Mercredi 8 mars 2023
- Présidence de M. Rémy Pointereau, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Audition de MM. Bruno Forel, président, Frédéric Molossi co-président et Mme Catherine Gremillet directrice de l'Association nationale des élus des bassins (ANEB)
M. Rémy Pointereau, président. - Merci d'avoir répondu à notre invitation pour échanger avec les membres de la mission d'information du Sénat sur la gestion durable de l'eau, lancée en février à la demande du groupe socialiste, dans le cadre du droit de tirage des groupes. Elle comprend des sénateurs représentant l'ensemble des groupes politiques et son rapporteur est mon collègue Hervé Gillé. Nous avons débuté nos auditions la semaine dernière avec une table ronde réunissant l'ensemble des Agences de l'eau. Nous souhaitons entendre le panel le plus large possible des acteurs de la politique de l'eau mais aussi des experts, des utilisateurs de l'eau sans oublier la société civile. Nos travaux devraient s'achever par l'adoption d'un rapport fin juin-début juillet.
Nous avons souhaité entendre l'Association nationale des élus de bassin (ANEB), car les établissements publics territoriaux de bassin et autres syndicats mixtes sont des échelons essentiels de mise en oeuvre de la politique de l'eau dans les territoires. C'est en effet à cette échelle que s'appréhendent le mieux les problèmes concrets de l'eau et que les effets du changement climatique sont les plus sensibles.
Le changement climatique conduit à mettre sous tension l'ensemble des utilisateurs de l'eau, on l'a vu avec la sécheresse estivale 2022 et la sécheresse hivernale 2023 risque d'entraîner une situation pire encore. Il faut donc renouveler et repenser notre approche et nos outils pour une gestion efficace de la ressource.
L'ANEB a produit il y a quelques mois un livre bleu avec de nombreuses propositions. Nous sommes impatients que vous nous apportiez votre éclairage, en s'appuyant sur vos travaux récents.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et vous réitérer le plaisir que j'ai de suivre vos travaux, qui sont de qualité. En complément de l'introduction du président Pointereau, je voudrais vous demander d'axer également votre propos sur la notion de gouvernance territoriale, qui vous est chère. La façon d'intégrer les politiques de l'eau, notamment dans les politiques d'urbanisme, constitue à mes yeux un élément important de mise en perspective et, d'une manière générale, la façon de renforcer la lisibilité des politiques de l'eau.
Il est par ailleurs question aujourd'hui de la contractualisation dans le cadre des contrats de plan État-région. Il est important de surcroît de s'interroger sur les compétences respectives des collectivités et des structures de gestion, et sur le bon niveau de déclinaison territoriale, dans le respect du principe de subsidiarité. Un grand nombre d'interrogations se posent aujourd'hui par rapport à la mise en oeuvre des compétences, ce qui renvoie bien sûr à la question des capacités et des moyens. J'aimerais également que vous évoquiez la GEMAPI, dont le succès dépend de sa mise en oeuvre différenciée, étant entendu que la politique des moyens n'est pas toujours au rendez-vous sur ces sujets. Pour conclure, l'objectif à atteindre me semble aujourd'hui d'aller plus fort et plus vite. Dans l'esprit de la loi « Accélération des énergies renouvelables » du 10 mars dernier, il convient aujourd'hui de proposer tous les outils nécessaires pour accélérer la mise en place de politiques de l'eau plus résilientes et plus efficaces. C'est peut-être la feuille de route que l'ensemble des acteurs devrait se fixer.
M. Bruno Forel, président de l'Association nationale des élus des bassins (ANEB). - Il est intéressant pour nous d'avoir l'occasion d'explorer avec la représentation nationale les sujets qui nous occupent quotidiennement sur les territoires. L'Association nationale des élus de bassin (ANEB) est, comme son nom l'indique, une association d'élus. Elle réunit en son sein aussi bien des établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) que des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Notre objectif est de fédérer des personnes qui s'investissent au quotidien sur la question de l'eau. Nous n'hésitons pas à associer dans nos travaux aussi bien les élus que les directeurs de structure, en un mot, tous ceux qui participent à la gestion du grand cycle de l'eau - même si nous n'aimons guère ce terme - sur les territoires, au quotidien. Nous représentons l'immense majorité de ces établissements. Même si tous ne sont pas adhérents, nous comptons un nombre d'adhérents tout à fait significatif.
Nous avons récemment apporté une contribution au débat public à travers notre Livre bleu, car il nous semblait nécessaire, après de nombreuses années de réflexion et de travail, de présenter un avis sur les politiques de l'eau et la gestion de la ressource en France. La question de l'eau présente des enjeux d'une actualité brûlante mais, en réalité, elle est d'évolution lente et prévisible, depuis un certain temps. C'est bien la question qui nous importe le plus. En effet, nous avons largement perçu les difficultés qui deviennent de plus en plus prégnantes, tant lorsque les phénomènes sont paroxystiques, provoquant des inondations qui nous posent des difficultés, que lorsque la ressource vient à manquer. C'est sans doute ce dernier phénomène qui nous inquiète le plus aujourd'hui, pour l'alimentation humaine mais aussi pour l'état de nos biotopes et la préservation de la biodiversité.
C'est un sujet d'une importance cruciale, qui mérite qu'on s'y intéresse sans délai. Pour autant, nous défendons l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'engager dans la précipitation des mesures mal calibrées. Nous appelons très largement à continuer d'approfondir la structuration qui préside à la gestion de l'eau dans notre pays. Depuis longtemps, la France a montré ses capacités en la matière et a fait école à l'international. Il est essentiel, face aux sujets qui nous occupent, non pas de tout changer ou de renverser la table, mais d'intensifier ce que nous avons déjà su construire, de rendre la politique de l'eau efficace et de la déployer sur l'ensemble du territoire.
M. Frédéric Molossi, co-président de l'Association nationale des élus des bassins (ANEB). - Notre Livre bleu repose sur deux convictions. La première consiste à rappeler que l'eau est un bien commun. La seconde renvoie au fait que la politique de l'eau par bassins versants en France est un marqueur fondamental, auquel nous continuons d'être tout particulièrement attachés. Nous considérons qu'il est temps de le rappeler de manière forte, notamment depuis la mise en place de la GEMAPI. Celle-ci, non seulement ne couvre pas l'entièreté des thématiques relatives à ce que l'on appelle traditionnellement le grand cycle de l'eau mais, en outre, renvoie au bloc communal, en l'occurrence aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Sans remettre en cause ce principe, nous considérons qu'il manque aujourd'hui les outils permettant de garantir la cohérence de l'intervention à l'échelle du bassin versant.
Vous visez à identifier des propositions à mettre en oeuvre à court terme, pas seulement à moyen et long termes. C'est un sujet et une préoccupation que nous partageons. En tout cas, nous pensons que l'un n'empêche pas l'autre. Il existe sans doute des mesures, pour renforcer et simplifier les dispositifs, afin de rendre l'action plus rapide, plus résiliente et plus forte à l'échelle des territoires. En revanche, certains sujets, notamment s'agissant de la gouvernance, méritent d'être étudiés sur une temporalité un peu plus longue.
Mis en place dans le cadre du Plan eau, le groupe de travail consacré au grand cycle de l'eau que j'ai eu le plaisir de co-présider avec le président de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne rejoint les conclusions de notre Livre bleu en matière de gouvernance. La première proposition est la promotion d'une organisation homogène, par bassin versant, sur l'ensemble du territoire national, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. Cette organisation nous semble être la seule à même de permettre des prises de décisions et d'actions partagées, à la bonne échelle, concrètes, cohérentes et comprises par nos habitants et les différents acteurs de l'eau sur les territoires. C'est un élément qui nous semble indispensable afin de maintenir cette approche par bassin versant.
Il s'agit bien sûr de s'appuyer sur des structures existantes. Notre but n'est pas de tout révolutionner ou de laisser croire que nous partirions d'une page blanche. Nous pensons que cette organisation doit reposer sur des commissions locales de l'eau (CLE), présentes sur l'ensemble du territoire national et un établissement public de bassin. Ces deux instances doivent être intimement rattachées l'une à l'autre, dans la mesure où la CLE est un organe démocratique, qui assure que l'ensemble des acteurs d'un même territoire partage et décide ensemble d'un certain nombre d'orientations et d'éléments de programmation, à la bonne échelle. De son côté, l'établissement public de bassin est à la fois - comme son nom l'indique - une structure de bassin, bien évidemment, qui a vocation à intervenir dans le domaine de l'expertise. Il nous paraît aujourd'hui essentiel de renforcer ce binôme là où il existe avec un objectif de couverture de l'entièreté du territoire.
