Jeudi 8 juin 2023
- Présidence de Mme Vivette Lopez, vice-président -
Foncier agricole dans les outre-mer - Table ronde avec les ministères et l'ONF
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Mesdames, Messieurs, chers collègues, nous poursuivons nos travaux dans le cadre de notre étude sur le foncier agricole outre-mer dont j'ai l'honneur d'être rapporteur, avec Thani Mohamed Soilihi qui nous rejoindra dans un instant.
Je souhaite d'abord la bienvenue à nos invités et les remercie de leur présence. Je salue également le Président Stéphane Artano qui nous suit en visioconférence depuis Saint-Pierre-et-Miquelon et souhaite vous adresser un mot de bienvenue.
M. Stéphane Artano, président. - Je suis très heureux de vous retrouver. Je remercie nos invités pour leur présence et en particulier Arnaud Martrenchar, que nous entendons pour la seconde fois. Le sujet le mérite.
L'étude sur le foncier disponible, lancée début mars 2023, touche quasiment à sa fin, puisque l'examen du rapport est fixé par notre délégation au 28 juin prochain. Il est heureux que les représentants des services ministériels et de l'Office national des forêts (ONF), dont il a beaucoup été question, puissent répondre aux interrogations de nos rapporteurs sur ce sujet qui reste complexe.
Comme vous avez pu le constater au travers du questionnaire de nos rapporteurs, nos interrogations sont nombreuses et couvrent de nombreux sujets qui ont trait à la réglementation et à son application effective. Le temps va nous manquer pour aborder l'ensemble des territoires ultramarins mais la moisson sur les départements et régions d'outre-mer (DROM) est déjà fort riche, si vous me permettez cette expression.
Nous entendrons le 20 juin prochain le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau. Les ministères concernés travaillent de concert, sur ce sujet sensible, dans le contexte du prochain CIOM (Comité Interministériel des Outre-mer), dont la date a été fixée au 6 juillet prochain. Il se réunira juste après la parution de notre rapport et nous espérons qu'au moins une partie des recommandations de nos rapporteurs y figureront. Le ministre Jean-François Carenco a d'ailleurs l'intention de réunir de nouveau les deux délégations, de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin de faire un point sur les travaux du CIOM.
Je relève qu'il a beaucoup été question, au cours des auditions, de conflits d'usage, comme dans l'Hexagone, et de l'urbanisation qui s'étend. Se pose la question du renforcement de la défense des espaces boisés et naturels, sur des territoires qui sont exigus - en dehors de la Guyane. Les terres agricoles se trouvent prises en tenaille entre différents objectifs et leur protection constitue un combat à mener.
Des critiques ont porté aussi sur le manque de coordination des services de l'État et sur l'insuffisance du dialogue avec les autres acteurs dans les territoires. Nous ressentons ce besoin de concertation, de dialogue, ce qui pourrait conduire à plaider pour une sorte de guichet unique dans chaque territoire. Des efforts de simplification semblent en tout cas nécessaires dans les procédures, notamment pour ne pas décourager les jeunes agriculteurs de venir s'installer et ainsi favoriser le retour dans nos territoires. Nous sommes dans l'attente d'éclairages de votre part sur le bilan des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) dans les outre-mer : faut-il les réformer ? Si oui, sur quels points précisément cette réforme doit-elle porter ? Nous formons aussi des espoirs sur les prochains Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA). Il ne faudra évidemment pas oublier les outre-mer dans les concertations à conduire, car nous faisons face à une situation d'urgence pour l'avenir de l'agriculture dans les territoires ultramarins d'une manière générale.
Je vous souhaite de bons travaux, que je suivrai avec beaucoup d'intérêt, en étant connecté à distance.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Merci Monsieur le Président. Nous recevons donc ce matin :
- M. Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, représentant les ministères des outre-mer et de l'agriculture ;
- M. Christophe Suchel, adjoint au sous-directeur, sous-direction de l'aménagement durable, direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la transition écologique ;
- M. Jean-Yves Caullet, président du conseil d'administration de l'Office national des forêts (ONF), accompagné de Mme Nathalie Barbe, directrice des relations institutionnelles, de l'outre-mer et de la Corse de l'ONF.
M. Arnaud Martrenchar, c'est la seconde fois que nous avons le plaisir de vous accueillir puisque vous étiez venu le 6 avril dernier avec le directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), M. Jacques Andrieu. Vous êtes cette fois-ci doublement mandaté par les ministères que j'ai cités et nous sommes heureux que vous puissiez nous apporter de nouveaux éclairages à ce stade de notre réflexion.
M. Christophe Suchel, nous avons été très frappés, lors de notre déplacement en Martinique, par l'importance croissante de la problématique de l'eau et de la demande d'irrigation pour l'agriculture. Nous attendons avec intérêt vos éclairages sur les moyens mobilisables et les investissements possibles dans ces territoires confrontés à l'urgence climatique.
M. Jean-Yves Caullet et M. Nathalie Barbe, force est de reconnaître que, lors de chacun de nos rendez-vous pendant notre déplacement, le rôle de l'ONF a été évoqué, à la fois comme protecteur des espaces dont il a la charge, mais aussi comme élément bloquant pour l'extension ou la remise en culture de certains terrains à vocation agricole. Nous serons heureux de vous entendre sur ces difficultés.
Nous allons vous donner la parole, dans l'ordre que je viens d'énoncer, pour une dizaine de minutes chacun pour votre propos liminaire. Une trame de questions vous a été adressée et vous pourrez vous en inspirer pour la partie correspondant à vos missions.
M. Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, représentant les ministères des outre-mer et de l'agriculture. - Le foncier agricole constitue une priorité pour les ministères de l'agriculture et de l'outre-mer. Il a fait l'objet d'une impulsion politique au plus haut niveau : le Président de la République a souhaité que l'on avance, autant que faire se peut, vers l'autonomie alimentaire. Des comités de transformation agricole se sont tenus en 2020, 2021 et 2022. En 2023, les ministres de l'agriculture, des outre-mer, de la santé et de la mer ont écrit aux préfets pour leur demander de constituer des plans de souveraineté alimentaire, pour chacun des territoires, adossés à des objectifs. Ceux-ci, pour les plus parlants, c'est-à-dire les taux de couverture dans chacun des territoires, pour chacune des grandes filières, seront publiés dans le cadre des « politiques prioritaires du Gouvernement » intitulées « accompagner le développement des territoires ultramarins ». Ces politiques sont divisées en chantiers et l'un d'entre eux vise à déployer les plans de souveraineté alimentaire dans les territoires. Les taux de couverture seront donc publiés dans un outil public appelé « PILOTE » à partir des données que nous ont transmises les préfets.
Nous avons reçu tous les plans de souveraineté. Ils ont été bâtis avec l'ensemble des acteurs locaux, notamment la collectivité qui gère le FEADER, mais aussi les représentants du monde agricole dans les chambres d'agriculture, les syndicats agricoles ou encore les représentants des grandes filières. Ces plans de souveraineté ont ainsi permis de définir des objectifs.
