- Lundi 12 juin 2023
- Mardi 13 juin 2023
- Mercredi 14 juin 2023
- Organisation de nos travaux
- Communication
- Mission conjointe de contrôle, avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Échange de vues, désignation de rapporteurs et demande d'octroi à la commission des lois, pour une durée de six mois, des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête
- Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale visant à protéger les logements contre l'occupation illicite - Examen des amendements au texte de la commission (deuxième lecture)
- Rapport d'activité pour 2022 - Audition de Mme Claire Hédon, défenseure des droits
Lundi 12 juin 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 15 h 30.
Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public- Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 3
L'amendement rédactionnel n° 18 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 19 rectifie une référence erronée et procède à diverses améliorations rédactionnelles.
L'amendement n° 19 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Philippe Bas, rapporteur. - La RATP est souvent invitée par les services chargés des enquêtes à leur transmettre des images précises issues de leurs systèmes de vidéosurveillance. L'amendement n° 17 rectifié vise à autoriser les logiciels de détection automatisée, qui ne se baseraient pas sur des données biométriques. Il est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement n° 17 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La réunion est close à 15 h 35.
Mardi 13 juin 2023
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense -Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est d'abord une loi de programmation budgétaire destinée à renforcer les capacités de nos forces armées.
À ce titre, nous pouvons nous féliciter que les trois services de renseignement relevant du ministère des armées - la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction du renseignement militaire (DRM) voient leurs effectifs augmenter et leurs investissements immobiliers et opérationnels financés.
Nous ne sommes donc pas, à l'égard de nos services de renseignement, dans une situation de difficulté de moyens financiers ou d'emplois budgétaires, mais, dans certains cas, en dépit de nos besoins, nous ne parvenons pas à recruter.
Notre commission ne s'est pas saisie pour avis du volet budgétaire du texte, mais de certaines des « diverses dispositions intéressant la défense » : les dispositions concernant les services de renseignement, les dispositions relatives à la sécurité des systèmes d'information et le régime de protection contre les drones malveillants.
Ces dispositions, pour l'essentiel très ponctuelles et techniques, s'inscrivent dans le prolongement des textes antérieurs, que ce soit la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi « Silt », et la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
Mais on peut également souligner que le projet de loi ne comporte aucune disposition visant à renforcer le contrôle des services de renseignement, et ce alors même que l'équilibre entre l'extension des pouvoirs des services et les instruments de contrôle est essentiel à la conformité de notre régime aux exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés et à la jurisprudence européenne. Les amendements que je vous proposerai, en accord avec les autres membres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) représentant le Sénat, à savoir Agnès Canayer, le président Christian Cambon, et Yannick Vaugrenard, entendent porter certaines avancées en ce domaine. Nous déposons, tous les quatre, des amendements identiques, manifestant ainsi la volonté unitaire du Sénat de progresser quant aux pouvoirs octroyés à la DPR.
Quatre articles concernent les services de renseignement.
L'article 19 autorise les services chargés des enquêtes administratives à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire afin de mieux mesurer les vulnérabilités, voire les risques posés par des personnes susceptibles d'être recrutées ou d'avoir accès à des lieux ou informations protégés.
L'article 21 permet la transmission d'informations figurant dans une procédure judiciaire ouverte pour crime contre l'humanité ou de crime de guerre afin de renforcer la capacité des services à traiter l'évolution de la menace pesant sur la France et sur ses intérêts.
L'article 22 renforce la protection des anciens agents et membres des unités spéciales en leur garantissant l'anonymat lors de leur témoignage dans une procédure judiciaire, dans les mêmes conditions qu'à ceux qui sont actuellement en activité.
Ces mesures n'appellent pas de modification de notre part.
L'article 20, quant à lui, est plus ambitieux. Il marque la volonté de lutter contre les ingérences étrangères et de protéger les intérêts supérieurs de la France. Il met en place un mécanisme de contrôle des activités exercées par les militaires ou anciens militaires et par certains personnels civils ayant occupé des fonctions d'une sensibilité particulière et souhaitant exercer une activité lucrative pour le compte d'un État étranger ou d'une entreprise étrangère ou sous contrôle étranger intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité. Il convient que notre pays soit vigilant à leur égard. Ce mécanisme est intéressant, même si sa portée sera nécessairement limitée. Il sera en effet difficile d'agir contre une personne exerçant à l'étranger avec un contrat de droit étranger, à moins qu'elle ne revienne en France. C'est d'ailleurs sans doute à ce moment-là qu'il faudra s'assurer de son activité à l'étranger, un peu plus que nous ne le faisons aujourd'hui. Je vous proposerai de préciser les modalités d'application de cet article s'agissant des personnels civils.
S'agissant de la sécurité des systèmes d'information, les articles 32 à 35 renforcent la capacité de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) de détecter, d'identifier et de prévenir les attaques informatiques visant les systèmes d'information des autorités publiques, des opérateurs stratégiques ou de leurs sous-traitants.
En ce sens, l'article 32 dote l'ANSSI de la possibilité d'enjoindre aux acteurs du numérique de filtrer ou de rediriger les noms de domaine utilisés par des cyberattaquants en cas de menace pour la défense et la sécurité nationales. Cela permettra à l'ANSSI de neutraliser les noms de domaine de façon à ce qu'ils n'atteignent pas leur cible, ou de saisir le nom de domaine utilisé et de le déporter de façon à observer le mode opératoire employé.
L'article 33 permet de recevoir communication des données de cache - c'est-à-dire l'ensemble des historiques de recherche d'un site - non identifiantes, afin de mieux comprendre les modes opératoires des attaquants.
Enfin, l'article 35 étend à plusieurs titres les données pouvant être recueillies par l'ANSSI. Il rend notamment obligatoire la mise en place de capacités de détection chez les opérateurs de communication électronique d'importance vitale, et supprime l'assermentation des agents de l'ANSSI habilités à analyser les données recueillies.
En outre, les dispositions prévoient de renforcer l'information des victimes des cyberattaques. À cette fin, l'article 34 oblige les éditeurs de logiciels à notifier à l'ANSSI et aux utilisateurs concernés les incidents et vulnérabilités significatives susceptibles de compromettre la sécurité de leurs produits, tandis que l'article 35 élargit aux hébergeurs de données l'obligation de communiquer à l'ANSSI les informations concernant des utilisateurs ou détenteurs de systèmes d'information vulnérables ou attaqués afin de les en informer.
Je vous proposerai de clarifier la rédaction retenue et d'ajuster les dispositifs afin de les rendre pleinement opérationnels, notamment pour que l'ensemble des utilisateurs d'un logiciel présentant une vulnérabilité critique soient informés par l'éditeur de cette dernière, et pas uniquement les seuls utilisateurs professionnels, comme le prévoit le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Les particuliers peuvent aussi être victimes et donc en droit d'être informés.
S'agissant enfin du régime de lutte contre les drones malveillants, l'article 27 du projet de loi vise à doter les services de l'État des moyens de parer sans délai à une menace imminente pour l'ordre public, la sécurité et la défense nationales ou le service public de la justice, en les autorisant à recourir à tout moyen permettant de « neutraliser » un drone qui représente une menace - cela peut aller jusqu'à la destruction du drone. Il me paraît nécessaire de renforcer les garanties en matière de protection du droit de propriété et du droit à informer. En effet, la plupart du temps, ces moyens seront mis en oeuvre alors que le drone se trouve dans une zone de survol interdit à titre temporaire ou permanent - centrale nucléaire, grand événement sportif, etc. Que le drone soit « neutralisé » alors qu'il se trouve dans une zone interdite de survol ne me paraît pas soulever de difficulté de principe. Mais le dispositif n'exclut pas que ces moyens puissent également être mis en oeuvre dans une zone dans laquelle la circulation du drone est autorisée. Je vous propose donc de renvoyer à un décret en Conseil d'État la définition des conditions dans lesquelles, en cas de menace imminente, les moyens de neutralisation seront mis en oeuvre, en particulier dans cette hypothèse.
J'en viens maintenant aux trois amendements portant articles additionnels que j'ai évoqués précédemment. Deux de ces amendements concernent les pouvoirs de la DPR et ses liens avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), tandis que le troisième vise les pouvoirs de la CNCTR.
Ces amendements tendent à garantir que, lorsque des sujets d'actualité concernant une action des services de renseignement sont révélés par la presse et ont été admis par le Gouvernement, ceux-ci pourront faire l'objet d'une information de la DPR. Je rappelle que la DPR et ses membres sont soumis au secret le plus absolu. Il arrive parfois, comme ce fut le cas l'année dernière, que la presse révèle au grand public des opérations dans lesquelles des moyens mis à disposition par nos services ont été utilisés à d'autres fins. La possibilité pour la DPR d'auditionner les ministres compétents faisait débat. Au début de cette année, le chef de l'État a rendu un arbitrage sur ce point, que nous traduisons ici pour consacrer ce pouvoir de la DPR - c'est une avancée importante.
Ces amendements permettent également de renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR en prévoyant la présentation à la DPR d'un bilan annuel des recommandations de la commission, ainsi que son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d'alerte. La loi de juillet 2015 relative au renseignement donne aux lanceurs d'alerte la possibilité de signaler les faits qu'ils constatent et dénoncent à la CNCTR, à charge pour elle, tout en conservant l'anonymat de la saisine, de transmettre les informations aux autorités judiciaires. Nous souhaitons que la DPR soit informée de ces procédures.
Enfin, le troisième amendement tend à permettre l'accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en oeuvre des techniques les plus intrusives : la collecte des données informatiques, la captation d'image et de son et la destruction des données. Cette mesure est particulièrement nécessaire pour permettre l'efficacité du contrôle face au développement de ces techniques de renseignement, dont je souligne que nous ne contestons pas la légitimité.
Dans la même logique, afin d'éviter l'émiettement du contrôle, je vous proposerai trois amendements prévoyant que la CNCTR puisse donner un avis avant la prise des décrets renforçant les pouvoirs de l'ANSSI. En effet, si l'ANSSI n'est pas un service de renseignement, ses liens avec ceux-ci sont étroits et la nature de son intervention appelle un regard informé par la pratique de ces services.
Enfin, je vous présenterai un amendement tendant à supprimer, suivant la position constante du Sénat, la référence proposée à la création d'une délégation au renseignement économique, qui ne pourrait conduire qu'à une dispersion des moyens. La DPR peut parfaitement assurer un contrôle en matière économique - elle a d'ailleurs consacré l'un de ses rapports sur l'ingérence économique.
Un mot, enfin, sur un sujet qui va peser sur le cadre légal du renseignement. Nous savons que, selon toute vraisemblance, la France sera prochainement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour non-conformité à la convention européenne du régime encadrant les échanges d'informations entre les services français de renseignement et les services étrangers. Ce sujet étant sensible, il importe de trouver une solution acceptable par tous. Les discussions avancent, mais il ne nous revient pas ici de faire des propositions, afin de ne pas porter atteinte aux intérêts de la France. Une évolution législative doit intervenir dans les mois qui viennent.
Sous réserve des amendements que je vous soumettrai et qui viennent compléter et renforcer le texte, il m'apparaît que celui-ci comporte des mesures utiles pour les services de renseignement.
M. Jean-Yves Leconte. - Sur l'article 32, je comprends le rôle accordé à l'ANSSI dans des situations identifiées et immédiates. Toutefois, si la situation perdure est-il opportun que l'ANSSI garde la main au lieu de passer le relais à l'Arcom, qui est une autorité administrative indépendante ? Dans le cadre des relations avec les plateformes, il me semble préférable de centraliser plutôt que de multiplier le nombre de structures opérant dans l'interface.
Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a vocation à identifier les ingérences étrangères sur les réseaux, mais nous déplorons qu'il n'ait pas les moyens de réagir. Cette loi de programmation va-t-elle lui donner des moyens supplémentaires ?
Je formulerai enfin une remarque concernant les échanges d'informations avec les services étrangers. Les décisions de la CEDH ont déjà été évoquées il y a deux ans, mais la discussion a été reportée. Aujourd'hui, si d'autres services dans d'autres pays occidentaux sont soumis aux mêmes contraintes, alors il devient nécessaire d'évoluer afin de ne pas bloquer nos capacités d'échanges. Avez-vous des assurances du Gouvernement en la matière ?
M. Philippe Bas. - Je remercie le rapporteur pour les amendements qu'il nous propose d'adopter, en particulier ceux qui visent à renforcer les pouvoirs de la DPR. C'est un sujet que nous traitons depuis plusieurs années puisque nous avions adopté, il y a cinq ans, contre l'avis du Gouvernement, des amendements, présentés par le président de la commission des affaires étrangères et de la défense et le président de la commission des lois, visant à aligner les pouvoirs de la DPR sur ceux des institutions équivalentes de grands pays démocratiques comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Ces dispositions n'ont pas été reprises dans le texte final adopté par le Parlement. Les dispositions qui nous sont aujourd'hui proposées sont certes plus modestes, mais elles ont le mérite de nous faire espérer qu'elles entreront en vigueur. C'est la raison pour laquelle je les soutiendrai.
Les services de renseignement sont des administrations et, en vertu de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elles n'échappent pas au contrôle parlementaire. Néanmoins, l'efficacité de leur mission exige, dans l'intérêt de la Nation, que le secret de leurs méthodes et de leurs investigations soit préservé. C'est la raison pour laquelle a été créée, au début du XXIe siècle, une délégation spécifique, qui a l'originalité d'être composée de députés et de sénateurs. Cette délégation ne peut bien faire son travail que si elle inspire confiance aux services de renseignement. Elle est assujettie au secret de la défense nationale. Il faut toutefois que la confiance soit réciproque. Or la liste des informations que la DPR est susceptible d'obtenir est très restreinte par rapport à ce qu'elle est dans d'autres pays. Les services de renseignement invoquent la sécurité nationale. Or le contrôle parlementaire ne doit pas apparaître insuffisant aux yeux de nos concitoyens. La confiance que nous cherchons à entretenir avec ces services ne doit pas nous faire oublier l'exigence d'un contrôle parlementaire, car ces derniers recourent à des technologies intrusives, qui pourraient porter atteinte aux libertés individuelles et au secret de la vie privée.
