- Mercredi 24 mai 2023
- Audition de MM. Bruno Arcadipane, président, Philippe Lengrand, vice-président, et Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement Groupe
- Projet de loi relatif à l'industrie verte - Délégation de l'examen d'articles
- Proposition de résolution européenne relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 24 mai 2023
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 10 heures 10.
Audition de MM. Bruno Arcadipane, président, Philippe Lengrand, vice-président, et Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement Groupe
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement Groupe, au nom du Mouvement des entreprises de France (Medef), accompagné de M. Philippe Lengrand, vice-président, au nom de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et de Mme Nadia Bouyer, directrice générale, pour faire le point sur la situation du groupe paritaire et sur les négociations avec le Gouvernement en vue de la conclusion de la convention quinquennale.
Notre commission suit avec attention le devenir du groupe Action Logement, qui fêtera cet été ses 70 ans et détient plus d'un million de logements sociaux. Nous le considérons comme un élément central du pacte social d'après-guerre et comme appartenant au patrimoine de la Nation, du fait de son importance dans nos territoires.
Dans un contexte de crise du logement et de pouvoir d'achat en berne, nous sommes convaincus que l'investissement des entreprises pour le logement des salariés reste d'actualité. Nombre d'entreprises construisent d'ailleurs aujourd'hui directement des logements pour leurs salariés ; ce n'est pas bon signe. Le Président de la République courtise les grands groupes étrangers pour réindustrialiser notre pays ; nous voudrions que, comme nous, il soit soucieux de défendre la première foncière européenne et française, c'est-à-dire Action Logement.
La menace du démantèlement du groupe ressurgit aujourd'hui au travers du classement en administration publique (APU), en août dernier par l'Insee, de la filiale Action Logement Service (ALS), qui, notamment, collecte et distribue la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec). Cette mesure d'apparence statistique et technique revêt en réalité un caractère stratégique : considérant que les ressources - Peec et emplois d'ALS - auraient un caractère public, il conviendrait de rattacher cette entité à la comptabilité publique selon les normes européennes.
Or, sauf exception prévue par la loi, une APU ne peut plus faire que des emprunts de trésorerie sur douze mois maximum, Bercy s'immisçant dans sa gestion pour garantir l'équilibre des ressources et des emplois, comme dans un ministère. Cela reviendrait donc à détacher ALS du reste du groupe, en mettant la Peec et sa gestion sous tutelle directe de l'État et non plus des partenaires sociaux.
Action Logement a formulé un recours gracieux, puis un recours contentieux contre la décision du directeur général de l'Insee. Où en êtes-vous, monsieur le président, de cette procédure ? Par ailleurs, le ministre des comptes publics devait prendre acte par arrêté de cette décision, en inscrivant ALS sur la liste des organismes divers d'administration centrale (Odac), ce qu'il n'a pas encore fait. Qu'est-il ressorti de votre récente entrevue avec Bruno Le Maire à ce sujet ?
Parallèlement à ces discussions difficiles, Action Logement est toujours en négociation avec le Gouvernement pour la conclusion de sa convention quinquennale. Or il semblerait, vu de l'extérieur, qu'il n'y ait plus de calendrier. L'Union sociale pour l'habitat (USH) attend son « pacte de confiance », promis depuis un an. Les acteurs de l'immobilier attendent les arbitrages et, de Conseil national de la refondation (CNR) en « conférence des parties », c'est tout un secteur économique qui a l'impression d'être négligé. Le logement est pourtant le premier poste budgétaire des Français.
Qu'en est-il enfin de la convention quinquennale et des futurs emplois des ressources du groupe, alors que les lettres de cadrage en vue du prochain budget annoncent 5 % d'économies, portant en elles l'idée de ponctionner à nouveau Action Logement ?
M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement. - Mesdames, messieurs les sénateurs, votre présence nombreuse ce matin montre la gravité de la situation, ainsi que l'intérêt du Sénat pour le monde du logement, qui vit des moments difficiles.
Si nous espérons fêter, en juillet prochain, les 70 ans d'Action Logement dans des conditions normales, je le dis avec gravité : en touchant, au travers d'ALS, au coeur du réacteur et au financement du logement social, on touche au groupe tout entier et à ses 19 000 salariés.
La structure d'Action Logement, plus grosse foncière d'Europe avec 100 milliards d'euros d'actifs et 1,1 million de logements, est aujourd'hui particulièrement efficiente. Né de l'idée de quelques industriels nordistes - financer les logements de leurs salariés -, notre groupe paritaire a beaucoup évolué. Depuis 2017, nous puisons toutes nos ressources, pas seulement financières, au sein même des territoires. Nous sommes ainsi le groupe d'investissement le plus proche des territoires, que ce soit dans le Nord, à Marseille, Mamoudzou, Pointe-à-Pitre, Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore à Saint-Martin.
Or c'est ce lien avec les territoires, que nous continuons à développer avec force et détermination, que l'on veut aujourd'hui remettre en cause. Notre ressource est collectée par ALS dans un souci d'efficience, pour un montant quatre fois inférieur à celui de l'Urssaf. Je me souviens l'avoir dit ici : il n'est pas possible que nous soyons « urssafisés ». Cela a été admis à de maintes reprises, notamment par M. Dussopt, qui voulait « urssafiser » la collecte.
La question ressurgit aujourd'hui : la transformation d'ALS en APU et, à terme, en Odac, bloquerait totalement notre capacité d'emprunt. Or, on ne peut rien faire dans l'immobilier avec une capacité d'emprunt à un an et encore moins avec l'épée de Damoclès que serait une décision budgétaire annuelle ne nous autorisant plus à emprunter.
Le Sénat, qui, comme nous, défend la France de tous les territoires, en conviendra : le moment est essentiel pour le groupe, pour le logement social et pour la France. La transformation d'Action Logement en APU relève de la politique du noeud coulant. Demain, notre groupe sera étranglé financièrement, avec des conséquences pour l'ensemble du secteur.
L'efficience se mesure. Ces dernières années, nous avons mis en place une nouvelle équipe, dirigée par Nadia Bouyer, mais aussi tout un ensemble de curseurs. En 2017, les partenaires sociaux nous donnaient comme mission de doubler notre capacité de production. L'objectif a été atteint, avec 50 000 logements produits cette année et un logement social sur trois construit par nos soins. Nous avons également amélioré notre niveau de performance de plus de 50 %. Plus de 800 000 aides par an sont attribuées aux salariés !
Si le groupe a été modernisé, son ADN - le lien emploi-logement - reste inchangé. Aussi, imaginez mon émotion lorsque le ministre Attal a annoncé que les deux coups de rabot de cette année porteront sur le ministère de l'emploi et sur celui du logement ! En tant que représentant du Medef, je dois des comptes à mes pairs entrepreneurs. Toutes les fédérations ont des besoins de recrutement et Action Logement représente à cet égard un outil essentiel. Aujourd'hui, on vient expliquer à M. Lengrand, ancien patron de la CFDT Île-de-France, que d'autres que lui pourraient mieux connaître les besoins des salariés ! On vient nous expliquer à nous, patronat et syndicats salariés, que l'on pourrait demain décider à notre place et mieux que nous !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est ce qu'ils font pour les retraites !
M. Bruno Arcadipane. - Un peu d'humilité ! Nous avons des centaines de mandataires issus d'organisations syndicales et patronales dans les territoires. Notre conseil d'administration est démultiplié dans toutes les régions de France. Action Logement puise ses ressources financières et intellectuelles dans les territoires, c'est une singularité. Notre efficience a été mesurée et les résultats communiqués au plus haut niveau de l'État dans une transparence totale. De plus, trois commissaires du Gouvernement étant présents dans les conseils d'administration de nos principales structures, les ministres des finances, du budget et du logement ne peuvent ignorer la moindre décision que nous prenons. Pourquoi aller plus loin en transformant Action Logement Services en administration publique ? Pourquoi imaginer demain faire à notre place ? C'est impensable pour les partenaires sociaux, comme pour les 19 000 salariés, pour qui la situation est très anxiogène.
