- Mercredi 10 mai 2023
- Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos - Examen du rapport et du texte de la commission
- Demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête à la commission des finances pour mener une mission d'information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds - Désignation d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur sa recevabilité
- Audition de Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l'Office anti-stupéfiants (Ofast)
Mercredi 10 mai 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
M. François-Noël Buffet, président. - Il me paraît essentiel que nous nous saisissions pour avis du projet de loi relatif à la programmation militaire, d'autant que certains d'entre nous sont membres de la délégation parlementaire au renseignement.
Mme Nathalie Goulet. - Je souligne que la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale s'est opposée à l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour de ses travaux en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact. Le Conseil constitutionnel a donc été saisi d'un recours, ce qui est une procédure exceptionnelle.
La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 1033 (A.N., XVIe lég.) relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, sous réserve de sa transmission, et désigne M. François-Noël Buffet rapporteur pour avis.
Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Philippe Bas rapporteur de la proposition de loi n° 505 (2022-2023) relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public, présentée par MM. Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet.
Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Catherine Di Folco rapporteur de la proposition de loi n° 554 (2022-2023) visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 2.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2, de même qu'à l'amendement n° 5.
Après l'article 3
La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'amendement n° 1 rectifié en application de l'article 41 de la Constitution.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Je demande le retrait de l'amendement n° 3, car il devrait s'inscrire dans le cadre d'un texte plus global.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 3 et, à défaut, y sera défavorable.
La commission donne les avis suivants :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons aux amendements sur la proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention du permis de conduire.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
Article additionnel après l'article 3
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n° 6 vise à faire bénéficier les examinateurs des centres organisant, pour le compte de l'État, le passage du code de la route ou des épreuves pratiques des permis de conduire de la même protection que les inspecteurs ou examinateurs du permis de conduire lorsque celui-ci est organisé par l'État.
L'amendement n° 6 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n° 4 tend à la désignation de Pôle emploi comme autorité gestionnaire de la plateforme prévue par l'article 1er.
Pôle emploi ayant déjà développé l'infrastructure et l'expertise nécessaire à la gestion de la plateforme grâce au développement de la plateforme mes-aides.pole-emploi.fr, il apparaît pertinent de lui confier la gestion de la nouvelle plateforme prévue par l'article 1er.
Mme Nathalie Goulet. - Pôle emploi n'a-t-il pas changé de nom ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cela n'a pas encore été acté.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.
Article 3
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 2.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n° 3 vise à demander un rapport sur l'opportunité de mettre en place un service public gratuit du code de la route. Aujourd'hui, le tarif du passage de cette épreuve est règlementé et s'élève à 30 euros. C'est le coût de la préparation qui est plus élevé, aux alentours de 300 euros. De plus, nous sommes traditionnellement défavorables aux demandes de rapport.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n° 5 prévoit la remise d'un rapport sur la mise en place d'une nouvelle stratégie favorisant la conduite accompagnée.
Il ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte en discussion. Je vous propose donc de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - M. Jacquin propose une mesure de bon sens. La conduite accompagnée est souvent assurée par les parents ; que faire en leur absence ? Par ailleurs, les jeunes ayant fait de la conduite accompagnée réussissent mieux à l'examen du permis et conduisent de façon plus sûre.
Il faudrait que nous ayons un débat en séance sur les pistes d'amélioration des modalités d'obtention du permis. Mais je connais la jurisprudence de la commission sur les rapports...
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cette proposition de loi a un périmètre bien précis, que nous avons délimité ensemble la semaine dernière.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous sommes contre l'article 45 de la Constitution !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Ce texte ne doit pas être l'occasion de débattre de tous les sujets relatifs au passage du permis de conduire : âge, visite médicale... Par ailleurs, le droit permet déjà à d'autres personnes que les parents d'assurer la conduite accompagnée.
L'amendement n° 5 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
Proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François Bonhomme, rapporteur. - La proposition de loi déposée par la présidente Catherine Deroche vient répondre aux attentes légitimes et anciennes des maires de territoires ruraux qui souhaitent accueillir un casino. Il s'agit plus précisément de Saumur et d'Arnac-Pompadour qui disposent d'équipements équestres ancestraux nécessitant de trouver rapidement des financements pour assurer leur pérennité.
En effet, depuis plusieurs années, l'État se désengage progressivement de la filière équestre laissant, bien souvent, les collectivités territoriales seules pour entretenir et financer les activités et les infrastructures de cette filière. Or ces équipements et les événements équins font à la fois partie du patrimoine de ces territoires et sont des atouts pour attirer les touristes.
Je rappelle que l'ouverture d'un casino municipal est par principe prohibée. En effet, depuis près de deux siècles, l'État encadre de manière très stricte les jeux d'argent et de hasard. Le principe général d'interdiction des jeux de hasard est issu de la loi du 21 mars 1836 portant prohibition des loteries. La violation de cette interdiction est d'ailleurs punie de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende.
Cette interdiction est justifiée par des motifs d'intérêt général : la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».
Cependant, l'exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition. Son étendue a peu évolué au cours des dernières années. Depuis la loi du 15 juin 1907, l'ouverture de casinos est autorisée dans les sites thermaux. La loi du 5 mai 1987 a permis l'installation de machines à sous. Ces dispositions ont depuis été insérées dans le code de la sécurité intérieure.
Actuellement, les seules catégories de communes qui peuvent accueillir un casino de manière dérogatoire sont listées limitativement à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit principalement des communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme ou des villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques.
Par ailleurs, une particularité existe, depuis plus d'un siècle, pour la ville de Paris puisqu'il est interdit d'y exploiter un casino à moins de 100 kilomètres, exception faite pour la commune d'Enghien-les-Bains. Toutefois, jusqu'à la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, les cercles de jeux étaient autorisés à Paris. Depuis le 1er janvier 2018, la capitale expérimente l'exploitation de sept « clubs de jeux », expérimentation qui prendra fin le 31 décembre 2024.
En pratique, l'ouverture d'un casino municipal nécessite une double autorisation, à la fois municipale et ministérielle.
En premier lieu, le conseil municipal doit donner son autorisation à l'implantation d'un casino dans la commune, sous réserve de rentrer dans les critères légaux prévus à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure.
Outre le principe de l'installation d'un casino dans la commune, la délibération du conseil municipal doit également porter sur le contrat de délégation de service public qui va lier la société commerciale souhaitant exploiter le casino et la commune. Ce contrat doit comprendre un cahier des charges reprenant les obligations qui seront imposées au futur casinotier. Une des particularités de cette délégation de service public, qui ne peut excéder une durée de vingt ans, réside notamment dans les différents prélèvements opérés au bénéfice des communes sur le produit brut des jeux (PBJ) des casinos qu'elles accueillent.
