- Mercredi 17 mai 2023
- Proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet d'actes de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 - Examen du rapport et du texte de la commission
- Suivi de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 - Communication
Mercredi 17 mai 2023
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Sylvie Robert rapporteure sur la proposition de loi n° 506 (2022-2023) visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer présentée par Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Jean-Jacques Lozach rapporteur sur la proposition de loi n° 241 (2022-2023) visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues.
M. Laurent Lafon, président. - Nous débattrons de ces deux propositions de loi le jeudi 15 juin lors de l'espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet d'actes de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons le rapport de notre collègue Béatrice Gosselin sur le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet d'actes de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. L'examen de ce texte en séance publique est programmé le mardi 23 mai prochain.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - À peine plus d'un an après le vote d'une première loi de restitution de biens spoliés pendant la période nazie, le Gouvernement nous soumet un nouveau projet de loi sur le sujet.
Ce texte vise à donner une nouvelle impulsion au processus de réparation des spoliations commises pendant cette période. Contrairement au texte que nous avions examiné l'an passé, il n'a pas pour objet de restituer des biens précis, mais il vise à fixer le cadre applicable pour faire sortir des biens spoliés des collections publiques afin de les restituer à leurs propriétaires légitimes ou à leurs ayants droit, sans plus avoir à solliciter l'autorisation au cas par cas du législateur.
Les biens culturels appartenant aux collections publiques sont en effet frappés d'inaliénabilité. Ce principe étant de valeur législative, le vote d'une loi est nécessaire pour autoriser l'État ou des collectivités territoriales à y déroger et procéder à la restitution de biens appartenant à leurs collections.
Il est également possible d'obtenir du juge la restitution de biens spoliés sur le fondement de l'ordonnance du 21 avril 1945. Celle-ci frappe de nullité tout acte de spoliation commis en France par l'occupant ou par le régime de Vichy et en impose la restitution. Elle s'applique aussi aux biens qui auraient été intégrés aux collections publiques depuis leur spoliation.
Cette modalité de restitution ne revêt cependant pas la même portée. D'une part, elle ne permet pas d'obtenir la restitution des biens intégrés aux collections publiques dont les faits de spoliation n'auraient pas été commis sur le territoire français. D'autre part, sa mise en oeuvre est conditionnée au dépôt d'une requête par les propriétaires spoliés ou leurs ayants droit.
Si la France souhaite manifester son engagement à faire davantage pour réparer les spoliations de biens culturels, conformément aux principes de Washington, c'est bien la voie législative qu'elle doit emprunter pour permettre à l'État et aux collectivités territoriales d'être à l'initiative de telles restitutions.
Dès l'examen de la loi de restitution l'an dernier, nous étions conscients qu'il ne s'agissait que d'une première étape et que l'adoption d'une loi-cadre serait rapidement requise pour mieux répondre à l'enjeu de cette nécessaire réparation. Un tel dispositif présente en effet de nombreux bénéfices par rapport aux lois d'espèce.
Les lenteurs et la complexité de la procédure parlementaire sont un frein au processus de restitution en décourageant les demandes des familles et le travail de recherche des établissements culturels. C'est un véritable problème alors qu'il nous faut, au contraire, accélérer le rythme des restitutions avant que la mémoire des familles de victimes ne s'estompe ou que les recherches ne s'avèrent impossibles en raison d'une trop grande distance avec les faits.
Compte tenu des efforts qu'ont engagés les établissements, sous l'impulsion du ministère de la culture, pour mieux identifier les biens spoliés au sein des collections publiques depuis quelques années, il serait dommage que les restitutions soient retardées et que notre ordre du jour se retrouve de plus en plus encombré par la multiplication des lois d'espèce.
Une loi-cadre serait utile afin d'accroître les recherches proactives et de mieux sensibiliser les acteurs culturels à cette problématique. Même si l'on constate désormais une véritable prise de conscience de la part des établissements sur la nécessité de réparer les spoliations, ceux-ci ne savent pas toujours quelles sont les obligations qui leur incombent en la matière. Une loi-cadre rendrait aussi le processus de restitution plus fiable et transparent.
Au-delà de ces arguments pratiques, je vois dans l'adoption par la France d'une telle loi un véritable symbole de sa détermination à traiter le problème dans sa globalité sur le long terme. Il doit s'agir d'une nouvelle étape dans notre politique de réparation des spoliations antisémites.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je pense que le Gouvernement a eu raison de souhaiter distinguer, par trois lois séparées, le cadre applicable aux restitutions de biens spoliés, de restes humains et de biens coloniaux. Ces questions ne correspondent pas aux mêmes faits historiques ; les critères de restitution mis en place doivent être spécifiques.
L'article 1er crée, dans le code du patrimoine, une procédure administrative permettant à l'État ou aux collectivités territoriales, par dérogation au principe d'inaliénabilité du domaine public, de restituer les biens culturels appartenant à leurs collections spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Il conditionne la décision de restitution par la personne publique à l'avis préalable de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS), chargée d'apprécier l'existence de la spoliation et ses circonstances. Le texte est rédigé de telle sorte que la restitution s'impose à l'État ou à la collectivité territoriale lorsqu'il est établi que le bien a fait l'objet d'une spoliation.
Dans l'ensemble, les différentes personnes entendues ont toutes porté une appréciation très positive sur la procédure envisagée. Deux aspects méritent en particulier d'être soulignés.
Le premier est le périmètre de la procédure, suffisamment large pour qu'elle soit applicable à tous les types de biens culturels relevant du domaine public, y compris le mobilier, les livres et les instruments de musique, qui n'étaient pas concernés par la loi de restitution de 2022, mais aussi aux différentes formes de spoliations liées à des persécutions antisémites - les vols, les pillages, les mesures d'aryanisation et les ventes forcées -, quelle que soit l'autorité responsable et le lieu de leur perpétration. À la différence de la voie judiciaire, la restitution n'est pas limitée aux biens culturels spoliés en France pendant la période de l'Occupation.
Le deuxième élément positif, c'est le caractère objectif, transparent et collégial de la procédure mise en place, qui correspond à la position que notre commission a toujours défendue pour l'organisation des restitutions. Le recours à la CIVS est un élément sécurisant à la fois pour les familles de victimes et pour les établissements culturels qui conservent les biens.
Son expertise et sa compétence en matière de caractérisation des spoliations sont reconnues, y compris en ce qui concerne les biens culturels depuis que sa mission a été réformée en 2018 pour permettre d'améliorer la recherche et la restitution de ces biens. Son intervention est une garantie d'un examen scientifique et impartial des cas concernés.
Il est vrai que cette procédure ne permettra pas de faire sortir des collections des biens acquis dans des circonstances troubles, comme l'avait fait la loi du 21 février 2022 pour les biens Dorville. Mais elle permettra de régler les cas dans lesquels la restitution des biens s'impose aux collectivités publiques de façon objective. C'est la raison pour laquelle nous pouvons accepter, en tant que législateur, de donner notre autorisation automatique à leur sortie des collections, sans avoir nous-mêmes à en examiner le bien-fondé au cas par cas.
À mon sens, le caractère simple et non conforme de l'avis de la CIVS ne constitue pas un obstacle à cette sortie automatique. D'une part, le risque que l'avis de la CIVS ne soit pas suivi reste faible. D'autre part, la décision des collectivités publiques pourra toujours être contestée devant le juge administratif.
Cet avis simple est de nature à responsabiliser davantage les collectivités publiques et à conférer une plus grande dimension symbolique à la décision de restitution.
L'une des innovations de ce projet de loi est la possibilité offerte aux parties de conclure un accord amiable sur des modalités de réparation autres que la restitution, une fois le principe de celle-ci obtenu par les victimes. Cette disposition a été inspirée par la transaction conclue en 2021 par le musée Labenche d'art et d'histoire de Brive-la-Gaillarde avec les héritiers d'un propriétaire allemand spolié, sur la tapisserie « L'Odorat » de la manufacture anglaise de Mortlake. Elle vise à permettre le maintien de biens significatifs du point de vue de l'intérêt ou de la cohérence des collections publiques en contrepartie d'une compensation financière et/ou de tout autre engagement de la part de l'établissement. Dans le cas du musée Labenche, les héritiers ont exigé de l'établissement qu'il retrace également le parcours de la tapisserie dans la salle dans laquelle elle est exposée. Cette disposition me paraît opportune. Elle est évidemment avantageuse pour la préservation des collections publiques.