Mettez-vous à la place des entreprises qui ne parviennent plus à recruter ! Que se passerait-il si demain, la nouvelle convention quinquennale (NCQ) était une nouvelle fois reportée ? Nous allons signer dans les prochains jours le millionième passeport Visale. Il a fallu du temps pour mettre en place ce dispositif, que le chef de l'État lui-même a qualifié de formidable.
Dans le cadre de la nouvelle convention quinquennale, nous proposons de doubler, à deux millions, le nombre de jeunes salariés et d'étudiants bénéficiant de cette garantie. Nous proposons de développer encore notre capacité à faire. Le marché de la construction est au pied du mur et rien ne se passe ! Nous sommes venus vous demander une fois de plus votre soutien. Continuez à nous donner le droit de faire notre métier ! Si nous n'avons plus les moyens, demain, de soutenir la mobilité, que dirons-nous aux chefs d'entreprise ou aux salariés qui veulent déménager ? Je rappelle qu'un salarié sur deux en mobilité refuse un emploi s'il n'a pas de logement.
On veut nous obliger à soutenir financièrement les politiques nationales. Mais nous n'avons attendu personne pour le faire ! Nous sommes le premier acteur et financeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) depuis le premier jour et on nous dit d'en faire encore plus !
Action Logement ne peut pas être un distributeur automatique ! Nous avons des milliers de salariés, qui travaillent au service d'autres salariés. Si demain nous ne faisons que donner de l'argent à l'Anru, à l'Anah ou au Fonds national des aides à la pierre (Fnap), pour la première fois de l'histoire, nous devrons fermer notre filiale de la mobilité. « Ma nouvelle ville » fait aujourd'hui l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Nous n'avons pas le choix, car un groupe paritaire doit être responsable, et prendre des décisions parfois très graves. De tous mes voeux, je souhaite que la trésorerie d'Action Logement ne soit pas centralisée, que l'urssafisation de la Peec ne soit pas réalisée, que ce décret ne soit jamais signé, que l'on nous laisse travailler et emprunter. Si demain nous devions bénéficier d'une dérogation pour avoir le droit d'emprunter, la situation serait grave : allons-nous être obligés d'emprunter à l'Agence France Trésor (AFT), auprès de l'État ? Est-ce cela que vous souhaitez ? En tous cas, les sept partenaires sociaux, à l'unanimité, sont tous vent debout contre cette possibilité ; ils ont tous réagi publiquement.
Il y a un antagonisme entre certaines prises de position : on a applaudi les salariés de première ligne, les personnels de santé et les caissiers, mais si demain nous ne pouvons plus les loger, comment faire ?
Lorsque j'annonce que nous sommes prêts à baisser à 1 % le taux d'intérêt du prêt Accession pour favoriser l'accès à la propriété, je ne fais pas plaisir au monde bancaire, mais il faut aider, sortir les meilleurs dossiers du parc social pour y intégrer d'autres populations. Aujourd'hui, nous n'arrivons plus à loger les gens : il faut plus de huit ans pour obtenir un logement social à Paris. Comment en est-on arrivés là ? Le fichier du système informatique national d'enregistrement (SNE), qui regroupe les demandeurs de logements sociaux, comportait 1,4 million de personnes en 2017, contre 2,4 millions aujourd'hui ; l'augmentation est de 100 000 personnes par an ! Et on veut empêcher notre action ? Cela n'est pas possible.
M. Philippe Lengrand. - Je vous remercie de cette invitation, ainsi que, madame la présidente, de vos propos introductifs qui correspondent bien à la réalité.
Nous fêtons les 70 ans du « 1 % logement » ; j'aurais préféré un contexte différent à cet anniversaire, mais vous connaissez la difficile situation à laquelle nous devons faire face.
Action Logement est un groupe d'économie sociale et solidaire, atypique à plus d'un titre. C'est un groupe totalement paritaire - il n'y en a d'ailleurs plus tant que cela dans notre pays - qui a décidé d'épouser son époque. Le groupe s'est profondément réformé ces dernières années pour être plus efficace et avoir des résultats au bénéfice des entreprises, des salariés et des territoires. Force est de constater que les résultats sont au rendez-vous : malgré toutes les péripéties politiques rencontrées par notre groupe depuis plus d'un an, nos équipes obtiennent des résultats. Sur le plan de l'immobilier, nous possédons 1,2 million de logements sociaux, très sociaux ou intermédiaires. Nous avons pris des engagements forts en matière de rénovation énergétique, priorité d'aujourd'hui et de demain - nous sommes moteurs dans ce domaine. Ces dernières années, nous avons également assuré un tiers de la production de logements sociaux.
Sur le plan des services, nous assurons près de 800 000 services divers pour les salariés. En tant que syndicaliste, je peux vous le dire : Action Logement parle aux salariés. En plus de Visale, il faut prendre en compte l'accession sociale à la propriété, ainsi que diverses aides, comme un dispositif d'aide aux impayés de loyer après le covid ou un fonds énergie. Le groupe est donc moteur, tant pour l'immobilier que pour les services.
Où en est-on aujourd'hui ? Cela fait plus d'un an que cela dure. La nouvelle convention quinquennale devrait être mise en oeuvre depuis le 1er janvier dernier, mais fin mai, ce n'est toujours pas le cas...
Au printemps de l'année dernière, les partenaires sociaux, c'est-à-dire les cinq organisations syndicales représentatives et les organisations patronales, le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ont mené de vrais débats, en confrontant leurs visions divergentes. J'insiste sur ce point : notre groupe sert aussi à faire fonctionner la démocratie. Notre force, c'est de mettre l'ensemble des acteurs autour de la table, pour qu'ils construisent des compromis - je regrette d'ailleurs que le Gouvernement ait un peu perdu cette culture du compromis...
Voici le coeur de nos difficultés : la question n'est pas que technique, mais concerne les compromis trouvés. Les partenaires sociaux dépassent leurs différences au sein d'Action logement, car sur des enjeux comme l'emploi, l'avenir du logement et de nos territoires, il faut parvenir à trouver des compromis.
Une fois parvenus à un accord équilibré, nous avons porté ces propositions auprès de l'État et des ministres concernés, MM. Béchu et Klein. De notre côté, nous avons fait de gros efforts pour baisser nos emplois, et réduire le nombre de salariés aidés. C'est concret : 300 millions d'euros ponctionnés, c'est 25 000 salariés qui ne recevront pas d'aides. Derrière les chiffres, il y a la vraie vie, des entreprises, des territoires, des salariés. En aucun cas nous n'avons touché à notre participation aux politiques publiques - qui a d'ailleurs plutôt augmenté, et il est nécessaire que notre groupe participe aux politiques publiques, que cela soit l'Anru ou le programme Action Coeur de ville (ACV). En matière de mixité sociale, notre rôle est important : l'enjeu est que les salariés retrouvent des quartiers et des villes.
Les négociations coincent sur le classement en APU, sur le niveau d'endettement autorisé, et sur une augmentation supplémentaire des politiques publiques. Les difficultés, réelles, ne sont pas résorbées. Nous avons des réunions presque toutes les semaines, et il est difficile de savoir si nous avancerons.
Le classement en APU touche à notre possibilité d'endettement à long terme, dont nous avons besoin. Il a aussi une conséquence politique derrière : quel sera le rôle des partenaires sociaux ? Les choses ne semblent pas évoluer dans le sens que nous souhaitons... Le niveau d'endettement est crucial pour que notre groupe continue la rénovation énergétique, la construction et les services aux salariés. Je crains que l'on ne rabote les services pour les salariés, ce qui n'est pas acceptable pour les organisations syndicales.