D'une part, la commune bénéficie d'un revenu fiscal direct représentant entre zéro et 15 % du PBJ, ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public. D'autre part, elle perçoit un reversement de 10 % du prélèvement opéré par l'État sur le PBJ. En outre, il est prévu une « participation-redevance spectacle » qui vise à financer l'organisation d'événements culturels ou artistiques au sein de la commune.
En second lieu, le ministère de l'intérieur doit délivrer une autorisation d'exploitation.
La société commerciale qui entend exploiter un casino doit présenter une demande d'autorisation d'exploitation au préfet du département d'implantation de l'établissement de jeux. Une enquête administrative est alors diligentée par les services du ministère de l'intérieur. Le préfet de département sollicité rend un avis qu'il transmet à son ministre de tutelle. La commission consultative des jeux de cercles et de casinos est ensuite saisie pour rendre un avis obligatoire, qui ne lie pas le ministre de l'intérieur dans sa décision d'autoriser ou non l'implantation du casino.
Le texte proposé comprend un article unique. Il vise à introduire une sixième hypothèse de dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard qui serait fondée sur l'existence d'une infrastructure équestre et des événements hippiques organisés au sein de la commune.
Les auteurs du texte que j'ai entendus soulignent que les dérogations actuelles ne profitent qu'à certaines zones géographiques déjà dynamiques sur le plan touristique - bords de mer et territoires urbanisés -, alors que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts. Ces derniers pourraient ainsi utilement bénéficier de l'ouverture de casinos pour accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières. Les auteurs font également valoir que les communes disposant d'une activité équestre importante sont déjà en lien avec l'univers du jeu et des paris, de sorte que l'ouverture d'un casino viendrait compléter une offre touristique, liée aux jeux d'argent et de hasard, déjà existante.
Le critère proposé par le texte est double en ce qu'il implique, pour la commune, de disposer sur son territoire de « sites historiques du cadre noir et des haras nationaux », d'une part, et d'avoir organisé « au moins pendant cinq années avant le 1er janvier 2023, au moins dix événements hippiques au rayonnement national ou international par an », d'autre part. Seules deux communes seraient concernées par cette nouvelle dérogation : Arnac-Pompadour et Saumur.
Les maires de ces deux communes m'ont fait part de manière précise des retombées de l'implantation d'un casino dans leur territoire. Saumur espère, par exemple, voir arriver entre 1,5 à 1,6 million de touristes par an d'ici à 2026, contre 1,3 million actuellement. Cette commune table également sur la création de 100 emplois directs ou indirects et des recettes fiscales annuelles de l'ordre de 1 à 1,5 million d'euros.
En outre, tant Saumur qu'Arnac-Pompadour ont mis en avant l'importance de l'arrivée d'un casino dans leur commune dans le but de financer l'activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité. C'est le cas de l'hippodrome de Verrie, exploité pour les activités hippiques de Saumur, qui nécessite des investissements que l'État n'entend pas réaliser. Le maire d'Arnac-Pompadour estime, lui aussi, que les revenus dégagés par l'arrivée d'un casino permettraient d'assurer la « sauvegarde de l'attraction touristique équestre » compte tenu du désengagement financier de l'État dans ce domaine.
Ainsi, à l'issue de mes travaux et des différentes auditions menées, il m'apparaît nécessaire de permettre à cette proposition de loi de prospérer.
Cependant, il convient au préalable de renforcer l'opérationnalité du dispositif en ciblant mieux les communes susceptibles d'en bénéficier. En effet, il me semble pertinent de permettre aux communes disposant d'une activité équestre pluriséculaire d'accueillir un casino dans leur territoire.
En premier lieu, la proposition de loi prévoit une condition cumulative tenant à l'existence du site historique du Cadre noir et d'un haras national sur le territoire d'une même commune. Or cette condition n'est, dans les faits, remplie ni par Saumur ni par Arnac-Pompadour puisque la première accueille uniquement le site historique du Cadre noir et la seconde un haras national.
Je vous propose donc d'étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent le site historique du Cadre noir ou un haras national. D'emblée, je tiens à vous rassurer en précisant que cette extension serait toutefois limitée dans la mesure où les haras nationaux sont, à ce jour, au nombre de treize selon les informations publiées par l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE). Je précise que cet établissement public est toujours propriétaire de trois d'entre eux, les dix autres haras ayant été acquis par des collectivités territoriales.
En second lieu, si Saumur et Arnac-Pompadour organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits hippiques - notion relative aux seules courses hippiques - ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines. Dès lors, je vous propose de retenir le terme « équestre » qui renvoie à l'ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l'équitation.
Néanmoins, afin de maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques et équestres et les paris sportifs qui y sont associés, il m'apparaît pertinent de retenir comme critère d'implantation la présence dans la commune du siège d'une société de courses hippiques, qui est une association à but non lucratif en charge d'organiser les courses dans un hippodrome.
Voilà le sens de l'amendement que j'entends soumettre à votre appréciation.
Avant de conclure mon intervention, je tiens à souligner que si je suis favorable à cette proposition de loi, c'est notamment eu égard à l'urgence de répondre aux difficultés actuelles de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. Il s'agit en effet d'une situation particulière que la proposition de loi entend régler. L'amendement que je vous propose vise également à assurer une égalité de traitement avec les communes disposant d'infrastructures similaires, sans toutefois déséquilibrer la filière des casinos sur l'ensemble du territoire en permettant l'ouverture de tels établissements dans toute la France.
Pour autant, il ressort de l'ensemble des auditions que j'ai menées qu'il est nécessaire d'envisager une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino dans une commune. La fin de l'expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens, prévue le 31 décembre 2024, doit permettre d'opérer une clarification et une remise à plat générale des règles gouvernant l'installation des casinos en France, dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.
Enfin, je tiens à souligner que j'ai régulièrement échangé avec les auteurs de la proposition de loi en vue de l'élaboration de l'amendement que je vous soumets. Je les remercie chaleureusement pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges pour formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles dans l'intérêt de nos communes.
Mme Nathalie Goulet. - L'intérêt général de ce texte est réduit aux acquêts... L'ouverture de casinos pose problème en cas de mauvaise évaluation des conséquences qu'elle entraîne. Je vous fais part d'un avis très sincère, mon département ayant à la fois un haras national et un casino. Dans d'autres départements, par exemple, la Haute-Savoie, l'ouverture d'un troisième casino a déstabilisé les deux premiers.