Voilà pourquoi cette évolution est nécessaire, car nous n'avons pas encore atteint le point ultime du contrôle parlementaire de l'activité de ces services.
M. Alain Richard. - Je veux rebondir sur le propos de Philippe Bas. Aucun pays ne dispose d'une capacité de renseignement intégrale et infinie. La coopération et les échanges d'informations sont forcément nécessaires. L'expérience m'a appris que plus le contrôle parlementaire est intrusif, moins le service fournit d'informations et moins il en reçoit. Il importe donc de maintenir la valeur relative des services de renseignement français, qui bénéficient, me semble-t-il, de la confiance de leurs pairs. L'intensité de ce lien de confiance, facteur d'efficacité et de sécurité, n'est pas compatible avec une intensité excessive du contrôle parlementaire, comme c'est le cas en Allemagne.
Mme Agnès Canayer. - Je félicite le rapporteur d'avoir cherché à parvenir à un équilibre : il faut donner des marges de manoeuvre aux services de renseignement pour leur permettre de collecter des informations, tout en contrôlant le respect des règles et des libertés individuelles. Je veux rappeler la force des liens, au sein de la DPR, entre les deux assemblées, comme en attestaient les amendements déposés conjointement lors de l'examen de la loi de 2021. Je me félicite donc des avancées proposées, même si elles sont modestes.
Par ailleurs, avec l'évolution des technologies, auxquelles recourent les cybercriminels, les groupes de criminalité organisée, les terroristes, il importe de renforcer le rôle de l'ANSSI.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Monsieur Leconte, je rappelle que la mission de l'ANSSI est de documenter les modalités d'attaque, et d'assurer la sécurité des systèmes d'information en protégeant ceux des autorités publiques et des opérateurs stratégiques, ce qui est très différent de la mission de l'Arcom. Il ne faut pas oublier que ce travail se fait sous le contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). De plus, le nombre de cas n'est pas très important.
Les services de l'ANSSI participent au travail de coordination de Viginum. Viginum attribue l'attaque, alors que l'ANSSI travaille en amont. Leurs tâches sont différentes, mais leur collaboration essentielle.
M. Jean-Yves Leconte. - Viginum identifie les ingérences, mais ne dispose pas des moyens de faire de la contre-ingérence.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Tel n'est pas le rôle de Viginum. La décision est prise au niveau gouvernemental.
Concernant les échanges avec les services étrangers, nous n'éludons pas le sujet, nous connaissons les besoins, mais il convient d'élaborer un texte spécifique : la DPR doit travailler pour ce faire en collaboration avec le Gouvernement.
Enfin, s'agissant des pouvoirs de la DPR, je comprends la nécessité d'aller plus loin, mais la DPR entretient aujourd'hui une relation étroite avec la CNCTR ; les membres de la DPR remplissent la mission de contrôle dont ils ont la charge. Il faut qu'elle saisisse les moyens qui sont les siens pour exercer ce contrôle. Ce texte permet une avancée supplémentaire, nous irons sans doute plus loin encore dans les années à venir.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-141 a pour objet de supprimer la mention de la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique.
L'amendement COM-141 est adopté.
Article 20
L'amendement rédactionnel COM-126 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-127 prévoit l'accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en oeuvre des techniques les plus intrusives.
L'amendement COM-127 portant article additionnel est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-128 tend à renforcer le droit à l'information de la délégation parlementaire au renseignement et à lui communiquer un bilan annuel des recommandations présenté par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
L'amendement COM-128 portant article additionnel est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-129 assure une coordination avec les missions de la CNCTR.
L'amendement COM-129 portant article additionnel est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-130 porte sur le contrôle des drones.
L'amendement COM-130 est adopté.
Article 32
L'amendement rédactionnel COM-131 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis - L'amendement COM-132 tend à supprimer une mention inutile et incomplète.
L'amendement COM-132 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis - L'amendement COM-133 vise à préciser la notion de « bref délai » par voie réglementaire.
L'amendement COM-133 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis - L'amendement COM-134 prévoit que la CNCTR soit saisie pour avis du projet de décret d'application de cet article.
L'amendement COM-134 est adopté.
Article 33
L'amendement rédactionnel, d'harmonisation et de précision COM-135 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-136 prévoit également que la CNCTR soit saisie pour avis du projet de décret d'application de cet article.
L'amendement COM-136 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'article 34 crée une double obligation pour les éditeurs de logiciels, afin qu'ils informent l'ANSSI et les utilisateurs d'incidents ou de la vulnérabilité de leurs produits. L'amendement COM-137 rétablit l'obligation initialement prévue d'informer l'ensemble des utilisateurs de logiciels, préalablement supprimée à l'Assemblée nationale, et non plus seulement les professionnels.
L'amendement COM-137 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-138 prévoit que les données recueillies par l'Arcep soient détruites « dans un délai bref, précisé par voie réglementaire », et non pas « sans délai ».
L'amendement COM-138 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-139 concerne également la saisine de la CNCTR pour avis sur le décret d'application de cet article.
L'amendement COM-139 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-140 vise à supprimer l'assermentation des agents de l'ANSSI, l'habilitation, déjà existante, étant suffisante pour leurs missions.
L'amendement COM-140 est adopté.
La commission a adopté les amendements suivants du rapporteur :
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président-
Projet de loi relatif à l'industrie verte - Examen du rapport pour avis
M. François-Noël Buffet, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi relatif à l'industrie verte. Je rappelle que notre commission a une délégation au fond sur l'article 12 et est saisie pour avis sur l'article 13.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - Le projet de loi relatif à l'industrie verte porte une ambition à laquelle notre commission souscrit pleinement, à savoir la meilleure prise en compte des enjeux climatiques au sein de la commande publique.
Déjà en 2021, lors de l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - dite loi climat et résilience -, notre collègue Stéphane Le Rudulier, alors rapporteur, avait souligné en notre nom « l'évolution nécessaire » que représente « la démarche de verdissement de la commande publique ». Nous avions alors non seulement soutenu, mais également renforcé, les modifications apportées au droit de la commande publique que proposait le texte.
Le projet de loi relatif à l'industrie verte s'inscrit dans la continuité de cette démarche, en cherchant, selon son exposé des motifs, à « privilégier une commande publique responsable ».
Pour cela, les articles 12 et 13 dont nous sommes saisis, le premier au fond et le second pour avis, ajustent plusieurs mesures de la loi Climat et résilience et portent quelques dispositions nouvelles.
En premier lieu, il nous est proposé d'instaurer deux nouveaux motifs d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession.
L'article 12 modifie une habilitation à légiférer par ordonnance que nous avons accordée au Gouvernement dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (Ddadue) de mars 2023, qui autorise le Gouvernement à transposer la directive européenne dite « CSRD ». Cette directive impose aux grandes entreprises de publier des informations extrafinancières en matière de durabilité, incluant notamment des données environnementales. L'article 12 prévoit de compléter cette habilitation afin que le régime des sanctions applicables aux entreprises ne respectant pas leurs obligations de transparence extra-financière comprenne pour ces dernières l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession.
Dans un esprit similaire, l'article 13 tend à renforcer le régime des sanctions pour les personnes morales ne satisfaisant pas à leur obligation d'établissement de leur bilan d'émissions des gaz à effet de serre (Beges). Cette obligation concerne actuellement environ 5 000 entités privées et publiques. Alors que le droit en vigueur ne prévoit qu'une amende administrative assez dérisoire de 10 000 euros, l'article 13 ajouterait à cette sanction la faculté, pour les acheteurs publics, d'exclure de leurs contrats les entreprises n'ayant pas établi leur Beges.
L'article 13 porte deux autre mesures, qui modifient des dispositions de la loi Climat et résilience.
La première de ces deux mesures concerne les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser). Ces documents, instaurés par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, doivent « déterminer les objectifs de politique d'achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique » et « contribuer à la promotion d'une économie circulaire ». Ils sont actuellement obligatoires pour les collectivités territoriales et certains acheteurs publics dont le montant total annuel d'achat est supérieur à 50 millions d'euros, ce qui représente 281 acheteurs publics. Cependant, seuls 32 % d'entre eux satisfont à cette obligation.
L'article 13 étend le nombre d'acheteurs publics devant élaborer des Spaser, notamment en incluant l'État, qui n'y était pas soumis jusqu'à présent. Il permet en outre l'élaboration conjointe d'un Spaser entre plusieurs acheteurs publics.
Enfin, il vise également à accompagner les acteurs de la commande publique vers l'entrée en vigueur, prévue en 2026, d'une disposition de l'article 35 de la loi Climat et résilience, imposant, de façon plus contraignante que ce que prévoit l'actuel état du droit, qu'« au moins un [de ces] critère[s] [de définition de l'offre économiquement la plus avantageuse] prend en compte les caractéristiques environnementales de l'offre ».
Dans l'attente de l'entrée en vigueur de cette disposition, à laquelle sont censés se préparer tous les acteurs de la commande publique, l'article 13 précise les critères de détermination de « l'offre économiquement la plus avantageuse » qui régit, conformément au droit européen, l'attribution des marchés publics. L'appréciation de cette offre pourra, jusqu'en 2026, « tenir compte du meilleur rapport qualité-prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ».
Cette faculté n'est cependant pas une nouveauté, car elle reprend les termes de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique et de l'article 67 de la directive européenne relative aux marchés publics. L'objectif du texte est ainsi d'accroitre la visibilité de cette possibilité offerte aux acheteurs publics en déplaçant dans le domaine législatif des dispositions précédemment inscrites au sein de la partie règlementaire du code de la commande publique. Il ne s'agira donc pas d'une évolution significative du droit de la commande publique.
En définitive, ces quatre mesures paraissent des compléments parfois utiles aux dispositions que nous avons votées en 2021 - je pense, par exemple, aux modifications apportées aux règles relatives au Spaser -, mais elles me semblent d'une portée modeste, en comparaison avec l'ambition affichée lors la présentation du texte.
En particulier, la multiplication, au cours des dernières années, des motifs d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, soulève un enjeu d'effectivité et d'application du droit au regard de leur très faible utilisation par les acheteurs publics. Même l'Union des groupements d'achats publics (Ugap), la principale centrale d'achats publics, m'a indiqué, lors de son audition, ne jamais mettre en oeuvre ces dispositifs d'exclusion des contrats publics qui ont pourtant fleuri dans le code de la commande publique en l'espace de quelques années.
Il convient par conséquent de voir ces dispositifs avant tout comme une incitation, pour les entreprises vivant de la commande publique, à appliquer la règlementation environnementale, sans s'illusionner pour autant sur la réelle appropriation par les acheteurs publics de la faculté qui leur est ouverte d'exclure des candidats sur ces motifs. En parallèle, voire en lieu et place de la création régulière de nouveaux motifs d'exclusion des contrats de la commande publique, il me semble judicieux de suggérer au Gouvernement de sensibiliser davantage les acheteurs publics sur ces possibilités ouvertes par le code précité.
Une fois ces réserves énoncées, je vous invite, dans une démarche constructive et en prenant pour clef de lecture l'effet de signal que porte les articles 12 et 13, d'adopter ces deux articles, moyennant toutefois l'adoption de quatre amendements.
Je vous proposerai tout d'abord deux amendements à l'article 12 visant à restreindre le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement et à réduire son délai à trois mois. Je précise à mes collègues qui sont, à juste titre, rétifs au principe même des ordonnances qu'il ne nous est pas possible, à ce stade, d'inscrire son dispositif directement dans la loi puisque la transposition de la directive CSRD n'a pas encore eu lieu : conformément à la loi Ddadue du 10 mars 2023, le Gouvernement doit y procéder d'ici décembre 2023.
Enfin, à l'article 13, je vous proposerai également deux amendements, présentés en commun avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Fabien Genet. L'un d'entre eux donne suite à une suggestion du Conseil d'État en apportant une correction technique à deux articles du code de la commande publique créés lors de la loi Climat et résilience. Le second amendement vise à inciter davantage d'acheteurs publics à se doter de Spaser. Il prévoit que la possibilité de rédaction conjointe d'un Spaser soit étendue aux acheteurs publics volontaires dont le montant total annuel d'achats est inférieur au seuil réglementaire rendant obligatoire la réalisation d'un Spaser. Ce faisant, de plus petites collectivités pourront ainsi bénéficier des initiatives et démarches de « verdissement » de la commande publique engagées par de plus grandes collectivités territoriales. En outre, cet amendement précise que les indicateurs de suivi du Spaser resteront propres à chaque acheteur public, quand bien même les éléments du schéma sont mutualisés.
M. Didier Marie. - Je remercie le rapporteur pour la présentation de son rapport pour avis.
Je partage certains constats du Gouvernement et il existe un consensus autour de l'idée selon laquelle notre modèle économique doit aller vers plus de sobriété, de résilience et de durabilité. Cependant, les solutions apportées par ce texte ne semblent pas suffisamment ambitieuses. La dérèglementation, les allégements fiscaux, l'assouplissement des règles environnementales et la mise en place d'une économie toujours plus libérale ne sont pas les seules solutions envisageables.
