- Mardi 20 juin 2023
- Mercredi 21 juin 2023
- Contrôle budgétaire - Contrats de redressement en outre-mer (COROM) - Communication
- Contrôle budgétaire - Politique de conventionnement avec les associations intervenant dans le champ de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Communication
- Contrôle budgétaire - Programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat - Communication
- Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
Mardi 20 juin 2023
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi relatif à l'industrie verte - Examen des amendements aux articles délégués
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin les amendements de séance déposés sur les articles du projet de loi relatif à l'industrie verte dont l'examen nous a été délégué au fond par la commission des affaires économiques.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je souhaite commencer mon propos en exprimant un certain agacement. L'examen du texte a été délégué à trois commissions saisies pour avis avec délégation au fond de certains articles, mais je n'ai pas été en mesure de déposer des amendements de séance au nom de la commission des finances ; tous les amendements sont donc déposés en mon nom propre.
De même, alors que le texte est réparti entre quatre commissions, le rapporteur de la commission des affaires économiques prendra la parole pendant dix minutes au cours de la discussion générale, contre cinq minutes pour les rapporteurs pour avis, dont celui de la commission des finances, qui examine pourtant un quart du texte. Or les enjeux figurant dans les articles qui nous sont délégués ne seront pas réellement soulevés par ailleurs et, en dehors de nous, je pense que personne ne s'intéressera aux questions de financement. J'aurais compris une telle différence si nous avions été saisis pour avis sans délégation au fond, mais la commission des finances est la seule à s'être penchée sur certains articles.
M. Claude Raynal, président. - Qu'en pense M. Karoutchi, vice-président et grand connaisseur du règlement du Sénat ?
M. Roger Karoutchi. - En cas de délégation de certains articles au fond, les rapporteurs pour avis des commissions concernées peuvent déposer des amendements au nom de leur commission.
M. Claude Raynal, président. - Il faut néanmoins d'abord examiner et adopter les amendements avant de pouvoir les déposer au nom de la commission. C'est ce que nous allons faire aujourd'hui.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Depuis notre réunion de la semaine dernière, nous avons poursuivi nos réflexions pour corriger un certain nombre de points.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La réécriture de l'article L. 131-1-2 du code des assurances a eu pour conséquence de supprimer la mention relative à la part des actifs des sociétés de capital-risque ou des fonds communs de placement à risques liés à l'économie sociale et solidaire (ESS). Mon amendement n° 396 vise à reprendre cette phrase pour que la réécriture de l'article 15 se fasse à droit constant pour ce qui concerne l'obligation de référencement d'au moins une unité de compte labellisée finance solidaire.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 396.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le Gouvernement est contre l'ajout proposé par la commission exigeant que le décret listant les labels concourant à la transition écologique et à l'investissement socialement responsable soit soumis à un avis de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Je vous propose au contraire l'amendement n° 397, qui ajoute un avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En effet, même si les actifs susceptibles d'être labellisés relèvent bien de la compétence de l'AMF, les unités de compte qu'ils viennent alimenter relèvent du domaine assurantiel.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 397.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 398 vise à favoriser la protection des épargnants et, surtout, la prise en compte de ses préférences en matière de durabilité. Ainsi, dans le cadre de l'ouverture d'un plan d'épargne retraite (PER), le distributeur devra prendre en compte à la fois le profil de l'épargnant, son horizon d'investissement mais aussi ses préférences en matière de durabilité.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 398.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 399 précise les titres dans lesquels le plan d'épargne avenir climat (PEAC) pourra être investi, afin de favoriser le financement de l'économie « verte ». Il s'agit d'un point d'achoppement avec le Gouvernement, qui souhaite pouvoir conserver une importante latitude pour définir les actifs éligibles.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 399.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 400 vise à encadrer les frais de gestion du PEAC, en alignant leurs modalités sur celles du plan d'épargne en actions (PEA).
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 400.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 401 vise à tenir compte de l'expérience et de la connaissance financière du cocontractant, même dans le cadre d'une gestion sous mandat.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 401.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 402 traite du sujet de la liquidité. Chaque année, est publiée une valeur financière des titres des entreprises non cotées. La date de liquidation du produit ne correspond pas toujours à la date de publication de cette valeur, ce qui pousse le gestionnaire à travailler à partir d'une valeur estimative. Nous souhaitons que cette valeur estimative ne soit pas la seule prise en compte, surtout si le délai entre les dates de liquidation et de publication de la valeur est court. Si l'écart entre la valeur estimative et la valeur liquidative publiée a posteriori excède 5 %, un reversement équivalent à un pourcentage de la différence serait effectué en faveur de l'épargnant.
M. Claude Raynal, président. - L'idée est intéressante, mais l'application risque d'être compliquée.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La valeur estimative peut s'avérer défavorable pour l'épargnant ; cet amendement vise à le protéger. Notre commission est sensible à la question de la protection des épargnants ainsi qu'à la transparence des pratiques.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 402.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 403 vise à homogénéiser les frais de transfert des contrats d'assurance retraite vers les PER avec le régime de frais actuellement prévu pour les transferts entre PER issus de la loi « Pacte ».
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 403.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 404 apporte des précisions à l'article 17 bis adopté par notre commission à l'initiative de Mme Paoli-Gagin et intégrant les sociétés de capital-risque comme outil de financement de l'économie verte.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 404.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 405 corrige une erreur matérielle, puisque la rédaction du texte de la commission rendait les fonds européens d'investissement de long terme (FEILT ou ELTIF) émettant des titres de créances inéligibles au PEA et au PEA-PME.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 405.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mon amendement n° 406 rectifié précise le périmètre de l'ordonnance.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 406 rectifié.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 14, 30, 15 et 280 rectifié visent au rétablissement d'un impôt sur la fortune (ISF) « vert ».
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 14, 30, 15 et 280 rectifié.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 286 vise à instaurer un prélèvement exceptionnel sur le patrimoine en 2023 afin de financer la transition écologique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 286.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 90 rectifié ter et 89 rectifié ter concernent le taux de réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion. Ils ne concernent pas le financement de l'industrie verte ou de la transition écologique et sont donc irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
La commission proposera à la commission des affaires économiques de déclarer les amendements nos 90 rectifié ter et 89 rectifié ter irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 33, relatif également à la TGAP, est certes en lien direct avec un article introduit par la commission des affaires économiques concernant les établissements publics locaux fonciers, mais j'en demande le retrait, la création d'une taxe additionnelle à la TGAP soulevant plusieurs difficultés.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 33 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 16 rectifié, 283 rectifié et 31 sont relatifs au crédit d'impôt recherche (CIR).
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 16 rectifié, 283 rectifié et 31.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 132 rectifié bis est à mettre en parallèle avec l'amendement n° 368 proposé par M. Husson, puisque tous deux visent à faciliter l'export de l'industrie.
M. Claude Raynal, président. - N'est-ce pas irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Aujourd'hui, la situation évoquée par l'amendement 132 rectifié bis est absurde : les sociétés françaises qui exportent doivent payer des loyers si la contrepartie n'a pas réceptionné les biens. Or il n'existe aucun vecteur législatif pour changer cette situation, car le projet de loi de finances n'est pas approprié non plus.
M. Claude Raynal, président. - Cela peut être, mais c'est sans rapport avec la recevabilité d'un amendement au titre de l'article 45...
