Mardi 28 mars 2023
- Présidence de M. Jean-Marie Mizzon, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition des représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) - Mmes Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, présidente de la commission Éducation, sport et culture de l'ADF, Marie Cieters, vice-présidente du conseil départemental du Nord, chargée de l'éducation et des collèges, Cécile Dumoulin, vice-présidente du conseil départemental des Yvelines, chargée des collèges et du numérique scolaire, Nathalie Léandri, vice-présidente du conseil départemental des Hauts-de-Seine, chargée de l'éducation et du numérique éducatif, et M. Éric Ferrère, vice-président du conseil départemental de La Réunion, délégué aux travaux bâtimentaires et à la valorisation du patrimoine
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Cette semaine, le programme de notre mission d'information est consacré aux représentants des associations d'élus. Nous commençons cette séquence décisive de nos travaux par l'échelon départemental.
Je remercie l'Assemblée des départements de France (ADF) de participer à cette audition et souhaite la bienvenue à Mme Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, présidente de la commission Éducation, sport et culture de l'ADF, accompagnée de M. Stéphane Magnin, directeur des bâtiments ; à Mme Marie Cieters, vice-présidente du conseil départemental du Nord, chargée de l'éducation et des collèges, accompagnée de M. Philippe Bertout, directeur des bâtiments ; à Mme Cécile Dumoulin, vice-présidente du conseil départemental des Yvelines, déléguée aux collèges et au numérique scolaire, accompagnée de M. Benoît Gars, directeur général adjoint chargé de la ville, du patrimoine et de la construction ; à Mme Nathalie Léandri, vice-présidente du conseil départemental des Hauts-de-Seine, chargée de l'éducation et du numérique éducatif, accompagnée de M. Pol Creignou, directeur général adjoint chargé de l'éducation, de la maintenance et de la construction et de Mme Sandrine Le Morvan, chargée des relations institutionnelles et parlementaires ; à M. Éric Ferrère, vice-président du conseil départemental de La Réunion, délégué aux travaux bâtimentaires et à la valorisation du patrimoine ; à Mme Marylène Jouvien, responsable des relations avec le Parlement à l'ADF ; à Marion Nahant, conseillère chargée de l'éducation à l'ADF ; et à Édouard Guillot, conseiller chargé de l'environnement à l'ADF.
Je salue la présence de M. Ferrère en visioconférence : notre mission d'information souhaite intégrer les problèmes spécifiques aux outre-mer à sa réflexion. En outre, nous entendrons prochainement le directeur du Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (Cirbat), ainsi que la directrice du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de La Réunion. Nous conduirons également des auditions avec les recteurs de certaines académies ultramarines.
Notre objectif est non seulement d'évaluer les besoins de rénovation des écoles, des collèges et des lycées liés à la transition écologique, mais aussi d'identifier les défis - notamment juridiques et financiers - de cette rénovation pour les collectivités territoriales, et, surtout, d'évaluer l'efficacité de l'accompagnement des élus locaux, notamment leur accès à l'information et à l'expertise.
Je rappelle également que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport, et que son enregistrement vidéo sera accessible sur le site du Sénat.
Un questionnaire vous a été adressé en amont de cette réunion : nous n'aurons vraisemblablement pas le temps d'épuiser cet après-midi tous les sujets qu'il comporte, mais vous pourrez nous adresser par la suite des éléments écrits qui enrichiront notre réflexion.
Avant de vous donner la parole, notre rapporteure, Nadège Havet, va vous poser une première série de questions.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Nous avons besoin de votre éclairage pour aborder notre sujet du point de vue très concret des élus départementaux.
Tout d'abord, quels sont, au vu des enjeux écologiques, énergétiques et climatiques actuels, les principaux besoins des collèges en matière de bâti scolaire et les opérations de réhabilitation les plus urgentes ?
Compte tenu des travaux déjà effectués à ce jour dans ce domaine, quelle est la proportion de collèges nécessitant une réhabilitation pour se conformer aux règles fixées par le décret dit « tertiaire » de 2019, qui vise à diminuer les dépenses liées à l'énergie et à mieux affronter les périodes de forte chaleur ? Le coût de ces opérations a-t-il été évalué ?
Mme Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, présidente de la commission Éducation, sport et culture de l'ADF. - Les lois de décentralisations ont 40 ans : à l'époque, les conseils départementaux ont récupéré des bâtis qui se trouvaient dans un état vétuste. Ainsi ont-ils dû multiplier les remises à niveau des collèges : depuis 1982, le budget de réhabilitation et de construction a été multiplié par cinq - la Cour des comptes a d'ailleurs dressé un bilan positif de notre action.
Nous sommes très attentifs au bien-être des collégiens. De plus, nous abordons les réhabilitations et les constructions avec le souci de répondre au défi de la transition écologique. Nous avons ainsi élaboré un référentiel collège, conçu en coopération avec la communauté éducative. Je suis sûre que mes collègues ont adopté une démarche similaire pour construire le collège de demain.
Je rappelle que les collèges comprennent aussi des gymnases et des internats. À la transition écologique s'ajoute une transition sociétale : nos jeunes n'ont pas la même idée du confort que nous et il a fallu nous adapter. Nous élaborons donc des espaces fonctionnels et modulables, dans la limite des contraintes qui nous sont imposées par l'environnement du bâtiment. Nous sommes également attentifs à la qualité des matériaux, qui sont souvent biosourcés. Le volet énergétique occupe, lui aussi, une place importante, avec les plans d'isolation, la performance énergétique ou le suivi des consommations, entre autres. L'un des derniers collèges construits par le conseil départemental est tapissé de panneaux photovoltaïques sur 700 mètres carrés. Nous n'avons pas attendu la crise énergétique pour réfléchir aux économies possibles sur nos dépenses de fonctionnement !
L'année dernière, nous avons reçu un guide du bâti scolaire, élaboré par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. C'est bien là le problème : celui-ci a été écrit dans les bureaux des ministères, loin de la réalité du terrain. Il faut tenir compte de la diversité des territoires : par exemple, on n'utilise pas les mêmes matériaux partout. Je suis dubitative sur cette démarche qui, par ailleurs, nous met souvent en porte-à-faux vis-à-vis de la communauté éducative.
Enfin, les collectivités territoriales ne disposent plus de marge de manoeuvre financière. Des plans pluriannuels d'investissement s'imposent, eu égard au coût de construction d'un nouveau collège - entre 25 et 30 millions d'euros. Les aides sont parfois insuffisantes. Certes, nous pouvons recourir au fonds vert, mais il faut souvent répondre aux appels à projets en quinze jours : c'est trop court, à moins de disposer d'un dossier déjà ficelé.
Mme Marie Cieters, vice-présidente du conseil départemental du Nord chargée de l'éducation et des collèges. - Beaucoup de choses ont déjà été dites. Le Nord est un département hors normes, avec 202 collèges publics, qui comptent 882 logements de fonction. La question de la transition écologique est au coeur de nos préoccupations.
Outre des crédits alloués à la rénovation et à la reconstruction, une enveloppe spécifique, consacrée aux gros entretiens de rénovation (GER) s'inscrit dans la démarche Nord durable et vise à favoriser l'étanchéité et l'isolation des toitures-terrasses, le déploiement de la gestion technique des bâtiments (GTB) pour l'ensemble des collèges, l'installation de panneaux solaires et photovoltaïques pour développer l'autoconsommation lorsque cela est possible, ou encore le remplacement de l'éclairage des salles de classe par des LED.
Nous avons eu recours à un contrat de performance énergétique (CPE) au profit de quatre collèges de l'Avesnois, en vue de réaliser des économies substantielles. La moyenne d'âge de nos établissements est de 27 ans. Nous visons le label haute qualité environnementale (HQE) pour toute nouvelle opération : par exemple, un collège en cours de construction à Cambrai bénéficiera d'une ossature en bois.
Nous devons encore réhabiliter une quarantaine de collèges afin d'améliorer leur performance énergétique.
M. Philippe Bertout, directeur des bâtiments du conseil départemental du Nord. - La moitié de nos collèges ont été reconstruits et environ 60 d'entre eux ont fait l'objet d'une réhabilitation lourde. Afin de nous conformer aux dispositions du décret « tertiaire » applicables en 2030, nous visons un gain de 5 %, soit 7 millions de kilowatts sur notre consommation annuelle. Les 30 derniers collèges reconstruits ont fait l'objet d'une certification HQE.
