquées dans ce domaine, qui présente des défis scientifiques et techniques passionnants.

M. Rémi Cardon. - Si l'on travaillait à une loi pluriannuelle sur la rénovation thermique des bâtiments, assortie d'un plan Marshall de 50 milliards d'euros pour les cinq ou sept ans à venir, quelles seraient les trois priorités d'action à définir pour donner un cap aux acteurs du secteur ?

M. Benoit Bazin. - Les industriels ont besoin d'un cadre, mais ils ne peuvent s'y plier en six mois.

Tout d'abord, il importe de ne pas changer le mécanisme du diagnostic de performance énergétique (DPE), que nombre de pays, dont l'Allemagne et les États-Unis nous envient, et que les acteurs du secteur connaissent bien désormais. La stabilité de ce dispositif me paraît fondamentale.

Ensuite, il faut agir sur les bâtiments publics, dont les dépenses de chauffage s'élèvent à 10 milliards d'euros. Il faut donner de la visibilité aux entreprises sur ce point et prévoir des engagements financiers pour la rénovation thermique des bâtiments publics et privés. Le plan prévu pour les écoles, qui prévoit la mobilisation de 2 milliards d'euros sur cinq ans pour 30 000 écoles, est à cet égard bienvenu, même s'il paraît insuffisant. Un changement d'échelle est nécessaire, dès maintenant. La logique de planification écologique est d'ailleurs positive, car nous avons besoin d'une visibilité à dix ou trente ans.

Il faut en outre simplifier et territorialiser les dispositifs, pour qu'il existe partout des interlocuteurs publics identifiés sur la question de rénovation. J'avais plaidé en faveur du déploiement d'une plateforme unique rassemblant tous les acteurs impliqués, du diagnostiqueur à l'artisan référencé.

Enfin, il ne faut pas oublier le monde financier, car ce sont les banques qui financent l'immobilier. Nous devons parvenir, par la réglementation ou par l'initiative commerciale des banques, à faire accompagner la transition énergétique par les banques, par le biais de mécanismes de financement aussi fluides et performants que possible.

Mme Antoinette Guhl. - Le secteur d'activité que vous représentez est à l'origine de 75 % des déchets produits en France. Combien de vos produits sont-ils réellement recyclés, sachant que leur recyclage constitue aussi un gisement de futures matières premières ? Il est de votre responsabilité et il entre dans l'intérêt général de s'assurer de l'organisation, dans toute la France, d'une bonne collecte de ces déchets de chantiers. Imputer la responsabilité de cette organisation aux collectivités locales me semble un peu léger. Un travail sera mené sur ce point autour de la REP Bâtiment.

Enfin, le verre plat zéro carbone que vous produisez n'est pas réellement « zéro carbone ». La production carbone associée à sa fabrication a sans doute simplement été diminuée.

M. Benoit Bazin. - Nous nous efforçons de bannir le terme « déchets » de nos discours, car il doit s'agir de matières premières, d'une banque de matériaux à valoriser. Vous avez raison aussi de souligner que 50 % des volumes de matières solides produites dans le monde viennent du secteur du bâtiment. Nous avançons beaucoup sur ces sujets, la bonne nouvelle étant que ces matériaux sont intégralement recyclables.

Nous avons 300 plateformes partenaires de Valobat, au plus près des chantiers, et nous installons des big bags sur nos chantiers pour le recyclage. Nous ne pouvons toutefois demander à nos 38 000 collaborateurs français d'attendre les matériaux au pied de chaque chantier pour trier la laine de verre, le PVC, etc. Ce n'est pas notre métier. Nos artisans savent en revanche remplir les big bags, qui sont ensuite traités en partenariat avec Valobat.

Nous avons aussi beaucoup investi dans nos propres usines. Nos plaques de plâtre sont constituées ainsi à plus de 20 % de matières recyclées. En outre, nous avons investi dans un atelier de recyclage à Chambéry.