Il y a un nouveau développement économique, et un souci de réindustrialiser la France. Nous participons notamment au financement du canal Seine-Nord, pour le développement des Hauts-de-France et de la métropole de Dunkerque. Des entreprises et un territoire vont revivre, des emplois seront créés. Mais où seront logés les salariés, comment, et avec qui ? Le rôle d'Action logement est essentiel. Les élus locaux, des régions ou des collectivités territoriales, en ont d'ailleurs bien conscience : tout le monde attend une participation que nous sommes prêts à assumer, car les enjeux sont énormes, le logement est en crise, et parce que nous pouvons être un acteur efficace pour répondre à la crise du logement ainsi qu'aux objectifs de développement économique et de rénovation énergétique.
Les partenaires sociaux sont tous bénévoles, dans cette histoire : nous défendons notre groupe, le « 1 % logement », Action Logement. Mais en défendant le groupe, on défend aussi la spécificité du logement social à la française. C'est très important, dans ce contexte difficile : nous sommes des acteurs déterminés, aux objectifs précis, aux propositions efficientes, que nous continuerons à défendre dans les semaines à venir - avec votre soutien, nous l'espérons.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Vous savez combien, au Sénat, nous sommes attachés à la question : nous l'avons démontré lorsque le Gouvernement cherchait à réformer Action logement en voulant légiférer uniquement par ordonnance. À l'initiative de la présidente, une mission flash transpartisane avait été mise en oeuvre avec Marie-Noëlle Lienemann, Valérie Létard, Viviane Artigalas et moi-même, pour faire reculer le Gouvernement.
Vos interventions montrent à quel point votre groupe, mais aussi, de manière plus générale, la politique du logement sont dans le collimateur du Gouvernement. Depuis 2017, Emmanuel Macron et les gouvernements successifs ont négligé cette politique, aboutissant à cette crise du logement sans précédent. Le Gouvernement n'a eu comme vision que l'objectif de réduire les dépenses publiques, considérant que la politique du logement coûtait trop cher. Récemment, le chef de l'État fustigeait un système de « surdépenses publiques pour de l'inefficacité collective ». Nous ne cessons de dénoncer ces positions, aux répercussions graves sur les territoires, les entreprises et les salariés.
La crise du logement fait l'objet de nombreuses tribunes et de réactions ; l'intervention récente du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a été remarquée. Comment les difficultés actuelles du secteur de la construction sont-elles perçues par votre groupe, et comment se traduisent-elles dans votre production ? Monsieur le président, vous avez évoqué les 50 000 logements construits cette année, en nette augmentation depuis 2017. Comme elle l'avait fait lors de la crise sanitaire, votre groupe pourra-t-il jouer un rôle contracyclique, à l'instar de CDC Habitat, ou votre groupe sera-t-il malheureusement empêché par l'absence de convention quinquennale et de visibilité concernant ses ressources ?
Au Sénat est actuellement menée une commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, que j'ai l'honneur de présider. Nous avons récemment visité un chantier mené par l'une de vos filiales à L'Isle-d'Abeau, dans le département de l'Isère. Le coût de la rénovation énergétique s'élève à 60 000 euros par logement. Serez-vous en mesure de faire face à de telles hausses, sans abandonner la construction neuve ? Nous sommes inquiets, car nous entendons monter une petite musique selon laquelle nous n'aurions plus besoin de construire de nouveaux logements. Or il est primordial d'agir sur les deux piliers que sont la rénovation énergétique et la construction. Que pensez-vous du concept de seconde vie des bâtiments sur lequel un appel à manifestation d'intérêt (AMI) vient d'être lancé ?
À l'automne dernier, le Gouvernement a décidé de prolonger le prélèvement de 300 millions d'euros sur les ressources d'Action Logement au profit du Fonds national des aides à la pierre, le FNAP. Cette initiative a divisé les acteurs du logement social, certains regrettant le manque de transparence dans la répartition de la Peec. Alors que le prochain projet de loi de finances (PLF) est en cours de préparation, ces difficultés sont-elles aplanies ?
Depuis la crise sanitaire, il est difficile de recruter des emplois saisonniers. Avant tout, les entreprises doivent être en mesure de proposer un logement à leurs salariés, notamment dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration. À ce sujet, Action Logement mène de nombreuses expérimentations, telles que la cohabitation intergénérationnelle, l'ouverture de résidences réservées aux saisonniers, par le biais de votre filiale In'li. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Mme Valérie Létard. - Je remercie les trois intervenants pour leur présentation.
Action Logement, qui vient de fêter ses 70 ans, est l'héritier du pacte social d'après-guerre. Ces années étaient alors marquées par l'intelligence collective des relations entre l'État et le monde du paritarisme en faveur du logement. Il nous faut protéger cet héritage : les corps intermédiaires sont essentiels.
Les entreprises et les salariés sont au coeur de votre mission : il faut agir au plus près des territoires, avec les élus, alors qu'une profonde mutation s'amorce en raison du changement climatique. Il faut réinventer un modèle de financement afin d'engager la rénovation thermique des logements et de construire des bâtiments plus économes en énergie.
Grâce à votre expérience et à votre puissance de feu, vous montrez également que le paritarisme est en mesure de répondre aux besoins de manière efficace. Voilà quelques jours, j'étais à Dunkerque : le Président de la République a rappelé que les projets d'immenses usines de batteries au profit de l'industrie verte supposaient de construire 20 000 logements d'ici trois à cinq ans sur ce territoire pour accueillir les nouveaux salariés et leur famille. Les Hauts-de-France comptent quatre projets de gigafactories : je vous laisse imaginer les besoins de logement dans ma région. Avant cette réunion, nous avions une réunion sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN) : bien sûr, il faut rénover les logements existants, mais cela ne sera pas suffisant. Classer Action Logement en APU est inacceptable, alors que cet organisme a besoin de marges de manoeuvre financières. J'ajoute que les comptes d'Action Logement ont été redressés depuis de nombreuses années.
Aujourd'hui, le Gouvernement en vient à opposer les acteurs du logement, dans le seul but de régler des problèmes budgétaires. Par exemple, pour financer le logement social, il cherche des économies auprès d'un autre acteur du logement. L'État doit prendre toute sa part dans le défi du logement. Or Gabriel Attal a prévu de faire de l'emploi et du logement la variable d'ajustement du prochain projet de loi de finances : est-ce bien raisonnable ? Comment agir sans le soutien d'Action Logement ?
Christophe Béchu et Olivier Klein ont travaillé la copie de la nouvelle convention quinquennale avec vous : le Président de la République, la Première ministre et le ministre du budget doivent désormais entendre qu'il est temps de la signer.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, les structures paritaires ont été désossées. Or elles font partie de l'ADN du modèle français, issu de l'après-guerre - nous devons nous arc-bouter pour le conserver. Ce n'est pas Bercy qui favorisera une utilisation des fonds adaptée à l'intérêt général, à nos territoires et aux besoins de la population. Ce ministère a développé une telle vision financiarisée que leur seul but est de faire des économies.
Cela dit, le financement d'Action Logement est opéré par un prélèvement obligatoire. Ainsi, l'organisme n'est pas un acteur comme les autres : il doit défendre l'intérêt général, et non seulement un seul acteur. À juste titre, vous nous avez indiqué que la production de HLM a été doublée. Mais Action Logement bénéfice d'un accès aisé aux fonds propres et à plusieurs types de subventions, ce qui n'est pas le cas d'autres organismes. Le rapport de la Cour des comptes a bien montré que les fonds à la disposition d'Action Logement n'étaient pas équitablement répartis entre tous les acteurs du monde des HLM. Il faut que les choses évoluent à cet égard.