Ce fonctionnement nous semble de nature à favoriser la différenciation territoriale, à laquelle nous sommes très attachés. Je rappelle en effet que nous sommes une association d'élus locaux qui interviennent sur ces sujets. Il s'agit de permettre à la fois une différenciation en termes d'enjeux, d'acteurs et de solutions, tout en élaborant des règles générales de fonctionnement et de financement.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - L'articulation entre la structuration et la différenciation est un défi. La façon dont un EPTB fonctionne ou associe ses parties prenantes peut d'ores et déjà tenir compte d'une différenciation territoriale. En revanche, pour garantir la philosophie de fonctionnement de l'EPTB, il convient tout de même de rester relativement homogène sur le plan national.
M. Frédéric Molossi. - Vous avez raison. Il faut veiller à assurer une cohérence à l'échelle du bassin versant pour ne pas saper les fondements de la politique de l'eau en France, L'ensemble des experts s'accorde pour reconnaître qu'il s'agit de la bonne échelle. Notre modèle a d'ailleurs fait école à l'étranger. J'ajouterai que les questions de financement se traitent aussi à cette échelle. En outre, la GEMAPI doit être renforcée.
La question de l'eau - et en particulier celle du grand cycle - relève des politiques d'aménagement du territoire. C'est un point extrêmement intéressant. Les récents débats ont mis en évidence cet aspect, notamment dans le Sud, avec un maire qui a pris la décision de suspendre les permis de construire en raison du manque d'eau, ce qui démontre que l'eau fait partie intégrante d'une politique d'aménagement du territoire. Le développement du territoire sur le plan économique, démographique, touristique ou agricole ne peut s'envisager en ne regardant pas le sujet de l'eau. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut renforcer le lien organique entre la politique de l'eau et l'ensemble des documents d'aménagement, à la fois parce que ce lien conserve toute sa pertinence dans le cadre de perspectives d'aménagement et de développement des territoires, mais aussi parce qu'il permettra de renforcer la gouvernance de l'eau.
Pour les non-initiés, notre discours peut sembler faire référence à une sorte de technostructure. Or tout ce que l'on vient d'évoquer existe déjà. Nous ne proposons pas d'ajouter d'échelons supplémentaires. Nous proposons de renforcer les structures en assurant leur développement sur l'ensemble du territoire et en les consolidant, notamment en termes d'interpénétration avec d'autres politiques publiques et en particulier celles de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme.
Enfin, comme vous l'aurez compris, cette articulation clé autour de l'EPTB est l'assurance d'une démocratie locale renforcée, en associant l'ensemble des acteurs, ce qui est indispensable, en particulier au regard des tensions que l'on observe de nos jours. En partant de la base, il est important de réunir tous les acteurs autour d'une même table, pour favoriser une réflexion commune en tenant compte des spécificités de leur territoire et de leurs orientations à moyen et long termes, et de se doter d'un outil opérationnel d'expertise mais aussi, par subsidiarité, de maîtrise d'ouvrage. Tels sont les critères auxquels satisfont les EPTB qui, à nos yeux, garantissent la cohérence à l'échelle du bassin versant.
M. Bruno Forel. - Je vais tenter de préciser notre positionnement. En réalité, et tout le monde en est de plus en plus conscient, l'eau n'est pas un élément de la nature parmi tant d'autres. C'est un composant fondamental et essentiel. Les études prospectives menées actuellement nous le montrent avec clarté. En vallée du Rhône, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a mis en lumière une baisse possible des débits d'étiage d'environ 40 %. Pour l'ensemble du territoire national français, on prédit une baisse drastique des ressources et une augmentation des sécheresses météorologiques. La menace est sérieuse. Y a-t-il un endroit, sur le territoire national, où la question de l'eau ne se posera pas ? Sûrement pas. Nous aurons à résoudre ce problème partout.
L'administration des territoires s'est construite autour de l'urbanisation et de la capacité à organiser socialement l'ensemble du territoire. C'est bien normal, mais l'eau répond à une organisation et à un périmètre différent, qui repose sur la nation de bassin. Il en a été tenu compte dans les années 1960, quand ont été élaborées les premières lois sur la gestion de l'eau. De grands bassins versants ont été retenus, avec des districts et des agences de bassin, renommées ensuite agences de l'eau. À l'heure actuelle, il faut descendre plus bas dans la granulométrie de l'analyse des problèmes et des outils. Il faut produire une carte administrative qui reflète la bonne échelle de la gestion de l'eau, qui ne se superpose pas nécessairement au périmètre des communes, communautés de communes, départements ou régions. Il faut permettre à ces collectivités de se retrouver autour d'un établissement à la bonne échelle de la gestion de l'eau. C'est pour cette raison que nous mettons en avant l'EPTB.
Il faut s'appuyer sur les CLE qui réunissent des acteurs légitimes. En tant qu'élus locaux, nous savons que la démocratie de proximité est essentielle. Nous sommes favorables à la généralisation des CLE, pour favoriser le partage des usages de l'eau, tant agricoles, touristiques qu'industriels, mais aussi pour répondre aux préoccupations environnementales et préserver la biodiversité aquatique. Certains objectent qu'il existe parfois des problèmes, même quand il existe une CLE. Est-ce parce qu'un outil existe qu'il est chaque fois parfaitement pertinent ? Même si le marteau ne touche parfois pas le clou, n'est-il pas l'un des meilleurs outils pour enfoncer les clous ? Il est certain que les CLE ne peuvent pas tout résoudre et ne résolvent pas toujours tout. Néanmoins, sans elles, le dialogue ne peut pas s'organiser. C'est en effet le lieu du dialogue et de l'échange et c'est sans doute le lieu où le plus pertinent pour déminer les incompréhensions, par exemple lors de la création d'un ouvrage hydraulique supplémentaire.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Je précise que les CLE sont adossées aux schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE). Par ailleurs, derrière la question de la CLE se pose aussi la question des moyens de mise en oeuvre des SAGE et de financement. Souvent, on reproche d'avoir passé beaucoup de temps à concevoir les SAGE, avant de passer énormément de temps à les mettre en oeuvre, du fait de difficultés à mobiliser les moyens.
M. Rémy Pointereau, président. - N'a-t-on pas besoin de simplifier l'organisation de la gouvernance de l'eau ? Entre les comités de bassin, les agences de l'eau, les SAGE, les SDAGE, les CLE, etc., nos citoyens n'y comprennent plus rien. Par ailleurs, je voudrais savoir de quelle agence de l'eau vous êtes membres. De plus, à quel collège appartenez-vous dans ces agences de bassin ?
M. Frédéric Molossi. - Je suis membre de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, au titre de l'EPTB Seine Grands Lacs au Conseil d'administration duquel je siège au titre du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
M. Bruno Forel. - En ce qui me concerne, je suis membre du Conseil d'administration de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et membre du Comité de bassin, au titre de ma présidence de l'EPTB SAGE SM3A, qui s'occupe de la rivière Arve qui part du Mont-Blanc, va jusqu'au lac Léman et se jette dans le Rhône.
La simplification est un enjeu. Mais si l'on a créé des outils, c'est souvent pour résoudre un problème. C'est plutôt la manière dont les outils sont construits qu'il faut interroger. Si l'on parle d'encourager la différenciation selon les territoires, on a souvent du mal dans notre pays à laisser s'exercer les responsabilités et les libertés locales. Un SAGE ne doit pas forcément être extrêmement complet. Or, il est parfois structuré pour répondre à une quantité invraisemblable de questions. Le problème est souvent le même avec les schémas de cohérence territoriaux (SCoT). Les procédures et les outils pourraient être simplifiés, en visant plutôt de permettre la rencontre et la construction à l'échelle des territoires, autour des sujets qui le nécessitent. C'est peut-être ainsi que nous arriverons à mieux faire comprendre aux citoyens notre manière de travailler.
J'insiste aussi sur les correspondances entre les documents de planification. Le pouvoir régalien pourrait nous y aider. Ainsi, en termes d'aménagement du territoire, le SAGE pourrait mieux dialoguer avec le SCoT, avant de devenir une contrainte pour les PLU. Nous sommes en capacité d'organiser ces questions, difficiles à percevoir pour les citoyens. raison pour laquelle ils nous délèguent la responsabilité de gestion.
