- Mercredi 10 mai 2023
- Avenir des concessions autoroutières - Audition des associations d'usagers des autoroutes
- Bilan annuel de l'application des lois - Communication
- Proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi relatif à l'industrie verte - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Résultat du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public
Mercredi 10 mai 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Avenir des concessions autoroutières - Audition des associations d'usagers des autoroutes
M. Jean-François Longeot, président. - Nous poursuivons aujourd'hui notre cycle d'auditions consacrées à l'avenir des concessions autoroutières. Après avoir entendu les auteurs du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur le sujet, des dirigeants de sociétés concessionnaires d'autoroutes et Bernard Roman, ancien président de l'Autorité de régulation des transports (ART) ayant achevé son mandat en août dernier, mais toujours pas remplacé, nous recevons aujourd'hui des représentants de trois associations d'usagers des autoroutes.
Aussi, je suis ravi d'accueillir M. Rodolphe Lanz, secrétaire général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), M. Philippe Nozière, président de l'association « 40 millions d'automobilistes », et Mme Dominique Allaume Bobe, administratrice de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), présidente du département Habitat, cadre de vie, environnement et développement durable.
À titre liminaire, je me permets de rappeler l'intention de notre commission qui, à travers nos séquences d'auditions, souhaite anticiper la fin des contrats de concessions autoroutiers et dresser le bilan des concessions telles qu'elles ont été pensées et mises en oeuvre jusqu'à présent.
Je rappelle simplement que la part modale du transport routier reste, dans notre pays, très majoritaire, puisqu'elle s'établit à 84 % pour le transport intérieur de voyageurs et à 87 % pour le transport intérieur de marchandises.
Dans ce contexte, les autoroutes jouent un rôle structurant pour la mobilité de nos concitoyens, mais aussi pour le fret. C'est pourquoi nous souhaitions naturellement recevoir des représentants des usagers des autoroutes pour déterminer dans quelle mesure les concessions actuelles répondent - ou non - à leurs besoins et mieux intégrer leurs préoccupations à l'avenir.
Avant toute chose, et de manière générale, je souhaite entendre votre point de vue sur les contrats de concessions autoroutiers tels qu'ils sont mis en oeuvre aujourd'hui, ainsi que sur les relations entre les sociétés concessionnaires d'autoroutes et l'État.
Je souhaite également vous interroger sur la question, centrale, des péages autoroutiers. Certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes ont récemment annoncé de nouvelles augmentations, notamment compte tenu de l'indexation à 70 % sur l'inflation. Comment avez-vous accueilli ces annonces ? Vous semblent-elles acceptables ou, du moins, absorbables par les personnes ou les entreprises que vous représentez ? Dans quelle mesure les réductions prévues pour les trajets réguliers sont-elles efficaces selon vous ? S'agissant, en particulier, des professionnels du transport routier, pourriez-vous nous indiquer la proportion de dépenses liées aux péages sur les dépenses totales ?
Pourriez-vous également nous livrer votre opinion, en tant qu'usagers, sur la qualité du réseau autoroutier concédé ? Plusieurs auditions ont mis en lumière l'excellente qualité du réseau autoroutier français ; partagez-vous ce constat ? Du point de vue des infrastructures de recharge, quel est votre avis sur le déploiement du réseau de bornes à ce jour ? Quelles sont vos attentes en la matière pour l'avenir ?
Ma dernière question, plus prospective, porte sur l'avenir des contrats de concessions autoroutiers. Quelles devraient, selon vous, en être les priorités ?
M. Rodolphe Lanz, secrétaire général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). - Nous vous remercions vivement de nous avoir invités à nous exprimer lors de cette table ronde consacrée aux usagers des autoroutes et, ainsi, de ne pas avoir oublié les usagers professionnels.
La Fédération nationale des transports routiers est l'organisation professionnelle leader du secteur du transport routier et de la logistique. Elle représente des entreprises de toutes tailles : des groupes, des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). La FNTR rassemble 48 % des entreprises adhérentes à une organisation professionnelle de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, soit 5 300 entreprises, qui emploient 242 000 salariés. La trentaine de syndicats de la FNTR maille l'ensemble du territoire national. La FNTR dispose, depuis plus de vingt-cinq ans, d'un bureau permanent à Bruxelles.
Lors de notre dernière audition sur le sujet au Sénat, le 16 juillet 2020, dans le cadre de la commission d'enquête sur les concessions autoroutières, nous avions pu rappeler qu'il existait un lien direct entre la privatisation des sociétés d'autoroutes et les multiples tentatives, depuis, de taxer les camions, dont faisait partie l'écotaxe. En effet, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), créée en 2004, avait vocation à être financée par les dividendes des sociétés d'autoroutes perçues par l'État, mais son financement a été brutalement asséché en 2006 par la privatisation des sociétés d'autoroutes.
Les camions représentent, en 2021, 16,2 % du trafic, mais 35 % des 10,3 milliards d'euros de recettes des péages. La recette unitaire kilométrique moyenne sur les réseaux concédés s'élève à 23,9 centimes d'euros au kilomètre. En évolution cumulée depuis 2007, cette recette kilométrique a augmenté de 37,4 %, soit un taux de croissance moyen annuel de plus de 2,3 % entre 2007 et 2021. Rapporté au kilométrage total des camions, le coût des péages a été multiplié par 2,4 depuis 2000, soit un taux de croissance moyen annuel de plus 4,1 %. Sur le long terme, les entreprises du transport routier de marchandises (TRM) sont donc confrontées à une hausse marquée du coût des péages.
Nous payons bien au-delà de notre utilisation du réseau concédé. Dans le cadre des Assises de la mobilité, le Conseil d'orientation des infrastructures a remis un rapport. L'annexe 7 de celui-ci fait état d'un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable, jamais publié, qui, en prenant en compte les externalités, considère que les poids lourds diesel présentent un taux de couverture des coûts externes allant jusqu'à 225 % sur les autoroutes et 130 % sur l'ensemble du réseau national et non concédé.
Nous payons donc beaucoup aux autoroutes, mais cet argent ne va pas à l'État, qui ne peut donc pas en disposer pour le réseau non concédé, notamment pour les dépenses d'entretien. Nous sommes des clients des sociétés d'autoroutes et, contrairement à ce qui est dit - tout cela relève de la directive européenne -, le péage n'est autre que la contrepartie de l'usage de l'infrastructure ; il n'est pas la contrepartie d'un service. La preuve en est que, lors de la crise sanitaire, et plus précisément du confinement de 2020, nous n'avons pas obtenu la gratuité des péages, alors que le service a été quasiment inexistant, tout au moins dans les premières semaines de ce premier confinement.
En 2022, 45,1 % des kilomètres effectués par les camions l'ont été sur autoroute, soit, en moyenne, 48 906 kilomètres par véhicule. Par véhicule, les dépenses annuelles de péage s'élèvent, en 2022, à 10 429 euros, donc à 0,096 euro par kilomètre, soit 15 % des coûts kilométriques directs, qui comprennent le carburant, les pneumatiques, l'entretien, les réparations et les péages, et 6,16 % du prix de revient moyen annuel d'un véhicule.
De 2012 à 2022, le coût des péages au kilomètre parcouru a progressé de plus 24,68 %, soit un taux de croissance annuel moyen de plus 2,2 %. Cette dérive témoigne de l'inflation annuelle régulière des tarifs autoroutiers. Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte la revalorisation tarifaire au 1er février 2023, qui, en ajoutant aux sociétés historiques la société Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) et la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF), s'élève à plus de 5 % pour les catégories 3 et 4 !
Certes, une utilisation plus systématique de l'autoroute procure des économies de coûts marginaux de carburant, de pneumatiques et de maintenance, en raison d'une vitesse plus régulière. Cependant, l'arbitrage entre économies et surcoûts doit se faire au cas par cas ; la rentabilité d'un recours à l'autoroute n'est jamais garantie. La décision est prise en fonction des conditions et des contraintes précises de chaque opération de transport : la distance, les délais de livraison, la gestion des plannings des conducteurs, etc. Mais il convient de remarquer que de nombreuses interdictions de circuler tendent à orienter une plus grande partie du trafic vers le réseau concédé.
Pour résumer, les péages pèsent lourdement sur les entreprises de transport routier de marchandises, dont les marges sont très faibles - 15 % des coûts kilométriques directs, 6,16 % du prix de revient moyen annuel d'un véhicule. Les coûts des péages progressent trop fortement par rapport au prix du transport. Depuis 2007, la recette kilométrique unitaire augmente de 37,4 %. Les choix des transporteurs peuvent se modifier en fonction du coût des péages, en faisant un arbitrage entre économies et surcoûts ; la rentabilité du recours à l'autoroute n'est pas du tout garantie.
Mme Dominique Allaume Bobe, administratrice de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), présidente du département Habitat, cadre de vie, environnement et développement durable. - Je rappelle que l'Unaf est une institution qui défend les intérêts matériels et moraux des familles auprès des pouvoirs publics. Je vais vous exposer notre point de vue sur ce sujet, même si nous n'en sommes pas des spécialistes et nous n'avons pas les mêmes sources d'information que la FNTR.