Le verre « zéro carbone » que vous évoquez est « zéro carbone » scope 1 et 2, par scope 3. C'est une première mondiale et une fierté pour Saint-Gobain. Il est constitué à 100 % de verre recyclé et produit à 100 % avec du biogaz. Nous ne pouvons malheureusement utiliser uniquement du verre recyclé partout en France, faute de matériaux recyclés disponibles en quantité suffisante. Signer des accords avec la mairie de Paris sur ce point s'est avéré néanmoins intéressant. Nous allons continuer à monter en puissance sur le sujet. En affichant une production « zéro carbone », nous voulions symboliquement marquer les esprits, et montrer qu'il était possible d'y parvenir.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Quelles sont les grandes innovations attendues en matière de réduction des déchets dans le secteur du bâtiment ? Le groupe Saint-Gobain défend-il à cet égard le même niveau d'exigence à l'international, notamment dans les pays à bas coût de main-d'oeuvre, qu'en France ?

M. Benoit Bazin. - L'économie circulaire est l'un des quatre piliers de Saint-Gobain. Nous dépensons 550 millions d'euros par an en recherche et développement afin de savoir comment récupérer des matériaux ou comment élaborer des matériaux décarbonés ; j'ai cité l'exemple du silicate de calcium. Nous conduisons également de nombreuses recherches pour diminuer le poids des matériaux. Une plaque de plâtre pèse 5,6 kilogrammes par mètre carré aux États-Unis et 9 kilogrammes en Espagne, pour des raisons réglementaires. Or les plaques légères présentent la même performance que les autres. Nous avons les mêmes exigences partout dans le monde, même si les réglementations ne sont pas similaires d'un pays à l'autre. Par exemple, aux États-Unis, nous exigeons de nos équipes qu'elles recyclent les plaques de plâtre, alors que cela ne coûte rien de les déposer dans une décharge, au milieu de l'Arkansas ! Idem en Inde, où nous sommes les premiers à organiser, très en amont, les filières de recyclage de calcin. Nous avons également pris des participations minoritaires dans des filières de recyclage de verre au Brésil pour aider au recyclage dans ces secteurs.

M. Pierre Médevielle. - J'ai été invité l'an dernier à un salon à Tel-Aviv sur l'adaptation des techniques nouvelles au changement climatique. Un ingénieur nous a présenté une maison à énergie neutre avec un système assez judicieux, fabriquée à partir de panneaux isolants creux, remplis soit d'eau soit d'huile, et équipée de panneaux photovoltaïques sur le toit. Avez-vous entendu parler de ces techniques ? Êtes-vous intéressé par ce processus ?

M. Benoit Bazin. - Non, je n'ai pas entendu parler de cette technique. Sans aller jusqu'à des innovations huile-eau, il existe déjà des maisons passives aux États-Unis, en Allemagne, en Suède ou en France, notamment à Beaucouzé, à côté d'Angers. Il suffit de placer la façade au nord, de poser des cellules photovoltaïques sur le toit, d'installer un puits canadien dans le jardin, d'isoler l'enveloppe, et l'on obtient une maison passive, qui produit plus d'électricité qu'elle n'en consomme. Le secteur du bâtiment a des solutions et c'est une chance. Elles sont accessibles et ne sont pas très onéreuses à mettre en oeuvre. Toute la difficulté est de réaliser des millions de chantiers, de former des centaines de milliers d'artisans, de trouver des financements, d'obtenir des permis de construire, etc. Le problème pour nous réside donc dans l'agrégation de la chaîne de valeur, plutôt conservatrice.

Mme Micheline Jacques. - Les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer ont démontré l'inadaptation des normes du BTP dans les territoires ultramarins. Bien que ces territoires représentent un marché réduit, ils sont de véritables laboratoires de recherche et d'innovation dans un contexte de réchauffement climatique.

Par ailleurs, le rapport d'information Reconstruire la politique du logement outre-mer a préconisé la promotion de l'architecture bioclimatique, fondée sur des savoir-faire traditionnels et sur l'utilisation des richesses naturelles des outre-mer, telles que la brique de terre cuite compressée à Mayotte, la brique de terre cuite en Martinique, le pin des Caraïbes, le bambou, la bagasse, etc. Je rappelle aussi que la filière bois en Guyane est en plein essor, avec 1,4 million d'hectares gérés par l'OONF. Quelle est la place des outre-mer dans votre stratégie de développement non carboné ?