Le musée d'art et d'histoire du judaïsme estime qu'elle aurait pu éventuellement permettre de conserver le tableau « Le Père » de Marc Chagall, qui revêtait une importance significative dans l'oeuvre du peintre - son seul autoportrait - et qui a été restitué l'an dernier à la famille de son propriétaire spolié.
Mais, comme cette solution ne peut être imposée par la personne publique et repose sur l'accord des parties, elle apparaît juste et équitable, au même titre que la restitution. La Fondation pour la mémoire de la Shoah la juge favorablement, dans la mesure où elle préserve la reconnaissance de la spoliation et sa juste indemnisation. Elle estime que certaines familles de victimes puissent souhaiter que soit présentée, dans un lieu accessible au public, une trace mémorielle de la spoliation dont ils ont souffert.
Le fait que la collectivité publique se voit octroyer la possibilité de négocier le rachat du bien spolié justifie, à mon sens, une autre disposition du projet de loi : celle qui impose la délivrance automatique d'un certificat d'exportation pour les biens qui feraient l'objet d'une restitution. Ce fut l'un des points les plus débattus dans la mesure où le certificat d'exportation est un principe de bonne gestion des biens culturels.
Mais, outre que cette délivrance automatique correspond déjà à la pratique actuelle et que les biens devraient être, dans de nombreux cas, restitués à des personnes vivant à l'étranger, la réparation ne me paraîtrait pas complète si l'État venait à reprendre d'un côté le bien qu'il restituerait de l'autre.
Pour en revenir à la possibilité de négociation offerte aux personnes publiques de racheter le bien spolié, je m'inquiète que sa mise en oeuvre ne bute sur des questions financières, au regard de la faiblesse des crédits d'acquisition que nous dénonçons depuis plusieurs années. Peu de collectivités auront sans doute les moyens de débourser une seconde fois la valeur du bien sans aide de l'État.
L'article 2 autorise les propriétaires des musées privés labellisés « musée de France » à restituer, après avis de la CIVS, les biens spoliés de leurs collections acquis par dons ou legs ou avec le concours financier d'une collectivité publique. Cette disposition se justifie par le fait que le code du patrimoine interdit à ces musées de vendre ou de céder les biens acquis de cette manière, sauf s'il s'agit d'un autre musée de France.
La rédaction de cet article ne rend pas obligatoire la restitution de ces biens, mais se contente d'en offrir la faculté aux propriétaires des musées, après information du Haut Conseil des musées de France. Son but est d'empêcher que des obstacles juridiques n'entravent la capacité des musées privés de France à répondre à l'élan en faveur de la réparation des spoliations antisémites, mais aussi d'inciter ces établissements à restituer les biens spoliés de leurs collections et à approfondir le travail de recherche sur la provenance de celles-ci. Il me semble aller dans le bon sens. Je vous proposerai deux amendements destinés à en faciliter la bonne application.
L'article 3 vise à rendre applicables les dispositions de la présente loi aux demandes de restitution déposées avant sa publication et encore en cours d'examen. C'est une disposition de bon sens pour accélérer la restitution des biens dont l'instruction a déjà débuté. Le ministère de la culture m'a fait part de six dossiers concernés, dont deux émaneraient de demandes de familles, et quatre seraient le fruit de recherches proactives.
Au final, le contenu de ce projet de loi ne prête donc pas à critique. C'est davantage son application qui pourra soulever des difficultés.
À cet égard, je regrette de ne pas avoir pu prendre connaissance du contenu des mesures réglementaires qui seront prises pour son application. Non pas que je pense que le Gouvernement ne prendra pas les mesures appropriées rapidement, mais la mise en oeuvre de la loi est intimement liée à l'adoption de ces règles.
Les modalités de saisine, de prise de décision et de recours ou encore les possibilités de réexamen des dossiers en cas de survenance d'un élément nouveau seront des éléments déterminants pour garantir le caractère opérant de la nouvelle procédure. Des clarifications étaient également attendues de la part des établissements culturels au sein desquels les biens sont conservés, concernant le rôle qui leur sera dévolu.
Au-delà des mesures d'application, ce sont surtout les moyens qui seront mis au service de cette politique de réparation qui influeront sur l'application de cette nouvelle procédure.
Le projet de loi ne fait malheureusement que faciliter la perspective des restitutions. Mais il reste un immense travail à faire pour que celles-ci puissent intervenir.
Malgré des progrès ces dernières années, l'engagement de la France en termes humains et financiers reste modeste en comparaison de plusieurs de nos voisins européens, à commencer par l'Allemagne, dont l'État fédéral et les Länder ont consacré, depuis quinze ans, plus de 40 millions d'euros en matière de recherche de provenance sur les biens spoliés.
Sans véritable volontarisme politique et renforcement des moyens alloués à cette politique, je crains que les ambitions affichées par le projet de loi n'aient du mal à se matérialiser.
Se pose bien sûr la question du renforcement des effectifs de la CIVS et de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés du ministère de la culture afin d'éviter que l'accroissement de leur charge de travail ne se traduise par un allongement des délais de procédure ou une réduction du temps consacré à l'instruction de chaque dossier.
J'insiste surtout sur l'absolue nécessité d'intensifier le travail de recherche de provenance. C'est la clé de voûte des restitutions à venir. Mais c'est un travail titanesque, complexe et chronophage, qui requiert un personnel qualifié et disponible.
La priorité doit donc être d'enrichir l'offre de formation, après la création d'un premier diplôme universitaire à Nanterre en 2022. Il faut ensuite débloquer des moyens pour que les établissements puissent recruter des chercheurs de provenance sur des postes à temps plein ou des missions temporaires quitte, éventuellement, à envisager des recrutements mutualisés. Il faut enfin faciliter ce travail en soutenant davantage les travaux de recherche sur la période 1933-1945, en améliorant encore l'accès aux archives, en particulier privées, et en approfondissant les réseaux de coopération internationale.
Au-delà de ce travail sur la recherche de provenance, il me semblerait utile que la médiation autour des oeuvres spoliées et des Musées nationaux récupération (MNR) soit encore renforcée. Rendre compte de l'histoire des spoliations et retracer le parcours des oeuvres font partie intégrante de la politique de réparation. Dans les domaines dans lesquels l'identification des biens spoliés est plus complexe - je pense en particulier aux livres ou aux instruments de musique, biens produits en série et qui portent rarement une trace distinctive permettant de les rattacher à leur ancien propriétaire -, raconter les spoliations est parfois la seule réparation possible.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Je vous propose de définir le périmètre pour l'application de l'article 45 de la Constitution. Il pourrait comprendre les dispositions qui ont trait à l'organisation, à la procédure et aux conditions de restitution des biens culturels spoliés aux Juifs pendant la période nazie. En revanche, je vous propose que nous excluions de ce périmètre les dispositions ayant pour objet de définir les modalités de restitution de biens culturels n'entrant pas dans la catégorie de ceux spoliés aux Juifs pendant la période nazie.
Mme Sabine Drexler. - C'est le deuxième texte examiné par notre commission sur ce sujet sensible des restitutions d'oeuvres d'art spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale et qui appartiennent à des collections publiques, des objets qui ne devraient pas être là et qui n'auraient jamais dû être là.
Au-delà de la dépossession, la spoliation constitue une atteinte grave à la dignité des individus. Elle est la négation de leur humanité, de leur mémoire, de leurs souvenirs et de leurs émotions. Aujourd'hui, les oeuvres spoliées non restituées sont parfois les seuls biens qui restent aux familles. S'il ne peut réparer l'irréparable, ce travail de restitution est nécessaire et utile et répond à une exigence de vérité et de justice.
En France, en raison du caractère inaliénable de ces collections, le droit du patrimoine ne permet pas de faire sortir des oeuvres des collections publiques même si leur spoliation est démontrée. Mais alors que les recherches de provenance menées par la mission de recherche et de restitution des biens culturels et spoliés entre 1933 et 1945 par certains musées font justement apparaître des oeuvres spoliées dans les collections publiques, le droit français ne permet leur sortie que par la loi, car il manque dans le code du patrimoine une disposition législative qui le permette. Ce texte est à cet égard une avancée notable, très attendue par les familles. On estime qu'il y a eu au moins 5 millions de livres et 100 000 oeuvres spoliés en France pendant l'Occupation. Environ 45 000 d'entre elles ont été restituées après la guerre, et près de 2 200 oeuvres font partie des collections des musées nationaux. Ces chiffres sont fondés sur les déclarations des personnes spoliées après la guerre, mais toutes n'ont pas déclaré la disparition ou la vente forcée de leurs biens. Ces chiffres sont probablement sous-estimés. Le mouvement de réparation engagé ces dernières années est important et constitue un encouragement à régler le sort des autres MNR, toujours orphelines, qui attendent leur restitution.