La surface agricole utile (SAU), qui est la base de la souveraineté alimentaire, diminue, comme le montrent les statistiques. Nous savons que ce phénomène n'est pas spécifique aux outre-mer : la SAU baisse partout dans l'Hexagone, sauf en Guyane. Nous nous efforçons de mettre en place des dispositifs afin de freiner cette diminution de la SAU. Nous essayons aussi d'estimer les besoins. Chaque territoire a établi des trajectoires qui leur ont semblé réalistes en vue de l'autonomie alimentaire. Pour les céréales, cette ambition ne peut raisonnablement être définie comme objectif à l'horizon 2030. Dans les filières animales, nous n'atteindrons pas non plus l'autonomie alimentaire. Même si nous avons progressé quant aux taux de couverture, nous restons dépendants, du moins pour les filières « porc » et « volaille », d'une alimentation qui représente 60 % à 80 % du coût de production de ces filières. Or, cette alimentation ne vient pas du territoire : elle vient de l'Hexagone. C'est donc une souveraineté un peu particulière. Lorsque nous avons voulu estimer les besoins en surface pour essayer d'atteindre les objectifs fixés, des données ont été publiées par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Le rapport de M. Olivier Damaisin fixe des surfaces, lesquelles vont de quelques centaines d'hectares, pour les fruits et légumes, à des besoins plus importants pour la filière bovine puisqu'il peut y avoir des besoins en pâturage de plusieurs milliers d'hectares. On estime en tout cas que les besoins sont compatibles avec le disponible. En Guadeloupe, par exemple, sur une surface de 31 000 hectares, la filière végétale aurait des besoins de 300 hectares. La Guyane, sur 36 000 hectares de SAU, aurait besoin de 2 500 hectares. La Martinique a elle-même estimé ses besoins, à travers le rapport de la collectivité territoriale qui décrit sa stratégie de développement, à 1 000 hectares. À La Réunion, ce besoin estimé est de 500 hectares et il est, à Mayotte, de 140 hectares. Le disponible couvre largement ces besoins. Il faut travailler, en revanche, sur l'aménagement et la protection.
Nous savons qu'il existe différents outils de protection. L'outil le plus sensible est constitué par les CDPENAF. Comme vous le savez, contrairement à ce qui prévaut pour l'Hexagone, les avis, pour les CDPENAF outre-mer, sont conformes. Le ministère défend le maintien d'un avis conforme, car on estime que sa suppression nous conduirait vers un émiettement du foncier agricole. Les maires ne partagent pas cet avis. Ils ont déjà très clairement fait savoir, notamment au Président de la République, en février 2019, plus récemment auprès du ministre délégué chargé des outre-mer Jean-François Carenco, qu'un avis simple devrait suffire. Il n'y a pas de raison, à leurs yeux, de les déposséder de ce pouvoir de décision outre-mer et ils se jugent aussi capables que les maires de l'Hexagone de décider de ce qu'il faut protéger. C'est un sujet législatif qui sera débattu au Parlement, puisque le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles sera discuté à l'automne.
Les Safer constituent un autre instrument de préservation du foncier. Si c'est principalement une prestation d'aménagement qui est attendue de ces acteurs, ils ont aussi un rôle de protection à travers le droit de préemption. Les Safer disposant d'un argument peuvent ainsi s'opposer à la vente de terres agricoles si elles estiment qu'il en résulterait une perte de capacités d'exploitation agricole ou si le prix ne correspond pas au prix du marché. Les Safer (qui sont des sociétés anonymes) fonctionnent dans l'Hexagone, sur le principe de leur équilibre financier dans la mesure où elles se rémunèrent sur le marché du foncier, un peu comme les agences immobilières. Or, la situation est différente dans les outre-mer, où le foncier est beaucoup moins abondant. La Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer) produit des études qui montrent que le modèle de fonctionnement à l'équilibre qui prévaut dans l'Hexagone n'est pas transposable en outre-mer. Les Safer d'outre-mer disposent aujourd'hui d'une dotation du ministère de l'agriculture. Son montant varie tous les ans. Cette enveloppe est affectée aux Safer d'outre-mer et à la Corse afin de les aider à préserver leur équilibre.
À Mayotte, il n'existe pas de Safer mais un établissements public foncier (EPF) dispose depuis deux ans de l'agrément Safer et met en oeuvre le droit de préemption. Il bénéficie, à ce titre, de l'enveloppe nationale allouée aux Safer. Il existe une particularité en Guyane, où un établissement public foncier pouvait avoir, selon les textes, la compétence sur le foncier agricole. Il ne l'avait pas dans les faits, en l'absence d'un décret que le ministère de l'agriculture ne prenait pas, tenant compte de débats locaux et de la position de certains acteurs qui estimaient qu'un établissement public foncier ne pouvait pas suffisamment protéger le foncier agricole, ce qui a conduit à privilégier l'existence d'une Safer au niveau local. C'est ce que prévoient les accords de Guyane. Un groupement d'intérêt public a été constitué et une Safer a été créée. Une nouvelle présidente a été élue récemment. Elle a rencontré le ministère de l'agriculture ces derniers jours pour demander qu'il subventionne la Safer durant ses premières années de fonctionnement, tout en proposant qu'ensuite, la Safer exerce une prestation d'aménagement foncier rémunérée, ce qui lui permettrait de ne pas dépendre indéfiniment des subventions publiques. Elle souhaite être subventionnée pour moitié par l'État et pour moitié par la collectivité territoriale de Guyane. Nous lui avons indiqué que l'on pouvait envisager un soutien initial au démarrage mais que nous avions besoin de disposer du programme pluriannuel d'activité de la Safer (document obligatoire dans le cadre de la procédure d'agrément des Safer), dont nous ne disposons pas pour le moment, afin de savoir ce qu'il est prévu de faire avec les subventions que le ministère pourrait attribuer.
Un autre sujet revient régulièrement dans le débat : comment améliorer le financement des Safer ? La taxe spéciale d'équipement est évoquée de façon récurrente depuis plusieurs années. Cette taxe est attribuée aujourd'hui aux établissements publics fonciers. Un plafond est fixé par les textes à hauteur de 20 euros par habitant et par an. Dans certains territoires, notamment la Guyane, ce plafond n'est pas atteint et des débats ont lieu chaque année, considérant qu'il serait possible d'augmenter le montant de cette taxe de 2 euros, par exemple, pour affecter le produit de cette taxe au fonctionnement des Safer. Ce sujet sera discuté dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances par le Parlement. Nous voyons bien le bénéfice que pourraient retirer les Safer d'une taxe affectée. Ce principe poserait toutefois deux difficultés. D'une part, il s'agirait d'une taxe supplémentaire qui pèserait sur le citoyen. D'autre part, il n'est pas d'usage d'affecter des taxes à des sociétés anonymes. Elles sont plutôt affectées, le cas échéant, à des établissements publics. C'est le cas notamment pour les établissements publics fonciers.
