- Mercredi 17 mai 2023
- « ANCT : quel bilan après plus de trois ans ? » - Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général de l'Agence nationale de cohésion des territoires
- État des lieux des difficultés et des attentes des collectivités territoriales dans leur relation avec l'ANCT - Audition d'associations de collectivités
Mercredi 17 mai 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
« ANCT : quel bilan après plus de trois ans ? » - Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général de l'Agence nationale de cohésion des territoires
M. Guillaume Chevrollier, président. -- En l'absence du président Jean-François Longeot, retenu auprès du Président du Sénat, il me revient d'introduire cette réunion.
Mes chers collègues, le premier point à l'ordre du jour de notre commission concerne l'audition de Monsieur Stanislas Bourron, directeur général de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) depuis bientôt six mois.
Monsieur le Directeur général, nous vous avions entendu en novembre dernier dans le cadre de votre nomination au titre de l'article 13 de la Constitution. À cette occasion, à la demande de notre collègue le sénateur Fabien Genet, rapporteur pour la commission, vous aviez dressé un bilan de l'ANCT après trois premières années d'existence.
Depuis novembre dernier, le Sénat a poursuivi son travail d'évaluation de l'action de l'agence, puisque la délégation aux collectivités territoriales a publié en février dernier un rapport portant sur le bilan de l'ANCT, dont je salue les auteurs, Madame Cécile Brulin et Monsieur Charles Guéné. Dans ce rapport, la délégation dresse un bilan plus que mitigé de l'action de l'agence. L'ANCT est peu et mal connue des élus locaux qui peinent à comprendre son fonctionnement et ses dispositifs. Les élus locaux déplorent l'implication inégale et partielle des préfets dans sa déclinaison territoriale. Enfin, comme notre commission l'avait aussi souligné en novembre dernier devant vous, l'ANCT, qui avait vocation à devenir un guichet unique, est perçue par les élus comme une strate supplémentaire.
Les élus regrettent également l'insuffisance et la complexité du financement des programmes « Action coeur de ville » (ACV) et « Petites villes de demain » (PVD). Ainsi, dans le cadre de ces dispositifs, la part des subventions versées a diminué entre 2018 et 2021. La majorité des aides délivrées prennent en réalité la forme de prêts, de prises de participation et d'aides aux bailleurs privés. Ces critiques, Monsieur le Directeur général, vous semblent-elles fondées ? Partagez-vous le constat de ce bilan effectué par la délégation aux collectivités territoriales ? Si ce n'est pas le cas, quel bilan dressez-vous des trois premières années d'existence de l'agence ?
Dans un second temps, après avoir dressé cet état des lieux, notre commission aimerait connaître votre position sur les perspectives de l'agence, alors qu'une deuxième feuille de route gouvernementale pour la période 2023-2026 est en cours de finalisation.
La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, a récemment détaillé les quatre axes qui devraient inspirer les grandes orientations de cette feuille de route : renforcer l'accompagnement sur mesure des territoires ; renforcer les interventions avec les partenaires publics de l'ANCT ; améliorer la lisibilité de ses interventions et développer de nouveaux champs d'action. En tant que directeur général et au terme de six mois d'expérience à votre poste, vous disposez d'une bonne compréhension des enjeux. Selon vous, que doit contenir cette nouvelle feuille de route ? Êtes-vous favorable à ce que cette seconde feuille de route s'inscrive dans la continuité de la première afin d'éviter une rupture en milieu de mandat des élus municipaux ? Ou appelez-vous de vos voeux, au contraire, une nouvelle impulsion pour l'ANCT ?
Enfin, je profite de l'occasion pour vous interpeller sur un sujet qui nous tient à coeur au Sénat, à savoir le contrôle de l'application des lois. Mercredi dernier, la commission a déploré une certaine inertie dans l'application de la loi dite ANCT qui date pourtant de 2019. Deux mesures restent en effet à prendre. La première concerne la conclusion d'une convention définissant les moyens et ressources dont disposera l'ANCT pour reprendre les missions de l'Agence du numérique. En février dernier, le Gouvernement nous indiquait que cette convention était toujours en cours de rédaction. Que pouvez-vous nous dire sur l'état d'avancement de cette convention ?
La deuxième mesure concerne la transmission par voie officielle des conventions conclues entre l'ANCT et ses opérateurs partenaires. En novembre dernier, lors de votre audition au titre de l'article 13 de la Constitution, en réponse à une question du rapporteur Genet vous indiquiez que vous alliez faire en sorte que ces conventions soient transmises au Parlement dans les formes requises. Six mois plus tard, la transmission, pourtant prévue par la loi est nécessaire au plein exercice par le Sénat de sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement, n'est toujours pas effective. Comment expliquez-vous ces difficultés et ces retards de transmission ?
Avant de laisser la parole à mes collègues et en particulier à Louis-Jean de Nicolaÿ qui siège au conseil d'administration de l'ANCT, je vous cède la parole, monsieur le Directeur général, afin de répondre à ces quelques points.
M. Stanislas Bourron, directeur général de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). -- Merci monsieur le Président. Mesdames et messieurs les Sénateurs, j'ai en effet été nommé en décembre et le conseil d'administration renouvelé a élu un nouveau président mi-décembre. Ainsi, les ministres nous ont donné un certain nombre d'orientations entre la fin du mois de 2décembre 022 et le début du mois de 2janvier 023.
Je pensais que vous aviez reçu les conventions. Je m'en assurerai dans le meilleur délai. Elles ont été présentées à tous les élus du conseil d'administration. Il s'agit donc d'une difficulté matérielle.
Par ailleurs, je ne peux pas rejoindre complètement votre appréciation du bilan de l'ANCT, même si des progrès doivent être engagés pour le développement et le bon fonctionnement de l'agence.
Sans doute l'agence n'est pas connue de tous après trois années d'existence, ce qui est, dans le temps de nos institutions et de nos systèmes, extrêmement court. D'autant plus que ces trois années ont été marquées par au moins 18 mois de confinements successifs liés à la Covid19. Par conséquent, dans le contexte de la consolidation d'une structure issue de la fusion de trois structures administratives, les conditions n'étaient pas propices pour se faire connaître, tout simplement parce qu'il n'était matériellement pas possible d'aller à la rencontre des élus.
À présent, le président et moi-même avons engagé un « Tour de France » auprès de nombreux départements. Nous en avons visité une vingtaine à ce jour. Nous nous sommes engagés à poursuivre ce travail : aller à la rencontre des territoires avec des échanges systématiques avec les élus locaux, qu'ils soient concernés ou non par nos programmes. Nous rencontrons parfois des parlementaires et les services de l'État. Les échanges visent à identifier la manière dont les programmes sont mis en oeuvre sur le terrain ainsi que les difficultés éventuellement rencontrées.
Mon constat est fondé, non pas sur mon avis personnel, mais sur l'écoute des personnes intéressées. D'abord, l'agence est bien mieux connue que l'image qu'on s'en fait depuis Paris. Les interlocuteurs que j'ai interrogés jusqu'à présent avaient bien en tête que l'agence était responsable d'un certain nombre de programmes. Je concède cependant une forme de méconnaissance du détail de l'ensemble de ses missions. Mais il ne s'agit pas d'une difficulté si l'on considère le nombre des missions exercées aujourd'hui.
Néanmoins, ses engagements autour de France services, des missions de type « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain », de « Territoires d'industrie » et de l'accompagnement d'ingénierie sont bien identifiés, notamment par les élus locaux. Par ailleurs, ces programmes sont fortement sollicités par les territoires. Nous avons en effet mis en oeuvre 1200 accompagnements sur mesure depuis 2020-2021 qui fonctionnent très bien en complément des dispositifs de chefs de projet mis en oeuvre, notamment dans le cadre du programme « Petites villes de demain ».
La mobilisation des services de l'État doit probablement être perfectionnée. Toutefois, dans certains départements, malgré des moyens limités, j'ai pu constater un engagement très spécifique avec des équipes dédiées au programme de l'ANCT.
Il est vrai que les modes d'organisation ne sont pas similaires, ce qui constitue également la richesse de la déconcentration. Dans un certain nombre de cas, notre venue a pu contribuer à remobiliser, à actionner et à encourager les services de l'État pour travailler toujours mieux sur ces questions et sur cette dimension d'accompagnement des collectivités.
En outre, l'agence n'a surtout pas vocation à devenir une nouvelle strate. Le rapport d'information de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat de 2février 023 sur l'ANCT pointait deux écueils contradictoires :
- le risque d'être en concurrence avec l'ingénierie locale déjà existante : agences départementales, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE), agences d'urbanisme, intercommunalité ;
- à l'inverse, le risque d'être insuffisamment présents dans les endroits où les structures ne sont pas au rendez-vous.
Il est nécessaire de trouver le juste milieu. Après trois années, nous nous rendons compte que nous avons besoin de différencier considérablement nos modalités d'intervention. Nous nous limitons à participer à l'animation des acteurs de l'ingénierie avec le préfet, délégué territorial de l'ANCT, dans les territoires correctement équipés. Ces territoires possèdent une agence technique active, un CAUE et des intercommunalités armées qui permettent de porter la plupart des projets. Nous intervenons dans ce cas dans une logique de solidarité, sur quelques points spécifiques.
En revanche, certains départements requièrent un accompagnement beaucoup plus lourd et une animation des acteurs de l'ingénierie plus forte, par exemple quand l'agence technique départementale fait défaut. Le rapport de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat précité a pointé qu'environ un tiers des départements ne disposent pas d'une agence technique départementale. Pour les deux tiers restants, ces agences techniques départementales, structurées selon des organisations très distinctes (établissements publics, régies, etc.) ne s'occupent pas de l'ensemble des sujets. Ces divergences résultent de choix locaux. Ces agences techniques départementales jouent un rôle essentiel notamment pour l'exercice de certaines compétences, comme la voirie portée par les petites communes.
Nous réussissons dans un certain nombre de départements à accompagner les communes lorsque le levier fait défaut. L'accompagnement s'effectue de deux façons :
- par les chefs de projet, dans le cadre d'« Action coeur de ville », de « Petites villes de demain » et de « Territoires d'industrie » ;
- par un accompagnement sur mesure : financement d'opérations plus ponctuelles exigeant une expertise comme le traitement d'une friche, la requalification du centre-ville, la dynamisation de l'activité commerciale ou la mise en place d'un pôle culturel. Ces différents projets exigent une mise en perspective et un plan d'action cohérent.
Ainsi, notre objectif n'est pas de créer une nouvelle strate, mais d'assurer la cohérence des strates existantes.
Pour les financements « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », des bilans sont dressés très régulièrement. Pour la première vague d'« Action coeur de ville », l'ensemble des financements prévus, à hauteur de 5 milliards, a été mis en oeuvre. Nous avons noué un partenariat qui, pour le programme Action coeur de ville, regroupe Action Logement, l'Anah, la Banque des territoires et l'État. Des quotes-parts sont prévues pour chacun de ces acteurs. Lorsque nous travaillons sur la reconstruction ou la requalification d'un centre-ville, il est normal d'agir sur l'habitat et le logement. Un des points d'entrée consiste à s'interroger sur la manière de transformer des coeurs de ville pour rendre et recréer une offre commerciale et résidentielle attractive pour lutter contre la vacance des logements. Nous avons besoin d'acteurs du logement parce que nous sommes obligés de passer par des maîtres d'ouvrage qui ne sont pas les maîtres d'ouvrage classiques pour construire des équipements et des aménagements urbains. Les financements prévus par les grands acteurs de ce programme et l'État, à travers la DSIL et la DETR, ont été mobilisés à la hauteur des enjeux.
Pour le programme « Petites villes de demain », un montant de 3 milliards est prévu avec l'Anah, la banque des territoires et l'ANCT. Aujourd'hui, après deux ans et demi, plus de 900 millions d'euros ont été engagés.
Notre mandat est de travailler à une nouvelle feuille de route qui sera présentée au conseil d'administration le 29 juin prochain. Cette feuille de route ne s'inscrit pas dans une logique de rupture, des programmes ont en effet déjà été lancés et un certain nombre de dynamiques existent sur le terrain. Ces initiatives doivent être accompagnées dans le temps et il ne s'agit pas de les remettre en cause. Néanmoins, il est bien normal que nous procédions à des ajustements, et que nous améliorions notre action.
Par ailleurs, la fin de première période triennale du programme « Action coeur de ville » ou « Territoires d'industrie » approche. Nous avons notamment lancé « Action coeur de ville 2 ». S'agissant de « Territoires d'industrie », il a été annoncé il y a deux jours la relance de ce programme avec notamment un accompagnement, une ingénierie systématisée et une enveloppe de 100 millions d'euros annuels pour accompagner la réindustrialisation dans les « Territoires d'industrie ». Ce moment est crucial pour l'agence.