La question du financement est essentielle. La GEMAPI a eu le mérite d'apporter des ressources nouvelles. Nombre de nos collègues s'en sont saisis. Ainsi, la totalité de la vallée de l'Arve cotise au titre de la GEMAPI, de manière partagée entre l'amont et l'aval, avec une clé de répartition qui permet la solidarité, ce qui marche très bien et nous permet de travailler.
Mais la GEMAPI ne couvre pas tous les besoins. Dans le domaine du grand cycle de l'eau, lorsqu'il s'agit de restaurer une zone humide ou d'entretenir une forêt alluviale de bonne qualité, les financements de la GEMAPI ne peuvent pas être mobilisés. Nous serions favorables à ce que les EPTB exercent une compétence spécifique de bassin, s'appuyant notamment sur la gestion des eaux pluviales et les questions du grand cycle. Ce serait un appui sérieux en aménagement du territoire aux collectivités, aux communes ou aux communautés de communes. Cela permettrait aussi d'engager des travaux sur tout ce qui concourt à la bonne qualité de l'eau sur le territoire, à la biodiversité et aux écosystèmes. Par leurs compétences en matière d'environnement, les régions et les départements pourraient s'associer et trouver une capacité d'action supplémentaire en s'appuyant sur les EPTB.
M. Hervé Gillé, rapporteur - On est plus efficaces à partir du moment où les politiques publiques sont davantage intégrées à tous les niveaux. Ainsi, le fil de l'eau est mieux assuré dans le bassin ou sous-bassin lorsque le PLU et le PLUI contribuent au développement des zones humides par une meilleure gestion des eaux pluviales. Il serait intéressant, à travers des interventions complémentaires à différents niveaux de collectivité, d'améliorer le financement de ces politiques. Concernant la GEMAPI, on constate un traitement très différent entre des cours d'eau structurants - pas seulement des fleuves - et un chevelu qui nécessite beaucoup moins d'investissements. Or, les lois et règlements prévoient la mobilisation de la même palette d'outils, quelle que soit la situation territoriale.
M. Bruno Forel. - S'il est nécessaire de mobiliser des financements pour des opérations d'investissement, très visibles, il faut aussi être en capacité de mobiliser un financement pérenne sur de l'ingénierie et de la planification. L'EPTB est précisément le lieu d'une ingénierie partagée, nécessaire pour permettre aux collectivités d'agir, à l'échelle locale. La réussite de la politique de l'eau s'appuie en effet sur les maires et sur les départements, c'est-à-dire l'échelle locale. C'est cette énergie locale qu'il faut mobiliser et fédérer, avec des EPTB qui pourraient bénéficier d'une fraction de redevance ou encore d'une contribution pour services rendus par la nature. Il y a lieu d'approfondir une réflexion sur ce point.
M. Frédéric Molossi. - Tout le monde est convaincu du besoin de financer des investissements supplémentaires. Mais l'ingénierie est aussi un sujet majeur pour les collectivités, notamment celles où s'exerce la GEMAPI. Il ne faut pas orienter les financements quasi-exclusivement vers l'investissement, en perdant de vue le volet fonctionnement. Opposer les deux, ce serait effectuer la même erreur que si l'on dissociait CLE et EPTB. Il faut marcher sur nos deux jambes.
On entre dans une période que l'on ne peut plus qualifier de «période de crise », qui relève de la gestion régalienne par l'État. En réalité, on s'installe dans une situation hydrologique nouvelle. Sur Seine-Grands Lacs, le soutien d'étiage est supérieur sur la dernière décennie à ce que prévoient les règlements d'eau depuis cinquante ans. La notion d'urgence ne doit pas conduire à perdre de vue la notion de temps long. Sinon, nous passerons à côté de nombreux sujets.
S'agissant de la simplification, il est vrai qu'il en est souvent question, mais que l'on ne voit pas venir grand-chose. En premier lieu, nous défendons une organisation identique sur l'ensemble du territoire. Une telle organisation nous semble à la fois être un élément de simplification et un gage de lisibilité et de visibilité. Il peut être déroutant, en particulier pour les non-initiés, que l'organisation ne soit pas la même partout. En second lieu, comme nous l'avons proposé dans le cadre du Plan Eau, nous estimons nécessaire que les SAGE et les SDAGE soient allégés, afin de faciliter leur conception et leur élaboration. Leur préparation et mobilise l'énergie des élus, des experts et des acteurs, alors qu'ils ne trouvent pas toujours une traduction territoriale concrète. Si la politique de l'eau se limite à multiplier les documents de planification sans mise en oeuvre visible et concrète pour les élus et les populations, cela corrobore l'idée d'un entre soi sans réelles actions. Une forme de simplification est nécessaire, qu'il faudra mettre en oeuvre avec l'administration centrale. Un exemple mérite d'être cité : les fameux les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), qui sont de très beaux outils. J'en ai beaucoup initié sur le territoire de Seine Grands Lacs. Leur dimension de gestion partagée avec l'ensemble des acteurs est le meilleur gage possible pour atteindre sinon le consensus, du moins de la convergence.
M. Ludovic Haye. - Il existe une contradiction dans notre organisation territoriale. Le plus à même de mieux décider en matière de gestion de l'eau est le maire à l'échelon local. Or, l'exercice de la compétence a tendance actuellement à remonter. Cela se justifie lorsqu'il s'agit de définir un schéma à l'échelle d'un bassin versant. Pour l'exercice de la compétence de gestion de l'adduction d'eau potable, le maire n'a plus vraiment voix au chapitre. S'agissant d'assainissement, les maires restent encore largement concernés, notamment dans les petites communes, avec les microstations de traitement des eaux usées. La transmission des compétences aux EPCI ne fait qu'éloigner la compétence des élus locaux.
Sénateur du Haut-Rhin, je suis élu sur un territoire bon élève de la GEMAPI. L'Alsace y travaille depuis 80 ans, avec des ouvrages qui ont été non seulement créés mais également entretenus régulièrement. Nous levons des taxes, comme tout le monde, et le fait que la GEMAPI soit gérée par les EPCI n'a pas forcément été apprécié par tous les élus locaux. J'y vois une contradiction avec la nécessité d'avoir une gestion de l'eau de proximité.
Je travaille enfin sur un projet de capitalisation de la connaissance. À l'heure actuelle, certaines personnes étrangères aux schémas de l'eau savent exactement où l'eau passe, où elle sort et comment les ouvrages ont été conçus. Avec la dissolution des syndicats, ces personnes ne sont plus en fonction et l'information se perd quand un jeune, aussi bien intentionné soit-il, prend la direction d'un SAGE ou d'une autre structure.
M. Bruno Forel. - La question de la proximité de gestion m'apparaît essentielle. Je suis à la fois président d'un EPCI qui a récupéré la compétence eau potable et maire d'un village de 3 500 habitants. Cette question de la représentation de l'échelon communal dans les EPCI est essentielle. Nous devons sensibiliser les élus des petites collectivités à l'importance de la présence, de l'investissement et de l'association des petites communes aux EPCI. Sans eux, rien n'est possible. Si nous n'instaurons pas cette culture du partage et de la communication, nous irons au-devant de problèmes.
L'échelle des EPCI nous apparaît comme le bon niveau de gestion de l'adduction de l'eau. Cela ne signifie cependant pas qu'il faille exclure la gestion de proximité. Ça doit être une échelle de coopération, et non d'exclusion.
Quand il est question du tuyau qui amène l'eau domestique, ce sont des domaines connexes au grand cycle de l'eau, mais ce ne sont pas les mêmes problèmes. Pour que l'eau arrive dans un tuyau lorsqu'il pleut, il faut avoir correctement anticipé l'arrivée de cette pluie, avoir conservé des forêts capables de jouer le tôle de réservoirs d'humidité et avoir connaissance du niveau et des paramètres de la nappe phréatique. L'ingénierie, la connaissance ou la compréhension du système hydrographique ne correspondent pas à l'échelle d'un village de 500 habitants. Dans notre vallée, l'EPTB auquel je participe est très petit à l'échelle du territoire, qui n'est pas comparable à celui de Seine Grands Lacs qui couvre pour sa part plusieurs régions et plusieurs départements. La vallée de l'Arve part du sommet d'une montagne. La topographie étant très encaissée, l'eau se jette assez rapidement le Rhône. Nous ne pouvons donc pas cartographier précisément le circuit de l'eau depuis le sommet du Mont-Blanc jusqu'à l'exutoire de l'Arve. Nous avons certes progressé depuis vingt ou trente ans, mais nous n'y sommes toujours pas parvenus. Ce n'est pas à la portée d'une commune et c'est bien là le noeud du problème.