Je m'abstiendrai sur ce texte, qui vise seulement à régler un problème ponctuel.
Mme Cécile Cukierman. - Personne n'est dupe : il existe une appétence, parfois excessive, d'un certain nombre d'élus pour l'ouverture d'un casino pour compenser les baisses de dotations. Il faudrait mener une réflexion d'ensemble sur les règles d'implantation des casinos. La proposition de loi, qui prévoit d'ouvrir des casinos dans deux communes, ne répond pas à cet objectif.
J'ai entendu les propos du rapporteur sur les inégalités territoriales entre les communes, mais Saumur reçoit une dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de sept millions d'euros pour 26 000 habitants.
Notre groupe s'abstiendra sur ce texte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'approche des élections sénatoriales développe la créativité des élus.
M. Loïc Hervé. - Pas à Paris !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Mon cher collègue, ce n'est pas l'objet de notre discussion, mais je peux vous rappeler les raisons pour lesquelles Paris n'a pas de casino...
M. Mathieu Darnaud. - Mais il y a des cercles de jeux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Notre groupe ne fait pas preuve d'un grand enthousiasme sur ce texte, mais l'encadrement qu'il prévoyait permettait de limiter l'ouverture de casinos à deux villes. L'amendement du rapporteur déstabilise le dispositif : quelles sont les communes concernées ?
Nous voterons contre la proposition de loi si la commission intègre l'amendement du rapporteur dans le texte.
M. Patrick Kanner. - Il est osé d'utiliser le casino comme antidote pour lutter contre la perte de moyens financiers ! J'ai travaillé sur la création d'un casino à Lille, une ville frontalière et touristique qui est au coeur d'une agglomération de 1,2 million d'habitants. Pierre Mauroy avait fait évoluer la législation pour rendre cette création possible, ce qui avait permis à d'autres grandes villes de faire de même. Ces ouvertures sont souvent très loin de répondre aux objectifs financiers imaginés par les villes concernées, car les casinotiers reversent aujourd'hui beaucoup moins d'argent qu'avant.
Nous considérons que l'amendement du rapporteur aggrave le texte. Si la filière équestre peut justifier la création de casinos, alors pourquoi ne pas permettre qu'il en aille de même dans les villes ayant un grand zoo, une équipe de Ligue 1, ou qui organise un championnat du monde de pêche aux canards ? On tire l'élastique très loin !
M. Éric Kerrouche. - Je vis dans une zone touristique dans laquelle la demande de casino a toujours été forte, mais ce texte nous montre que la dérogation tue la dérogation...
On peut comprendre la demande des deux communes concernées, qui cherchent à assurer leur développement touristique et économique. Mais il ne faudrait pas que les casinos deviennent les centres commerciaux du passé. Le nombre d'emplois promis est largement surévalué par rapport à la réalité. Les attentes des élus sont souvent déçues, sachant que l'économie des casinos est moins florissante qu'avant.
Autant on peut comprendre la demande initiale des communes concernées, autant on a du mal à appréhender la portée de l'amendement du rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Madame Goulet, le risque de déstabilisation existe certes dans ce genre d'opération. Pour les jeux de hasard et d'argent, c'est l'Autorité nationale des jeux qui a la main, sauf pour les casinos, qui relèvent du ministère de l'intérieur, via le service central des jeux, d'une part, et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, d'autre part. L'implantation des casinos est donc maîtrisée.
Un rapport de la Cour des comptes avait fait état d'une situation stabilisée des casinos depuis une vingtaine d'années. Leur nombre s'élève à 203, répartis géographiquement essentiellement dans les grandes villes et sur le littoral.
Mon amendement élargit le champ de la proposition de loi, car le critère cumulatif - haras national et Cadre noir - ne permettait pas de respecter l'intention des auteurs du texte. J'ai donc prévu un critère alternatif pour rendre le dispositif opérationnel.
La liste des sites potentiellement concernés est disponible sur le site Internet de l'Institut français du cheval et de l'équitation : il s'agit des haras de Saint-Lô, de Lamballe, du Pin, d'Hennebont, du Lion d'Angers, de la Roche-sur-Yon, de Pompadour, de Villeneuve-sur-Lot, d'Aurillac, de Pau-Gelos, d'Uzès, de Rosières-aux-Salines et de Cluny. Les communes concernées sont confrontées à un désengagement régulier de la filière des haras nationaux, qui ne leur permet plus d'entretenir les infrastructures.
Monsieur Kanner, le rapport de la Cour des comptes montre que le casino dont les ressources financières sont les plus élevées dans notre pays est celui de Lille, avec 42 millions d'euros par an. Mais il existe aussi de petits casinos, dont les recettes annuelles sont de l'ordre de 100 000 à 140 000 euros. Les situations sont donc très diverses.
Par ailleurs, je rappelle que les casinos sont historiquement liés aux paris hippiques sportifs.
Madame de La Gontrie, la loi sur le statut de Paris de 2017 a prévu l'expérimentation de sept cercles de jeux à Paris jusqu'au 31 décembre 2024.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'ai pas parlé de Paris !
M. François Bonhomme, rapporteur. - Le ministre avait alors évoqué la possibilité, à l'issue de cette expérimentation, de faire une remise à plat du dispositif.
M. Alain Richard. - Le financement de la filière équestre est assuré en partie par un reversement du produit du pari mutuel urbain (PMU). Le système paraissait équilibré : pourquoi la recette n'est-elle aujourd'hui plus suffisante ?
M. François Bonhomme, rapporteur. - Les haras ne sont plus financés par le PMU.
M. François-Noël Buffet, président. - Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi inclut les dispositions relatives aux dérogations à la prohibition des jeux d'argent et de hasard qui permettent l'implantation d'un casino sur le territoire de certaines communes.
Il en est ainsi décidé.
M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement COM- 1 rectifié bis vise à permettre l'ouverture de casinos dans les communes classées communes historiques dans un département frontalier.
Je suis défavorable à cet amendement, dont l'adoption pourrait conduire à déséquilibrer la filière des casinos. Par ailleurs, le critère retenu ne paraît pas pertinent.
L'amendement COM-1 rectifié bis n'est pas adopté.
M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement COM- 2 prévoit un critère alternatif, et non cumulatif, pour respecter l'intention poursuivie par les auteurs du texte.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête à la commission des finances pour mener une mission d'information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds - Désignation d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur sa recevabilité
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la demande d'attribution d'une commission d'enquête à la commission des finances pour mener une mission d'information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - La commission des finances a demandé la semaine dernière à se voir attribuer les prérogatives d'une commission d'enquête pour mener une mission d'information portant sur le fonds Marianne, pour une durée de trois mois.