Notre orientation consiste tout d'abord à travailler sur le renforcement de l'accompagnement sur mesure. Nous souhaitons, sur la base de l'ensemble des éléments remontés à la fois par le Sénat et par le terrain, être toujours plus proches des réalités. Nous mettons déjà en oeuvre plusieurs orientations et nous les poursuivrons si la feuille de route est validée par le conseil d'administration.
Nous recrutons plus de chargés de mission territoriaux, qui pourront aider les préfets et les élus dans leurs projets, notamment dans les régions et les départements qui en ont le plus besoin. Les recrutements sont en cours et nous espérons dès cette année disposer de ces moyens complémentaires.
Une déconcentration de nos marchés d'ingénierie d'accompagnement est prévue à compter de 2024. Nous engagerons dès le prochain conseil d'administration les mesures - un décret interviendra à la suite - qui permettront aux préfets d'engager les crédits y afférents. Tout comme le préfet répartit les dotations d'investissement, il pourra aussi mettre en oeuvre les accompagnements en ingénierie de façon symétrique.
Il s'agit également de travailler sur la question du guichet unique. C'est un sujet très compliqué et chacun possède une vision qui peut en être différente. Notre approche vise l'opérationnalité et le pragmatisme. Nous nous inscrivons plutôt dans une logique de portail d'accès unique. Il faut simplifier les conditions d'accès à l'accompagnement pour les territoires et les élus. Certains départements ont mis en place des outils qui fonctionnent bien, et ce, par le biais d'une adresse mail, d'un référent unique ou d'un point d'entrée unique. Cependant, ce point d'entrée et ce système ne permettent pas l'ensemble des démarches pour tout le monde. En revanche, ce portail peut orienter, répondre et conseiller. Notre action consiste à prendre en charge ces demandes et à les accompagner, le cas échéant, vers les chefs de projet, l'ingénierie sur mesure ou vers un opérateur déjà présent dans le département, comme le CAUE ou l'agence d'urbanisme, selon les besoins.
Au sujet de l'accompagnement sur mesure, nous devons aussi chercher à mobiliser davantage les autres opérateurs d'État, comme le Cerema ou l'Ademe. Ce sont des acteurs clés, notamment depuis que les questions de transition sont très présentes au sein des territoires.
Par ailleurs, les programmes d'action mis en oeuvre aujourd'hui dans les départements sont portés par des élus pour accompagner notamment les transitions écologiques et démographiques. Ainsi, les élus se sont totalement emparés de ces sujets et les ont mis en oeuvre à travers des réflexions sur la sobriété foncière, la création de logements adaptés pour faire face à la dépendance au vieillissement de la population ou encore et les mobilités pour permettre aux personnes en situation de dépendance ou plus âgées d'accéder aux services.
Ces réflexions sont donc déjà présentes, elles ont besoin d'être encouragées et démultipliées. De plus, notre partenariat avec les grands acteurs doit reposer sur la simplification de l'offre de service. Nous travaillons à des conventions renouvelées pour les prochaines années afin de garantir une organisation simplifiée de la répartition des champs d'action en termes d'ingénierie. Il s'agit d'éviter le risque que plusieurs acteurs puissent intervenir sur un même sujet du côté de l'État. Il est nécessaire d'être en mesure de savoir vers qui se tourner de façon simple.
Nous sommes à l'écoute des territoires et nous continuerons à les consulter. En ce sens, nos programmes évolueront pour renforcer la prise en compte des transitions en cours. Beaucoup d'actions ont déjà été menées à travers les premiers programmes et accompagnements depuis deux à trois ans. Mais il est nécessaire d'aller encore plus loin et de démultiplier les efforts.
Notre réflexion sur les « Territoires d'industrie » concerne non seulement la réindustrialisation, mais aussi le développement d'une industrie décarbonée. L'observation des territoires sur lesquels nous allons mettre l'accent pour apporter des outils et des leviers est également pour nous une préoccupation. Ainsi chaque territoire pourra disposer de diagnostics de territoires et offrir un travail d'analyse territoriale régulier s'appuyant sur nos observatoires. Ces derniers sont à disposition des élus et doivent être encore mieux mis en valeur.
Concernant la lisibilité, trois points importants peuvent être observés :
- une mobilisation forte de notre conseil d'administration : il est composé de quatorze représentants d'élus nationaux et locaux, dont dix représentants d'associations d'élus et quatre parlementaires, afin qu'il s'agisse d'une véritable instance de dialogue et de co-construction de nos politiques publiques ;
- une animation accrue du réseau territorial : nous souhaitons avec la ministre chargée des collectivités territoriales passer un certain nombre d'instructions aux services de l'État pour les encourager à organiser de façon plus volontariste l'accompagnement des collectivités, notamment les plus petites. Le plan France Ruralités s'inscrit typiquement dans une logique où l'État doit renforcer ses efforts dans les années à venir pour les communes qui rencontrent le plus de difficultés d'ingénierie et d'accompagnement de leurs projets ;
- une communication adaptée qui s'exerce moins en silo : en effet, nous sommes connus pour certains programmes, mais un peu moins pour d'autres. Qui sait par exemple que nous portons l'ensemble des programmes numériques de déploiement du réseau de fibre optique et du réseau de la couverture mobile sur le territoire ? 26 000 communes ont déjà été raccordées. Des objectifs ont été fixés par le Plan France très haut débit. Dans un partenariat avec les collectivités, des avancées sont à relever au niveau local, bien que certains départements soient plus en avance que d'autres.
La semaine prochaine, nous organiserons une journée à laquelle tous les sénateurs sont les bienvenus destinée à présenter l'ensemble de l'action de l'agence et son offre de services, mais également à répondre aux demandes adressées par les élus.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. -- Merci, monsieur le Président, monsieur le Directeur général. Premièrement, au sujet de l'ANCT, force est de constater que la promesse qui nous avait été faite en 2019 de mettre en place une agence de concertation territoriale doit être encore développée. Certes, les comités locaux de cohésion territoriale ont été créés dans les départements, mais ils ne se réunissent que trop rarement et surtout ils se réduisent malheureusement à de simples chambres d'enregistrement des réalisations effectuées par l'État.
À l'origine, ces comités locaux devaient être des lieux d'horizontalité, où la collectivité qui arrive avec son projet de territoire repart avec les conseils avisés des services de l'État et des perspectives de financement pérenne. Elles n'avaient pas vocation à devenir des institutions verticales comme très souvent nous l'observons aujourd'hui.
Monsieur le Directeur général, partagez-vous le constat que je dresse d'une trop grande verticalité dans les CLCT ? Comment l'ANCT prévoit-elle durant les trois prochaines années de répondre au sentiment de manque de concertation à l'échelle locale, lequel est partagé par beaucoup de collectivités ?
Deuxièmement, ce constat à l'échelle locale est malheureusement partagé à l'échelle nationale. Lors de l'examen de la proposition de loi portant création de l'ANCT en 2019, nous avions insisté au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la nécessité d'associer les collectivités territoriales et le Parlement à la gouvernance de l'organisation. En tant que membre du conseil d'administration de l'ANCT, je regrette que cette collaboration territoriale ne soit pas mise en place. Certes, toutes les associations de collectivités territoriales, ainsi que le Sénat et l'Assemblée nationale, sont représentées, mais nous sommes mis en minorité par les services de l'État. Actuellement, le Conseil d'administration est ainsi composé de seulement 10 représentants de collectivités et 4 parlementaires, contre 16 représentants de l'État. J'ajoute que les parlementaires membres du conseil ne peuvent pas être représentés par des suppléants lorsqu'ils sont absents, ce qui diminue encore leur présence.
Troisièmement, je m'interroge sur la capacité de l'ANCT à incarner l'état planificateur qui prend en compte le temps long et adopte une vision globale de l'aménagement, comme a pu le faire auparavant la Datar. J'ai souhaité inviter à cette réunion mon collègue Mathieu Darnaud, président de la délégation à la prospective, pour insister sur la dimension intrinsèquement prospective d'une politique d'aménagement du territoire. Cependant, force est de constater qu'il est difficile pour les collectivités territoriales, d'intégrer le temps long dans leur projet de territoires quand les différents programmes de financement sont annualisés et excessivement segmentés.
Monsieur le Directeur général, comment l'ANCT tente-elle de répondre à cette incohérence temporelle entre nécessité du temps long et instabilité des financements alors que l'agence a été créée pour donner une vision globale territorialisée ? Remplit-elle selon vous sa fonction de planificateur et de coordinateur ?
M. Stanislas Bourron. -- Les CLCT ont été mis en place et les premières expériences n'ont pas toutes été totalement à la hauteur des attentes. Les logiques de fonctionnement étaient parfois quelque peu descendantes, se limitant à une présentation de dispositifs. Pour des lancements de programme, il n'est pas inutile de présenter les dispositifs. Lors du lancement du Fonds vert, je pense que les élus participants ont plutôt apprécié de recevoir des explications. Il n'est pas souhaitable non plus par principe de rejeter l'idée de fournir des informations à travers ces espaces qui réunissent beaucoup de représentants des élus et des dispositifs d'ingénierie locaux.
En priorité, nous souhaitons que les CLCT soient davantage des lieux de débat et d'échanges. Sans devenir des lieux de discussion de dossiers au cas d'espèce, ils devraient apporter une meilleure connaissance de l'inventaire de l'ingénierie locale. Plusieurs départements ont réalisé et mis en oeuvre cet inventaire. Nous souhaitons rendre effectif l'inventaire de l'ingénierie locale et le mener dans tous les départements de façon à apporter une visibilité pour les membres du CLCT.
Au sein du CLCT, il est nécessaire d'instaurer une animation moins descendante. Parmi les problèmes récurrents figurent les problématiques liées : aux centres-villes ; aux centres bourgs ; aux petites centralités ; mais aussi à la question du traitement juridique, financier et en maîtrise d'ouvrage des logements vacants pour le monde plus rural.
Ce sont des sujets complexes. Des communes ont réussi à trouver des solutions astucieuses. Nous devons nous interroger sur la manière de partager les solutions, les outils et les leviers à travers ces instances départementales. En effet, des départements possèdent un bailleur social actif, une intercommunalité active, une société d'économie mixte (SEM), ou une société publique locale (SPL). D'autres départements n'en disposent pas. Ainsi, comment agir ? Faut-il une maîtrise d'ouvrage communale ? Comment l'accompagner ? Comment la soutenir ? Ce sont des débats qui ne peuvent que se situer au niveau local, car nous ne pourrons pas les traiter au niveau national.
Au sujet du travail au sein du conseil d'administration, c'est une priorité notamment du président d'avoir une animation différente. Dans les précédents conseils d'administration, nous avons substantiellement modifié les ordres du jour pour mettre les points de discussion en tête. Nous présentons les actions, les différents programmes et les actualités. Nous prenons le temps d'échanger sur des questions. J'ai évoqué tout à l'heure le secteur du numérique, qui a donné lieu à de nombreux échanges sur des questions concrètes telles que les difficultés de maintenance ou de raccordement à la fibre. La composition du conseil d'administration est prévue par la loi et le décret. Je n'ai pas le sentiment d'une fracture parmi les membres du conseil d'administration. Notre démarche procède de la construction collective plutôt que de la recherche d'une majorité des uns sur les autres.
Au sujet de l'État planificateur et de la Datar, je suis un peu mal à l'aise. Si nous avions voulu recréer la Datar, il aurait fallu la garder. Nous devons être cohérents. Le souhait du Parlement et du Gouvernement a été de créer une agence de proximité. Or, la schizophrénie a ses limites. Les efforts doivent être concentrés sur ce qui nous semble le plus prioritaire. Il nous est demandé d'accompagner les territoires et ce besoin se fait ressentir. Aujourd'hui, l'objectif de concentrer nos efforts sur une planification stratégique à trente ans semble peu opportun alors que des acteurs se sont positionnés sur ces sujets dans la sphère institutionnelle. Par exemple, France Stratégie mène un travail de réflexion sur le long terme et le Commissariat au Plan a été récréé.
Pour autant, nous disposons d'outils d'analyse et de diagnostic territorial. L'ANCT n'a pas vocation à donner des instructions aux autres ministères sur la manière dont ils doivent se développer ou s'organiser. Elle est en effet sous tutelle ministérielle.
En revanche, les outils qui permettent de mieux comprendre les territoires et leur dynamique doivent servir à la décision collective. Tel est le cas de l'étude sur la ruralité de l'ANCT présentée le 23 mai prochain : elle est extrêmement riche et permet de connaître les dynamiques des ruralités. La ruralité n'existe pas. Il existe des ruralités : en grandes difficultés, en très bonne santé, touristiques, agricoles, industrielles, périurbaines, riches, pauvres, etc. Les situations sont variées, y compris au sein d'un même département.