Il n'est pas aisé de répondre à cette double injonction, acheminer l'eau par les réseaux, au plus près et de manière efficace, mais aussi aménager le territoire, pour favoriser la mise à disposition de la ressource. Le problème est comparable pour l'eau pluviale. Ce sont en effet les maires qui la gèrent. Nous l'avons beaucoup gérée avec une approche fondée sur les tuyaux, depuis des siècles et jusqu'à aujourd'hui. Cela pose beaucoup de problèmes, qu'il s'agisse du régime des rivières ou de la réalimentation du sol en eau. Nous devons apporter aux maires, dans leur gestion quotidienne ou dans la construction de leurs espaces publics des outils et de la connaissance, pour qu'ils puissent travailler efficacement. C'est pour cette raison qu'un EPTB apparaît pour nous comme un lieu ressource, pour pouvoir réunifier les approches du grand cycle et du petit cycle.
M. Rémy Pointereau, président. - Revenons de façon concrète sur la GEMAPI. Je vis dans le Cher, département longé par la Loire sur une grande partie de son territoire. Les EPCI de 10 000 à 20 000 habitants exercent la compétence GEMAPI. Elles doivent entretenir les digues de Loire, ce qui représente des dépenses colossales. Or il existe un établissement public, l'Établissement Public Loire (EPL), qui gère les problèmes d'inondation pour les agglomérations le long de la Loire. Elles n'ont pas difficultés à gérer ces compétences. Elles sont bien protégées des inondations. Nous avons réussi à faire adopter un amendement à la loi 3DS pour faire en sorte que les EPTB puissent exercer les compétences GEMAPI à titre expérimental, afin d'assurer une continuité dans la gestion des digues de Loire. En effet, quand une communauté de communes conduit des travaux en mobilisant des moyens importants, si la communauté de communes voisine ne fait rien, alors les efforts de la première sont inutiles. C'est dramatique. Or, l'EPL a refusé de prendre la compétence pour les EPCI. Comment faire ? Les métropoles ont les moyens d'agir et notamment de réparer des digues qui coûtent plusieurs millions d'euros, mais pas les communautés de communes. Faut-il obliger les établissements publics à exercer la compétence GEMAPI, ce qui me paraîtrait logique ?
M. Bruno Forel. - La notion d'obligation est toujours abrupte. Pour autant, face à la nécessité de s'organiser, le bon échelon d'exercice de la mission GEMAPI est l'EPTB. C'est lui qui doit permettre d'aplanir les différences. C'est ce que fait l'EPTB que je préside. Les communautés de communes n'ont pas la même richesse. Je cohabite pour ma part avec une petite communauté de communes de 20 000 habitants, où l'on trouve Chamonix et de grandes stations prestigieuses. Vous imaginez bien que les moyens ne sont pas les mêmes partout. Pour ces raisons, je partage l'idée qu'il faut contraindre, en fonction des ressources et de la connaissance hydrographique.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Il paraît nécessaire de clarifier la question de la prise de compétences. Mais ce n'est peut-être pas aussi évident que cela. La question de l'évolution statutaire des EPTB se pose en effet, ceux-ci étant très variables, avec notamment des régimes d'adhésion différents. Certains EPTB ne sont constitués que de collectivités départementales et régionales. D'autres préfèrent une approche d'ensemblier, avec les agglomérations, les communautés de communes, les départements et éventuellement les régions quand elles sont concernées. Cela peut s'entendre par rapport à la différenciation territoriale, mais pour disposer d'une politique cohérente et homogène, il y a une réflexion de fond à mener sur le sujet.
M. Frédéric Molossi. - L'ANEB n'a pas plaidé en faveur de l'obligation, mais je partage le point de vue de Bruno Forel. Les EPTB peuvent être très différents. Dans l'EPTB présidé par Bruno Forel, on trouve tous les EPCI du territoire et seulement les EPCI. Au sein de l'APTB Seine Grands Lacs, en revanche, on trouve quatre départements - les trois de la petite couronne ainsi que la Ville de Paris - la métropole du Grand Paris, Troyes Champagne Métropole, l'agglomération de Saint-Dizier, quelques EPCI et la région Grand-Est - soit l'ensemble de ce que l'on appelle dans notre jargon les territoires à risques importants d'inondation(TRI). À notre sens, les EPTB doivent être représentés des organismes où toutes les échelles de collectivités doivent pouvoir participer à la gouvernance, au regard des compétences qui sont les leurs et qui, vous l'aurez compris, ne pas tout à fait les mêmes.
Quant à la question de la GEMAPI, je partage l'idée qu'à terme les EPTB prennent en charge ce sujet, même si la GEMAPI ne couvre pas l'entièreté de nos domaines. Cela pose effectivement la question de la solidarité. Quand la métropole du Grand Paris a levé pour la première fois la GEMAPI, elle l'a fait à hauteur de 60 centimes, multiplié par 7,2 millions de redevables. Quand Troyes Champagne Métropole a eu un problème comparable à celui que vous évoquez sur son régime d'endiguement, qui n'avait pas fait l'objet du moindre investissement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cela représentait 22 millions d'euros d'investissement, pour une collectivité d'environ 120 000 habitants. La taxe GEMAPI a été fixée à 15 euros. Sur cette base, il est possible de refaire le système d'endiguement, mais pas forcément la totalité des travaux qui seraient nécessaires dans le cadre de la mise en oeuvre de la GEMAPI. Là aussi, il faut penser un système de gouvernance capable d'introduire des mécanismes de péréquation et de solidarité amont-aval et urbain-rural, sans que la question ne soit renvoyée uniquement à l'échelle des collectivités. En effet, ces dernières, même si elles perçoivent la fameuse taxe, savent que le levier fiscal n'est pas forcément celui sur lequel on appuie le plus volontiers, surtout dans la conjoncture actuelle. Quoi qu'il en soit, vous comprenez bien que 7,2 millions d'euros multipliés par 60 centimes produisent une somme qui n'équivaut pas à 15 euros multipliés par 120 000. En matière d'investissement, on voit bien que les sommes sont sans commune mesure, au regard des enjeux locaux qui sont aussi des enjeux de bassin. Un système d'endiguement correctement entretenu et protecteur pour la zone urbaine de Troyes est en effet aussi une garantie pour que le Parisien, dans la zone dense en aval, reçoive un peu moins d'eau en période de hautes eaux. Cela suppose de disposer de cet outil susceptible de garantir cette cohésion à l'échelle du bassin versant que sont les EPTB.
Sans aller jusqu'à l'obligation, nous disposons de divers leviers. Quand l'État incite les acteurs à s'engager pour les plans de gestion d'étiage (PGE), de manière extrêmement volontariste, il n'en découle qu'un très beau document sans véritable application concrète. En ce qui concerne les PTGE, là aussi, il est demandé aux collectivités d'élaborer des documents et de construire des consensus. Or, ces consensus sont parfois fragiles. Tout cela tient à une d'alchimie un peu curieuse, qui dépend des visions de l'intérêt général, des thématiques abordées et des relations que chacun entretient les uns avec les autres, au-delà de nos différences. Au bout du compte, quand l'État valide les PTGE, il se réserve le droit de choisir, entre ses différentes dispositions, celles qu'il va financer, ce qui peut non seulement décourager l'investissement mais aussi, la plupart du temps, rendre caduc le travail d'équilibre et de consensus.
Mme Florence Blatrix Contat. - Quelles seraient les pistes à suivre pour simplifier les SAGE ? Quelles seraient les solutions pour mieux financer l'ingénierie ? Les syndicats de rivière et les EPAGE correspondent à une échelle cohérente sur un bassin versant. Néanmoins, le long d'un fleuve comme le Rhône, il peut exister un manque de coordination entre les structures de l'amont et de l'aval. Comment résoudre cette difficulté qui se pose sur mon territoire ? En outre, il existe parfois au sein des structures de type EPAGE des difficultés de gouvernance, du fait que les collectivités adhérentes ne transfèrent pas toutes les mêmes compétences. Ils transfèrent la GEMAPI, mais pas forcément les domaines allant au-delà de la GEMAPI, ce qui complexifie le fonctionnement.
Mme Sylviane Noël. - J'ai la chance d'être issue d'un territoire souvent cité en exemple en matière de gestion de l'eau et je tiens à saluer l'engagement de Bruno Forel à la tête de l'EPTB qui assure sa mission chaque jour, non seulement en qualité, en quantité mais aussi pour surmonter les conflits d'usage. Notre territoire est en effet soumis à de nombreuses pressions et il existe de nombreux enjeux sur ce bassin. Par ailleurs, les EPTB font un travail remarquable en matière de prévention des risques naturels, ce que l'on l'oublie un peu trop souvent, notamment dans les territoires de montagne.