Une concertation avec la communauté éducative précède toute opération de rénovation ou de reconstruction. Un collège n'est pas un objet monolithique et le modèle n'est pas unique : il faut l'adapter aux contraintes locales et aux besoins des équipes. En outre, la rénovation énergétique ne doit pas être dissociée du reste du projet. Les pratiques éducatives et les effectifs des collèges évoluent : cela suppose un minimum d'adaptations fonctionnelles, notamment pour l'accueil des élèves handicapés. C'est pourquoi nos projets reposent rarement sur les seules opérations de rénovation thermique. En moyenne, le budget d'une réhabilitation importante se décompose ainsi : un tiers pour l'amélioration énergétique du bâtiment, un autre pour les adaptations fonctionnelles et le dernier tiers pour la mise aux normes.
Prétendre aux financements du fonds vert suppose d'avoir mené des études techniques préalables, mais encore faut-il en avoir les moyens, sinon le dossier n'est pas éligible. De plus, les délais de réponse sont très courts : cela pose un problème réel aux petites collectivités territoriales, qui ne disposent pas des moyens techniques et humains suffisants. En ce qui nous concerne, nous avions déjà engagé plusieurs diagnostics, qui nous avaient permis d'identifier des collèges prioritaires : sans cela, nous n'aurions pas pu réagir aussi rapidement.
Mme Marie Cieters. - C'est un vrai problème. Certes, ce sont des dispositifs intéressants, mais ceux-ci ne portent que sur l'amélioration thermique des collèges, alors que nous devons aussi gérer les autres aspects fonctionnels des bâtiments.
M. Philippe Bertout. - Entre 2021 et 2023, notre facture énergétique est passée de 11 millions d'euros à 35 millions d'euros.
Mme Cécile Dumoulin, vice-présidente du conseil départemental des Yvelines, chargée des collèges et du numérique scolaire. - Le département des Yvelines compte 115 collèges, soit 760 000 mètres carrés et 82 % de notre patrimoine bâti.
Nous n'avons pas attendu les préconisations du décret « tertiaire » pour mener des actions importantes en faveur de la sobriété énergétique ; je pense au maintien du chauffage à 19 degrés, à la modernisation de nos installations de chauffage ou encore au raccordement des collèges au réseau de chaleur urbaine. Ainsi, notre consommation énergétique a été réduite de 17 % entre 2017 et 2022. Nous avons mené un audit entre 2020 et 2021 : 79 collèges avaient besoin d'une rénovation thermique. Nous avons pour objectif de faire de 15 collèges des bâtiments très peu énergivores, pour un montant de 750 millions d'euros. Entre 65 et 70 collèges seront équipés de toitures solaires, pour un coût de 10 millions d'euros : ce type d'opération permet un retour sur investissement rapide. En outre, 24 établissements bénéficieront d'un CPE portant sur la rénovation du système de chauffage et de ventilation, pour 35 millions d'euros, ce qui permettra de diminuer la consommation énergétique de 24 %.
Cela dit, 50 collèges doivent encore être rénovés. Nous avons adopté une approche globale : en plus du référentiel sur l'écologie, un référentiel fonctionnel a aussi été élaboré. D'ici à la fin du mandat, une dizaine de collèges seront réhabilités, pour un montant de 80 millions d'euros. La rénovation totale de tous les établissements coûterait 400 millions d'euros.
Nous avons également lancé un plan de végétalisation des cours de récréation pour 50 collèges, à hauteur de 80 millions d'euros.
Grâce à ces mesures, nous atteindrons les objectifs qui nous ont été assignés pour 2030. Le conseil départemental des Yvelines dispose de ressources importantes : notre budget d'investissement s'élève à 420 millions d'euros pour l'année 2022. Toutefois, je rejoins mes collègues : il est difficile de mobiliser les crédits du fonds vert, qui sont insuffisants - seulement 4,2 millions d'euros pour le département en 2023. Plutôt que de répondre à des appels à projets, je plaide en faveur d'une contractualisation de nos relations avec l'État : une telle approche renforcerait nos politiques et nous permettrait d'atteindre les objectifs qui nous ont été fixés.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Vous avez évoqué le recours à un CPE. Celui-ci vise-t-il à l'achat de matériel domotique ?
Mme Cécile Dumoulin. - Le CPE porte sur la rénovation des systèmes de ventilation, de chauffage et d'éclairage. Les titulaires du marché assurent à la fois les investissements et la maintenance.
Mme Nathalie Léandri, vice-présidente du conseil départemental des Hauts-de-Seine, chargée de l'éducation et du numérique éducatif. - Nous retrouvons dans les Hauts-de-Seine de nombreux éléments déjà évoqués à propos des Yvelines. Notre département compte 93 collèges, qui représentent les trois quarts du bâti du conseil départemental. Nous avons dix projets de bâti neuf, pour une somme de 500 millions d'euros engagée jusqu'en 2028, avec des gains attendus de consommation énergétique pouvant atteindre 54 %. En moyenne, nous attribuons 35 millions d'euros par collège, avec un référentiel de HQE.
Depuis 2019, nous avons initié les CPE dans 62 collèges. Le retour sur investissement est considérable : la consommation énergétique, qui avait baissé de 10 % il y a trois ans, baisse aujourd'hui de 30 %, et nous sommes confiants pour l'objectif fixé en 2031.
Pour nos 21 collèges les plus énergivores, une somme de 150 millions est programmée. Nous nous interrogeons sur le fait de démolir pour reconstruire et penchons plutôt pour le déploiement des énergies renouvelables. Les investissements doivent avoir lieu à plus long terme, pour des performances satisfaisantes en 2040 : nous ne devrions pas avoir à réinvestir tous les dix ans.
Pour 34 collèges, des îlots verts sont prévus d'ici à 2028, avec la végétalisation des cours. Cette dernière concourt au bien-être tant des élèves que des équipes éducatives, qui doivent pouvoir vivre correctement dans un bâti dont l'état est parfois catastrophique, comme Mme Marie-Pierre Mouton l'a rappelé.
Il faut penser à la communication et à la sensibilisation. Nous devons également parler des démarches comportementales, qui peuvent très rapidement conduire à des baisses de consommation de 20 %. Quelques collèges participent à l'expérimentation du challenge Climat, usages, bâtiments enseignement scolaire (Cube.S). Nos agents doivent être formés pour mieux gérer le chauffage, la lumière dans les bâtiments, notamment avant les week-ends ou les vacances scolaires. De petits gestes très simples, tant des élèves que des enseignants, peuvent faire baisser la consommation : il suffit d'initier ces pratiques au quotidien.
M. Pol Creignou, directeur général adjoint chargé de l'éducation, de la maintenance et de la construction au conseil départemental des Hauts-de-Seine. - Les investissements dans ce que nous appelons les « CPE système » sont utiles pour baisser les consommations dans environ les trois quarts du patrimoine, le plus performant, souvent le plus récent - mais un collège ayant un siècle peut aussi être très performant. Pour ceux-là, changer les fenêtres, installer des ampoules LED, ou intervenir sur la ventilation et le chauffage coûte moins d'un million d'euros par collège. En trois ans, les économies sont substantielles, la consommation énergétique baissant de l'ordre de 30 % ; en y ajoutant l'amélioration des comportements d'usage, on peut tendre vers des baisses de 40 %.
En revanche, pour le quart restant de notre patrimoine, il faut des investissements colossaux. Nous nous interrogeons : cet argent public est-il investi à bon escient, alors que les retours sur investissement sont de l'ordre d'un siècle ? Il faut non seulement prendre en compte l'énergie, mais aussi le bas-carbone ; or reconstruire ces collèges entraînerait des impacts carbone importants. Diriger ces investissements vers de la production d'énergies renouvelables serait peut-être plus pertinent. Aujourd'hui, le système favorise les travaux mais non la production d'énergies renouvelables. Le photovoltaïque est une possibilité pour environ un tiers de notre patrimoine, mais le potentiel géothermique est extrêmement important en Île-de-France, notamment dans l'Ouest parisien. Nous investissons entre 150 et 200 millions d'euros pour un quart de nos collèges : ne vaudrait-il pas mieux diriger ces financements vers de la production locale d'énergies renouvelables, comme la géothermie, quitte à faire des travaux plus modestes sur un patrimoine énergivore ?
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Qu'est-ce que le projet Cube.S ?