M. Benoit Bazin. - Nous n'avons pas de stratégie spécifique par rapport à l'outre-mer. En revanche, nous développons de nombreuses activités dans des pays à environnement chaud et humide. Nous travaillons aussi beaucoup sur le bioclimatique. Je pense aux constructions en terre crue en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il s'agit d'une réponse tout à fait judicieuse. Il convient de profiter du savoir-faire local et des ressources locales plutôt que de copier les réponses valables dans d'autres pays. En matière d'économie circulaire, de méthodes de construction et de ressources naturelles, il faut faire avec du local et retrouver parfois des savoir-faire ancestraux un peu perdus ou négligés.

M. Yves Bleunven. - Comment voyez-vous l'évolution des matériaux dans les prochaines années ? La crise du logement s'est installée de façon grave en France. Parmi les multiples facteurs, le coût des matériaux joue un rôle non négligeable. Vous avez une vision mondiale de la norme en la matière : quels conseils donneriez-vous aux gouvernants ou aux législateurs sur la façon dont la France produit de la norme ? La France compte 4,7 millions de logements sociaux, dont plus de 70 % construits avant 1990. Beaucoup d'entre eux sont des passoires énergétiques. Avez-vous imaginé, avec l'ensemble des bailleurs, un plan Marshall en matière de rénovation et d'innovation ?

M. Benoit Bazin. - La hausse du coût des matériaux est liée à la hausse du prix de l'énergie. La facture énergétique a triplé chez Saint-Gobain. En temps normal, 30 % à 35 % du prix du verre est lié au prix de l'énergie. Aujourd'hui, nous en sommes à 85 % ! L'inflation de l'énergie et des matières premières chez Saint-Gobain a représenté en moins de dix-huit mois 5 milliards d'euros.

Saint-Gobain s'est beaucoup transformé : un tiers du périmètre de Saint-Gobain a changé en cinq ans, avec une centaine d'acquisitions et une centaine de cessions. Au cours des années précédentes, nous avons des résultats de l'ordre de 3 milliards d'euros. En ne faisant rien, avec 5 milliards d'euros d'inflation, Saint-Gobain était en perte en neuf mois et l'on mettait la clé sous le paillasson deux ans plus tard ! Oui, nous avons dû malheureusement augmenter le prix des matériaux, mais nous l'avons fait en accompagnant beaucoup les artisans. Nous avons été les seuls acteurs à les prévenir de l'augmentation avec deux mois de préavis ; nous avons conservé au moment de la passation de commande le prix fixé sur le devis ; nous avons accordé 1,5 milliard de crédit gratuit aux artisans. Réjouissons-nous de la bonne santé de Saint-Gobain : son bilan, qui est solide, finance le monde de la construction en France !

Le coût des matériaux représente à peu près 30 % d'un chantier. Une hausse de 10 % entraîne donc une augmentation de 3 %. C'est désagréable, mais l'inflation semble en voie de se tasser cette année. Ne faudrait-il pas être plus souple et créatif en matière de financement ? C'est une question qu'il convient de se poser. Je pense, notamment, à la déduction des taux d'intérêt pour la rénovation énergétique. N'oublions pas que le secteur de la construction rapporte 100 milliards d'euros net à l'État. Il existe donc des marges de manoeuvre.

En matière de réglementation thermique, nous pourrions nous inspirer des pays nordiques, où les maisons sont parfaitement isolées, avec du triple vitrage. Se pose alors la question de la ventilation, pour éviter l'humidité, et de la qualité de l'air. Dans les pays nordiques, les d'activités de ventilation de Saint-Gobain représentent 500 millions d'euros. Pour autant, en France, la réglementation environnementale 2020 (RE2020) est très exigeante. Elle met même en oeuvre des critères précurseurs par rapport à beaucoup de pays d'Europe. Ne nous autoflagellons donc pas : la France n'est pas en retard. Nous pouvons également nous féliciter du dispositif DPE. Ne modifions pas la RE2020, car il nous faudra dix ans pour en mesurer l'impact dans des centaines de milliers de chantiers...