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je rappelle que l'un des enjeux de ce texte, et cela a été énoncé comme tel par le ministre Bruno Le Maire, est de sortir la France de la désindustrialisation et de renforcer la place de l'industrie. L'exportation y joue un rôle majeur et la consolidation de la base industrielle est une condition indispensable à son verdissement.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 132 rectifié bis.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 18 rectifié et 284 portent sur Bpifrance, dont de nombreux investissements sont déjà consacrés à la décarbonation et à la transition des entreprises et de l'industrie. De nouvelles contraintes risqueraient d'entraver son fonctionnement.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 18 rectifié et 284.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 32 introduit une contribution sur les contrats d'assurance vie dont l'encours est de plus de 50 000 euros.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 288, 270 rectifié, 34 rectifié, 17 rectifié et 290 rectifié portent sur la conditionnalité des aides, un sujet déjà largement évoqué lors des discussions autour du plan France Relance.
Je rappelle que les entreprises vont bientôt être contraintes dans leur activité par deux textes européens, la directive Corporate Sustainability Reporting (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance, qui posent des obligations de reporting strictes en matière environnementale et sociale.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 288, 270 rectifié, 34 rectifié, 17 rectifié et 290 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 130 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 282.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 276 concerne la part des investissements destinés à l'ESS et non pas l'industrie verte, alors que l'objet de l'article 15 est bien d'étendre l'obligation de référencement à l'ensemble des labels qui pourraient être reconnus par l'État en matière de financement de la transition écologique et énergétique ou d'investissement socialement responsable.
La commission proposera à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement n° 276 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 296 est identique à mon amendement n° 396.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 296.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 295 supprime l'avis de l'AMF sur le décret listant les labels concourant à la transition écologique et à l'investissement socialement responsable. C'est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 295.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les amendements nos 7, 24 rectifié et 277 visent à supprimer l'article 16. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 7, 24 rectifié et 277.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 350 devrait être rectifié pour devenir identique à l'amendement n° 326 du Gouvernement, sur lequel je propose d'émettre un avis de sagesse.
Le texte initial du Gouvernement proposait un abondement en cas de souscription au PEAC l'année de naissance de l'enfant, et ce, pour tous les épargnants. Or ce plan est avant tout destiné aux ménages aisés. Dans le contexte actuel défavorable pour les finances publiques, il ne me semble pas pertinent de verser des sommes supplémentaires à ces ménages, qui s'empareront naturellement de ce produit s'il est rentable.
Les deux amendements visent à moduler l'abondement en fonction du revenu fiscal des parents. C'est déjà préférable. Je propose d'émettre un avis de sagesse car je ne connais pas les tranches envisagées pour cette modulation, ni l'effet incitatif de l'abondement, ni son montant. Selon les informations dont nous disposons, l'abondement pourrait varier entre 50 et 500 euros, ce qui représenterait un coût global de 34 millions à 677 millions d'euros par an.
Mme Isabelle Briquet. - La commission n'avait-elle pas supprimé cet abondement ?
Mme Christine Lavarde. - Oui. L'amendement du Gouvernement propose de le réintroduire, tout en prenant en compte les revenus fiscaux des parents.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 350 rectifié et 326.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 115.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 8 et 25 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il s'agit d'orienter spécifiquement les versements effectués sur le plan d'épargne avenir climat vers la séquestration du carbone. C'est déjà inclus dans le périmètre de l'article, qui a une visée beaucoup plus large et cible l'ensemble des activités concourant à la transition écologique. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 178.
Mme Christine Lavarde. - Les amendements nos 225 et 392, qui sont proches sans être identiques, veulent là encore orienter les flux du plan d'épargne avenir climat. Le risque est de le détourner de son objet, à savoir financer la transition écologique et l'économie productive.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 225 et 392.
Mme Christine Lavarde. - Je demande le retrait des amendements identiques nos 9 et 26 au profit de mon amendement n° 399.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 9 et 26 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Christine Lavarde. - Les amendements nos 348 et 349 visent à supprimer la condition d'âge du PEAC, tant pour les versements que pour la clôture du plan. Au travers de ces amendements, Mme Paoli-Gagin souhaite que l'épargnant puisse conserver son PEAC au-delà de son vingt-cinquième anniversaire, jusqu'à ses trente ans ou plus. J'y suis défavorable car, à l'approche du déblocage des fonds, le PEAC est désensibilisé. Les actifs sont alors sans risque et ne présentent plus d'intérêt pour le financement de l'économie productive.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 348 et 349.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 207 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Christine Lavarde. - Les amendements nos 278 et 325 sont quasiment identiques, mais ont des motivations opposées. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste souhaite supprimer la défiscalisation des produits du PEAC, à laquelle ils sont opposés « philosophiquement », si j'ose dire. Le Gouvernement souhaite aussi supprimer la défiscalisation, car il ne souhaite pas que ce projet de loi présente à la fois l'outil et son coût pour les finances publiques. Avis défavorable sur les deux.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 278 et 325.
Mme Christine Lavarde. - Les amendements identiques nos 10 et 285 visent à modifier le livret de développement durable et solidaire (LDDS) pour réorienter ses encours vers le financement de la transition écologique.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 10 et 285.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 13 rectifié est intéressant, mais difficile à appliquer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13 rectifié.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n° 11 demande un rapport sur le financement des énergies fossiles. Je propose d'émettre un avis défavorable, mais la commission pourrait se saisir de ce sujet...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Article 17
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 297.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 292 porte sur la valeur liquidative, que j'ai déjà évoquée. Le groupe RDPI souhaite s'appuyer uniquement sur la valeur estimative, ce qui posera problème si la liquidation intervient longtemps après la publication de la dernière valeur de référence ou en cas d'écart important et défavorable à l'épargnant.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 292.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 44 va à l'encontre de la protection des épargnants, en obligeant à proposer le fléchage d'une part des encours de contrats d'assurance vie vers des actifs non cotés quel que soit le profil de risque de l'épargnant ; avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 238 vise à obliger à ce que la part minimale d'unités de compte constituée d'actifs non cotés ou de titres éligibles au PEA-PME soit principalement consacrée au non coté. Cela poserait des problèmes de gestion et nous avons déjà trouvé une position d'équilibre en commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 238.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 324 supprime l'obligation au terme de laquelle une part minimale d'actifs non cotés doit être présentée aux épargnants présentant le profil de risque adéquat, aux côtés des actifs éligibles au PEA-PME. Nous avons introduit cette disposition en commission, en renvoyant la fixation de cette part à un décret. Sans cette obligation, les gestionnaires choisiront la solution de facilité que représentent les sociétés cotées.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 324.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 45 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Au travers de son amendement n° 323, le Gouvernement veut supprimer l'article. Je ne comprends pas les arguments mobilisés, je serai curieuse d'entendre le ministre sur le sujet.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 323.
Mme Christine Lavarde. - Je demande le retrait de l'amendement n° 19, au profit de mon amendement n° 404, qui procède du même esprit mais qui est plus complet.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 19 et, à défaut, y sera défavorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 360.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 28 vise à supprimer l'article 18. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
Mme Christine Lavarde. - L'amendement n° 332 est incompatible avec mon amendement n° 405 ; j'émets donc un avis défavorable. Il en va de même pour les amendements nos 298 et 239.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 332, 298 et 239.
Article 19
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
Mme Christine Lavarde. - Je souhaite entendre le Gouvernement à propos de son amendement n° 322. Pourquoi demande-t-il neuf mois pour rédiger cette ordonnance, alors même qu'il prétend être dans l'urgence ?