Conformément à l'article 22 ter du Règlement du Sénat, il nous appartient de nous prononcer au préalable sur la recevabilité de cette demande au regard des conditions fixées par l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Vous le savez, une commission d'enquête peut avoir pour objet soit des faits déterminés, soit la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale. Lorsqu'elle porte sur des faits déterminés, ceux-ci ne doivent pas faire concomitamment l'objet de poursuites judiciaires. Pour s'en assurer, le Président du Sénat interroge le garde des sceaux. En revanche, lorsque les investigations portent sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale, notre commission considère de façon constante qu'il n'y a pas lieu, par définition, d'interroger le garde des sceaux quant à l'existence d'éventuelles poursuites. Je précise à ce sujet que nous apprécions cette notion de « poursuites judiciaires » de façon large, comme englobant également l'existence d'une information judiciaire en cours, mais pas d'une simple enquête préliminaire, en revanche.
En l'espèce, la commission des finances souhaite enquêter sur la création du fonds Marianne, sur la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs assignés à ce fonds.
Pour mémoire, le fonds Marianne est un appel à projets national doté d'une enveloppe de 2,5 millions d'euros, qui a été lancé en avril 2021 par le Gouvernement pour promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes, en réaction à l'assassinat du professeur Samuel Paty. Il a conduit, en juin 2021, à la sélection de 17 projets par un comité de sélection, pour un montant global d'un peu plus de 2 millions d'euros, financés par le fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Telle qu'elle est formulée, la demande de la commission des finances porte sur la gestion d'un service public - à savoir les conditions d'attribution et de contrôle de subventions publiques à des structures engagées dans la lutte contre les discours séparatistes et complotistes ou dans la défense des valeurs républicaines -, ce qui ne rend pas, en principe, nécessaire une saisine du garde des sceaux, si l'on suit la « jurisprudence » traditionnelle de notre commission que je viens de rappeler.
Toutefois, l'information, publiée dans la presse le 4 mai dernier, de l'ouverture par le parquet national financier (PNF) d'une information judiciaire pour des faits de détournement de fonds publics, de détournement de fonds publics par négligence, d'abus de confiance et de prise illégale d'intérêts concernant l'attribution de subventions par ce fonds m'a convaincu de faire preuve d'une certaine prudence, compte tenu en l'espèce de la relative modestie de ce fonds et du nombre limité de projets sélectionnés.
C'est pour cette raison qu'il m'a paru préférable de demander au Président du Sénat de saisir le garde des sceaux, afin d'en savoir plus sur la nature et le périmètre exact de cette information judiciaire et d'éclairer par contraste le champ des investigations que nos collègues de la commission des finances pourraient mener sans empiéter sur des faits dont l'autorité judiciaire est saisie. Compte tenu de la frontière relativement ténue qui sépare ce qui relève, en l'espèce, du contrôle de la gestion d'un service public stricto sensu et de l'enquête sur des faits déterminés, il m'a paru en effet utile que nos collègues de la commission des finances disposent de cette information pour ne pas risquer de se retrouver en difficulté dans le cadre de leurs travaux.
Toutefois, dans la réponse qu'il a adressée hier au président du Sénat, le garde des sceaux s'est borné à confirmer l'existence d'une information judiciaire, sans préciser ni la nature ni le périmètre des poursuites engagées, c'est-à-dire les faits sur lesquels porte cette procédure. J'en prends donc acte et en déduis que rien ne s'oppose à, ce stade, aux investigations que la commission des finances entend mener sur la création de ce fonds, les projets sélectionnés, les subventions attribuées et contrôlées, et sur les résultats obtenus au regard des objectifs assignés à ce fonds.
Je relève par ailleurs que les autres conditions de recevabilité de la demande sont bien réunies : d'une part, la demande détermine avec précision l'objet et la durée de la mission, laquelle n'excède pas six mois ; d'autre part, elle n'a pas pour effet d'octroyer des prérogatives d'enquête sur un objet pour lequel elles ont déjà été octroyées pour des travaux achevés par une commission depuis moins de douze mois ou sur lequel une commission d'enquête a achevé ses travaux depuis moins de douze mois.
Pour conclure, je vous invite donc à constater la recevabilité de la demande de la commission des finances.
M. Alain Richard. - J'adhère à votre raisonnement, mais je m'interroge quant au « contrôle » de l'usage des subventions figurant dans l'intitulé de la mission d'information. En effet, s'il y a poursuite judiciaire pour détournement, les services qui se sont chargés du contrôle de l'utilisation des subventions sont susceptibles d'entrer dans le champ de l'enquête pénale. Il est donc à craindre que les travaux de la commission des finances n'interfèrent avec l'investigation pénale en cours.
M. Philippe Bas. - Votre rapport est très circonstancié, chaque mot ayant été pesé au trébuchet. J'entends les propos de notre collègue Alain Richard, mais il peut y avoir des contrôles de nature différente : un contrôle du juge pénal, un contrôle fondé sur des dispositions constitutionnelles du Parlement. Lorsque nous procédons à de tels contrôles, nous n'avons pas à caractériser les faits que nous examinons sur le plan pénal. Nous pouvons en revanche considérer que les dépenses qui ont été faites ne sont pas pertinentes pour telle ou telle raison au regard des objectifs que s'est assignés le service public. Il me semble au contraire qu'il faut maintenir dans le champ des investigations parlementaires la notion de contrôle de la pertinence des dépenses engagées par le fonds Marianne.
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - La difficulté tient au fait que la lettre du garde des sceaux est généraliste. Elle ne nous dit rien du champ de l'instruction judiciaire qui vient d'être ouverte. D'où l'avis favorable que je vous ai communiqué. En revanche, nous devrons attirer l'attention de nos collègues de la commission des finances sur le fait qu'ils devront s'assurer que les personnes auditionnées n'auront pas été mises en cause dans le cadre de l'information judiciaire et qu'ils devront conduire leurs auditions avec prudence.
La commission constate la recevabilité de la demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête à la commission des finances pour mener une mission d'information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.
Audition de Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l'Office anti-stupéfiants (Ofast)
M. François-Noël Buffet, président. - Nous accueillons Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l'Office antistupéfiants (Ofast).
Madame, nous comptons sur vos éclairages pour mieux connaître l'état des trafics dans notre pays et pour appréhender leur évolution, car il s'agit d'un enjeu criminel majeur.
Nous souhaitons également bénéficier de votre expertise pour préparer l'examen, dès la semaine prochaine, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de lutter contre les nouvelles menaces et, quinze jours plus tard, des projets de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice et du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.