Les tarifs des péages des principaux axes du réseau autoroutier français concédé ont augmenté, en moyenne, de 4,75 % à partir du 1er février dernier, selon le ministère des transports. En 2022, ils avaient déjà augmenté de 2 %. Il s'agit toutefois d'une moyenne, certains tronçons peuvent connaître des hausses de tarif supérieures. Comme on le sait, les prix des péages sont réévalués chaque année au 1er février, après discussions entre l'État et les principales sociétés qui exploitent les autoroutes de l'Hexagone. Ainsi, l'augmentation des tarifs des péages autoroutiers est appliquée à partir du 1er février 2023 sur les réseaux gérés par Vinci, les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), les Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) et les autres sociétés concessionnaires.
Le prix des péages prend en compte l'inflation, selon une règle de calcul déterminée avec les pouvoirs publics, à hauteur de 70 % du taux d'inflation constaté au 31 octobre de l'année précédente ; il prend également en compte le coût des travaux non prévus demandés par l'État, ainsi que le rattrapage du gel des péages annoncé par Ségolène Royal en 2015 alors qu'elle était ministre de l'environnement, lequel s'étale sur plusieurs années.
Nous avons obtenu des ristournes pour les gros rouleurs et certaines réductions. L'État avait demandé aux opérateurs un coup de pouce en faveur du pouvoir d'achat. La hausse de 2022 fait suite à des négociations serrées lancées en juillet de la même année entre le Gouvernement et les sociétés autoroutières. Elle est finalement légèrement inférieure à l'inflation.
Cette ristourne pour les gros rouleurs, qui avait d'ailleurs en partie été une demande de l'Unaf, est accordée aux gros rouleurs qui effectuent plus de dix allers-retours par mois sur le même itinéraire sur certains réseaux - Vinci, APRR et Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef). Cette réduction a été un peu augmentée, puisqu'elle n'était que de 30 % auparavant. Les automobilistes réguliers disposant d'un badge de télépéage et empruntant les autoroutes de Vinci, APRR et Sanef pour le même trajet au moins dix fois par mois bénéficient d'une majoration de cette ristourne.
Le ministre des transports a souhaité limiter les hausses de prix pour la vie quotidienne, afin de protéger ceux qui doivent utiliser la voiture pour aller travailler et d'encourager la transition écologique. Ce point a été une demande importante de l'Unaf, qui a aussi souligné l'intérêt écologique de réduire les péages pour les véhicules en autopartage, en covoiturage et les véhicules familiaux occupés. Les sociétés d'autoroutes avaient annoncé la mise en place de voies distinctes sur certains tronçons d'autoroute pour faciliter la circulation des véhicules utilisés dans le cadre du covoiturage, mais cela ne s'est que peu développé à ce stade... Pourra-t-on voir rapidement cette évolution se concrétiser ? Par ailleurs, pourrait-on prévoir un boîtier de péage associé à une nouvelle classe de véhicule dédiée à l'autopartage et au covoiturage ? Les contrôles pourraient être faciles à opérer grâce aux caméras de surveillance présentent sur les autoroutes...
L'Unaf avait demandé une véritable équité pour les déplacements contraints. Elle approuve donc les efforts faits en ce sens. En outre, les propriétaires de voitures électriques bénéficient d'une réduction de 5 % sur leurs tarifs pendant toute l'année 2023 sur certains réseaux, ce qui revient à annuler, à leur profit, la hausse du prix des péages.
J'ai vu, hier après-midi, que la France comptait actuellement 100 000 bornes de recharge électriques, dont 7 000 sur les autoroutes. Ces chiffres sont importants, mais il manque encore, selon l'Unaf, une information sur le nombre de bornes et leurs lieux d'implantation pour chaque concessionnaire. Le déploiement de nouvelles bornes de recharge électriques est prévu d'ici la fin de l'année 2023. Toutefois, quels sont les projets pour l'ensemble du réseau ? L'usager est à tout le moins en droit d'exiger une bonne répartition territoriale de ces équipements de recharge, car il a besoin, quand il prend la route, de savoir où il pourra recharger sa voiture, surtout pour les longs trajets et les départs et retours de vacances. Les moyens d'accéder aux bornes doivent être bien balisés sur les aires et accès d'autoroute.
En ce qui concerne le surcoût des péages, le cabinet d'études Astères estime que la hausse de 4,75 % pourrait entraîner un surcoût moyen de 6,4 euros par ménage et par an. C'est une moyenne sur l'ensemble des ménages français - il y en a 25 millions. Ce surcoût est beaucoup plus élevé quand on le concentre sur les ménages qui prennent effectivement l'autoroute...
En outre, les Français auraient dépensé 135 euros en moyenne pour les péages autoroutiers sur l'année 2022. « Une division par deux de la marge des sociétés d'autoroutes générerait un gain de pouvoir d'achat de 14 euros par an et par ménage », précise l'étude. Ce gain ne paraît pas très important, mais il serait peut-être beaucoup plus significatif pour les Français qui prennent l'autoroute régulièrement.
Enfin, nous avons effectué un calcul du prix au kilomètre des péages autoroutiers selon les sections d'autoroute. Si l'on recherche les données en matière de tarifs sur le site internet de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA), selon les cinq classes de véhicules - l'information figure sur le site, mais est assez difficile à trouver -, on apprend que, sans péage, une augmentation des impôts de 450 euros par an et par foyer serait inéluctable. Le site en donne les explications : les travaux, les aménagements, l'amélioration des infrastructures, les prix de dépannage et les équipements et services pour les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite (PMR).
On pourrait aussi s'interroger sur les variations de prix des péages. Nous en avons analysé certains : Compiègne-Paris : 4,6 centimes au kilomètre ; Le Mans-Paris : 9,8 centimes au kilomètre ; Paris-Lyon : 8,4 ; Dourdan-Paris : 3 ; Paris- Rouen : 12,9, soit beaucoup plus. L'un des tarifs plus élevés est Angers-Rouen, avec 15,5 centimes au kilomètre. Cela s'explique, selon l'ASFA, par la somme de tarifs appliqués par plusieurs sociétés - quand on fait Angers-Rouen, on utilise le réseau de plusieurs sociétés concessionnaires. Pour l'ASFA, ces hausses résultent aussi de la répercussion de 70 % de l'inflation, validée par l'État, ce dernier restant le premier bénéficiaire : sur un ticket de 10 euros, 4,20 euros lui sont reversés. Au total, plus d'une quinzaine de tronçons ont vu leur tarif bondir de plus de 15 % depuis 2011. Les bénéfices des sociétés concessionnaires sont dénoncés par l'Autorité de régulation des transports, qui indique que la réduction des coûts d'exploitation, avec l'automatisation des péages et l'allongement des concessions, a servi à grossir leurs marges, ainsi que par l'Autorité de la concurrence, qui avait proposé en 2014 une nouvelle formule de calcul des tarifs susceptible de limiter la hausse de ces bénéfices, voire de permettre leur baisse.
Faut-il allonger la durée des concessions autoroutières ? L'entourage du ministre des finances, M. Le Maire, a précisé qu'il étudiait les solutions pour raccourcir la durée des concessions d'autoroutes, au vu des profits réalisés, et un rapport - non publié - de l'inspection générale des finances de février 2021 évoque ce sujet.
Pour l'Unaf, il serait nécessaire d'assurer la transparence sur les recettes pour permettre une confiance accrue de l'usager, au niveau de chaque société concessionnaire.
M. Philippe Nozière, président de l'association 40 millions d'automobilistes. -L'association 40 millions d'automobilistes est une association de défense des automobilistes - la seule, me semble-t-il, à être d'intérêt général.
Depuis 2014, l'association plaide pour la baisse des tarifs des péages autoroutiers. Elle avait notamment, à l'époque, lancé une pétition intitulée « Stop aux péages trop chers ». Par ailleurs, l'association est membre du comité des usagers du réseau routier national.
Ce que nous souhaitons, c'est rendre les autoroutes de nouveau accessibles à tous. À l'échéance des contrats de concessions en cours, plusieurs options se présenteront à l'État français, propriétaire des autoroutes, pour organiser leur exploitation et leur gestion. La première est l'élaboration de nouveaux contrats de concessions, qu'il convient, comme chacun en est bien conscient, de préparer avec soin, afin de ne pas répéter les erreurs qui ont pu être commises dans les années 1990 et 2000, lesquelles ont eu pour principale conséquence une perte de pouvoir d'achat pour les automobilistes, en raison de l'augmentation constante et importante des tarifs des péages, permise par les termes des contrats et laissée à la libre appréciation des sociétés concessionnaires - une augmentation à hauteur de 70 % de l'inflation, c'est énorme !
Il faut prévoir également une renationalisation des tronçons autoroutiers. Dans les deux cas, une solution devra être trouvée pour réduire le coût d'utilisation des autoroutes pour l'usager et pour que le service assuré par les sociétés concessionnaires privées bénéficie au plus grand nombre.