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 322.
Après l'article 19
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 368.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 12 rectifié et 29 rectifié.
La réunion est close à 9 h 30.
Les avis sur les amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
TABLEAU DES AVIS
Article additionnel après Article 16 |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. BREUILLER |
10 |
Défavorable |
M. GAY |
285 |
Défavorable |
M. BREUILLER |
13 rect. |
Défavorable |
M. BREUILLER |
11 |
Défavorable |
Article 17 bis |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Le Gouvernement |
323 |
Défavorable |
Mme LAVARDE |
404 |
Favorable |
M. BREUILLER |
19 |
Demande de retrait |
Mme PAOLI-GAGIN |
360 |
Favorable |
Article 18 |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme BRIQUET |
28 |
Défavorable |
Le Gouvernement |
332 |
Défavorable |
M. BUIS |
298 |
Défavorable |
Mme LOISIER |
239 |
Défavorable |
Mme LAVARDE |
405 |
Favorable |
Mercredi 21 juin 2023
- Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Contrôle budgétaire - Contrats de redressement en outre-mer (COROM) - Communication
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Mes chers collègues, je salue la présence parmi nous de deux sénateurs de Côte d'Ivoire, qui nous font le plaisir et l'honneur d'assister à notre réunion.
Nous entendons ce matin nos collègues Georges Patient et Teva Rohfritsch, rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer », qui nous présentent les conclusions de leur contrôle budgétaire sur les contrats de redressement en outre-mer, dits Corom.
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Les difficultés structurelles affectant les finances des communes ultramarines sont identifiées de longue date et de nombreux travaux ont été réalisés à ce jour. Dès 2014, j'avais rédigé un rapport sur les pistes de réforme des finances des collectivités locales des départements et régions d'outre-mer. Puis, en 2019, avec le député Jean-René Cazeneuve, actuel rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, nous avions élaboré un nouveau rapport sur les moyens de soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer par la mise en place d'un accompagnement en responsabilité.
Les Corom sont le fruit de ces travaux : introduits par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, pour un montant de 30 millions d'euros, ils ont pour objet d'aider les communes des départements et régions d'outre-mer présentant des difficultés financières particulièrement importantes.
Ces contrats d'un type nouveau visent ainsi à apporter un soutien de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et à réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Ils sont fondés sur un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable, qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'Agence française de développement (AFD), et sur un accompagnement de certaines réformes structurelles indispensables. Le versement d'une subvention exceptionnelle de l'État est d'ailleurs conditionné aux progrès réalisés par les communes contractantes en termes de redressement. L'intérêt et l'originalité du dispositif reposent, donc, plus encore que sur la subvention exceptionnelle, sur la mise en place d'une assistance technique. En effet, le renforcement des capacités d'expertise de la collectivité via cette assistance permet d'engager des réformes organisationnelles, de mettre en place des outils de suivi et de gestion, évitant ainsi certains dysfonctionnements observés dans le cadre de précédents mécanismes de soutien.
Le dispositif actuel ne peut bénéficier qu'aux communes en graves difficultés financières au regard de deux critères : la mise en place de procédures de contrôle budgétaire et de règlement d'office du budget par les préfets et les chambres régionales des comptes ; un retour à l'équilibre ne pouvant être raisonnablement envisagé que sur plusieurs exercices.
Entre mai 2021 et novembre 2022, neuf communes sur 129 ont signé un Corom. La situation financière de six d'entre elles s'est améliorée. S'il est encore délicat de cerner la part d'amélioration imputable aux Corom, ceux-ci ont eu trois effets immédiats : les communes contractantes ont témoigné d'une dynamique volontariste pour assainir leurs finances ; le versement de subventions a permis de désintéresser rapidement un nombre important de créanciers ; l'assistance technique a produit sans conteste de premiers effets positifs. Les élus interrogés expriment ainsi leur grande satisfaction, ce constat favorable étant partagé par les préfets et les directions régionales des finances publiques, qui soulignent, de surcroît, l'instauration d'une relation de confiance entre les communes contractantes et les services de l'État.
Le dispositif devrait néanmoins pouvoir être amélioré et, au regard des besoins, étendu.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Effectivement, le montant de 30 millions d'euros ouvert en loi de finances pour 2021 paraît largement insuffisant. À titre d'exemple, les communes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France présentaient en 2020, avant la signature du Corom, une dette cumulée supérieure à 47 millions d'euros, pour l'une, et 38 millions d'euros, pour l'autre. Dans ce contexte, les subventions prévues et la durée de trois ans ne permettaient pas un redressement à l'échéance du Corom. La durée des contrats doit donc être adaptée aux situations réelles des communes.
Par ailleurs, la qualité et la fiabilité des diagnostics préalables doivent être améliorées afin de tracer une trajectoire réaliste. La commune d'Iracoubo en est une bonne illustration : elle a connu des difficultés à redresser sa situation financière au cours des deux dernières années, du fait de l'intégration en comptabilité de dépenses anciennes et non comptabilisées jusqu'alors, et la diminution constante de sa démographie ne lui offre pas de marges en termes de ressources fiscales ou domaniales, autant d'éléments non pris en compte lors de l'établissement de la trajectoire.
Enfin, certaines communes n'ont pas encore d'assistant technique à temps plein sur place, en raison de difficultés de recrutement, alors même que cette assistance est le point fort des contrats.
Au-delà des moyens supplémentaires qui seraient nécessaires, l'autre enjeu majeur est l'extension du dispositif à de nouvelles communes, à d'autres types de collectivités comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou les syndicats, mais également aux communes des collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution.
En effet, sur les 129 communes des départements et régions d'outre-mer, 30 figurent actuellement dans le réseau d'alerte de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en raison d'une situation financière dégradée. L'amendement adopté en loi de finances pour 2023 permettra de contractualiser avec quelques nouvelles communes, mais ne va pas encore assez loin.
Par ailleurs, malgré une situation financière plutôt favorable des EPCI à ce jour, le risque de détérioration est réel quand les compétences leur auront été transférées dans leur intégralité.
La question se pose aussi pour les syndicats, dont certains connaissent de graves difficultés, ce qui a d'ailleurs poussé la direction générale des outre-mer (DGOM) à signer un Corom avec le syndicat des eaux en Guadeloupe.
Enfin, l'extension du dispositif aux communes des collectivités d'outre-mer doit être envisagée sans position de principe érigée d'autorité, la situation financière de quelques communes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie s'avérant très tendue dans un contexte de hausse des investissements et d'absence d'outils de suivi stratégique et d'ingénierie. Les demandes se multiplient, comme le montre l'exemple de la commune de Mâhina en Polynésie française, dont le maire a mis sept ans à opérer un redressement des finances. Cet exemple met deux points en exergue : l'isolement de la commune dans les efforts déployés pour trouver des accompagnements et des solutions, ainsi que le temps très long de redressement en l'absence de soutien financier de l'État et d'ingénierie. Une extension des Corom aux communes des collectivités d'outre-mer, accompagnée d'une adaptation des critères d'éligibilité et des modalités de soutien, paraît donc nécessaire.
M. Jérôme Bascher. - Différentes raisons peuvent expliquer qu'une commune ait des difficultés financières : une perte exceptionnelle de recettes, par exemple du fait de la fermeture d'une usine, ou alors des dépenses inconsidérées. Il nous est expliqué qu'une trentaine de communes seraient considérées par la DGFiP comme étant en grandes difficultés. En connaît-on les raisons ? A-t-on pu examiner, notamment, les ratios d'emplois dans ces collectivités par rapport à d'autres collectivités d'outre-mer ? Par ailleurs, comment les communes aidées dans le cadre des Corom procèdent-elles pour redresser leurs finances ?