Il est heureux que cette volonté de réparation anime de plus en plus de musées voulant faire la lumière sur la provenance de leurs collections. Plusieurs d'entre eux ont engagé des travaux de recherche afin d'identifier d'éventuelles oeuvres à la provenance douteuse. Nous connaissons la difficulté de mener de tels travaux nécessitant beaucoup de persévérance et de continuité, et qui ne permettent malheureusement pas aussi fréquemment qu'on le souhaiterait des résultats comme ceux que nous attendons et que nous espérons aujourd'hui. Il est regrettable que le ministère de la culture ne puisse mettre davantage de moyens pour accompagner les musées dans ces travaux ardus et de longue haleine.
Je salue le travail du rapporteur et la qualité de son rapport. Le groupe LR votera ce texte sans aucune hésitation.
M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Il y avait beaucoup d'émotion durant la présentation du rapport : c'est rare qu'un rapporteur s'exprime dans un silence de cathédrale. Nous sommes tous impliqués, en conscience et personnellement, dans ce sujet.
Les auditions ont été très riches, passionnantes, parfois bouleversantes, car elles nous ont permis de voir la réalité de la spoliation qui dépasse l'entendement. Nous n'allons traiter que des oeuvres d'art, alors que plusieurs centaines de trains ont été envoyés en Allemagne.
Les spoliations ont été mises en oeuvre par tout l'appareil militaire du IIIe Reich et par toute l'administration de Vichy : tous les fonctionnaires ont collaboré à ce funeste projet politique. C'est terrifiant.
Jamais le marché de l'art français n'a été aussi florissant qu'entre 1940 et 1944. Des collections personnelles se sont constituées à ce moment-là. Les musées, sans trop regarder l'origine des oeuvres, ont aussi puisé dans ces ventes pour enrichir leurs collections. On regarde aujourd'hui ces tableaux sans prendre conscience de leur origine.
Les restitutions ont été actives jusqu'à la fin des années 1950. Puis durant quarante ans, il ne s'est plus rien passé : on a voulu oublier, tout le monde s'est réfugié dans un déni total. Il a fallu atteindre 1990 pour les premiers articles, 1995 pour la déclaration de Jacques Chirac au Vel d'Hiv qui crée le choc politique et symbolique permettant ensuite un travail de mémoire.
En 2000, la mission Mattéoli a été décisive, après un travail de très grande qualité qui a duré trois ans. Cela a permis de mettre en place deux instruments intéressants : une commission scientifique qui instruit avec les méthodes de l'histoire de l'art et une commission administrative avec des hauts magistrats administratifs qui donnent un avis au Gouvernement. Cela permet d'assurer la transparence des travaux pour le Parlement et les citoyens.
Le Parlement débattra de trois textes ; nous débattons aujourd'hui du premier, avant ceux sur les restes humains et les spoliations coloniales. Le système mis en place pour les spoliations antisémites, avec ces deux commissions, devrait inspirer au moins le troisième texte sur les spoliations coloniales. Ce n'est pas la préconisation de M. Martinez qui préfère entretenir une sorte d'entre-soi entre l'exécutif et les conservateurs de musée, soit tout ce qui a fait qu'il ne s'est rien passé durant des années. On ne peut s'en satisfaire, il faut plus de transparence.
Pourquoi légiférer si longtemps après ? Ce sont des crimes odieux, contre l'humanité, et qui sont donc imprescriptibles. Il faudra continuer ce travail de mémoire et de restitution pour essayer de rendre justice, même si notre travail législatif est dérisoire face à l'ampleur des crimes. Tant que nous aurons la possibilité de restituer, il faudra le faire pour maintenir cette mémoire.
J'insiste, ce n'est pas une loi mémorielle. Le Parlement n'écrit pas l'histoire, mais il couche sur le papier législatif la réalité de ce qui s'est passé du point de vue du droit. Nous ne portons pas un jugement moral sur l'Allemagne nazie ou sur le régime de Vichy. Nous actons juste que ce régime a voté des lois permettant la spoliation ; c'est sur la base de ces lois que nous organisons la restitution.
M. Lucien Stanzione. - En février 2022, le Parlement s'est prononcé pour la restitution des biens spoliés durant la période nazie, avec un vote unanime. Cette première étape nécessitait d'être complétée par un dispositif plus général encadrant la procédure.
Je renvoie la paternité de tout ce travail à Catherine Morin-Desailly qui a beaucoup travaillé, durant des années, sur ces questions. C'est ce qui a déterminé la mise en place de ce travail de fond. Je salue le rapporteur avec laquelle j'ai beaucoup cheminé durant les auditions. Tout cela a été fait avec beaucoup d'émotion.
Une fois n'est pas coutume, je salue la volonté de la ministre de la culture d'avancer dans ce domaine.
L'accélération de la restitution des biens spoliés est indispensable, malgré une mise en oeuvre compliquée. Il faut réduire les délais. La restitution est une nécessité morale et un impératif éthique. Ces biens représentent le souvenir et l'héritage de personnes, de familles dont la vie a été bouleversée à jamais par le nazisme.
Notre démarche s'inscrit dans le sens d'un apaisement, d'une réconciliation, d'une reconnaissance de notre histoire. C'est un acte symbolique fort et indispensable, comprenant l'ampleur des pertes subies par les victimes de l'obscurantisme. Nous renforçons ainsi notre engagement envers la justice et la dignité humaine.
Les délais actuels sont inacceptables, prolongeant la douleur des survivants et de leurs descendants qui attendent justice. Il est urgent de réduire ces délais de restitution et de simplifier le processus, pour ne plus passer par la voie législative pour chacune des oeuvres.
Nous devrons nous interroger sur le partage des biens et sur leur valeur universelle. Nous ferons trois remarques, probablement sous la forme d'amendements de séance : la CIVS va être remodelée par décret. Or dans le nouveau dispositif, on passe du « tout parlementaire » au « rien parlementaire ». Il serait opportun de faire siéger un député et un sénateur, au moins à titre consultatif.
Par ailleurs, j'évoquerai le partage de la valeur culturelle des oeuvres restituées. Il y a un droit absolu à la restitution aux propriétaires. Mais l'oeuvre d'art est une oeuvre universelle. Il faut trouver des moyens pour continuer à en prendre connaissance, sous forme photographique ou autre, même si elle a été restituée à la famille ou aux ayants droit.
Enfin, malgré l'avis de la CIVS, la décision finale appartient soit au conservateur, soit à la collectivité territoriale détentrice de l'objet. Rien n'est prévu en cas de désaccord. Il faut y réfléchir.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Cette question nous occupera dans les prochains mois, avec trois textes.
Nous devons réaffirmer que le Sénat a été moteur depuis de très longues années sur ce sujet. Nicolas About, en 2001, avait déposé au Sénat le premier texte de restitution de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud ; il y a eu ensuite le texte sur les têtes maories. Pensons aussi à Corinne Bouchoux, qui avait, en tant qu'historienne, réalisé un travail durant plusieurs années sur les oeuvres spoliées par les nazis, avant de mener une mission d'information sur le sujet au nom de notre commission en 2013. Il aura fallu dix ans pour que le Gouvernement se saisisse enfin d'un sujet sur lequel nous l'avions alerté. Lors du débat sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), nous avions adopté quelques dispositions pour inciter à ce travail de recherche de provenance.
La question des moyens dépend de la volonté politique de faire ou non, tant pour le ministère, les musées nationaux ou les musées territoriaux.
Après le rapport de Corinne Bouchoux, des rapports d'étape ont insisté sur la recherche de la provenance et la traçabilité. Lors de notre mission d'information sur les restitutions des oeuvres d'art, avec Pierre Ouzoulias et Max Brisson, nous avons dit combien cette question était cruciale. Actuellement, le ministère n'est pas à la hauteur.