Les tarifs sont dissuasifs. La hausse des prix des péages est telle que nombre d'usagers renoncent à emprunter le réseau autoroutier, qui est pourtant le plus sûr de France. En effet, le risque d'accident est 6,6 fois plus élevé sur les nationales et 5,25 fois sur les départementales. Au nom de l'investissement dans la sécurité et de l'amélioration des services, cette hausse des tarifs se fait donc paradoxalement au détriment de l'accessibilité du réseau. Elle participe aussi au creusement des inégalités sociales, les jeunes conducteurs, les plus modestes et les retraités étant ceux qui ont la plus forte tendance à renoncer à l'usage de l'autoroute.
La décision de reconduire les contrats de concession ou de remettre les autoroutes dans le giron de l'État relève d'un choix politique sur lequel il n'appartient pas à notre association de se prononcer.
Dans un contexte d'inflation généralisée, la question du pouvoir d'achat et, indirectement celle de la sécurité routière, est primordiale. Aussi, l'association 40 millions d'automobilistes propose de réduire les coûts des péages autoroutiers pour les usagers au moment où ils les utilisent le plus, en cohérence avec une recommandation formulée par l'ART dans son dernier rapport de janvier 2023, Économie des concessions autoroutières et selon laquelle « La modulation des tarifs de péage en fonction de la congestion doit être encouragée, car elle permet de tenir compte des variations de la valeur du service rendu par les autoroutes selon les périodes. »
Cette mesure, qui implique une nouvelle formule de calcul des prix, serait cependant peu lisible. C'est pourquoi nous proposons plus simplement de faire bénéficier les usagers qui emprunteraient les autoroutes en dehors des horaires les plus fréquentés, le week-end ou lors des départs en vacances, d'une réduction à définir sur le montant de la facture à acquitter au péage.
À titre d'exemple, Sanef-SAPN (Société des autoroutes Paris-Normandie) a mené sur les autoroutes A1 et A14 une expérimentation de variation des tarifs en fonction de l'horaire. La généralisation de cette mesure permettrait à la fois un gain économique important pour ceux qui font l'effort de décaler leur trajet et réduirait l'engorgement du trafic comme les émissions polluantes. Cependant, contrairement à Sanef, 40 millions d'automobilistes considère que cette réduction ne doit pas être compensée par une augmentation des tarifs sur les autres plages horaires, comme c'est le cas notamment sur l'autoroute A14.
M. Jean-François Longeot, président. - Quel est votre avis sur la qualité du réseau autoroutier concédé et sur l'avenir des contrats de concession ?
M. Rodolphe Lanz. - Sur l'avenir des contrats de concession, cela a été dit : la décision est politique, comme l'a été celle de privatiser les sociétés d'autoroute. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur ce point.
D'une manière générale, le réseau autoroutier est de bonne qualité, heureusement dirais-je, au regard des tarifs pratiqués et de l'impact de ces péages sur les comptes d'exploitation des sociétés de transports routiers et de marchandises.
On parle beaucoup de services. Le péage correspond à l'usage d'une infrastructure. Les services, c'est autre chose...
M. Stéphane Demilly. - Le prix des péages a bondi de 4,75 % en 2023. Cela pèse lourd sur le portefeuille des usagers. Sur l'A28, il faut désormais payer plus de 30 euros pour effectuer un trajet de 163 kilomètres seulement entre Alençon et Rouen.
Ces hausses viennent gonfler des bénéfices qui sont déjà record : 3,9 milliards d'euros en 2021 pour les vingt-cinq sociétés autoroutières concessionnaires selon l'ART. Le manque à gagner lié aux confinements pendant la crise sanitaire a d'ailleurs été largement effacé, puisque les résultats 2021 ont été de 11 % supérieurs à ceux de 2019.
Dans ces conditions, la question des contrats passés avec l'État lors des privatisations est nécessairement scrutée. La rente autoroutière est répartie entre les sociétés autoroutières et l'État. Pourquoi pas, tant que le partage reste équilibré ! Mais selon un rapport de l'inspection des finances, les sociétés autoroutières ont dégagé une rentabilité de 12 %, un niveau bien supérieur aux 7,8 % attendus à la signature des contrats.
Lors de leur audition devant notre commission, les représentants des principaux groupes de concessions autoroutières se sont défendus de tout surprofit. Ils ont invoqué la réalisation de travaux demandés par l'État et qui seraient financés non pas par les contribuables, mais par les automobilistes.
Ma question s'adresse à M. Nozière : quelle stratégie doit être mise en place selon vous pour s'assurer d'une répartition juste des profits, tout en favorisant le maintien en bon état de notre réseau autoroutier ? Avez-vous déjà fait des propositions concrètes en ce sens au Gouvernement ?
M. Philippe Nozière. - Nous avons fait ces dernières années de nombreuses propositions au Gouvernement, parmi lesquelles une modulation des tarifs.
Je rejoins par ailleurs M. Lanz : nous pouvons louer l'excellente qualité de notre réseau autoroutier, surtout quand on le compare par exemple au réseau allemand.
Notre but n'est pas de faire des propositions au Gouvernement pour obtenir une réduction des tarifs par le biais d'une intervention auprès des sociétés concessionnaires. Ces dernières sont assez grandes pour savoir elles-mêmes ce qu'elles doivent faire.
Mme Angèle Préville. - Je voulais d'abord interroger l'Unaf au sujet de la hausse des tarifs de 4,75 % constatée en février 2023 sur les autoroutes. Auriez-vous des chiffres sur l'évolution du recours à l'autoroute, qui serait en baisse ?
Dès lors que se déplacer sur l'autoroute apporte une meilleure sécurité, ne faudrait-il pas formuler des demandes pour obtenir des réductions de tarifs à l'occasion des départs en vacances ? Les voitures familiales étant pleines, les accidents sont beaucoup plus graves que lorsque les personnes sont seules dans leur véhicule...
Que pense par ailleurs l'association 40 millions d'automobilistes du coût des bornes de recharge électriques sur les autoroutes ? En effet, le consommateur est captif et ces recharges semblent plus onéreuses que sur le reste du réseau routier.
Mme Dominique Allaume Bobe. - Nous avons demandé à plusieurs reprises l'instauration de tarifs particuliers pour les véhicules familiaux qui sont remplis. C'est implicite, mais mieux vaut le dire clairement : ils le sont le plus souvent le week-end ou lors des départs en vacances.
Je confirme que les autoroutes sont plus sûres pour les familles. Elles sont aussi plus rapides. En tant que mère de famille nombreuse, je ne vous fais pas de dessin : quand on a quatre enfants qui crient « Maman, quand arrivons-nous ? », il est tout de même appréciable de gagner une heure sur le trajet.
Il serait intéressant de doter les voitures familiales d'un boîtier particulier et de créer une nouvelle catégorie pour ces voitures. J'ai longtemps habité Compiègne. Sur l'A1, le prix du péage était en effet modulé le week-end selon l'horaire, à l'instar des billets de train ou des billets d'avion. Cela permettait de lisser les embouteillages et, par voie de conséquence, d'améliorer la sécurité et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
M. Philippe Nozière. - Les bornes de recharge électrique sont très peu nombreuses sur les autoroutes : on en dénombre 7 000 sur les 100 000 qui ont été mises en place sur l'ensemble du territoire. D'une manière générale, le coût d'une recharge rapide est extrêmement élevé et s'approche du coût d'un plein de carburant.
Si le parc automobile devait être très étendu demain, l'État subirait de toute évidence un manque à gagner très conséquent, du fait de la moindre consommation de carburant fossile. Dès lors, nous pouvons craindre que le coût de recharge augmente de façon importante.
M. Hervé Gillé. - Au moment où nous devons nous préparer à la fin des concessions actuelles, votre vision commune de l'autoroute de demain est particulièrement intéressante pour voir comment les cahiers des charges pourraient évoluer en cas de nouvelle mise en concurrence ou, si d'autres solutions étaient retenues, comment nous pourrions nous inscrire dans une trajectoire d'avenir.
La question de l'adaptation des tarifs en fonction du niveau d'activité se pose de manière évidente. Une autre question de fond est l'accès aux métropoles, en témoignent ces autoroutes qui débouchent souvent sur des rocades posant de grandes difficultés.
Mme Dominique Allaume Bobe, vous mettiez en avant le covoiturage et des voies dédiées. Ces pistes doivent s'inscrire plus fortement dans une vision globale des autoroutes de demain.
Êtes-vous favorables à des forfaits mobilité durable, à des tarifs différenciés en fonction des niveaux de vie et des niveaux d'activité ? S'agissant des bornes électriques, quelle est votre vision sur la question de l'incompatibilité des moyens de paiement, qui crée des difficultés d'accès ?
Bref, comment vous inscrivez-vous, les uns et les autres, dans une nouvelle trajectoire, celle des autoroutes de demain, qui nous permettrait de prendre en considération un certain nombre de propositions et d'orientations ? Avec les autorités organisatrices, nous pouvons améliorer les services de car et de covoiturage, imaginer de nouvelles trajectoires de mobilité sur les autoroutes.