Se pose aussi le problème des terres en friches et des terres incultes. Nous en avions discuté lors de ma dernière audition. J'ai vu qu'une audition était prévue avec les notaires sur ce sujet. Je ne sais pas si l'objectif initial - discuter avec eux des modifications législatives qu'il serait utile de rechercher afin d'améliorer la mise en culture des terres en friches et des terres sous statut d'indivision - a été atteint. Chaque territoire, dans le cadre de sa feuille de route territoriale vers la souveraineté alimentaire, a identifié le foncier comme un facteur limitant. Il leur est demandé d'actionner les procédures de mise en valeur des terres incultes. Elles existent aujourd'hui dans le code rural mais sont peut-être insuffisamment mises en oeuvre. Dans cette procédure, le propriétaire est mis en demeure. Si celui-ci n'obtempère pas, on peut aller jusqu'à un fermage obligatoire, décidé par le préfet. Souvent, le processus ne va pas jusqu'à cette décision. Je pense qu'il faut relancer ce sujet. Cela me semble assez important.
Les taux de couverture, dans les territoires, sont publics. Je vous transmettrai le lien permettant d'y accéder. Ils sont publiés par l'Observatoire de l'ODEADOM. Deux taux de couverture, calculés de deux manières distinctes, sont publiés tous les ans. Le numérateur est la production locale, que l'on peut mesurer. Le dénominateur est constitué par les besoins, c'est-à-dire la somme de la production locale et des importations. Tout dépend de ce que l'on inclut dans les importations : on peut ne comptabiliser, pour les viandes ou les produits alimentaires, par exemple, que les produits frais ou congelés mais on peut aussi y ajouter les produits transformés. Dans le premier cas, le taux de couverture est plus élevé que dans le second. Deux taux distincts sont ainsi établis, ce qui n'est pas propre à l'outre-mer. Dans le plan national de souveraineté « fruits et légumes », qui vient d'être publié pour l'ensemble du territoire national, apparaissent également deux taux de couverture, l'un pour les produits frais, l'autre pour les produits frais et transformés. Des objectifs de progression ont été définis pour ces différents taux.
En ce qui concerne les retraites, nous avons une difficulté : les retraites agricoles sont très faibles outre-mer, principalement parce que les agriculteurs n'ont pas de carrières complètes. Le principe qui prévaut désormais, selon lequel chaque retraite ne peut être inférieure à 85 % du Smic, ne peut s'appliquer que pour les carrières complètes. Une personne n'ayant pas suffisamment cotisé n'aura pas le bénéfice de cette disposition. En conséquence, certains exploitants restent à la tête de leur exploitation, ce qui empêche les jeunes de s'installer. Nous avons instauré, dans le cadre du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, des concertations dans l'ensemble du territoire national, y compris en outre-mer. De nombreuses demandes nous sont remontées. Trois groupes de travail ont été constitués (orientation et formation, installation-transmission, adaptation au changement climatique). Le problème des retraites y revient régulièrement : il est demandé de verser une préretraite afin d'aider les agriculteurs en âge de prendre leur retraite à le faire. On demande aussi une évolution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Ce sujet a déjà été débattu au Parlement, notamment au Sénat, en délégation, et à l'Assemblée nationale. Le sujet n'est pas spécifique aux outre-mer. Il se pose aussi dans l'Hexagone avec le problème du recouvrement : de nombreux agriculteurs hésitent à demander l'Aspa, car il reviendra ensuite à leurs descendants de rembourser. Il me semblerait cohérent que la maison d'habitation, dans les outre-mer, soit réputée attenante au bâtiment d'exploitation agricole et donc exclue du champ de recouvrement de l'Aspa, car l'histoire a été différente en outre-mer et dans l'Hexagone. Dans les faits, souvent, les maisons d'habitation ne sont pas attenantes, en outre-mer, aux bâtiments d'exploitation agricole et sont donc incluses dans le champ de recouvrement. Cela pourrait être modifié dans la loi. Cela permettrait aux agriculteurs de disposer d'un revenu décent et aux jeunes de s'installer, puisque l'Aspa représente plus de 900 euros par mois, ce qui favoriserait la souveraineté alimentaire. Ce débat doit également avoir lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
Chaque plan de souveraineté alimentaire comporte un plan d'action sur le problème de l'eau agricole, afin de travailler avec le gestionnaire du réseau, chargé de son entretien. Des investissements d'un montant important sont généralement indispensables pour entretenir le réseau d'eau potable. Chacun connaît la situation de l'eau potable dans les territoires ultramarins et en particulier en Guadeloupe. Il existe des appuis publics, au travers du plan stratégique national (PSN) mais aussi au travers du plan de relance et de France 2030 : des guichets sont prévus afin de soutenir les équipements permettant de faire face aux aléas climatiques, dont fait partie la sécheresse. Il faut donc mobiliser ces instruments d'investissement. Le Président de la République a par ailleurs annoncé, le 30 mars dernier, le lancement du « plan eau » afin qu'une réflexion globale soit conduite sur les enjeux de l'eau (réseaux, sobriété, partage des usages) au sein de chaque territoire.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - M. Christophe Suchel, vous avez la parole.
M. Christophe Suchel. - Comme vous le savez, le ministère de la transition écologique a mis en oeuvre une réforme importante, dite « zéro artificialisation nette ». Elle fait l'objet d'une proposition de loi qui a été votée par le Sénat et qui sera discutée à partir de la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une réforme très structurante qui a pour vocation de protéger les espaces naturels. Tous les territoires doivent s'engager dans cette trajectoire en vue de l'objectif de « zéro artificialisation nette » en 2050.
L'objectif principal est la protection des espaces naturels et agricoles. Cette réforme structurante va donc pleinement dans le sens de nos débats de ce jour.
Elle a un impact sur l'urbanisation, puisqu'elle restreint la capacité physique d'urbanisation. Il en découle un changement de paradigme quant à la manière de concevoir la ville. Il faut en particulier concevoir des formes urbaines plus denses, qui permettent de loger des activités et des habitants dans des territoires restreints.
Les établissements publics fonciers (EPF) sont à la manoeuvre pour devenir des opérateurs de cette réforme, et en particulier en vue d'intervenir, étant entendu que cette intervention ne peut se faire pratiquement qu'en renouvellement urbain - mode d'intervention beaucoup plus coûteux que la construction. Le ministère de la transition écologique n'est pas favorable, à ce stade, à ce que la taxe spéciale d'équipement soit disjointe de son objet actuel, à savoir le financement des EPF, car ceux-ci seront amenés à structurer leur activité autour d'opérations de plus en plus coûteuses. Nonobstant la question d'une taxation supplémentaire sur les habitants et les entreprises, nous nous attendons à ce que les concours des EPF augmentent, y compris sur le plan financier, afin de renouveler le tissu urbain dans le cadre d'opérations qui seront de plus en plus déficitaires. D'une certaine manière, cela contribue aussi à la préservation des espaces agricoles.