Mme Nathalie Léandri. - C'est un projet national très intéressant, qui permet d'impliquer les élèves, pour savoir où en est leur consommation. Cela désigne le « challenge Climat, usages, bâtiments enseignement scolaire » ; c'est une version scolaire du Concours usages bâtiment efficace (Cube) national, porté par l'Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb).
Nous avons apporté un soutien logistique, avec par exemple des thermomètres pour mesurer la température des classes le matin, le soir, au retour des vacances ou des week-ends. Le dispositif est récent : peu de collèges ont participé cette année, mais les résultats sont très parlants, ce qui permettra à d'autres collèges de s'approprier ce dispositif.
M. Pol Creignou. - Le dispositif fonctionne à partir d'une simulation de consommation énergétique du collège et d'une mesure de sa consommation réelle. On peut réaliser entre 35 % et 45 % d'économies d'énergie, uniquement à l'aide de mesures comportementales. L'idée est moins d'obtenir un résultat chiffré que de classer les collèges entre eux, par rapport à un objectif théorique.
Mme Marie-Pierre Monier. - Cube.S comporte un volet comportemental mais également un volet d'amélioration pour les collectivités, avec des actions d'exploitation de maintenance, d'amélioration de pilotage allant jusqu'au commissionnement complet des équipements et maîtrise d'ouvrage. Ce volet concernant les collectivités vous semble-t-il à la hauteur des ambitions ?
M. Pol Creignou. - Nous avons mis ce volet en place dans nos contrats de performance énergétique système : les installations sont renouvelées en réalisant les améliorations nécessaires. Aujourd'hui, nous avons un pilotage et une surveillance à distance des consommations comme des températures.
M. Benoît Gars, directeur général adjoint chargé de la ville, du patrimoine et de la construction du conseil départemental des Yvelines. - Dans le cadre des programmes de gros entretien et de renouvellement des systèmes de chauffage ou de ventilation, et non uniquement dans le cadre des CPE, nous intégrons la question de la gestion technique du bâtiment, avec des outils de pilotage intégrés.
M. Éric Ferrère, vice-président du conseil départemental de La Réunion, chargé des travaux bâtiments et de la valorisation du patrimoine. - À La Réunion, sur 78 collèges publics, seuls 3 collèges utilisent un chauffage électrique. Ces collèges se situent dans la zone des Hauts de l'île, où les températures descendent parfois assez bas entre les mois d'avril et de septembre. Il y a le collège Alsace-Corré, dans la commune de Cilaos, le collège Michel-Debré, dans la commune du Tampon, et le collège Gaston-Crochet à La-Plaine-des-Palmistes.
Le patrimoine départemental des collèges constitue un parc immobilier vieillissant : le plus ancien collège de La Réunion a été construit en 1874. Sur l'île, 62 collèges ont été construits avant 1997, 4 ont été construits entre 1997 et 2000, et 12 ont été construits après les années 2000. La plupart des bâtiments construits avant 1997 contiennent de l'amiante. La réhabilitation de ces bâtiments a donc un impact financier important, à la mesure des travaux de désamiantage. Les fonds européens constituent une part non négligeable de financement.
Conscient de la nécessité de poursuivre les actions, le conseil départemental a adopté un plan de transition écologique et solidaire, qui vise à réduire l'impact carbone de la collectivité sur l'environnement, en minimisant notamment l'installation de climatisation dans les salles de classe et en privilégiant une aération et une ventilation suffisante. En vue du développement des énergies renouvelables, notre collectivité a lancé un appel à projets pour la production d'électricité à partir d'unités photovoltaïques, installées sur les toitures des bâtiments publics départementaux, dont les collèges. Le soleil ne manque pas à La Réunion, et c'est une source d'énergie inépuisable et durable. Une trentaine de collèges sont ainsi équipés de panneaux photovoltaïques, pour une capacité de 11 gigawatts.
Le système de ventilation des bâtiments scolaires assure un bon renouvellement de l'air dans les locaux d'enseignement. Depuis le renforcement réglementaire du système de surveillance de la qualité de l'air, des mesures de la qualité de l'air ont débuté sur le site pilote du collège Juliette-Dodu, de la commune de Saint-Denis. Ces évaluations, en lien avec le rectorat et l'Atmo Réunion, seront reproduites dans les autres collèges de l'île. En attendant, des collèges seront dotés de capteurs de CO2.
Quelques chiffres concernant les dépenses d'énergie : entre 2019 et 2021, la consommation énergétique des collèges est passée de 12,7 millions à 11 millions de kilowattheures, tandis que la facture énergétique des collèges est passée de 2,47 millions d'euros à 2,27 millions d'euros.
La facture énergétique représentait 61,6 % de l'ensemble de la facture du patrimoine bâti en 2019, pour 59,3 % en 2021 : il n'y a pas eu d'impact significatif de la hausse des coûts de l'énergie dans les collèges de l'île.
Les températures à La Réunion n'atteignent pas les chaleurs caniculaires ressenties en métropole. Toutefois, les questions relatives à la chaleur ressentie dans les salles de classe ou à l'ensoleillement lors des activités sportives sont récurrentes. La ventilation, couplée à la présence de brasseurs d'air, assure pour l'instant le rafraîchissement des salles. Les audits énergétiques liés au dispositif Éco énergie tertiaire (EET) vont être lancés dans tous les collèges. L'arrêté n'ayant pas encore été publié pour les départements d'outre-mer, il nous est difficile de savoir si certains collèges se rapprochent déjà de l'objectif ou de quantifier le nombre d'établissements n'ayant pas besoin de réhabilitation lourde. Mais, compte tenu de notre connaissance de notre patrimoine, une grande majorité des collèges devra être rénovée d'un point de vue thermique.
M. Patrick Pellegrini, directeur des bâtiments et du patrimoine au conseil départemental de La Réunion. - Pour faire des économies d'énergie, le département a installé des ampoules à basse consommation.
Notre parc vieillissant demande des travaux assez lourds, notamment sur l'étanchéité et l'isolation. Des investissements importants sont nécessaires ; aujourd'hui, le département investit 25 millions d'euros par an dans les collèges. Le dernier collège neuf a été construit il y a quatre ans. Un projet devrait être achevé d'ici quatre ou cinq ans. Nous allons plutôt dans le sens de la réhabilitation, les sommes étant importantes.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Que pensez-vous de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, adoptée la semaine dernière par le Sénat ?
Selon un rapport de la Cour des comptes sur les collèges et la décentralisation, il serait important de renforcer la péréquation dans la dotation départementale d'équipement des collèges, afin de mettre son montant en cohérence avec les réalités locales, notamment le nombre d'élèves et la superficie des bâtiments. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, le Rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires de François Demarcq de 2020 préconisait de stimuler la participation active de la communauté éducative à la mise en oeuvre d'un projet de bonne gestion de l'énergie via des comportements conscients et coopératifs, en faisant bénéficier la caisse des écoles d'une subvention équivalente à une fraction des économies constatées. Est-ce transposable aux collèges ?
M. Stéphane Magnin, directeur des bâtiments du conseil départemental de la Drôme. - Si les investissements sont portés par un tiers, ce qui peut être intéressant pour le fonctionnement, quid du fonds de compensation pour la TVA versé aux collectivités, dont ces dernières récupéraient environ 15 % au bout de deux ans ? Par ailleurs, le tiers investissement suggère une expertise interne des collectivités pour bien suivre les dossiers ; il y a une complexification.
S'agissant de la préconisation de la Cour des comptes, cela engendrerait des distorsions par rapport à la situation actuelle. Les frais fixes des bâtiments, pour chauffer notamment, ne dépendent pas du nombre d'élèves, même si nous avons souvent recours à la gestion technique du bâtiment...
La stimulation de la communauté éducative au moyen d'un intéressement à l'économie peut être une solution, mais, dans la Drôme, nous nous sommes rendu compte que cela représenterait 4 000 euros d'économie par collège, à distribuer une seule fois, car on tente toujours de conserver les économies réalisées... Cela n'est donc pas pérenne. Nous avons plutôt tenté de travailler sur la valorisation et la reconnaissance du travail des agents techniques et de la communauté éducative. Nous avons proposé des comités utilisateurs techniques éducatifs, en rassemblant gestionnaires, responsables techniques et membres du collège, pour former aux économies d'énergie. Nous avons trouvé des solutions dans les collèges, notamment pour les départs en vacances, et les résultats ont été performants, car nous sommes parvenus à 10 % d'économies d'énergies. Le tout est de maintenir l'éveil sur ces économies d'énergies ; avec le discours sur la sobriété, nous bénéficions d'une bonne dynamique pour relancer ces formations.