Mme Dominique Allaume Bobe. - Dès 2020, nous avions en effet proposé la mise en place de voies dédiées au covoiturage, comme cela se fait par exemple pour les autobus et les taxis entre Roissy et Paris. Finalement le covoiturage, c'est le transport en commun individuel. Il faudrait créer des boîtiers particuliers pour les véhicules concernés et leur appliquer une réduction de tarif de péage.
Les autoroutes sont globalement en bon état, mais en cas de pluie, certains revêtements sont plus agréables que d'autres et apportent une sécurité supplémentaire.
Nous prenons en compte également ce qui entoure la route elle-même, comme les services d'hébergement et de repos. Si une famille peut parfois prévoir de faire son trajet en deux jours - celui-ci est bien souvent réalisé en une journée. Pour les transporteurs routiers, la situation est certainement différente : ils doivent pouvoir dormir et se laver.
Au sujet des bornes de recharge rapide, une très grande puissance est nécessaire pour les alimenter, ce qui coûte plus cher. Ainsi, les stations Tesla, comptant dix à douze bornes de recharge nécessiteraient - me semble-t-il - une puissance considérable si toutes les bornes étaient branchées simultanément. Par conséquent, il paraît assez logique que le coût soit élevé.
En ce qui concerne l'autoroute de demain, je ne peux pas me prononcer en quelques minutes, mais je suis prête à en discuter avec vous. D'ailleurs, toutes les Unions départementales des Associations familiales (Udaf) comportent des groupes travaillant sur la sécurité routière.
M. Philippe Nozière. - Il m'est également difficile de me prononcer sur l'autoroute de demain en deux minutes. Aujourd'hui, le réseau autoroutier français est très bien structuré et offre de nombreux services. Des améliorations sont toujours possibles, mais les membres de notre association n'ont pas d'idées particulières s'agissant de l'autoroute de demain.
À propos des voies dédiées au covoiturage ou aux transports en commun, le covoiturage est une très bonne pratique, mais qui ne fonctionne pas si bien que cela. En effet, il est compliqué de véhiculer des personnes à des endroits différents. Toutefois, lorsqu'un fort réseau de transports en commun existe, comme c'est le cas en région parisienne, il est alors possible de les covoiturer pour qu'elles accèdent à ces transports. La fameuse voie dédiée a été réalisée sur les autoroutes arrivant à Paris, avec pour conséquence d'engendrer de nombreux bouchons.
Au sujet des différenciations de tarifs, la proposition de l'association est celle d'une modulation tarifaire selon la période d'utilisation. En revanche, facturer l'autoroute en fonction du niveau de vie paraît difficile à mettre en oeuvre et peu opportun.
Sur les bornes de recharge rapide, une forte puissance est nécessaire. En outre, au regard de la demande, qui nous a été adressée cet hiver, de chauffer les appartements à 19°C pour éviter les ruptures de charge au niveau de l'alimentation électrique, je ne sais pas comment il sera possible demain de recharger l'ensemble des voitures simultanément, si la moitié du parc de véhicules est électrique.
M. Rodolphe Lanz. - À propos de l'autoroute de demain, il faut tenter de préserver la qualité du réseau concédé actuel, grâce à des péages, si possible, moins coûteux pour les utilisateurs, notamment professionnels, qui permettent à l'État de maintenir à niveau le réseau non concédé sans recourir à de nouvelles recettes, notamment en taxant les camions.
En ce qui concerne les services, nous les payons en plus du péage et souvent plus cher. Je ne parle pas des tarifs de dépannage autoroutier appliqués aux poids lourds, qui s'élèvent souvent à plusieurs dizaines de milliers d'euros. D'ailleurs, aucune grille tarifaire n'existe en la matière pour les poids lourds, alors que c'est le cas pour les véhicules légers.
Sur les tarifs des péages, nous faisons partie du Comité des usagers du réseau routier national et, chaque année, les prévisions puis les confirmations d'augmentation réalisées par les sociétés d'autoroute sont présentées. Toutefois, chacune de nos demandes ne reçoit pas de réponse favorable. Ainsi, récemment, je voulais discuter de la hausse des tarifs des péages de 4,75 % qui est évoquée ; nos calculs concernant les véhicules de catégories 3 et 4 aboutissent, en réalité, à une hausse des tarifs qui atteint 5 % à 5,05 % pour les camions. Ensuite, nous avons demandé à obtenir les moyennes pondérées en fonction du nombre de kilomètres parcourus et des tronçons soumis à péage afin de connaître l'augmentation réelle annuelle des péages ; on nous a expliqué qu'elles étaient très difficiles à établir.
À propos de la transition énergétique du parc automobile, une question se pose : disposerons-nous d'électricité en quantité suffisante, a fortiori sur l'autoroute ? En effet, les poids lourds nécessiteront des bornes de recharge de très forte puissance, en raison de leur poids et afin de ne pas perdre de temps lors de la recharge.
Au sujet de la différenciation, la directive dite « Eurovignette », qui sera mise en place à partir de mars 2024, différenciera les péages en fonction des émissions des véhicules. Au niveau européen, on tentera d'intégrer les remorques des camions, en fonction de leur profil aérodynamique.
M. Olivier Jacquin. - Je vous ferai parvenir la proposition de résolution que j'ai déposée au Sénat, qui vise à améliorer le réseau routier en général. En effet, si le réseau concédé est en bon état, ce n'est pas le cas du réseau national non concédé. Aussi ma proposition tend-elle à inclure, au terme des contrats, l'ensemble du réseau routier au sein d'un établissement public qui gérerait de la même façon ces deux réseaux, concédé et non concédé, afin d'améliorer l'état du réseau concédé.
Mes questions s'adressent à M. Lanz. Comment voyez-vous la mise en place en France de la directive Euro-redevance, anciennement appelée Eurovignette, qui interviendra avant la fin des péages ? Au terme des contrats autoroutiers actuels, aucun péage ne sera encore possible et un autre dispositif législatif devra être trouvé. J'ai bien entendu que vous souhaitiez conserver des péages, peu ou moins coûteux, pour maintenir en état le réseau, et non pas recourir à une gratuité démagogique, comme cela a été décidé en Espagne.
Que pensez-vous des camions étrangers qui font le plein de carburant aux portes de notre pays et qui traversent ensuite la France sans acquitter la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ?
Comment réagissez-vous à la mise en place d'une redevance au sein de la Collectivité européenne d'Alsace, qui est la première écotaxe française et en cours de négociation ?
M. Rodolphe Lanz. - Sur la mise en oeuvre de la directive dite Eurovignette, nous venons de finaliser la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds, que nous remettrons le 24 mai prochain au ministre, Clément Beaune, et qui sera intégrée à la stratégie nationale bas-carbone.
Pour rappel, au 1er janvier 2022, on comptait près de 617 000 véhicules lourds, dont 98,4 % roulaient au diesel, 8 700 utilisaient le gaz naturel et le reste des véhicules fonctionnait à l'électricité, ce qui est marginal.
La différenciation des péages en fonction des émissions se fera avec la flotte actuelle de véhicules. Le transport de marchandises pour le compte d'autrui est assuré, dans le cas des véhicules diesel, sur des longues distances, à 80 ou 85 % par des véhicules relevant de la norme Euro VI. La transition énergétique a déjà été réalisée avec des carburants fossiles au regard de la baisse des émissions des véhicules relevant des normes Euro I et Euro VI, qui est de 95 %.
En matière de décarbonation, nous sommes favorables au mix énergétique, associant carburants de synthèse, diesel, gaz naturel et électricité dans certaines situations - plutôt pour ce qui relève de la logistique urbaine avec des véhicules à tonnage moindre, car il n'existe pas d'offre au-dessus de 26 tonnes et les capacités d'emport sont limitées par la taille des batteries.
Sur la taxe mise en oeuvre en Alsace, nous nous sommes battus à l'occasion de l'examen de l'article de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », autorisant le recours à l'écotaxe ; la taxe alsacienne lui était antérieure. Sous l'effet de la privatisation des sociétés autoroutières, l'État s'est privé de recettes et en cherche de nouvelles pour le réseau non concédé ; l'imagination est au pouvoir en la matière. En plus de taxer, on cherche à raboter la fameuse ristourne sur le gasoil professionnel, ce qui est une somme ridicule au regard des enjeux. Ainsi, le coût de la transition énergétique du transport routier de marchandises est évalué à 54 milliards d'euros, alors que la ristourne sur la TICPE représente 1 milliard d'euros. Dans la trajectoire prévue, mais non encore mise en oeuvre, par la loi Climat et résilience, la disparition de la ristourne à l'horizon 2030 ne fera donc gagner qu'un milliard d'euros.
Une inquiétude existe concernant les infrastructures nécessaires. En effet, la perspective de fin des concessions approchant, les investissements ne se feront pas. Dans les précédentes auditions, il a été indiqué que les investissements étaient tellement lourds qu'ils ne pourraient pas être réalisés dans l'immédiat ; aussi quand seront-ils faits et par qui ?
On parle aujourd'hui d'itinéraire de fuite pour les transporteurs ; cela s'explique par des raisons économiques. Toutefois, entre 2021 et 2023, la fréquentation autoroutière s'agissant du transport routier de marchandises a augmenté de 2,5 %.