Le triptyque proposé correspond au rapport Martinez. Il met la lumière sur certaines oeuvres ou restes humains sensibles conservés dans les musées, et en fait une affirmation politique ; c'est une bonne chose.
Jean-Luc Martinez salue le travail du Sénat, notamment sur les restes humains. La remarque est osée, sachant que la Commission scientifique nationale des collections a disparu avec la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), alors que nous nous étions battus pour elle...
Monsieur Ouzoulias, nous devons tracer notre chemin et remettre l'idée d'une structure double avec un conseil ad hoc émettant des avis et un conseil d'expert dans le troisième texte.
Nous avions voté à l'unanimité l'article 1er de la loi sur les restes humains, et la ministre l'a repris. Les restes humains sont un cas à part. Il n'y a pas besoin de l'avis spécifique de cette commission.
Depuis hier, la proposition de loi que nous avons redéposée avec Max Brisson et Pierre Ouzoulias est ouverte à la cosignature de l'ensemble des membres de notre commission.
Je félicite le rapporteur. Le groupe UC la suit à 100 %.
M. Bernard Fialaire. - On ne peut aborder cette période et les victimes de l'idéologie nazie, par extermination ou spoliation, sans émotion. Je rappelle la reconnaissance de la responsabilité de l'État français dans cette collaboration. C'est donc doublement douloureux.
Je remercie le rapporteur. J'ai été très sensible à plusieurs témoignages. Je sais que le périmètre limite aux biens spoliés durant la période nazie, mais nous avons reçu des messages nous alertant. En pensant traiter ce sujet à part en le déconnectant d'autres spoliations - par exemple coloniales -, faisons attention à ne pas alimenter un certain antisémitisme par ce traitement spécial. Certes, ce n'est pas du tout notre intention, mais soyons prudents dans notre communication et servons-nous de cette démarche pour nous en servir pour toutes les spoliations.
Interrogeons-nous aussi sur l'inaliénabilité des oeuvres. Faisons-la évoluer sur la dimension culturelle d'une oeuvre plutôt que sa patrimonialité, et donc sa propriété. Et discutons sur la nue-propriété et l'usufruit, sur des oeuvres nécessaires à un dialogue culturel dans les musées, ou celles indispensables pour l'identité d'un territoire ou de peuples. Allons un peu plus loin. Il y a aussi la dimension universelle des biens culturels, qui appartiennent à un patrimoine universel.
Sur la délivrance automatique des certificats d'exportations, si la délivrance des certificats d'exportation est retardée, c'est pour permettre une négociation entre le musée et la personne. Mais au bout de deux ans, faute d'accord, l'exportation est automatique. Il faut raccourcir les délais, mais ne pas supprimer ces certificats. Il y a deux choses : les oeuvres spoliées importées en France à cette occasion, et celles qui ont toujours été sur notre territoire. Avant de les exporter, il faut pouvoir s'interroger sur ces dernières, et avoir un traitement différencié.
La présence de parlementaires au sein de la CIVS est-elle symboliquement forte ? C'est aussi une tâche chronophage. Le plus important, c'est que nous soyons informés régulièrement plutôt que d'avoir une présence symbolique. Nous avons déposé un amendement pour recevoir régulièrement des rapports. Nous voterons ce projet de loi, mais souhaitons l'élargir à une démarche plus large.
Mme Monique de Marco. - Je félicite le rapporteur.
En 2013, Corinne Bouchoux, ancienne membre de cette commission, estimait que la France n'avait pas été au bout de ses recherches. En ouvrant le débat sur la spoliation des Juifs par les nazis, elle a enclenché une dynamique. Mais dix ans sont passés ! Elle était très critique sur le rôle de la France.
Ce texte est un nouvel engagement de la France pour la restitution de ces oeuvres spoliées, en application des principes de Washington. Nous ne déposerons pas d'amendement. Les vôtres nécessitent réflexion.
Je vous remercie pour ce travail qui ouvrira la porte à d'autres débats. Il faut ouvrir la porte à la restitution d'oeuvres spoliées dans d'autres contextes historiques, par exemple les bronzes du Palais d'été ou les oeuvres volées durant la période coloniale - certes, ce n'est pas le même contexte. Nous voterons ce texte.
M. Jacques Grosperrin. - Je félicite Mme Gosselin. Nous sommes tous touchés, et je l'ai été personnellement, par des biens spoliés dans ma famille. Ces biens n'ont pas toujours été correctement évalués. Certains ont profité de cette période sombre de l'Histoire.
Vous avez parlé des différents types de commissions. Sont-elles suffisantes pour prouver l'existence des vols et confiscations antisémites ?
Si vous deviez hiérarchiser les moyens nécessaires, quelles seraient les priorités ?
Mme Samantha Cazebonne. - L'année dernière, lors de l'examen du projet de loi ayant permis la sortie de quinze oeuvres des collections publiques pour les restituer ou les remettre aux ayants droit de leurs propriétaires spoliés, des voix se sont élevées pour demander une loi-cadre afin d'éviter la multiplication de lois particulières et d'accélérer les restitutions. C'est chose faite avec ce projet de loi ; notre groupe s'en réjouit.
Apport important, ce projet de loi permet à la personne publique concernée de prendre l'initiative de la restitution du bien, alors que l'ordonnance du 21 avril 1945 repose sur l'initiative de la victime ou de ses ayants droit. Notre groupe votera ce projet de loi.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Je vous remercie de vos retours. La CIVS est une commission administrative ; il y a aussi une commission scientifique qui effectue des recherches de provenance. Elle est constituée de professionnels du secteur de l'art, du monde judiciaire, de généalogistes. Par contre, un point pose problème, le manque de personnel : seuls quelques grands musées ont parfois du personnel dédié aux recherches. C'est moins vrai pour les plus petits musées ou ceux des collectivités territoriales, où le personnel est limité. C'est pourquoi il faut plaider sur la mise en place de mutualisations, ou d'un accompagnement par la mission de recherche et de restitution, comme ce fut le cas pour le musée d'Orsay. La recherche de provenance sur les oeuvres d'art est une chose, mais celle sur les bibliothèques est compliquée parce que les livres sont produits en série et ils ne comportent souvent pas de trace permettant de les relier à leur ancien propriétaire. C'est un domaine dans lequel il faudra une impulsion pour disposer de moyens humains et financiers. Les besoins financiers se feront aussi sentir en cas de modalités de réparation autres que des restitutions : le musée Labenche a ainsi racheté 140 000 euros la tapisserie spoliée - l'équivalent de deux ans de fonctionnement ! Cela a été permis grâce à des aides de la ville et du département.
Je remercie mes collègues ayant participé aux travaux. Durant quarante ans, il ne s'est pas passé grand-chose dans les musées, car les conservateurs ont plutôt envie de garder leur collection plutôt que de la voir redistribuée à travers le monde. La prise de conscience de M. Chirac, la mission Mattéoli surtout le rapport Bouchoux ont donné une réelle impulsion au sujet. Mme Bouchoux, que nous avons entendue, a toujours un regard critique sur le sujet. Elle estime qu'on n'en fait pas encore assez. Quand il faut restituer, que va-t-il rester dans le musée ? Le musée Labenche a conservé l'oeuvre, mais un travail pédagogique a été réalisé à l'intérieur du musée sur les oeuvres spoliées. Voilà une façon de reconnaître la spoliation. À l'avenir, on pourrait imaginer, grâce aux nouveaux moyens techniques, des reproductions ou des hologrammes pour conserver l'oeuvre qui avait été accrochée là et qui aurait été restituée.
Il faut aussi des moyens techniques, comme la recherche d'écriture en cas de manuscrits, ou la dématérialisation des oeuvres, mais aussi des livres. Les progrès technologiques permettent une recherche proactive plus importante, mais le temps est compté. Plus les choses tardent, plus la réparation ne se fait pas et plus les ayants droit sont difficiles à retrouver.
Ce texte reconnaît la responsabilité de l'État français et d'autres pays dans la spoliation. Je fais un voeu pieux : que le travail pour cette loi-cadre soit un chemin pour les textes sur les biens coloniaux et les restes humains, qui ont des caractéristiques différentes, mais le même besoin de réparation.