Mme Marie Cieters. - En ce qui concerne le tiers financement, intégrer un acteur supplémentaire complexifierait les choses, les rendrait moins fluides et déposséderait la collectivité de la maîtrise d'ouvrage. Ce genre de montage, qui existe déjà pour d'autres réalisations, n'est déjà pas évident...
M. Philippe Bertout. - La prise en compte de la performance énergétique représente 25 % à 30 % des coûts de rénovation d'un collège, sans compter le désamiantage, qui complexifie l'opération.
Mme Marie Cieters. - La dotation aux collèges est forfaitisée et fonction du nombre d'élèves, du taux d'occupation. Elle est réactualisée chaque année, mais elle ne dépend pas des historiques de consommation d'énergie. Si l'établissement réalise des économies, il en profite en dégageant des marges dans son budget.
Nous travaillons en revanche beaucoup avec les équipes pédagogiques pour diffuser les bonnes pratiques.
Nous avons par ailleurs lancé, dans le cadre de l'opération « Mon collège durable », des appels à projets qui pourront permettre aux collèges de profiter de financements complémentaires.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La dotation ne bouge donc pas en cas d'économies d'énergie.
Mme Marie Cieters. - Exactement. On laisse l'exploitant récolter les fruits de sa bonne gestion. Cependant, comme certains collègues, malgré les économies d'énergie, nous sommes actuellement obligés de « remettre au pot » à cause de l'explosion des coûts des fluides, comme de ceux de l'alimentation. C'est très frustrant pour les collèges qui adoptent de bonnes pratiques. Ça l'est également pour nous, qui avons dû adapter la part départementale de la taxe d'habitation.
Mme Cécile Dumoulin. - Pour nous, la facture est passée de 8,6 millions d'euros en 2022 à 20 millions d'euros en 2023. Cette hausse est intégralement supportée par le département, car nous avons centralisé depuis dix ans les contrats de fourniture de gaz, d'eau et d'électricité.
Sur la dotation, nous avons le même principe. Elle est fonction du nombre d'élèves et des mètres carrés, mais nous songeons à la faire évoluer pour qu'elle soit déterminée au plus près des besoins.
Les collèges ont leur propre autonomie budgétaire. En cela, ils diffèrent des écoles communales, avec le principe de la caisse des écoles. On ne peut pas fonctionner de la même façon.
Nous avons également 32 collèges qui ont participé - certains avec succès - au concours Cube.S.
M. Benoît Gars. - Sur le tiers financement, nous avons eu des contacts avec l'administration et les parlementaires préalablement au vote de la proposition de loi. L'idée, c'est d'avoir, à titre expérimental, une dérogation à l'interdiction de paiement différé dans les marchés globaux de performance. Concrètement, cela revient à transférer la responsabilité du financement des travaux de haute performance énergétique à un groupement, chargé de la mise en oeuvre du marché global de performance. C'est donc un transfert vers un opérateur plutôt technique.
Pour ma part, je doute que des constructeurs aient intérêt à porter ce genre d'opération sur leur bilan et, s'ils mettent en place une structure de financement ad hoc, on se retrouve peu ou prou dans la situation du marché de partenariat, à l'exception de la maîtrise d'ouvrage, confiée à un opérateur privé. Je ne vois donc pas bien ce que ce dispositif nous apporte. Il aura de toute façon un coût induit par l'exigence de rentabilité des actionnaires. Le marché de partenariat a pour lui d'avoir déjà fait ses preuves dans le domaine du bâtiment.
Je ne balaie pas d'un revers de main la question du financement privé, mais je penche plutôt pour l'adaptation de la société d'économie mixte à opération unique (Semop), qui permet de séparer la sélection de l'opérateur financier de celle de l'opérateur technique.
Mme Nathalie Léandri. - En application de l'adage « qui paie décide », je crains que nous ne perdions peu à peu toute maîtrise avec le tiers financement, qui, je le rappelle, reste optionnel. Je ne sais pas si nous nous dirigerons vers cette solution dans les Hauts-de-Seine.
M. Pol Creignou. - Nous parlons d'un marché global de performance. Autrement dit, on va vers une massification, avec la prise en compte plusieurs sites.
Nous avons essayé de passer un marché global de 150 millions d'euros pour 21 de nos collèges, mais cet aspect « multi-sites » a rebuté les opérateurs. Ces opérations sont trop complexes en termes de maîtrise d'ouvrage. Nous n'avons reçu que deux réponses, qui n'étaient absolument pas satisfaisantes. L'appel d'offres a été déclaré sans suite.
Les entreprises rechignent de surcroît à s'engager sur dix à quinze ans sans aucun retour d'expérience. Elles ne veulent pas prendre un tel risque.
Pour notre part, nous préférons garder la maîtrise sur nos opérations et nous ajuster en fonction de l'expertise des uns et des autres.
La question du financement n'est pas prépondérante à ce stade. Il serait trop risqué de tout lancer en une seule fois.
Mme Nathalie Léandri. - Nous avons repris tous les contrats depuis 2017 pour massifier et faire des économies. Cela va des fruits et légumes aux portails et ascenseurs.
M. Éric Ferrère. - Cette loi sur le tiers financement est encore très récente. Nous devons nous pencher plus précisément dessus pour savoir ce qu'elle est susceptible de nous apporter.
Nous sommes conscients de la nécessité de sensibiliser et d'éduquer les collégiens à la transition écologique et à la reconquête de notre biodiversité. Sur ce point, chacun de nos collèges dispose d'un arboretum et d'un rucher. Nous menons également un travail sur la réduction des déchets issus de la restauration scolaire, ainsi que sur l'éducation au « bien manger ».
Mme Marie-Pierre Monier. - Je voudrais savoir s'il existe encore des sites dangereux pour la santé des enfants et des agents. Je pense au plomb ou à l'amiante, notamment dans les collèges de type Pailleron.
Par ailleurs, beaucoup d'entre vous trouvent que les appels à projets dans le cadre du fonds vert sont trop compliqués à monter. Quelles sont vos propositions à cet égard ?
M. Patrick Pellegrini. - Nous avons encore beaucoup de collèges amiantés, mais ils ne représentent un danger que lorsque nous y effectuons des travaux. Quand c'est le cas, nous prenons bien entendu toutes les précautions.
M. Pol Creignou. - Nous avons refait 32 collèges depuis quinze ans. Aussi, nous avons de moins en moins de collèges avec de l'amiante et aucun établissement de type Pailleron. Néanmoins, nous avons repris tous les contrats de sécurité incendie, car nous avions relevé des défaillances dans le suivi.
M. Jean-Paul Prince. - Pouvez-vous revenir sur l'explosion de la facture énergétique ?
Mme Cécile Dumoulin. - Le département des Yvelines est passé de 8 millions d'euros à 20 millions d'euros.
M. Pol Creignou. - Pour nous, dans les Hauts-de-Seine, la facture est passée de 15 millions d'euros à 36 millions d'euros. Et heureusement que nous achetons l'énergie par l'intermédiaire du Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Île-de-France (Sigeif) ! Le mégawattheure de gaz est passé de 16 euros à 138 euros, tandis que le mégawattheure d'électricité est passé de 177 euros à 370 euros.
Mme Marion Nahant, conseillère éducation de l'ADF. - Nous vous transmettrons une étude de l'ADF sur le sujet. Les situations sont disparates, les hausses pouvant aller de 0 % à 450 %. Il peut y avoir des variations au sein d'un même département.
Mme Marie-Pierre Mouton. - Dans la Drôme, c'est 300 % de hausse pour le gaz, et 100 % pour l'électricité.
Nous n'avons pas de collège type Pailleron. Nous évacuons l'amiante dès qu'il y a des travaux. Même si c'est plus cher, on est débarrassé du problème une fois pour toutes.
Pour ce qui est du financement, nous aimerions que soit mis en place un système type MaPrimeRénov' au profit des départements.
M. Jean-Paul Prince. - Il semblerait que les prix de l'énergie aient fortement baissé. Avez-vous des contrats révisables ?