La qualification du sujet constitue donc la première étape pour les acteurs publics et locaux afin d'apporter des réponses et des solutions. En effet, une petite commune qui subit une pression foncière en termes d'installation de population n'est pas confrontée aux mêmes sujets qu'un territoire avec une perte d'activité, d'emploi et de population.
En ce sens, nous devons toujours présenter à destination des territoires des analyses territoriales opérationnelles pour éclairer la décision publique. Mais est-ce notre champ d'action aujourd'hui de promouvoir un État planificateur ? Je m'interroge et je ne crois pas que cet aspect ait complètement inspiré la création de l'agence.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. -- Merci, monsieur le Directeur général. Pour illustrer le besoin de planification, je prends l'exemple de mon territoire. J'ai demandé dans mon département de modéliser une ZAN sur un territoire. Soit nous menons la concertation avec les élus, nous travaillons sur des propositions et nous planifions. Soit, l'État, de façon verticale, décide et dans ces cas-là, autant ne pas avoir d'idées. Quand nous demandons une planification de politiques extrêmement importante et pour lesquelles les élus sont inquiets, je crois que pour rassurer ou pour inquiéter, il est utile d'avoir pour des territoires des propositions de modélisation comme les conséquences d'une ZAN sur dix, quinze ou vingt ans.
M. Stanislas Bourron. -- Disposer d'outils d'accompagnement en termes de capacité de prospective est une nécessité. Des réflexions sont menées sur des outils de modélisation auxquelles nous sommes associés, mais ne sommes pas nécessairement les seuls pilotes.
M. Mathieu Darnaud. -- Merci, monsieur le Président. Monsieur le Directeur, je me souviens du débat que nous avons eu en séance publique il y a quelques années lors de la création de l'ANCT. Le choix d'une agence a été décidé pour répondre à un besoin d'agilité sur les territoires. Cette structure devrait, de façon très souple, s'intégrer dans un écosystème préexistant en matière d'ingénierie. Malheureusement, nous avons le sentiment que, dans beaucoup de territoires, de l'aveu même de l'État territorial, nous avons entendu des préfets et sous-préfets dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir des communes, qu'une forme de doublon est à relever. En effet, l'ingénierie départementale continue à exister. L'ANCT vient, notamment dans le cadre de la politique d'appels à projets sur « Petites villes de demain », « Action Coeur de ville » et d'autres politiques, s'intégrer dans ce dispositif d'ingénierie en oubliant parfois des pans de territoire qui n'entrent pas dans cette labellisation. Le directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) nous a indiqué hier que l'État entendait recruter encore une centaine de spécialistes sur l'ingénierie qui seraient mutualisés.
Il y a donc une question de la lisibilité, qui m'amène à parler d'un second point : celui de l'efficience. L'intérêt d'une agence - et celui qui parle n'est pas un fervent partisan de l'« agencification » de l'État, car selon moi, un risque de perte en ligne est à envisager à terme - réside dans le service rendu aux élus. Si vous n'êtes pas un adepte de l'appellation de guichet, il subsiste un intérêt à mettre en cohérence les politiques de l'État, notamment l'ingénierie. Et pour le coup, l'ANCT a accompagné l'ingénierie par le financement de chargés de mission d'agent auprès notamment des collectivités labellisées « Petites villes de demain » et « Action coeur de ville ».
Mais il reste l'autre pendant : la capacité à enclencher les financements. Sur ce point, je considère que nous devons encore fournir des efforts, puisqu'on a constaté cette année la complexité pour les collectivités d'entrer dans des dispositifs comme le Fonds vert. S'ajoute la DETR au niveau départemental, la DSIL au niveau régional et parfois l'incapacité chronique à mettre ces éléments en relation. Cette différenciation entre les dotations est légitimée par le fait qu'elles relèvent d'ambitions ou de finalités différentes. Or, et je prends à témoin l'ensemble de mes collègues, il n'est pas un département où le préfet n'actionne pas les différents dispositifs pour les mêmes projets. Quand l'entrée dans la DETR n'est pas possible, la DSIL est sollicitée et quand il est impossible de s'inscrire dans la DSIL, le Fonds vert est actionné. Pourquoi ne pas mettre ces éléments en cohérence dans une logique d'accessibilité, d'efficience et de rapidité ?
Nous avons essayé, notamment dans le cadre du projet de loi de finances, d'identifier des priorités. Cela me ramène à la nécessité de planification, parce que nous devons tout de même voir à long terme les besoins de nos territoires. Par exemple, nous avions voté une dotation de 90 millions d'euros pour le programme sur les ponts. Aujourd'hui, personne n'est capable de dire où sont passés exactement ces 90 millions d'euros et comment il est nécessaire de les actionner, étant convaincus que toutes et tous, ici sur notre territoire, nous avons besoin de moyens sur des sujets qui sont budgétivores pour nos collectivités et pour nos communes. Ainsi, nous attendons de l'ANCT qu'elle réponde à cette double exigence de lisibilité conditionnant l'accès à l'ANCT et d'efficience pour activer l'ingénierie et les financements de l'État.
M. Stanislas Bourron. -- Nous ne pouvons qu'être d'accord sur ces objectifs. La lisibilité constitue un des éléments clés de notre feuille de route. Un autre axe est de rendre plus simple et plus accessible notre action. La notion de guichet unique peut-être mal interprétée, y compris au niveau local. Il est possible de penser qu'il suffit de se présenter au guichet pour obtenir un financement. Or, il s'agit davantage d'un point d'entrée, d'un point d'orientation et d'une organisation opérationnelle la plus simple possible pour accompagner les élus qui ont un projet ou une réflexion.
En ce qui concerne les doublons, nous intervenons dans une logique de subsidiarité. Parfois cette logique n'est pas comprise. Quand une demande d'une commune correspond parfaitement aux fonctions d'une agence technique départementale, nous renvoyons vers cette agence. Ce n'est pas toujours bien vécu. Nous devons également être garants du respect du domaine d'intervention de chacun.
Pour autant, il existe des territoires dans lesquels les réponses ne sont pas exhaustives. Vous évoquez, Monsieur de Nicolaÿ, une planification. Il s'agit davantage d'une prospective territoriale, d'une capacité à programmer un projet territorial. C'est souvent ce qui manque en termes d'accompagnement local : disposer d'une capacité pour le territoire, intercommunalités ou communes, et avoir une projection à cinq ans sur le plan d'action à déployer. Tout d'abord, il faut identifier quels sont les enjeux rencontrés. Ensuite, il est nécessaire de savoir quels moyens et quels plans d'action seraient soutenables en termes d'ingénierie pour la commune et l'intercommunalité ? C'est un travail que nous avons pu commencer à mettre en oeuvre avec les accompagnements CRTE, mais il doit être poursuivi. Lorsque nous sommes sollicités, nous apportons énormément et nous sommes très bien reçus par les élus.
Au sujet de l'efficience, soit la capacité de mettre en oeuvre le programme ou le plan d'action, un nouveau fonds de 2 milliards d'euros a été créé : le Fonds vert. En parallèle, les autres dotations de l'État n'ont pas diminué. Au total, les dotations de l'État s'élèvent donc à 4 milliards d'euros. Je n'ai pas connaissance de commune du dispositif Petites villes de demain qui nous aient signalé un problème de financement sur ses projets. Il n'y a pas d'enveloppe réservée, mais une priorisation est prévue par la circulaire ministérielle sur les programmes.
Des débats ont lieu sur la pertinence d'allouer une enveloppe. Je ne peux pas y répondre aujourd'hui. Par ailleurs, ce choix appartient également au Parlement et au Gouvernement. Néanmoins, aujourd'hui, nous ne sommes pas confrontés à une impossibilité de financement.
Dans les programmes que nous pilotons, nous avons eu la chance d'avoir la capacité de nous inscrire dans le temps : dans une durée de trois à cinq ans. Ainsi, il est possible d'être accompagné par un chef de projet. Nous cofinançons 904 chefs de projet jusqu'en 2026 qui sont recrutés, travaillent et déploient une réflexion très utile. Cette inscription dans le temps permet de réduire aussi l'inquiétude des collectivités territoriales.
Des enveloppes ont été annoncées pour les grands programmes notamment, mais également il y a quelques jours pour « Territoires d'industrie », qui s'inscrivent dans des engagements pluriannuels. Pour les 3 milliards d'euros consacrés à « Petites villes de demain », il est réalisé un décompte précis, régulier, annuel, ligne par ligne sur le prêt, la subvention, l'ingénierie, la DETR, la DSIL et le Fonds vert. Chaque année, ce point précis est effectué ligne à ligne, et ces engagements sont suivis. Ces 3 milliards d'euros prévus seront non seulement dépensés, mais sans doute dépassés. Peut-être davantage de moyens seront-ils nécessaires. Il faudra un temps de réflexion. Ainsi, je vous rejoins sur le besoin de prévisibilité et de visibilité afin d'amener les territoires à s'engager dans des projets parfois assez lourds et afin d'éviter une inquiétude relative à un manque de financements associés.
La cohérence du dispositif d'accompagnement des territoires repose donc sur deux éléments : d'une part, l'ingénierie pour aider à l'émergence et accompagner des projets et d'autre part, une dimension d'investissement pour actionner l'effet levier et permettre la mise en oeuvre du projet.
Mme Patricia Demas. -- Monsieur le Directeur général, la phase de candidature de l'appel à projets lancé par le gouvernement et l'ANCT en 2022 pour aider les collectivités territoriales à financer des raccordements complexes à la fibre en zone de réseau d'initiative publique (RIP) s'est achevée le 17 avril dernier. Je souhaiterais faire un point d'étape sur ce processus. Combien de collectivités étaient éligibles à l'appel à projets ? Parmi elles, combien ont déposé un dossier de candidature ? Avez-vous une idée du nombre de raccordements qui pourront être subventionnés ? Les 150 millions d'euros prévus par le Gouvernement seront très loin de suffire pour financer l'ensemble des raccordements dits longs et complexes à la fibre qui représentent un coût situé entre 1 et 2 milliards d'euros. Afin de sortir de cette impasse financière, je souhaiterais savoir quel regard vous portez sur l'idée d'instituer un fonds de péréquation portant sur les réseaux fibre, notamment mise en avant par l'Avicca.
Ma deuxième question concerne le guichet de cohésion numérique des territoires, piloté par l'ANCT. Le guichet de cohésion numérique, qui permet d'aider financièrement des ménages à acquérir une technologie alternative à la fibre, a été prolongé en avril 2022. Le montant maximal de l'aide a été rehaussé de 150 à 300 euros et peut atteindre 600 euros sur condition de ressources. Dans mon rapport d'information de mars 2022 sur la cohésion numérique des territoires, j'avais souligné que le guichet de cohésion numérique des territoires, créé en 2019, était caractérisé par un taux de recours très bas de la part des usagers, sans doute imputable à une forte méconnaissance du dispositif. Où en sommes-nous du déploiement de ce dispositif ? Quelles actions ont été mises en oeuvre depuis un an pour mieux le faire connaître des usagers ?
Enfin, ma dernière question intéresse l'enjeu de la pérennisation des conseillers numériques France Services. S'agissant des 4 000 conseillers numériques France Services cofinancés par l'État à hauteur de 50 000 euros par poste, la loi de finances pour 2023 a prolongé les contrats en cours pour une durée d'un an, sans toutefois trancher sur le devenir du dispositif au-delà de cette échéance. Une concertation devait se tenir avec les collectivités territoriales et associations d'élus en 2023 sur l'avenir du dispositif et la participation financière de l'État à sa mise en oeuvre. Pouvez-vous faire un point sur l'avancée de ces discussions ? Les élus sont preneurs de toute information sur le sujet, vous le pensez bien dans le sens où les dynamiques locales risquent d'être perturbées par la fin de ce dispositif d'ici la fin de l'année.
M. Bruno Belin. -- Mes chers collègues, quel décalage entre la réalité de ce que nous observons sur les territoires dont nous sommes les élus et un certain nombre de propos que vous avez pu tenir ce matin, monsieur le Directeur général !
Tout d'abord, pour faire le lien avec l'intervention très concrète de ma collègue Patricia Demas, vous indiquez que l'ANCT a fait la fibre, mais je peux vous assurer qu'il n'est pas un territoire où l'ANCT a été le moteur ou est identifié comme tel. Avec mon collègue Gilbert Favreau, nous étions présidents de département quand nous avons créé Poitou Numérique. Heureusement que nous n'avons pas attendu une agence quelconque pour pouvoir le faire, sinon nos territoires en seraient restés au téléphone standard.