En outre, le traitement des subventions diffère selon que celles-ci sont versées par le Fnap ou par Action Logement. Dans le premier cas, la subvention obéit à la répartition du contingent public ; dans le second cas, c'est l'organisme qui décide. Certes, de nombreux élus locaux considèrent qu'il est important de loger les salariés, mais ils en logent eux aussi dans leurs offices HLM et dans leurs sociétés anonymes : tout ne doit pas passer par Action Logement. Je suis favorable à l'idée d'une contribution négociée entre l'État et Action Logement au profit du Fnap, en vue de financer le monde HLM. Qu'en pensez-vous ? Lorsqu'il avait créé l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Jean-Louis Borloo avait instauré la parité entre l'intervention d'Action Logement et celle de l'État. Si cette parité était rétablie, Action Logement aurait largement les moyens de contribuer au Fnap.
Le Président de la République a beau jeu de dire qu'il souhaite s'occuper des classes moyennes, alors qu'il sabre tous les dispositifs de l'accession sociale à la propriété, des outils de promotion sociale.
M. Bruno Arcadipane. - La situation est dramatique : la construction neuve est au point mort et connaît une profonde régression depuis quelques mois. Plus généralement, le secteur est exsangue : la délivrance de permis de construire a diminué de 27 % au premier trimestre. Nous allons nous heurter à un mur, tout en klaxonnant, mais personne ne nous entend.
Or la demande de logements sociaux croît de manière exponentielle et les besoins de rénovation énergétique des logements se multiplient. À cela s'ajoutent l'inflation, les taux qui explosent et la ponction de 1,3 milliard d'euros sur la réduction de loyer de solidarité (RLS). Le constat est simple : en 2023, aucun bailleur social, y compris Action Logement, n'affichera un résultat et un autofinancement positifs : nous sommes à l'os. Tout le monde a fait des efforts pour faire des économies, mais ce n'est plus possible désormais. Retirer un milliard d'euros au monde du logement était peut-être possible durant un quinquennat, mais lui enlever 1,3 milliard d'euros chaque année, avec un total de 10 milliards d'euros depuis 2017, est inacceptable. Comme pour toute entreprise, nous ne pouvons pas descendre en dessous d'un certain seuil : nous y sommes ! Les « dodus dormants », c'est fini depuis longtemps. Actuellement, des structures se demandent comment elles pourront financer des équipements de sécurité comme les ascenseurs.
Le secteur du logement social est depuis toujours à la pointe de l'innovation : comment agir sans financement ? La décarbonation des logements et le ZAN - objectifs louables - sont impossibles à mettre en oeuvre. Nous avons besoin de moyens pour assumer nos responsabilités d'utilité publique.
Sur la ressource, nous avons un petit désaccord avec Marie-Noëlle Lienemann. La participation des employeurs à l'effort de construction (Peec) n'est pas un prélèvement obligatoire : c'est une contribution volontaire obligatoire (CVO). En effet, il y a trois modalités possibles de versement de la Peec. La première est une contribution financière normale, ce qui pourrait ressembler à un prélèvement, mais c'est très loin de représenter 100 %... De gros groupes préfèrent nous prêter de l'argent sous forme d'un prêt bonifié. C'est parce qu'il existe un actif dans les comptes des entreprises qu'Action Logement est un établissement financier assujetti au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). La troisième possibilité est la construction des logements en direct.
J'irai même plus loin : 100 % de notre ressource vient des entreprises de plus de 50 salariés. L'argent ne nous tombe pas du ciel !
Les entreprises peuvent, demain, donner mandat au futur président du Mouvement des entreprises de France (Medef) pour aller voir le ministre des finances et renégocier afin de faire évoluer la situation. Ce n'est pas l'État qui décide : c'est une discussion.
J'ai très peur que, à force de jouer avec la Peec, on ne fatigue ces très gros contributeurs. On parle de dizaines de millions d'euros de contribution pour certaines structures, de centaines de millions d'euros pour celles qui font des prêts.
Il ne faudrait pas que l'on demande à des entreprises françaises de détruire une partie de leur bilan ! À trop jouer avec le feu, nous finirons par nous brûler.
Que se passerait-il si, demain, Bercy traitait les dossiers à notre place ? Depuis 70 ans, nous avons distribué 100 % de notre recette au service des salariés et de la construction. Je vous garantis que, si les dossiers étaient traités par Bercy, ce ne sera plus 100 %...
Quand la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a été votée en 2019, nous avons été impactés à hauteur de 300 millions d'euros par an. À la suite d'un accord signé avec Bruno Le Maire, qui était déjà ministre des finances, nous avons obtenu une compensation, mais cet engagement n'a été respecté qu'une seule année ! Aujourd'hui, on nous dit que l'on va nous donner l'autorisation d'emprunter, que nous ne devons pas avoir peur, que l'on va nous donner une dérogation. Mais pour combien de temps ? La situation est extrêmement grave.
Ce n'est pas l'Insee qui pilote la France ! L'Insee dépend déjà aujourd'hui d'Eurostat, au niveau européen.
Par ailleurs, je rappelle que ni le ministre des finances ni le ministre du budget n'ont de compétence liée sur ce sujet. Il n'y a donc pas d'obligation de signer !
Il existe plein de moyens de redonner du souffle à ce secteur économique - j'ose dire que nous sommes un secteur économique ! Une baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS) pourrait très bien financer un bout du Fnap et un bout de l'Anru ! Pourquoi toujours taper sur les mêmes ? Action Logement pourrait bénéficier de 100 % de sa ressource et l'État reprendre les manettes et remettre de l'argent au pot de l'Anru et du Fnap, chacun dans son rôle et chacun avec ses compétences !
Le sujet des saisonniers nous tient à coeur partout. Nous avons rencontré tout le monde sur les territoires pour savoir comment faire. J'étais récemment avec Bruno Retailleau en Vendée pour rencontrer un constructeur de logements.
De même, avec les gigafactories du Dunkerquois et le canal Seine-Nord, ce sont des dizaines de milliers de salariés qui arrivent sur des territoires qui n'ont rien pour les accueillir ! C'est démentiel. Comment peut-on vouloir freiner le premier acteur du secteur lorsque l'on en a tant besoin ?
M. Philippe Lengrand, vice-président d'Action Logement Groupe. - Faut-il opposer la crise du logement et la rénovation énergétique ? Faut-il continuer à construire ? Effectivement, une petite musique se fait entendre aujourd'hui, selon laquelle il ne serait plus nécessaire de construire puisqu'il y aurait suffisamment de logements, certains se fondant, d'ailleurs, sur des projections démographiques à vingt ou trente ans.
Il ne s'agit pas d'opposer les partenaires sociaux et Action Logement. Il faut continuer à construire, parce qu'il y a des besoins. Pourquoi attendre trente ans ? Des millions de personnes attendent un logement dès aujourd'hui. L'urgence est de construire et de rénover. Il faut faire les deux. C'est ce que nous portons politiquement. Financièrement parlant, je ne reviendrai pas sur tout ce qu'on a dit depuis tout à l'heure : si on nous laisse faire, nous pouvons faire les deux et nous ferons les deux, avec les moyens qui sont les nôtres.
Valérie Létard a mis l'accent sur l'opposition au sein de l'univers du logement. Politiquement, il est essentiel d'y prendre garde. Personnellement, je suis extrêmement vigilant sur ce point, parce que je pense que, malgré nos divergences, le monde du logement social doit avancer ensemble. Il doit aussi trouver des compromis. C'est difficile. Je le regrette, d'autant plus que je pense que ce gouvernement est très intelligent et très habile et sait diviser pour mieux régner. De fait, certains sont un peu tombés dans le panneau de la division...