M. Pol Creignou. - Oui, mais au 1er janvier seulement.
M. Benoît Gars. - Le Sigeif a lissé les achats sur l'année, ce qui atténue les effets des hausses et des baisses successives.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je constate que les départements n'ont pas attendu la crise énergétique pour s'engager dans la transition écologique. Ils n'ont de surcroît pas de problèmes d'ingénierie, comme peuvent en rencontrer les petites communes.
Je rappelle pour conclure que, aux termes de la proposition de loi sur le tiers financement, la maîtrise d'ouvrage restera aux départements. Il me semble que cet outil est intéressant.
Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 heures.
Mercredi 29 mars 2023
- Présidence de M. Jean-Marie Mizzon, président -
La réunion est ouverte à 13 h 50.
Audition de Régions de France - Mme Carole Canette, vice-présidente du conseil régional Centre-Val de Loire, déléguée aux lycées, à l'éducation, à l'apprentissage, à la jeunesse et à la vie lycéenne
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons cet après-midi nos auditions des représentants des associations d'élus en abordant l'échelon régional.
Je souhaite la bienvenue au Sénat, par visioconférence, à Mme Carole Canette, vice-présidente du conseil régional Centre-Val de Loire, déléguée aux lycées, à l'éducation, à l'apprentissage, à la jeunesse et à la vie lycéenne.
J'indique à votre attention, Madame la Présidente, que notre objectif est non seulement d'évaluer les besoins de rénovation des écoles, des collèges et des lycées liés à la transition écologique, mais aussi d'identifier les défis - notamment juridiques et financiers - que pose cette rénovation aux collectivités territoriales et, surtout, d'évaluer l'efficacité de l'accompagnement des élus locaux, s'agissant plus particulièrement de l'accès à l'information, aux financements et à l'expertise.
Vous avez toute latitude pour compléter nos échanges par l'envoi d'un document écrit en réponse au questionnaire qui vous a été envoyé en amont de cette réunion.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Madame la présidente, je précise que, pour compléter les informations recueillies grâce aux associations d'élus, notre mission met en ligne cette semaine une consultation des élus locaux sur la plateforme du Sénat. Nous vous invitons à la faire connaître autour de vous.
Quels sont tout d'abord, au regard des enjeux écologiques, énergétiques et climatiques, les principaux besoins des lycées en matière de bâti scolaire, et les opérations de réhabilitation les plus urgentes dans votre région ?
Quelle est, sur ce point, la spécificité des lycées professionnels ou techniques ?
Comment qualifiriez-vous l'état des lycées au regard, d'une part, des enjeux de la transition écologique et, d'autre part, des enjeux révélés par la crise sanitaire, comme la ventilation et la qualité de l'air ?
Pouvez-vous nous indiquer le coût par mètre carré des opérations de construction et de rénovation des lycées ?
Mme Carole Canette, vice-présidente du conseil régional Centre-Val de Loire, déléguée aux lycées, à l'éducation, à l'apprentissage, à la jeunesse et à la vie lycéenne. - En introduction, je voudrais indiquer que la région Centre-Val de Loire, comme l'ensemble des régions, n'a pas attendu la crise énergétique pour s'atteler à la question de l'état du patrimoine bâti des lycées et des économies d'énergie. Nous y travaillons depuis un certain temps et avons pris pleinement la mesure des enjeux nouveaux. Nous avons ainsi particulièrement avancé sur deux sujets : l'état du bâti et les questions de production, de régulation et de distribution de chaleur. Il est impossible de travailler un volet sans l'autre : si les bâtiments sont de véritables passoires énergétiques, il ne servira à rien de travailler à la distribution et à la régulation. Néanmoins, même dans le bâti tel qu'il existait, il nous semblait important de nous doter de contrats de performance énergétique et de rechercher de meilleurs modes de production et une meilleure utilisation de la chaleur ; nous avons commencé ce travail en 2010, et nous avons donné un coup d'accélérateur en 2020.
Le sujet n'est donc pas nouveau pour nous, néanmoins, la tâche est immense. Notre objectif était atteindre des niveaux de consommation d'énergie correspondant aux objectifs fixés par l'État : -40 % par rapport au niveau de consommation de 2010 aux alentours de 2030. Ce travail a été accompli. En revanche, les deux étapes ultérieures nous inquiètent fortement : -50 % de en 2040 et -60 % en 2050. Sur vingt-cinq ans, cela représenterait 1,5 milliard d'euros de dépenses, soit environ 50 millions d'euros par an. Actuellement, la région Centre-Val de Loire investit 100 millions d'euros dans les lycées, cela signifie que 50 % de cette somme devrait être basculée uniquement sur la rénovation énergétique. Or d'autres investissements sont nécessaires, pour construire un lycée, pour des plateaux techniques, des extensions, des rénovations de lieux d'enseignement ou d'internats, ou encore pour la restauration scolaire. Notre détermination est forte, mais comme je l'ai dit précédemment la tâche est immense.
Le deuxième point a trait aux expérimentations de différentes modalités de gestion de l'énergie, outre le travail sur l'enveloppe du bâtiment. Nous disposons des contrats de performance énergétique (CPE) et les lycées sont gérés avec des équipes de la région, afin d'identifier les fonctionnements les plus efficaces. L'expérience des CPE est particulièrement intéressante et elle se double toujours, a minima, de premiers travaux sur l'enveloppe du bâtiment.
Dans le document transmis en amont de cette audition, vous nous interrogiez sur les statistiques concernant les modes de chauffage des lycées et la répartition entre le gaz, le chauffage urbain, le fuel et le bois. Nous disposons de quelques données à ce sujet à l'échelle de l'ensemble des régions, grâce à une étude menée par Régions de France au printemps 2022 : sur onze régions ayant répondu, la première source d'énergie utilisée dans les lycées est encore l'électricité, puis le gaz et, de manière ponctuelle, le fioul. On constate un mouvement assez fort en faveur du raccordement au chauffage urbain - c'est le cas dans ma région -, avec des systèmes souvent alimentés par la biomasse via des mélanges de bois et de gaz, dans lesquels la proportion de bois augmente. Les contrats de gaz durent en moyenne un peu moins de trois ans et 90 % d'entre eux prévoient des prix bloqués, au moins en partie. La répartition est à peu près similaire s'agissant de l'électricité, avec des durées de contrats un peu identiques.
L'état du patrimoine est globalement bon, même si l'ampleur des investissements nécessaires pour atteindre une performance énergétique optimale reste considérable, au regard des vastes surfaces concernées, la surface moyenne par élève ayant augmenté ces dernières années. L'ensemble des lycées d'enseignement général, professionnels et agricoles et maritimes représente ainsi 47 millions de mètres carrés : les investissements sont donc extrêmement lourds. Encore une fois, les régions sont résolument engagées dans ce mouvement, malgré quelques freins parfois liés au manque de visibilité sur les accompagnements mobilisables. L'État procède souvent par appels à projets sur une année, à partir du fonds vert ou d'autres dispositifs. Toutefois, les régions ont besoin de programmer les travaux et cela ne peut se faire de façon optimum qu'avec une visibilité sur les aides dont elles peuvent disposer, y compris à l'échelle européenne. Le risque est que nous finissions par nous concentrer sur notre seul patrimoine scolaire, au détriment de l'accompagnement des autres collectivités. Or nous ne souhaitons pas mettre ces dernières en difficulté, c'est pourquoi il est important de connaître les cofinancements disponibles aux échelons supra-régionaux.
Nous faisons face à des enjeux de consommation vertueuse d'énergie, mais aussi de budget de fonctionnement : en 2019, notre région dépensait, pour son patrimoine scolaire, 5,5 millions d'euros en électricité et 6,7 millions d'euros en gaz, soit 12,2 millions d'euros au total. Notre projection pour 2023 atteint 21,8 millions d'euros en tout. Nous pourrions donc être tentés de choisir l'efficacité, en soutenant moins les collectivités infra-régionales.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Quelles sont les spécificités énergétiques en Centre-Val de Loire ? Combien de lycées y a-t-il ? Quelle est la proportion de lycées déjà rénovés ?
Mme Carole Canette. - La spécificité de notre région est que nous faisons beaucoup appel au gaz et au chauffage urbain. La question de l'électricité y est moins prégnante qu'ailleurs.