Vous avez évoqué l'intervention, en Guyane et à Mayotte, des établissements publics fonciers et d'aménagement (EPFA). Il s'agit de deux territoires particuliers et le Gouvernement a fait le choix, compte tenu des enjeux, de mobiliser un outil assez exceptionnel. Il est vrai que les enjeux d'aménagement sont particulièrement prégnants dans ces deux territoires, notamment à Mayotte, dont la population devrait connaître un quasi-doublement d'ici 2050. Des missions de Safer sont ainsi assurées aujourd'hui, à Mayotte, par l'EPFA de Mayotte (EPFAM). Celui-ci intervient pour l'aide à l'installation des agriculteurs et l'aménagement des parcelles agricoles. En Guyane a eu lieu le débat que vous avez évoqué. Il a conduit à la création d'une Safer. Une coopération s'est nouée entre l'État et la Safer, afin de travailler de concert sur ces questions de mise à disposition et de viabilisation de parcelles agricoles. Une convention a été signée par la FNSafer et l'État, et un projet de convention, organisant la coopération avec la Safer locale, a été examiné par le conseil d'administration de l'EPFAG (EPFA de Guyane). Ces deux établissements interviennent en particulier pour constituer des espaces agricoles dans les surfaces d'aménagement qui dépendent d'eux, ainsi que pour l'aide à l'agriculture durable et pour l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs.
S'agissant du « plan eau », il existe effectivement une volonté. Des financements sont prévus pour l'aide à l'agriculture sobre, notamment en matière d'eau, ainsi que pour conduire la réflexion sur la modernisation des réseaux d'adduction et d'alimentation en eau. Ces aides viendront évidemment compléter le dispositif qui a été décrit sur l'eau. Il existe un enjeu national de tout premier plan, qui présente des spécificités en outre-mer autour du partage de la ressource. Les questions de ressources sont parfois moins prégnantes dans les territoires ultramarins que dans certaines régions métropolitaines comme le sud-est et le sud-ouest de l'Hexagone. Il faut, en revanche, prendre en charge les questions de pollution et les variabilités qui touchent la ressource du fait d'aléas climatiques pouvant représenter un risque différent suivant les territoires. Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) sont en cours sur les territoires ultramarins. Ils seront renforcés en vue de préserver la ressource agricole, de disposer d'une agriculture qui soit confortée et de subvenir, autant que possible, malgré les objectifs de sobriété, aux besoins économiques locaux.
M. Jean-Yves Caullet, président du conseil d'administration de l'Office national des forêts (ONF). - Je voudrais tout d'abord rappeler le rôle de l'ONF. Étant souvent sur le terrain au contact des habitants et porteurs de projets, nous sommes perçus comme le décisionnaire, ce qui n'est pas notre rôle. L'ONF gère la forêt publique et ce rôle de gestionnaire a un impact sur l'agriculture, car la forêt contribue à la protection des sols contre l'érosion, et dans une certaine mesure contre les remontées salines, qui sont nuisibles à l'agriculture. La forêt constitue aussi un élément très important de la ressource en eau. Le rôle de gestionnaire de la forêt publique n'est donc pas un rôle jaloux et égocentrique : nous l'exerçons en toute connaissance des aménités que fournit la gestion saine d'une forêt au regard des activités humaines, quelles qu'elles soient.
Concernant les questions que vous nous avez transmises, je voudrais souligner que nous n'intervenons que pour le compte de l'État, pour instruire des demandes de défrichement ou des procédures contre les défrichements illicites. Cette mission est financée par une mission d'intérêt général dotée de 1,5 million d'euros provenant du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Cette activité d'instruction se développe, même si les surfaces concernées diminuent, ce qui tend à prouver que les gens savent qu'il faut initier des procédures et font appel à celles-ci, au lieu de se lancer dans le défrichement qui deviendra illicite. Il faut donc plutôt voir là une forme de progrès. À titre d'exemple, 500 visites préalables ont lieu en outre-mer chaque année pour pré-instruire ou instruire ce type de demande.
En ce qui concerne ce que vous avez appelé dans votre questionnaire « la taxe », il convient de rappeler que depuis la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF) de 2014, une compensation est mise en oeuvre en cas de défrichement autorisé. Il n'y a plus de taxe à proprement parler. La compensation prend la forme d'un reboisement, d'un travail sylvicole, pour enrichir et améliorer l'état de la forêt, ou, lorsque ce n'est pas possible, d'un versement pécuniaire. Celui-ci n'est ni fixé ni perçu par l'ONF, même si souvent, dans l'interface de dialogue avec nos concitoyens, l'agent de l'Office est celui qui les informe en premier lieu. Ces recettes alimentent le fonds stratégique de la forêt et du bois, géré par l'État, et le montant de la compensation pécuniaire est également fixé par l'État, même si nos services émettent des propositions. Aux Antilles, par exemple, la compensation pécuniaire, lorsqu'on ne peut procéder autrement, est fixée à un euro par mètre carré, avec un coefficient multiplicateur pouvant aller jusqu'à cinq, lorsque l'on touche à des espaces classés ou extrêmement sensibles qu'il est très difficile de compenser. Il existe aux Antilles un minimum forfaitaire de mille euros. Je pense que cette décision a été prise par l'État pour dissuader le mitage par de nombreux petits défrichements qui finiraient par se mailler et in fine impacter davantage les surfaces.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Si la personne défriche pour faire de l'agriculture, est-elle également sanctionnée ?
M. Jean-Yves Caullet. - Elle doit compenser également. Lorsqu'on change la nature forestière, quel que soit le projet (construction, agriculture, etc.), le principe fixé par la loi est celui de la compensation.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Si vous êtes propriétaire de cette friche, c'est tout de même différent.
M. Jean-Yves Caullet. - Je ne parle pas de friches ici. Nous ne parlons que de forêts.
Si nous parlons d'un enfrichement qui n'est pas encore forestier, la situation est très difficile : on remet en culture un terrain qui a fait l'objet, par le passé, d'une exploitation agricole. Là aussi, la durée a été fixée par la LAAAF de 2014 à trente ans. Cela correspond à une révolution forestière très rapide : au terme de cette durée, on a un espace qui peut être considéré comme forestier. Si vous avez laissé votre terrain en friche durant plus de trente ans, il est difficile d'expliquer que vous avez un besoin urgent et vital d'exploitation agricole. Cela redevient un défrichement.
Entre-temps, il est possible de remettre la surface en culture. Je constate que jusqu'à présent, l'ONF n'a pas reçu ce type de demande en outre-mer. Il y a des raisons opérationnelles à cela : un terrain abandonné outre-mer est très rapidement colonisé par des espèces, notamment invasives. La question d'un défrichement ne se pose donc pas, puisqu'en principe, on souhaite les éliminer. Il appartiendrait de toute façon au propriétaire, selon la loi, de démontrer qu'il y a moins de trente ans, sa parcelle était agricole, ce qui n'est pas toujours évident. Il existe généralement suffisamment de photos et de témoignages pouvant en attester. Pour l'instant, nous ne sommes pas confrontés de façon massive à ce type de problématique. Cela reste intéressant, car une friche est négative : elle ne se constitue pas en forêt à protéger pour le futur, mais une zone de colonie pour des espèces qu'on aimerait voir moins présentes. Nous n'avons pas intérêt, dès lors, sur le plan technique, à voir des friches protégées continuer de proliférer, et avec elles des espèces invasives. Nous préférons une belle forêt et une belle agriculture, dans le cadre d'un aménagement du territoire bien pensé et bien équilibré, à une sorte de laisser-aller.