En effet, l'Ofast collabore étroitement avec l'administration des douanes pour la prévention et la répression du trafic de drogue. C'est une structure jeune, créée le 1er janvier 2020 en remplacement de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) et qui constitue, contrairement à son prédécesseur, un service à compétence nationale. L'Office est le chef de file du plan national de lutte contre les stupéfiants et, plus largement, de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Initialement doté d'une centaine d'agents, il s'appuie aujourd'hui sur environ 200 personnes au niveau central. Ses effectifs se composent à la fois de policiers, de gendarmes et de douaniers : ce mélange des cultures est le reflet de la feuille de route confiée à l'Office, dont la vocation première est de renforcer la coordination entre les services.
Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l'Office antistupéfiants. - Avec la création récente de l'Ofast, dont l'objectif est de lutter contre la menace grandissante du trafic de stupéfiants, il s'agissait de remplacer l'OCRTIS, qui ne jouait plus son rôle de cohésion au sein du ministère de l'intérieur, par une structure plus interministérielle et ouverte aux niveau national et international. Cette structure centrale compte 24 implantations territoriales : 14 antennes et 10 détachements. Le détachement est de taille plus petite que l'antenne, laquelle a une dimension plus stratégique d'analyse de la menace et de lien avec les partenaires. Celui du Havre, créé en 2021, va devenir une antenne en raison de la menace qui pèse sur ce territoire, liée à l'arrivée massive de cocaïne via son port ; actuellement, 8 policiers relevant de l'Office sont sur place, ce qui est faible au vu des 10 tonnes de cocaïne arrivées en 2022.
L'Office est non plus un office central, mais un service à compétence nationale (SCN), comme la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) dont la forme juridique est similaire. Même si nos missions sont différentes, nous travaillons en partenariat avec cette dernière. En effet, le processus de lutte contre le trafic de stupéfiants englobe la détection et le contrôle des flux de marchandises, ainsi que le démantèlement des organisations criminelles. La mission confiée à l'Ofast est celle d'un « chef de filat » visant à coordonner les acteurs entre eux, en laissant à chacun la place qui est la sienne.
Nous avons publié récemment les chiffres des saisies de produits stupéfiants pour 2022, qui sont à un niveau historiquement élevé pour tous types de produits.
S'agissant du cannabis, tous services confondus - police, gendarmerie, douanes -, 130 tonnes de résine et d'herbe ont été saisies, en augmentation de 15 % par rapport à 2021. Pour l'essentiel, les saisies ont lieu dans des véhicules routiers. La résine arrive du Maroc et passe par l'Espagne avant d'arriver en France ou dans un autre pays européen. L'herbe est plutôt produite en Espagne. La cannabiculture reste marginale dans notre pays. La moitié des plants sont saisis outre-mer, en particulier en Polynésie française, grâce à la forte implication de la gendarmerie nationale.
Le sujet le plus préoccupant est la cocaïne, avec 27,7 tonnes saisies en 2022, contre 26,5 tonnes en 2021, année du premier dépassement des 20 tonnes. Aux Pays-Bas, plus de 110 tonnes ont été saisies à Anvers, et près de 47 tonnes sur le port de Rotterdam. Il s'agit d'une préoccupation très européenne. Une attention particulière est portée au Havre, premier port d'arrivée, et au port de Marseille.
Pour ce qui concerne l'héroïne, 1,4 tonne a été saisie en 2022, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2021.
On observe une forte augmentation des saisies de drogues de synthèse, avec de nombreux nouveaux produits - 3-MMC, cocaïne rose, etc. -, prisés par un public jeune et consommés dans un cadre festif, et de grande nocivité.
Le trafic de cocaïne, qui pose aussi problème en termes de consommation, est le sujet d'aujourd'hui ; celui de demain sera les drogues de synthèse.
Nous faisons face à des organisations criminelles diversifiées, et notre mission est de démanteler les groupes français et les groupes étrangers implantés sur notre territoire. Nos cibles d'intérêt prioritaire, dont nous réactualisons chaque année la liste en lien avec nos partenaires - notamment la douane -, sont les gros trafiquants. Certains font l'objet de notices rouges d'Interpol ou de mandats d'arrêt internationaux. L'objectif est de les intercepter, généralement à l'étranger. Nous avons constaté, via le déchiffrement de messageries cryptées, que ces organisations étaient très connectées entre elles. La criminalité associée au trafic de stupéfiants est constituée de violences criminelles, d'homicides, de règlements de compte, d'enlèvements et séquestrations, de blanchiment et de corruption.
Le volet corruption est aujourd'hui central. C'est en effet la corruption dite, indûment, de basse intensité qui permet au trafic de prospérer - consultation d'un fichier par un policier, un douanier ou un gendarme ; destruction de scellés dans le greffe d'un tribunal, etc. La corruption peut être publique ou privée, et concerner nos institutions. Il convient donc de repenser le contrôle interne, nos méthodes de recrutement et de suivi des personnels. Il faut aussi veiller aux vulnérabilités des « travailleurs du port » : dockers, mais pas uniquement, d'autres professions sont ciblées par les organisations criminelles, comme celle des chauffeurs routiers. Pour sortir un container d'un port, il faut pouvoir y accéder - les badges sont contrôlés - et savoir le manipuler.
Cette approche globale permet d'englober tous les pans du trafic.
En ce qui concerne les moyens déployés, il faut avoir un regard non pas franco-français, mais européen, voire international, pour coopérer avec les zones de production et de rebond et les territoires refuges.
Au niveau national, nous avons accentué le partage de renseignements. Auparavant, chaque acteur conservait ses propres informations, pour réaliser de belles prises. L'objectif est désormais de monter des dossiers suffisamment structurés pour poursuivre au plan judiciaire. On a donc mis les acteurs autour de la table et défini une stratégie, formulée dans le plan national de lutte contre les stupéfiants du 17 septembre 2019, lequel est en cours de réécriture. Le partage de renseignements passe aussi par l'association de nouveaux acteurs, notamment les services de renseignement du premier cercle.
Au niveau international, nous développons deux types de coopération.
Il s'agit, d'une part, d'une coopération bilatérale classique, notamment avec la Colombie et le Panama, des pays qui nous aident dans nos démarches, et avec les Émirats arabes unis - nombre de nos cibles prioritaires ont trouvé refuge à Dubaï. Il convient de construire et de développer dans le temps ces relations.