Je m'interroge sur la cohérence de ce projet de loi avec le règlement pour une industrie « zéro net », actuellement en discussion à l'échelle européenne. Un écart existe entre les attendus de ce texte et le projet de loi qui nous est soumis.
Par ailleurs, je regrette que la biodiversité soit la grande absente de ce projet de loi.
Enfin, je pense que notre commission aurait pu se saisir de l'article 9, qui instaure des procédures privant le maire de ses prérogatives en matière d'urbanisme. L'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) est opposée à cet article, et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a émis un avis défavorable sur celui-ci. Des amendements en séance devront donc être déposés sur ce sujet.
L'article 12 me semble aller dans le bon sens. Lors de l'examen de la loi Ddadue, nous avions déjà essayé de ne pas recourir aux ordonnances, en vain dans la mesure où l'Assemblée nationale avait rétabli cette disposition. Je partage cependant l'avis du rapporteur pour avis sur la nécessité de resserrer le champ de l'habilitation à procéder par ordonnances. Je souscris donc à l'objet du premier amendement, mais suis plus réservé sur le second. Je pourrai m'en expliquer ultérieurement.
M. Alain Marc. - À l'instar du rapporteur pour avis, j'estime que ce texte n'est pas d'une grande ambition. Pour avoir été pendant treize ans président de la commission des routes au conseil départemental de l'Aveyron, je puis vous dire que, dans les appels d'offres publics, nous tentions d'introduire des clauses permettant de choisir le prestataire le mieux-disant. Qu'entendions-nous par « mieux-disant » ? Si une entreprise de travaux publics est implantée à l'autre bout de la France et doit donc transporter tous ses véhicules pour se rendre sur le chantier, son empreinte carbone est élevée. Doit-on la choisir au détriment d'une entreprise plus chère, mais implantée localement, qui va donc dépenser moins de carburant et moins polluer ?
Le projet de loi ne me paraît pas de nature à régler le problème des recours ultérieurs, qui ne manqueront pas de se produire compte tenu de la réactivité et de l'expertise des services juridiques des grandes entreprises, qui contesteront les choix faits par les collectivités. Ces dernières prennent désormais leurs précautions et font appel à des cabinets d'avocats pour examiner précisément leurs appels d'offres. Nous devons donc devenir « plus verts », mais surtout plus efficaces.
Actuellement, on constate une diminution de la demande en matière de travaux publics, qui s'explique par différents facteurs liés à la crise de la covid-19. Certes, le chômage est en baisse, mais je redoute que, si nous n'apportons pas de solution à la crise des travaux publics et du bâtiment, d'autres difficultés n'émergent dans les prochains mois. Notre réflexion sur l'industrie verte ne doit pas nous priver d'une réflexion globale sur l'industrie et l'évolution du chômage.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - Je partage votre opinion quant au manque d'ambition de ce projet de loi.
Pour répondre à Didier Marie, l'article 9 est traité au fond par la commission des affaires économiques, qui est compétente en matière d'urbanisme.
Alain Marc, je suis d'accord avec vous concernant la nécessité de mener sur ces sujets une réflexion globale.
M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de l'article 12, qui nous a été délégué, inclut les dispositions relatives à la prise en compte d'enjeux environnementaux, sociaux ou industriels parmi les règles de la commande publique et à la transposition de la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022, dite « directive CSRD ».
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-308 est porté avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Fabien Genet, qui a déposé un amendement identique. Cet amendement précise, d'une part, que, lors de la rédaction conjointe d'un Spaser, les indicateurs de suivi sont établis pour chaque acheteur public de façon individuelle, et permet, d'autre part, aux acheteurs publics non concernés par l'obligation d'élaborer un Spaser de se joindre à la rédaction conjointe d'un Spaser, sur la base du volontariat. Ce faisant, de plus petites collectivités pourront bénéficier des initiatives et démarches de verdissement de la commande publique engagées par de plus grandes collectivités territoriales.
L'amendement COM-308 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-309, également porté avec Fabien Genet, qui a déposé un amendement identique, met en oeuvre une recommandation du Conseil d'État en supprimant une phrase jugée inopportune au sein de deux articles du code de la commande publique, relatifs à la possibilité d'exclusion des procédures de passation des contrats de la commande publique pour non-respect de l'obligation d'établir un plan de vigilance.
L'amendement COM-309 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-306 réduit le délai de l'habilitation à légiférer par ordonnance de trois mois au lieu de quatre mois et apporte une correction légistique.
L'amendement COM-306 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-307 vise à encadrer davantage le périmètre de l'habilitation que nous demande le Gouvernement, en précisant que le motif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession relèvera de la catégorie dite « à l'appréciation de l'acheteur », et en intégrant explicitement les marchés de défense et de sécurité au sein du dispositif.
L'amendement COM-307 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-80 étend le dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession aux fournisseurs intervenant dans la réalisation du marché. J'y suis défavorable pour deux raisons principales. D'une part, il créerait une distorsion par rapport aux autres motifs d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, dans la mesure où ceux-ci ne s'appliquent présentement pas aux fournisseurs. D'autre part, les auditions que j'ai menées ont démontré que les acheteurs publics avaient déjà beaucoup de difficulté à s'approprier la faculté que leur ouvre le code de la commande publique d'exclure des candidats. Les contrôles sont succincts et la plupart des acheteurs publics n'ont pas les ressources suffisantes pour procéder à des vérifications en profondeur. Le contrôle des fournisseurs risquerait donc, au mieux de ne pas être fait, au pire de constituer une charge administrative très lourde pour les acheteurs publics.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-80.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 12 ainsi modifié.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-83 vise à tripler le plafond des montants applicables aux achats qui intègrent des procédés industriels.
Tout d'abord, cet amendement soulève une difficulté d'insertion normative, dans la mesure où il prévoit de compléter un article du code de la commande publique relatif aux constructions temporaires, ce qui n'a rien à voir avec l'objet de l'amendement.
Ensuite, tel qu'il est rédigé, il me semble beaucoup trop large puisque la notion de « procédé industriel » n'est définie nulle part dans le code de la commande publique. Notre collègue souhaite notamment viser les marchés de « fournitures [...] qui intègrent des procédés industriels », ce qui, outre peut-être l'achat de denrées alimentaires, comprend la quasi-totalité des marchés de fournitures. C'est pourquoi j'y suis défavorable.
Par conséquent, je suggère que notre collègue Vanina Paoli-Gagin retravaille la rédaction de cet amendement en vue de la séance publique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-83.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-4 rectifié bis, COM-31 et COM-56 modifient un article figurant dans la partie réglementaire du code de la commande publique. Ils sont donc contraires à l'article 41 de la Constitution. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-4 rectifié bis, COM-31 et COM-56.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-13 rectifié, COM-32 et COM-122 sont irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer les amendements identiques COM-13 rectifié, COM-32 et COM-122 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission a également adopté les amendements suivants du rapporteur :
La réunion est close à 10 h 05.
Mercredi 14 juin 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 10 h 00.
Organisation de nos travaux
M. François-Noël Buffet, président. - Le Gouvernement a demandé que la discussion de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite que nous allons examiner en séance cet après-midi se poursuive, le cas échéant, au-delà du terme de l'espace réservé au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), afin de clore son examen ce soir.
Communication
M. François-Noël Buffet, président. - La semaine dernière, notre collègue Hussein Bourgi a sollicité l'audition du commandant de la gendarmerie départementale qui avait eu à connaître des menaces et des agressions dont M. Morez, alors maire de Saint-Brévin-les-Pins, avait fait l'objet dans l'exercice de ses fonctions.
Nous avions déjà engagé des démarches en ce sens. Ainsi, nous recevrons mercredi 28 juin prochain, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Christian Rodriguez, et le commandant de la région de gendarmerie des Pays de la Loire, le général Roland Zamora.
Mission conjointe de contrôle, avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Échange de vues, désignation de rapporteurs et demande d'octroi à la commission des lois, pour une durée de six mois, des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête
M. François-Noël Buffet, président. - Vous le savez, Mme Mickaëlle Paty, soeur de Samuel, a écrit au Président du Sénat ainsi qu'à moi-même il y a quelques jours, pour demander une enquête parlementaire sur les raisons de l'absence, selon elle, d'une protection adéquate dont son frère aurait dû bénéficier de la part des services de l'État.
Cette demande s'inscrit à la suite de plusieurs demandes et prises de position de Mme Paty et d'autres membres de sa famille, récemment encore à l'occasion de la polémique sur l'emploi du fonds Marianne. Ces démarches ont déjà abouti à l'ouverture d'une enquête à Paris en avril 2022 pour omission de porter secours.
Il en résulte qu'une commission d'enquête sur la façon dont les services de l'État ont réagi aux menaces dont faisait l'objet Samuel Paty serait donc impossible au regard des dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Toutefois, il est certain que la façon dont sont prises en considération et traitées par les services de l'État les pressions, les menaces ou les agressions dont les enseignants peuvent être l'objet au quotidien - dans les écoles, les collèges, les lycées, voire dans l'enseignement supérieur - est un sujet majeur. Une réponse publique adaptée et rapide au niveau de l'éducation nationale, des forces de sécurité ou de la justice serait de nature à éviter que les enseignants concernés ne soient seuls dans cette confrontation avec des personnes souvent extérieures aux établissements d'enseignement qui, on l'a vu dans cette terrible affaire, peut avoir des conséquences dramatiques.
À défaut de pouvoir évoquer les failles qui seraient intervenues dans la prise en compte du risque encouru par Samuel Paty, un travail d'enquête pourrait être conduit sur les mécanismes de protection aujourd'hui mis en oeuvre pour prévenir le risque d'un crime analogue si ceux-ci paraissent pertinents.
Les éventuelles questions, connexes à cet objet, relatives à la lutte contre le séparatisme et aux atteintes à la laïcité seraient renvoyées aux travaux de contrôle engagés dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois sur l'évaluation de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dont Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien ont été désignées rapporteurs.
L'objet de ce nouveau travail de contrôle justifie la constitution d'une mission conjointe de contrôle avec la commission de la culture et de l'éducation. Et, pour que nous puissions disposer de tous les éléments d'information nécessaires, il me paraît indispensable que les prérogatives de commission d'enquête puissent être utilisées afin de recueillir les témoignages et les documents de toute nature qui paraitraient utiles. C'est pourquoi je vous propose de solliciter ces prérogatives, pour une durée de six mois.
Il conviendrait en conséquence que chacune des commissions désigne un rapporteur, qui pourrait être le président de chacune des deux commissions, à savoir Laurent Lafon et moi-même.
Les auditions pourraient être conduites, en fonction des personnalités concernées, dans le cadre de réunions communes aux deux commissions, ou par les rapporteurs, dans le cadre d'auditions ouvertes, selon l'usage, aux membres des deux commissions qui le souhaiteraient.
Nous pourrions engager nos travaux dès le mois de juillet avec l'audition du ministre de l'éducation nationale, les autres travaux étant conduits au cours du quatrième trimestre 2023.
Mme Laurence Harribey. - La commission des lois et la commission de la culture vont travailler en commun au sein de cette mission d'information ?
M. François-Noël Buffet, président. - Les deux commissions constituent une mission conjointe de contrôle et demandent chacune à bénéficier des prérogatives de commission d'enquête à cet effet. Ainsi, tous les membres de ces commissions pourront participer aux travaux.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je vous remercie de constituer cette mission commune d'information. Samuel Paty a été décapité dans le Val-d'Oise, cet assassinat est douloureux pour les habitants de ce département et pour nombre de Français. Sans polémique, il convient d'évaluer les dysfonctionnements pour comprendre pourquoi cet homme, qui vivait avec un marteau dans son sac parce qu'il avait peur, a été abandonné. Il importe d'interroger les syndicats enseignants, les parents d'élèves.
M. Henri Leroy. - Enfin, nous allons nous pencher sur un cas d'espèce qui a fait l'objet d'un livre, fruit d'une enquête remarquable, en mettant au jour des dysfonctionnements possibles non seulement au sein de l'éducation nationale, mais surtout au sein de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Cette direction, à l'instar des services de la police judiciaire de Versailles, suivait ce dossier. Alors que des menaces avaient été proférées sur les réseaux sociaux, notamment par un individu fiché S, l'un des plus actifs sur les réseaux, un autre futur ou soi-disant imam a attisé la haine en permanence.
Ce livre qui retrace les dix derniers jours de Samuel Paty montre que les autorités, à quelque niveau qu'elles soient, n'ont pas pris les précautions élémentaires non seulement pour le protéger, mais au moins pour le mettre à l'abri, ce qui se fait très souvent lorsque la pression monte.
Dans cette affaire, tous les protagonistes ont été récompensés : certains ont reçu la Légion d'honneur, d'autres ont été mutés avec promotion. La moindre des choses est que nous engagions un travail de contrôle. La soeur de Samuel Paty est déterminée à savoir au moins pourquoi son frère n'a pas bénéficié de la protection élémentaire de toute personne menacée de mort.
Mme Nathalie Goulet. - Nos deux commissions sont parfaitement fondées à satisfaire à cette demande.
Ce sujet est éminemment important, le meurtre de Samuel Paty restera dans toutes les mémoires. Mais, au-delà, je veux dire que nous avons été plusieurs à alerter le Gouvernement sur les ratés de la déradicalisation et les déficiences de l'ensemble du système et à faire des propositions. Les dispositifs mis en place pour endiguer un phénomène qui est certes moins apparent aujourd'hui, mais qui demeure dangereux, sont trompeurs.
M. François-Noël Buffet, président. - Vous pourrez tous contribuer activement aux travaux de cette mission.
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur.
Elle demande au Sénat de lui octroyer les prérogatives d'une commission d'enquête, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 22 ter du Règlement du Sénat.
Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 10 vise à revoir l'appellation de secrétaire de mairie en fonction de la catégorie. Je suis persuadée de la nécessité de consacrer l'emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B. Le Gouvernement s'est engagé à prendre des mesures réglementaires pour garantir qu'à compter de l'expiration du plan de requalification, seuls des agents de catégorie B au moins pourront être nommés aux emplois de secrétaire de mairie. Dès lors, il ne m'apparaît pas opportun d'inscrire dans la loi que des agents de catégorie C peuvent être nommés secrétaires de mairie. C'est pourquoi j'émettrai un avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 10, de même que sur l'amendement no 2.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 18 n'aura plus d'objet si l'amendement n° 10 est adopté. Pour l'heure, avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 18.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis également de sagesse sur l'amendement n° 3. Tout dépendra également du vote sur le premier amendement.
Mme Marie Mercier. - Il conviendrait plutôt de revoir le statut de la fonction publique territoriale dans sa globalité.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 3.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement n° 13 rectifié, qui veulent fidéliser les secrétaires de mairie et s'assurer que ces agents continuent d'exercer dans la commune dans laquelle elles ont bénéficié d'une promotion interne. Toutefois, la rédaction actuelle ne me semble pas opérante dans la mesure où elle prévoit uniquement que l'agent occupe un emploi de secrétaire général de mairie, quelle que soit la commune. De plus, cet amendement vise le directeur général des services. Or, il s'agit d'un emploi fonctionnel, dont l'occupation ne relève pas de la seule décision de l'agent, mais dépend surtout de l'autorité territoriale, qui est libre de maintenir ou pas l'agent. C'est pourquoi mon avis est défavorable.
Mme Marie Mercier. - Le secrétaire de mairie forme un binôme avec le maire. Il peut être effectivement compliqué de prévoir l'obligation d'occuper un poste de secrétaire général ou de directeur général des services pendant trois ans.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 19. Il ne revient pas aux centres de gestion de définir les modalités d'application de cet article. Celles-ci doivent être définies par décret. De plus, si le centre de gestion avait son mot à dire, il le ferait au travers des lignes directrices de gestion, soumises à l'avis du comité social territorial, et non par la commission administrative paritaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 12 sera déclaré irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution, sauf si le Gouvernement se prononce explicitement en sa faveur. C'est pourquoi je m'en remets à l'avis du Gouvernement et émets d'ici là un avis de sagesse.
M. Alain Richard. - Il faudrait que le Gouvernement dépose un amendement en ce sens.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. -Le Gouvernement peut aussi s'engagerlors de la discussion générale, en faveur de la disposition, ce qui lèverait l'irrecevabilité de l'article 40.
Mme Françoise Gatel. - Je rappelle le contexte dans lequel les secrétaires de mairie exercent leurs fonctions. La faible reconnaissance de ce poste participe du désenchantement des maires. Pour illustrer mon propos, dans l'Ille-et-Vilaine, un recours a été déposé contre un plan local d'urbanisme (PLU), car la secrétaire de mairie avait expédié les documents officiels vingt-quatre heures après la date légale. C'est dire la responsabilité des secrétaires de mairie, qui sont pourtant, le plus souvent, seulement à temps partiel ou non complet. Actuellement, 1 900 postes ne sont pas pourvus ; 30 % des secrétaires de mairie partiront à la retraite d'ici à 2030.
Aussi, je veux attirer votre attention. Aujourd'hui, le poste de secrétaire de mairie n'est pas attractif pour de multiples raisons : la solitude, le temps partiel, l'éloignement et la rémunération. Un autre amendement de Cédric Vial visait à donner à un maire la possibilité de verser une prime de responsabilité, qui coûterait à la collectivité entre 1 500 et 2 000 euros par an. Or le président de la commission des finances considère qu'il s'agit là d'une incitation à la dépense. À force de respecter des normes, nos communes vont mourir. Nous allons finir par desservir la cause des maires.
M. Jérôme Durain. - Nous sommes sur une ligne de crête avec certains amendements, car nous cherchons à élargir le cadre en traitant de questions de reconnaissance, de formation, de parcours professionnel, d'accompagnement. La fonction de secrétaire de mairie appelant des compétences particulières, nous voulons faire passer cet emploi de catégorie C aux catégories B ou A. Nos amendements sont aussi des amendements d'appel, et je remercie le rapporteur de ses avis de sagesse. Nous souhaitons solliciter le Gouvernement en séance.
Mme Marie Mercier. - Je partage les propos de mes collègues, mais n'oublions pas que certains maires de communes rurales sont parfois malmenés par leurs secrétaires de mairie, qui peuvent prendre la main lorsqu'ils ne connaissent pas les rouages de l'administration. La situation n'est pas toujours aussi tranchée qu'elle y paraît.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - J'attends l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui vise uniquement à faciliter la promotion interne, je le rappelle. D'ici là, ce sera un avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 12.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 33 rectifié, qui complète la rédaction de cet article.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 33 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis de sagesse sur l'amendement n° 4. Il deviendra sans objet si l'amendement du Gouvernement est adopté.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 4.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 28 et 35.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 28 et 35.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 36 concerne la date de l'entrée en vigueur de l'article 2. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 37, qui vise à assimiler un emploi de secrétaire de mairie à un emploi fonctionnel.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je propose un sous-amendement de précision à l'amendement n° 14 rectifié de M. Vial pour renvoyer à la dénomination issue des travaux de notre commission à l'article 1er A. S'il est adopté, j'émettrai un avis favorable à cet amendement.
Le sous-amendement n° 38 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14 rectifié, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 38.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 9 qui est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les amendements nos 5 et 15 rectifié concernent là encore le changement d'appellation. Tout dépendra du vote intervenu préalablement. Avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 5 et 15 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié, qui prévoit un rapport. Celui-ci sera très utile pour envisager de créer enfin une véritable filière de formation pour les secrétaires de mairie.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 29 s'il est rectifié pour le rendre identique à l'amendement n° 11, car il porte sur le même sujet.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 29, sous réserve de rectification.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 34.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - J'émets là encore un avis de sagesse sur les amendements nos 6 et 16 rectifié, qui concernent le changement d'appellation.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 6 et 16 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 30 visant à rétablir l'article 3.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - J'émets de nouveau un avis de sagesse sur les amendements nos 7 et 17 rectifié, qui visent le changement d'appellation.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 7 et 17 rectifié.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 25 tend à modifier le seuil de population. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 25 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 20 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n° 31 demandeun rapport sur la requalification en catégories A et B des emplois de secrétaire de mairie. Cette demande me semble utile. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 31.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 26, car la dénomination de « responsable de l'administration centrale » risquerait d'entraîner une confusion avec le rôle de maire. En revanche, j'émets un avis de sagesse sur l'amendement n° 8, dans l'attente du vote d'un éventuel changement d'intitulé.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 8.
Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Article additionnel après l'article 2 |
||
Mme DI FOLCO, rapporteur |
38 |
Adopté |
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale visant à protéger les logements contre l'occupation illicite - Examen des amendements au texte de la commission (deuxième lecture)
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, en deuxième lecture.
EXAMEN DE LA MOTION
M. André Reichardt, rapporteur. - Je veux dire d'emblée que je souhaite un vote conforme sur ce texte. Aussi, je serai défavorable à l'ensemble des amendements.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 5 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. André Reichardt, rapporteur. - Les amendements identiques nos 6 et 23 sont contraires à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 6 et 23.
M. André Reichardt, rapporteur. - L'amendement n° 11 vise à abaisser l'amende encourue en cas de maintien dans le logement malgré le prononcé d'une décision de justice devenue définitive. Nous avons déjà supprimé la peine de six mois de prison. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 21. Le préfet prend en considération la situation personnelle de l'occupant avant de procéder à la mise en demeure.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
M. André Reichardt, rapporteur. - Les amendements identiques nos 8 et 17 visent à rétablir le caractère expérimental de dispositif d'occupation temporaire de locaux vacants. Avis défavorable, cette expérimentation a déjà été prorogée à trois reprises.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 8 et 17.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos 27 et 28, car ils auraient pour effet de dissuader les propriétaires de locaux vacants de les mettre à disposition pour une occupation temporaire.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 27 et 28.
M. André Reichardt, rapporteur. - Il a été difficile de trouver un compromis avec l'Assemblée nationale sur l'article 4. Restons-en là. Aussi, je suis défavorable à l'amendement n° 7, aux amendements identiques nos 18 et 30, aux amendements identiques nos 19 et 31 et à l'amendement n° 14.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7, aux amendements identiques nos 18 et 30, aux amendements identiques nos 19 et 31 et à l'amendement n° 14.
La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La commission donne les avis suivants :
La réunion, suspendue à 10 h 35, est reprise à 10 h 40.
Rapport d'activité pour 2022 - Audition de Mme Claire Hédon, défenseure des droits
M. François-Noël Buffet, président. - Nous accueillons ce matin Madame Claire Hédon afin qu'elle nous présente son rapport annuel, dont la publication est intervenue le 17 avril dernier. Avant de vous laisser en exposer les principaux points, je souhaiterais rappeler brièvement quelques éléments de contexte.
Le Défenseur des droits, en tant qu'institution, est désormais solidement ancré dans notre paysage institutionnel et de plus en plus identifié par nos concitoyens. Les statistiques d'activité le montrent puisqu'ils sont de plus en plus nombreux à vous solliciter. Ils étaient 226 000 en 2022, en augmentation de 9 % par rapport à 2021. La barre des 100 000 appels aux différentes plateformes anti-discriminations que vous gérez a également été franchie.
Je voudrais m'attarder sur trois éléments figurant dans votre rapport qui font directement écho aux travaux récents de la commission des lois.
Le premier concerne la question de l'accès au service public des étrangers, qui fait l'objet de nombreux développements dans mon rapport de mai 2022 intitulé Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité. Un an après cette alerte, vos travaux révèlent malheureusement la longueur du chemin qui reste à parcourir sur ce sujet. Ainsi, vous relevez une hausse de 230 % des réclamations des étrangers depuis 2019 et même de 450 % en Île-de-France. La plupart d'entre elles concernent la désormais tristement célèbre problématique des rendez-vous en préfecture, qui est à l'origine d'un contentieux étonnant. Nous le savons tous, décrocher un rendez-vous peut en effet être une gageure dans certains territoires - vous évoquez le nombre d'une quinzaine de préfectures dans votre rapport. Si la dématérialisation des procédures contribuera, à terme, à résorber les difficultés, force est de constater que sa mise en oeuvre à grande vitesse s'est heurtée au principe de réalité... Peut-être pourriez-vous revenir dans votre propos sur ce sujet, qui nous préoccupe fortement.
Un autre fait marquant de l'année 2022 est l'entrée en vigueur du nouveau régime de protection des lanceurs d'alerte. À l'initiative de notre collègue Catherine Di Folco, le Sénat avait souhaité placer le Défenseur des droits au coeur du système. De premières évolutions sont déjà visibles, avec une augmentation de 51 % des réclamations relatives à l'orientation et à la protection des lanceurs d'alerte. Ces premières tendances sont encourageantes et nous observerons la suite avec vigilance.
Je souhaiterais enfin aborder la question de la réforme des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Vous portez une appréciation sévère sur l'extension de cette procédure à de nouveaux délits que le Sénat avait admise, tout en s'opposant à la généralisation souhaitée par le Gouvernement. La position du Sénat est en effet que ces modalités peuvent être adaptées à certaines infractions que nous qualifions de « basse intensité » qui, sinon, ne font guère l'objet de poursuites en pratique. Pourriez-vous préciser votre position sur ce point ? Avez-vous déjà observé les effets de l'entrée en vigueur de ces « AFD nouvelle génération » ?
Mme Claire Hédon, défenseure des droits. - Monsieur le président, Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs, je tiens à vous remercier de m'accueillir aujourd'hui, comme chaque année, pour présenter notre rapport annuel. Ce dernier présente un état de la société et va bien au-delà de la présentation de l'activité de notre institution.
Je suis accompagnée de George Pau-Langevin, mon adjointe chargée de la lutte contre les discriminations, d'Éric Delemar, Défenseur des enfants et de Mireille Le Corre, Secrétaire générale issue du Conseil d'État.
Ce rapport est un moment important dans la vie de l'institution, qui rend compte de notre activité. Comme le prévoit la Constitution, il m'appartient de le remettre au Président de la République, que je verrai au début du mois de juillet, ainsi qu'au Parlement. Le rapport que je vous présente est révélateur d'une partie des atteintes aux droits et des difficultés vécues par de nombreuses personnes. Nous sommes une autorité administrative chargée de défendre les droits et les libertés, dont l'existence découle du texte constitutionnel. Nous avons deux missions :
- traiter les réclamations que nous recevons, et qui sont en augmentation - comme vous l'avez mentionné, nous sommes à près de 226 000 en 2022 ;
- mais aussi promouvoir les droits et les libertés, d'où l'intérêt de produire des rapports et des préconisations à partir des difficultés que nous observons dans l'objectif de les résorber.
Vous connaissez nos cinq domaines de compétences : la lutte contre les discriminations, la protection des droits des enfants, la protection et l'orientation des lanceurs d'alerte, le contrôle externe de déontologie des forces de sécurité et le respect des droits des usagers du service public, ce dernier champ de compétence concentrant 85% de nos réclamations.
Si ces missions présentent une grande diversité, elles se complètent également en un point commun : la défense des droits et des libertés. Il s'agit à la fois du point de départ et de l'aboutissement de chacune de nos missions. C'est à la fois la boussole qui nous guide quotidiennement et, dans un contexte où ils sont en danger, notre raison d'être.
Pour mener à bien nos missions, le législateur nous a confié des pouvoirs de médiation, d'enquête et de recommandation. En pratique, nous traitons une grande partie des réclamations par le biais de la médiation.