Vous avez posé, à propos des terrains pollués par la chlordécone, la question de l'échange foncier, qui est très importante. Je vais tenter de vous répondre sans donner l'impression de botter en touche. Pour le moment, la manière dont la forêt pourrait participer à la dépollution n'est pas totalement établie. On sait qu'un espace forestier protège d'autres utilisations du sol qui pourraient présenter des inconvénients. L'échange constitue cependant une autre question : il voudrait dire que l'on autoriserait des défrichements, en prévoyant une sorte de compensation à l'envers. Pour l'heure, la loi ne le prévoit pas. Le fait de planter une forêt ne vous autorise pas à défricher. Cela fonctionne en sens inverse : le fait de défricher vous oblige à replanter. Nous ne pouvons donc pas vous dire que ce serait une bonne idée, car la loi ne le prévoit pas. Si l'on établit que la forêt accélère la dépollution, ce sera effectivement un sujet à travailler, car nous parlons de territoires limités en surface. Ce mode de traitement des surfaces polluées devra être conçu, dès lors qu'il sera bien établi sur le plan technique et que ses performances seront reconnues.
L'ONF n'est pas membre, outre-mer, des CDPENAF. Nous y sommes parfois associés avec voix consultative, sans en être membres. Lorsque nous sommes consultés, nous donnons notre avis dans l'esprit de ce que j'indiquais, c'est-à-dire un souci de protection de la forêt eu égard aux aménités sociales et environnementales qu'elle fournit de manière importante.
Je n'exprimerai pas d'avis quant au caractère conforme des avis des CDPENAF outre-mer, par comparaison avec les dispositions qui s'appliquent dans l'Hexagone. Je partage l'analyse selon laquelle le foncier étant un enjeu beaucoup plus contraint outre-mer, il paraît logique que les moyens de défense des terrains agricoles soient un peu plus fermes. J'exprime cet avis hors de mes compétences et au vu des échanges qui ont eu lieu tout à l'heure.
Pour l'agroforesterie, l'ONF délivre les autorisations. Nous pensons que c'est intéressant pour la qualité de la production et pour la reconnaissance de sa qualité environnementale. De plus, cela permet de rompre la frontière entre agriculture et forêt. L'agriculteur voit toujours la forêt comme la frontière d'un espace éventuellement à conquérir et le forestier voit l'agriculture comme une activité susceptible de grignoter le territoire forestier dont il est chargé de la protection. L'agroforesterie permet de faire comprendre l'intérêt mutuel des deux occupations de l'espace et l'ONF instruit les demandes d'autorisation à ce titre. Je laisserai Nathalie Barbe préciser les choses car les différences sont très importantes selon les territoires. À Mayotte, par exemple, où la déforestation constitue un problème majeur, qui a des conséquences très prégnantes sur l'eau, il vaut mieux avoir des agriculteurs qui protègent le couvert forestier (qui leur est bénéfique), plutôt que de laisser une frontière un peu sauvage s'installer entre des agriculteurs qui défrichent et une forêt qui dépérit.
Il reste le problème de la mise en concurrence. L'autorisation donnée à une personne de pratiquer une activité privée est valable pour une certaine durée. Il faut déterminer si, au terme de cette période, l'autorisation doit être renouvelée ou si une autre personne peut faire la même demande. Nous devons gérer cette interface, ce qui n'est pas toujours simple. Les redevances d'occupation sont modestes et attribuer un lot à quelqu'un au motif qu'il rapportera un peu plus que son prédécesseur n'est pas forcément pertinent. En outre, pour l'ONF, ce n'est pas une ressource financière. Il nous importe surtout que le travail soit bien fait, et non que l'on touche quelques euros de plus par hectare en agroforesterie.
Cette question se gère souvent par du maintien en gré à gré, ce qui peut apparaître comme une limite du point de vue de l'installation de jeunes agriculteurs. Nous intervenons avec un cahier des charges relativement détaillé, ce qui permet de rechercher de manière synergique une qualité forestière et agricole.
Enfin, je voudrais évoquer le projet de règlement proposé par la Commission européenne pour lutter contre la déforestation et la dégradation forestière. Vous connaissez ce schéma qui explicite l'effet de cliquet existant. Tout ce qui est forestier doit rester forestier, avec des systèmes de compensation éventuels. La forêt primaire ne peut être transformée en forêt plantée ou cultivée. C'est une sorte de dispositif de poupées russes restrictives. Les forêts de plantation ne peuvent être défrichées. Cette directive va donc renforcer encore la protection des espaces forestiers. Nous vous remettrons une note qui détaille certains chiffres et certains points de vue, territoire par territoire.
Mme Nathalie Barbe, directrice des relations institutionnelles, de l'outre-mer et de la Corse de l'ONF. - Je vais apporter deux ou trois éléments de complément concernant l'agroforesterie. Pour l'ONF, il s'agit d'une production agricole sous couvert forestier. Il ne s'agit pas de maintenir quelques arbres pour réaliser une production agricole dans la parcelle forestière. C'est malheureusement ce que nous voyons à Mayotte, où ont lieu des occupations illégales pour faire de l'agriculture au sein de la forêt publique, ce qui a des conséquences. On a tant supprimé de forêts pour y faire de l'agriculture illégale, à Mayotte, que nous sommes confrontés à un problème de disponibilité en eau, sur cette île, particulièrement en 2023, au point de remettre en cause l'agriculture en zone légale. On se retrouve avec de l'agriculture et deux ou trois arbres au milieu. Nous ne pouvons laisser faire cela, eu égard à nos missions. Lorsque l'on crée des lots susceptibles d'accueillir de l'agroforesterie, on définit un cahier des charges précisant l'état de la forêt au début de la concession d'agroforesterie, ainsi que les itinéraires techniques pouvant être mis en place par l'agriculteur (en prévoyant par exemple l'absence d'usage de produits phytosanitaires et l'absence de tassement des sols). Chaque année, des contrôles sont menés afin de vérifier que le peuplement en place est toujours présent à l'issue de la concession d'occupation temporaire.
Effectivement, le règlement de lutte contre la déforestation et contre la dégradation des forêts aura des conséquences non négligeables pour les territoires ultramarins. L'objectif de la Commission européenne est d'interdire au sein de l'Union ce que celle-ci ne souhaite pas voir proliférer dans d'autres pays, en particulier les pays producteurs d'huile de palme, de canne ou de boeuf, où existent de très importants fronts pionniers de déforestation. Ces règles devront s'appliquer dans les territoires ultramarins et, compte tenu de la part encore importante de forêt primaire qui existe dans ces territoires, des conséquences se ressentiront sur les produits élaborés après déforestation. Cela va donc redonner de la force à l'ensemble du dispositif mis en place (demandes d'autorisation de défrichement, compensations, etc.).
Le président Jean-Yves Caullet a souligné que la situation variait grandement d'un territoire à un autre. À La Réunion, la vanille Bourbon, bénéficiant d'une appellation d'origine, a davantage d'antériorité que des concessions d'occupation temporaire pour agroforesterie et production de vanille. Des ruchers sont également installés en forêt, ce qui n'a aucune conséquence sur le peuplement forestier. En Guadeloupe, une démarche est en train de prendre de l'ampleur, à travers trois productions principales : vanille, café et cacao. Ces deux dernières productions entrent dans le périmètre du règlement de lutte contre la déforestation et la dégradation. En Martinique, cela a démarré plus tardivement mais il y a énormément de demandes. Comme il s'agit à nos yeux d'une production sous couvert forestier, cela nécessite, pour l'ONF, d'identifier les parcelles forestières dont le couvert permet d'accueillir une activité agricole. Nous sommes en train d'identifier les lots et allons les mettre en concurrence.