Pourquoi n'y a-t-il pas une seule loi-cadre ? Certains envisageaient de n'en faire qu'une avec des commissions différentes. Mais surtout, avoir une loi-cadre différente permet de prendre en considération des spoliations différentes et des actes différents, avec des contextes historiques différents. Personnellement, il me semble important qu'il y ait une recherche et une réparation unitaire pour les biens spoliés aux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, et un autre travail pour les restes humains et pour les biens spoliés pendant la période coloniale. Conservons le caractère inaliénable et obligatoire des restitutions des biens spoliés aux familles juives.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Pierre Ouzoulias. - La formulation de l'alinéa 7 de l'article 1er me pose problème, car il précise : « dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l'Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l'autorité de fait se disant “gouvernement de l'État français”. ». Je regrette d'abord que ne soit pas citée l'Alsace-Moselle, territoire annexé - et non seulement occupé - où s'appliquaient les lois du Reich. Il faudrait le dire.
M. Claude Kern. - Tout à fait.
M. Pierre Ouzoulias. - Avec l'adverbe « notamment », on a le sentiment que les lois prises par Vichy auraient pu l'être sous la contrainte de l'Allemagne nazie, ce qui n'a pas été le cas. L'ordonnance du 21 avril 1945, prise par le général de Gaulle au nom du gouvernement provisoire de la République française, parle des spoliations « en vertu des prétendues lois, décrets et arrêtés, règlements ou décisions de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'État français ». Il ne faudrait pas que, par l'imprécision de cet adverbe, on revienne sur une réalité historique admise depuis 1945. Certes, mon amendement est mal rédigé. J'entends parfaitement l'argumentaire de notre rapporteur et y souscris. Je vais retirer mes amendements, mais il faut trouver une meilleure rédaction en vue de la séance publique. Mon amendement COM-2 remet dans le contexte des persécutions antisémites à la fois l'Allemagne nazie, les territoires qu'elle a annexés et contrôlés et l'État français.
M. Claude Kern. - Je souscris aux propos de notre collègue.
Mme Sabine Drexler. - Et moi également.
M. Laurent Lafon, président. - Je partage les remarques de M. Ouzoulias : la rédaction initiale et imprécise du Gouvernement porte à confusion. Cela mérite une réflexion consensuelle.
L'amendement COM-2 est retiré.
L'article 1er est adopté sans modification.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Pour plus d'intelligibilité, l'amendement COM-4 vise à préciser que l'autorisation accordée aux propriétaires de musées privés de restituer les biens qu'ils ont acquis par dons ou legs ou avec le concours financier d'une collectivité publique constitue une dérogation aux dispositions prévues.
Les musées privés ne peuvent donner ou échanger leurs oeuvres qu'avec d'autres musées. Ils ne peuvent faire ce que font les musées territoriaux après un avis de restitution de la CIVS. Nous précisons que les musées privés ont, par dérogation, le même travail à faire au sujet de ces oeuvres spoliées.
M. Laurent Lafon, président. - C'est une précision importante.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'amendement COM-3 est retiré.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à s'assurer que la nouvelle disposition relative aux musées privés puisse correctement s'appliquer. Elle renvoie au décret qui sera pris pour organiser la nouvelle procédure pour les musées publics le soin de définir également la procédure pour les biens acquis par dons ou legs ou avec le concours financier d'une collectivité publique appartenant à des musées privés de France. L'objectif est notamment que soient bien définies les modalités selon lesquelles la CIVS rendra son avis pour ces biens.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - La rédaction de l'amendement COM-1 laisse planer un doute sur le fait de savoir si la demande de rapport porte sur la liste des restitutions de biens spoliés effectuées ou sur l'inventaire des biens des collections publiques qui s'avéreraient spoliés.
M. Bernard Fialaire. - Les deux !
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Je partage votre souci que les établissements culturels travaillent sur la provenance des biens de leurs collections. Je ne crois cependant pas qu'une demande de rapport soit l'outil le plus approprié. Vous connaissez la position traditionnelle du Sénat sur les demandes de rapport. Mais, surtout, l'enjeu me paraît davantage être celui des moyens accordés aux établissements pour mener à bien cette mission. C'est un point sur lequel il nous faudra être vigilants lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Cette demande de rapport est-elle nécessaire ? Retrait, sinon avis défavorable.
M. Bernard Fialaire. - Nous avons tous reconnu que nous avons besoin d'informations. Cette demande me semble nécessaire.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteur. - Les biens spoliés déjà restitués sont répertoriés, de même que les MNR.
M. Bernard Fialaire. - Il faut informer le Parlement.
M. Laurent Lafon, président. - Nous pourrons en débattre avant la séance publique.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Suivi de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 - Communication
M. David Assouline, corapporteur. - Nous vous présentons une première communication d'étape sur le suivi des Jeux olympiques et paralympiques dans le cadre de la mission de contrôle décidée par la commission.
L'organisation des Jeux olympiques et paralympiques fait l'objet d'un suivi très attentif de la part du Sénat. La transparence des coûts, le respect des budgets, la sobriété des actions engagées constituent autant de conditions de leur acceptabilité sociale et écologique et donc de leur succès.
Nous observons par ailleurs qu'au cours des derniers mois l'ambiance autour des Jeux a changé. Alors qu'au printemps 2022 le sujet n'était pas encore au centre de l'actualité, les événements du Stade de France du 28 mai 2022 lors de l'organisation de la finale de la Ligue des Champions ont agi comme un révélateur des risques encourus ; des risques qui étaient sans doute sous-estimés.
Une organisation globale défaillante, des transports trop peu coordonnés, une doctrine de maintien de l'ordre dangereuse, des forces de l'ordre insuffisantes en nombre et inadaptées en personnels ont créé le doute sur notre capacité à organiser au mieux les Jeux de Paris 2024. A contrario, on peut aussi considérer que ces événements ont agi comme un ultime avertissement utile puisqu'ils ont obligé tous les acteurs à remettre à plat leur organisation en matière de sécurité, de transport, de gestion des flux à proximité des infrastructures olympiques.
Paradoxalement, le succès des Jeux en matière de sécurité pourrait devoir beaucoup aux leçons qui auront été tirées de ces incidents. Et notre assemblée n'aura pas peu contribué à ce travail de contrôle, d'évaluation et de propositions à travers le rapport rendu en juillet dernier.
Car il nous apparaît essentiel de rappeler ici que jamais l'organisation d'une grande compétition sportive n'aura fait l'objet, dans le passé, d'un tel suivi par le Parlement.
Le rapport de la Cour des comptes réalisé à la demande du Sénat qui nous a été présenté en janvier dernier constitue à cet égard une première. Le suivi financier de la préparation des Jeux comme le dialogue constant que nous entretenons avec l'ensemble des acteurs nous sont précieux afin d'identifier les progrès, de pointer les faiblesses à corriger et de nous assurer que les objectifs initiaux sont tenus.
Dans ces conditions, que peut-on penser de l'état d'avancement de la préparation de ces Jeux ?
Notre première conclusion est plutôt rassurante et il n'est pas inutile de l'affirmer : malgré la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et la crise économique et financière qui nous guette, les Jeux auront bien lieu.
Tous ces événements exogènes en compliquent certes l'organisation et en renchérissent le coût, mais le modèle retenu qui s'appuie sur des infrastructures déjà existantes pour l'essentiel protège de façon solide le projet.
M. Claude Kern, corapporteur. - Si nos interrogations ne concernent donc pas l'événement en lui-même, elles n'en demeurent pas moins réelles concernant certains de ses aspects essentiels. Mais là encore, il nous faut reconnaître que les choses ont évolué. Alors que nos premières inquiétudes portaient d'abord sur la disponibilité des installations olympiques et sur le respect des équilibres budgétaires, ces deux points de vigilance font aujourd'hui l'objet de suffisamment de retours et d'engagements pour considérer qu'il ne devrait pas y avoir trop de mauvaises surprises.
La réalisation des infrastructures olympiques a connu certains déboires qu'il s'agisse des recours en justice contre les documents d'urbanisme, des difficultés rencontrées par la métropole du Grand Paris pour lancer le chantier du Centre aquatique ou encore la nécessité apparue de changer la localisation de plusieurs compétitions.
Mais cet épisode est aujourd'hui pour l'essentiel derrière nous. Nous savons avec précisions où se tiendront les épreuves.