Je souhaite poser deux questions auxquelles vous avez déjà partiellement répondu. Vu la raréfaction de la ressource, est-ce que la conciliation des usages vous paraît être correctement assurée en cas de tension hydrique ? Si ce n'est pas le cas, auriez-vous des pistes d'évolutions législatives, réglementaires ou administratives à nous suggérer ?
En outre, j'aurais aimé connaître votre avis à propos du réemploi des eaux usées, sur laquelle notre pays est très en retard par rapport à d'autres pays européens comme l'Espagne. L'Espagne réemploie en effet environ 20 % de ses eaux usées, alors que n'atteignons que 1 %.
M. Bruno Forel. - Sur la question des nombreuses différences structurelles qui peuvent exister entre les établissements publics, elles proviennent de la liberté d'organisation propre à ces instances ou sont les produits d'arrangements politiques. Quoi qu'il en soit, dans notre pays, toutes les communes, quelles que soient leur caractéristiques, comptent un conseil municipal, élu partout de la même manière, avec un règlement et des assemblées qui, même si un certain degré de liberté est laissé, doivent fonctionner par délibérations publiques. L'encadrement de leur fonctionnement n'empêche pas la simplicité. Nous en appelons à une structuration plus claire de la gestion de l'eau et du fonctionnement des EPTB. La question se pose sur des grands fleuves et notamment le Rhône, fleuve à dimension européenne, avec un tiers de sa longueur en Suisse. La présence d'un unique établissement public chargé de gérer le Rhône a longtemps été une question d'importance. L'agence de l'eau est censée être un ordonnateur ou un orchestrateur du début de la frontière (et donc pas de la source, en territoire suisse) jusqu'à son exutoire, mais dès lors que nous aurons des EPTB correctement structurés et armés pour répondre aux sujets, personne ne les empêchera, sous l'égide de l'agence de l'eau, d'organiser des coopérations fonctionnelles.
De la même manière, personne ne dit qu'il faut qu'il y ait un établissement public pour chaque microbassin. On peut tout à fait imaginer un système qui permette à un EPTB de gérer et de faire vivre ensemble des actions qui relèvent de l'EPCI, pour traiter de la qualité d'une petite rivière ou d'un petit cours d'eau. Nous n'appelons pas à la disparition de toutes les habitudes ou de toutes les choses qui sont bien faites. Nous appelons simplement à une structuration claire de cette question.
Pour ce qui est du réemploi de l'eau, nous l'avons encore peu développé dans notre pays, car nous nous sommes effectivement restés sur une approche fondée sur le tuyau unique. Les doubles tuyaux restent extrêmement coûteux en termes de structure. Il faudrait aussi adapter les règlements sanitaires. Je rappelle que les produits qui sortent des stations d'épuration ne peuvent réglementairement être utilisés librement. Toutes les précautions sanitaires restent un frein important à l'utilisation des sous-produits ou des déchets de l'agriculture ou de l'épuration. Je ne suis pas sûr qu'on puisse progresser facilement sur cette question, à l'aune notamment de l'augmentation des éléments polluants qui sont recherchés dans les eaux d'après les cahiers des charges. Pour autant, il est évident que tout réemploi de l'eau fait à bon escient ne peut qu'être une source d'intérêt. Utiliser quarante litres d'eau potable à chaque rapide passage aux toilettes reste sans doute excessif.
M. Frédéric Molossi. - Je souhaite revenir sur la question de la bonne distribution des clés de répartition au sein des instances. La situation est globalement insatisfaisante, sinon nous ne nous trouverions sans doute pas dans des situations de crise comme nous en connaissons et comme nous allons vraisemblablement connaître encore. C'est bien ce qui nous pousse à affirmer qu'il faut structurer et renforcer la gouvernance, à l'échelle des territoires.
Je tiens aussi à évoquer un dernier point. C'est anecdotique, mais il est intéressant de faire état des retours d'expérience relatifs à la sécheresse de l'an passé. Je vous invite à les étudier de près. Comme vous le savez, nous sommes dotés de préfets coordonnateurs de bassin. Or les arrêtés sont pris par les préfets de département. Je vous invite à étudier l'incohérence des arrêtés entre l'aval et l'amont. Pendant que certains habitants étaient autorisés à laver leur voiture d'un côté, ce n'était pas possible de l'autre côté. Puisque nous disposons de coordonnateurs de bassin, il serait peut-être utile que le préfet coordonnateur veille à coordonner les préfets de département, pour qu'il y ait une forme de cohérence, de lisibilité, de compréhension et de solidarité partagées, pour limiter les sujets de conflictualité
M. Hervé Gillé, rapporteur. - N'hésitez pas à nous communiquer tout élément qui n'aurait pas été suffisamment abordé au cours de cette audition. Nous nous inscrivons pour notre part dans une certaine agilité : si vous identifiez de nouveaux sujets avant la conclusion de la mission, n'hésitez pas à nous le faire savoir. Merci à vous d'être intervenu devant la mission d'information.
La réunion est close à 15 heures.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Jeudi 9 mars 2023
La réunion est ouverte à 11 heures.
Audition de M. Frédéric Veau, préfet délégué interministériel chargé du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique
M. Rémy Pointereau, président. - Merci monsieur le préfet, d'avoir répondu à notre invitation pour échanger sur la question importante de l'eau. Comme vous le savez, nous avons créé une mission d'information transpartisane sur la gestion durable de l'eau, lancée en février à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans le cadre du droit de tirage des groupes. Elle comprend l'ensemble des groupes politiques et son rapporteur est mon collègue Hervé Gillé, sénateur de la Gironde.
Nous avons commencé nos auditions la semaine dernière par les agences de l'eau. Nous souhaitons vous entendre en votre qualité de délégué interministériel chargé du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, qui a eu lieu l'année dernière.
L'eau est essentielle aux activités agricoles. L'année 2022 a été très difficile, et 2023 s'annonce encore plus difficile, compte tenu de la faible pluviométrie que nous connaissons actuellement, insuffisante pour recharger les nappes phréatiques. Le changement climatique met à mal tous nos territoires et l'ensemble de nos producteurs. Nous avons rencontré au Salon de l'agriculture un certain nombre de professionnels, qui sont inquiets pour la suite de l'année, à propos des volumes, quelles que soient les filières.
Le Varenne agricole de l'eau fait le pari qu'il est possible de parvenir à une gestion apaisée, équilibrée et efficace de l'eau pour les usages agricoles en mobilisant tous les leviers, la sobriété, la résilience, mais aussi en constituant de nouvelles réserves. Si nous voulons disposer de réserves disponibles et éviter de pomper de l'eau en période d'étiage, disposer de réserves de substitution nous paraît de bon aloi. Malheureusement, la gestion de ces réserves sur le terrain est compliquée.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Cette mission d'information vise à traiter en profondeur un certain nombre de sujets. Nous souhaiterions notamment obtenir des éclairages à propos du travail de recensement de l'ensemble des ressources disponibles et des réserves qui pourraient être mobilisables. Des difficultés juridiques peuvent apparaître : un certain nombre de ces réserves sont aujourd'hui privées, pour lesquelles se pose la question de leur mobilisation, car elles sont dévolues à d'autres activités.
Sur les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), si la démarche paraît vertueuse, on peut parfois s'inquiéter des délais de mise en oeuvre et du renforcement des pouvoirs des préfets. En outre, un dispositif d'évaluation a-t-il été mis en place pour apprécier l'état d'avancement des projets et mesurer leur efficacité ?
De manière générale, depuis que les conclusions du Varenne ont été rendues, quels leviers ont été activés pour avancer plus rapidement sur la question de l'eau en agriculture ?
M. Frédéric Veau, préfet délégué interministériel chargé du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. - Les travaux du Varenne agricole de l'eau ont débuté en mai 2021 et se sont terminés le 1er février 2022. Ils ont consisté en une large consultation de multiples structures et personnes. Les conclusions du Varenne s'articulent autour de trois piliers. Le premier est la protection de l'agriculture face au changement climatique, avec la réforme essentielle de l'assurance récolte, gérée par une des directions générales du ministère de l'agriculture. Le deuxième est l'adaptation au changement climatique. Le troisième est l'accès raisonné à la ressource là où c'est possible. Le Varenne a cherché à trouver un équilibre entre l'adaptation et l'accès à la ressource, en fonction des réalités territoriales.