Nous disposons de 250 agents, situés majoritairement au siège. Les pôles régionaux sont composés de 570 délégués bénévoles qui perçoivent une indemnité et qui traitent plus de 80 % des réclamations, en particulier celles relevant des droits des usagers du service public. Nous disposons également de 120 jeunes ambassadeurs et ambassadrices des droits, qui interviennent dans les écoles, les collèges et les lycées pour parler des droits de l'enfant et des luttes contre les discriminations. Nous pourrons y revenir car ils sont fortement interpellés sur les questions touchant au harcèlement scolaire.
Nos constats sont fondés sur un travail rigoureux, réalisés à partir de situations individuelles d'atteintes aux droits. Ces dernières, décrites dans le rapport, sont en augmentation, puisque nous en avons reçu 126 000 cette année, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2021. Pour rappel, nous avions reçu 100 000 réclamations en 2020 et 115 000 l'an dernier.
L'actualité m'a conduite à m'exprimer régulièrement ces derniers temps sur notre rôle de contrôle externe des forces de sécurité, point sur lequel je reviendrai dans ce propos introductif.
Je souhaiterais tout d'abord commenter devant vous notre action dans nos différents champs de compétences, en débutant par la question de l'accès au service public et des droits des usagers du service public.
Je suis frappée par l'éloignement des services publics. Cette question vous intéresse particulièrement, compte tenu de votre ancrage dans les territoires. Les services publics incarnent l'accès aux droits, ils ont pour mission de les rendre concrets et accessibles.
Or, nous constatons de manière persistante la déshumanisation des services publics. Elle se traduit par une dégradation des relations avec les usagers : l'absence de réponse des administrations entraine la résignation, le non recours et la perte de droits pour les usagers. Par ce constat, je ne mets absolument pas en cause l'action des agents publics mais, bien au contraire, le manque d'agents publics, c'est-à-dire leur effacement du fait d'une dématérialisation excessive.
La relation avec les services publics est notre quotidien à tous et les difficultés dans cette relation peuvent tous nous concerner. Qu'il s'agisse de l'école, de la caisse d'allocation familiale, des impôts, de l'assurance-maladie, de Pôle emploi ou encore de la commune, nous pouvons nous trouver, à différents moments de notre vie, dans une situation d'incompréhension vis-à-vis de l'administration. Les conséquences de ces situations sont redoutables, en particulier pour les personnes vulnérables et quand elles se traduisent notamment par des ruptures de droits sociaux.
Ces difficultés sont renforcées par la dématérialisation, qui est l'une des expressions du recul des services publics. Les droits ne peuvent être garantis qu'en présence de personnes physiques pour répondre aux situations particulières. Si la dématérialisation est une chance et qu'elle peut simplifier des démarches, ce n'est qu'à la condition de conserver l'accès à un accueil et à une personne. Cette politique publique a été menée sans évaluation globale préalable. Son coût et son efficacité n'ont pas été mesurés.
Par deux rapports publiés en 2019 en 2022, nous avons précisément décrit les atteintes aux droits qui découlent de la dématérialisation des services publics. Ils ont contribué à la prise de conscience des enjeux liés à la transformation de nos services publics. La dématérialisation se fait au prix de l'exclusion de certaines personnes.
Les derniers chiffres du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) montrent que 16,5 millions de personnes sont éloignées du numérique, soit 31,5 % des Français de plus de 18 ans, ce qui représente près d'un tiers de la population française. Parmi elles, 11,5 millions de personnes sont en difficulté avec le numérique et 4 millions de personnes n'ont pas accès à internet.
Même si c'est une chance pour un grand nombre d'entre nous, la dématérialisation s'accompagne d'un report sur l'usager d'un certain nombre de tâches qui incombaient auparavant à l'administration. Il est demandé à l'usager de s'adapter, alors que le principe même du service public est de s'adapter à l'usager. L'usager doit s'équiper, se former, être capable d'effectuer des démarches en ligne, tout en comprenant le langage administratif et sans commettre d'erreur.
Cela pose la question du service public que nous voulons. Le premier défi que doit relever la transformation numérique des services publics est de garantir leur accessibilité dans le respect des principes qui le guident et en particulier le principe d'égalité.
Aujourd'hui, nous constatons que les alternatives au numérique sont très insuffisantes. Avec l'Institut national de la consommation, nous avons mené une étude sur l'évaluation des réponses apportées aux usagers par les plateformes téléphoniques de quatre services publics : les résultats montrent que sur les 1 500 appels passés, 40 % n'ont pas abouti. En outre, un certain nombre de réponses apportées étaient incorrectes et pouvaient induire l'usager en erreur.
Nous disons souvent des personnes qu'elles sont éloignées du droit, mais j'ai vraiment l'impression que c'est le service public qui s'est éloigné d'elles, notamment des plus vulnérables, des plus pauvres, en faisant peser sur elles une charge administrative, matérielle et mentale très lourde. Je pense également aux personnes âgées qui se trouvent très démunies face à cette dématérialisation.
La dématérialisation ne peut être considérée comme un progrès si elle exclut et déshumanise le service public. Alors que 28 % de la population éprouve des difficultés face au service public, il est primordial que ce dernier s'adapte et non l'inverse.
Je pense particulièrement à une personne âgée qui devait changer sa chaudière. Pour cela, elle pouvait bénéficier du dispositif MaPrimeRénov'. Elle a donc créé un compte sur le site internet de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et malgré plusieurs tentatives, elle n'est pas parvenue à compléter son dossier en raison de dysfonctionnements sur le site internet. Entre temps, sa chaudière a cessé de fonctionner. Elle s'est trouvée privée d'eau chaude et de chauffage en plein hiver. Elle a donc effectué les travaux avant la réponse de l'Anah, ce qui a eu pour conséquence de la priver du bénéfice de MaPrimeRénov', puisqu'il faut d'abord obtenir l'accord avant d'engager les travaux. Cet exemple est particulièrement éloquent : une personne âgée se trouve privée d'une aide financière à laquelle elle a droit en raison d'un dysfonctionnement technique de la plateforme. La procédure de demande a été entièrement dématérialisée sans alternative. L'intervention d'un délégué du Défenseur des droits a finalement permis le versement de l'aide, mais nous avons reçu des centaines de réclamations similaires. Nous avons constaté de nombreux écueils dans le traitement des demandes, des problèmes techniques sur la plateforme, des défauts d'information et des délais de traitement et des difficultés liés à la dématérialisation totale de la procédure. Ces entraves ont entrainé d'importantes conséquences pour les usagers et pour respecter les droits, les services publics ne peuvent être intégralement et exclusivement dématérialisés.
À partir des enquêtes que nous avons menées, nous avons émis un certain nombre de recommandations à l'Anah et je suis heureuse de voir que le dépôt papier sera possible à partir de janvier 2024 dans les espaces « France Services ». Il s'agissait de l'une de nos préconisations. Nous préconisions aussi une meilleure information et si des progrès ont été faits en la matière, nous continuons tout de même à recevoir des réclamations. Quand je rencontre nos délégués sur le territoire, ils m'interpellent régulièrement sur l'absence de réponse de l'Anah à leur saisine.
Les réclamations soulignent également que la dématérialisation touche en particulier des personnes en situation de vulnérabilité et contribue aussi à créer de nouvelles vulnérabilités. Je pense notamment à la situation des personnes étrangères qui rencontrent de nombreux obstacles pour accéder à leurs droits et aux préfectures. Comme vous l'avez souligné, le droit des étrangers est devenu le premier domaine de réclamations auprès de l'institution : il représente près d'un quart des réclamations en 2022 et 30 % d'entre elles depuis le début de l'année. Cela ne cesse d'augmenter.
Dans la majorité des cas, il s'agit de personnes qui cherchent à renouveler leur carte de séjour et qui l'obtiendront mais qui n'arrivent pas à avoir de rendez-vous en préfecture. Cela a des conséquences excessivement délétères. Nous avons plusieurs exemples de cas concrets où les personnes perdent leur emploi ou leur logement. Je peux vous donner aussi l'exemple d'une jeune fille qui ne pouvait pas passer son certificat d'aptitude professionnelle « Petite Enfance » - alors même qu'il s'agit d'un métier en tension dont nous avons besoin -, parce qu'elle n'a pas été en mesure de récupérer à temps sa carte de séjour dont elle a besoin pour passer l'examen.
Ces situations sont inacceptables et ont pour conséquence de placer des gens qui étaient jusqu'alors en situation régulière, en situation irrégulière. Je n'accuse aucunement les agents dans les préfectures qui font aux mieux. Comme le souligne la Cour des comptes, la réduction des effectifs a été beaucoup trop importante. À l'occasion de mes échanges avec les préfets, j'ai également été alertée sur la réduction des effectifs, qui rend impossible le bon traitement des dossiers.
La dématérialisation a eu une autre conséquence sur les droits des usagers du service public. Elle a masqué l'indignité. Auparavant, nous pouvions mesurer visuellement les difficultés par l'attente devant les préfectures, tandis qu'aujourd'hui, la queue est devant l'ordinateur pour essayer de trouver un rendez-vous en préfecture.
Je le répète, le service public doit toujours conserver son rôle de soutien et de service au public. Ces conséquences de la dématérialisation empêchent l'accès de nombreux usagers aux services publics. Elles sont graves individuellement, comme vous avez pu le constater par les exemples que je vous ai cités, mais aussi collectivement, car la population ne voit plus l'incarnation du principe d'égalité et perd confiance en la puissance publique.
Nous sommes confrontés à un dysfonctionnement structurel que mon institution, avec ses moyens, ne peut pas palier seule, et qui, surtout, n'en a pas la vocation. Nous ne pouvons et ne devons pas nous substituer au service public. Notre rôle est de répondre aux réclamations individuelles, de révéler des atteintes aux droits et de faire des recommandations pour que les pouvoirs publics s'en saisissent.
Sans réaction, mon institution risque l'embolie. Elle ne pourra plus être en mesure de répondre aux personnes qui s'adressent à elle. Est-ce normal qu'un usager soit obligé de nous saisir simplement pour obtenir un rendez-vous en préfecture ? Je pense que ce système dysfonctionne et je dis que je n'ai pas vocation à devenir le « Doctolib » des rendez-vous en préfecture. Le problème doit être résolu à la source, au niveau des préfectures.
Face à cette forme de déshumanisation des services publics, nous mettons tout en oeuvre pour aller au plus près des personnes qui en ont besoin.
Nous sommes ainsi joignables par courrier, par courriel, par téléphone et partout en France avec 570 délégués qui tiennent des permanences dans plus de 990 points d'accueil que sont les préfectures ou les maisons de la justice et du droit. Nous continuons de créer de nouvelles permanences dans les locaux d'associations caritatives, dans les centres sociaux, dans des espaces France Service, dans des tiers lieux et des missions locales. Nous nous fixons l'objectif d'être toujours plus accessibles, afin de garantir à chacun le respect de ses droits.
Avec leurs permanences, les délégués comblent un manque dont souffrent de plus en plus nos services publics : la présence de guichets, qui permettent un accueil physique et une écoute. Grâce à l'implication et à l'action de ces mêmes délégués, 75 % de nos médiations ont abouti en 2022.
Nous faisons en sorte d'être joignables par téléphone. Près de 8 000 appels mensuels, avec un taux de décroché de plus de 90 %, sont reçus sur notre plateforme téléphonique généraliste. Nous avons également mis en place un numéro dédié et gratuit pour les personnes détenues, le 31 41. À la demande du Président de la République, nous avons créé la plateforme antidiscriminations.fr et un numéro de téléphone, le 39 28, pour aider et accompagner les victimes et témoins de discriminations. Elle offre la possibilité pour les victimes d'être entendues et d'obtenir des réponses personnalisées. Les écoutants y consacrent le temps nécessaire, de nombreux appels durent plus de trois-quarts d'heure.
Malgré l'augmentation des réclamations, j'ai conscience que nous sommes encore mal connus. Le grand public ne sait pas forcément qu'il peut nous saisir. Nous déployons ainsi des campagnes de communication pour faire connaître l'institution.
Je voudrais désormais aborder le deuxième point sur la nécessaire défense des droits de l'enfant.
Nous constatons trop souvent que les enfants ne sont pas considérés comme des sujets de droit. Nous intervenons pour des enfants qui n'ont pas accès au logement, à l'éducation, à la cantine, à la protection à laquelle ils ont droit.
Je vous rappelle que le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a publié ses observations finales sur l'application de la convention internationale des droits de l'enfant par la France, le 2 juin. Il enjoint la France d'adopter des mesures urgentes dans six domaines.
Malgré des progrès, la scolarisation des enfants en situation de handicap est encore très insuffisante. Au-delà de l'augmentation du nombre d'accompagnants d'élèves en situation de handicap, les pouvoirs publics doivent rendre possible la formation des enseignants pour mieux garantir l'effectivité des droits de l'enfant. Au lieu de s'adapter à l'enfant, le système scolaire demande à l'enfant et à sa famille de s'adapter.
Nous voyons encore trop d'enfants privés de liberté en centre de rétention administrative, parfois rattachés arbitrairement à un tiers pour être retenus, notamment à Mayotte.
Je m'attarde quelques instants sur Mayotte où les atteintes aux droits sont particulièrement fréquentes et graves. À cet égard, les actions liées à l'opération dite Wuambushu m'inquiètent particulièrement et nous y attachons la plus grande vigilance. J'ai saisi à ce sujet le ministre de l'intérieur et les autres ministres concernés par des risques d'atteinte aux droits. J'ai souhaité qu'une délégation de juristes de l'institution se rende sur place.