Que pouvons-nous retenir dans ces conditions de la préparation des infrastructures olympiques ? Quatre grandes conclusions nous semblent pouvoir être tirées :
- le choix de s'appuyer prioritairement sur les infrastructures existantes était le bon. Ce choix de prudence a permis de traverser la période de turbulences générée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine qui a eu des incidences sur les chantiers. La disponibilité de certains matériaux (bois, métal...) a été perturbée et des choix alternatifs ont dû être recherchés, mais ces difficultés n'ont pas ralenti longtemps les chantiers comme on a pu le voir lors de notre déplacement sur le site du Village des athlètes. La livraison des 62 ouvrages en cours de réalisation reste prévue en décembre 2023 sachant que l'achèvement du gros oeuvre s'établissait à plus de 90 % en décembre 2022.
Les retards devraient être limités comme à Versailles où une reconfiguration du projet a permis de réduire les délais. La rénovation du Grand Palais peine également à respecter le calendrier initialement fixé. Lors de son audition, Tony Estanguet nous a indiqué que le Cojop avait priorisé les contrats de mise à disposition des sites en commençant par ceux qui présentaient le plus de risques comme le Champ-de-Mars et la Porte de Versailles. Il nous a indiqué que la signature de ces contrats était conforme à la programmation validée par le CIO alors que la Cour des comptes s'était inquiétée dans son rapport de décembre dernier d'un retard dans la signature de ces contrats ;
- une conséquence du nombre restreint d'équipements disponibles en Île-de-France est néanmoins que les marges de manoeuvre sont faibles pour localiser les épreuves. Les compétitions de natation se tiendront ainsi à l'Arena Paris La Défense où des bassins provisoires vont être installés tandis que le grand stade de Lille accueillera certaines épreuves de basket et de handball, le tir ayant rejoint le Centre national de Tir à Châteauroux.
Si l'on comprend bien la nécessité de procéder à des ajustements, il convient cependant de préserver l'unité de lieu propre aux Jeux olympiques et paralympiques, la réunion des athlètes dans un même lieu constituant une dimension fondamentale de l'identité des Jeux. À cet égard, nous sommes sans doute arrivés à une limite en matière de dispersion des sites pour ne pas dénaturer des Jeux qui doivent demeurer ceux de « Paris 2024 » ;
- la question du coût des infrastructures constitue un point de vigilance particulier compte tenu des dérives constatées lors des dernières olympiades. Le choix de créer une structure ad hoc sous pilotage public, la SOLIDEO, pilotée par des professionnels de ce type de projets, se révèle aujourd'hui judicieux. Les surcoûts sont en effet aujourd'hui globalement maîtrisés concernant les infrastructures olympiques.
La nouvelle maquette adoptée en mars 2022 a retenu la somme de 1,571 Md€ courants tandis qu'une nouvelle indexation est intervenue en décembre 2022 qui a porté le budget des infrastructures à 1,72 Md€ soit une nouvelle hausse de 150 M€ dont un tiers à la charge des collectivités territoriales concernées. Cet ajustement du coût est certes significatif, mais il ne ressemble en rien aux dérapages dont l'organisation des Jeux a été coutumière lors des dernières olympiades, il convient de le souligner ;
- le choix de se reposer sur des infrastructures existantes a amené le Cojop à devoir arbitrer entre une gestion internalisée et le recours à des contrats de prestation avec les gestionnaires des sites dans la moitié des cas (Roland Garros, ASO, grands stades...). Le recours à des contrats de prestation présente l'intérêt de pouvoir s'appuyer sur les équipes qui savent faire fonctionner au quotidien ces équipements.
Les grandes infrastructures sportives sont, en effet, devenues très complexes, elles s'insèrent par ailleurs dans un tissu urbain soumis à des contraintes propres. Un des défis pour le Cojop sera de réussir l'amalgame entre ses équipes et les équipes des prestataires locaux qui connaissent parfaitement leur outil.
Comme nous l'avons indiqué, la maîtrise du budget global constituait notre seconde préoccupation pour au moins deux raisons : l'État a dû se porter garant face à toute dérive et la perspective d'un déficit ne manquerait pas de remettre en cause l'acceptabilité sociale de l'événement. Il était donc indispensable que l'équilibre des comptes soit tenu tant pour les dépenses (infrastructures pérennes et éphémères, parcours de la flamme, cérémonies d'ouverture et de clôture...) que pour les recettes (partenariats, billetterie...).
Le Sénat a été à l'origine de l'adoption de l'article 29 de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 qui a demandé à la Cour des comptes de rendre au Parlement un premier rapport avant la fin de l'année 2022. Ce rapport a donné lieu à l'audition par notre commission du Premier président de la Cour des comptes le 10 janvier dernier. J'ajoute que notre commission a également obtenu au travers de l'article 20 de la dernière loi olympique qu'un nouveau rapport soit remis au Parlement avant le 1er octobre 2025 qui fera le bilan des coûts directs et indirects des Jeux.
Sans revenir trop longuement sur tous les aspects financiers de la préparation des Jeux, il convient de saluer les efforts qui ont été réalisés tout au long du second semestre 2022 afin de présenter un budget à l'équilibre au conseil d'administration du 12 décembre dernier.
En effet, selon les travaux du comité d'audit que nous avons pu consulter, le Cojop était confronté à l'automne dernier à une impasse de financement de l'ordre de 400 millions d'euros avant recours à la provision pour aléas du fait d'une forte hausse des dépenses. Les postes de dépenses qui expliquaient ce décalage étaient l'inflation, la masse salariale, la complexité des cahiers des charges et les ajustements apportés à la budgétisation initiale. Le comité d'audit s'est étonné dans son rapport de décembre de l'ampleur de ces hausses de coûts dues, pour l'essentiel, à des sous-estimations initiales, au coût réel des complexités inhérentes au projet olympique et aux prix de marché en réponse aux appels d'offres plus élevés qu'anticipé. Selon son rapport, je cite : « Paris 2024 subit à plein le contrecoup d'une estimation insuffisante des coûts d'organisation des Jeux au moment de l'élaboration du dossier de candidature, par omission de certains postes de dépenses ou par sous-évaluation du montant d'autres postes ».
Le rapport du comité d'audit estime néanmoins, je cite à nouveau qu'« à la décharge des équipes en charge de la candidature, il faut admettre qu'elles ne pouvaient pas mesurer le plein effet de toutes les exigences, contraintes et subtilités que recèle un projet aussi gigantesque et atypique ». La révision budgétaire de 2020 n'avait pas permis de corriger cet état de fait.
Face à ce défi financier, le Cojop a entrepris de réduire les dépenses de 195 M€. Au final, le comité d'audit estime que « le Cojop est allé aussi loin qu'il le pouvait dans cet exercice » sans porter atteinte aux fondamentaux du projet. Concrètement, ce travail d'optimisation s'est traduit par une hausse des tarifs des partenariats afin de dégager une enveloppe de 50 millions d'euros supplémentaires et par une hausse des prix des billets (sans impacter les deux catégories de prix les plus basses). Le Cojop a également puisé 115 millions d'euros dans la réserve pour aléas de 315 millions d'euros.
L'impasse résiduelle de 284 millions d'euros a fait l'objet de discussions entre l'ensemble des partenaires qui ont fait le choix de trouver une solution constructive. Paris 2024 a accepté de prendre en charge 103 millions d'euros, le CIO 70 M€, l'État 70 M€ et les collectivités territoriales 41 M€.
Au final, le budget du Cojop a été présenté à l'équilibre à 4 380 M€, en augmentation de 400,5 M€ par rapport au budget en vigueur (+ 10 %). À noter que le surcoût lié à l'inflation est évalué à 200 millions d'euros soit 5 % du budget des Jeux.
Le coût global des Jeux demeure quant à lui un peu supérieur à 8 milliards d'euros.
Le travail qui a été réalisé pour maîtriser les dépenses et accroître les recettes mérite d'être salué, car il a permis d'éviter le pire des scénarios à notre sens, à savoir un déficit des Jeux qui aurait dû in fine être pris en charge par le contribuable.
Ce risque était d'autant plus important que les travaux de la Cour des comptes avaient mis en évidence un réel déséquilibre dans la répartition des risques dans le contrat de ville hôte puisque l'essentiel de ces derniers reposait sur la puissance publique. Il demeure néanmoins encore quelques incertitudes qui tiennent au fait que certaines dépenses restent aujourd'hui « en apesanteur » selon la Cour des comptes, compte tenu des nombreux transferts de charges qui sont opérés notamment en matière de transports et de sécurité. Lors de son audition, l'adjoint de la maire de Paris en charge des Jeux a considéré que la ville serait en mesure début 2024 de chiffrer le coût supplémentaire induit par les Jeux en matière de sécurité et de propreté du fait, en particulier, de la nécessité de maintenir le service pendant la période estivale.