Il s'agit, d'autre part, de coopération multilatérale. Au niveau européen, notre partenariat avec Europol, l'agence européenne de police criminelle, est central, notamment pour le déchiffrement des messageries cryptées. Nous entretenons aussi des rapports privilégiés avec les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie, pays avec lesquels nous partageons des renseignements sur les grands ports européens, qui sont tous concernés par l'importation de cocaïne.
Ces dernières années, nous avons pu constater l'inventivité et la puissance financière des organisations criminelles.
Leur inventivité permet à celles qui sont atteintes - et non pas démantelées -, du fait de saisies importantes et d'arrestations, de trouver des moyens de contournement pour importer les produits. De simples sacs de sport déposés dans des containers, nous sommes passés à des produits qui polluent directement des marchandises - des bananes, par exemple - ou les systèmes de refroidissement des containers, ou encore à la dissimulation, indétectable, de cocaïne dans du sucre, du café ou du charbon, et à la cocaïne liquide. Les organisations envoient ensuite sur le territoire des chimistes capables d'isoler les stupéfiants des produits contaminés. De ce point de vue, la coopération avec nos partenaires est essentielle. Le déchiffrement des messageries cryptées est un moyen important pour contrecarrer les organisations criminelles, dont les membres n'échangent plus par téléphone. Ces organisations comportent désormais des équipes spécialisées soit dans les séquestrations, soit dans les meurtres, soit dans la distribution. La France n'est pas épargnée par ces activités.
L'angle financier est primordial pour lutter contre les trafics. La perte de produits, par exemple à la suite d'une saisie, figure parmi les risques intégrés pas les organisations criminelles. Les saisies d'avoirs financiers ont davantage d'effets et sont en forte croissance : plus de 111 millions d'euros en 2022, en augmentation de 12 % par rapport à 2021, ce qui représente 13 % du montant global des saisies réalisées en matière d'avoirs criminels. Nous avons des marges de progression en la matière.
J'en viens aux moyens dont dispose l'Ofast.
Au 1er mars 2023, l'Office employait 191 personnels, contre 230 annoncés initialement. Fin 2023, il comptera plus de 230 agents. L'augmentation a été moins rapide que prévue mais il me semble préférable d'avoir des recrutements échelonnés. Mon adjoint est un magistrat de l'ordre judiciaire, détaché dans un emploi de contrôleur général. Notre équipe comprend une forte proportion de policiers, mais aussi 30 gendarmes et 7 douaniers. Le pôle opérationnel est dirigé par un commissaire divisionnaire, le pôle renseignement par un colonel de gendarmerie et le pôle stratégie par un administrateur des douanes. Il s'agit d'une structure intégrée, ce qui est important en termes de définition de la stratégie et d'association de chaque administration.
M. Alain Richard, rapporteur. - Nous allons modifier assez substantiellement le code des douanes : son article principal, qui définissait de façon très large les pouvoirs d'investigation de la douane a été déclaré son conforme à la Constitution. Nous allons le remplacer, si le projet de loi visant à donner les moyens de faire face aux nouvelles menaces est adopté, par une série d'articles qui redéfinissent les pouvoirs d'investigation de la douane, en les encadrant dans le sens du respect des libertés individuelles et en prévoyant le plus souvent l'intervention d'un magistrat. Ces mesures nouvelles vous posent-elles un problème en termes d'efficacité des enquêtes douanières ?
Mme Agnès Canayer. - Élue du Havre, je constate que la lutte contre le trafic de stupéfiants est un enjeu non seulement à l'échelle des ports ou en termes de criminalité, mais aussi pour l'ensemble des populations locales, compte tenu des ramifications de cette activité dans les villes portuaires.
L'augmentation des saisies de cocaïne est-elle due à la meilleure efficacité des services ou à une croissance du trafic de stupéfiants ? En dehors des moyens humains, l'Ofast a-t-il d'autres besoins pour remplir sa mission ? Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui réforme notamment l'autorisation des perquisitions de nuit, aura-t-il un impact sur l'activité de l'Office ?
Mme Dominique Vérien. - Le Premier ministre des Pays-Bas a récemment été menacé. Un tel risque est-il envisageable en France ? Quelles sont vos forces en Guyane ? Y a-t-il un danger de contagion des méthodes des trafiquants brésiliens ?
M. Jean-Yves Leconte. - La dépénalisation partielle de certains produits, dont le cannabis, a fait l'objet de débats et a été expérimentée dans plusieurs pays. Par ailleurs, on le voit notamment dans certains États d'Amérique latine, en se développant les trafics grignotent l'État de droit, puis l'État tout court.
Compte tenu de la situation géopolitique, quelles interfaces observez-vous entre les territoires où la consommation est légale et ceux où elle ne l'est pas ? Quelles sont les conséquences du retrait de la France du Sahel, notamment en termes de renseignement ? Comment gérez-vous les contraintes européennes dans le domaine de l'accès aux données de connexion ?
M. Jérôme Durain. - L'attractivité des métiers de la police est en berne ; on parle même d'une crise des vocations. Qu'en est-il pour l'Ofast ? Quels sont vos besoins concrets en matière de déchiffrement, de captation judiciaire et de mise à niveau technologique ? Comment les filières du trafic s'adaptent-elles aux processus de légalisation, notamment ceux lancés aux États-Unis et au Canada ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Lors d'un déplacement de plusieurs membres de notre commission aux Antilles, et à l'occasion de notre rencontre avec des agents de l'Ofast de Saint-Martin et de la Guadeloupe, nous avons été effarés par l'absence de moyens matériels dont ils disposent, ce qui fait de ces îles des passoires. Par ailleurs, leur vie est très particulière puisque tout le monde les connaît... Entourées d'îles qui ne sont pas françaises - la Dominique, Sainte-Lucie, Antigua -, les îles françaises sont le point d'entrée en Europe de la drogue, mais ces agents n'ont pas les moyens de contrôler les côtes. Quelles solutions pourraient-elles être trouvées ?
Mme Valérie Boyer. - Peut-on parler de narco-quartiers en France, et si oui, où se trouvent-ils ?
Le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il existait un lien entre les trafics de drogue et les mineurs isolés. Le constatez-vous ? Travaillez-vous avec les collectivités locales sur ces questions ?
Mme Brigitte Lherbier. - Lorsque j'étais universitaire, la police culpabilisait les enseignants en leur disant que les étudiants étaient responsables du développement des trafics sur le campus... Échangez-vous avec des médecins, des personnels hospitaliers, ou des enseignants qui connaissent ces problèmes et veulent protéger la santé de leurs élèves ? Sont-ils des acteurs de votre réseau de renseignement ?