Sur les 3 750 lycées publics et privés sous contrat que compte la France, 100 se trouvent dans notre région. Quelque 90 % d'entre eux ont été traités pour atteindre le niveau 1 de la stratégie nationale. Nous avons mis en oeuvre une première vague de contrats de performance énergétique dès 2010, en investissant fortement pour que le travail sur la production, la régulation et la distribution de chaleur soit efficient. Nous avions alors rénové vingt lycées en consacrant 30 millions d'euros aux enveloppes bâtimentaires ; nous avons ainsi réalisé 40 % d'économies de consommation. En 2020, nous avons rénové soixante lycées et quelques travaux ont été réalisés sur les vingt lycées restants, si bien que 100 % des lycées ont reçu un premier traitement. Mais pour arriver au niveau 2, c'est-à-dire à -50 % en 2040, il nous faut traiter 90 % des lycées.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Y a-t-il des disparités entre régions quant aux sources d'énergie ?
Mme Carole Canette. - Je ne dispose pas de cartographie à ce sujet.
Mme Marie-Pierre Monier. - Avez-vous pu construire des lycées à énergie positive ?
Mme Carole Canette. - Non, mais un tel lycée ouvrira à la rentrée prochaine et un autre est en avant-projet. Il existe rarement une solution globale : une partie d'un lycée peut être à énergie positive, sans que tout le bâtiment le soit entièrement. Nous allons chercher les sources d'énergie adaptées au type de lieu, gymnase ou internat, par exemple. Nous explorons la géothermie, le photovoltaïque, etc.
Mme Marie-Pierre Monier. - Quelle est la proportion de rénovation par rapport à la construction neuve ?
Mme Carole Canette. - Nous réalisons surtout des réhabilitations.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Pour atteindre le niveau 2, considérez-vous qu'il faille tout refaire dans les vingt lycées traités en 2010, puis les soixante en 2020 ?
Mme Carole Canette. - Les premières marches sont toujours les plus faciles à gravir. Notre ambition était forte et nous avons réussi à réduire de 40 % notre consommation d'énergie, en couplant intervention sur le bâti et régulation de la production de chaleur, en partenariat avec Eiffage. Pour autant, passer d'une baisse de 40 % à une baisse de 50 % suppose des investissements complémentaires. Ce qui a été fait n'est pas à reprendre, mais le compléter sera une sacrée affaire !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Profitez-vous de ces travaux pour intervenir sur d'autres aspects ?
Mme Carole Canette. - Absolument, cela fait partie du fonctionnement des contrats de performance énergétique ; nous venons en complément, sur des aspects tels que le cadre de vie. Nous nous attelons aussi, de plus en plus, au confort d'été, en traitant l'extérieur, avec la revégétalisation des cours, la mise en place d'îlots de fraîcheur, les choix d'implantation, et nous couplons les projets.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Comment associez-vous la communauté éducative à la rénovation ou à la construction d'un lycée ?
Mme Carole Canette. - Concernant la rénovation énergétique, le travail est essentiellement technique, sur la base des témoignages des utilisateurs ; en revanche, quand nous intervenons sur le cadre de vie, cela se fait avec l'ensemble de la communauté éducative. Quand nous construisons, nous travaillons avec des ateliers participatifs associant la communauté éducative, mais aussi les élus locaux, les associations locales, voire les habitants. Nous tenons à nous assurer que l'implantation du lycée, qui bouleverse souvent l'environnement local, soit acceptée. Si nous voulons être davantage accompagnés par l'État ou par l'Union européenne, nous devons aussi ouvrir notre patrimoine de manière qu'il profite à tous. Le temps où l'on construisait un gymnase uniquement pour un lycée, fermé le soir, le week-end et pendant les vacances scolaires, et à côté un gymnase disponible le week-end pour les associations est révolu : la mutualisation des équipements est aujourd'hui une préoccupation forte. Cela justifie d'autant plus que l'ensemble des financeurs soit au rendez-vous.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Nous avons rencontré, la semaine dernière, les responsables de l'enseignement français à l'étranger (AEFE et Mission laïque française). En Espagne, un lycée en construction sera à la fois inclus dans la ville et ouvert aux habitants. Échangez-vous sur les façons de faire dans ces établissements d'enseignement français à l'étranger, par exemple la prise en compte de la chaleur ? Bénéficiez-vous de remontées de bonnes pratiques de la part de ces établissements ?
Mme Carole Canette. - Non, nous ne bénéficions pas de tels échanges, mais c'est une proposition que je ferai à Régions de France, car elle est très intéressante.
La mutualisation suppose un travail de sensibilisation, car la communauté éducative n'y est pas toujours prête, en raison de craintes sur le plan pratique. En outre, faut-il, par exemple, du personnel de la région en plus ? Cela se pense dès la conception. Pour certains lycées anciens, la topographie rend la mutualisation compliquée, mais nous intégrons désormais cette exigence dès la conception. Nous faisons par exemple en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'entrer au coeur du lycée pour atteindre l'équipement mutualisé.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Que pensez-vous de la création d'un opérateur auquel serait confiée la coordination de l'accompagnement des collectivités dans la conduite de projets de rénovation énergétique, sous forme de guichet unique ? Serait-ce intéressant ?
Mme Carole Canette. - Je vous répondrai différemment selon mes casquettes, puisque je suis aussi maire de Fleury-les-Aubrais, dans le Loiret. En tant que vice-présidente du conseil régional et représentante de Régions de France, je vous réponds que les régions sont engagées dans ce travail depuis longtemps, avec des équipes structurées, et que ce n'est pas nécessaire. En revanche, en tant que maire, oui, cela me paraît intéressant. Je suppose que les départements partagent la vision des régions. Ils ont un patrimoine important et les moyens de disposer d'équipes solides. Le travail d'ingénierie est fait. Pour les communes, c'est souvent plus compliqué.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Combien d'habitants votre commune compte-t-elle ?
Mme Carole Canette. - Elle en compte 21 000.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - L'Assemblée des départements de France (ADF) est plus sévère que vous envers l'État. Avez-vous entendu parler du guide du ministère de l'éducation nationale sur le bâti scolaire ?
Mme Carole Canette. - Je n'y ai pas vu grand intérêt. Il arrive avec retard et se présente comme un recueil des attentes des usagers, plus que comme un guide à l'attention des collectivités. Il aurait été préférable de l'orienter sur la façon d'adapter nos fonctionnements ; en l'état, nous n'en avons pas besoin.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Voilà qui est clair !
Certains de vos lycées sont-ils classés au titre des monuments historiques ? Leur rénovation coûte-t-elle beaucoup plus cher ?
M. Jean-Paul Prince. - Oui !
Mme Carole Canette. - Oui, cela coûte toujours plus cher, mais on ne m'a pas fait remonter de problématiques particulières. Les élus savent que l'intervention sur le patrimoine historique est plus chère, mais ce n'est pas propre aux lycées.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Le principal obstacle au respect du calendrier qui vous est imposé est-il le financement ?
Mme Carole Canette. - Le financement est un obstacle, mais il y a aussi la capacité de nos équipes, lesquelles doivent être renforcées, et celle du territoire. Parfois, le report des travaux est dû au manque de ressources humaines des entreprises.
M. Jean-Paul Prince. - Sont-ce surtout de grandes entreprises qui travaillent sur les lycées, comme Bouygues, ou des entreprises régionales ?
Mme Carole Canette. - Les grandes entreprises faisant appel à la sous-traitance, in fine, ce sont des entreprises régionales.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - La semaine dernière, nous avons reçu la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Nous les avons interrogées sur leurs capacités, mais elles nous ont répondu qu'il n'y avait pas de problème. J'en ai été surprise...
Mme Carole Canette. - J'imagine le pourquoi de cette réponse. Je me suis rendue à une présentation des projets à venir, de telle sorte que les entreprises puissent se préparer. Celles-ci ont abordé la question des ressources humaines ; je suppose que, à un certain niveau, les professionnels préfèrent que des marchés soient ouverts, auxquels ils ne peuvent pas répondre, plutôt qu'il n'y en ait pas. Nous devons préparer notre pays, posons-nous donc la question des cartes de formations : il nous faut nous doter des compétences nécessaires en régions. Il peut être parfois difficile de planifier cela sur plusieurs années avec l'éducation nationale, car on a souvent le sentiment que celle-ci ne se consacre pas à la gestion de long terme, mais décide en fonction des équipes éducatives disponibles localement. Il m'est arrivé d'entendre qu'une formation fermait parce que l'équipe éducative en place n'était pas optimale ; ce n'est pas ce qu'il faut faire : si cette formation est nécessaire, dotons-là d'une équipe qui fonctionne !