Pour en revenir à l'Alsace, nous voyons fleurir des interdictions de circulation destinées à réorienter le trafic sur le réseau taxé. Les transporteurs routiers alsaciens - ce sont eux dont je parle et pas le transport routier de marchandises de transit - s'en trouvent évidemment lésés. Aujourd'hui, on incite les transporteurs à circuler sur les autoroutes ou sur les réseaux non concédés taxés, ce qui est assez surprenant.
Je terminerai en évoquant un point très important, celui de la concurrence étrangère.
L'avantage dont bénéficient les transporteurs étrangers ne résulte évidemment pas des péages autoroutiers, puisqu'ils les paient au même titre que les transporteurs français. La part de la taxe à l'essieu quant à elle, même s'il existe un minima européen, est tellement diluée dans le coût au kilomètre que l'on peut également considérer que cette taxe a très peu d'incidences sur la concurrence.
En revanche, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) accentue les distorsions de concurrence en faveur des transporteurs étrangers, qui ont la possibilité de faire leur plein à l'entrée du territoire national et d'échapper à cette taxe française. Je citerai quelques chiffres issus d'une simulation réalisée en 2022 par le Comité national routier (CNR) sur le coût d'usage des infrastructures, sur la base de 30 000 kilomètres parcourus par un camion en une année : la part des péages dans ce coût d'usage s'élève à 63 % - le montant des péages représente 7 170 euros - contre 35,9 % pour la TICPE et 1,2 % pour la taxe à l'essieu.
Si les péages constituent la composante qui pèse le plus, c'est bien la TICPE qui est à l'origine d'un avantage comparatif en faveur des transporteurs étrangers.
M. Gérard Lahellec. - Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants pour leur éclairage.
Je suis élu de la région Bretagne où les routes sont certes gratuites, mais où, je vous le rappelle, les « bonnets rouges » se sont mobilisés en 2013, à travers un certain nombre d'actions spectaculaires, contre la mise en place de la fameuse écotaxe telle qu'elle était envisagée - j'insiste sur ce point.
En vérité, la problématique des péages ne se pose pas seulement en région : elle soulève avant tout la question de l'acheminement des marchandises dont on a besoin pour vivre. Or le constat que nous faisons en Bretagne, comme ailleurs, est que, depuis la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), une entreprise implantée sur le littoral qui produit des denrées alimentaires doit aujourd'hui livrer son principal client vingt-sept fois par semaine contre neuf fois par semaine avant la mise en oeuvre de cette loi. Autrement dit, on a fait peser une pression supplémentaire sur le producteur et, par extension, sur le transporteur.
Cette situation a pour effet d'encourager la délocalisation de la production au plus près des lieux de consommation, ce qui pénalise une région comme la Bretagne, qui est à la fois périphérique et péninsulaire.
En taxant la distance parcourue, on aggrave cette distorsion. C'est pourquoi je suis défavorable à l'idée de relancer l'écotaxe. Dans ce contexte, M. Lanz, la mesure incitative la plus efficace ne consisterait-elle pas à obtenir de la part de l'État des dispositions plus favorables en matière de financement du report modal et, singulièrement, pour développer le transport combiné, plutôt qu'à stigmatiser les transporteurs routiers et les usagers de la route ?
M. Rodolphe Lanz. - Nous sommes les premiers clients des autres modes de transport de marchandises. Nous sommes par conséquent très favorables au report modal lorsqu'il est possible.
Je précise à ce titre que nous nous sommes engagés cette année dans un programme national de certificats d'économies d'énergie (C2E) sur le report modal et le verdissement des flottes de transport massifié (Remove), qui devrait nous permettre pour les trois ou quatre années à venir de sensibiliser et de former les acteurs au report vers le mode ferroviaire, le mode fluvial, voire vers le cabotage maritime.
Il n'empêche que, même si les objectifs gouvernementaux étaient atteints en termes de report modal vers le fleuve et le rail, la part du transport routier de marchandises ne passerait que de 89 % à 75 %.
Quoi qu'il en soit, il faut travailler à la fois sur le report modal et le verdissement de la flotte, ce qui implique des efforts importants en matière d'organisation du fret, ainsi qu'une sensibilisation plus forte des clients.
M. Jean-Claude Anglars. - L'État a cédé 10 000 kilomètres de routes nationales aux collectivités, régions et départements.
Je souhaite vous interroger, M. Lanz, sur le développement de nouvelles autoroutes : quel est votre point de vue à ce sujet ? Je pense en particulier à l'autoroute A69 reliant Toulouse et Castres et à la fin programmée de la RN88, c'est-à-dire l'axe Toulouse-Lyon passant par Albi et Rodez.
M. Rodolphe Lanz. -- Je ferai une réponse générale : tout ce qui peut contribuer à améliorer la qualité des infrastructures de transport routier de marchandises, d'une part, et permettre aux transporteurs routiers de travailler en sécurité et plus rapidement, d'autre part, est bienvenu.
La manière dont on développe le réseau routier concédé ou non concédé et l'argent qui doit être investi pour garantir des infrastructures de qualité doivent être au coeur des débats.
M. Jean-François Longeot, président. -- Je tiens à remercier nos trois intervenants pour les précisions qu'ils nous ont apportées et pour ces échanges qui contribueront à améliorer et à enrichir notre réflexion.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Bilan annuel de l'application des lois - Communication
M. Jean-François Longeot, président. - Comme chaque année à cette époque, notre commission doit remplir l'une des missions qui lui est dévolue, celle qui consiste à rendre compte du suivi de l'application des lois qu'elle a examinées au fond. Cet exercice, loin d'être anodin, procède d'une exigence constitutionnelle, celle de l'article 24 de la Constitution, et constitue l'une des facettes de la mission de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement.
Pour ce faire, au fil des années, le règlement du Sénat - les articles 19 bis A et 19 bis B en particulier - a évolué pour permettre aux commissions de mieux remplir leur office. Chaque année, leur président et les rapporteurs des lois concernées dressent en conséquence un bilan de l'application des lois relevant des compétences de la commission au 31 mars, soit six mois après la fin de la session précédente.
Naturellement, nous ne nous empêcherons pas de préciser, le cas échéant, si de nouvelles mesures d'application ont été publiées depuis cette date.
En vertu de l'article 19 bis A du règlement du Sénat, ces informations font ensuite l'objet d'un rapport de synthèse écrit, puis d'un débat en séance publique qui, cette année, aura lieu le mercredi 31 mai à seize heures trente. Il sera, je l'espère, l'occasion d'interpeller directement le Gouvernement sur les insuffisances constatées dans la mise en oeuvre des lois que nous avons votées.
Le bilan que je vous présente porte sur les lois promulguées au cours des dix dernières années jusqu'au 30 septembre 2022.
À titre liminaire, je souhaite attirer votre attention sur quelques constats généraux.
Quatre lois examinées au fond par notre commission sont entrées en vigueur au cours de la session parlementaire 2021-2022, contre une seule durant la session précédente.
Il s'agit de la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances (Ddadue), de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, plus connue sous le nom de loi « Reen 1 », et à laquelle nous sommes très attachés compte tenu de son origine sénatoriale, de la loi du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), loi dite « Reen 2 », et de la loi du 28 février 2022 ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.
Parmi ces textes, la loi Reen 2 et la loi relative à la Collectivité européenne d'Alsace sont déjà pleinement applicables. Je précise toutefois que ces deux lois prévoyaient un nombre très limité de mesures d'applications, trois décrets en l'occurrence.
Pour la loi Ddadue, qui prévoyait vingt-trois mesures d'application, dix-sept mesures ont d'ores et déjà été publiées, soit un taux d'application proche de 75 %, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Quant à la loi Reen 1, dont nos collègues Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte étaient les rapporteurs, seules deux des six mesures prévues ont été prises à ce jour par le Gouvernement, soit un taux d'application de 33 %, près de dix-huit mois après sa promulgation. Nous ne pouvons que le déplorer, surtout dans le contexte actuel qui implique de notre part des efforts accrus pour faire face à l'urgence climatique : le signal politique à envoyer doit être sans équivoque, quel que soit le secteur concerné.
S'agissant des textes plus anciens, parmi les trente-sept lois promulguées entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2022 relevant du champ de compétence de notre commission et nécessitant des mesures d'application, cinq devaient encore faire l'objet d'une ou plusieurs mesures d'application au 1er avril 2023.
Près de quatre-vingt mesures d'application de ces lois ont été prises entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023. La progression est cependant très inégale selon les textes : à titre d'exemple, le taux d'application de la loi « Climat et résilience » a sensiblement augmenté, passant de 10 % à 58 % en un an.
Par contraste, la progression est plus timide pour trois autres textes. Les taux d'application de la loi portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) de 2019, de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019 et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) de 2020 évoluent lentement, passant respectivement de 75 % à 88 %, de 89 % à 92 % et de 78 % à 83 %. On peut toutefois regretter que, près de quatre ans après leur promulgation, ces lois ne soient pas encore totalement applicables. J'émets également un regret en ce qui concerne la LOM, dans la mesure où, à ce jour, le Gouvernement n'a remis au Parlement que neuf des seize rapports prévus.