M. Éric Bocquet. - Ma question rejoint la précédente : le classement dans le réseau d'alerte de la DGFiP de pratiquement un quart des communes est-il un phénomène nouveau ou ancien ? Y a-t-il des liens avec la crise sanitaire ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Comme je l'ai souligné, les causes sont anciennes et c'est un sujet sur lequel nous travaillons depuis très longtemps.
Je vous renvoie à la première partie du rapport pour plus d'éléments. Mais, s'il y a peut-être, comme on l'entend trop souvent dire, des gestions insuffisamment maitrisées, le problème structurel est surtout lié à un déficit de recettes par rapport aux communes métropolitaines. Voilà seulement deux ans, par exemple, que le Président de la République a reconnu l'existence, au niveau de la péréquation, d'un différentiel en défaveur des communes d'outre-mer de 85 millions d'euros.
Les situations financières problématiques sont donc, pour moi, essentiellement dues à une insuffisance de recettes et c'est pour ne pas laisser ces collectivités dans la difficulté que Jean-René Cazeneuve et moi-même avons lancé cette proposition de Corom.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Par ailleurs, nous insistons beaucoup sur la nécessité d'assistance technique. Y compris lorsque des diagnostics ont pu être établis par l'État localement, il y a un besoin quasiment systématique de renforcement des équipes dédiées à la gestion. Les communes ayant déjà des dépenses de personnel supérieures à la moyenne métropolitaine n'ont pas les moyens de recruter ; s'ajoutent à cela des problèmes d'accès aux viviers de techniciens. Il est essentiel d'insister sur cette recommandation et sur la façon dont nous pourrions accompagner l'AFD pour réaliser le portage attendu.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - S'agissant de l'écart avec les communes métropolitaines, on pourrait ajouter les dépenses de personnel. On parle - trop souvent aussi - de personnels pléthoriques ou de clientélisme. Mais, en fait, les communes d'outre-mer paient leurs agents avec un delta de 40 %, pour s'aligner sur la rémunération que l'État offre à ses fonctionnaires lorsqu'ils sont en poste en outre-mer. Dès lors, même avec des taux d'administration identiques à ceux des communes de métropole, les charges de personnel sont, de fait, plus élevées.
M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs spéciaux d'appeler notre attention sur la situation de ces collectivités d'outre-mer. Comme Georges Patient vient de l'indiquer, des dépenses supplémentaires sont constatées du fait de l'insularité et de la rémunération des fonctionnaires. Cela n'est-il pas pris en compte dans les dotations allouées par l'État ?
M. Charles Guené. - Dans le même ordre d'idée, j'entends que l'on raisonne à partir d'un manque de recettes, mais un tel manque est, dans l'absolu, difficile à établir et à comparer. N'est-il pas temps de raisonner à partir de la notion de charges, avec un inventaire plus fin de ces charges ? D'ailleurs, il ne faudrait pas le faire uniquement en outre-mer.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - La question des charges est aussi intégrée à la réflexion, la plus importante d'entre elles étant les dépenses de personnel. Le ratio moyen atteint jusqu'à 60 %, voire 80 % de charges de personnel dans certaines collectivités d'outre-mer, alors qu'il s'établit, en moyenne, à 50 % dans l'Hexagone. Mais le travail de rationalisation dans ce domaine est déjà engagé - le rôle de l'assistant technique prévu dans le Corom est bien de parvenir à une plus grande maîtrise des dépenses de personnel.
S'agissant des recettes, la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans les départements et régions d'outre-mer est versée selon les mêmes modalités de calcul qu'en métropole. Il n'y a, sur ce point, pas de régime particulier. La différence réside dans la péréquation, où les communes d'outre-mer n'étaient pas servies comme elles auraient dû l'être, et c'est seulement depuis que le Président de la République a reconnu l'existence d'un différentiel que la régularisation se fait. On peut donc considérer que les communes d'outre-mer ont été très longtemps discriminées dans ce domaine.
La commission adopte les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorise la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est close à 11 h 15.
Contrôle budgétaire - Politique de conventionnement avec les associations intervenant dans le champ de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Communication
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec la présentation, par Éric Bocquet, des conclusions du contrôle budgétaire qu'il a mené avec Arnaud Bazin sur la politique de conventionnement avec les associations intervenant dans le champ de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je vais m'exprimer à la première personne du pluriel, non pas par effet d'emphase, mais simplement parce que mon collègue Arnaud Bazin ne peut pas être présent ce matin et que je présente ce rapport en notre nom à tous les deux.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » finance des subventions en faveur d'associations intervenant dans des domaines aussi variés que l'aide alimentaire, la lutte contre les violences faites aux femmes ou la défense des droits des personnes handicapées. Lorsque l'État - c'est-à-dire, à la fois, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), mais également les administrations déconcentrées - subventionne une de ces associations, il signe le plus souvent avec elle une convention, fixant le montant de la somme versée, les contours du projet financé et les modalités de contrôle de l'administration.
Au cours de nos précédents travaux, Arnaud Bazin et moi-même avons entendu des associations signaler l'existence de difficultés, dont certaines étaient directement ou indirectement liées aux modalités de conventionnement avec l'État. Nous sommes dès lors convenus de profiter du présent contrôle budgétaire pour donner la parole aux associations, recueillir leurs témoignages et tenter de leur apporter des solutions.
Nous constatons tout d'abord une tendance haussière du soutien de l'État aux associations par le biais de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » au cours du dernier quinquennat. Les subventions sont passées de 61 millions d'euros en 2017 à 201 millions d'euros en 2022. S'il s'agit de sommes modestes - moins de 1 % des crédits d'une mission dotée d'environ 30 milliards d'euros - nous sommes du moins satisfaits qu'elles progressent.
La majorité de ces crédits concerne les associations relevant du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes ». Il s'agit principalement d'un soutien aux associations d'aide alimentaire, lequel croît au rythme des crises sanitaires et sociales. Le pic a été atteint en 2020 avec un montant de 179 millions d'euros de subventions versées, un nouveau pic ayant été enregistré en 2022.
Une part croissante de ces crédits va également aux associations financées au titre du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Cette hausse progressive est liée à la montrée en puissance, trop lente à notre goût, de la politique en faveur des droits des femmes.
En outre, une part importante de ces crédits - 80,7 % en 2022 - est allouée à l'échelon déconcentré.
Les chiffres suggèrent un engagement renouvelé de l'État en faveur des associations. Mais le recours aux associations n'est-il pas le symptôme d'une forme de désengagement de l'État, qui fait faire à la société civile ce qu'il ne peut plus - ou ne veut plus - faire lui-même ? Cette question a suivi en filigrane tous nos travaux.
S'agissant des modalités concrètes de conventionnement, il convient de distinguer deux types de conventions : les conventions annuelles permettant le financement de projets ponctuels et les conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) ayant vocation à financer des projets structurants ou l'activité des grandes associations « têtes de réseaux ». Le recours à ces CPO s'est accru avec la circulaire « Valls » du 29 septembre 2015 car elles assurent aux associations une certaine visibilité sur leurs financements, le soutien de l'État étant inscrit dans la durée.