Vous regrettez qu'il n'y ait plus de Datar. Parfois, elle est regrettée dans les territoires ruraux, notamment dans le domaine d'aménagement des routes nationales. Vous invoquez comme excuse la pandémie de la Covid19. La crise sanitaire n'a échappé à personne. Au contraire, vous auriez dû être davantage présent pour soutenir les élus, notamment les maires élus pour la première fois en 2020. Quel état de souffrance ils constatent après trois ans de mandat, certains ne savent pas comment lancer leurs projets alors que votre première mission était d'être « une fabrique à projet ». Force est de constater que nous en sommes très loin.
Vous avez cité « Petites villes de demain ». Je rencontre tous les mois des élus sur mon territoire et « Petites villes de demain » est associé à l'inertie, alors que je suis convaincu qu'une volonté est présente de la part du corps préfectoral de sous-préfets qui accompagnent les élus. Mais l'ANCT ne s'inscrit pas dans cette dynamique.
Vous évoquez des recrutements. Vous dites vous-même qu'un renvoi est effectué vers les agences techniques départementales. Je crains donc que nous soyons toujours face à beaucoup d'inertie.
Aujourd'hui, nous demandons aux communes de faire plus avec moins. Heureusement que les communes sont présentes pour élaborer des projets d'investissement. Mais quel décalage ! Le rapport d'information de Cécile Brulin et de Charles Guéné souligne « une approche encore trop descendante et peu attentive aux dynamiques locales » et « une promesse de simplification et de meilleur soutien aux projets locaux non tenue ». Comment aiderez-vous les élus à monter les projets alors qu'ils sont maintenant à l'aube de leur deuxième partie de mandat ? Quelles stratégies comptez-vous mettre en place pour mener à bien votre mission première ? Heureusement que les agences techniques et le corps sous-préfectoral accompagnent les élus, car aujourd'hui ce sont eux qui mènent les travaux, tandis que l'ANCT n'est connue de personne.
M. Stéphane Demilly. -- Monsieur le Directeur général, l'ANCT a été créée en janvier 2020 afin de faciliter l'avancée des projets dans le territoire. Trois ans après, il semble que l'ANCT souffre d'un manque de notoriété auprès des élus quand elle n'est pas perçue comme nébuleuse, bureaucratique ou tout simplement inutile. 52 % des élus connaissent mal les services proposés par l'agence, établissement public, de 344 agents et de 60 millions d'euros de budget. Ce constat a été fait par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Par ailleurs, les trois quarts des élus indiquent n'avoir jamais sollicité l'ANCT, notamment en raison d'une méconnaissance des offres et services de l'agence. Au problème de visibilité se greffe donc un problème de lisibilité.
Votre chantier, monsieur le Directeur général - vous arrivez, ainsi vous ne portez pas de responsabilité particulière par rapport à ce constat - est titanesque. C'est un doux euphémisme que de le dire. Pour pallier ce problème de notoriété, quels sont les partenariats que vous allez ou que vous avez déjà initiés avec les associations nationales d'élus locaux ?
M. Stanislas Bourron. -- Je ne dispose pas du nombre précis de communes éligibles et de dossiers. Je vous transmettrai dans les prochains jours. Nous portons une attention forte sur ces questions de raccordement complexes.
Pour répondre à la question du sénateur Bruno Belin, loin de moi l'idée de dire que c'est l'agence qui a déployé la fibre. L'ANCT a repris les compétences de l'Agence du numérique, initialement chargée du plan de déploiement fibre et mobile. Des subventions sont apportées dans le cadre du Fonds national pour la société numérique (FSN). Nous avons récupéré la gestion de ce fonds, qui était porté par la Caisse des dépôts consignations. Il dispose de plusieurs milliards d'euros et soutient des structures qui mettent en oeuvre les plans de déploiement de la fibre.
Le déploiement sur les zones RIP est plutôt un succès que nous devons à l'action collective de l'ensemble des collectivités publiques. Nous connaissons un déploiement rapide et fort. Quelques variations sont à relever dans certains départements, mais globalement le déploiement avoisine 70 % sur les zones RIP et nous atteindrons les objectifs fixés pour 2025. Nous observons l'apparition d'un déploiement plus rapide et de meilleure qualité sur les zones RIP que sur les zones urbanisées, lesquelles sont portées directement par les opérateurs et pour lesquelles l'intervention des collectivités publiques n'est pas de même nature. C'est donc une chance pour les territoires. La fracture territoriale liée à l'accès au numérique et à internet est en train de se résorber, notamment sur les territoires les plus ruraux et les plus enclavés.
Je ne prétends pas, bien sûr, en être à l'origine, mais des crédits d'État qui ne sont pas négligeables ont été mis en place. Cette avancée bénéficie à tout le monde et c'est une vraie réussite collective pour les territoires. Il y a quelques années, la fracture numérique constituait une question extrêmement puissante et un frein au développement de toute activité, y compris économique, sur ces territoires, cela a considérablement changé, ce qui constitue une dynamique positive.
Je referai un point sur le guichet pour les solutions alternatives qui semblent faire l'objet d'un taux de recours faible, pour lequel je n'ai pas de réponses à apporter à ce stade. Une méconnaissance de ces outils demeure : la communication collective est centrée sur la poursuite du raccordement sur la fibre et de l'implantation des relais sur les mobiles, qui restent prioritaires.
Les perspectives qui suivront l'atteinte du déploiement des 5000 relais prévus par le plan restent à définir. Les acteurs se concentrent sur le déploiement de la fibre, du mobile et de l'antenne classique 4G, mais envisagent peut-être moins les solutions alternatives. Ces dernières seront nécessaires pour atteindre 100 % de couverture, parce qu'il ne sera pas possible d'installer la fibre ni une antenne relais à tous les endroits. Dans ce cas, des solutions complémentaires devront, en effet, être mobilisées. Le ministre Jean-Noël Barrot a fait des annonces sur l'installation des conseillers numériques, à l'issue du Conseil national de la refondation (CNR). L'évolution de cette filière, de l'accompagnement et de l'inclusion numérique doit faire l'objet d'une réflexion. Nous sommes assez mobilisés pour faire avancer ce sujet. L'État a débloqué une enveloppe triennale, mais dégressive, d'accompagnement financier pour la mise en place des conseillers numériques à l'issue du plan de relance. La question du modèle et de son financement reste posée. Nous observons à quel point ce sont des relais importants, notamment dans les espaces France Services et dans les tiers lieux. Ce métier devra trouver sa place dans les années à venir, avec une professionnalisation de la filière de la médiation numérique. Des concertations devraient démarrer après la présentation des résultats du CNR numérique.
Au sujet des recrutements, notre objectif est d'accompagner davantage les territoires. Monsieur le Sénateur, vous soulignez que les sous-préfets mènent l'action et que nous ne sommes pas connus. Mais dans une certaine mesure, cela ne me dérange pas puisque les sous-préfets et les préfets sont les représentants de l'État sur le territoire. Je n'ai pas vocation à décider à la place des préfets et des sous-préfets. La logique est celle de la déconcentration. Le délégué territorial de l'agence est le préfet. Le législateur l'a décidé ainsi. L'essentiel est que les politiques publiques puissent être mises en oeuvre. L'agence doit-elle être nécessairement connue de tous ? Ou faut-il que les politiques publiques de l'État d'accompagnement des territoires soient mises en oeuvre ? Je pense que c'est plutôt le deuxième objectif qui me guide.
Les sous-préfets et les préfets disposent des outils et d'un accompagnement. Les recrutements supplémentaires visent à aider, à étoffer et à renforcer les moyens des équipes de l'État pour accompagner les territoires. Notre rôle est d'intervenir en support. Nos 300 agents ne répondront pas à l'ensemble des problèmes des territoires. Nous devons nous appuyer sur la dynamique locale. Dans bon nombre de départements, les agences techniques départementales sont totalement impliquées dans l'animation des chefs de projet « Petites villes de demain », l'accompagnement que nous apportons est limité. .
Les déplacements que j'ai effectués me laissent penser que les élus rencontrés connaissent mon action, même si le travail doit se poursuivre. Nous devons également travailler en partenariat avec les associations d'élus. Les échanges avec certaines associations sont nombreux dans le cadre des programmes en cours. Nous avons des échanges plus informels avec les directeurs d'associations d'élus. Sur le volet consacré à France Ruralités, nous échangeons avec les intercommunalités ou avec l'association des maires ruraux de France (AMRF). Notre logique est celle de la co-construction. Ensuite, un arbitrage est effectué par l'État et peut ne pas correspondre totalement aux souhaits des uns et des autres. Néanmoins, c'est mon objectif que de poursuivre, renforcer et intensifier les échanges.
Mme Martine Filleul. -- Monsieur le Directeur général, je me suis beaucoup investie sur les questions d'inclusion numérique pendant ce mandat, en particulier au sein de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP). J'ai réalisé dans ce cadre un bilan des conseillers numériques. Vous ne serez pas étonné que je vous interroge sur la nouvelle feuille de route du ministre Jean-Noël Barrot, qui organise l'inclusion numérique pour les années 2023 à 2027. Ma question porte sur la question de la désignation d'une collectivité territoriale pilote pour structurer cette politique d'inclusion numérique. Le ministre a bien précisé que ce n'était pas la même collectivité territoriale qui devait être pilote dans chaque territoire. Je voulais vous demander comment vous organiseriez ce travail dont a priori vous allez être le pilote pour l'inclusion numérique dans les années à venir afin que nous disposions d'un maillage relativement efficace et équilibré et que chaque territoire puisse travailler ensemble et en même temps sur ces questions d'inclusion numérique. Le ministre a également annoncé un fonds pluriannuel coordonné par l'ANCT. Comment prévoyez-vous de le ventiler ?
Par ailleurs, comment envisagez-vous de pérenniser les postes de conseillers numériques dont vous venez de dire qu'ils jouent un rôle tout à fait important pour les citoyens qui se sentent abandonnés sur ces questions ?
Enfin, je souhaite aborder la question des hubs régionaux. Dans certaines régions, comme la mienne où le hub s'appelle les Assembleurs, les hubs jouent parfaitement leur rôle, mais il semble que dans d'autres régions, ce ne soit pas exactement le cas. Comment vous positionnez-vous par rapport à cet héritage des hubs ?
Mme Nicole Bonnefoy. -- Monsieur le Directeur général, les ambitions portées par l'ANCT à sa création faisaient à peu près consensus. Comme nous connaissons le besoin de solutions d'ingénierie des collectivités territoriales, elles constituaient une réponse en premier lieu pour les communes. Ce besoin d'ingénierie, en l'absence de réponse de l'État, a souvent été assumé par l'échelon départemental, notamment à travers les agences techniques départementales, mais également les CAUE, ingénierie gratuite de qualité à préserver.
Par sa faible visibilité dans les territoires, l'ANCT ne constitue toujours pas le guichet unique ou le portail d'accès, pourtant attendu par les élus à sa création. Pire, comme le note le rapport d'information sénatorial publié en février dernier, le recours massif à des bureaux de consultants privés tend à offrir des prestations en « copier-coller » sans ancrage dans le territoire, qui ne conviennent pas aux porteurs de projets. Ainsi, comment l'ANCT compte-t-elle améliorer sa coordination indispensable avec l'ingénierie publique locale ? Cette dernière réalise un véritable accompagnement de proximité, parce qu'elle connaît les élus, les territoires et maîtrise les projets bien plus que les bureaux d'études privés.
Par ailleurs, comment l'ANCT qui défend l'idée d'un accompagnement sur mesure, contrôle-t-elle la qualité des prestations des cabinets privés vers lesquels elle oriente les élus ?
Le Gouvernement semble vouloir développer une nouvelle offre d'ingénierie spécifique à la demande des communes rurales exclues de fait des programmes précédents. Ce nouveau programme se fondait sur un concours de financement par les collectivités territoriales et l'État. Sur la base de ces premiers éléments, je souhaite également souligner la recommandation du Sénat, issue de l'étude de la délégation aux collectivités territoriales, de mieux incarner l'ANCT en désignant les sous-préfets pilotes du programme en lien direct avec les élus locaux. C'est une bonne chose. Cela dit, nombre de sous-préfets sont évidemment prêts à assumer ce rôle, mais manquent sérieusement de moyens et de personnels. Nous constatons combien l'action de l'État se délite sur nos territoires, y compris dans les préfectures et les sous-préfectures. Comment s'organisera ce lien avec les élus locaux dans la revitalisation de nos villages ?
J'ai pour ma part l'honneur d'avoir été nommé au conseil d'administration de l'Ademe qui renouvelle une expérience de coopération dans son action avec l'ANCT et l'IGN. Le rapport d'information sénatorial déjà cité propose d'instituer un comité de direction régulier commun entre l'ANCT, l'Ademe et le Cerema. Cette coopération semble constituer une solution pour tendre vers une plus grande clarté et transparence de l'ingénierie. Comment comptez-vous améliorer cette coopération et renforcer le lien entre l'ingénierie et la planification écologique indispensable afin de sortir du simple appel à projets et renouer avec une politique d'aménagement du territoire, chère aux structures qui vous ont précédé, CGET et Datar ?