M. Christophe-André Frassa. - Dubaï a été épinglé dans un article de L'Obs du 20 avril dernier comme étant le paradis des trafiquants français. Quel a été l'élément déclencheur de sa coopération avec l'Ofast, alors que c'était un havre de paix pour les narcotrafiquants français et européens ?
Mme Marie Mercier. - Qu'en est-il du captagon, appelée aussi la drogue des terroristes ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - La police d'Île-de-France n'hésite pas à qualifier le Maroc de narco-État. On n'en parle pas assez.
Notre pays est inondé de ces produits et les prix ont beaucoup baissé ces dernières années. Avons-nous une politique de prévention digne de ce nom ? Les psychiatres nous ont alertés à cet égard. L'usage de drogue a des conséquences psychologiques sur la jeunesse, et notamment une dépendance rapide. C'est un sujet de société qui n'est pas abordé comme tel.
La France ne suit-elle pas la même voie que certains pays d'Amérique du Sud ? Le trafic pose en effet des problèmes de sécurité et perturbe la vie quotidienne des habitants de certains quartiers. Cette économie parallèle concerne l'ensemble du territoire. Quelle est votre analyse de cette dérive ?
M. François-Noël Buffet, président. - Disposez-vous de moyens juridiques suffisants pour mener à bien votre mission ? Faudrait-il améliorer cet arsenal ? Sur quel point pourrait-on avancer ?
Mme Stéphanie Cherbonnier. - Première question : la réforme du code des douanes et les nouvelles dispositions que vous examinerez.
Il convient de veiller à ne pas casser, via l'autonomisation des acteurs, le chef de filat de l'Ofast et le dispositif de partage de renseignements. Mais la modification de l'article 60 du code des douanes n'aura pas pour conséquence de mettre fin aux contrôles par la douane. Par ailleurs, des dispositions européennes s'appliquent à toutes les forces de sécurité.
Quant aux nouveaux pouvoirs conférés à la DNRED, liés aux techniques spéciales d'enquête - sonorisation, captation d'images -, leur mise en place ne doit pas empêcher que les différents acteurs se parlent entre eux ; à défaut, la judiciarisation risque d'intervenir trop tardivement. Prenons l'exemple d'un container pollué par un produit : le renseignement doit être partagé par les services le plus tôt possible, sans qu'aucun ne le capte en vue de se l'approprier. Le projet de loi prévoyant de donner à la douane des pouvoirs qui sont actuellement réservés à des services agissant sous le contrôle d'un magistrat instructeur ou du parquet, il faut trouver le juste équilibre entre l'action de la douane et celle des services judiciaires. C'est la seule limite que j'identifie dans le nouveau dispositif. Ces affaires ne doivent pas aboutir dans n'importe quel parquet. Les dossiers d'envergure d'importation de cocaïne doivent rester sous l'autorité de l'une des huit juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) que compte notre pays, voire de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) lorsqu'ils sont particulièrement complexes, et doivent faire l'objet d'un suivi quasi centralisé. Mieux vaudrait favoriser la coordination des acteurs, en associant davantage la douane durant la phase judiciaire.
Pour résumer, il faut, d'une part, veiller à ne pas judiciariser trop tard et, d'autre part, permettre le contrôle plein et entier de l'autorité judiciaire sur l'action d'agents non soumis aux mêmes contraintes que les officiers de police judiciaire (OPJ).
Deuxième question : les enjeux portuaires.
L'augmentation des saisies est certes liée à un meilleur partage des renseignements entre la douane et les forces de sécurité intérieure, mais force est aussi de constater que le volume des produits qui entrent sur notre territoire et chez nos voisins européens connaît une croissance majeure. Sur le plan judiciaire, l'arsenal est complet. Nous agissons systématiquement dans le cadre de l'article 706-73 du code de procédure pénale. La faille de la procédure judiciaire, c'est que l'on y détaille l'ensemble de nos actions - ce que l'on fait, comment et quand : les organisations criminelles ont donc accès, via leurs avocats, à l'intégralité de nos méthodes de travail.
Dans le domaine des stupéfiants, les infiltrations sont très compliquées à mettre en oeuvre parce que l'ensemble de la procédure est soumise au principe du contradictoire et que les risques encourus par les agents infiltrés sont très grands. Même si ces mesures figurent dans l'arsenal juridique français, on préfère souvent ne pas les utiliser. En Belgique, il est possible d'écarter certains éléments - les « dossiers distincts » - de la procédure contradictoire ; bien sûr, il y a toujours un contrôle du juge. Monsieur le Président vous parliez des évolutions législatives souhaitables, c'est un point auquel il faudrait réfléchir.
L'Ofast appartient au second cercle des services de renseignement. Si nous travaillons avec ceux du premier cercle, nous ne disposons pas de tous les pouvoirs de ces derniers. Par exemple, nous ne pouvons pas procéder à la captation de messages échangés sur des téléphones par satellite Iridium.
Troisième question : les menaces qui pèsent sur les Pays-Bas.
Aux Pays-Bas, la prise de conscience en matière de stupéfiants a eu lieu du fait de l'existence d'un réseau criminel qui a émis des menaces à l'encontre des représentants des institutions ; la Belgique connaît la même situation. En France, nous devons donc être vigilants : c'est l'un des éléments de l'approche globale que nous devons avoir. J'ai incité tous les OPJ de l'Ofast à agir sous anonymat, comme le permet la loi au travers du référentiel des identités et de l'organisation (RIO), car il faut anticiper ce type de menaces - je rappelle qu'il y a dans notre pays des meurtres de policiers à leur domicile.
Quatrième question : l'action à la frontière guyanaise.
Au sujet de la Guyane, il faut évoquer deux points : l'activité des passeurs et le trafic au départ du port de Dégrad-des-Cannes. Une antenne de l'Ofast est implantée dans ce territoire, qui comptera 20 équivalents temps plein (ETP) en septembre 2023. Un attaché de sécurité intérieure a été nommé au Surinam. Les moyens de contrôle ont été renforcés à tous les niveaux, de Saint-Laurent-du-Maroni jusqu'à l'aéroport de Cayenne-Félix-Éboué.
Cinquième question : les méthodes « brésiliennes ».
Ces méthodes pourraient être dites tout autant « colombiennes » ou « mexicaines », et il s'agit bien, madame Vérien, de violences criminelles qu'il convient de ne surtout pas ignorer.
Sixième question : la dépénalisation partielle du cannabis.
Nous devons être prudents en la matière : la légalisation ne conduirait pas à la fin des trafics, les consommateurs recherchant un niveau de toxicité très élevé qui ne sera pas proposé dans le cadre de ventes autorisées.