Nous sommes tout à fait conscients que, dans le cas d'une concession pour une production de cacao, par exemple, il n'est pas question d'arrêter immédiatement la concession, puisque le plan produit au bout de cinq ans : l'agriculteur doit bénéficier d'un retour sur investissement pour son activité. Nous ne pouvons néanmoins nous engager au-delà de dix-huit ans, sauf à soumettre ces concessions à l'avis du propriétaire dont le représentant est le ministère de l'agriculture.
Mme Marie-Laure Phinéra-Horth. - À mon avis, l'accès au foncier passe aussi par la possibilité de profiter de nos territoires. L'utilisation d'engins motorisés, dans le domaine forestier, est bien entendu strictement réglementée. En Guyane, les pistes forestières permettent aux chasseurs et aux promeneurs d'accéder à notre territoire. Elles sont pourtant strictement interdites. Un consensus pourrait-il voir le jour avec l'ONF afin de mettre en place des accès réglementés ?
L'État et certaines communes ont accepté d'installer des agriculteurs le long des pistes forestières. Aujourd'hui, en raison de la fin de l'activité forestière, ces pistes ne sont plus entretenues. Les agriculteurs éprouvent le plus grand mal à maintenir leurs activités. Le rapport de M. Olivier Damaisin, rendu il y a quelques semaines, plaide bien pour une amélioration des conditions d'exercice des professions agricoles. Je connais les difficultés administratives autour des anciennes pistes forestières. Qu'attendez-vous pour lancer un état des lieux ? Je rappelle que ces conditions ont poussé deux agriculteurs à mettre fin à leurs jours.
Mme Nathalie Barbe. - En 2022, des discussions ont été entamées avec les chasseurs, afin de préciser les conditions dans lesquelles ils peuvent avoir accès aux pistes. À ma connaissance, ce problème est résolu. Arnaud Martrenchar a insisté tout à l'heure sur la souveraineté alimentaire de ces territoires. Nous sommes conscients que la chasse constitue l'un des leviers permettant d'atteindre cet objectif. À moins qu'il existe une piste forestière pour laquelle subsisterait un problème particulier, le travail a été fait, dans ce domaine, après la crise Covid.
Vous avez posé la question de l'entretien des pistes. En Guyane, il existe deux routes nationales et l'infrastructure d'accès aux 8 millions d'hectares de surfaces (dont 6 millions d'hectares gérés par l'ONF) repose sur les pistes forestières. Celles-ci constituent un préalable pour désigner les bois exploités dans cette forêt primaire. L'investissement, au sens de la création des pistes, est financé entièrement par les fonds FEADER jusqu'au 1er janvier 2023. Nous sommes en train de mettre en application le plan stratégique national (PSN). Nous avions donc les ressources nécessaires pour créer les pistes. Ces deux dernières années ont prévalu des conditions météorologiques très difficiles, avec énormément de précipitations. De ce fait, et compte tenu de la topographie et de la conception de ces pistes, des travaux d'entretien très importants sont indispensables. Or, ces travaux ne font pas l'objet de subventions. L'ONF doit assurer ce financement et il faut parvenir à équilibrer le modèle, du point de vue économique, entre l'entretien nécessaire pour des kilomètres de pistes, d'une part, et la ressource en bois qui sera extraite de ces massifs, d'autre part.
Dans le cas du massif de Balata, par exemple, qui est l'un des plus anciens, lorsqu'aura lieu une vidange totale de ce qui est permis par l'aménagement forestier de ce massif, la piste sera fermée au sens de l'ONF, sauf si la collectivité et l'État décident de changer le statut de piste forestière. Des discussions sont en cours du fait de la présence de seulement deux routes nationales et de la nécessité de pouvoir accéder à l'intérieur du territoire, ce qui peut conduire certains acteurs à proposer un changement du statut de piste de certains itinéraires. Tant qu'il s'agit d'une piste forestière, si nous n'avons plus de grumes à exploiter dans ces forêts, nous serons obligés de fermer la piste. Nous avons conscience des difficultés que cela pose, dans la mesure où ces pistes donnent également accès à l'intérieur du territoire pour l'orpaillage légal, par exemple. Il existe des charges roulantes très importantes. Pour l'instant, l'entretien est pris en charge par l'ONF. Le sujet est sur la table depuis des années. Nous le poussons car nous sommes dans un contexte où nous n'aurons plus de vidange à effectuer. Plus nous avançons dans le temps, plus l'acuité de ce sujet sera grande.
Mme Marie-Laure Phinéra-Horth. - De nombreux jeunes agriculteurs sont installés de part et d'autre des pistes forestières. Comme vous l'avez dit, la Guyane connaît une pluviométrie particulière. De ce fait, leurs véhicules sont rapidement abîmés. Nous avons eu une discussion avec le préfet afin de savoir qui pouvait les aider. Bien souvent, ils abandonnent car ils n'en peuvent plus. Ils sont très loin de la route nationale. Les enfants sont scolarisés et il faut les réveiller à 4 heures du matin pour faire la route, en leur donnant leur petit-déjeuner sur le bord de la route en attendant le bus. Bien souvent, les agriculteurs cessent leur activité, lorsqu'ils ne mettent pas fin à leurs jours.
Mme Nathalie Barbe. - Nous avons conscience de ces spécificités qui constituent aussi l'une des difficultés du modèle économique de l'ONF en Guyane. Dans l'Hexagone, le schéma de desserte a été réalisé depuis des années et le volume de bois mis en vente chaque année équilibre les charges. Du fait du climat, la dégradation des pistes est aussi bien moindre, d'autant plus que les pistes de l'Hexagone ne sont quasiment utilisées que par l'ONF ou par les usagers de loisirs. En Guyane, le problème se pose dans des termes très différents et nous avons pleinement conscience des distances que cela représente pour les populations vivant dans ces territoires.
M. Jean-Yves Caullet. - Nous connaissons parfois ce type de problème dans les zones périurbaines de l'Hexagone, où les pistes forestières ont fini par représenter des itinéraires intéressants de délestage ou de raccourci. L'usage augmentant, la dégradation de ces pistes augmente aussi. L'Office considère que l'entretien d'itinéraires routiers du quotidien, pour la population, ne lui incombe pas. Lorsque c'est trop dangereux, du fait d'ornières par exemple, nous sommes parfois amenés à fermer la piste à l'usager, qui avait l'habitude de l'utiliser depuis dix ou quinze ans. Si une infrastructure doit être entretenue en application d'un modèle économique qui ne le permet pas, elle se dégradera. Si l'on en a besoin, il faut trouver la solution pour que l'infrastructure considérée rende l'usage qu'on attend d'elle. En outre, l'absence d'entretien régulier fait diminuer une part de l'investissement. Une réfection de piste peut ensuite s'avérer nécessaire, ce qui est encore plus coûteux.