M. Jean-Claude Anglars. -- Monsieur le Directeur général, les ZAN constituent aujourd'hui le premier sujet de préoccupation sur tout le territoire. Je ne reviendrai pas sur le travail de la commission spéciale sur le ZAN, puisque nous avons voté une proposition de loi sur le sujet.
Ma question porte sur la sobriété foncière. Nous avons applaudi et approuvé la mise en place du Fonds vert qui est aux mains des préfets de département. Pour que la sobriété foncière puisse se mettre en place, une prise de conscience sur ce sujet est nécessaire. La politique des « Petites villes de demain » et le Fonds vert peuvent se révéler utiles pour assurer cette prise de conscience. L'articulation entre les préfets de département et les préfets de région sur le Fonds vert manque de clarté, du moins sur les territoires. Le rôle des préfets comme missi dominici du sujet a été important sur les territoires ruraux.
Au sujet de l'État planificateur, d'une part, le ZAN se met en place avec 100 000 hectares à répartir sur dix ans. Les territoires s'écharperont sur la question, puisque la répartition d'une enveloppe se révèle toujours complexe. C'est notamment le sujet actuel entre les régions, les SCoT, etc. D'autre part, nous avons 177 000 hectares de friche. Pouvons-nous faire un rapprochement entre les deux ? Les territoires pourraient-ils appréhender la question des friches ? Pouvons-nous imaginer par exemple dans le schéma de réindustrialisation de la France un rapprochement entre les ZAN et les friches par l'État planificateur ? Lorsque cette question est posée aux structures, nous n'obtenons pas de réponse.
M. Stanislas Bourron. -- L'objectif de la feuille de route évoquée par le ministre Jean-Noël Barrot consiste à structurer un écosystème qui a émergé de façon extrêmement rapide durant la période de la Covid19 : le passage à une dématérialisation massive des procédures et des services. Cette dématérialisation conduit par ailleurs à réinvestir l'accueil physique de France Services et ses 2560 points d'entrée pour retrouver le contact nécessaire avec une partie de notre population. Comment organiser cet accueil territoire par territoire ? C'est notamment un sujet pour l'État. Cette politique s'est déployée parfois sans que même les services départementaux et régionaux maîtrisent complètement ce qui était porté par des tissus associatifs et par des collectivités. Nous avons besoin de prendre du temps pour structurer la filière en termes d'emplois, de compétences, d'organisation et d'accompagnement des publics. Le travail, au niveau régional et au niveau départemental, consiste à arriver à déterminer qui est le coordinateur, l'acteur de l'animation. Cette démarche doit être engagée au niveau régional avec des référents et au niveau départemental pour organiser la filière et trouver un acteur qui remplira le rôle de chef de file pour porter la dynamique, dans un partenariat qui doit rester au niveau local.
Les fonds pluriannuels se posent dans les débats budgétaires. Il est encore un peu tôt pour moi pour apporter des réponses.
Quel type d'accompagnement et sous quelle forme l'État peut apporter des solutions sur ces questions d'inclusion numérique ? Nous avons mis des moyens à travers le plan de relance. Comment nous projetons-nous dans le temps ? Ce sont des politiques partagées. De fait, le conseiller numérique est toujours cofinancé systématiquement. Le sujet ne concerne pas uniquement l'État. Mais comment les collectivités publiques s'organisent-elles avec l'État et des collectivités pour faire vivre cette filière ? Nous sommes en phase de construction de partenariat et nous avançons sur ces questions avec l'idée de structurer au niveau régional et départemental ce dispositif.
Pour la coordination avec l'ingénierie publique, l'objectif est la subsidiarité. Nous ne devons pas intervenir dans des territoires où une ingénierie répond déjà aux besoins. Certains territoires, pour des raisons diverses et variées, souhaitent passer ponctuellement par une prestation extérieure. Nous essayons toutefois de ne pas l'encourager, même si cela arrive en raison de contextes locaux particuliers. Nous intervenons, à travers l'interface du préfet et de sous-préfet, s'il n'existe pas de solutions locales.
Je ne suis pas négatif sur la qualité des prestations privées des marchés. En effet, sur le terrain des élus étaient avec leurs prestataires pour présenter leur projet, ce qu'ils n'auraient pas fait s'ils n'avaient pas été satisfaits de la prestation. En effet, nous avons besoin de disposer d'un haut niveau de qualité de service sur ces prestations. L'équipe précédente de l'ANCT a mis fin à deux accords avec deux prestataires qui n'étaient pas au niveau, sur la trentaine d'accords conclus. Nous sommes dans un contrôle permanent pour vérifier la qualité de service et pour éviter les « copier-coller », lesquels sont loin d'être monnaie courante. Dans ce cas, nous intervenons et le cas échéant, mettons fin au contrat. Nous renouvellerons globalement le marché en 2024 pour l'adapter aux besoins émergents.
Les besoins, notamment autour des transitions, sont beaucoup plus nombreux. Des accompagnements plus opérationnels, qui ne sont pas toujours disponibles, sont nécessaires. L'idée est d'offrir une palette de services la plus large possible pour apporter une réponse adaptée aux territoires.
La coordination avec l'Ademe, le Cerema et l'ANCT est prévue par la loi. D'abord, nous avons une convention-cadre. Nous nous rencontrons tous les mois dans un conseil spécifique, avec aussi l'Anru, l'Anah, et la Banque des territoires. Nous travaillons notamment sur les questions de planification et de transition écologique. Avec l'Ademe et le Cerema, nous travaillons sous l'égide du ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires Christophe Béchu à améliorer l'offre de services vis-à-vis des territoires.
L'objectif du plan France Ruralités consiste à renforcer les services de l'État pour accompagner les territoires les plus ruraux. Il est difficile aujourd'hui, au regard des moyens disponibles, de mener un accompagnement sur un grand nombre de collectivités. Des renforts sont nécessaires et c'est l'objectif de ce plan.
Le Fonds vert est tout de même largement déconcentré au niveau départemental, ce qui est parfaitement cohérent avec notre propre organisation, avec la DETR et avec la mise en oeuvre de la DSIL. Cette organisation peut créer des silos de financements parce que ces dispositifs ont été créés dans différentes périodes avec différentes vocations. Vous avez eu raison de préciser que les outils de planification d'aménagement de territoire, tels que le Sraddet, sont élaborés par les conseils régionaux. Le législateur l'a prévu ainsi. Il sera ensuite décliné à travers les SCoT et les PLU. Nous observons cette cascade arriver sur les territoires avec le ZAN, le dispositif Sraddet, la conférence des SCoT puis le PLU. Cette organisation fait qu'une partie de la planification territoriale est aujourd'hui portée et animée par les collectivités, ce qui est logique, dans une République décentralisée, 40 ans après les premières lois de décentralisation.
Vous soulevez un point essentiel à propos des friches et du ZAN. L'enjeu réside en effet dans la mobilisation des friches. Les programmes de type Action coeur de ville l'ont mis en oeuvre et ce sujet commence à apparaître sur d'autres territoires. Il faut effectivement réutiliser des friches d'habitat et des friches d'activités commerciales ou industrielles. Les élus le mettent en oeuvre, notamment dans les coeurs de ville ou dans les centres-villes. Si vous voulez renforcer l'attractivité de centre-ville, il faut que vous fassiez revenir les habitants et les commerces dans le centre-ville et que vous mettiez fin aux phénomènes où parfois 20 % ou 30 % de logements sont vacants dans les coeurs ou les centres bourgs. C'est un enjeu fondamental et d'ailleurs c'est un enjeu d'habitat, plus que d'activités commerciales. Des potentialités très intéressantes sont portées par certains territoires sur ces espaces en raison de la bonne situation des friches en tissu urbain, qui permettent d'éviter de créer de la voirie et des réseaux de mobilité. Mais nous devons réussir à trouver une réponse sur le traitement de la friche, le projet associé, son intégration et son aspect de transition. C'est une réflexion sur toute la construction de la ville. Je pense que cet enjeu majeur peut être relevé et qu'il est déjà en train d'être relevé dans bon nombre de territoires.
M. Jean-Michel Houllegatte. -- Le plan France très haut débit continue à se déployer à un rythme élevé, pour généraliser la fibre, notamment à fin 2025. Vous avez signalé un certain nombre de disparités. L'ANCT a pris l'initiative de lancer deux audits, un premier audit sur la qualité des infrastructures déployées pour le compte des collectivités, et puis un second sur le pilotage des projets, notamment un audit organisationnel, sur la gestion de projet, sur les financements, etc. Quels sont les sous-entendus par rapport à ces deux audits ? Sans en avoir les résultats, envisagez-vous des actions correctives pour accompagner les collectivités ? En effet, la loi de Pareto fait que les 20 % de couverture restante nécessiteront une énergie importante. Quelles sont les arrière-pensées de l'ANCT au-delà de ces audits ?
M. Ronan Dantec. -- Monsieur le Directeur général, le Conseil national de transition écologique, dont la composition va des associations de protection de l'environnement à la FNSEA, a voté à l'unanimité un avis demandant au gouvernement de mettre l'action publique en ordre de marche par rapport aux + 4 °C d'augmentation des températures moyennes en France métropolitaine dans le courant du XXI? siècle. Il s'agit d'un important enjeu de cohésion des territoires et d'ingénierie des petits territoires. L'ANCT, en lien avec le Cerema et l'Ademe, est-elle en ordre de bataille sur ce qui va profondément modifier l'évaluation de l'action publique et de l'investissement de long terme en France ?
Le think tank I4CE, qui est très proche de la Caisse des dépôts et consignations qui en est le principal financeur, considère qu'il manque à peu près 25 000 personnes en ingénierie territoriale pour mener à bien la transition écologique sur les territoires. Ce chiffre est considérable et assez cohérent avec ce que le Sénat a voté plusieurs fois à l'unanimité : une dotation de fonctionnement dédiée au climat pour les collectivités. Elle pourrait être une partie du Fonds vert, qui reste malheureusement plutôt fléché sur l'investissement, alors que c'est plutôt l'ingénierie qui manque. Au lieu d'un État qui fonctionne projet par projet et fournit de l'ingénierie aux territoires, ne serait-il pas préférable de passer un cap et d'avoir un financement pérenne pour les territoires afin de créer une vraie ingénierie territoriale de transition écologique ? Dans ce cas-là, l'ANCT n'aurait-elle pas un rôle plus efficace en étant une accompagnatrice de l'émergence de cette fonction publique territoriale dont nous aurons de plus en plus besoin ?
Mme Nadège Havet. -- Je reviendrai sur l'accès au foncier. L'ANCT a publié un rapport sur les Fabriques Prospectives et sur les sites industriels de demain. Pour mieux gérer le foncier industriel, le rapport de l'ANCT préconise l'élaboration d'un schéma stratégique de développement des sites industriels à l'échelle intercommunale. J'aimerais en savoir plus sur le contenu et les attendus de ce schéma.
M. Stanislas Bourron. -- Monsieur Houllegatte, je vous remercie d'avoir souligné les travaux engagés, qui sont le fruit des échanges réguliers avec les partenaires et collectivités qui portent le déploiement. Nous rencontrons des problèmes que nous partagions localement avec deux aspects : d'une part, parfois des infrastructures sont déjà réalisées, mais la qualité n'est pas totalement présente. Le maître d'oeuvre n'a pas répondu aux attentes. Nous rencontrons donc des sujets de qualité sur les zones RIP sur lesquels il faut parfois s'interroger avant que ce soit trop tard, pour notamment essayer de corriger le tir par ces maîtres d'oeuvre.
D'autre part, il y a un sujet sur l'organisation et le pilotage de projets. Dans certains territoires, la dynamique peut être moins rapide que dans d'autres, car l'organisation a pu mettre du temps à s'installer. Notre objectif n'est pas de pointer du doigt des difficultés. Vu la vitesse à laquelle se sont déployées les opérations de déploiement de la fibre optique, des difficultés apparaissent. Il serait même étonnant que ce ne soit pas le cas. Mais il est préférable de les identifier dès à présent, avant que nous arrivions au terme du programme et que les opérateurs soient partis.
Les audits se situent dans une logique d'accompagnement et non de contrôle. Ils sont menés avec les collectivités compétentes dans une démarche d'accompagnement pour leur permettre d'avancer vis-à-vis de leurs prestataires et vis-à-vis, le cas échéant, de leur organisation. L'idée est de tirer des conclusions partagées pour faire avancer et améliorer la réponse.