Marie-Noëlle Lienemann a mis en avant l'intérêt général. Depuis que je suis tout jeune et que je milite, y compris dans l'entreprise où j'étais délégué syndical, j'ai toujours mis l'intérêt général au coeur de mes préoccupations et de mes revendications. Je me souviens d'un vieux militant qui m'avait dit qu'avoir le sens de l'intérêt général, c'est se demander si le mur ne va pas tomber lorsque l'une de ses briques nous intéresse. Je pense très franchement qu'Action Logement participe pleinement à l'intérêt général - c'est plus qu'une part ! Notre participation aux politiques publiques ne cesse d'augmenter.
Il faut tout de même que l'on se dise que notre coeur de métier est bien de loger les salariés et de répondre aux besoins des entreprises. Dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui, nous essayons de trouver l'équilibre entre les deux. Or force est de constater que, plus les mois et les semaines avancent, plus la part consacrée à l'intérêt général est importante, comme on l'a rappelé sur le Fnap. Très franchement, on peut aussi avoir des divergences sur cette question, y compris entre partenaires sociaux.
Dès le 2 ou le 3 septembre, quand il nous a reçus pour la première fois, j'ai dit au ministre chargé du logement, Olivier Klein, que je n'étais pas opposé à la participation d'Action Logement, mais que, si l'on verse 300 millions d'euros, ce sont 25 000 salariés qui seront pénalisés. On ne peut pas faire comme si cette réalité n'existait pas ! Il faut que nous trouvions les justes équilibres, même si je sais que ce n'est pas facile.
Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement. - La question du logement saisonnier nous est très chère, parce que c'est une préoccupation importante des entreprises aujourd'hui.
Effectivement, la méthode que nous utilisons consiste à partir des besoins du terrain. Aujourd'hui, il n'y a pas de modèle économique prêt à l'emploi sur le logement des saisonniers. Nous testons de nombreux modèles différents.
Ainsi, en Haute-Savoie, nous avons aidé à remettre sur le marché des logements vacants pour des travailleurs saisonniers. Nous sommes également intervenus en faveur du logement modulaire via notre filiale 3F Résidences.
Autre exemple : le zoo de Beauval est venu nous voir parce qu'il ne parvenait pas à loger ses centaines de saisonniers à Saint-Aignan. Nous avons réalisé une étude sur l'ensemble du bassin d'emploi, qui comprend notamment les châteaux de la Loire, lesquels étaient confrontés à la même difficulté. Un bouquet de solutions a été apporté. La création d'une résidence de 81 logements dédiés aux saisonniers a ainsi été inaugurée l'année dernière. De telles solutions au long cours nécessitent un peu d'ingénierie. À côté, il faut mettre en place des moyens d'appui pour pouvoir diriger ces saisonniers vers une offre de logements diffuse - logements intergénérationnels, logements du parc privé -, avec un accueil et un accompagnement réalisé, par exemple, par des agences immobilières à vocation sociale - c'est une autre solution.
Ces difficultés se rencontrent dans de nombreux territoires. Je veux citer un autre exemple, celui, à Bandol, d'une résidence de tourisme qui était laissée à l'abandon, mais qui, par chance, était monopropriétaire. À la suite d'une négociation avec notre filiale Unicil, la transformation a comporté une part d'accession en bail réel solidaire (BRS), une part d'accession à prix maîtrisé et une part de locatif. Pour ce dernier, la situation est plus facile sur la côte, en raison de la présence de personnes en alternance en dehors de la saison estivale. Nous avons noué un partenariat avec le centre de formation d'apprentis (CFA), et nous passons par un système d'intermédiation locative, avec une association gestionnaire - Soliha. Nous avons ainsi 25 logements dédiés, et nous parvenons à combiner des deux usages : des saisonniers l'été et des apprentis le reste de l'année. Il faut réussir à trouver de telles solutions aujourd'hui. La situation est plus compliquée en montagne. Il faudrait presque caler des formations d'apprentissage sur les saisons où l'on n'a pas besoin de saisonniers. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas se limiter au seul prisme du logement dans la réflexion.
Nous avons réalisé un guide en interne, mais il n'est pas assez connu. Nous aimerions le diffuser sur les territoires pour montrer les types de solutions possibles - nous en avons discuté avec Mme Dominique Faure.
Il convient d'ouvrir des pistes de réflexion, notamment sur la sécurisation à apporter au dispositif Visale, compte tenu des inquiétudes que peuvent susciter les risques de dégradations.
Nous pourrions, à mon avis, entrer assez rapidement dans l'opérationnel sur ces sujets, mais nous n'avons pas de modèle général. C'est la difficulté que nous devons résoudre pour le logement saisonnier.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Merci beaucoup pour tous ces éléments.
Le classement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) parmi les organismes divers d'administration centrale (Odac) a eu des conséquences sur l'immobilier dans l'enseignement français à l'étranger. Il a eu pour répercussion une très grande difficulté à procéder à l'extension du réseau - Jean-Pierre Bansard et Évelyne Renaud Garabédian peuvent en attester. On voit bien les conséquences d'un tel classement, en termes de financements, au-delà d'un an.
Peut-être faudrait-il faire un plaidoyer pour un dispositif auquel vous contribuez, celui des agences départementales d'information sur le logement (Adil).
Je le vois dans l'Yonne, où une petite équipe d'une dizaine de personnes réalise plus de 10 000 consultations par an. Elle bénéficie, entre autres sources de financement, de financements d'Action Logement. Les intéressés s'inquiètent de la pérennisation de la contribution de 9 millions d'euros qui leur est versée depuis plusieurs années - elle n'avait, d'ailleurs, pas été réévaluée.
Pouvez-vous les rassurer sur le partenariat financier construit entre Action Logement et l'Adil ? Au regard des montants en jeu, je pense qu'il est possible d'envoyer ce signal très rapidement.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je rencontre régulièrement des Français vivant à l'étranger qui nous exposent les problèmes administratifs qu'ils rencontrent.
Le Mobili-Pass a été mis en place pour allouer des aides à des salariés français qui changent de résidence pour un nouveau job. Serait-il envisageable d'étendre ce dispositif aux Français qui décident de rentrer en France parce qu'ils y ont trouvé un emploi, pour les aider dans le cadre de leur déménagement et de la recherche de leur logement ?
Les jeunes Français qui rentrent en France après le bac pour suivre un cursus universitaire rencontrent d'énormes difficultés pour trouver un logement, les bailleurs privés n'acceptant pas la garantie de parents qui vivent à l'étranger, qui ne sont pas imposés et qui ne peuvent justifier de revenus en France. Pourrait-on envisager qu'ils puissent bénéficier du dispositif Visale ? Je pense que oui, mais la difficulté est que, à l'étranger, les Français ne connaissent pas l'existence de Visale. Comment peut-on travailler ensemble pour réfléchir à une solution à ce problème ? Il y a tout de même 560 lycées dans le monde et plus de 5 000 jeunes Français qui rentrent en France après le bac... Peut-on envisager de se rencontrer pour évoquer cette question, afin que je puisse communiquer sur le sujet avec les ambassades, les consulats, les associations d'anciens élèves, les associations de parents d'élèves, les proviseurs de lycée ?
M. Daniel Salmon. Nous partageons bien évidemment votre cri d'alarme sur la situation du logement en France.
Je reviens sur la rénovation thermique. Nous savons que vous bénéficiez d'une force de frappe importante et que vous avez la capacité d'aller très vite. Quels sont les moyens financiers que vous affectez à ces travaux ? Avez-vous bénéficié d'aides de l'État comme MaPrimeRénov' ? Quels sont vos besoins pour accélérer encore ?
M. Franck Montaugé. - Voilà quelques années, face aux propositions de M. Denormandie, notre groupe avait prédit la casse du modèle français de l'habitat social. Nous y sommes !
Quelles sont vos propositions pour rebâtir un nouveau modèle global tenant compte de la transition énergétique ?