Les rapporteurs estiment indispensable que le CIO assume l'entièreté de la charge financière des moyens publics qui devraient être mobilisés dans le périmètre qui relève de sa responsabilité.
Le travail de maîtrise des coûts exige aujourd'hui que toutes les dépenses soient bien identifiées site par site en tenant compte des transferts de charges. La Cour des comptes devrait nous indiquer le mois prochain si ses chiffrages affinés permettent de confirmer les équilibres budgétaires initiaux.
Compte tenu des arbitrages qui ont été nécessaires pour préserver l'équilibre du budget, on comprend mieux pourquoi les prix des billets mis en vente ont pu faire débat. Le recours à des packs de billets en particulier a permis d'écouler à des tarifs souvent élevés des billets concernant des disciplines moins populaires qui n'auraient peut-être pas trouvé preneurs.
Lors de son audition par la mission, Tony Estanguet a indiqué que 13 millions de billets étaient mis en vente et que toutes les demandes ne pourraient être satisfaites.
Cette hausse des prix des billets était probablement inévitable pour financer les Jeux et préserver l'équilibre du budget. Les magistrats de la Cour des comptes estiment aujourd'hui que les efforts réalisés devraient permettre de préserver l'équilibre du budget. Le président du Cojop nous a confirmé qu'il avait obligation d'équilibrer le budget et qu'il se savait attendu sur ce point.
Néanmoins nous notons avec regret que l'objectif d'avoir des Jeux populaires ne sera pas atteint.
M. David Assouline, corapporteur. - La sécurité est devenue une préoccupation majeure à quelques mois des Jeux.
Les menaces sont multiples qu'il s'agisse des risques terroristes qui demeurent, de la menace représentée par les drones, de la délinquance et du trafic de drogue qui prolifèrent dans certains territoires. Tout cela doit nous alerter d'autant plus que se multiplient des menaces directes à l'encontre de la bonne tenue des Jeux. La dernière loi olympique a tenté d'apporter des correctifs afin de mieux prendre en compte ces différentes menaces. Les prochains travaux de la mission d'information porteront une attention particulière aux questions de sécurité des Jeux afin de pouvoir faire le point sur ce sujet. Nous pouvons néanmoins déjà indiquer que la participation des militaires à des tâches de protection civile sera indispensable comme nous l'a confirmé le préfet Cadot lors de son audition. Le plan de recrutement de nouveaux personnels de sécurité privée vise 8 à 10 000 nouveaux intervenants alors que les besoins sont évalués à 25 000 agents par jour.
Le recours à ces militaires affectés à des tâches de protection civile sera donc inévitable pour combler l'écart qui devrait être important. Le préfet Cadot estime que les militaires pourraient notamment se voir confier la surveillance des embarcations et du parcours lors de la cérémonie d'ouverture ainsi que celle des abords du Stade de France. Les militaires seront également sollicités pour assurer la lutte anti-drones ainsi que le respect des zones d'exclusion de survol aérien.
Concernant toujours la cérémonie d'ouverture, il convient de distinguer les 100 000 places payantes situées sur le bas des quais qui, selon Tony Estanguet, ne font pas l'objet de difficulté particulière, des 400 000 spectateurs qui pourront assister gratuitement à la cérémonie depuis les quais hauts. Le préfet Cadot nous a indiqué que la visibilité des spectateurs sur les quais hauts serait très limitée, mais que de nombreux écrans permettraient de suivre le déroulement de la cérémonie.
Le ministère de l'Intérieur est chargé de la billetterie gratuite qui devrait faire l'objet d'un tirage au sort.
La question des transports a pris une dimension nouvelle suite aux événements du Stade de France. Le déclenchement d'une grève sur le RER B accompagnée de problèmes dans la redirection des flux et d'une mauvaise organisation de l'interconnexion sur la ligne D ont été à l'origine de la concentration des spectateurs sur des entrées qui n'étaient pas dimensionnées pour les accueillir.
Les échanges que nous avons eus avec le Cojop ont montré que le sujet était considéré avec attention. Tony Estanguet nous a indiqué qu'il ressentait une prise de conscience sur ce sujet qui n'existait pas il y a un an et qui trouve son origine dans les événements du Stade de France.
Nous organiserons une table ronde le 7 juin prochain avec la RATP, la SNCF et Île-de-France mobilités pour faire le point sur ce sujet.
Cette table ronde sera l'occasion d'évoquer les conséquences des retards pris dans la construction du métro du Grand Paris (les lignes 16 et 17 figuraient dans le dossier de candidature), d'obtenir des informations sur la disponibilité des personnels conduisant les bus et les métros ainsi que de s'interroger sur les risques de grèves dans un contexte d'ouverture à la concurrence du réseau de bus qui inquiètent les syndicats de salariés. Le préfet Cadot nous a confirmé que seul le prolongement de la ligne 14 jusqu'à Pleyel devrait être effectif pour les Jeux.
Concernant plus particulièrement les déplacements automobiles, il faut bien distinguer la situation des Jeux Olympiques de celle des Jeux Paralympiques.
Alors que les premiers auront lieu pendant la grande coupure estivale pendant laquelle le trafic est limité en Île-de-France, les seconds se dérouleront en pleine rentrée de septembre au moment où le trafic redevient intense, ce qui augmentera inéluctablement les risques de thrombose. Comment réduire ces risques ? Une coordination étroite des différents acteurs est nécessaire pour actionner tous les leviers à disposition : incitations à télétravailler et à covoiturer, meilleure information sur les temps de transports et les parcours à privilégier... Le préfet Cadot nous a confirmé que les 185 km de voies olympiques seraient réservés aux véhicules transportant les athlètes, les entraîneurs, les journalistes et les personnalités. Les véhicules de secours et les taxis seront également autorisés à les emprunter y compris une voie du périphérique qui demeurera réservée au covoiturage après les Jeux.
Parmi les autres points de vigilance, il convient de mentionner les bénévoles.
Alors même que leur prise en charge devrait être limitée, le Cojop a indiqué que 300 000 candidatures avaient été reçues à l'issue de la période d'inscription ce qui traduirait un véritable engouement.
La Ville de Paris a quant à elle prévu de recourir à 5 300 bénévoles pour assurer l'orientation des spectateurs entre la sortie des transports en commun et l'arrivée aux sites olympiques.
Arrivés au terme de cette présentation, nous souhaiterions insister sur un aspect essentiel qui tient à l'acceptation sociale des Jeux et plus généralement au regard que les Français - et au-delà les opinions publiques internationales - vont porter sur Paris à cette occasion.
Ces Jeux vont à nouveau se dérouler dans une période compliquée.
Alors que les Jeux de Tokyo, confrontés à la crise sanitaire, avaient dû être reportés à l'été 2021 et se dérouler avec des jauges de spectateurs très réduites, les Jeux de Paris s'inscriront dans un contexte international dégradé compte tenu de la guerre en Ukraine. La question de la participation des athlètes russes fait notamment débat. Les traces des conflits sociaux que nous connaissons ne seront pas éteintes.
L'acceptabilité sociale des Jeux dépendra également de leur accessibilité. À cet égard, si le prix des packs a été jugé très élevé, 4 millions de billets individuels ont pu être mis en vente à moins de 50 € tandis que 30 % des billets ont été proposés à un tarif de 24 € pour l'essentiel à des collectivités. Si 400 000 billets doivent être distribués à des publics prioritaires, ils concerneront pour la plupart les Jeux Paralympiques.
L'accessibilité restera donc limitée puisque les places les plus demandées seront les plus chères ce qui légitime le fait qu'une large diffusion audiovisuelle sera proposée par le service public. J'insiste sur le fait que s'il fallait équilibrer le budget, la façon dont est gérée la billetterie est problématique. Les tarifs sont comparables aux grands concerts, mais il faut préserver l'acceptabilité et le côté populaire.