Par ailleurs, je ne sais pas si 25 000 personnes sont requises en ingénierie pour mener à bien les transitions. Toutefois, dans le Fonds vert, une enveloppe d'ingénierie de 25 millions d'euros est réservée et a été déployée cette année. Il est nécessaire de se demander comment s'organiser collectivement pour faire face aux enjeux de la transition. Nous travaillons avec le Cerema et l'Ademe sur ces questions. Nous nous interrogeons sur l'intégration à nos outils de cette dimension. Beaucoup de territoires ont déjà engagé ces travaux ou ces réflexions. Des chefs de projet ont pu permettre aux élus de formaliser des réflexions. Toutefois, les territoires ne sont pas tous au même niveau d'avancement.
Il est nécessaire d'embarquer tout le monde. À cet égard, l'agence, à mon sens, doit jouer un rôle par son maillage, son appui sur le réseau des services de l'État et départementaux, sa proximité avec bon nombre d'acteurs territoriaux et sa capacité aussi à faire entendre des mécaniques qui ne sont pas toujours évidentes à appréhender dans les territoires. Parfois, les personnes préfèrent s'arrêter plutôt que de faire face à l'obstacle et d'essayer de trouver des solutions. Nous sommes à disposition et je ne suis pas inquiet sur les financements durables et le Fonds vert. Je suis tout à fait convaincu que nous aurons des moyens pour avancer.
Je ne peux pas vous fournir une réponse spécifique sur la proposition du schéma stratégique sur les sites industriels. En revanche, à travers l'annonce sur la relance de « Territoires d'industrie », nous devons réfléchir à deux axes. D'une part, donner à tous les « Territoires d'industrie » les moyens en ingénierie pour pouvoir porter une dynamique territoriale en termes de réindustrialisation, de développement, de formation, de connaissance et d'attractivité du territoire en matière industrielle.
D'autre part, disposer de financements d'investissement pour accompagner les projets de réindustrialisation sur ces territoires. Nous nous inscrivons dans la démarche plus globale de France 2030 qui vise à développer les industries de demain, mais nous devons également consolider les industries aujourd'hui présentes dans les territoires. Ces dernières peuvent être parfois en difficulté ou parfois engagées dans la transition. Elles ont besoin d'être aidées à franchir les étapes clés.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. -- En collaboration avec mon collègue Rémy Pointereau, je souhaite vous interroger sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a publié en avril dernier un rapport d'information sur les ZRR et propose notamment un passage de la maille intercommunale à la maille communale pour le classement en ZRR, afin d'apprécier plus finement la ruralité. Par ailleurs, notre rapport d'information suggère également d'augmenter le nombre de critères permettant d'apprécier le classement en ZRR afin de tenir compte de la diversité des ruralités. Quel regard portez-vous sur ces propositions de réforme ?
Dans le contexte de cette mission d'information, nous avons interrogé de nombreux élus qui ont évoqué un problème de visibilité des ZRR. De nombreux potentiels bénéficiaires ignorent l'existence de ce dispositif. Les services de l'État ne communiquent pas sur les actions fiscales que permet ce zonage. Serait-il opportun, selon vous, d'ajouter aux missions de l'ANCT la promotion des zones de revitalisation rurale pour en renforcer l'efficacité, alors que ce zonage contribue par définition à la cohésion des territoires par son effet de rééquilibrage ?
M. Stanislas Bourron. -- Dans la réflexion autour de France Ruralités, plusieurs niveaux se distinguent : une strate de mesures interministérielles de culture, de santé, de logement et de mobilité, une strate ZRR et enfin le dispositif de programmes d'accompagnement sur les plus petites communes avec de l'ingénierie d'État. S'agissant des ZRR, présenter le dispositif sous cette forme permet de lui apporter une visibilité plus forte qu'à travers un article du projet de loi de finances qui proroge d'un an un dispositif d'exonération fiscale. Les ZRR seront présentées dans un paquet global accompagné d'une réflexion sur les zonages en prenant en compte les territoires les plus en difficulté. Nombre de consultations et de concertations ont été engagées sur ce sujet. Le programme France Ruralités sera mis en oeuvre en même temps que le renouvellement du zonage. J'ai le sentiment que ce sera utile pour les territoires. Certains ne sont pas bien informés et d'autres savent qu'ils sont en ZRR et tiennent à y rester. Nous aurons toutefois intérêt à faire mieux connaître ces exonérations dès lors que le dispositif sera totalement finalisé.
M. Guillaume Chevrollier, président. -- Je vous remercie, Monsieur le Directeur général.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
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État des lieux des difficultés et des attentes des collectivités territoriales dans leur relation avec l'ANCT - Audition d'associations de collectivités
M. Jean-François Longeot, président. -- Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions consacrées à l'Agence nationale des collectivités territoriales (ANCT) par une table ronde rassemblant les associations de collectivités territoriales concernées par l'action de l'ANCT. Aussi, je suis heureux d'accueillir Mme Floriane Boulay, directrice générale de l'association Intercommunalités de France, et M. Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Pour rappel, l'objectif de notre commission, à travers ses auditions, est de dresser un état des lieux de l'ANCT, trois ans après sa création et, surtout, de faire entendre la voix du Sénat et d'être à l'écoute des élus locaux, alors qu'une nouvelle feuille de route de l'ANCT pour les années 2023 à 2026 est en cours d'élaboration.
Après avoir entendu plus tôt ce matin le directeur général de l'ANCT, Stanislas Bourron et je remercie encore Guillaume Chevrollier et Louis-Jean de Nicolaÿ d'avoir été présents, il apparaît ainsi naturel de recueillir l'avis et la vision des acteurs intéressés au premier chef par l'action de l'agence, à savoir les associations des collectivités.
Lors de l'examen par notre commission de la proposition de loi relative à l'ANCT en 2019, nous avions insisté sur la nécessité de créer une agence pour les collectivités qui sont et doivent rester au premier plan de la cohésion des territoires plutôt qu'une agence de l'État déconcentré.
Avant toute chose et de manière générale, je souhaiterais entendre votre point de vue sur l'action de l'ANCT. L'agence a-t-elle répondu à vos attentes concernant, d'une part, les différents programmes portés comme « Actions coeur de ville » ou « Petites villes de demain » et d'autre part, l'offre d'ingénierie territoriale ? Pourriez-vous nous livrer votre opinion sur la présence de l'agence sur notre territoire ? Le rapport sénatorial de la délégation aux collectivités territoriales sur le bilan de l'ANCT a pointé une certaine absence des délégations territoriales de l'agence dirigées par le préfet qui est le représentant de l'ANCT dans le département, alors que cette présence territoriale trop modeste est à l'origine d'un manque de visibilité et de notoriété pour cet acteur. Serait-il, selon vous, souhaitable de déléguer ce rôle de représentant territorial à un sous-préfet capable d'incarner plus concrètement l'ANCT sur nos territoires ?
Je souhaiterais également vous interroger sur vos attentes concernant la deuxième feuille de route l'ANCT pour la période 2023-2026. Êtes-vous favorable aux premières orientations présentées par la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, en avril dernier ?
Alors que les élus municipaux arriveront le mois prochain à mi-mandat, souhaitez-vous une stabilité dans l'action de l'ANCT ou au contraire, est-il, selon vous, nécessaire d'orienter l'action de l'agence dans une nouvelle direction ? Si une nouvelle impulsion devait être donnée, quels en seraient les principaux axes à privilégier ? Avant de laisser la parole à l'ensemble de mes collègues pour vous interroger à leur tour, je vous cède la parole, Madame, Monsieur, pour répondre à ces quelques points et je vous remercie de votre présence.
Mme Floriane Boulay, directrice générale de l'association Intercommunalités de France. -- Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je précise d'abord que l'association Intercommunalités de France a soutenu la création de l'agence au moment des débats parlementaires. Il nous semblait intéressant d'avoir une évolution du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et un rapprochement des différentes agences et opérateurs de l'État.
Je soulignerai les points positifs, selon nous, de l'ANCT : les programmes « Action coeur de ville » et « Territoires d'industrie ». « Petites villes de demain » est un programme très jeune et difficilement évaluable. Mais en ce qui concerne les deux premiers, la feuille de route pour la deuxième étape d'« Action coeur de ville » nous semble intéressante puisqu'elle permet de dépasser le coeur de ville pour se diriger vers un dispositif plus intercommunal. En effet, traiter par exemple le commerce seulement dans une logique d'une ville présente des limites. La cohérence avec le commerce de périphérie doit également être appréhendée. Cette évolution d'« Action coeur de ville » nous semble intéressante. En ce qui concerne « Territoires d'industrie », l'évolution du programme annoncée par le Président de la République la semaine dernière nous semble également une bonne piste. Elle reprend plusieurs de nos propositions.
De façon plus transversale, les chefs de projet dans les programmes et l'accompagnement « sur-mesure » réalisé par exemple à Béthune ou à Tulle en lien avec la désindustrialisation de ces territoires, qui permet la mise à disposition d'une ingénierie à moyen terme, nous semblent intéressants.
En termes d'amélioration, je citerai trois points :
- le lien entre ces programmes. Beaucoup d'élus nous font part d'une action en silo : « Action coeur de ville », « Territoires d'industrie », « Petites villes de demain », France Ruralités. Une mise en relation doit certainement être établie entre ces programmes pour éviter aussi une segmentation des territoires sur le terrain ;
- la difficulté de mobiliser l'ANCT sur le terrain : cet aspect revient très fréquemment. Une difficulté d'identification de l'agence est à relever. La désignation de sous-préfets comme représentants de l'ANCT dans les territoires pourrait certainement constituer une piste intéressante. En tout cas, en l'état, les choses ne sont pas forcément très pertinentes. Le lien avec l'échelle régionale peut également être creusé. L'ANCT a été conçue dans une logique très départementale. Or, les financements sont souvent régionalisés. Ainsi, une articulation d'échelle est certainement à penser, sans toutefois remettre en cause la représentation de l'ANCT à l'échelle départementale ;
- l'ingénierie proposée : le marché à bon de commande de l'ANCT est souvent vu de façon assez négative par les élus locaux. En effet, du saupoudrage est réalisé et la logique relève du court terme. Nous demandons plutôt de l'ingénierie de long terme et de l'ingénierie de projets où les chefs de projets s'installent dans un territoire, connaissent les acteurs et sont capables de faire de l'animation et du développement local.
Je me permets d'émettre quatre propositions :
- une meilleure coordination des chefs de projets : des synergies doivent être mises en place. Une animation de ces chefferies de projets doit être repensée, non seulement dans une logique nationale comme c'est le cas aujourd'hui, mais également dans une logique régionale ;
- une meilleure coordination des services de l'État : l'ANCT avait un intérêt lors de sa création parce qu'elle devait permettre cette coordination. Avec la loi dite « 3DS », nous avons beaucoup parlé du préfet, coordinateur des services déconcentrés de l'État. L'ANCT devait être au service de cette coordination. Mais nous n'y sommes pas encore ;
- l'interministérialité et la pluriannualité peuvent constituer des pistes d'amélioration pour l'ANCT. Concernant l'interministérialité, la nouvelle génération de Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) pourrait être un bon levier. Concernant la pluriannualité, il serait dommage que l'ANCT n'intervienne dans les territoires que de façon ponctuelle et ne s'inscrive pas dans une logique de développement des territoires. Nous parlions de transition écologique tout à l'heure, mais nous pouvons évoquer également les transitions numériques et démographiques. Nous nous trouvons face à des enjeux de longs termes, l'ANCT ne peut pas intervenir que dans une logique de court terme.
- Même si l'ANCT n'a pas vocation à être la DATAR, renforcer l'Observatoire des territoires et le rôle d'aménagement du territoire de cette agence nous semble être une piste intéressante. Quand nous parlons de planification écologique et de zéro artificialisation nette (ZAN), les enjeux de sobriété foncière nous obligent à nous mettre dans une logique d'aménagement du territoire beaucoup plus forte que ce n'est le cas aujourd'hui et l'Observatoire de l'ANCT mériterait d'être musclé à cet égard, voire renforcé sur le volet européen. Aujourd'hui, les collectivités locales et les associations d'élus ne sont pas encore assez outillées pour prendre en compte et anticiper l'évolution du droit européen à Bruxelles. L'agence n'est pas assez mobilisée de notre point de vue à ce niveau. Il est très difficile aujourd'hui également d'effectuer un parangonnage à l'échelle européenne, alors que nous aurions certainement beaucoup à apprendre des exemples étrangers. Mais nous observons que du côté de la Banque des territoires et des associations d'élus, nous ne sommes pas encore assez musclés sur ce point, l'ANCT pourrait donc développer ses capacités dans ce domaine.
M. Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France. -- Monsieur le Président, nous appréhendons l'ANCT dans sa capacité à pouvoir répondre à des dynamiques de territoires et à l'envie d'agir des maires à l'échelle communale. Je vais d'abord expliquer en quoi l'ANCT est un outil indispensable à l'échelle nationale pour pouvoir donner une forme de cohérence à un certain nombre de politiques publiques. Je vais ensuite aborder la question de l'ingénierie, qui concerne la question du « premier mètre » comme le disait il y a quelques jours notre Président Michel Fournier à la Première ministre. Sur cette question de l'ingénierie concrète, on est très loin de pouvoir identifier un opérateur nouveau, alors que les maires ont l'habitude de travailler depuis longtemps avec leur sous-préfet et nous observons la nécessité de démultiplier les solutions pour répondre à l'envie d'agir de nos élus, à tel point que notre association a été amenée à créer une forme de service d'ingénierie extrêmement intéressante dans ses capacités à orienter. Si nous sommes amenés à le faire, cela veut dire que localement, cette question n'est pas réglée et que c'est un point important dans le dimensionnement de l'Agence.
En ce qui concerne les programmes nationaux, le Président Fournier, également vice-président de l'ANCT, plaide pour la création d'un troisième programme, « Villages d'avenir ». Pourquoi ? Parce que l'agence, avec l'avantage qu'elle a de superviser un certain nombre de politiques, fait de l'aménagement du territoire. Mais elle n'en fait pas telle que nous l'imaginons souhaitable, à savoir un aménagement du territoire beaucoup plus équilibré. Si vous additionnez le nombre de communes « Petites villes de demain » et le nombre de communes « Action coeur de ville », il reste 94 % des communes qui n'ont pas de programme. Sans aller jusqu'à ce que toutes les communes rurales soient éligibles à un nouveau programme, la création de « Villages d'avenir » est vécue localement comme, d'une part, l'apport d'une ingénierie qui nous manque et, d'autre part, comme une manière de focaliser l'attention d'un certain nombre d'opérateurs. Vous avez cité, Mme Boulay, la Banque des territoires et le Cerema qui privilégient et accentuent leur intervention sur les communes qui bénéficient des programmes « Petites villes de demain » et « Action coeur de ville ». Mécaniquement, ils accompagnent alors moins les autres territoires. Se pose dès lors la question de ce déséquilibre. C'est notamment pourquoi nous sommes très fortement mobilisés pour faire évoluer et rééquilibrer cet aménagement du territoire à l'intérieur de l'agence.
L'histoire de l'agence est également associée à la fusion d'un certain nombre d'opérateurs. Il existe une disproportion des personnels mobilisés au sein de l'agence au bénéfice des quartiers de la politique de la ville par rapport à la chétive, mais méritoire et dynamique équipe dédiée au programme « Avenir montagnes », composée de seulement cinq agents. Pour mener le plan France Ruralités après avoir construit l'Agenda rural, la question concernera également l'allocation de moyens à l'échelle nationale.
Un des bienfaits de l'agence est qu'elle est aujourd'hui dépositaire de la nouvelle définition de la ruralité doit prospérer et infuser partout. Il s'agit d'une conquête collective. C'est bel et bien une agence nationale, qui doit pouvoir matérialiser cette capacité et faire en sorte que tous les ministères utilisent la bonne définition établie par l'Insee, ce qui est très loin d'être le cas.
Au sujet des programmes nationaux, nous retrouvons quelque peu cette capacité à faire évoluer un certain nombre de dispositifs pour les adapter aux spécificités de la ruralité. Beaucoup des dispositifs existants sont nés ou sont le fruit d'une histoire pour laquelle la ruralité n'était pas nécessairement le point central d'entrée.
Sur l'ingénierie, les maires ruraux savent depuis très longtemps qu'il faut appeler le sous-préfet, mais ont-ils du temps et des moyens pour le faire ?
J'appelle votre attention sur la question de l'ingénierie sur mesure. Nous rencontrons une difficulté à appréhender la linéarité entre les stimuli locaux, les demandes opérées par nos collectivités locales et les points retenus dans le comité, notamment à l'occasion des conseils d'administration. Pour les communes rurales, nous avons observé une évolution très positive, car initialement presque aucune commune rurale n'était retenue. Aujourd'hui, environ 50 % des territoires aidés sont des communes rurales. Cette réponse est nouvelle et positive. Je rappelle que notre association a été la seule à demander que cette prestation soit assumée financièrement et gratuitement au bénéfice des communes rurales. Cette évolution est notoire et positive, je le redis. Mais il reste que, en termes d'évaluation, nous rencontrons une difficulté à évaluer le nombre de sollicitations à l'échelle locale. Il faudrait renforcer la documentation sur ce point.
Concernant l'agencement des opérateurs d'ingénierie, l'ANCT raisonne dans une logique de linéarité des acteurs de l'État. Je pense qu'en milieu rural se pose la question de la coalition avec les autres solutions d'ingénierie. Les sous-préfets pourraient peut-être être détenteurs de listes d'opérateurs qui, à l'échelle locale, sont capables de répondre de manière simple à des commandes simples. Cette réorganisation renforcerait la densité d'ingénierie accessible et connue des territoires ruraux. Aujourd'hui, une forme d'invisibilité de ces opérateurs est à noter.
J'appelle enfin votre attention sur la question de la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires, créée à l'article 11 de la loi dite « ANCT » de 2019. Quand la loi a été publiée, il avait été dit que par exemple, dans les territoires ruraux, ce dispositif permettrait à des personnes passionnées par l'action publique de rester engagées, même si elles ne sont plus élues. Les anciens maires sont à disposition et ont souvent un rapport bienveillant à leurs collègues. Aujourd'hui, quand nous avons interrogé l'État, il nous avait répondu qu'aucun décret n'avait été pris au motif que cette idée ne venait pas de l'administration centrale, mais du Parlement. Peut-être que devrions-nous creuser cette question.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. -- Merci monsieur le Président. Je suis membre du conseil d'administration de l'ANCT. Alors que les fonctionnaires d'État se font remplacer par des collègues, lorsqu'ils ne peuvent pas se rendre au conseil d'administration, les parlementaires ne disposent pas de cette faculté. Je pense que ce sera une question à poser dans l'évolution de l'ANCT pour permettre une véritable représentation des élus au conseil d'administration et ainsi leur permettre d'apporter leur pierre utile à l'édifice.
Je souscris à vos propos sur le rôle des régions. Je ne perçois pas de coordination entre l'État et les régions au niveau de l'ANCT et encore moins sur l'apport de fonds structurels d'aménagement du territoire au niveau des communes moyennes ou des petites communes. Ces fonds structurels sont désormais gérés par les régions. Elles en font, à juste titre, certainement très bon usage, mais je pense que, dans le cas du travail de l'agence au niveau des politiques publiques communes, il serait utile de se rapprocher un peu plus de l'association Régions de France pour bénéficier des fonds structurels européens, notamment à partir de 2027.
Au sujet du rôle des comités locaux de coordination territoriale (CLCT) et des politiques que l'ANCT peut mettre en place sur les territoires, savez-vous comment cela se passe sur vos territoires ? Par exemple, dans mon département, la Sarthe, une fois par an, le préfet ou le directeur départemental des territoires (DDT) annonce ce que l'ANCT peut apporter comme soutien à l'ensemble des territoires. Il ne s'agit pas de coordination, mais d'explication ou de présentation d'un dossier. Dans les communes rurales ou au niveau de l'intercommunalité, comment appréhendez-vous le fonctionnement de ces comités ? Êtes-vous satisfaits ?
M. Hervé Gillé. -- Je vous remercie pour vos interventions qui me semblent particulièrement judicieuses. Je souhaite revenir sur la mise en oeuvre de l'ingénierie territoriale au bénéfice de l'ensemble de vos structures. J'ai le sentiment que même si nous mettons en place un guichet par le biais des sous-préfets, cela ne suffira pas à répondre de manière qualitative à l'accompagnement ciblé en fonction de la nature des projets. Cela ne suffira également pas à mobiliser une forme de groupement de compétences, qui dans l'idéal, devrait regrouper les compétences de l'État, des régions et des départements. C'est loin d'être le cas aujourd'hui. Si nous nous situions dans une démarche idéale, ce groupement de compétences serait nécessaire pour accompagner au mieux les projets dans la recherche de leur financement et dans leur mise en oeuvre.
Les syndicats mixtes territoriaux, parfois, par le biais de l'approche contractuelle, le permettent. Ils mobilisent l'ensemble de l'ingénierie conventionnée au travers des projets de territoire via les syndicats qui portent des politiques de pays contractualisées avec la région ou autres. C'est une clé d'entrée qui n'est pas unique, car tous les territoires ne sont pas organisés de la même manière, pour mieux mettre en oeuvre les compétences et l'ingénierie territoriale et accompagner les communes dès le début du projet.
Une autre clé d'entrée pourrait être la communauté de communes. En effet, mieux harmoniser et mobiliser l'ingénierie territoriale revient à mobiliser l'ingénierie locale. Demain, un nouveau métier serait presque nécessaire. Le sous-préfet pourrait assurer ce rôle, ce nouveau métier de point d'accueil d'information et d'orientation permettrait de structurer la notion de guichet territorial. Ces nouvelles fonctions ne sont pas toujours clairement identifiées. Quelle la personne idoine analysera le besoin et organisera les réponses en termes d'ingénierie d'accompagnement ? J'aimerais avoir vos remarques sur ces sujets et sur la clé d'entrée à privilégier.
Il s'agit de faire en sorte d'instaurer une méthodologie de mise en oeuvre claire et qui permette de mutualiser les compétences de l'État, de départements, de régions ou d'autres groupements de compétences.
Mme Marta de Cidrac. -- Vous avez évoqué, Mme Boulay, l'accompagnement des collectivités grâce aux fonds européens dont nos territoires seraient en effet en droit de bénéficier. M. Szabo, vous avez évoqué, quant à vous, une forme de disparité entre territoires, du point de vue de l'accompagnement par l'ANCT.
Aujourd'hui, le budget de fonctionnement de l'ANCT s'élève à plusieurs dizaines de millions d'euros. Ce n'est pas neutre. Nous pouvons donc très pertinemment nous poser la question de l'efficacité et de l'efficience de son action. Des territoires comme le mien disposent d'agences d'accompagnement et d'ingénierie territoriale. Dans les Yvelines, le système fonctionne bien, nos élus connaissent mieux cette agence que l'ANCT. La situation actuelle doit nous interpeller dans cette période financièrement difficile pour nombre de collectivités. Que se passerait-il si l'ANCT n'existait pas ?
Nous avions dans certains territoires du sur-mesure. L'ANCT réalise aujourd'hui du prêt-à-porter avec une forme de centralisation qui s'exerce à travers des programmes standardisés à l'ensemble de nos territoires. Pensez-vous finalement que cette approche est pertinente ? Ne faudrait-il pas plutôt réorienter cette énergie et ces fonds plus spécifiquement vers les départements et les territoires pour gagner en efficience ?
Mme Floriane Boulay. -- Au sujet du rôle des CLCT, il faut bien avouer que le bilan est assez mitigé dans la plupart des départements, certainement parce que le rôle de ces comités de coordination n'est pas forcément très clairement établi. Nous établissons le parallèle avec ce qui se passe au conseil d'administration de l'ANCT, c'est-à-dire que la logique est assez descendante. Les débats ne concernent pas le fond des politiques menées par l'ANCT.
Le Cerema est en train de mettre en place un comité qui évoque véritablement des sujets de fond. Cette piste nous semblerait assez intéressante, nous pourrions dupliquer ce modèle du côté de l'ANCT. En effet, au conseil d'administration de l'ANCT, le fonctionnement de l'agence, les aspects de « boutique interne », sont beaucoup abordés, contrairement à la mise en oeuvre des politiques publiques de façon opérationnelle. La logique est semblable dans les territoires et dans les CLCT. Une information est dispensée sur ce qu'apporte l'ANCT dans les territoires, mais les débats de fond ne sont pas de mise. C'est relativement regrettable. Nous ne proposons pas une suppression de ces comités, mais plutôt une clarification de leur rôle. Nous proposons une réflexion plus globale sur la comitologie départementale existante. Il existe en effet beaucoup de comités divers et variés à l'échelle départementale. Cette profusion rend d'autant plus flou le rôle de ce comité de coordination.
Au sujet de l'organisation de l'ingénierie, que le sous-préfet devienne coordinateur de l'ANCT à l'échelle de l'arrondissement peut certainement être positif dans une logique de rapprochement. Mais cela ne changera pas fondamentalement la donne. Nous avons avant tout le besoin de coordonner l'action des uns et des autres. Aujourd'hui, il existe une diversité très impressionnante d'acteurs au niveau local. Les transitions auxquelles nous faisons et ferons face nécessitent une coordination extrêmement étroite entre l'échelle locale et l'échelle nationale, entre l'État central et l'État déconcentré, entre l'État et les collectivités territoriales, mais également entre la sphère publique et la sphère privée. L'animation d'un écosystème est à mettre en place. Par ailleurs, l'ingénierie de notre point de vue est manquante à ce niveau. Quand nous parlons d'animation de projet, notre point de vue ne s'attache pas à l'animation technique, que le Cerema mène très bien. Il nous manque des « plumes » localement qui soient capables de rédiger des axes et des objectifs communs de développement du territoire. Cela nous permettrait de parler de façon un peu plus apaisée et un peu plus politique de certains dossiers brûlants d'actualité tels que le zéro artificialisation nette (ZAN) ou les zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) par exemple.