Par ailleurs, quelle est votre action à l'égard des territoires ruraux ? Ceux-ci sont confrontés à deux types de problèmes : le logement social temporaire au bénéfice des travailleurs saisonniers et la problématique du ZAN. Pour tenir compte de ce dernier aspect, envisagez-vous de faire porter l'effort sur la rénovation de l'habitat dégradé ou abandonné ?
M. Denis Bouad. Depuis plusieurs années, nous alertons le pays sur la crise qui vient. Vous-même avez parlé de bombe sociale.
Les salariés sont poussés à s'éloigner de plus en plus de leur emploi pour se loger. Il arrive même qu'ils choisissent leur travail en fonction de leur capacité à se loger.
Cela a un impact sur les économies locales, car les employeurs rencontrent de grandes difficultés de recrutement. La question du logement et des mobilités professionnelles doit être mieux prise en considération.
Comment appréhendez-vous ce sujet ? Une coordination entre collectivités locales, employeurs et bailleurs sociaux est-elle envisageable sur nos territoires ?
Enfin, je voudrais vous interroger pour le compte de ma collègue Viviane Artigalas, qui n'a pu être là aujourd'hui, sur le dispositif Mobili-Pass. Sa suppression a été annoncée pour le 30 juin 2023. Pour quelle raison ? Par quoi sera-t-il remplacé ?
M. Franck Menonville. - On assiste à une fragilisation des corps intermédiaires et du paritarisme dans la politique du logement en France. Dans le même temps, on constate une recentralisation pour des questions d'économies budgétaires. À mon avis, il faudrait plutôt faire le contraire, c'est-à-dire faire confiance aux initiatives locales.
Je prends l'exemple de l'OPH de la Meuse, qui était loin de la taille critique et qui avait du mal à assurer ses missions. Les acteurs locaux ont eu l'intelligence collective de se regrouper en créant une société de coordination (SAC) afin de profiter de synergies. Aujourd'hui, nous avons retrouvé une véritable capacité d'action dans le département, notamment pour mettre en oeuvre la transition énergétique.
M. Serge Mérillou. - Je reviens sur le problème des passoires thermiques. La loi qui s'applique depuis le 1er janvier ne concerne aujourd'hui que 2 % des logements au plan national, mais, avec l'interdiction en 2025 et 2028 des F et G, la crise va être encore plus terrible. Quelle est la part de votre parc immobilier concernée aujourd'hui ?
Mme Sylviane Noël. - Votre exposé ne nous a pas vraiment rassurés. Cela me rappelle un peu l'histoire de l'Agence de l'eau. Le Président de la République a proposé l'extension à tous de la garantie Visale. Est-ce faisable ?
M. Bruno Arcadipane. - Concernant l'Anil et les Adil, nous étions un certain nombre à pencher pour la suppression des aides, même si nous étions convaincus de leur efficacité. Néanmoins, après discussions, nous sommes parvenus à trouver un consensus en faveur du maintien. Vous pouvez donc rassurer vos interlocuteurs. Je ne suis pas en mesure de vous donner les montants aujourd'hui, mais je puis vous assurer que nous serons bienveillants.
Les partenaires sociaux ont souhaité mettre fin au Mobili-Pass, qui n'est pas viable économiquement. Il y avait de surcroît beaucoup de fraudes. Aussi, nous réfléchissons à un nouveau dispositif, plus dynamique, qui évitera ces écueils. Il sortira dans les mois qui viennent.
En ce qui concerne la performance énergétique, je dois vous dire que le parc d'Action Logement, comme tout le parc social, est plutôt en meilleur état que le reste du parc privé. Nous travaillons en effet de longue date sur ce sujet. Cependant, la problématique des F et G va provoquer une crise terrible. Les petits propriétaires n'auront pas les moyens de financer les travaux et préféreront retirer leurs biens de la location, accentuant encore la pénurie de logements.
Monsieur Montaugé, vous m'interrogez sur notre conception d'un modèle global du logement social. Il n'y a pas de baguette magique et je ne crois pas à un modèle unique : nous devons utiliser tout l'arsenal à notre disposition.
Ces dernières années, nous avons pas mal démoli pour reconstruire. Je crois que nous allons désormais plus vers des réhabilitations, c'est-à-dire vers l'offre de seconde vie.
L'ingénierie mise en oeuvre dans le département de la Meuse donne quelque chose de dynamique. Je vous remercie d'avoir relayé cet exemple, monsieur Menonville.
S'agissant des territoires ruraux, nous avons des filiales dans la quasi-totalité des départements et nous essayons de mettre en place une sorte de péréquation grâce au collecteur unique. J'ajoute que nous avons investi 1,5 milliard d'euros dans les outre-mer.
Enfin, sur la généralisation de la garantie Visale, je suis tenté de souligner que le « en même temps » est compliqué à tenir. Visale a été créé pour être discriminant - moins de trente ans et conditions de ressources -, et il me semble impossible de rendre le système universel. Imaginez le montant de la garantie à provisionner dans le bilan d'Action Logement ! Il y a de plus, à mon sens, un problème éthique à voir se généraliser une telle garantie. Pourquoi changer un système qui fonctionne bien ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Je vous remercie de votre franchise. Vous pourrez toujours trouver au sein de notre institution le soutien nécessaire à la poursuite de votre action, si nécessaire pour le redressement de notre pays.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi relatif à l'industrie verte - Délégation de l'examen d'articles
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'industrie verte a été déposé au Sénat le 16 mai dernier. Il comporte dans sa version définitive 19 articles et son examen a été renvoyé au fond à notre commission des affaires économiques. Le 10 mai dernier, M. Laurent Somon a été désigné rapporteur. Les dispositions de ce texte intéressent toutefois trois autres commissions, auxquelles nous allons déléguer au fond l'examen des articles qui entrent dans leur champ de compétences.
La répartition des articles de ce projet de loi se déclinera de la manière suivante : l'examen au fond des articles 1er, 5, 6, 8, 9, 10 et 11 sera confié à la commission des affaires économiques ; une délégation au fond sera accordée à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les articles 2, 3, 4, 7, 13 et 14 ; une délégation au fond sera accordée à la commission des lois sur l'article 12 ; une délégation au fond sera accordée à la commission des finances sur les articles 15, 16, 17, 18 et 19.
S'agissant du calendrier, je vous rappelle que ce projet de loi sera examiné en commission le mercredi 14 juin matin et en séance publique à partir du mardi 20 juin après-midi. Dans cette perspective, mercredi 31 mai à 18 heures, en salle Médicis, les ministres MM. Bruno Le Maire et Roland Lescure viendront nous présenter ce projet de loi et échanger avec les quatre commissions concernées par le texte.
La commission décide de déléguer au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable les articles 2, 3, 4, 7, 13 et 14 ; à la commission des lois l'article 12 ; et à la commission des finances les articles 15, 16, 17, 18 et 19 du projet de loi relatif à l'industrie verte.
Proposition de résolution européenne relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne - Désignation d'un rapporteur
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, la commission des affaires européennes examinera tout à l'heure, à 13 h 30, la proposition de résolution européenne de M. Michel Canévet relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne. Ce texte entend défendre la nécessité de veiller à un juste équilibre entre la protection de la filière pêche et la protection de la biodiversité marine. C'est notre collègue M. Alain Cadec, parfait connaisseur du sujet, qui en est le rapporteur pour la commission des affaires européennes.
À la suite de son adoption par nos collègues de la commission des affaires européennes, cette proposition de résolution européenne sera renvoyée au fond à notre commission des affaires économiques. Aussi, je vous proposerai que nous l'examinions dès la semaine prochaine et que nous désignions par cohérence et dans la continuité de ses travaux M. Alain Cadec en tant que rapporteur.
La commission désigne M. Alain Cadec rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 557 (2022-2023) relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne présentée par M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger.