Plus préoccupant encore, les trois textes plus anciens que sont la loi Biodiversité de 2016, la loi Montagne de 2016 et la loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) de 2019, non seulement ne sont toujours pas intégralement applicables, mais n'ont été de surcroît l'objet d'aucune mesure d'application supplémentaire au cours des douze derniers mois.
Par ailleurs, je rappelle que, l'an dernier, notre commission, comme d'autres, s'était émue de l'accélération d'une tendance préoccupante, celle qui consiste pour le Gouvernement à recourir aux ordonnances dans de très nombreux domaines. Nous avions également déploré que l'exécutif ne soit souvent pas capable de publier ces ordonnances dans les délais qu'il s'est lui-même fixés.
Parmi les textes promulgués lors de l'année parlementaire 2021-2022 que notre commission a examinés au fond, seule la loi Ddadue prévoit le recours à des ordonnances. Pour ce texte, le Gouvernement a publié sept ordonnances permettant de couvrir dix-huit des vingt habilitations votées. Deux habilitations, faute d'avoir donné lieu à des ordonnances dans les délais impartis, sont devenues obsolètes, ce qui nous conforte notre perception du problème.
Après ces quelques remarques liminaires, je vais céder la parole à nos rapporteurs, afin qu'ils complètent cette analyse chiffrée par une approche plus qualitative.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la loi « Climat et résilience ». - Il me revient, avec mes collègues Philippe Tabarot et Pascal Martin, de dresser un état des lieux de l'application de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».
Au 31 mars 2022, cette loi présentait un taux d'application de 10 % seulement. Un an plus tard, nous constatons une accélération notable de la publication des textes réglementaires. Au 31 mars 2023, elle affichait ainsi un taux d'application de 58 %. En ne tenant compte que des mesures attendues pour des dispositions législatives déjà entrées en vigueur, ce taux s'élevait même à 65 %.
Si le rattrapage engagé doit être salué, il n'en demeure pas moins insuffisant : près de deux ans après la promulgation de la loi, près de soixante mesures d'application manquent encore à l'appel.
Le retard pris dans la mise en oeuvre de ce texte se double de l'inefficacité structurelle de la loi à remplir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France et de difficultés d'application, qui découlent à la fois d'une ambition réelle bien en deçà des discours et d'un déficit d'acceptabilité sociale de certaines mesures que le Gouvernement ne cherche pas à pallier par des efforts supplémentaires en termes de pédagogie et de sensibilisation.
La loi semble structurellement insuffisante pour nous permettre de respecter nos engagements climatiques internationaux. Pour le Haut Conseil pour le climat (HCC), les efforts devront doubler au cours de la décennie à venir : la baisse des gaz à effet de serre devra atteindre 4,7 % chaque année en moyenne pour la période 2022-2030.
L'analyse, secteur par secteur, atteste également du retard pris par la France : selon le HCC, parmi les vingt-cinq orientations sectorielles de la stratégie nationale bas-carbone, seules six bénéficient des mesures requises pour atteindre les budgets carbone. Face à ces évolutions particulièrement inquiétantes, la planification climatique voulue par le Gouvernement et esquissée par la loi Climat et résilience peine toujours à se concrétiser.
Les feuilles de route de décarbonation, dont l'élaboration pour chaque secteur d'activité fortement émetteur de gaz à effet de serre était prévue au plus tard le 1er janvier 2023 par l'article 301 de la loi, n'ont toujours pas été publiées.
Enfin, près d'un an après sa création, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), placé directement auprès de la Première ministre, n'a toujours pas présenté son plan d'action pour atteindre les objectifs climatiques de la France.
M. Philippe Tabarot, rapporteur de la loi « Climat et résilience ». - S'agissant du volet relatif aux transports de la loi « Climat et résilience », je souhaite aborder deux principaux points.
D'abord, je tiens à évoquer la question des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Nous avions mis en garde le Gouvernement sur les risques de creusement des inégalités sociales, voire de fracture territoriale, en cas de déploiement trop rapide des ZFE-m. Nous avions proposé plusieurs mesures pour mieux étaler les restrictions de circulation dans le temps et rendre ce dispositif plus acceptable.
Seule avait été conservée dans le texte, dans une version moins ambitieuse cependant, notre proposition de créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de véhicules peu polluants. Si les décrets d'application ont fini par être publiés - et je m'en réjouis -, les paramètres retenus limitent la portée de cette mesure. Du reste, peu voire aucune banque n'a encore, à ma connaissance, mis en place ce prêt à ce jour.
D'après le ministère, les projets de convention entre les établissements de crédit et les sociétés de financement, qui seront conclus en application de cette disposition, ont fait l'objet de discussions et devraient être publiés très prochainement. Je m'en réjouis, mais je regrette ce retard, alors que l'expérimentation - de deux ans seulement ! - devait débuter le 1er janvier 2023.
Au-delà de ce retard en matière d'accompagnement, il faut noter que le dispositif de contrôle de la mise en oeuvre des ZFE-m accuse lui aussi beaucoup de retard, ce qui n'incitera pas nos concitoyens à se conformer à la nouvelle réglementation : l'exécutif annonce son application au deuxième semestre 2024, mais nous sommes réservés sur sa capacité à respecter cette échéance. Je conduis une mission flash sur le sujet, laquelle permettra de formuler de nouvelles propositions, afin d'améliorer l'acceptabilité du dispositif.
J'en viens à mon second point, à savoir l'article 145 de loi « Climat et résilience » qui interdit les vols réguliers intérieurs en cas d'alternative ferroviaire de moins de deux heures trente sans correspondance avec plusieurs liaisons par jour.
Son application nécessitait la parution d'un décret en Conseil d'État, qui a d'abord été envisagée en mars 2022, mais qui a été retardée du fait de discussions avec la Commission européenne. Cette dernière a considéré que le fait d'exclure de son champ d'application les vols utilisés majoritairement en correspondance, comme l'avait prévu le législateur, constituait une distorsion de concurrence. Le Gouvernement y a donc renoncé, et un nouveau projet de décret a été élaboré.
Afin de prendre en compte le cas des passagers en correspondance, il a été décidé que, lorsque le plus important des deux aéroports concernés en termes de trafic est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare retenue serait celle qui dessert cet aéroport, en pratique la gare de Roissy TGV.
Ce choix, auquel s'ajoute l'obligation d'un minimum de huit heures de présence sur place dans la journée, a conduit à exclure de nombreuses lignes du dispositif. Or ce critère des huit heures est pertinent pour les voyageurs faisant l'aller-retour de ville à ville dans la journée, et non pour ceux qui empruntent une correspondance.
Ce cumul, qui limite la portée de la loi, est donc discutable. En pratique, seules trois lignes sont concernées par l'interdiction : les lignes entre Paris-Orly et Bordeaux, entre Paris-Orly et Nantes, et entre Paris-Orly et Lyon. Or elles ont été fermées avant même la parution du décret, vraisemblablement dans le cadre d'un accord entre l'État et Air France.
Il me revient maintenant de présenter les articles qui étaient plus particulièrement suivis par notre collègue Pascal Martin, excusé ce matin.
Celui-ci souhaitait partager un certain nombre d'observations avec vous, notamment sur la mise en oeuvre de la réforme relative à l'adaptation des territoires face au recul du trait de côte, sur laquelle pèsent des incertitudes financières que nous avions identifiées dès l'examen du texte au Sénat, ainsi que des incertitudes juridiques apparues ces derniers mois.
Pour ce qui est du financement de la réforme, un certain nombre de crédits au sein du fonds vert doivent financer la réalisation de cartographies d'exposition au recul du trait de côte par les collectivités et de certaines opérations de relocalisation. Toutefois, les communes littorales sont dans l'attente d'un dispositif pérenne, afin de prendre en charge ces dépenses à moyen et long terme.
En mars dernier, le Gouvernement a lancé un Comité national du trait de côte (CNTC), qui doit formuler des propositions en vue du projet de loi de finances pour 2025.
Sur le plan juridique, l'Association nationale des élus du littoral (Anel) nous a alertés sur le fait que, parmi les cent vingt-six communes censées, d'après le décret d'avril 2022, mettre en oeuvre la réforme, quarante communes ne seraient en fait pas concernées par l'érosion du littoral.
La difficulté résulterait de l'ambiguïté à la fois de la loi et du discours du Gouvernement, qui renvoient alternativement à l'érosion du littoral et au recul du trait de côte, alors que ces deux phénomènes ne sont pas strictement identiques. Les risques de contentieux pourraient se multiplier, notamment pour ce qui est des opérations de recomposition spatiale décidées localement par les élus.
Une clarification de la loi semble nécessaire : il conviendrait d'interpeller le Gouvernement sur ce point, d'autant qu'il prévoit de compléter la liste des communes appelées à mettre en oeuvre cette réforme dans les prochains mois.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la loi Agec. - La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, doit beaucoup à l'implication et au travail de notre commission, qui a largement complété et beaucoup enrichi le texte initial.