La procédure d'instruction des demandes de subvention demeure marquée par une très grande complexité, avec des retards parfois importants dans le versement des fonds. Certaines associations ont mentionné des subventions versées au mieux en juillet, au pire en décembre de l'exercice de référence, ce qui fragilise évidemment les structures. Pour y remédier, la DGCS a élaboré un nouveau calendrier de programmation, applicable à partir de cette année, avec l'objectif de parvenir à un paiement des subventions entre avril et juin. Si cet effort traduit une prise de conscience de l'administration, il faudrait a minima que ce calendrier soit respecté. On pourrait également prévoir un calendrier encore plus ambitieux.
Le recours aux CPO limiterait ces inconvénients dans la mesure où, une fois la convention signée, les versements sont prévus pour les années suivantes et réalisés aux dates définies : un acompte en mars et le solde en août. On pourrait envisager par ailleurs que ces conventions soient signées pour une durée de quatre ans, au lieu de trois, ce qui conforterait la visibilité des associations.
Cela est nécessaire, car leur situation est trop souvent précaire. En particulier, elles sont soumises à un effet ciseau lié à l'inflation, à l'image des Restos du coeur, qui ont vu le nombre des personnes accueillies s'accroître de 22 % tandis que le coût des achats de denrées augmente, passant de 56 millions d'euros à 110 millions d'euros entre 2022 et 2023. Leurs emplois sont en outre peu attractifs, du fait des faibles rémunérations.
Il convient donc de faire du conventionnement un instrument permettant de conforter le modèle économique des associations. Lorsqu'elles portent, comme ici, de véritables politiques publiques, on ne peut pas admettre de les laisser dans la précarité. L'État doit compenser régulièrement l'impact de l'inflation et accepter de financer une partie de leurs dépenses de personnel - il ne l'a jusqu'ici que ponctuellement fait.
L'enjeu de ce contrôle aura été, en dernière analyse, de trouver les voies d'un rééquilibrage des relations, les associations se trouvant dans une dépendance parfois aiguë envers l'État, ce qui permet à ce dernier de contrôler l'action associative, phénomène que des universitaires ont qualifié de « gouvernement à distance ».
Je prendrai l'exemple des appels à projets (AAP), pratique consistant à réserver une partie limitée des crédits pour verser des subventions à des projets innovants ou ponctuels fournis par les associations selon un cadre déterminé par l'administration. Même si, en principe, l'initiative du projet revient toujours à l'association, le développement de ces appels à projets brouille les lignes : les associations ont tout intérêt à se conformer aux attentes de l'État, car elles bénéficieront ainsi d'un renforcement de leurs moyens. Nous recommandons donc de recourir à ces dispositifs avec parcimonie, toujours en complément et jamais en substitution des financements socles.
Le contrôle de l'administration sur les associations se traduit également par une évaluation des actions menées dans le cadre d'un dialogue de gestion. De qualité discutable pour les projets ponctuels, ce dialogue est globalement regardé comme satisfaisant par les parties prenantes s'agissant des conventions pluriannuelles.
Quelques points d'amélioration ont néanmoins été identifiés : l'administration doit recourir plus régulièrement à la notion d'« excédent raisonnable » ; les indicateurs retenus pour évaluer les actions, pas toujours pertinents, sont parfois même porteurs d'effets pervers ; enfin, le rééquilibrage des rapports entre l'État et les associations pourrait passer par une moindre dépendance des secondes aux financements du premier, par exemple en faisant appel aux collectivités locales. Nous recommandons donc de faciliter le développement de cofinancements locaux.
En conclusion, c'est dans les modalités concrètes du conventionnement que réside la réponse cherchée. À la question de savoir si le recours aux associations traduit un désengagement ou un réengagement de l'État, nous répondons qu'un État qui s'engage est un État permettant aux associations, via les conventions, de faire correctement leur travail.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie les rapporteurs spéciaux. Le sujet que nous examinons est sérieux et d'une actualité brûlante, puisqu'un autre fonds fait parler de lui en ce moment, et ce également sous l'angle de la rigueur de gestion. Le schéma consistant à conserver un socle et, pour certaines actions ponctuelles ou nouvelles, passer par des appels à projets peut s'entendre. Mais, à nouveau, il faut une gestion rigoureuse de nos finances publiques et une façon de faire permettant aux associations de piloter correctement leur budget. Je partage donc les préoccupations exprimées dans ce rapport et l'esprit des recommandations des rapporteurs.
M. Philippe Dominati. - Le périmètre des associations concernées évolue-t-il assez fortement d'année budgétaire en année budgétaire ? Pourrait-on avoir une vision sur plusieurs exercices ?
M. Rémi Féraud. - Le recours aux associations présente des intérêts manifestes - nous le savons tous en tant qu'élus locaux -, mais aussi de nombreux dangers. Il y a cette forme de « sous-traitance » précédemment évoquée, mais il est aussi très facile, en période d'économies budgétaires, de commencer par réduire les crédits aux associations. Est-ce un risque élevé aujourd'hui ?
Sécuriser et stabiliser les associations est tout de même complexe à faire. Les conventions n'empêchent pas les annualités budgétaires et la durée de trois ans est extrêmement courte. Votre proposition consistant à accroître cette durée est positive, mais, parallèlement, les appels à projets montent en puissance. Pouvez-vous nous indiquer l'évolution de leur part budgétaire dans les subventions ?
Mme Isabelle Briquet. - Il est noté dans le rapport que le renforcement de la place des associations dans l'action publique peut apparaître comme le signe d'un désengagement concomitant de l'État. N'avez-vous pas vu, dans ces évolutions, le signe d'un plus grand engagement citoyen ?
Mme Christine Lavarde. - Effectivement, la durée des conventions est un sujet. Les rapporteurs spéciaux connaissent-ils la périodicité selon laquelle ces associations sont contrôlées par la Cour des comptes ?
M. Michel Canévet. - Nous le savons, le travail mené par les associations dans le domaine social est absolument essentiel pour répondre aux besoins. Ces conventions pluriannuelles d'objectifs sont-elles une garantie véritable pour les partenaires associatifs de bénéficier d'un soutien effectif de l'État sur la durée ? Ou ne sont-ils, en définitive, jamais assurés d'un financement dans l'avenir du fait de l'annualité budgétaire ? Dans le Finistère, certaines associations liées par ces conventions rencontrent de grandes difficultés, car l'évolution des charges, notamment des salaires, est totalement déconnectée des financements obtenus .
Par ailleurs, avez-vous des éléments d'information sur le versement des subventions ? Le nouveau dispositif apporte-t-il des améliorations ?
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Philippe Dominati, c'est le contexte social et économique actuel qui bouscule les associations, avec une hausse de la pauvreté, d'un côté, et, de l'autre, l'enclenchement du mouvement MeToo et du mouvement de lutte contre les violences faites aux femmes. Si le nombre des associations subventionnées suit une tendance haussière - elles sont 7 159 en 2022 - le périmètre n'évolue que peu.
Rémi Féraud, les associations sont effectivement inquiètes, notamment du fait de la fin du « quoi qu'il en coûte » et des mesures annoncées par le Gouvernement en vue de la prochaine loi de finances. On sait que les subventions peuvent être remises en question d'une année sur l'autre, au nom du nécessaire rétablissement des comptes publics, alors que l'utilité de ces associations est incontestable et incontestée. Cela explique la demande insistante de ces dernières d'avoir une visibilité à trois ou quatre ans, notamment lorsqu'elles emploient des salariés. Néanmoins la tendance actuelle, je l'ai dit, est plutôt à une augmentation du soutien de l'État aux associations.