M. Serge Babary, rapporteur. - Nous abordons aujourd'hui le sujet des entrepreneurs français à l'étranger. Nous les connaissons peu : pourtant, environ 2,5 millions de Français sont établis dans 169 pays du monde et, parmi eux, environ 130 000 seraient entrepreneurs.
La proposition de loi de Mme Renaud-Garabedian et M. Jean-Pierre Bansard, dont je salue l'initiative, vise à reconnaître et à soutenir ces entrepreneurs. Elle intervient deux ans et demi après un premier rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, qui avait déjà mis en évidence l'absence de définition juridique ou statistique de l'entrepreneur français à l'étranger. La proposition de Mme Renaud-Garabedian vise à y remédier et à formuler, pour la première fois en droit, une définition de l'entrepreneur français à l'étranger, comblant ainsi un vide préjudiciable à la fois pour ces entrepreneurs et pour la France.
Ces entrepreneurs, ce sont des Français partis en Amérique du Sud qui y ont ouvert un restaurant, d'autres partis en Asie pour y vendre d'excellents vins français, d'autres encore qui ont créé une société de conseil ou d'informatique en Afrique et ont recours à des talents ou à des partenariats français. Tous ces entrepreneurs contribuent, directement ou indirectement, à notre commerce extérieur. Toutefois, cette contribution est très difficile à quantifier, si l'on ne sait pas ce qu'est exactement un entrepreneur français à l'étranger.
Ils concourent aussi au rayonnement de la France à l'international, en incitant tous les jours des milliers de personnes dans le monde à aller en France, à mieux connaître la culture française ou encore à consommer des produits français.
Pour continuer à mettre en valeur la France comme ils le font, ils ont besoin d'être reconnus, identifiés et de disposer d'outils pour se valoriser. Ce ne sont pas de grandes entreprises connues du grand public. Ce sont à 77 % de petites structures avec un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros par an. Nous devons donc les distinguer et leur donner la visibilité dont ils ont tant besoin.
C'est aussi une question de reconnaissance : faute de reconnaissance, certains entrepreneurs pourraient être découragés de revenir en France et d'y investir, par exemple en y installant une filiale de leur entreprise créée à l'étranger.
Il y a là aussi un intérêt économique et commercial pour la France : mieux connaître ces entrepreneurs, c'est nous donner les moyens de mieux structurer les réseaux et communautés d'affaires à l'étranger, au service du développement international de nos entreprises. Or, pour cela, il faut les recenser, et pour les recenser, il faut leur donner une existence juridique.
C'est tout l'objet de cette proposition de loi : définir, recenser, valoriser.
Avec Mme Renaud-Garabedian, nous avons échangé en amont de cette réunion de commission, pour proposer un dispositif qui soit le plus opérationnel possible. Je tiens à saluer la qualité de nos échanges préparatoires. Je constate que nous avons su travailler ensemble en mettant à profit nos expériences respectives et complémentaires sur la question.
Définir les entrepreneurs français à l'étranger n'est pas simple. Cela n'avait jamais été fait. Différentes définitions étaient régulièrement utilisées, sans cohérence ni lisibilité : on pouvait parler d'entreprises créées et détenues par les Français de l'étranger, d'entreprises créées ou détenues, d'entreprises dirigées. La première question a donc été de déterminer les critères de définition du statut de l'entrepreneur français à l'étranger, en prenant en compte la diversité des situations de ces entrepreneurs, qui exercent dans des dizaines de pays.
À l'article 1er, le premier critère de définition de l'entrepreneur français à l'étranger posé par cette proposition de loi est d'être un ressortissant français inscrit au registre des Français hors de France. Sur les 2,5 millions de Français établis à l'étranger, seul 1 million d'entre eux y est inscrit.
Certes, l'inscription sur ce registre n'est pas obligatoire. Cependant, elle permet de témoigner un attachement, un engagement minimal envers la France. En effet, ne pas être inscrit sur ces listes, cela signifie ne pas pouvoir voter aux élections nationales.
Au-delà de ce critère primordial de nationalité et d'inscription au registre, il fallait déterminer des critères liés à l'activité économique de l'entrepreneur. La proposition de loi initiale définit comme entrepreneurs français à l'étranger les Français qui ont créé une entreprise de droit local dont ils détiennent plus de 50 % des parts. Ce critère risque malheureusement de ne pas couvrir tous les cas. L'entrepreneur peut créer une entreprise sans en être l'actionnaire majoritaire. Il peut aussi diriger une entreprise sans l'avoir créée, notamment dans le cas de la reprise d'une entreprise créée par un Français. Enfin, les Français qui permettent à d'autres d'entreprendre, en investissant dans une entreprise qu'ils n'ont pas créée, doivent aussi être pris en compte.
C'est pourquoi nous sommes d'accord pour modifier cette définition dans le sens d'une extension au-delà des seuls cas de Français fondateurs d'une entreprise à l'étranger dont ils détiennent la majorité des parts. Je vous propose donc un amendement visant à inclure les personnes de nationalité française inscrites au registre des Français hors de France qui ont créé ou exercent la direction générale ou assurent le contrôle effectif du capital d'une entreprise de droit local. Non seulement cet amendement permettra d'élargir la définition, mais il permettra aussi de remédier aux effets de seuil que pouvait entraîner la fixation d'un critère de détention de 50 % du capital. Également, grâce à la notion d'« entreprise » et non de « société », les entrepreneurs individuels ou leurs équivalents seront pris en compte.
Après la définition, un recensement des entrepreneurs français est nécessaire : c'est l'objet de l'article 2. Mais il n'est pas suffisant d'inscrire ce principe dans la loi, il faut qu'il soit effectivement mis en oeuvre ! C'est pour cela qu'après avoir discuté avec les acteurs économiques comme administratifs, nous avons décidé de ne pas confier cette mission de recensement aux services économiques des ambassades. D'abord, pour ne pas leur créer une charge administrative supplémentaire qu'ils ne pourraient pas gérer. Ensuite, parce que ce ne sont pas les meilleurs connaisseurs des économies locales : leur approche est beaucoup trop macroéconomique. Je vous propose donc un amendement qui supprime le rattachement du comité d'identification des entrepreneurs aux services économiques des ambassades. Ce comité d'identification sera composé notamment de représentants des chambres de commerce et d'industrie (CCI) françaises à l'étranger et des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
Nous avons privilégié une rédaction qui leur permet de s'organiser avec souplesse, éventuellement en sollicitant d'autres acteurs et en s'appuyant sur eux, afin que le recensement soit adapté aux contextes locaux.
Enfin, nous avons conservé le principe d'un label, tout en affinant son dispositif : c'est l'objet de l'article 3. En effet, tous les entrepreneurs ne représentent pas la même valeur ajoutée pour la France. À mon sens, il est indispensable de ne pas tous leur octroyer ce label, mais il importe de valoriser ceux qui représentent véritablement un atout pour la France. Je propose donc un amendement visant à ne pas rendre l'octroi de ce label automatique, mais à conditionner sa délivrance à une activité professionnelle contribuant à la promotion d'un savoir-faire français, à la distribution de biens ou services français ou encore au rayonnement international de la France. Il s'agit de critères larges, qualitatifs. Ces critères seront appréciés par le comité chargé du recensement, constitué notamment de représentants des CCI et des CCEF. L'objectif n'est pas de créer de nouvelles complexités, de nouvelles contraintes, mais encore une fois de laisser les acteurs les plus connaisseurs des économies locales s'organiser.