L'implication du Sénat dans l'élaboration d'un texte auquel il a très largement contribué exige un suivi particulièrement attentif de son application, afin que l'ambition du législateur soit pleinement et fidèlement retranscrite par le pouvoir réglementaire.
Après un exercice 2021-2022 marqué par une accélération de la mise en oeuvre de la loi, les chiffres pour l'exercice 2022-2023 attestent d'une stabilisation des taux d'application.
Cette année, au 31 mars, le taux d'application de la loi Agec était ainsi de 87 %. Au total, ce taux s'élève à 84 %, si l'on tient compte des mesures d'application de dispositions législatives dont l'entrée en vigueur est différée. La loi Agec entre donc progressivement dans la vie des Français, comme chacun d'entre vous l'a constaté sur le terrain.
Ce motif de satisfaction ne doit pas occulter les retards pris dans les premiers mois ayant suivi la promulgation du texte, pas plus que certaines difficultés d'application persistantes.
La première difficulté que j'identifie porte sur le plan national de prévention des déchets (PNPD) 2021-2027, qui a enfin été publié par un arrêté du mois de mars 2023, avec un retard de deux ans sur le calendrier prévu. Ce PNPD a le mérite de synthétiser notre politique en la matière, tout en rappelant, dans l'esprit de la loi Agec, la priorité donnée à l'amont - via l'écoconception et la réparation par exemple -sur l'aval.
Mais, en dépit de ces aspects positifs, le plan se contente pour l'essentiel de traduire les avancées de la loi Agec et de ses textes d'application, et plus récemment de la loi « Climat et résilience » : le PNPD s'apparente ainsi à un catalogue de mesures qui, pour la plupart, existent déjà, sans complément ni approfondissement. Le plan semble également trop imprécis : les indicateurs chiffrés, les calendriers d'application ou les moyens financiers et humains qu'induisent les mesures proposées sont trop peu détaillés.
La deuxième difficulté a trait aux retards pris dans la mise en place des nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur (REP), notamment la REP bâtiment, ce qui est préjudiciable au développement de l'économie circulaire dans notre pays et limite la prise en charge des coûts aujourd'hui supportés par les collectivités territoriales au titre du service public de gestion des déchets.
La troisième et dernière difficulté concerne la consigne pour recyclage ou réemploi sur les emballages. Je vous rappelle que nous avons déjà exprimé notre mécontentement à propos de la méthode de concertation retenue par le Gouvernement, qui est contraire à l'esprit de la loi. Notre commission a souhaité exercer une vigilance renforcée quant à cette concertation : tel est le sens de la mission d'information que nous avons créée et dont je suis la rapporteure. Je vous présenterai le fruit de ses travaux au mois de juin prochain.
M. Didier Mandelli, rapporteur de la loi d'orientation des mobilités. - S'agissant de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui a été publiée en décembre 2019, le taux d'application n'a que très légèrement progressé, puisqu'il s'établit à 92 % au 31 mars 2023, contre 89 % un an plus tôt. Plus de trois ans après sa publication, le texte est donc presque totalement applicable, mais je regrette que certaines mesures viennent encore à manquer.
À titre d'exemple, le cadre réglementaire de l'ouverture à la concurrence des réseaux de transport public urbain par autobus de la RATP reste à ce jour inachevé. Ainsi, nous attendons toujours l'un des décrets prévus en application de l'article 158 de la loi relatif à la portabilité de certains droits des salariés qui pourraient changer d'employeur.
À moins de deux ans de l'échéance de l'ouverture à la concurrence, fixée au 1er janvier 2025, la finalisation de ce cadre réglementaire doit être une priorité : il s'agit d'une condition indispensable pour la réussite du processus, mais aussi d'une réponse au besoin d'informer au plus tôt les salariés sur les conditions précises des éventuels transferts à venir.
Au-delà des textes réglementaires d'application manquants, le déploiement de certains dispositifs n'a peut-être pas encore tout à fait atteint l'ampleur escomptée.
S'agissant du forfait mobilités durables, plusieurs ajustements bienvenus ont été apportés pour en renforcer l'efficacité, parfois sur l'initiative de notre commission. Je pense en particulier à l'augmentation, votée dans le cadre de la loi « Climat et résilience », du plafond de l'avantage fiscal résultant du cumul du forfait mobilités durables et de la participation de l'employeur aux frais de transports publics.
Aussi, d'après le deuxième baromètre relatif au forfait mobilités durables, le degré d'application du dispositif progresse : 38 % des employeurs ayant répondu ont déclaré l'avoir mis en place, contre 26 % d'entre eux en 2021.
Toutefois, beaucoup reste à faire. Les deux principaux freins au déploiement du forfait mobilités durables restent l'enveloppe budgétaire à allouer et le manque de compréhension et d'information sur le sujet.
Enfin, au-delà de la seule application de la LOM, se pose désormais la question de l'après-LOM.
La loi d'orientation des mobilités prévoyait l'évolution des dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) pour la période 2019-2023, année par année, ainsi qu'une enveloppe globale pour la période 2023-2027, sans que la trajectoire par année soit détaillée.
L'article 3 prévoit que la loi doit faire l'objet d'une première actualisation au plus tard le 30 juin 2023, puis tous les cinq ans. Il semble peu probable que cette échéance soit respectée, ce qui est pour le moins regrettable.
Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) ayant présenté plusieurs scénarios d'investissement pour la période 2023-2042, l'actualisation de la LOM constitue aujourd'hui une priorité.
Cet exercice devrait à mon sens s'accompagner d'une réflexion plus globale sur le mode de financement des infrastructures de transport. Nos collègues rapporteurs pour avis du projet de loi de finances relèvent ainsi chaque année les limites et les fragilités du modèle actuel, qui fait reposer des dépenses certaines sur des recettes incertaines - je pense à la contribution du secteur aérien, aux amendes radars ou à la contribution volontaire exceptionnelle à Afit France.
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la loi Ddadue. - Il m'incombe de vous présenter un état des lieux de l'application de la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances, dite loi Ddadue « transport et environnement ».
Je rappelle que ce texte, très hétéroclite, avait fait l'objet de deux délégations au fond, l'une à la commission des finances, l'autre, sur un nombre plus limité d'articles, à la commission des affaires étrangères.
Un an et demi après la promulgation de cette loi, son bilan d'application est déjà très satisfaisant : elle affiche un taux d'application de 74 %. S'agissant plus particulièrement des trente-cinq articles sur quarante-neuf ayant été examinés au fond par notre commission, le bilan est encore plus positif, puisque l'ensemble des mesures prévues ont été publiées.
Ce texte comportait, en outre, une vingtaine d'habilitations à légiférer par voie d'ordonnances, dont toutes ont été prises par le Gouvernement dans les délais imposés.
Je citerai l'ordonnance n° 2022-830 du 1er juin 2022, qui vise à instaurer des procédures de contrôle de l'alcoolémie et de l'usage de stupéfiants dans le domaine de l'aviation civile, à la suite du crash de l'A320 de la compagnie Germanwings survenu dans les Alpes du Sud françaises le 24 mars 2015.
En dépit de ce bilan quantitatif très satisfaisant, un point appelle, selon moi, une vigilance toute particulière : les moyens à la disposition de l'Autorité de régulation des transports (ART).
La loi a étendu le champ des missions du régulateur des transports dans les domaines du transport aérien et des autoroutes. D'une part, l'article 6 a renforcé les missions de l'ART en matière de régulation aéroportuaire, en lui conférant notamment une mission de suivi économique et financier du secteur. D'autre part, l'article 13 lui a attribué trois nouvelles missions dans le cadre de la mise en oeuvre du service européen de télépéage, notamment une mission de conciliation en cas de différend entre les prestataires de ce service et les percepteurs des péages, c'est-à-dire les concessions autoroutières.
On peut se réjouir d'un tel renforcement des pouvoirs de l'ART, qui est désormais un véritable régulateur multimodal. Cependant, il nous faudra être attentifs à ce que les moyens financiers de cette autorité suivent l'évolution de ses missions. Dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2023, Philippe Tabarot et Hervé Gillé, respectivement rapporteurs pour avis des crédits budgétaires relatifs au transport ferroviaire et au transport routier, ont d'ailleurs défendu un amendement visant à relever de 14 millions d'euros le montant de la subvention pour compensation de charges de service public de l'ART, afin de tenir compte de l'extension récente de ses missions. Adoptée par le Sénat, cette mesure n'a malheureusement pas franchi le cap de la navette parlementaire.
Entendu en audition plénière par notre commission le 5 avril dernier, Bernard Roman, ancien président de l'ART, n'avait pas caché son découragement, rappelant qu'en six ans les ressources de cette autorité n'avaient augmenté que de 20 %, tandis que le nombre de ses agents a augmenté de 70 %. Or, comme il l'a indiqué, « aucune autorité ne peut fonctionner correctement et affirmer son indépendance si elle n'a pas les moyens de son expertise ».