Les évolutions marquent-elles un renouveau de l'engagement citoyen, comme l'a demandé Isabelle Briquet ? Je suis frappé depuis plusieurs années par la force de la mobilisation et de la motivation des personnes travaillant dans ces associations. Il faut absolument les soutenir.
Certains ont parlé d'une « bénévolisation » de l'action publique. Des études statistiques ont ainsi souligné la croissance soutenue du bénévolat dans le monde associatif. En 2017, les associations, tous secteurs d'activité confondus, ont bénéficié du travail de 31,272 millions de bénévoles, représentant un volume de travail de l'ordre de 1,425 million d'emplois en équivalent temps plein. On ne pourrait pas se passer de cet engagement !
Par ailleurs, Christine Lavarde, la Cour des comptes ne procède à aucun contrôle systématique, mais les administrations centrales opèrent bien un contrôle annuel.
Michel Canévet, je suis convaincu que la visibilité est essentielle pour les associations, notamment celles qui ont des salariés. Cela explique leur demande de voir la durée des conventions passer de trois à quatre ans. En principe, un avenant permet de réévaluer les montants chaque année, mais on y a difficilement recours actuellement, du fait du contexte inflationniste, et nous recommandons une réévaluation plus fréquente.
S'agissant de l'efficacité du nouveau calendrier d'attribution des subventions, nous sommes encore en attente d'éléments de la DGCS.
La commission adopte les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorise la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - Programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat - Communication
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Nous entendons maintenant Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens », qui nous présente les conclusions de son contrôle budgétaire sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Je reviens ce matin sur un sujet que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder devant la commission des finances en 2018, mon rapport ayant suscité quelques vagues à l'époque. Nous avions tiré ensemble la conclusion d'une modernisation de la navigation aérienne très mal engagée, à la fois sur le plan financier et en termes de délais. Nous avions dénoncé les retards technologiques du contrôle aérien français, qui en faisaient « l'homme malade de l'Europe ». Nous étions alors le principal générateur de minutes de retard du continent, avec 20 années de retard technologique par rapport à nos voisins.
Alors que, de nombreuses années auparavant, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et la direction générale de l'aviation civile (DGAC) avaient annoncé avoir engagé des programmes de modernisation, un défaut de gouvernance et un pilotage inadéquat avaient entraîné retards et surcoûts.
Cinq ans après le constat accablant de 2018, il ne m'a pas semblé inutile de revenir sur ce sujet et de dresser un état des lieux.
Le programme phare 4-Flight - système de visualisation et outil d'assistance automatisée servant de base au travail des contrôleurs - a été lancé en 2011 et devait être mis en place dans les cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA) en 2015. Aujourd'hui, seuls deux centres en bénéficient. J'ai eu l'occasion de me rendre au centre de Reims, le premier à expérimenter sa mise en place, avec succès et grâce au courage des contrôleurs - une telle révolution culturelle est effectivement une véritable source de stress pour eux, compte tenu de leurs responsabilités. Le succès est également au rendez-vous sur le centre d'Aix-en-Provence. Il faut saluer ces réussites relatives.
Le nouveau calendrier de la DSNA prévoit un déploiement complet en 2026, soit un retard de onze ans par rapport au programme initial et des coûts multipliés par deux, avec un budget proche de 900 millions d'euros.
Malgré tout, il y a une bonne nouvelle : la DSNA a choisi de reprendre notre recommandation selon laquelle il fallait arrêter de faire du contrôle aérien « à façon ». Il n'y avait effectivement aucune harmonisation entre les centres, avec, chaque fois, un maintien en condition opérationnelle artisanal et coûteux. La DSNA a donc repris l'idée de mettre tous les centres à niveau, avec le même système, en essayant, au passage, de réduire les coûts. Cela n'y paraît pas, mais c'est une petite révolution !
Le succès relatif du programme 4-Flight, malgré le coût et les retards, cache d'autres difficultés. Il existe en effet un autre système, dit Co-Flight, permettant le traitement automatisé des plans de vols, et ce programme a été développé « à côté » du premier, dans le cadre d'une coopération franco-italienne. Le retrait actuel des Italiens va, d'une certaine manière, simplifier la situation et la DSNA, qui à l'avenir assurera seule le financement du projet, reconnaît, selon sa propre formule, l'« adhérence quasi-totale » des deux systèmes Co-Flight et 4-Flight.
On va donc mettre fin à un pilotage indépendant, ce qui nécessitera de revoir l'architecture contractuelle et l'articulation entre les deux programmes, qui, en réalité, auraient dû n'en faire qu'un.
La deuxième grande difficulté concerne le programme Sysat, qui vise à moderniser les centres d'approche et les tours de contrôle. Organisé en deux volets territoriaux - Sysat groupe 1 pour la région parisienne et Sysat groupe 2 pour le reste de la France -, il devait aboutir en 2018 pour sa première partie et en 2020 pour la seconde. Or aucun de ces deux volets ne s'est concrétisé jusqu'à présent.
La volonté initiale était de procéder à l'achat « sur étagère » d'un système standard fonctionnant déjà dans d'autres pays. L'intention était louable. Cependant, le cahier des charges fixé par la DSNA, long de 10 000 pages, définissait un programme très spécifique qu'aucun produit industriel standard ne pouvait satisfaire. L'industriel s'est donc retrouvé dans une impasse avec une maîtrise d'ouvrage désordonnée, des injonctions contradictoires en matière de spécification, des reports d'échéance et des surcoûts à répétition.
En 2021, la DSNA a pris la décision courageuse de restructurer le programme et d'en revenir à une simple modernisation du système existant pour les tours de Roissy et à l'achat d'un produit « sur étagère » pour moderniser la tour d'Orly d'ici à l'été prochain. Au moins 37 millions d'euros sont partis en fumée. Quant à Sysat groupe 2, il a été abandonné.
Ces décisions peuvent susciter les critiques, mais elles sont opérationnelles. Mieux valait repartir sur de nouvelles bases plutôt que s'obstiner dans un mauvais choix pendant dix ans.
Pour Sysat groupe 2, il n'apparaît pas réaliste de vouloir moderniser les approches et les tours sans restructurer le réseau en profondeur. Le constat est difficile à faire et il faudra une concertation approfondie. On doit néanmoins admettre que les approches et les tours sont très nombreuses de sorte que l'on ne pourra pas moderniser le système tel qu'il est avant plusieurs dizaines d'années. Mieux vaut donc réfléchir à une restructuration du réseau préalablement à la modernisation des approches et des tours.
Je salue les révisions mises en oeuvre par la DSNA qui s'est montrée consciente de ses lacunes et qui a su engager une réforme stratégique, voire culturelle, en remettant en cause des habitudes qui lui ont valu tant de déconvenues. Des décisions parfois coûteuses ont été prises récemment sur les grands programmes, qui témoignent d'un virage que nous appelions déjà de nos voeux il y a cinq ans.
La DSNA privilégie désormais l'harmonisation des systèmes, ce qui est de bonne logique et permet de rompre avec de mauvaises habitudes. Elle recherche quand elle le peut les achats « sur étagère ». Elle lutte contre sa fâcheuse tendance à la surspécification. Elle a introduit le principe du pilotage des projets par la date de mise en service, ce qui oblige les acteurs à avancer de manière efficace. Enfin, elle prévoit la participation des opérationnels, à savoir les contrôleurs, le plus en amont possible des projets.