Concernant le recensement des plans d'eau existants, il s'agit bien d'une des mesures du Varenne. Le but était d'inventorier les plans d'eau d'une superficie supérieure à 0,1 hectare, travail effectué grâce à un système de photographies satellites. Au plan national, on compte environ 350 000 plans d'eau. Cet inventaire apporte une masse d'informations considérable. L'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) travaille à une méthode d'utilisation et d'échanges avec les territoires de ces données. L'inventaire permet d'affiner la connaissance de l'existant et comprend une évaluation du volume des réserves. Le système de photographies par satellite vise aussi ainsi à rendre compte du marnage des réserves. Il faut désormais déterminer la propriété des réservoirs, l'état des installations et inventorier les exploitations agricoles à proximité intéressées par l'utilisation de ces réserves. Ce travail est en cours. Il apparaît que l'on dispose de marges de manoeuvre importantes en remobilisant le patrimoine hydraulique existant, sans même évoquer le rôle de Voies navigables de France (VNF), qui transporte de plus en plus des masses d'eau à des fins d'irrigation, en complément de son activité de navigation fluviale.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Quand pourrons-nous commencer à optimiser ces ressources ? Votre exposé laisse penser qu'un temps encore relativement important sera nécessaire avant que cette démarche soit réellement opérationnelle. Certaines réserves vont sans doute faire l'objet de débats à propos de leur intérêt écologique. Pour les réserves situées en propriété privée, la manière dont les accords seront passés avec les propriétaires pour mobiliser ces masses d'eau sera déterminante. L'optimisation de ces réserves sera également un enjeu central.
M. Frédéric Veau. - Nous avons commencé ce travail d'optimisation de façon concomitante au Varenne, lorsque des crédits du plan de relance pour l'hydraulique agricole ont été mobilisés. Nous terminons en ce moment la revue de projets d'hydraulique agricole région par région, en distinguant les projets qui seront prêts au mois de juin prochain et ceux de plus long terme : 164 projets ont été recensés, dont 44 seront finalisés d'ici fin juin 2023. Ces projets représentent 37 millions de mètres cubes d'eau au total, dont 5 millions de mètres cubes supplémentaires, le reste provenant de la substitution et de la réhabilitation d'ouvrages existants - à l'image de ce tronçon du canal latéral à la Garonne en Tarn-et-Garonne que VNF est en train de restaurer.
Par ailleurs, nous avons lancé une expérimentation en avril 2022 dans trois départements du Sud-Ouest qui ont subi l'épisode de gel au printemps dernier : le Gers, le Tarn-et-Garonne et le Lot. La règle de minimis s'est imposée pour les projets individuels. Il faut aussi composer au mieux avec les régimes d'autorisation et de déclaration ainsi que la durée de validité des crédits du plan de relance. Nous avons également identifié le sujet du statut des boues de curage, considérées comme des déchets - le seuil entre la déclaration et l'autorisation est de 2000 mètres cubes, ce qui est relativement faible. Le Lot et le Tarn-et-Garonne comptent chacun une quinzaine de projets, tandis que le Gers, qui a eu une approche plus ciblée, en compte trois.
M. Rémy Pointereau, président. - En Sologne, la direction départementale des territoires (DDT) est en train de faire la chasse aux étangs qui ne sont pas en conformité avec les prescriptions administratives pour les faire assécher ou les reboucher. Dans d'autres territoires, les plans d'eau sont soumis au problème d'évaporation. Il est regrettable que l'administration essaye parfois de supprimer les plans d'eau existants.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Dans l'expérimentation que vous citez, j'imagine que l'agence de l'eau a été associée. Plus largement, l'orientation qui se dégage est de conforter la gestion par bassin, et au-delà, d'aller vers un référentiel plus clair entre la disponibilité et les consommations d'eau à l'échelle d'un bassin pour être capable de mesurer la capacité, la ressource et les niveaux de consommation afin de les ajuster au mieux en fonction des usages. Dans le cadre du Varenne, avez-vous abordé ces sujets portant sur la connaissance et la gestion optimisée de la ressource ?
M. Frédéric Veau. - Ce sujet apparaît au travers de la question des volumes prélevables. La réglementation a évolué l'été dernier, avec un décret publié fin juillet 2022. On ne raisonne plus seulement sur les volumes prélevables en période d'étiage, mais aussi désormais sur les volumes prélevables hors la période de basses eaux. L'idée sous-jacente est de pouvoir prélever l'eau lorsqu'elle est abondante, pour la stocker en prévision des périodes de sécheresse. Ce texte s'appuiera sur une méthodologie de définition des volumes prélevables dont l'élaboration a été confiée à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et à l'Office français de la biodiversité (OFB). Nous ne détenons pas de chronique des prélèvements sur l'ensemble du territoire. Peut-être qu'à partir d'une méthode empirique, avec un échantillon de territoires, nous pourrions tirer quelques enseignements généraux.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Ma question porte sur la stratégie de lutte contre les incendies de forêt. Cette dimension est-elle appréhendée dans votre analyse ?
M. Frédéric Veau. - Le sujet de la défense de la forêt contre l'incendie n'est pas dans le périmètre du Varenne, qui est centré sur la ressource en eau pour l'agriculture.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Néanmoins, si un incendie survient dans les massifs concernés, il sera bien utile de prélever de l'eau dans ces réserves à vocation agricole.
M. Frédéric Veau. - Cela fait partie des points à traiter au sein de l'étude de méthodologie. En période de sécheresse, deux priorités sont fixées : l'alimentation en eau potable et la défense extérieure contre l'incendie. Par ailleurs, dans la constitution des réserves, si les discussions peuvent être vives sur les réserves spécialisées, ce n'est pas le cas pour les réserves multi-usages, susceptibles de profiter à tous, car un même équipement peut réalimenter le cours d'eau le plus proche, fournir les maraîchers du secteur et constituer une réserve potentielle contre l'incendie. Le sujet de l'incendie n'est pas dans mes compétences, mais il n'est pas oublié.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Lors d'incendies importants, les agriculteurs fournissent un appui important pour tenter de limiter la propagation du feu. L'exactitude du recensement des ressources en eau et leur situation permettent d'améliorer le maillage de protection contre les incendies.
Mme Évelyne Perrot. - Le comblement de certaines réserves d'eau n'a pas de sens : la Sologne, comme tout autre territoire, peut être sujette à des incendies.
M. Rémy Pointereau, président. - Notons qu'à une certaine époque, il n'y avait pas besoin d'autorisation pour faire des retenues.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous pourrions aussi évoquer une célèbre retenue d'eau dans le Lot-et-Garonne, à Caussade, qui pose de sérieux problèmes.
Mme Anne-Catherine Loisier. - L'urgence est pourtant réelle de se pencher sur la disponibilité de la ressource en eau pour lutter contre les incendies, qui risquent de devenir plus intenses à l'avenir. À votre connaissance, qui appréhende cette problématique ? Fera-t-on des arbitrages par rapport à l'eau potable ? Comment puisera-t-on dans les réserves d'eau ?
M. Frédéric Veau. - Cette organisation s'opère sur le terrain, dans le cadre des plans de secours. Les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) connaissent bien l'implantation des ressources possibles.
Mme Anne-Catherine Loisier. - L'enjeu est justement de partager des connaissances sur les massifs forestiers qui peuvent être concernés. Les territoires dépourvus de défense des forêts contre les incendies (DFCI) n'ont pas cette connaissance.
M. Frédéric Veau. - Je pense que la situation évolue. Dans la forêt de Fontainebleau, par exemple, le SDIS travaille avec l'ONF sur l'implantation de citernes. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) doit être fortement mobilisée à ce sujet. Son directeur adjoint a affirmé, assez récemment, que pour les missions de veille aérienne armée des bombardiers d'eau et les stations de remplissage des avions, la géographie du risque incendie est en train de s'étendre au nord et vers l'est de la France.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nous n'avons sans doute pas encore recensé certaines réserves d'eau, à l'instar de celles qui existaient avant l'adduction en eau potable, qui sont tombées dans l'oubli. Nous manquons de connaissance sur cet aspect, qui pourrait constituer une petite partie de la solution.
M. Daniel Breuiller. - Existe-t-il une instance interministérielle où l'on met en relation le travail autour du Varenne agricole de l'eau avec le travail sur la lutte contre l'incendie et celui sur les enjeux de l'alimentation et de la biodiversité ?
En outre, vous évoquez le recensement des réserves en eau, dont un certain nombre se trouvent en zone humide. En découle-t-il une classification des usages possibles de ces réserves ? Enfin, combien de ces réserves sont-elles alimentées par prélèvement dans les nappes phréatiques ?