Mme Nathalie Barbe. - Le problème de la Guyane réside dans le fait qu'il n'y a pas d'alternative.
M. Arnaud Martrenchar. - Le problème des pistes est important et bien identifié. Nous vous avons communiqué, en toute transparence, le rapport de M. Olivier Damaisin. Le problème a bien été décrit par M. Jean-Yves Caullet et par Mme Nathalie Barbe : qui doit payer l'entretien des pistes ? Dans de tels cas, chacun se tourne naturellement vers l'État, estimant que la prise en charge de l'entretien des pistes doit lui revenir. La discussion qui a eu lieu avec les maires a souligné le coût du premier travail à réaliser, la réfection de la piste, lorsque celle-ci est très dégradée. Les maires se sont dits prêts à prendre en charge cette première étape des travaux, pourvu que la piste soit d'abord remise à niveau, de façon à ce qu'un travail d'entretien beaucoup plus léger leur échoie, au lieu de devoir la refaire intégralement. Il existe aussi une différence entre une piste publique et une piste privée : le niveau de sécurité exigé diffère dans les deux cas, ce qui influe sur le coût de réfection. Nous avons initié un travail avec la préfecture et ce sujet, qui n'est pas simple, sera évoqué prochainement lors d'une réunion au niveau régional dans un cadre interministériel. Nous associerons bien sûr les parlementaires, car cela contribue effectivement à l'isolement des agriculteurs. Souvent, ils se trouvent dans des zones blanches, privées de téléphone et d'internet, ce qui contribue au développement d'un sentiment de solitude et d'insécurité. Il pleut très fréquemment, à la différence de l'Hexagone, et cela pose problème puisque les travaux ne peuvent être réalisés lorsqu'il pleut.
M. Jean-Yves Caullet. - Nous avons d'ailleurs repoussé certains travaux pendant deux ans.
Mme Nathalie Barbe. - L'ONF crée environ 40 kilomètres par an de pistes forestières en Guyane et il y a 400 kilomètres de pistes forestières à entretenir.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - J'ai aussi quelques questions concernant un désordre foncier. Un rapport de décembre 2022 a pointé un désordre foncier, au vu de l'ampleur des indivisions. C'est le cas par exemple en Martinique, où près de 40 % du foncier se trouve perturbé par l'indivision. Des problèmes sont notamment liés au titrement du passé : certains propriétaires ne cèdent pas leur parcelle parce qu'ils n'en sont pas officiellement propriétaires, aucun acte officiel n'ayant été réalisé, ou du fait de l'absence de cadastre. De grandes complications en découlent. Le manque de professionnels (notaires, géomètres, etc.) constitue une autre difficulté. Il semblerait en particulier que la présence et la disponibilité des notaires, dans ces territoires, soient très limitées.
À cela s'ajoutent un nombre considérable de constructions sans permis et un manque de police pour sanctionner ces situations, ainsi que la multiplication de situations d'occupation illégale. Il semble que certains ne veuillent pas entendre parler du fermage, la personne occupant le terrain cessant de payer le loyer au bout d'un certain temps, considérant qu'elle est chez elle. Les imperfections du cadastre ont aussi pu conduire à des situations d'occupation - remontant parfois à un passé lointain - dont l'irrégularité n'a jamais été signifiée aux personnes concernées. Cela pose également problème. Nous avons cru comprendre qu'en Martinique, de telles situations concernaient environ 12 000 personnes. Quel bilan dressez-vous de la loi Letchimy et sur quels points précis pourrait-elle être perfectionnée afin de réduire l'indivision successorale ?
Le prochain projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles comportera-t-il un volet dédié aux outre-mer et, si oui, sur quels points particuliers portera-t-il ?
Je sais qu'un point est cher à mon collègue Thani Mohamed Soilihi, puisqu'il soulève cette question lors de chaque audition : pour faciliter les transmissions d'exploitations, un dispositif de fonds agricole (à l'image des fonds de commerce) existe-t-il ou pourrait-il être pertinent ?
M. Arnaud Martrenchar. - Nous savons très bien que la nature ayant horreur du vide, chaque fois que les commissions d'attribution foncière prennent trop de temps, des installations illégales ont lieu. C'est surtout vrai en Guyane, où l'on disait, à un moment donné, que chaque jour, trois logements se construisent, un légal et deux illégaux. Je ne sais pas si c'est toujours vrai ni sur quels éléments se fondait cette affirmation. En tout état de cause, la procédure étant trop longue (ce dont se plaignent les agriculteurs), lorsqu'elle finit par aboutir, la personne s'installant sur la parcelle découvre que celle-ci est déjà occupée. Il faut ensuite mobiliser des procédures de police pour expulser des personnes qui exploitent parfois le terrain depuis plusieurs années.
M. Victorin Lurel avait rappelé, lors du débat qui a eu lieu au Sénat, qu'un travail avait été fait pour amender la loi Letchimy. Certaines dispositions sont déjà rédigées pour améliorer cette loi, sur la base du bilan qui a été établi. Apportons les modifications législatives sur la base de ce travail. Dès lors qu'il existe des dispositions agricoles, les parlementaires peuvent les porter au titre du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.
La structure du projet de loi n'est pas encore rédigée. La démarche nationale conduite jusqu'à présent a consisté à initier des concertations. Nous avons reçu des contributions des outre-mer. Elles proviennent notamment des concertations organisées par les préfets. Chaque territoire a conduit au moins une concertation publique, en sus des concertations menées avec les acteurs. Nous avons aussi reçu une contribution de chambres d'agriculture France, qui a synthétisé les contributions des chambres d'agriculture des outre-mer. Sur tous les sujets, des demandes sont formulées.
Lorsque l'on compare ces éléments aux demandes de l'Hexagone, il apparaît que les sujets sont souvent voisins. Il existe quelques sujets spécifiques, par exemple des demandes d'enseignement de shimaoré ou de pistes agricoles en Guyane. Des amendements à la loi Letchimy pourraient aussi constituer des dispositions spécifiques aux outre-mer. Nous élaborons actuellement la compilation de ces demandes. Ce projet de loi comportera un volet spécifique aux outre-mer s'il y a suffisamment de matière. Un titre spécifique aux outre-mer avait été inséré dans la LAAAF de 2014. Les comités d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) avaient notamment été mis en place dans ce cadre. On peut aussi insérer des articles spécifiques aux outre-mer dans un projet de loi sans que cela ne constitue un titre à part. Ce n'est qu'un choix d'écriture. Le Gouvernement n'a pas encore pris la décision.
Il existe depuis des années le fonds agricole, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer, afin de faciliter les transmissions. Nous n'avons pas de mécanisme de collecte de données qui nous permettrait de réaliser un bilan de cette utilisation. Ce sont des procédures mises en place par les notaires : lors de la transmission, l'agriculteur indique qu'il transmet le fonds agricole (qui englobe notamment le foncier, les équipements, les bâtiments, etc.). Je crois qu'il n'existe pas de mécanisme permettant aux notaires d'indiquer que sur tel nombre de transactions, tel nombre de transactions s'est effectué sur la base du fonds agricole. Nous pourrions y travailler.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Je constate qu'il existe de nombreuses choses qui ne sont pas mises en place, ce qui se traduit par des délais beaucoup trop longs, favorisant des occupations illégales. Les notaires, par exemple, ne sont pas suffisamment nombreux. Sans doute faudrait-il donner un coup d'accélérateur afin d'aboutir à des solutions qu'il ne serait peut-être pas si difficile à faire émerger. Dans le cas du titrement, des améliorations pourraient assez aisément être apportées, me semble-t-il.