Septième question : les conséquences du désengagement au Sahel.
Il n'a pas eu d'impact immédiat sur notre connaissance du trafic. Nous examinons attentivement les arrivées de cocaïne en provenance d'Afrique de l'Ouest, le Golfe de Guinée étant très impacté : c'est la route la plus courte, avec celle en provenance du Brésil. Nous avons des partenariats avec la marine sénégalaise et avec le centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (MAOC-N), agence internationale basée à Lisbonne. La marine française réalise également de nombreuses interceptions. Sur ces nouvelles routes du trafic, qui sont identifiées, nous travaillons aussi avec les services de renseignement du premier cercle.
Huitième question : les contraintes européennes dans le domaine des données de connexion.
Elles n'ont pas de conséquences, pour l'instant, sur notre activité opérationnelle, mais nous avons des inquiétudes, notamment sur la limitation de la conservation des données de connexion. Nous avons en effet besoin d'accéder à ces données, d'opérer des captations judiciaires et de déchiffrer les messageries cryptées, car ces outils nous permettent de conduire nos investigations.
Neuvième question : les conséquences de la réforme de la police nationale et l'attractivité de l'Ofast.
L'Ofast a fait l'objet d'une certaine publicité et emploie une équipe jeune, ce qui le rend attractif. Par ailleurs, qui dit nouveaux modes d'investigation dit nouveaux profils. Nous recrutons beaucoup de contractuels, à l'instar de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour travailler sur des sujets techniques et d'analyse que nous ne maîtrisons pas complètement. L'attractivité est aussi liée au large panel de métiers proposés.
Dixième question : le déplacement de votre commission aux Antilles.
L'Ofast a une antenne Caraïbes implantée à Fort-de-France et deux détachements, l'un en Guadeloupe et l'autre à Saint-Martin. Je ferai le point avec le chef de l'antenne sur l'éventuel manque de moyens, sachant que le contrôle aux frontières ne relève pas de ces agents. Pour ce qui concerne le partenariat avec les îles voisines, nous avons depuis un an à Sainte-Lucie une unité permanente de renseignement au sein de laquelle des enquêteurs français travaillent avec les autorités locales en vue de partager du renseignement. Nous souhaitons faire de même avec la Dominique. Pourquoi pas avec Antigua ? Les îles ne peuvent rester isolées et doivent se connecter avec leurs voisines ainsi qu'avec les grandes agences étrangères qui rayonnent sur la zone - la DEA (Drug Enforcement Administration) et la NCA (National Crime Agency). Nous ne voulons pas laisser ces dossiers à la seule main des autorités territoriales ; nous déployons donc une stratégie nationale dans ces territoires.
Onzième question : les narco-quartiers.
On a tendance à qualifier de « narco » bien des sujets... Aujourd'hui, la drogue se diffuse partout, en zones urbaines, périurbaines et même rurales. Aucun territoire n'est épargné. Une cartographie des points de deal a été mise en place en 2021. Cela permet ensuite de savoir quelles sont les forces en présence et quelle action concrète on y conduit, à court ou plus long terme dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Douzième question : les mineurs isolés.
Quelques phénomènes ont été identifiés. Les groupes criminels disposent d'une manne, en termes de ressources humaines, très étendue et vont chercher dans divers départements y compris des départements autres que celui du point de deal des « charbonneurs », des revendeurs, des « chouffeurs », des transporteurs, des équipes pour les enlèvements-séquestrations. On constate une hyperspécialisation de l'organisation et une déterritorialisation des emplois. Les mineurs isolés sont évidemment recrutés, comme d'autres populations en situation de précarité. En Guyane, parmi les passeurs interceptés, les « mules », la moitié est composée de Guyanais et l'autre moitié d'étrangers. Pour 2 000 ou 3 000 euros, ils acceptent de traverser l'Atlantique avec des produits stupéfiants dans le corps ou dans des valises, en courant un risque pénal et sanitaire très grave. Une mère de famille, ayant deux enfants mineurs, transportant in corpore des produits stupéfiants, cela pose tout de même question... C'est de l'exploitation de la vulnérabilité sociale.
Treizième question : nos liens avec les collectivités locales.
Nous avons mis en place dans chaque département des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross), qui réunissent tous les acteurs chargés de la lutte contre les trafics et mettent en place des partenariats avec, entre autres, des bailleurs sociaux et des municipalités : il y a donc un lien avec les territoires.
Quatorzième question : l'approche de santé publique vis-à-vis des jeunes.
En matière de stupéfiants, l'approche doit être double, répressive certes, mais avant tout préventive. Nous travaillons ainsi avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), organisme placé sous l'autorité du Premier ministre et présidé par un médecin, Nicolas Prisse, qui a mis en place un plan triennal de lutte contre les addictions auquel est intégré le plan national de lutte contre les stupéfiants, dit « plan stup' ».
Quinzième question : la coopération avec les Émirats arabes unis.
Si l'on veut mettre en place une coopération internationale, encore faut-il en faire la demande auprès du pays avec lequel on souhaite travailler, et se déplacer pour comprendre ses contraintes. C'est ce que nous avons fait avec ce pays et des réussites opérationnelles s'en sont suivies. Nous avons établi un partenariat avec des services émiratis et avons accueilli dans nos services, en immersion, des policiers de Dubaï, ce qui a créé un cercle vertueux. Mon travail est d'entretenir cette relation, comme toute coopération en la matière.
Les autorités dubaïotes ont compris que se trouvaient sur leur territoire non seulement des trafiquants de stupéfiants, mais aussi, potentiellement, des tueurs, d'où leur volonté de coopérer avec l'Ofast.
Seizième question : le captagon.
Ce produit n'a pas été saisi sur le territoire français, mais il a fait l'objet de travaux relatifs au financement du terrorisme et à la piraterie. Nos attachés de sécurité intérieure suivent ce dossier dans les zones concernées. Des saisies importantes ont été effectuées en Espagne assez récemment.
Dernière question : le cannabis en provenance du Maroc.
Ce sujet devra faire l'objet d'une réflexion dépassant l'approche répressive en lien avec la santé publique, comme je l'ai évoqué précédemment
M. François-Noël Buffet, président. - Nous vous remercions pour vos explications détaillées et la précision des informations que vous nous avez données. Aux Antilles, dans le cadre de la mission évoquée par Mme Marie-Pierre de La Gontrie, nous avons été interpellés au sujet de ce trafic. Par ailleurs, j'ai récemment assisté à une saisie au Havre par des agents dont les conditions d'enquête sont difficiles, mais qui font un travail éminemment stratégique.
La réunion est close à 11 h 20.