M. Frédéric Veau. - Il n'a pas été souhaité que la création de la délégation ajoute des structures administratives à celles déjà existantes. En conséquence, la délégation s'insère dans les travaux du comité national de l'eau (CNE), et globalement dans les instances nationales de gouvernance de la politique de l'eau. Nous avons créé un comité de pilotage du Varenne, sous l'égide des cabinets du ministre de l'agriculture et de la secrétaire d'État à l'écologie, dans lequel sont présentes toutes les administrations concernées par la mise en place des 24 mesures ainsi que les présidents des différentes thématiques du Varenne. Nous avons tenu un premier comité de pilotage au mois de novembre 2022, le second a eu lieu en janvier 2023 et le prochain aura lieu au début du mois de juin prochain.
Concernant la classification des usages, ce travail s'effectue actuellement par l'Igedd. À ce sujet, nous avons besoin de mettre en place une méthode d'échanges avec les territoires, parce que la connaissance est locale et implique de travailler avec les DDT ou encore avec les établissements publics territoriaux de bassins (EPTB).
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Mais ces dernières structures n'existent pas dans tous les territoires. Pour repérer l'ensemble des parties prenantes susceptibles d'apporter ces informations, il faut aussi compter sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en charge de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), qui possèdent une bonne connaissance de leur environnement. Cela suppose une enquête structurée et cohérente sur l'ensemble du territoire, ce dont je doute. En effet, une classification permettrait d'affiner les usages.
M. Frédéric Veau. - Concernant l'origine de la ressource en eau des réservoirs recensés, je ne détiens pas les éléments. J'imagine qu'il s'agit pour une bonne part d'un patrimoine historique, relativement ancien, et qu'il s'agit souvent de captation de ressources issues des cours d'eau.
M. Daniel Breuiller. - Vous ne connaissez donc pas le nombre de captations dans les nappes pour l'irrigation ?
M. Frédéric Veau. - Je ne le connais pas mais la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) le connaît sans doute.
M. Rémy Pointereau, président. - Lors de la conclusion du Varenne de l'eau, 24 mesures ont été annoncées. Existe-t-il un ordre de priorité ? Certaines de ces mesures ont-elles déjà été mises en application ?
Vous évoquez les réserves multi-usages. Représentent-elles vraiment la bonne solution ? Il est difficile d'assurer la compatibilité entre les besoins pour l'irrigation, la pêche, les loisirs ou d'autres activités. Quelle est votre analyse ?
M. Frédéric Veau. - Les réserves multi-usages peuvent naturellement poser la question du partage de la ressource. J'ai tendance à ne pas en faire une question de doctrine, mais plutôt à travailler au cas par cas sur les territoires. La politique de l'eau est décentralisée et partenariale. Certains territoires préféreront des équipements individuels, d'autres des équipements collectifs, ce qui suppose des travaux d'adaptation et un maître d'ouvrage. Il convient de se mettre d'accord, en amont, sur la répartition de l'utilisation de la ressource.
Parmi les 24 mesures du Varenne, 23 ont commencé à être mises en oeuvre. S'agissant des financements, les crédits du plan de relance 2022 pour l'hydraulique agricole, soit 45 millions d'euros, ont été utilisés en intégralité. Un complément cette année s'élève à 20 millions d'euros. Le Varenne fait référence aux crédits liés au plan d'investissement France 2030, qui sont en train d'être mobilisés dans le cadre d'appels à projets ou à manifestation d'intérêt.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Sur les politiques d'accompagnement à l'efficacité et la sobriété, nos interrogations récurrentes portent sur la capacité et la qualité en termes de recherche appliquée pour améliorer nos savoir-faire et innover pour mettre en oeuvre des ouvrages plus efficients afin de remplir nos objectifs. Quel modèle économique est acceptable pour les agriculteurs ? Nous nous interrogeons également sur la contractualisation, notamment avec les conseils régionaux : dans quelle mesure les crédits que vous avancez, au moins en partie, sont-ils contractualisés ?
M. Frédéric Veau. - Les grands projets sont articulés, voire contractualisés, avec les collectivités territoriales. Certains appels à projets font appel à des candidats, dont les lauréats sont en lien avec le Varenne. J'évoque, par exemple, le projet Salt'Eaux, en lien avec les collectivités et les opérateurs de l'eau, dans l'Hérault et le Gard, qui a pour objet la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour irriguer la viticulture.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - En matière de réutilisation des eaux usées, disposez-vous d'autres informations particulières ?
M. Frédéric Veau. - Les eaux usées traitées sont parfois réutilisées à des fins d'irrigation ou comme des eaux brutes. Un sujet plus particulier concerne la réutilisation des eaux usées traitées dans l'industrie alimentaire, un autre a trait à la récupération des eaux pluviales ou des eaux de toiture, qui fait l'objet de recherches en Bretagne ou Franche-Comté.
La mise au point d'un décret et d'un arrêté est en cours. Ils forment une sorte de couple juridique...
M. Hervé Gillé, rapporteur. - ... que beaucoup attendent. La parution de ces textes n'a pas cessé d'être reportée.
M. Frédéric Veau. -- Le décret et l'arrêté portent sur la réutilisation des eaux usées traitées en milieu industriel. Il s'agit de définir des relations entre l'utilisation de l'eau et les précautions en matière de santé et de sécurité alimentaire. À cet égard, plus on se rapproche de la production alimentaire, plus les standards doivent être élevés.
Le décret sera pris en Conseil d'État et l'arrêté sera publié après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'objectif est d'y parvenir le plus rapidement possible.
M. Hervé Gillé, rapporteur. -- Avez-vous une date à nous communiquer ?
M. Frédéric Veau. -- Pas à ce stade.
M. Hervé Gillé, rapporteur. -- On peut comprendre que la France soit un pays particulièrement précautionneux, mais d'autres pays européens sont bien plus avancés en la matière. J'imagine qu'ils ont dû se poser le même type de questions, même si la pression ne s'exerçait peut-être pas de façon aussi forte. Nous sommes quand même très en deçà par rapport aux pratiques mises en oeuvre dans certains pays et nous commençons à nous étonner des résistances juridiques et administratives qui pèsent dans ce domaine.
M. Frédéric Veau. -- Les choses évoluent. Il est vrai que nos partenaires européens, sur le fondement des mêmes textes, retiennent une approche différente. La Belgique, en particulier, est en avance. Nous pouvons nous inspirer de leurs méthodes.
La pertinence de la réutilisation dépend d'un certain nombre d'éléments. D'abord, il ne faut pas oublier que les eaux de sortie des stations d'épuration en période d'étiage concourent à l'alimentation du débit des cours d'eau. Ensuite, il faut prendre en compte l'aspect sanitaire et s'assurer que l'eau réutilisée est bien conforme aux normes attendues. Les questions économiques ne doivent pas non plus être oubliées et il faut considérer le coût des traitements supplémentaires à mettre en oeuvre, mais aussi celui de l'énergie nécessaire pour faire circuler l'eau dans les canalisations. Enfin, s'agissant des industries alimentaires, il faut prendre en compte la dimension commerciale et s'assurer que le procédé se fasse dans des conditions optimales du point de vue du consommateur.
Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais c'est une solution. À titre d'exemple, l'industrie laitière prévoit d'être en mesure de récupérer jusqu'à 15 millions de mètres cubes par an grâce aux eaux récupérées lors du séchage du lait pour fabriquer de la poudre.
M. Hervé Gillé, rapporteur. -- Nous avons précisément pu échanger avec les industriels du lait sur ce sujet au salon de l'agriculture. Nous avons besoin d'y voir plus clair en matière de développement des expérimentations. Il nous faudrait aussi mieux comprendre les objectifs du Gouvernement.
J'en viens à un autre sujet, qui me semble particulièrement important et transversal. S'agissant des volumes prélevables en hiver et des retenues, il faut travailler à l'acceptabilité des projets et rappeler que la gestion de l'eau sur le cycle annuel peut être vertueuse à travers le fait de stocker l'eau quand le milieu en a le moins besoin et que les précipitations sont abondantes, pour la restituer à bon escient, si possible dans le cadre d'une gestion multi-usages.
Néanmoins, il faut clarifier la connaissance des critères d'un stockage efficient et améliorer la prise de décisions. Il s'agit d'un sujet structurant, car les volumes prélevés en hiver concourront à créer des ressources en eau qui seront redistribuées à d'autres périodes. Comment ce sujet a-t-il été abordé dans le cadre du Varenne agricole de l'eau ? Comment l'approfondir ? Lors des débats que nous avons sur ces sujets, avec l'ensemble des parties prenantes, dont les associations de protection de l'environnement, il est nécessaire de partir de données solides, afin de pouvoir estimer ce que l'on est en mesure de stocker sans incidence trop forte sur l'ensemble du milieu aquatique.