Nous avions le même parti pris de privilégier la concertation des acteurs au niveau local, en ce qui concerne le nom du label. Initialement, le nom « Made By French » avait été proposé. Il nous est ensuite apparu nécessaire de le modifier. D'une part, il paraît difficile d'inscrire un label en anglais au sein de la loi même si, bien sûr, les acteurs économiques auxquels s'adressent nos entrepreneurs français sont en grande majorité anglophones ; d'autre part, il est essentiel de choisir un nom qui soit approuvé par tous : le choix du nom du label doit être concerté entre les différents acteurs. Nous avons décidé de ne pas mentionner le nom du label dans la loi, tout en nous assurant que le réseau des CCI et des CCEF, très enthousiastes sur ce dossier, fassent part de leurs propositions.
Enfin, la proposition de loi crée un répertoire public unique regroupant les noms des bénéficiaires du label. Je propose de conserver ce principe, mais de ne pas le rendre unique, afin qu'il puisse être mis en oeuvre au niveau des CCI et par les CCEF dans chaque pays. Je crains en effet qu'il ne voie jamais le jour si ce répertoire devait être unique et centralisé au niveau de l'État.
Mon objectif est de créer un cadre qui donne l'impulsion nécessaire à une meilleure connaissance et reconnaissance des personnes qui contribuent à la valorisation de la France dans le monde.
Je vous remercie de votre écoute.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la proposition de loi. - Le sujet des entrepreneurs français a toujours été un angle mort des politiques publiques, notamment à cause de leur éloignement. J'espère que ce statut y remédiera.
Mme Florence Blatrix Contat. - Je vous remercie pour ce travail, issu du rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises. Dans un autre rapport de la délégation sur le commerce extérieur, mes collègues MM. Jean Hingray et Vincent Segouin et moi-même avions pointé un manque d'identification des entrepreneurs à l'étranger, contrairement à l'Italie, qui fait de ses entrepreneurs des ambassadeurs du savoir-faire italien et une véritable vitrine. Cette proposition de loi contribue donc à notre stratégie publique de commerce extérieur. Nous la saluons.
Nous souscrivons à la définition de l'entrepreneur français, tout comme à la nouvelle rédaction de l'article 2. Nous avions une inquiétude sur l'automaticité du label à l'article 3, tout comme sur le nom de ce label ; les acteurs choisiront le nom adéquat, c'est une bonne chose. Nous sommes favorables au texte et aux amendements proposés, tout en restant vigilants quant au périmètre de la définition proposée à l'article 1er.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Les chiffres du commerce extérieur appellent souvent des larmes de crocodile. Cependant, notre présence au monde est aussi le fait de produits et services réalisés par des Français à l'étranger, avec parfois des retombées sur le territoire national. Aux Émirats arabes unis, deux fleuristes français, après avoir conquis le marché des Émirats, se sont développés en France.
Pendant le covid, les dispositifs mis en place en France étaient vus avec envie, car très protecteurs. La difficulté venait du fait que les structures étaient juridiquement étrangères. Des mesures ont été prises. Par exemple, grâce à des associations, en Israël, nous avons pu soutenir des entrepreneurs français. Je salue le nouveau label - le label « French Tech » s'est très bien développé à l'étranger.
Je remercie le rapporteur pour son travail : les rédactions proposées sont très utiles et consolident le dispositif, en y associant des forces vives. Le RDPI votera ce texte.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'attachement à la France et le patriotisme de ces entrepreneurs français à l'étranger sont très hétérogènes. Le dimanche, je regarde souvent M6, qui présente des émissions sur les entrepreneurs français installés à l'étranger : certains sont très heureux d'avoir délocalisé leur activité pour ne pas payer d'impôt ; d'autres, au contraire, ont construit une activité, comme une boulangerie, tout en étant très attachés à leur région d'origine, et animent des réseaux locaux qui mettent en valeur la France.
Il faudra être vigilant sur les labels. Mes impôts ne sont pas là pour aider une entreprise israélienne. Recenser et définir, oui, mais pourquoi ne pas adosser ces entreprises aux conseillers français des ambassades ? Ce serait aussi une façon de nourrir nos conseillers techniques en matière d'intelligence économique au niveau du terrain. Donnons ce label avec discernement.
M. Franck Montaugé. - Les entreprises agricoles entrent-elles dans le champ de ce texte ? Sur le volet valorisation, des dispositions sont-elles envisagées ? Pensons à la compétitivité de la ferme France.
Par ailleurs, qu'en est-il du régime de sécurité sociale ? Un choix est-il possible ? Peut-on cotiser tout en résidant à l'étranger ?
M. Daniel Gremillet. - Cette proposition de loi arrive au moment opportun : nous voulons réindustrialiser la France. Ce texte peut y contribuer de manière indirecte. De plus, avoir une meilleure connaissance de ces acteurs permettra de mettre en avant la question de la compétitivité au niveau de l'Hexagone. Les sujets qui en découlent sont très nombreux.
M. Daniel Salmon. - Je souscris aux propos de Mme Lienemann. Il faut des conditions sociales et environnementales à l'octroi du label. Les entreprises doivent mériter ce label mettant en avant le savoir-faire français. Les entreprises sont très disparates.
M. Serge Babary, rapporteur. - Un comité est mis en place pour attribuer le label. Il sera composé de membres de la CCI internationale et, notamment, des CCEF. Ils feront appel par principe à des personnes du consulat et des ambassades. À eux de s'organiser. Le Quai d'Orsay n'a pas souhaité une mention automatique. J'avais évoqué un tiers de confiance, à l'origine. La rédaction permet d'associer les personnes pertinentes, notamment les conseillers commerciaux. Notre rédaction reste ouverte.
Les entreprises agricoles sont aussi incluses. Je pense à une remarquable entreprise d'aquaculture au Vietnam.
Les salariés expatriés des entreprises françaises à l'étranger peuvent cotiser à la sécurité sociale française ; en revanche, nous parlons ici d'entreprises locales, soumises au droit local.
Des entreprises françaises reviennent de l'étranger. En les valorisant et en maintenant le lien avec la France, nous les intéresserons d'autant plus.
Concernant les inquiétudes sur les délocalisations, je fais confiance à l'éthique des comités locaux pour définir ceux qui participent au rayonnement de la France. Si la motivation initiale est celle de l'optimisation fiscale, ils sauront décider.
Mme Sophie Primas, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose que le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger comporte les dispositions relatives à la définition des entrepreneurs français à l'étranger, au recensement des entrepreneurs français à l'étranger et aux dispositifs de mise en valeur des entrepreneurs français à l'étranger.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à étendre la définition de l'entrepreneur français à l'étranger, en revenant sur le critère de détention de 50 % du capital, qui n'est pas significatif de l'engagement des entrepreneurs. Je vous propose d'adopter cet amendement.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement COM-3 prévoit que le comité d'identification n'est pas rattaché de manière automatique aux services économiques des ambassades. Il y va du respect du droit européen.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le Quai d'Orsay ne peut se laver les mains de tels types de démarche. J'ai conscience des problèmes de ressources humaines que cela implique, mais les services économiques ont aussi besoin d'une approche microéconomique. Le comité pourrait fonctionner sur le modèle des conseils consulaires, où le représentant de l'administration est le rapporteur, et tient donc la plume ; une telle expertise serait précieuse.
M. Serge Babary, rapporteur. - Nous sommes d'accord. Nous avons voulu respecter les exigences européennes et la demande du Quai d'Orsay. Il reste impliqué, puisqu'il va mettre en oeuvre le système.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je vais réfléchir à un amendement de séance.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Serge Babary, rapporteur. - Adopter l'amendement COM-1 rectifié ter impliquerait d'adresser un questionnaire à chacun de ces entrepreneurs. Certaines motivations sont personnelles, tout à fait intimes. Il n'y a pas d'intérêt à connaître la motivation première de leur choix. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 rectifié ter n'est pas adopté.
M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement COM-4 prévoit que le label n'est pas délivré de manière automatique, mais après sélection par un comité local ad hoc. Je vous propose d'adopter cet amendement.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 25.