Mme Micheline Jacques. - L'ONF n'intervient pas à Saint-Barthélemy, où nous avons la compétence en matière de gestion et d'aménagement du territoire. J'ai cependant le sentiment qu'il n'y a pas de concertation entre les élus chargés de l'aménagement du territoire et l'ONF. J'aimerais savoir quelle est la nature des relations que vous entretenez avec les exécutifs locaux.
M. Jean-Yves Caullet. - Au niveau national, nous avons instauré il y a quelques années une commission consultative des forêts d'outre-mer, qui nous permet d'institutionnaliser un dialogue qui n'existait pas auparavant. Nathalie Barbe va vous dire la manière dont les contacts s'établissent en pratique au niveau local.
Il existe une difficulté que j'ai signalée tout à l'heure : le pétitionnaire qui souhaite faire quelque chose rencontrera quasiment en premier un agent de l'ONF. Il va donc considérer que la réponse qui lui est donnée ne vient que de cet organisme. Lorsque cela ne lui convient pas, il va solliciter un élu en regrettant que l'ONF oppose un refus à son projet. L'élu découvre alors le projet particulier et répond à son administré qu'il n'en a pas connaissance.
Mme Nathalie Barbe. - L'ONF a signé et renouvelle des conventions avec les conseils départementaux, qui sont nus propriétaires. Nous avons renouvelé il y a deux jours la convention pluriannuelle cadre avec le conseil départemental de La Réunion et j'étais au mois de mars à Mayotte pour signer une convention avec le conseil départemental de ce territoire. Nous venons également de signer, en février ou mars dernier, une convention pluriannuelle avec la Martinique. Il n'existe pas de telle convention en Guadeloupe, où les relations sont plus compliquées entre le conseil régional et le conseil départemental. Il n'existe pas de collectivité unique. Enfin, nous avons des échanges avec la collectivité territoriale de Guyane sans être néanmoins dans une phase de discussion d'une convention. La situation de la Guyane est très particulière puisqu'il n'y existe que du foncier domanial. Nous y travaillons.
Pour l'ONF, l'aménagement d'une forêt publique commence par une phase de conception d'un aménagement forestier. Ce travail consiste à prévoir la manière dont la forêt sera gérée durant quinze ou vingt ans (coupes à réaliser, équipement éventuel par des routes, des pistes ou des infrastructures d'accueil du public). Il s'agit aussi de déterminer si des travaux sylvicoles seront effectués afin d'améliorer ou d'entretenir ce peuplement. Ce document programmatique, sur quinze ans, fait l'objet de concertations avec la commune sur laquelle se trouve la forêt publique.
Ce dispositif est donc encadré. Si vous avez l'impression que, sur votre territoire, cette phase de concertation doit être améliorée, n'hésitez pas à nous en faire part. L'État signe avec l'ONF un contrat d'une durée de cinq ans. La concertation constitue l'un des axes d'amélioration avec les communes de situation, si elles ne sont pas propriétaires.
Ce n'est certes pas la même chose de mener une concertation sur des massifs tels que ceux de la Guyane, où l'ONF gère 6 millions d'hectares dont 2,4 millions d'hectares divisés en 35 massifs forestiers représentant chacun 60 000 hectares. Cela n'a rien à voir, en termes d'échelle, avec l'Hexagone où nous avons environ 1 300 forêts domaniales représentant, au total, 1,4 million d'hectares. Avec des populations très dispersées, de surcroît, en Guyane, la concertation est sans doute plus compliquée à organiser au XXIe siècle.
M. Jean-Yves Caullet. - Le lancement d'une concertation pour l'aménagement forestier, d'une durée de quinze ans, peut laisser entendre qu'au cours des quinze années suivantes, ces décisions sont mises en oeuvre, en considérant que tout le monde est au courant. Or, tel n'est pas nécessairement le cas, et la durée des mandats locaux n'est pas de quinze ans. Il peut apparaître, par moments, un sentiment de découverte de tel ou tel projet. La concertation constitue donc un sujet en construction permanente.
Il faut veiller à ce que les outils structurants fassent bien l'objet de concertations mais on ne peut pas nécessairement s'en satisfaire. Je citais le cas d'un porteur de projet qui s'adresse directement à l'ONF et non à la direction en charge des affaires foncières. On ne lui donne pas satisfaction. C'est à ce moment-là que l'élu découvre l'existence d'un projet. S'il en avait eu connaissance dès le départ, peut-être aurait-il expliqué à son administré pourquoi son projet ne pourrait voir le jour. L'élu se retrouve ainsi en porte-à-faux vis-à-vis de son administré. Une relation presque permanente est nécessaire et nos effectifs présents sur le terrain sont très sollicités par divers enjeux.
Mme Micheline Jacques. - Dans les communes où l'ONF est présent, êtes-vous associés aux plans locaux d'urbanisme et autres schémas d'aménagement du territoire ?
Mme Nathalie Barbe. - Je complète d'un mot le propos de Jean-Yves Caullet. Si vous êtes une commune ou une collectivité propriétaire, chaque année, l'ONF réalise le bilan de son plan de gestion et recueille la décision du territoire qui est propriétaire. Nous conseillons et mettons en oeuvre le document voté par le précédent conseil municipal.
Si je suis une commune de situation, c'est-à-dire la commune sur laquelle se trouve la forêt de la collectivité ou de l'État, la concertation ne fait pas partie d'une coche annuelle. De plus en plus, le maillage territorial de l'ONF nous permet d'aller au contact des acteurs que nous nous efforçons d'informer. Il est nécessaire que la commune soit disponible au moment où la décision est à prendre, et des améliorations peuvent être apportées sur ce point.
L'action n° 1 de la mission d'intérêt général que nous confie l'État dans les outre-mer consiste à assister les directions départementales de l'agriculture dans les territoires ultramarins. S'il y a un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) dans les zones N (qui nous concernent particulièrement du fait du coeur de nos missions), nous émettons un avis et évaluons la pertinence de l'évolution du zonage, au regard de ce qui est prévu.
M. Jean-Yves Caullet. - Nous intervenons dans une logique de « porter à connaissance ». Notre avis d'expertise est ensuite intégré ou non par les services de l'État dans la procédure.
Mme Vivette Lopez, président, rapporteur. - Je vous remercie pour toutes les informations que vous avez pu nous donner.
M. Stéphane Artano, président. - Merci, chère collègue, d'avoir animé cette séance et à nos invités pour leur participation à cette audition. Comme vous le savez, il est de tradition de vous adresser une trame d'audition qui prend la forme d'un questionnaire. Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir dès que vous le pourrez vos contributions écrites, qui faciliteront le travail de nos rapporteurs.