Notre préoccupation porte sur deux points : d'une part, les conditions des décasages, alors même que le nombre de constructions est très insuffisant pour que des familles soient relogées et, d'autre part, les conditions d'éloignement de personnes étrangères, notamment en matière de droit au recours et de rétention dans les centres et lieux de rétention administrative.
À cet égard, je rappelle que la France vient d'être encore condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour la rétention d'enfants en centre de rétention administrative. Le projet de loi relatif à l'immigration, que votre commission a examiné, comporte une disposition pour y mettre fin mais seulement en 2028 et pour les mineurs jusqu'à 16 ans, et non jusqu'à 18 ans comme nous le préconisons.
S'agissant des droits de l'enfant toujours, nous constatons que les enfants qui doivent être protégés ne le sont pas suffisamment. Je suis particulièrement inquiète de l'état de la protection de l'enfance qui ne parvient plus, aujourd'hui, à jouer son rôle. Des juridictions dont les décisions ne sont pas exécutées, un manque de places en foyer et d'assistants familiaux, des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert prises en charge dans des délais pouvant excéder six mois, des ruptures dans les parcours des enfants, des changements de familles d'accueil sans aucune préparation de l'enfant ou considération pour le lien d'attachement construit entre l'enfant et sa famille d'accueil ... telles sont les situations extrêmement préoccupantes que nous constatons et qui portent atteinte aux droits des enfants.
Là encore, nous sommes face à des problèmes systémiques. Nous publions des recommandations qui nécessitent des réponses des pouvoirs publics à la hauteur des enjeux de la protection des enfants et du respect de leurs droits.
J'en viens au troisième point que je souhaitais aborder avec vous : le nécessaire respect des droits par les forces de sécurité. Le législateur a fait du Défenseur des droits le contrôleur indépendant des policiers, des gendarmes, des surveillants pénitentiaires, des agents de sécurité privée et de toutes les personnes exerçant une activité de sécurité.
La situation des derniers mois m'a conduite à réexpliquer le rôle de mon institution en tant que contrôleur indépendant de la déontologie des forces de sécurité. Cette fonction me paraît essentielle dans une démocratie et un État de droit.
La première exigence déontologique est ainsi le respect du droit par les policiers et les gendarmes. Ils sont au service de la loi, des institutions et de la population. Nous avons rendu, en 2022, deux décisions pour des faits qui mettent directement en cause ces principes. Je pense à la destruction par des bulldozers ou même par le feu par des policiers, en dehors de tout cadre légal, de logements de familles vivant dans des baraquements. Les conséquences sont lourdes. Les personnes se voient privées de leur logement, de leurs effets personnels et de tous les accompagnements que prévoit la loi en matière de santé et de scolarisation des enfants. Grâce à la rigueur de nos enquêtes et à notre indépendance, nous avons pu faire la lumière sur ces faits et sur les responsabilités qui y sont attachées.
Depuis plus de vingt ans, le Défenseur des droits et, avant lui, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), enquête sur le comportement des policiers et des gendarmes. Pour établir la confiance entre les acteurs de la sécurité et les citoyens, le législateur a jugé nécessaire un contrôle indépendant et transparent. Il a également considéré que le respect de la déontologie est particulièrement nécessaire au regard des responsabilités et prérogatives que les forces de l'ordre détiennent.
Nous avons publié de nombreuses décisions sur des comportements de policiers et gendarmes, ainsi que sur le rôle de leur hiérarchie, et des avis sur le maintien de l'ordre. Au cours des manifestations des dernières années, nous avons constaté des privations de liberté arbitraires et des dissimulations du visage de policiers contraires à la loi. Nous avons rendu plusieurs décisions sur l'usage de la force et des armes dites de force intermédiaire comme le lanceur de balles de défense. Nous avons publié un rapport intitulé Le maintien de l'ordre au regard des règles de déontologie, remis au président de l'Assemblée nationale en janvier 2018. Nous avons pris position sur le schéma national du maintien de l'ordre et sur plusieurs textes de lois, comme la loi dite de « sécurité globale ».
C'est fort de cette expertise et des pouvoirs que nous donnent la Constitution et la loi organique que nous traitons les réclamations que nous avons reçues - 169 à ce jour - sur le comportement de policiers et de gendarmes lors des manifestations sur la réforme des retraites des dernières semaines. Les témoignages et images qui nous parviennent laissent penser que des droits ont été bafoués. Ma crainte est que la répétition de tels actes contribue à rendre habituel l'inacceptable. Le risque est d'installer une logique de face-à-face dans la durée, pouvant entraîner des atteintes à la liberté de manifester, à l'intégrité physique et à la vie. Je le rappelle : la sécurité des manifestants, des policiers et des gendarmes, ainsi que la garantie de la liberté de manifester sont de la responsabilité de l'État.
Le respect sans faille de la déontologie est la condition de la légitimité des interventions des forces de sécurité dans la durée. Nous contribuons donc, par notre travail, à conforter cette légitimité en veillant sur le respect de la déontologie. Nous mènerons des enquêtes impartiales et contradictoires pour ces faits, en prenant le temps nécessaire. J'ai conscience qu'il y a un décalage entre le temps médiatique et le temps permettant de publier des décisions résultant d'enquêtes abouties. Si ces questions prennent une telle place dans le débat politique et médiatique, c'est que notre société toute entière s'en trouve abîmée, ébranlée dans ses repères et dans la confiance en ses institutions.
Par notre action, je suis convaincue que nous contribuons à préserver les repères indispensables, ceux de la loi, des droits et des libertés. Je rappelle combien le respect de la liberté de manifester et de la liberté d'association doit être garanti. Je m'inquiète, à cet égard, d'un climat qui contribue à fragiliser l'édifice démocratique. Un contrôle indépendant est toujours plus nécessaire, même s'il fait l'objet d'attaques. Nous participons, dès lors, au débat démocratique en rendant publics nos décisions et ce rapport annuel.
La défense des droits et libertés passe également par la lutte contre les discriminations, qui fait l'objet d'un quatrième point.
Le deuxième volet de la grande enquête Trajectoires et origines dite « TeO », réalisée par l'Ined et l'Insee avec notre soutien, montre l'ampleur des discriminations et leur augmentation. 19 % des personnes de 18 à 49 ans ont déclaré avoir subi des discriminations au cours des cinq dernières années. Cette part était de 14 % en 2008. L'enquête permet d'affirmer que la discrimination est très présente dans notre pays et qu'elle ne régresse pas. Elle témoigne également d'un manque d'intervention des pouvoirs publics dans la lutte contre les discriminations.
Nous réalisons également chaque année un baromètre des discriminations avec l'Organisation internationale du travail. L'édition de 2022 a été consacrée aux personnes employées par le secteur des services à la personne et révèle les discriminations qu'elles subissent.
Sans ce type d'étude, une bonne part des discriminations serait invisible, car les recours juridiques sont très rares. En 2022, seulement 6 500 saisines pour des discriminations ont été reçues par notre institution. C'est trop peu ! Nos saisines ne sont que la partie émergée de l'iceberg. L'ampleur des discriminations ne se reflète pas dans le nombre de démarches effectuées par les victimes. Il y a une forme de fatalisme et surtout une crainte des représailles.
Nous agissons par voie d'enquête et de médiation pour lutter contre les discriminations dans le cadre des saisines que nous recevons. C'est le cas d'un professeur de guitare qu'une commune a refusé d'embaucher car il allait devenir père et prendre son congé paternité de 28 jours. Nous avons constaté la discrimination et obtenu qu'il soit indemnisé.
Le Défenseur des droits est un recours en la matière et le site antidiscriminations.fr comme le numéro de téléphone 39 28 sont dédiés à ces questions.
Nous devons toujours rappeler que l'égalité est un principe fondamental et la discrimination une infraction. Il y a urgence à faire de la lutte contre les discriminations une priorité politique. Il faut combattre les discriminations, car elles sont une souffrance et une injustice pour les personnes qui les subissent. Elles entravent leurs parcours de vie et leurs possibilités de se réaliser en tant qu'individus.
Je terminerai par la dernière compétence que la loi nous a confiée, celle de l'orientation et de la protection des lanceurs d'alerte.
Nous connaissons l'importance des lanceurs d'alerte pour le respect du droit et la préservation de l'intérêt général. Depuis 2016, la loi confie au Défenseur des droits la mission de les protéger et de les orienter. Notre rôle a été renforcé avec la loi du 21 mars 2022 visant à renforcer la protection des lanceurs d'alerte. Cette loi a conféré un nouveau pouvoir au Défenseur des droits, celui de délivrer une certification de la qualité de lanceur d'alerte. Nous venons de publier un guide complet sur le sujet.
Nous recevons actuellement environ une saisine par jour dans ce domaine. Ainsi, alors que le nombre de réclamations en la matière avait augmenté de 50 % en 2022, il risque encore de doubler voire de tripler cette année. Cette augmentation considérable représente un vrai risque sur la capacité de l'institution à remplir ses fonctions.
Permettez-moi de terminer par un mot d'alerte sur notre organisation et nos moyens d'action. Depuis plusieurs années, les champs d'action du Défenseur des droits n'ont cessé de s'élargir avec l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte, le dispositif anti-discriminations ou encore le suivi des conventions internationales.
Dans ce cadre, l'activité a crû continuellement, se traduisant par une hausse du nombre de réclamations de plus de 70 % depuis 2014. Les 126 000 réclamations reçues en 2022 représentent une augmentation de 29 % par rapport à l'année 2020. Les appels reçus sur la plateforme téléphonique connaissent également une augmentation substantielle avec près de 100 000 appels en 2022.
Dans le même temps, entre 2014 et 2022, le plafond d'emplois de l'institution a augmenté de seulement 13 %. C'est largement insuffisant pour remplir ses missions.
Nous sommes face à un risque prégnant de dégradation du niveau du service rendu et de difficulté, voire d'impossibilité, à satisfaire ou même soutenir les personnes les plus éloignées de leurs droits. Pourtant, en rétablissant les personnes dans leurs droits, nous sommes un facteur de cohésion sociale. C'est pourquoi j'ai alerté la Première ministre de cette situation et je voulais profiter de nos échanges de ce matin pour vous alerter également.
J'ai bien conscience du contexte actuel des finances publiques. Nous avons ainsi transmis des demandes réalistes et précises.
Je constate chaque jour combien nos moyens sont très inférieurs à ceux de nos homologues européens. Pour ne prendre qu'un exemple, l'étude Poldem a mis en exergue que l'indépendance était inversement proportionnelle aux effectifs. Si nous sommes peut-être les plus indépendants en Europe, nous sommes surtout les moins bien lotis. Ces moyens sont nécessaires pour que notre institution agisse comme un élément pacificateur au service de la cohésion sociale de notre pays.
La Constitution nous a chargés de veiller au respect des droits et libertés. J'observe que les droits et libertés, et ceux qui les défendent, sont régulièrement attaqués.
Ce rapport annuel d'activité rappelle que ces droits et libertés ne peuvent être mis au second plan. Ils sont le fondement de notre société et de notre organisation sociale. Placés en préambule de notre Constitution, ils sont essentiels à la démocratie et à l'État de droit.
À travers les situations individuelles que nous recevons, nous contribuons à rétablir les personnes dans leurs droits, mais aussi à renseigner les pouvoirs publics et l'ensemble des citoyens sur les réponses plus globales à apporter pour faire progresser le respect des droits.
Le rapport montre l'efficacité de notre action, en particulier des médiations dans de nombreux domaines, et l'implication sans relâche des agents et des délégués du Défenseur des droits pour obtenir des avancées pour les droits de toutes et tous, pour rappeler sans cesse où se situe l'inacceptable et comment remédier concrètement aux atteintes aux droits.
Mais nous ne pouvons faire face seuls. Nous ne pouvons nous substituer ni aux administrations ni aux pouvoirs publics. La révélation d'atteintes structurelles aux droits doit être prise en compte. Le rapport donne à voir la réalité des épreuves que traversent celles et ceux qui ne parviennent pas à faire respecter leurs droits. Prendre en compte cette réalité est non seulement une exigence démocratique, mais aussi la seule voie pour rétablir la confiance dans nos services publics et nos institutions.
M. François Bonhomme. - Je vous ai écouté avec intérêt et ai lu votre rapport avec attention. C'est, me semble-t-il, la première fois que vous nous présentez un rapport annuel qui dresse le bilan complet de votre activité...
Mme Claire Hédon, défenseure des droits. - J'ai pris mes fonctions en juillet 2020 et ai présenté, tous les ans, mon rapport aux commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale ainsi qu'au Président de la République.
M. François Bonhomme. - Ces précisions ne changeront par le contenu de mes propos.
Votre rapport mêle des sujets très différents. Je partage votre conviction sur les problèmes liés à MaPrimeRénov' et à l'accès au numérique mais il n'en est pas de même sur tous les sujets. L'autorité administrative indépendante que vous incarnez est l'honneur de notre démocratie car elle est la preuve que celle-ci se donne les moyens de son autocritique. Mais de grandes responsabilités vous incombent et en contrepartie de votre indépendance s'impose un objectif d'impartialité.
J'ai quelques réserves à émettre à la lecture de votre rapport, comme les années précédentes. Vous citez l'exemple de maires qui excluent des enfants dont les parents ne payent pas la cantine. Les maires sont déjà des médiateurs. Comme vous, ils cherchent au quotidien à trouver les voies du dialogue mais il arrive que des individus ne respectent pas les règles qui s'imposent à eux. Votre rapport manque de mise en perspective sur ce point. Cela peut paraître anecdotique dans le cas de la gestion des cantines scolaires car ces situations sont, heureusement, très marginales, mais ce n'est pas le cas des autres sujets abordés.