M. Claude Kern, corapporteur. - Il ne faut pas sous-estimer les frustrations qui pourraient se manifester à l'approche des Jeux. C'est pourquoi il sera important de mettre en valeur l'héritage des Jeux qui devrait être substantiel. Pour la Ville de Paris, cet héritage comprendra par exemple l'Arena de la Porte de la Chapelle, la rénovation de l'Accor Arena et de la piscine Georges Vallerey qui avait accueilli les Jeux de 1924 et l'accessibilité améliorée des transports. L'héritage concernera davantage encore le département de la Seine-Saint-Denis qui accusait un retard important en termes d'infrastructures sportives et de logements aux normes environnementales.
Au-delà de ces équipements, de nombreuses collectivités se sont engagées pour accueillir le parcours de la flamme olympique et de nombreuses études montrent que cet événement devrait apporter un surcroît d'activité économique pourvoyeur d'emplois.
Il y a donc des raisons de penser que les Jeux devraient permettre de dynamiser l'activité économique à un moment où l'inflation, la hausse des taux d'intérêt et les conflits sociaux ont plutôt tendance à noircir les prévisions économiques.
En conclusion, les nombreuses auditions que nous avons conduites nous incitent à penser que si les difficultés sont encore nombreuses sur le chemin qui devrait nous conduire aux Jeux de Paris 2024, le pari est en passe d'être gagné grâce à la mobilisation de chacun et à la coopération entre les différents acteurs. Cette unité d'action doit être préservée, car elle est un gage important de succès pour l'organisation des Jeux, mais également une condition pour que chaque Français puisse s'approprier cet événement unique. Notre travail se poursuit et les prochaines auditions ont été fixées.
M. Michel Savin. - Je salue le travail des rapporteurs à l'occasion de ce bilan d'étape qui a permis de mettre en évidence certains aspects positifs du bilan, comme la mobilisation générale sur les questions de sécurité et des budgets maîtrisés. Il demeure des interrogations sur la prise en charge de la sécurité et la charge qui sera assumée par le Cojop. La stratégie de communication concernant la billetterie n'est pas satisfaisante puisque l'on constate beaucoup de frustrations face aux prix très élevés. Les billets vendus à 24 € apparaissent très ciblés. Concernant les volontaires, leur accueil sur Paris continue à interroger au regard des modalités de logement qui pourront leur être proposées. Par ailleurs, l'héritage en termes de pratiques sportives n'est pas à la hauteur des attentes. On ne sent pas une vraie dynamique sur ces Jeux en termes de développement de la pratique sportive.
Mme Annick Billon. - Le bilan présenté nous rassure et nous inquiète à la fois. Le surcoût de 200 M€ dû à l'inflation en dépit de l'importance du montant apparaît au final assez raisonnable compte tenu du budget global, ce qui nous amène à nous interroger sur une éventuelle sous-évaluation. Il y a une volonté de maintenir les équilibres financiers sans impacter le prix des billets les plus abordables. Ces billets ne sont néanmoins pas accessibles au grand public, ce qui crée une impression d'opacité et suscite des frustrations.
Les efforts financiers demandés risquent d'impacter les territoires, ce qui appelle notre vigilance.
En matière de sécurité, nous connaissons le contexte social et international, mais nous ne savons pas ce qu'il en sera l'année prochaine, ce qui nous oblige à nous interroger sur la manière dont les dépenses de sécurité pourront être financées.
Mme Céline Brulin. - En entendant les rapporteurs, j'ai envie de dire : « jusqu'ici tout va bien ! ». Les Jeux olympiques et paralympiques doivent être une grande fête populaire, or on constate qu'ils risquent de susciter une frustration qui pourrait venir alimenter un sentiment déjà présent dans la jeunesse. Vous avez insisté sur le prix des billets qui devraient les rendre inaccessibles à la plupart des Français.
Mme Sylvie Robert. - Nous devons être vigilants face à la déception qu'engendrent le prix des places et un certain manque de transparence dans leurs modalités d'attribution. J'ai fait le test en participant au tirage au sort et je me suis vue proposer pour 490 € des places pour assister à des épreuves de tir à l'arc et de gymnastique tandis que l'accès à la cérémonie d'ouverture m'était proposé à 1 900 €.
Au niveau local, nos interrogations concernant la sécurité autour des festivals ne sont pas levées par les réunions organisées en Préfecture. Par ailleurs, il me semble que les jeunes qui se sont portés bénévoles ne seront pas pris en charge par l'organisation. On entend parler d'une mise à disposition de chambres dans les CROUS, mais on ne sait pas si ces bénévoles pourront assister à certaines compétitions.
M. Stéphane Piednoir. - Ce point d'étape était extrêmement utile. Concernant les prix des billets, on sait que pour le Cojop « les Jeux doivent payer les Jeux » même si certains billets seront accessibles dès 24 €. Mais il n'est pas étonnant que les prix s'envolent pour les disciplines « phares ». On peut s'inquiéter des menaces qui pèsent sur la tenue des Jeux à travers des revendications sociales. On entend parler de faux volontaires qui pourraient se désister le moment venu et mettre en difficulté l'organisation des Jeux. Il semble que les organisateurs n'aient pas suffisamment pris en compte la question du logement des volontaires.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Je remercie les rapporteurs pour ce point d'étape. Nous avions été déçus en tant qu'élus parisiens par la perte des Jeux olympiques et paralympiques de 2012 et nous avons connu une ferveur lors de l'attribution des Jeux de 2024 qui semble s'éloigner aujourd'hui. La Ville apparaît sale et thrombosée. Le prix des billets suscite la déception et remet en cause l'ambition d'une grande fête populaire. Beaucoup de Parisiens quitteront la ville. La question du logement des bénévoles ne semble pas avoir été suffisamment anticipée.
M. Bernard Fialaire. - Compte tenu du prix des billets, je me demande si notre commission doit rajouter le terme « sport » à son intitulé ou plutôt celui de « spectacle » ? A 2 700 € la place pour assister à la cérémonie d'ouverture, je la regarderai à la télévision.
Mme Sonia de La Provôté. - Je reviens sur l'organisation des festivals en indiquant que les réunions n'avancent pas au niveau local sur la préparation de l'été 2024. Les ressources en termes d'effectifs sont monopolisées par Paris et il y aura un impact sur les territoires.
Mme Monique de Marco. - Vu d'Aquitaine, on a un peu le sentiment que ces Jeux ne concernent que Paris et on s'inquiète sur l'absence des CRS pour surveiller les plages du littoral.
M. David Assouline, corapporteur. - Lors de la candidature à l'accueil des Jeux, il y avait eu une quasi-unanimité des élus et on connaissait les gains comme les risques. Les Jeux s'étaient révélés une catastrophe budgétaire en Grèce et même Londres avait connu quelques problèmes.
Les Jeux de Paris seront inédits à plusieurs égards. La cérémonie d'ouverture sur la Seine constituera une première avec la présentation de l'ensemble des délégations sur des embarcations. On peut se féliciter que les Jeux de Paris semblent échapper à la malédiction des déficits qui sont in fine payés par les contribuables. C'est notre premier constat, malgré l'inflation les budgets devraient être tenus grâce en particulier à l'augmentation du prix des billets. Les retombées des Jeux devraient être importantes notamment en termes d'équipements sportifs et de logements en Seine-Saint-Denis et pour Paris en termes d'accessibilité des personnes à mobilité réduite. La fête populaire ne sera pas seulement dans les stades, mais partout dans chaque quartier. Enfin, en dépit de leur prix, toutes les places sont achetées, ce qui garantit des stades pleins.
Sur la sécurité, les besoins ont été estimés à 25 000 agents par jour qui ne pourront être recrutés compte tenu de la situation de pénurie dans ce secteur d'activités. Les entreprises de sécurité privée ne sont pas prêtes à affecter leurs personnels sur une durée aussi limitée au détriment de leurs clients habituels, ce qui rendra indispensable le recours aux militaires.
La communication sur la billetterie a été désastreuse, ce qui crée un risque pour l'acceptabilité sociale de l'événement, mais je rappelle que les Jeux ont souvent été l'occasion de manifestations et même d'une grève générale au Brésil.
M. Claude Kern, corapporteur. - Il n'y aura pas de places pour tout le monde, l'objectif de stades pleins sera donc atteint. 65 % des billets déjà vendus ont été achetés par des Français, ce qui illustre le fait qu'en dépit du prix élevé, nos compatriotes souhaitent participer à cet événement.
Concernant les risques de défection des bénévoles, on peut rappeler que les candidats ont dû répondre à un questionnaire très élaboré, permettant d'apprécier leurs motivations.
La réunion est close à 11 h 30.