Ainsi, la DSNA a su basculer d'un mode de fonctionnement artisanal vers un autre, plus industriel et plus conforme à ce que l'État doit mettre en oeuvre.
Pour consolider cette évolution, la DSNA doit franchir une étape supplémentaire en lançant une réforme de sa gouvernance et en s'ouvrant davantage sur l'extérieur. Je propose notamment la création d'un comité d'engagement, sur le modèle de ce qui se pratique déjà au sein du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur : on pourra ainsi prévoir une revue régulière des programmes pour vérifier la mise en application et la pertinence des choix sans que cela se fasse en vase clos. J'introduis également une recommandation visant à prévoir l'intervention d'un régulateur indépendant sur la performance de cette direction.
La DSNA et la DGAC se trouvent dans une situation critique. Elles doivent solder les erreurs du passé, y compris financièrement. Elles doivent faire aboutir les programmes, ce qui est déjà presque le cas pour 4-Flight et dans une moindre mesure pour Co-Flight. En revanche, le programme Sysat reste compliqué à mettre en oeuvre et la nouvelle étape de la modernisation ne se fera pas sans difficulté. Entre-temps, il faut maintenir en condition opérationnelle les anciens systèmes. Enfin, l'avenir se dessine déjà sous la forme d'un nouveau grand programme pour lequel il faudra engager des budgets.
Cette nouvelle étape de modernisation doit s'inscrire dans des feuilles de route industrielles qu'il nous faudra partager avec les autres prestataires de service de navigation aérienne (PSNA) européens pour mutualiser les coûts des systèmes.
À cela s'ajoute le fait que ces grands programmes masquent la nécessité de maintenir une infrastructure solide, qu'il s'agisse de la radio, des radars ou des tours de contrôle. En effet, les infrastructures de base que nous utilisons ont beaucoup vieilli et les grands programmes ont masqué leur obsolescence.
Certes, il n'y a pas péril en la demeure, car, conformément au principe de redondance, des installations de secours existent. Toutefois, on estime que la dette de modernisation des infrastructures techniques se chiffre à 700 millions d'euros. La DSNA est en négociation avec la direction du budget pour étudier la possibilité de réinvestir dans ces installations techniques critiques. Nous n'avions pas conscience de ce sujet, il y a cinq ans. La DSNA devra faire des progrès en matière de productivité et offrir des garanties de sérieux budgétaire.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Comment expliquer rationnellement que l'on ait tant tardé à faire aboutir ce plan de modernisation ? La conséquence est que le coût est désormais exorbitant et que le montant de la dette technologique l'est aussi. Certes, il n'y a pas péril en la demeure, mais faut-il voir dans cette lenteur un lien avec le fait que le transport aérien soit mis en cause dans la problématique du changement climatique ?
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - En quoi les programmes 4-Flight, Co-Flight et Sysat nous prémunissent-ils contre des attaques terroristes ou des dérèglements climatiques violents ?
M. Michel Canévet. - Le salon du Bourget promeut l'excellence de l'aéronautique française. Pourtant, vous nous avez dressé le tableau d'un naufrage de la DGAC, à cause des délais très longs de mise en oeuvre des programmes et de leur coût exorbitants. La DGAC a-t-elle les moyens de financer ces programmes ?
Notre collègue Gérard Longuet a déjà évoqué devant nous les errements de l'État sur les applications informatiques. Il me semblait que des dispositions avaient été mises en oeuvre pour que la direction du numérique valide les programmes informatiques. Est-ce que cela a été le cas pour ceux que vous avez mentionnés ?
Le contrôle aérien fonctionne naturellement dans un cadre international. Des avancées existent-elles à l'échelle européenne ? Il paraîtrait cohérent de mener des programmes conjoints avec les 27 États membres de l'Union européenne.
M. Christian Bilhac. - La DSNA a 18 ans, c'est l'âge de raison. Elle ne semble pas avoir atteint cette majorité ni les compétences qui vont avec.
Monsieur le rapporteur, vous vous montrez très prudent pour encourager le virage récent que vous demandez pourtant depuis 2018. Toutefois, faut-il conserver un dispositif qui ne fonctionne pas ? Jusqu'en 2005, la DSNA n'existait pas, mais les avions ne s'écrasaient pas toutes les semaines. Cette direction coûte cher et ne sert à rien, mais on continue de la financer, car on ne supprime jamais aucune administration dans ce pays.
Alors que le programme européen Sesar (Single european sky air traffic management research) existe déjà, pourquoi persister à multiplier les systèmes nationaux plutôt que de réguler nos avions par un système européen ?
Mme Christine Lavarde. - Le système d'information de la DGAC est éclaté entre des opérations d'intérêt vital et des opérations commerciales. Vous nous avez surtout parlé du contrôle. Une réforme de plus grande ampleur est-elle prévue pour consolider les problèmes de réseau informatique ? Le manque d'investissement est certain, mais il y a aussi une redondance des serveurs.
M. Philippe Dominati. - Lorsque j'ai été élu au Sénat pour la première fois, Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre et ma première intervention lors de la séance des questions au Gouvernement portait sur la grève des contrôleurs aériens. Au premier trimestre de cette année, à peu près 30 % des vols en Europe ont été perturbés à cause de la grève des contrôleurs aériens français, soit 237 000 vols, et le taux de ponctualité est passé de 79 % à 70 %.
Nous organiserons les jeux Olympiques en 2024. Si un événement social comme la réforme de l'âge de retraite a pu avoir un tel impact sur le trafic européen, qu'en sera-t-il au moment des jeux Olympiques ? La corporation a pris dix ans de retard, car l'État ne suit aucune direction et que le personnel défend ses intérêts. L'incohérence est totale. Des négociations ont-elles été prévues pour veiller au bon déroulement des jeux Olympiques ?
Quelle est la situation en Europe et dans le monde ? Des perspectives d'évolution existent-elles ?
M. Jean-Michel Arnaud. - Y a-t-il un pilote dans l'avion, autre que l'administration ? Quelle est la position du Gouvernement face à ces dérives ? Le programme Sysat a coûté 37 millions d'euros en six ans sans concrétisation : cela nécessite des explications. On a vu, notamment à propos du fonds Marianne, que l'État ne maîtrisait pas toujours ses services. On a là un cas patent de dysfonctionnement.
Sur le trafic aérien, peut-on évaluer l'impact carbone des dysfonctionnements et des retards qui ont eu lieu pour démontrer à l'État que lorsqu'il ne gère pas ses services, cela a pour conséquence, notamment, d'alimenter le bashing aérien ?
Enfin, des différences territoriales existent au sein de l'Hexagone en matière de contrôle aérien. Certains aéroports ont-ils perdu en compétitivité ? Y a-t-il eu un basculement du trafic depuis la France vers d'autres destinations européennes avec la perte de compétitivité qui s'ensuit ?
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - J'ai le sentiment que le fait que le Gouvernement, tout comme la DGAC, craint les grèves des contrôleurs a pu jouer un rôle dans les difficultés rencontrées. On peut néanmoins se fixer une obligation de franchise et l'équipe actuelle commence à le faire en portant un regard nouveau sur la situation. Le directeur de la DSNA a dirigé le programme Sesar. Il a une vision plus proche du terrain et plus technologique de la situation. Avec le directeur de la DGAC, ils ont contribué à poser le principal programme - certes en catastrophe mais il fonctionne. Ils osent tenir un langage de vérité aux contrôleurs.