Au-delà de ce que vous écrivez dans votre rapport d'activité, vos prises de position médiatiques m'interpellent, notamment en ce qui concerne le maintien de l'ordre. Vous dites regretter l'escalade de la violence à Sainte-Soline, ce qui laisse penser que la responsabilité de cette situation incombe en premier lieu à l'État pourtant soumis à des contraintes importantes en termes d'usage de la force. Mais vous ne dites rien du recours à la violence par les manifestants qui ont jeté des engins incendiaires et transporté des armes de façon totalement illicite. Vous condamnez l'usage des grenades de désencerclement et des lanceurs de balle de défense qui constituent des armes intermédiaires destinées à éviter l'affrontement. À aucun moment, vous ne mettez les choses en perspective. Cela donne une mauvaise lecture de votre rôle et c'est bien dommage.
Concernant les occupations illicites de logements, sujet qui fait l'objet d'une proposition de loi examinée aujourd'hui même au Sénat, vous avez indiqué dans la presse que ce texte criminaliserait les locataires, ne produirait aucun effet pour les propriétaires et était inutile dans la mesure où de nombreux logements sont vacants. Des personnes âgées, qui découvrent que leur logement est occupé et qui ont épuisé toutes les voies de négociation possibles, sont désespérées. L'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen consacre le droit de la propriété ; c'est donc un droit fondamental que nous devons faire respecter. Pourquoi n'en faites-vous pas état ? C'est également au nom de ce principe que nous devons protéger les réserves d'eau construites dans le respect de la législation et que certains manifestants, qui font une mauvaise lecture de leurs droits, contestent par la violence.
Votre position sur les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) créées en 2016 me préoccupe également. Le Sénat s'est évertué à limiter le recours aux AFD mais il s'agit tout de même d'un outil utile pour pallier les dysfonctionnements de la justice. Les AFD sont appropriées pour traiter les affaires de consommation de cannabis, d'occupation illicite d'immeubles ou encore de déclenchement intempestif d'alarme dans les trains qui empêchent les usagers de circuler normalement. Il existe de nombreux droits à protéger. Il ne suffit pas de dire que vous êtes contre ce dispositif.
J'en terminerai par un dernier exemple frappant : votre vision de la situation migratoire à Mayotte. Vous n'interprétez ce qui s'y passe qu'à l'aune des discriminations subies par les étrangers et des conditions de séjour qui leur sont réservées. Mais la population locale, qui vit dans l'insécurité permanente, subit les conséquences de l'immigration illégale, le département comptant aujourd'hui 35 % d'étrangers. Les Mahorais ont aussi droit à la sécurité.
Il vous faut faire davantage preuve d'équilibre et d'impartialité car les sujets que vous traitez sont complexes et nécessitent de concilier plusieurs droits fondamentaux. Cette balance est essentielle pour que nous puissions faire société. Or, vous ne traitez ces situations que du point de vue de la violence systémique de l'État à l'égard d'individus discriminés. Votre interprétation mériterait d'être corrigée.
M. Jérôme Durain. - Nous, parlementaires, qui sommes porteurs de vives convictions, avons du mal à comprendre que votre impartialité soit en contradiction avec nos propres opinions. Je profite de cette occasion pour vous remercier de votre travail et celui de vos équipes. Vos recommandations sont toujours utiles, notamment en matière de déontologie de la sécurité interne et de contrôle externe des forces de l'ordre, même si elles ne sont pas toujours suivies par les pouvoirs publics.
Avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, vous avez évoqué les arrestations arbitraires dans le cadre des dernières grandes manifestations organisées à Paris. Le préfet de police s'est ému de ces critiques qu'il considère injustifiées. Pouvez-vous nous présenter le travail qui vous a permis d'arriver à ces conclusions ? J'avais moi-même interpellé le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le caractère obligatoire du port du référentiel des identités et de l'organisation (RIO), qui a transmis des consignes en ce sens aux forces de l'ordre. Disposez-vous d'éléments sur la nécessité pour les citoyens de pouvoir identifier les agents des forces de l'ordre avec lesquels ils échangent ?
Mme Esther Benbassa. - Je vous félicite ! Comment, avec un si petit budget, arrivez-vous à accomplir tant de choses ? Vous critiquez certains états de fait, mais formulez-vous des solutions ?
D'après un sondage paru dans le Huffington Post, un Français sur deux craint de manifester en raison de la présence des forces de l'ordre. Vous avez reçu 166 réclamations allant dans ce sens. Dans quelle mesure vos recommandations à l'attention des forces de police sont-elles suivies par les services concernés ?
Vous avez également évoqué le problème des étrangers qui peinent à obtenir des rendez-vous en préfecture. Je reçois régulièrement des demandes de naturalisation non traitées par les services de l'État, y compris de la part de personnes qui habitent en France depuis des dizaines d'années. Faute de rendez-vous dans des délais raisonnables, ces individus sont contraints de s'acquitter de nouveaux timbres fiscaux et de reconstituer leur dossier à chaque fois. En tant que sénateurs, nous tentons d'aider ces personnes mais ces pratiques pourraient presque s'apparenter à du « piston » ; nous ne devrions pas avoir à le faire. Une solution doit être trouvée rapidement car, avec l'arrivée de l'été, les détenteurs d'un titre de séjour qui souhaitent partir en vacances ne le peuvent pas, faute de renouvellement de leur titre.
Par ailleurs, hier, le Sénat a adopté le projet d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. L'article 3 autorise l'activation à distance de tout type d'appareil électronique. Quel regard portez-vous sur ce dispositif qui est, à mon sens, fortement attentatoire à notre vie privée ?
Vous évoquez le manque de moyens pour mener à bien certaines de vos missions essentielles dans un contexte d'augmentation continue du nombre de réclamations à traiter. Vous avez indiqué que vos homologues européens étaient bien mieux lotis que vous. De quel budget devriez-vous disposer ? Combien de collaborateurs supplémentaires devriez-vous embaucher ? Je vous souhaite beaucoup de courage car les discriminations ne disparaissent pas, hélas !
M. Hussein Bourgi. - Je voudrais tout d'abord vous saluer ainsi que vos équipes pour le travail précieux que vous faites chaque année et qui éclaire nos travaux. Vous avez évoqué les ratés du dispositif « Maprimerénov », qui fait ce matin la une du quotidien de ma région. Un dossier y compile des témoignages similaires à celui dont vous nous avez fait part et qui décrivent l'absurdité de la situation.
Dans les mails que j'ai reçu encore hier figure un autre cas qui illustre les difficultés des personnes dans leur relation avec l'administration : une ancienne fonctionnaire civile du ministère des armées, partie à la retraite il y a un an, qui s'est rendue compte qu'il y avait des omissions dans le calcul de sa retraite, notamment par rapport aux enfants qu'elle a eu. Elle envoie des courriers au ministère des armées depuis an. En effet, il n'y a plus de caserne dans le département où elle a travaillé et elle est condamnée à se tourner directement vers le ministère des armées. Elle n'a pas obtenu de réponse depuis un an et se retrouve dans une situation délicate avec une perte de plusieurs centaines d'euros sur sa retraire.
Vous avez également évoqué la situation des étrangers, cela fait également écho à la situation dans ma région et je suis bien placé pour l'observer. Mois après mois, surtout au moment de la rentrée universitaire lorsque les étudiants arrivent, nous observons invariablement des queues qui se forment devant la préfecture à 100 mètres de mon domicile. À Montpellier comme ailleurs, au motif de fluidification de la procédure, on a dématérialisé la prise de rendez-vous avec comme conséquence le développement d'un marché noir tenu par des gens qui se connectent à minuit pour capter tous les rendez-vous et qui les négocient ensuite entre 200 et 250 euros.
Mme Claire Hédon, défenseure des droits.- Parfois jusqu'à 500 euros !
M. Hussein Bourgi.- Les Français ne sont pas non plus épargnés par ces dysfonctionnements. Je pourrais vous citer des dizaines d'exemples de gens qui doivent renouveler des documents d'identité, parfois pour se rendre à un évènement prévu de longue date comme un mariage ou un baptême, et qui n'ont pas obtenu de réponse après quatre mois ou même après six mois. Or, il faut le rappeler, les municipalités se démènent pour offrir des rendez-vous mais elles font simplement office de boites aux lettres sur ce sujet. Elles enregistrent les demandes et les transmettent à la préfecture et au ministère de l'intérieur. Pourtant, ce sont bien les municipalités qui sont le réceptacle de tous les mécontentements alors que ce ne sont pas elles qui fabriquent les titres.
Je voudrais ensuite vous parler des Français de l'étranger qui subissent malheureusement le même sort car une funeste décision a été prise : tous nos consulats ont sous-traité le dépôt des dossiers pour les étrangers souhaitant venir en France mais parfois aussi pour les ressortissants Français souhaitant renouveler leurs documents d'identité. J'ai plusieurs exemples de Français qui n'ont pas pu venir assister à des évènements en France prévus parfois longuement à l'avance, comme le mariage de leurs enfants ou petits-enfants, faute d'obtenir le renouvellement de leur document d'identité dans les délais impartis et malgré un dépôt de la demande - plusieurs mois avant.
Les travaux que vous menez ne peuvent pas plaire à tout le monde et ce n'est pas leur but. Vous avez vocation à faire bouger les choses. Il est normal que vous n'évoquiez pas les trains qui arrivent à l'heure, car votre travail c'est d'aider les trains en retard à arriver à l'heure. C'est votre rôle, c'est le nôtre en tant que parlementaires, chacun dans le respect de ses prérogatives, chacun avec sa liberté de ton. Je rappelle que vous êtes une autorité indépendante, vous n'êtes pas soumise à l'exécutif, pas plus qu'au pouvoir législatif. Votre liberté de ton vous appartient même lorsqu'elle ne nous plaît pas.
M. Thani Mohamed Soilihi.- Je voudrais d'abord saluer le travail que vous menez avec votre équipe et je crois qu'il est fondamental de dire que nous partageons et défendons tous ici les principes et valeurs que vous défendez.
J'aimerais ensuite revenir sur la situation à Mayotte que vous avez évoquée, en particulier en exprimant votre préoccupation sur le sujet des décasages et la mise en oeuvre des éloignements des étrangers en situation irrégulière. Le terme de décasage n'est pas approprié car il renvoie à une illégalité, alors que l'opération Wuambushu se fait dans le strict respect de la loi que nous avons voté ici, en particulier de la loi « Elan ». Nous l'avions particulièrement travaillé à la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je rappelle qu'encore récemment, le Conseil d'État n'a pas transmis une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet car les dispositions de la loi « Elan » sur lesquelles sont fondées la destruction des bidonvilles à Mayotte étaient conformes à la Constitution. Sur internet, le terme décasage renvoie à des destructions illégales entreprises par des habitants qui ne correspondent donc pas à cette opération qui se fait en toute légalité. D'ailleurs, le préfet a interrompu les destructions programmées le temps que les recours intentés devant la juridiction administrative et le juge civil soient jugés, et elles n'ont été reprises qu'une fois que ces juridictions ont donné leur feu vert.
J'aimerais également appeler à davantage de nuance et de d'objectivité sur ce sujet. N'oublions pas que, sur ce département d'une superficie de 374 km2, près de 50% de la population est étrangère et que 60% des reconduites à la frontière de notre pays y sont réalisées. Chaque jour naît à Mayotte l'équivalent d'une nouvelle salle de classe et il nous devrions donc en construire une chaque jour. Sans compter le phénomène des « kwassa scolaires », avec des dizaines voire des centaines d'enfants provenant des Comores qui viennent garnir les rangs des salles de classe après la rentrée scolaire et tout au long de l'année. On demande aux communes qui sont parmi les plus pauvres de France de faire face du jour au lendemain ... Comment Mayotte et ses collectivités peuvent-elles s'en sortir dans cette situation ?
Tout en étant d'accord avec les valeurs et principes que vous avez rappelés, il faut aussi mettre ces éléments sur la balance.
Je voudrais finir par vous dire que l'opération Wuambushu, qui a beaucoup fait parler avant même d'avoir commencé, est également perçue positivement par les Mahorais qui se disent : « enfin, on s'occupe de la situation de Mayotte ». Nous y subissons une immigration clandestine insensée et insupportable pour les Mahorais et les collectivités.
M. Guy Benarroche - Je voudrais tout d'abord vous adresser mes félicitations et mes remerciements pour le travail de votre institution qui est exercée avec toute l'indépendance souhaitée et nécessaire, sans se substituer ni au Parlement ni à l'administration. La qualité et l'impartialité de votre activité sont certaines.
Votre présentation m'inspire deux questions et une remarque.
Ma remarque porte sur la nécessité d'accompagner la dématérialisation des services publics. La devise « un guichet, un humain » est un leitmotiv de mon groupe politique dans toutes ses prises de position sur le sujet. La réponse que j'obtiens systématiquement est : « c'est fait ». Il faut pourtant le répéter, aujourd'hui le compte n'y est pas, votre rapport le confirme. Cela aboutit à des situations inextricables et inacceptables.
La première de mes deux questions porte sur les amendes forfaitaires délictuelles. Le texte initial de la loi de programmation du ministère de l'intérieur procédait à une généralisation ; au Sénat nous l'avons transformé en une extension. En ce qui nous concerne, l'arbitraire et la disparité de traitement représentaient deux craintes majeures, y compris dans le cas d'une extension. Les premiers retours d'expérimentation laissent malheureusement entendre que cette crainte était justifiée. Vous avez pris récemment position dans un communiqué pour la fin des amendes forfaitaires délictuelles. Pourriez-vous développer vos arguments ?