Quant aux logements sociaux, les bailleurs sociaux sont capables de raisonner en termes de retour sur investissement. Ils bénéficient des financements de la Caisse des dépôts et consignations. Pour les grandes barres de HLM, nous leur procurons, après avoir pris des photos en trois dimensions de la façade, des carreaux d'isolation prédécoupés en usine afin de gagner du temps sur le chantier. Nul besoin, comme on l'entend dire parfois, d'envoyer les gens à l'hôtel, puisque nous isolons par l'extérieur ! Je suis moins inquiet pour les logements sociaux, dès lors que les financements sont prévus, que pour les maisons individuelles et les copropriétés. Changeons les règles de copropriété : on sait rénover les ascenseurs tous les cinq ans en réactualisant les normes, agissons de même pour la rénovation énergétique des copropriétés. C'est sur ces points qu'il faut fluidifier le système, avec des guichets uniques.

M. Lucien Stanzione. - Quel serait, selon vous, le moyen d'accompagner les élus locaux dans cette démarche d'économie d'énergie ? Votre entreprise peut-elle jouer un rôle moteur auprès des élus ? Si oui, quels outils faut-il mettre en place ?

M. Benoit Bazin. - Les élus locaux ont effectivement un rôle très important à jouer pour engager les acteurs de la FFB ou de la Capeb. Ils peuvent aussi, par exemple, cibler des quartiers avec des bâtiments construits à peu près tous à la même époque, afin d'engager des rénovations à prix réduit, en jouant sur les taxes foncières ou en massifiant la rénovation. On peut également mettre en place un guichet unique local pour canaliser tous les dispositifs. Une région ou une communauté de communes peuvent aussi aider à identifier et à former les diagnostiqueurs ou les accompagnateurs de rénovation. Les initiatives locales sont plus faciles à mettre en oeuvre que les actions nationales. Le ministre du logement pousse d'ailleurs pour territorialiser ces actions. Nous conduisons une initiative intéressante en Occitanie pour cibler des rénovations massives dans certains quartiers, en lien avec les collectivités locales.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie chaleureusement du temps que vous avez consacré à notre commission, monsieur Bazin. Vous avez pu constater, au travers des nombreuses questions, combien les membres de la commission des affaires économiques du Sénat sont motivés. Vous avez également pu mesurer leur expertise, souvent ancrée dans nos territoires. Comme l'a souligné Laurent Duplomb, nous sommes très fiers de la réussite de Saint-Gobain. Nous vous souhaitons bonne chance dans toutes vos entreprises !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2024 - Désignation de rapporteurs pour avis

Sont désignés rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024 :

- M. Laurent Duplomb, M. Franck Menonville et M. Jean-Claude Tissot sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ;

- M. Daniel Gremillet sur les crédits relatifs à l'énergie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ;

- Mme Sylviane Noël, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Franck Montaugé sur la mission « Économie » ;

- Mme Micheline Jacques sur la mission « Outre-mer » ;

- Mme Amel Gacquerre sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » ;

- Mme Anne Chain-Larché sur les crédits relatifs au logement de la mission « Cohésion des territoires » ;

- Mme Viviane Artigalas sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » ;

- et Mme Martine Berthet sur le compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État ».

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, nous entendrons en commission M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le mercredi 8 novembre à seize heures trente, Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, le mercredi 15 novembre à seize heures trente, M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture, le mardi 14 novembre à dix-sept heures trente et M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement, le mardi 7 novembre à dix-sept heures trente.

Par ailleurs, je souhaite que nous réalisions une photo de groupe de notre commission. Je vous donne donc rendez-vous mercredi 18 octobre prochain à huit heures quarante-cinq, au grand perron. Je compte sur votre présence !

La réunion est close à midi.