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Compte tenu des travaux déjà accomplis depuis 2010 et de votre capacité financière, préférez-vous réaliser 60 % d'économies tout de suite sur les lycées que vous n'avez pas encore rénovés, ou opérer plus largement, en tenant compte d'autres critères, tels que la répartition géographique ?
Mme Carole Canette. - Sur les cent lycées, vingt font l'objet d'un contrat de performance énergétique depuis 2010 ; nous avons consacré 30 millions d'euros à cette opération. Depuis 2020, les travaux ont concerné soixante lycées, pour seulement 32 millions d'euros. Il en reste donc vingt à traiter.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Allez-vous donc traiter en priorité les vingt lycées restants, pour les amener à 60 % d'économies d'énergie pour 2050, ou répartir les fonds entre tous les lycées, au risque de saupoudrer l'effort ?
Mme Carole Canette. - Les vingt lycées qui restent ont reçu un traitement, mais moins global, car ce n'était pas dans le cadre d'un contrat de performance énergétique ; de ce point de vue, 100 % de nos lycées ont fait l'objet de travaux. À mon sens, les premiers sur lesquels faire porter l'effort sont sans doute ces vingt lycées, ainsi qu'une partie des soixante établissements de la deuxième vague. En revanche, je ne suis pas en mesure de répondre sur la méthodologie susceptible de nous permettre de fixer les priorités.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Vous avez évoqué des salles fraîches en cas de canicule, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Quelle est la spécificité des lycées professionnels ? Le coût de leur rénovation est-il différent de celui de travaux dans un lycée classique ?
Mme Carole Canette. - Le coût au mètre carré est sensiblement le même, la difficulté que posent les lycées professionnels tient plutôt aux besoins différenciés de température entre les salles de cours, à 19 degrés, et les ateliers à 16 degrés, pour peu que ceux-ci ne servent pas également de salle de cours, auquel cas leur température doit être 19 degrés. Il nous faut donc réaliser, au niveau bâtimentaire, des efforts de régulation de l'énergie en fonction des besoins différents d'un espace à l'autre.
S'agissant des îlots de fraîcheur, une alerte : je ne connais pas de lycée qui soit en mesure d'accueillir des sessions d'examen en période de canicule dans des espaces entièrement climatisés. Certains peuvent disposer d'une salle équipée, mais ce n'est pas la règle : il n'y a pas de lycées climatisés. Certains établissements sont équipés d'une pompe à chaleur air-air, qui peut apporter un peu de fraîcheur, et les lycées neufs sont conçus avec des techniques de ventilation naturelle qui contribuent à réguler les températures ; pour autant, nous sommes loin de pouvoir garantir la tenue d'examens dans des conditions adéquates en période de fortes chaleurs.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Selon vous, que serait-il pertinent d'ajouter dans le rapport ?
Mme Carole Canette. - J'ai à l'esprit, d'abord, la question de la visibilité des cofinancements, de l'État comme de l'Union européenne, disponibles : nous avons besoin de programmer nos travaux à une échelle pluriannuelle, nous ne pouvons pas vivre au gré d'appels à projets ; à défaut, nous serions contraints de nous replier sur notre propre patrimoine et de venir moins souvent en appui des collectivités infra-régionales, alors que nous souhaitons le faire.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Cette priorité est partagée par de nombreuses collectivités.
Je vous remercie.
Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 14 h 50.
Empêchée de pouvoir complètement s'exprimer à cette réunion pour des raisons techniques, Mme Florence Dubessy, vice-présidente du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, déléguée à l'éducation et aux lycées, entendue ultérieurement par le président et la rapporteure, a apporté les précisions suivantes :
« La Région Auvergne-Rhône-Alpes compte 562 lycées, dont 305 publics et 257 privés sous contrat. L'ensemble du parc immobilier des lycées publics de la Région représente 5,8 millions de m². C'est la deuxième région après l'Ile-de-France en nombre de lycées.
Les lycées publics représentent à eux seuls plus de 4 300 bâtiments. C'est un patrimoine immense et très hétérogène en termes de techniques et d'âges de construction. Le mode de chauffage des lycées recourt au gaz (50%), à l'électricité (26%), au réseau de chaleur (20%) ainsi qu'au bois (2%) et au fuel (2%).
Depuis 2016, la région a mis en oeuvre une ambitieuse politique de rénovation énergétique de ses lycées.
Dans le cadre de son « Plan Marshall 1» pour les lycées (2017-2021), la Région Auvergne-Rhône-Alpes a investi plus de 1,5 Md€ sur 5 ans dans le cadre de 809 opérations, dont un grand nombre portait sur l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments, notamment par l'amélioration de la performance des équipements techniques et des enveloppes.
Aujourd'hui les lycées de la Région consomment moins que la moyenne française : 107 Kwh/m² pour 137 selon la moyenne nationale). Entre 2016 et 2021, les lycées très performants consommant moins de 70 Kwh /m² et performants consommant entre 70 et 90 Kwh /m² sont passés de 60 à 66 % du parc total et ce avant les directives du décret tertiaire.
À l'issue de cette première étape, plus aucun lycée de la région n'est en mauvais ou très mauvais état, contre 57 en 2016. On compte 4 lycées dits en état moyen, contre 142 en 2016. Enfin, si 11 établissements étaient en très bon état, ils sont aujourd'hui 146.
Pendant la crise sanitaire, la Région a anticipé très en amont des prescriptions du Ministère de l'éducation nationale en mettant en oeuvre dès l'automne 2020 un Fonds régional dédié à la purification d'air dans les locaux des lycées où le port du masque n'était pas possible (cantines). Nous avons mené une première expérience au printemps 2021 dans 15 lycées (5 capteurs par lycée soit 75 capteurs). À la rentrée de septembre 2021 ont été acheté 3 000 capteurs (capteurs mobiles raccordés à la télérelève, pouvant être déplacés d'un local à l'autre). Aujourd'hui la Région dispose de 3 800 capteurs connectés de CO2 dans ses lycées.
La Région a mis en oeuvre la réglementation sur la Qualité de l'air intérieur (QAI) dans l'ensemble des 304 lycées publics (campagne de mesures pour 110 lycées, 194 lycées accompagnés pour la réalisation d'un plan d'action), dans le cadre d'une mission confiée à Bureau Véritas réalisée pendant la période 2021-2022.
Des outils de suivi détaillé de toutes les consommations, de tous les établissements, permettent de disposer de des données très précises et de connaître les ratios de consommations par mètre carré. Ainsi, un classement des établissements les plus énergivores a été réalisé.
Face à ce constat, le « Plan Marshall 2 », doté de 3,2Mds euros, a été adopté le 15 décembre 2022. Il a été l'occasion de réexaminer l'ensemble des opérations recensées dans le plan pluriannuel d'investissements à leurs différents stades d'avancement (expression du besoin, programmation, études) et de leur appliquer un critère de priorisation concernant leurs performances énergétiques respectives. De même, des opérations de rénovation thermique ou d'efficacité énergétique qui n'étaient pas recensées dans ces listes seront engagées prioritairement sur la période.
Ce nouveau Plan Marshall compte sept axes prioritaires. Celui qui concerne la sobriété énergétique et du développement durable est l'axe prioritaire, doté d'1mds d'euros de crédit pour la période 2022-2030.Dans ce cadre, la Stratégie régionale en matière d'adaptation au changement climatique et d'efficacité énergétique est déclinée selon trois cibles :
- la performance énergétique ;
- l'adaptation au dérèglement climatique et la lutte contre son réchauffement (confort d'usage/d'été/adaptation canicule) ;
- la diminution de l'exposition à la volatilité des prix de l'énergie (développement des productions énergétiques renouvelables et en circuits courts : réseaux de chaleur, chaufferies bois d'origine régionale, autoconsommation électricité photovoltaïque).
Parallèlement, face à la crise énergétique, nous avons lancé un grand plan de sobriété énergétique pour les lycées en octobre 2022. Il décline treize actions à court et moyen terme et touche toutes les thématiques : généralisation des contrats P1P2P3, plan d'actions de sobriété par l'usage, respect des consignes de températures, relamping LED, grand plan massif de solarisation, accélération de la mise en place des MPGPE (marchés publics globaux de performance énergétique).