L'ancienne équipe n'est pas en cause. Ses efforts sont d'ailleurs à saluer. Cependant, ils n'ont pas abouti. La situation s'améliore à présent.
Jean-Michel Arnaud a demandé s'il y avait un pilote dans l'avion. Il manque un régulateur, capable de « challenger » la DSNA, pour questionner ses performances et lui fixer des exigences opérationnelles. Le système actuel est déresponsabilisant, car il repose sur un budget annexe. Comme les recettes proviennent des compagnies, et comme le trafic augmentait jusqu'à présent, le corps social de la DGAC ne s'inquiétait pas de sa capacité à trouver de l'argent. L'exigence de performance financière était faible. En cas de mauvaise année, l'on avait recours à la dette. Ce sont les défauts du budget annexe. Ce dernier a toutefois l'avantage de ne pas trop peser sur le contribuable.
En l'absence d'un régulateur indépendant, c'est donc une autre direction de la DGAC qui régule sa voisine, ce qui n'est pas sans soulever des difficultés - d'autant qu'un régulé n'aime généralement pas son régulateur.
Pour ce qui concerne les grèves, nous avons voté la semaine dernière une proposition de loi que j'ai présentée, relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic. Ce texte prévoit une double prévisibilité : l'idée est que les contrôleurs soient astreints à l'obligation de se déclarer grévistes 48 heures à l'avance, et qu'à titre de réciprocité la DGAC soit dans l'obligation de les informer des astreintes - dans le cadre du service minimum - l'avant-veille de la grève. De la sorte, la prévisibilité s'applique pour les compagnies, les voyageurs, comme pour les contrôleurs.
Le texte doit à présent être examiné à l'Assemblée nationale, ce qui devrait se faire prochainement.
L'enjeu est donc de sortir du système actuel qui fonctionne en vase clos : la DGAC se contrôle elle-même, et pense que l'argent vient facilement parce que le trafic augmente.
Il s'agit d'une grande maison, rassemblant de grands ingénieurs, reconnus dans le monde entier. Elle était cependant en queue de peloton, mais elle a commencé à rattraper son retard et à retrouver un statut - au moyen de la réussite du programme 4-Flight et de son entrée dans l'interopérabilité du ciel unique.
Il faut d'abord aller au bout du programme de modernisation avant de réfléchir à la suite, et passer le « pic » budgétaire que représente le maintien en condition opérationnelle de tous les vieux systèmes, doublé de l'aboutissement des programmes actuels et d'une réflexion sur l'avenir. La maison se mobilise en ce sens.
Je défends l'idée d'un régulateur indépendant. Il faudra aussi s'interroger sur la meilleure façon d'améliorer la performance. Ce sujet relève du dialogue social. La question est notamment de savoir comment les contrôleurs pourraient faire preuve d'une certaine flexibilité en fonction des variations de trafic. D'autres difficultés sont par ailleurs à traiter, liées au nombre des contrôleurs ou à la durée de leur formation, qui est actuellement de cinq ans.
La maison se modernise donc. Elle a fauté sur un plan budgétaire, mais elle se mobilise pour se rattraper. Je pense que cela ne peut se faire que dans le dialogue.
La DSNA, qui existe depuis dix-huit ans, existait auparavant sous la forme d'un service technique. Ce service est nécessaire, c'est un élément de souveraineté. L'enjeu est en effet la maîtrise du ciel et la maîtrise de l'espace aérien. Les États considèrent d'ailleurs qu'il s'agit d'un élément régalien. Les tentatives de ciel unique qui ont été menées n'ont pas abouti pour cette raison. Ainsi, un seul centre international a été ouvert à Maastricht, et non plusieurs comme prévus initialement.
Un projet plus vaste de ciel unique pourra néanmoins resurgir. Pour peser dans ce projet, nous devons être capables de faire passer le trafic, et d'être interopérables. Tout en ayant encore une marge de progression dans ce domaine, nous sommes en train d'y parvenir.
Je reviens à présent sur la dette de modernisation des infrastructures techniques, évaluée à 700 millions d'euros. Certains de nos systèmes - non critiques, heureusement - sont parfois encore dotés de disquettes et l'on peut encore trouver un minitel à certains endroits. Tout ceci devra être traité méthodiquement. Les équipes s'y emploient. Cependant, comme il sera impossible de moderniser toutes les tours et toutes les approches en même temps, il faudra faire des choix.
Nous sommes donc engagés dans un chemin de rationalisation. Ce n'était pas le cas précédemment, parce que l'on pensait que l'argent était facile, parce que rien ne poussait à le faire et parce qu'il s'agissait d'une boîte noire pour Bercy.
La DSNA a compris qu'elle devait se montrer transparente, en basculant de son système budgétaire propre au système de droit commun qui repose sur le principe de la distinction des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP), pour une meilleure visibilité. Un comité d'engagement est par ailleurs nécessaire sur les grands projets, ainsi qu'un régulateur indépendant, comme je l'ai souligné, chargé de la maintenir sous pression.
En matière informatique, des progrès sont à faire. La DSNA dispose en effet de 28 000 serveurs, ce qui représente une charge d'entretien aberrante. De plus, jusqu'en 2022, il n'existait pas de cartographie globale de l'architecture informatique de la DSNA. C'est la nouvelle direction qui l'a demandée. Pour autant, le système fonctionne malgré tout.
Il faut désormais fixer à la DSNA une exigence de transparence, de productivité, de rationalisation et d'ouverture. Ce processus est en cours, et des changements sont en train de survenir. Malheureusement, ils s'arrêteront si nous relâchons la pression, et ils reposent trop, en outre, sur quelques individus. Il faut à présent que le système oblige le service public à se mettre régulièrement lui-même sous pression.
À l'échelon européen, nous verrons quelles seront les prochaines avancées. Le projet de ciel unique tâtonne cependant, faute d'une réelle volonté des États membres.
Enfin, concernant la protection contre les attaques terroristes, le fait d'avoir un vieux système nous protège, paradoxalement. Toutefois, nous n'avons pas beaucoup documenté ce sujet, car il aurait réclamé des investigations particulières. Selon les éléments dont nous avons pu disposer, il n'y a cependant pas lieu de s'inquiéter - même si la vigilance reste de mise. Le basculement vers de nouveaux systèmes nous fournira par ailleurs davantage de garanties de sécurité, le risque étant que nos systèmes soient détournés ou qu'un arrêt survienne - situations face auxquelles nous savons néanmoins réagir.
La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. Claude Raynal, M. Albéric de Montgolfier, M. Jean-François Husson, M. François-Noël Buffet, M. Michel Canévet, M. Thierry Cozic et M. Alain Richard comme membres titulaires, et de M. Jérôme Bascher, M. Stéphane Sautarel, Mme Agnès Canayer, Mme Sylvie Vermeillet, M. Rémi Féraud, M. Christian Bilhac et M. Pascal Savoldelli comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. Claude Raynal, M. Hervé Maurey, M. Jean-François Husson, M. Albéric de Montgolfier, M. Jérôme Bascher, M. Thierry Cozic et M. Alain Richard comme membres titulaires, et de M. Stéphane Sautarel, Mme Christine Lavarde, M. Arnaud Bazin, M. Michel Canévet, M. Rémi Féraud, M. Jean-Claude Requier et M. Pascal Savoldelli comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.
La réunion est close à 11 h 15.