Ma seconde question porte sur le respect des règles de déontologie par les forces de l'ordre. Vous avez notamment alerté sur le sujet des arrestations préventives des manifestants. Le préfet de police et le ministre de l'intérieur avait démenti de telles pratiques, mais le porte-parole du Gouvernement a également dit qu'il pouvait y avoir des arrestations pour contrôler. À titre d'illustration, je rappelle ce fait divers qui ne touchait pas des écologistes mais deux jeunes autrichiens placés en détention sans aucune raison réelle car ils se trouvaient à proximité d'une manifestation contre la réforme des retraites. Est-ce que vous avez observé des progrès sur ce point depuis votre prise de position du mois de mars ? Des changements de procédure sont-intervenus depuis cette date ?
Mme Claire Hédon, défenseure des droits. - Merci à tous pour vos questions.
En introduction, je voudrais insister à nouveau sur le caractère impartial et objectif de notre travail, car nous menons des enquêtes contradictoires et nous entendons l'ensemble des parties. Je ne nie pas les difficultés des forces de l'ordre et de Mayotte, que nous évoquons systématiquement dans les avis que nous rendons. Mais il est vrai - l'un d'entre vous l'a souligné - je ne vois que « ce qui ne va pas » : c'est d'ailleurs la raison d'être de notre institution, qui n'a pas vocation à faire des rapports d'état des lieux complets, mais à faire remonter des réclamations et à formuler des recommandations.
En réponse à M. Bonhomme, je voudrais rappeler que toutes les démocraties ont une institution comparable à la nôtre, sans exception. Sans doute avez-vous lu notre rapport annuel ; en revanche vous n'avez manifestement pas lu les avis que nous avons rendus, notamment sur le schéma du maintien de l'ordre ou sur les questions de déontologie des forces de sécurité.
S'agissant des cantines scolaires, nous avons parfaitement conscience des difficultés que peuvent rencontrer les maires pour récupérer les créances des parents. Mais il m'appartient d'examiner les choses du point de vue de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je suis sûre que vous serez d'accord avec moi, il n'est vraiment pas souhaitable de stigmatiser un enfant devant ses camarades en le faisant sortir de la cantine au motif que ses parents ne l'ont pas payée : c'est comme cela que commence le harcèlement scolaire ! Et c'est cela que nous dénonçons, rien d'autre. Bien sûr, les maires doivent pouvoir récupérer les créances, mais il y a d'autres moyens de s'adresser aux parents sans dénoncer l'enfant devant tout le monde.
Sur le maintien de l'ordre, dans toutes mes interventions publiques, je commence par condamner toute forme de violence. Mais le premier objectif du maintien de l'ordre est de permettre aux personnes de manifester. J'ai pleinement conscience des difficultés et de la violence auxquelles sont confrontées les forces de l'ordre. S'agissant plus particulièrement des manifestations contre le projet de loi de réforme des retraites, nous ne sommes qu'au début des enquêtes. Dans l'ensemble, sur 169 réclamations, dans un tiers des cas, nous n'avons pas suffisamment d'éléments pour conclure à un problème de déontologie des forces de sécurité, dans un autre tiers, l'affaire est portée devant les tribunaux et il nous faut l'autorisation du procureur de la République pour instruire, et dans un dernier tiers, nous enquêtons. Je remercie d'ailleurs le préfet de police de Paris pour ses réponses très rapides aux demandes que nous lui faisons parvenir. Les réclamations portent effectivement sur des personnes qui disent avoir été privées de liberté dans des nasses sans point de sortie, des personnes qui disent avoir été victimes de violences, des interpellations suivies de gardes à vue qualifiées d'arbitraires par les réclamants, et, pour la première fois, sur des journalistes qui disent avoir été empêchés de faire leur travail - il s'agit d'un type de réclamation nouveau que nous n'avions pas jusqu'alors.
L'un de vous me demandait si nous avions des réponses aux recommandations que nous formulons. Nous avons des échanges très réguliers avec les forces de l'ordre et avec le ministère. Nous avions fait des recommandations dans notre avis sur le schéma de maintien de l'ordre, et nous avons été suivis sur un certain nombre d'entre elles. Par exemple, il y a des progrès sur l'identification visible du RIO, même s'il y a encore des difficultés. Il nous appartient d'examiner si la force a été employée de façon proportionnée et nécessaire : quand la personne est maîtrisée, l'emploi de la force n'est ni nécessaire, ni professionnel. Vous vous rappellerez peut-être que, dans l'une de nos décisions, nous faisions état d'un jeune, au sol, pendant une manifestation, maîtrisé par les forces de l'ordre, et qu'un policier casqué, cagoulé et sans RIO visible continuait à frapper : personne, parmi les policiers et l'encadrement présents, n'a été capable d'identifier ce policier. C'est particulièrement délétère pour nos démocraties et la confiance dans les forces de l'ordre ! Mais dans l'ensemble nous observons des progrès sur la visibilité des RIO.
Sur l'usage des LBD, nous avons regardé ce qui se passait dans les autres pays européens. Beaucoup y ont renoncé car il y a des risques d'atteintes physiques. C'est la seule raison pour laquelle nous y sommes opposés.
Sur ce sujet, nous soulignons des difficultés ponctuelles, en appelant toujours à ne pas généraliser. Depuis que j'ai pris mes fonctions, nous avons formulé 12 demandes de poursuites disciplinaires à l'égard de membres des forces de l'ordre, nous avons obtenu 7 réponses du ministre de l'intérieur (les 5 autres sont en cours d'examen), il y a eu 4 ouvertures d'enquête avec rappel des textes, ce qui ne nous semble pas aller assez loin. Je voulais aussi souligner que nos décisions les plus importantes, notamment la demande d'ouverture de poursuites disciplinaires, sont soumises à un collège composé de personnalités nommées par le président du Sénat, la présidente de l'Assemblée nationale, la Cour de cassation et le Conseil d'État. Y siège notamment un ancien directeur général de la police nationale. Depuis mon arrivée, toutes les décisions, sauf deux, ont été prises à l'unanimité. Je pense qu'en disant ce qui ne va pas, nous contribuons à rétablir la confiance.
Sur la question des occupations illicites de logements, je n'ai jamais prétendu qu'il n'y avait pas de problème ! Il y a un problème d'accès au logement de façon générale, et un manque de constructions de logements sociaux et très sociaux à des prix abordables, surtout en zones tendues, dont nous faisons état dans nos avis. Mais il y a un conflit de droits - droit de propriété mais aussi droit au respect de la vie privée. Je suis inquiète de l'amende infligée à une personne qui se maintient dans les lieux, qui peut aller jusqu'à 7 500 euros : j'y vois un risque de criminalisation de la pauvreté.
Sur les AFD, nous nous sommes prononcés au regard des réclamations que nous avons reçues, qui mettent en évidence la complexité des règles de contestation. Certains réclamants se sont vu opposer l'irrecevabilité de leur contestation au motif qu'ils ne l'avaient pas envoyée par courrier recommandé ou en utilisant le formulaire. Or ces AFD sont inscrites au casier judiciaire. J'admets volontiers qu'on veuille désengorger les tribunaux, mais je suis aussi inquiète que des personnes éloignées du droit, en situation précaire, ne puissent pas faire valoir leurs droits, en raison de l'obligation de consignation préalable. Nous avons également été saisis de plusieurs problèmes de non-réception de l'AFD, qui n'est envoyée que par courrier simple. Je voudrais également vous citer l'exemple d'une personne verbalisée pour défaut d'assurance, alors qu'elle était bien assurée mais qu'elle n'avait pas l'attestation avec elle : dans ce cas, elle n'aurait dû encourir qu'une contravention. Je pense encore à une personne malade et hospitalisée qui n'a pas pu envoyer sa contestation dans les délais. C'est au regard de tous ces cas que nous nous prononçons. À titre principal, nous avons demandé la suppression des AFD, mais à titre subsidiaire, nous avons formulé des recommandations, notamment sur les points que je viens d'évoquer.
Sur la question des rendez-vous en préfecture ou MaPrimeRenov', je pense que, dans vos permanences, vous devez voir des choses similaires à ce que constatent nos délégués : ce sont des sujets qui reviennent de façon récurrente.
S'agissant du projet de loi sur la justice et de l'intelligence artificielle, nous travaillons beaucoup avec la CNIL. Notre grande crainte concerne les biais discriminatoires, dont on voit par exemple les effets dans les affectations par Parcoursup. Il faut plus de transparence, que les gens comprennent comment cela fonctionne. Il y a toujours un risque discriminatoire, notamment au détriment de jeunes en situation de handicap.
En ce qui concerne les problèmes de retraite évoqués par M. Bourgi, nous sommes saisis de nombreuses réclamations, notamment dans les Antilles, avec des réclamants qui peuvent passer un an et demi ou deux ans sans ressources, des pensions de réversion qui ne sont pas versées sur le territoire métropolitain, et des personnes qui se retrouvent de ce fait en grave difficulté. Je vous incite à nous saisir, même si je ne promets pas des miracles, car il faut que nous obtenions des réponses de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
Vous avez également évoqué la situation des Français de l'étranger. Sachez que nous avons quatre délégués dédiés aux réclamations de ces derniers, et nous constatons, comme vous, les mêmes difficultés en ce qui concerne notamment les renouvellements de passeports, avec des personnes qui se sont retrouvées empêchées d'assister aux funérailles d'un proche par exemple.
Enfin, s'agissant de Mayotte, je remercie M. Mohamed Soilihi pour ses propos. Là aussi nous voyons « ce qui ne va pas » : contrairement à ce que vous dites, il y a des situations où la loi ELAN n'a pas été appliquée. Avant le démarrage de l'opération Wuambushu, il y a eu des destructions - j'admets que le terme de décasage n'est pas bon - de bidonvilles sans proposition de relogement. Nous avons quatre délégués sur place, notre chef de pôle régional, basé à La Réunion, y va régulièrement, et une délégation de juristes s'y est également rendue. Nous observons directement les moments où le droit n'est pas appliqué. Il y a la question de la destruction de bidonvilles, avec ou sans proposition d'hébergement. Nous avons aussi constaté des difficultés dans l'enquête sociale qui est faite avant de proposer un hébergement adapté aux personnes. Dans certains cas, un relogement à l'autre bout de l'île peut poser problème au regard de la scolarisation des enfants, et nous défendons là aussi l'intérêt supérieur de l'enfant. Je voudrais enfin vous citer quelques situations dont nous avons été saisis : celle d'un enfant retrouvé dans un caniveau et surnommé pendant deux ans « bébé X » sans lui donner ni nom ni protection ; ou encore celle d'un jeune Français de 15 ans, arrêté par les forces de l'ordre sans sa pièce d'identité, expulsé aux Comores où il n'a aucun lien et où il passera 17 jours à la rue avant d'être rapatrié ; celle, aussi, d'enfants français rattachés arbitrairement à des adultes expulsés vers les Comores. Je ne suis donc pas aussi optimiste que vous, les droits ne sont pas toujours respectés.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous arrivons au terme de votre audition et nous vous remercions pour vos réponses. Je pense que nous nous accordons, comme l'a rappelé Thani Mohamed Soilihi, sur la nécessité que les valeurs et principes qui nous unissent soient respectés. Cependant, je m'interroge sur le fait qu'un cas particulier, qui est une exception, vienne remettre en cause le principe. Il y a effectivement des cas particuliers où soit la règle de droit n'a pas été respectée, soit l'État n'a pas mis en oeuvre les moyens suffisants. Toutefois, ces situations ne peuvent pas remettre en cause en bloc les règles de portée générale. En effet, en tant que membres de la commission des lois, il nous appartient d'aborder les problématiques de manière équilibrée.
M. François Bonhomme. - Pour l'intérêt de la discussion, j'aimerais réagir aux propos de la Défenseure des droits. Je ne souhaite pas être celui qui endosse un « mauvais rôle » ou qui défend des positions indéfendables. Pour autant, il me semble utile de rappeler qu'il ne faudrait pas, à partir d'un exemple isolé, marginal et exceptionnel - comme celui de l'humiliation d'un élève par la police municipale en raison d'un arriéré d'une facture de cantine - faire un cas de figure général. Il conviendrait de remettre en perspective ces situations. En ma qualité de parlementaire, mon rôle est notamment de pouvoir questionner le fonctionnement de l'autorité administrative indépendante que vous représentez. Il me semble important de confronter nos points de vue. Je me dis également que si vous aviez exercé des fonctions de maire, vous auriez peut être une vision différente sur la difficulté de prendre des décisions à un niveau politique.
Mme Claire Hédon. - Je pense avoir une certaine connaissance des situations de pauvreté au regard de mon expérience passée. Je me permets de vous signaler que le Défenseur des droits a publié en novembre 2022 un rapport sur le travail - très utile - de ses délégués, en matière de médiation avec les mairies. Concernant les cas que j'ai cités, il ne s'agit effectivement pas d'en faire des généralités mais il faut rappeler que le Défenseur des droits intervient lorsqu'il y a une atteinte aux droits des intéressés. Ma vision est donc parcellaire puisque je suis par nature saisie des situations problématiques, mais j'ai aussi parfaitement conscience qu'il y a une grande partie de la population qui n'a pas connaissance de l'existence du Défenseur des droits et n'y a donc jamais recours. Les saisines que nous recevons nous permettent d'identifier certaines difficultés. Le législateur nous a donné comme mission de traiter les réclamations des usagers du service public et d'établir des recommandations, dans le cadre de nos rapports, afin que ces réclamations cessent.
François-Noël Buffet, président. - Malheureusement, nous constatons, en tant que parlementaires, que l'État a parfois de bonnes idées - voire de grands projets - mais qu'il peut être dans l'incapacité de se donner les moyens de les réaliser.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 00.