Le plan de sobriété énergétique est ainsi complété par la mise en oeuvre volontariste de la politique régionale de développement durable et se concrétisera notamment par les actions suivantes :
- la réduction de l'impact carbone des constructions : la Région a marqué sa préférence pour une construction des futurs lycées à structure bois, avec un objectif d'aider à développer la filière régionale de ce secteur en exigeant pour 70 % du volume utilisé un bois de qualité, certifiée Territoires du Massif central ou Bois des Alpes. Les référentiels pour la construction et la réhabilitation des lycées sont aussi ouverts à l'intégration d'autres matériaux biosourcés. Ainsi, le nouveau lycée Gergovie de Clermont est isolé en paille issue de filières locales (paille de Limagne) ;
- l'importance apportée à la santé (confort visuel, qualité de l'air, suppression de l'amiante, remédiation au risque radon) : celle des agents des lycées fait également l'objet d'une attention particulière et concertée, que ce soit pour l'entretien-maintenance, la sécurité, la réduction des troubles musculo-squelettiques.
La Région applique déjà dans son référentiel de construction ou de réhabilitation/restructuration/rénovation thermique les objectifs suivants, qui vont au-delà des seuils minimaux fixés par la réglementation environnementale 2020 :
- pour les constructions neuves, le niveau E4, correspondant à un bâtiment avec bilan énergétique nul (ou négatif) sur tous les usages et qui contribue à la production d'énergie renouvelable. À titre d'exemple, c'est le niveau réalisé pour le nouveau lycée Gergovie à Clermont-Ferrand ;
- pour les rénovations et réhabilitations, en anticipation des deuxièmes et troisièmes paliers du décret tertiaire, la Région vise d'emblée l'objectif maximal de 60% en réhabilitation lourde au regard de la durée de vie conventionnelle de 50 ans d'un bâtiment public, et a minima 50% pour les rénovations plus légères.
Le plan de sobriété énergétique pour les lycées accompagne une vraie conduite de changement, notamment au travers d'actions de sobriété par l'usage : stricte application des températures de consignes et objectif de réduction du nombre de journées chauffées (décalage du début de la période de chauffage et anticipation de l'arrêt). Ainsi, la mise en chauffe des lycées a démarré le 7 novembre 2022. La quasi-totalité des lycées appliquent les consignes de température qui répondent aux préconisations de l'État. La Région demandera à ses exploitants et aux chefs d'établissements des lycées publics l'extinction du chauffage le 7 avril prochain, au début des vacances de printemps. Par ailleurs, dans le cadre du plan d'actions pour la sobriété par les usages, élaboré par chaque lycée, l'adaptation du chauffage en fonction de l'occupation des salles se met en place.
Ces plans de sobriété par l'usage, qui portent à la fois sur l'usage de l'informatique, l'extinction des éclairages, la vigilance sur la fermeture des espaces, la suppression des veilles des équipements électriques, le retrait des chauffages d'appoint et l'optimisation de l'occupation des espaces, ont été initiés et promus grâce à de nombreuses actions de la Région : courrier aux établissements le 5 octobre 2022, réunions d'échanges, diffusions de fiches-actions, lettre d'information sur la sobriété, « rendez-vous de la sobriété » en téléconférence...
Je voudrais souligner ici l'aide importante apportée par l'agence régionale AURA EE (énergie environnement) dans ce plan d'actions de sobriété par l'usage, au travers de son site internet et de son guide. Aura EE, depuis 20 ans, avec le soutien de la Région, vient en conseil et appuie les collectivités. Sur son site, on trouve le guide énergie, tout est mutualisé et mis à disposition, en libre d'accès et gratuitement.
En termes de gestion, la Région a mis en place, dans le cadre des groupements de commandes, des contrats de performance énergétique (CPE) depuis décembre 2015. Cette formule garantit au moins 40 % d'économies d'énergie sur chaque lycée, 42 % de CO2 en moins et le recours à des énergies renouvelables à hauteur de 22 %. 26 lycées sont en CPE. 92% de nos lycées sont en contrat P1P2P3 ou en CPE.
De plus, des audits de performance énergétique détaillés ont été commandés et seront réalisés dans les 300 lycées, dont les 150 plus énergivores en 2023, afin de servir d'état initial contractuel au marché global de performance énergétique que va passer la Région en 2025. Ce marché global de performance énergétique, alloti, viendra compléter les opérations de constructions neuves, de restructurations et de rénovations thermiques dans lesquelles la Région applique un objectif de - 60 % d'économie d'énergie pour l'existant et le label E4 (bâtiment à énergie positive) pour le neuf.
Cet ensemble de mesures (1 Md€ sur 2022-30) constitue la trajectoire qui permettra à la Région d'atteindre les différents paliers du décret tertiaire.
S'agissant enfin du confort d'été, dans nos lycées neufs le freecooling (ventilation intelligente), réglé à fond la nuit, permet de renouveler l'air ; ensuite tout est fermé pendant la journée pour garder un volume d'air frais. Les plantations, la végétalisation, notamment des toitures, la pose de brise-soleil, l'utilisation de peinture réflective, l'installation d'îlots de fraicheur jouent leur rôle également. On va certainement aussi redécouvrir les anciennes solutions de construction comme les murs épais. C'est un vrai enjeu. Grâce aux capteurs de CO2 nous pouvons avoir le palmarès des lycées les plus chauds.
S'agissant des difficultés que nous rencontrons, je précise que notre patrimoine est immense et que chaque bâtiment est différent : nous devons donc cibler nos actions.
Compte tenu de l'ampleur du bâti à rénover, le manque de moyens financiers est une première difficulté. Ainsi, le « Fonds Vert », mis en place par le gouvernement pour aider les collectivités territoriales à effectuer des travaux de rénovations énergétiques, ne représente pour la Région qu'un montant potentiel de subventions d'une vingtaine de millions d'euros, soit l'équivalent de seulement deux rénovations lourdes de lycées, alors que plus de 300 opérations sont à réaliser...
Je précise, s'agissant du coût de ces projets, que la fourchette est très variable :
- le coût d'une construction neuve est estimé à 2 800-3 200 euros par m2 ; 4 600 euros pour le lycée Gergovie dont j'ai parlé précédemment (13 000 m2 de surface utile), qui répond aux normes E4C2 (25 KWh par m²), soit un budget de 57,5 M€; pour le lycée Arnaud Beltrame de Meyzieu, qui répondra aux normes E3C1, l'opération est estimée à 3 050 euros par m2 soit un budget de 47 M€ (11 300 m² de surface utile ) ;
- le coût d'une rénovation lourde est de 550 à 1 000 euros par m2, selon l'état initial, le type de bâtiment et la complexité des travaux à entreprendre (pour le lycée Juliette Récamier de Lyon, la rénovation thermique et la restructuration partielle de l'établissement sont estimées à 26,4 M€, pour une surface de 7 500m2, l'objectif étant de parvenir à une diminution de 40% des consommations d'énergie par rapport à 2010.
- celui d'une rénovation ciblée est de 350 à 400 euros par m². Ainsi, la rénovation thermique du lycée des canuts de Vaux-en-Velin, entreprise avec la SPL OSER, a coûté 4,5M€ M€, soit 405 euros par m2.
Autre difficulté : l'état fonctionne par appels à projets, donc il n'est pas possible pour les régions qui font des plans pluriannuels d'investissements de donner de la visibilité aux entreprises.
Un guichet unique des aides et subventions en matière de rénovation thermique, de développement des énergies renouvelables et de constructions bas carbone avec limitation des émissions de gaz à effet de serre ferait gagner un temps précieux.
De même, le code de la commande publique doit donner de réels outils aux acheteurs publics afin de leur permettre d'écarter les matériaux et matériels produits selon des normes environnementales et sociales très inférieures à celles de l'Europe. Par exemple, l'achat de luminaires LED ou de panneaux photovoltaïques produits dans des conditions sociales très défavorables, avec une électricité produite en grande partie au charbon et transportés par porte-containers, est généralement proposé par les acteurs économiques, sans qu'il nous soit possible de corriger l'avantage concurrentiel du prix par un critère européen ou français relatif aux normes environnementales et sociales.
Ce que nous attendons, c'est donc une vraie régulation des marchés de l'énergie, ainsi qu'une simplification et un renforcement important des soutiens financiers aux opérations de rénovation thermique que les collectivités mettent en oeuvre. »
Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.