Dans le même esprit, il est primordial que le Gouvernement procède rapidement à la nomination du nouveau président de l'ART, puisque le mandat de Bernard Roman a pris fin en août 2022. Pour exercer l'intégralité de ses missions dans de bonnes conditions, l'ART a besoin de visibilité, tant sur le plan financier que sur celui de la gouvernance. J'appelle donc notre commission à maintenir sa vigilance sur ce point.
M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la loi relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace. - L'an passé, notre commission a examiné un texte visant à ratifier trois ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA).
Cet exercice nous avait permis d'enrichir considérablement et de compléter le contenu de ces ordonnances, dans le droit fil des recommandations du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.
La plupart de ces apports concernaient l'ordonnance relative aux modalités d'instauration d'une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d'Alsace. Cette possibilité a été donnée à la CEA compte tenu du report significatif qu'elle subit sur ses routes depuis la création d'une taxe sur le fret routier en Allemagne.
Si le taux d'application de la loi s'élève à 100 %, plusieurs décrets restent à prendre en application des ordonnances. Le ministère nous a indiqué qu'ils étaient en cours d'élaboration et faisaient l'objet d'une concertation avec la CEA. A priori, cette taxe devrait être mise en place d'ici 2025. Plusieurs étapes de concertation et d'études devraient en déterminer les modalités.
En outre, l'examen d'une nouvelle loi Ddadue en début d'année a permis de mettre en cohérence cette ordonnance avec la révision de la directive Eurovignette, donnant ainsi à la Collectivité européenne d'Alsace une plus grande capacité d'anticipation.
Nous suivrons évidemment attentivement les différentes étapes de mise en oeuvre de cette taxe.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur des lois Reen. - La loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, dite loi « Reen 1 », et la loi du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), dite loi « Reen 2 », sont issues des travaux de notre commission. Il est donc particulièrement légitime que nous assurions un suivi précis de leur application.
La loi Reen 1 présente l'avantage de comporter de nombreux dispositifs d'application directe : elle se caractérise par un faible nombre de mesures d'application attendues, avec seulement six décrets d'application pour trente-six articles.
Au 31 mars 2023, seuls deux décrets avaient été publiés, ce qui porte le taux d'application du texte à 33 %. Depuis cette date, un troisième décret a paru. Trois décrets sont encore attendus, dont deux décrets qui doivent préciser les modalités de mise en oeuvre de l'écoconditionnalité de l'avantage fiscal attribué aux centres de données en matière d'électricité.
Alors que la France fait face à une crise énergétique et une crise de l'eau sans précédent, qui vont s'aggraver dans les années à venir en raison du réchauffement climatique, aucun secteur ne peut être dispensé des efforts à mener pour la préservation de nos ressources énergétiques et naturelles. Nous appelons donc à la publication rapide de ces décrets, qui inciteront les centres de données à rationaliser leurs consommations d'énergie et d'eau.
Par ailleurs, lors de l'examen de la loi Reen, notre commission a regretté le choix des députés et du Gouvernement d'assujettir les reconditionnés à la redevance pour copie privée, qui contrevient à l'objectif visé par la loi. C'est également l'avis de la Commission supérieure du numérique et des postes rendu le 27 mars dernier. Plus que jamais, la Commission pour la rémunération de la copie privée doit faire machine arrière et le Gouvernement doit prendre ses responsabilités, en exigeant d'elle l'exonération des reconditionnés.
Le taux d'application de la loi sur la régulation environnementale du numérique, texte venu compléter la loi Reen 1, atteint aujourd'hui 100 % : le texte est donc aujourd'hui pleinement applicable.
La collecte de données par l'Arcep a permis la publication des deux enquêtes annuelles pour un numérique soutenable en avril 2022 et en avril 2023, avec de premiers indicateurs sur le seul champ des opérateurs de télécommunication.
En 2023, l'Arcep étend sa collecte de données à de nombreux autres acteurs, notamment aux fabricants de terminaux. La prochaine édition de l'enquête annuelle pour un numérique soutenable, intégrant ces nouvelles données, devrait paraître en fin d'année.
Proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic - Désignation d'un rapporteur
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je vous propose de procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, déposée le 1er mai dernier par notre collègue Vincent Capo-Canellas.
À la demande du groupe Union Centriste, le texte sera examiné en séance publique le jeudi 15 juin 2023. Par conséquent, son examen en commission se déroulera lors de la semaine du 5 juin.
Cette proposition de loi comporte un article unique qui prévoit que les contrôleurs aériens, en cas de mouvement de grève, devront déclarer individuellement leur participation à celui-ci au plus tard l'avant-veille du mouvement.
Actuellement, l'absence d'une telle obligation aboutit à de très nombreux retards et annulations de vols, y compris au dernier moment, même dans les cas où le nombre de grévistes est très faible, du fait de l'impossibilité de réorganiser les services en temps utile.
L'auteur du texte propose une obligation de déclaration individuelle, afin de corriger cette situation, si bien que la contraction de la circulation aérienne serait en adéquation avec l'ampleur et la participation au mouvement.
Cette obligation existe déjà depuis 2012 pour les autres travailleurs du secteur aérien, à l'instar du personnel navigant, ainsi que dans les autres secteurs du transport, notamment dans le transport ferroviaire de voyageurs.
Pour la bonne information de tous, je rappelle que notre commission s'était déjà prononcée en faveur d'une telle obligation en 2018 dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Mme Évelyne Perrot. Je vous propose donc de la désigner en qualité de rapporteure.
La commission désigne Mme Évelyne Perrot rapporteure sur la proposition de loi n° 553 (2022-2023) relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic.
Projet de loi relatif à l'industrie verte - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons enfin procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l'industrie verte.
Ce texte devrait être présenté en conseil des ministres le 16 mai prochain et devrait commencer sa navette parlementaire au Sénat, avec notamment un passage en commission la semaine du 12 juin prochain, probablement le mardi 13 juin dans l'après-midi, avant un examen en séance publique la semaine du 19 juin 2023. Ces dates sont en attente de confirmation.
Compte tenu de ce calendrier très resserré, il me semble opportun que nous anticipions et que nous désignions un rapporteur dès à présent.
L'avant-projet de loi transmis pour avis au Conseil d'État comporte quatorze articles. Son objectif principal - favoriser la réindustrialisation du pays - justifie son renvoi au fond à la commission des affaires économiques, mais le projet de loi revêt également une importante dimension environnementale. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a d'ailleurs été saisi de l'avant-projet de loi.
Selon le Gouvernement, le texte vise à répondre à deux objectifs environnementaux distincts : d'une part, faire de la France la championne de l'industrie verte et des technologies qui permettront la décarbonation ; d'autre part, accompagner l'industrie, qui représente aujourd'hui 19 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dans son virage vers la décarbonation.
Compte tenu de cette dimension environnementale et des leviers activés - je pense à la consultation du public, aux autorisations environnementales, au développement de l'économie circulaire, à la protection de la biodiversité ou encore au verdissement de la commande publique -, notre commission sera pleinement concernée. C'est pourquoi je vous propose de nous saisir pour avis sur ce texte.
Sur le fondement de l'avant-projet de loi, je peux d'ores et déjà vous dire que notre commission pourrait se voir accorder des délégations au fond sur cinq articles : l'article 2, qui tend à réviser les modalités de consultation du public et à adapter la procédure de délivrance de l'autorisation environnementale, l'article 2 bis, qui prévoit une adaptation des consultations réalisées sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), l'article 3, qui vise à faciliter la sortie du statut de déchet et à mettre en place des amendes administratives en cas de transfert illicite de déchets en dehors du territoire national, l'article 6, qui prévoit de remplacer les sites naturels « de compensation » par les sites naturels « de restauration et de renaturation », ce qui permettrait aux porteurs de projet de réaliser par anticipation des opérations de compensation au titre de la biodiversité, l'article 9, enfin, qui comporte plusieurs dispositions tendant à « verdir » la commande publique : j'évoquerai principalement l'extension du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables à l'ensemble des acheteurs publics et la possibilité pour l'acheteur ou l'autorité concédante d'exclure d'un marché ou d'un contrat de concession les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d'établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre.
J'ai le plaisir de vous indiquer que cette répartition, qui devra être confirmée après la présentation du projet de loi en conseil des ministres, a fait l'objet d'une concertation avec la commission des affaires économiques, qui devrait donc être saisie au fond, ainsi qu'avec deux autres commissions, celle des finances et celle des lois, qui devraient également bénéficier de délégations au fond pour ce qui concerne les articles relevant de leurs compétences.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de M. Fabien Genet. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur pour avis.
La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi relatif à l'industrie verte, sous réserve de son dépôt, et désigne M. Fabien Genet rapporteur pour avis.
La réunion est close à 11 h 30.
Résultat du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public
Après dépouillement du scrutin, le mercredi 10 mai 2023, simultanément à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP), le résultat du vote est le suivant :
Nombre de votants : 38
Bulletins blancs : 2
Suffrages exprimés : 36
Pour : 8
Contre : 28
La commission a donc donné un avis défavorable à la nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP).
La réunion est close à 11 h 30.