Les PETR, les communautés de communes, les communautés d'agglomérations et les métropoles peuvent être une forme de groupement de compétences intéressante. Mais les échelles ne doivent pas être trop rigides. Il est souhaitable de laisser aux acteurs locaux le soin de définir ce qui sera le plus pertinent. Dans certains cas, nous pourrons même disposer d'une combinaison d'échelles entre un pôle métropolitain et des intercommunalités. Il est possible d'imaginer des combinaisons extrêmement variées. En tout cas, nous avons besoin de cette animation et de cette coordination des acteurs. Cela nous semble absolument indispensable. En ce sens, il est nécessaire de relancer les contrats de relance et de transition écologique et de ne pas les supprimer. Ce dispositif, loin d'être parfait, nécessite un changement de culture profond et en ce sens, il s'agit déjà d'un progrès. Nous avions fourni beaucoup d'efforts en très peu de temps et les élus locaux se sont mobilisés au service de projets de territoire. Il serait dommage d'y mettre fin. Avoir une animation qui s'appuie sur ces contrats nous semblerait intéressant.
Que se passerait-il si l'ANCT n'existait pas ? Cette question commence à émerger dans les instances de l'association Intercommunalités de France. Certains élus commencent à se demander si une enveloppe financière dédiée à l'ingénierie territoriale par collectivité ne serait pas préférable. Il n'existe certainement pas de modèle idoine. En effet, dans un tel cas, nous perdrions la coordination des services déconcentrés de l'État. Selon nous, l'ANCT a cette vocation de réussir à créer une coordination entre les services déconcentrés. Si l'ANCT passe à côté de cet objectif, il est certain que du côté des élus locaux, des questions émergeront dans les prochains mois et les prochaines années.
M. Cédric Szabo. -- Il est évident qu'il manque de moyens sur les territoires, que ce soit pour les collectivités, les outils intercommunaux ou pour les services de l'État. En 2022, le rapport de la Cour des comptes indiquait qu'en 10 ans, l'État a supprimé 11 000 postes dans les territoires, dont 70 % à l'échelle des départements, en particulier sur l'accompagnement aux territoires et sur les questions de politique environnementale. Nous entendons que des moyens supplémentaires et nouveaux seront mis en place. Est-ce un changement de cap, une inversion de tendance ? Nous ne le savons pas. Toutefois, dans les prémices entendues au sujet de France Ruralités, la création de 100 postes pour l'ingénierie territoriale est évoquée. Il reste à définir si ces créations de postes interviendront à l'échelle départementale. Nous observons donc une prise de conscience sur le manque de moyens et de compétences.
Cela renvoie à la question de la coordination, mais également à la question de la densité d'acteurs. Sur les sujets de la vie quotidienne de nos habitants comme de la mobilité, ou de la santé, la question de la densité d'opérateurs pour accompagner les collectivités ou les outils intercommunaux est très difficilement appréhendable. Peut-être plus que la question de la coordination, qui est par définition un souci collectif de rationalité, se pose la question de l'accessibilité. Lorsque nous avons un projet, à qui s'adresser en premier ? C'est d'ailleurs la fonction du service que nous avons créé, qui est de fait un centre d'information et d'orientation.
Je ne veux pas oublier de citer la plateforme en ligne aides-territoires.gouv.fr, qui est un outil simple et unique incubé par l'ANCT que nous avons aidé à mettre en place. Nous avions indiqué lors de sa création que dès lors que la commune identifie une série d'outils accessibles, il est nécessaire qu'elle puisse disposer du nom de la personne et du numéro de téléphone pour faire le pas supplémentaire. Cette difficulté à identifier le bon interlocuteur empêche le lancement de projets pour beaucoup de nos territoires ruraux. Par exemple, sur la question de la santé, les délégués départementaux des Agences régionales de santé (ARS) présentent un rapport aux collectivités extrêmement variables selon les territoires. Pour la question de la mobilité, les compétences relèvent peut-être de la région ou des EPCI. Dans ce cas, quelle personne le maire doit-il contacter ? Il s'agit davantage d'une question d'imbrication, de repérage et d'identification des acteurs que de coordination. Est-ce le rôle de l'ANCT, du sous-préfet ou du préfet ? Peu nous importe. Si dans des départements, une agence départementale d'ingénierie existe depuis des décennies et porte ce rôle mieux que le préfet, pourquoi changer ? La réponse à cette question est comme souvent différente selon les territoires.
M. Ronan Dantec. -- Le CRTE constitue un élément absolument central pour les prochaines années. Le rapport de décembre 2022 des inspections générales est un peu mitigé sur la première génération des CRTE. Il faut cependant laisser un temps de « calage », je crois que cet outil est extrêmement important.
Nous avons une vision commune avec Intercommunalités de France. En effet, l'association a défendu, dans les années 2018 - 2020, la création d'une dotation de fonctionnement dédiée au climat. Elle est toujours sur la table et peut-être en discussion chez le ministre Christophe Béchu ce matin, qui a réuni les réseaux de collectivités territoriales. Je crois que nous avons intérêt à préciser ces propositions et essayer de mieux définir ce qui doit relever finalement de l'initiative du territoire, d'une part et ce qui doit relever de l'action de l'État, d'autre part. Or, avec l'ANCT, nous demandons à l'État d'aider sur des projets locaux, ce qui n'est pas logique, cela devrait être de l'ingénierie territoriale. Avec la transition écologique, le zéro artificialisation nette (ZAN), l'efficacité énergétique et la rénovation, ce sont des dizaines de milliers de projets qu'il faudra monter dans les prochaines années. L'ANCT n'aura jamais les moyens d'instruire des dizaines de milliers de projets. Le goulot d'étranglement se resserra donc nécessairement.
À l'inverse, si l'État finançait une forme de dotation globale de fonctionnement (DGF) climat, nous aurions une ingénierie qui correspondrait à l'animation et nous aurions peut-être besoin d'une ANCT qui se limiterait à faciliter le dialogue avec les différentes administrations de l'État. Au niveau du Sénat, nous devons approfondir la réflexion et avancer sur une proposition. Nous pouvons voter dans le prochain projet de loi de finances la DGF climat. L'État semble davantage ouvert à la proposition parce qu'il aperçoit l'arrivée du « mur des projets ». Il a mis lui-même sur la table des dispositifs comme le tiers financement voté et porté par le ministre Christophe Béchu, mais nous ne disposons pas de l'ingénierie dans les petits territoires pour aller chercher ce type de financement.
À l'inverse, si l'État se dirige dans cette direction, cette dotation serait associée à une contractualisation sur résultat, notamment sur le Plan climat-air-énergie territorial (PCAET), élément clé du CRTE. Ainsi, les territoires accepteraient certainement d'aller plus loin vers une contractualisation sur objectif avec l'État.
Mme Floriane Boulay. -- Effectivement, tous les montages financiers que nous imaginons aujourd'hui nécessiteront une ingénierie financière complètement renouvelée. Un important travail doit être mené, bien que le Sénat se mobilise d'ores et déjà sur le financement de la transition écologique. Dans les territoires, il existe des risques de décrochage. Certains territoires peuvent s'appuyer sur une ingénierie financière extrêmement développée. Ces derniers savent comment procéder et même imaginer des montages financiers. Dans la plupart des territoires, cela risque d'être beaucoup plus compliqué. Un véritable rôle de pédagogie de mise en réseau des territoires sera donc nécessaire au cours des prochains mois. Au sujet de l'économie mixte, certains territoires ont pris le virage de façon extrêmement rapide. Il ne serait pas souhaitable que certains décrochent, car la transition écologique doit embarquer tout le monde.
M. Cédric Szabo. -- Les sujets évoqués sur la question de la transition et sur les virages qui sont à faire nécessitent que nous revisitions un certain nombre de nos certitudes. La question de ces efforts suppose que tout le monde puisse agir et ait une capacité à agir. Sur la question de la transition, il faut que les communes et les outils intercommunaux soient mobilisés. Pour les CRTE, il est inutile d'instaurer un cadre nouveau qui souvent localement n'a pas forcément une plus forte notoriété que l'ANCT auprès de certains maires. Le cadre ne doit pas être trop rigide mais doit plutôt faciliter l'action des collectivités territoriales. À l'échelle locale, dans le cadre de la première génération des CRTE, nous nous sommes aperçus que, par exemple, les secrétaires généraux de préfecture discutaient uniquement avec les directeurs généraux d'intercommunalités pour hiérarchiser les projets communaux. Cela fait partie des déviances à éviter.
En ce qui concerne la question du financement, il ne faut pas sous-estimer la diversité de l'appropriation par les maires de ces enjeux, y compris à l'échelle des intercommunalités. Il n'est pas souhaitable de dissuader des maires qui ont envie et qui mènent des actions à l'échelle communale depuis des décennies. La répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) mérite d'être remise à plat. Aujourd'hui, les conditions ne sont pas réunies pour permettre un développement des projets, notamment sur l'éolien ou le solaire. La dotation biodiversité est un outil bien modeste par rapport à l'enjeu auquel nous devons faire face, tant en volume qu'en superficie.
Au-delà de la mise en oeuvre des comités locaux de coordination territoriale (CLCT) se pose la question du calendrier. Cet outil s'est mis en place de manière extrêmement échelonnée. Entre la création de l'ANCT et le dernier CLTC créé, deux ans se sont écoulés. Nous constatons que ce n'est pas un outil de mise en oeuvre de politique, mais un outil d'information. C'est très clairement insuffisant.
Concernant l'imbrication entre les différentes formes d'ingénierie présentes, la question de la différenciation entre espaces urbains et ruraux se pose. Nous avons l'association France urbaine pour la péréquation technique. Beaucoup de métropoles disposent d'une ingénierie formidable. Comment pouvons-nous organiser des coalitions pour faire appel à de l'ingénierie qui ne soit pas exclusivement liée à des territoires locaux ? Il ne faut pas également sous-estimer la difficulté de donner envie à des personnes de travailler pour les territoires ruraux, quel que soit l'employeur, qui peut être le département ou l'État. La fluidité avec le monde universitaire est une question qui se pose. Par exemple, pour le programme des volontaires territoriaux en administration (VTA), on observe une absence de rencontre opérationnelle entre une offre et une demande. Très peu d'informations ont été mises à disposition dans les universités pour inciter les étudiants à se rendre utiles au service des territoires. À l'inverse, pour des propositions de mission, le territoire n'était pas forcément informé que des jeunes qualifiés pouvaient être intéressés. Beaucoup d'actifs ont envie de travailler aujourd'hui au service de la transition et des territoires. L'ANCT pourrait stimuler ces réseaux et ces connexions qui sont très largement insuffisants.
M. Hervé Gillé. -- Je comprends cette position équilibrée entre le respect de la collectivité à titre individuel et son inscription d'une manière plus collective au travers des communautés de communes ou des projets de territoire. Au niveau des maires ruraux, nous pouvons l'entendre, mais il faut que les politiques soient bien structurées et coordonnées. En effet, le projet de territoire reste la clé d'entrée majeure. Chacun doit prendre sa part à l'échelle de chaque collectivité, qui ne doit pas se faire écraser et ne doit pas avoir de difficulté à mettre en oeuvre son projet si d'autres essaient de tirer la couverture vers eux.
Les CRTE et la planification écologique dans le cadre des PCAET concernent les territoires et non les petites communes. C'est dans cette stratégie que nous devons nous inscrire. Sans doute demain, les politiques seront de plus en plus conditionnées, et ce, à tous les niveaux, notamment à l'échelon communal. Comment accéder à ces politiques ? Comment inscrire ces politiques de l'échelon communal dans une stratégie intercommunale ? Comment créer les conditions pour que l'ingénierie puisse se mettre en place de manière coopérative ? Les contrats de coopération avec les métropoles sur les aménités et sur les compensations à l'extérieur nécessiteront que ces coopérations soient les plus lisibles possible. C'est le coeur du sujet selon moi, qui appellera un échange plus approfondi.
M. Jean-François Longeot, président. -- Je voudrais vous remercier Madame Boulay et Monsieur Szabo, alors même que je vous sais souvent sollicités dans le cadre d'auditions et qu'il n'est pas toujours simple de répondre favorablement aux invitations. De nombreux autres sujets pourraient être évoqués.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 50.