M. Frédéric Veau. -- Je n'étais pas présent lors des débats qui ont eu lieu dans le cadre du Varenne agricole de l'eau, mais j'imagine que le sujet a été évoqué. Je ne suis pas certain qu'une approche « holistique » ait été adoptée. Ce sujet figure dans le périmètre de l'étude menée par l'OFB et l'Inrae. Il comporte un aspect purement technique, concernant le nombre de mètres cubes prélevés, mais aussi une dimension humaine et sociale puisqu'il s'agit d'accompagner les projets pour favoriser leur acceptabilité sociale.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Il s'agit d'un sujet majeur, notamment dans le cadre de la construction des PTGE. Disposer d'éléments précis de connaissance est essentiel.
M. Daniel Breuiller. - Il faut aussi se demander quelles sont les externalités positives et négatives de chaque mode de stockage. Si le stockage artificiel en période hivernale et la réutilisation de l'eau en période estivale ne comportent pas d'externalités négatives, je ne vois pas pourquoi s'y opposer. En revanche, si le stockage se traduit par une diminution des nappes, un assèchement des sols et de plus grands besoin en matière d'irrigation, il serait idiot de prélever ces ressources alors que le stockage naturel dans les nappes et l'humidification des sols permettent une résilience plus grande, y compris pour les activités agricoles.
M. Frédéric Veau. -- Dans le cadre du Varenne, l'idée selon laquelle le sol serait le meilleur moyen de stocker l'eau est présente. Mais le sujet de l'articulation entre les plans de prévention des inondations, les zones d'expansion des crues et l'infiltration ne me semble pas assez exploré. Lors de votre première réunion, vous avez évoqué l'établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs, qui met en oeuvre un projet qui va dans ce sens, à la confluence de l'Yonne et de la Seine.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - La stratégie d'infiltration de l'eau est fondamentale et nous plaidons pour que la gestion du fil d'eau soit inscrite dans tous les documents d'urbanisme. Aujourd'hui, ces sujets doivent être appréhendés dans les schémas de cohérence territoriale (SCot) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). En effet, l'aménagement de l'espace est un facteur déterminant pour améliorer la gestion du fil d'eau et assurer notamment la reconstitution ou la meilleure gestion des zones humides. Il est préférable que l'eau pluviale aille vers des zones humides. En menant une politique cohérente, nous améliorons la gestion globale et le stockage dans les sols.
M. Frédéric Veau. - Dans le domaine de l'agriculture, la question du travail des sols se pose aussi. L'apport de matière organique favorise l'infiltration de l'eau dans les sols, comme les couverts végétaux. À titre d'exemple, la lavandiculture cherche à développer un couvert végétal entre deux rangées de plants de lavande pour améliorer la gestion de l'eau.
L'Association de coordination technique agricole (Acta) travaille à ces leviers d'adaptation avec l'Inrae et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (Apca). Il s'agit de l'un des éléments présents dans le Varenne agricole de l'eau concernant l'adaptation au changement climatique.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - S'agissant de ces gestions vertueuses pour améliorer la résilience et la capacité de stockage des sols, que pouvez-vous dire du couplage avec les politiques agricoles européennes dans le cadre du Varenne agricole de l'eau ? Comment optimiser l'utilisation des fonds européens en la matière ?
M. Frédéric Veau. - La question de l'utilisation des fonds européens relève largement des régions puisqu'elles sont devenues autorités de gestion pour la nouvelle génération de politique agricole commune (PAC) qui se déploiera à partir du printemps. S'agissant du catalogue de mesures nationales, les régions ont décidé de retenir certains volets et pas d'autres. Certains de ces volets portent sur l'irrigation.
Concernant l'articulation entre la PAC, le Varenne et la politique de l'eau, j'attire votre attention sur l'article 74 du règlement du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) qui encadre fortement les aides aux investissements hydrauliques : en particulier, elles sont proscrites ou limitées dans les zones où les masses d'eau se trouvent dans un état « moins que bon ». Cet élément dénote une volonté de cohérence entre la PAC et la directive-cadre sur l'eau (DCE).
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Cela risque d'être compliqué pour la France.
M. Frédéric Veau. - Tout l'enjeu repose sur la cartographie de ces zones.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Les agences de l'eau donnent l'alerte. Le non-respect de la DCE va directement amoindrir la capacité de l'Europe à intervenir. Des questions se poseront en termes de mobilisation et de moyens. Nous entendrons les associations de collectivités dans le cadre d'une audition et il nous faudra les interroger à ce sujet ainsi que sur la notion de contractualisation.
À ce stade, souhaitez-vous apporter des éléments que nous n'aurions pas abordés et qui pourraient nous être utiles ?
M. Frédéric Veau. - Je pense aux travaux des filières agricoles sur leurs plans d'adaptation au changement climatique, qui mobilisent une série de leviers. On dénombre onze filières dont sept en sont au stade du plan d'action, souvent centré sur la question de l'efficience d'une irrigation qui soit économe en ressource. La question de l'adaptation variétale et des pratiques culturales est également abordée. Il s'agit d'un travail important, qui avance rapidement et qui est supervisé par FranceAgriMer, qui a publié au moment du salon international de l'agriculture une brochure sur l'avancement de ces travaux.
En complément, la délégation a demandé à ce qu'une mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) soit conduite sur la notion de production résiliente. Nous avons connaissance de diverses expérimentations de nouvelles productions comme le miscanthus, le lin, le chanvre ou le sorgho, qui sont mises en oeuvre dans une perspective d'adaptation au changement climatique.
Avec ce travail, nous cherchons à rassembler au plan national les évaluations de ces différentes expériences, pour les capitaliser et développer une grille de lecture, en fonction du caractère plus ou moins prometteur de ces cultures. Il faut prendre en considération les dimensions agronomiques, mais aussi considérer les aspects économiques et notamment la structuration des filières industrielles de transformation et la demande du marché.
M. Daniel Breuiller. - Cette question de l'adaptation des filières est très importante. Comment s'opère le travail ? Quel est l'objectif ? Le ministre Christophe Béchu a récemment annoncé ce qui paraît réaliste depuis longtemps à beaucoup de scientifiques : il faut se préparer à une augmentation de 4 degrés Celsius en France, ce qui entraînera une baisse des niveaux d'étiage de 20 ou 30 %. La question de l'adaptation ne se traite pas de la même façon si l'on est confronté à +1,5 ou à +4 degrés. Comment faire ? Vous évoquez la question de la demande, mais peut-être faudrait-il la stimuler. Si notre capacité d'adaptation n'est pas suffisante, nous serons obligés de nous adapter de façon brutale, ce qui entraînerait des risques d'effondrement pour des filières agricoles entières.
M. Frédéric Veau. - C'est dans cette logique d'anticipation que ces travaux ont été lancés. Mais le changement climatique s'accélère et la question du rythme se pose.
En ce qui concerne l'activité agricole, nous travaillons sur une multitude de facteurs. Comment adapter les productions actuelles au changement climatique et jusqu'où ? À titre d'exemple, dans l'élevage, les animaux sont très sensibles à l'augmentation de la température, ce qui nécessite de nombreuses adaptations dans la pratique quotidienne.
Ensuite, certains optent pour des changements de culture, parfois spontanément. Pendant l'été 2022, nous avons observé une substitution du maïs au profit des oléagineux, ce qui n'est sans doute pas lié qu'au changement climatique, mais aussi à une incitation du marché.
Enfin, le troisième stade consiste à se demander quel type de cultures adaptées ou nouvelles il est opportun de développer. Il s'agit du sujet variétal. Par ailleurs, la question de la géographie se pose. Dans les Hauts-de-France, on observe une « céréalisation » de l'agriculture. Cette culture remonte donc vers le Nord, ce qui représente un grand changement. Pour d'autres filières, les choses sont plus compliquées et je vois mal, par exemple, comment la viticulture pourrait se passer du lien entre production et territoire.
Le travail porte sur de nombreux facteurs et son prolongement va s'incarner dans une initiative que finit de paramétrer l'Apca avec le réseau des chambres d'agriculture. Il s'agit d'un dispositif d'accompagnement des exploitations dans l'adaptation au changement climatique. Nous savons que cette adaptation prend du temps et qu'elle est difficile.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - La question est celles des crédits de fonctionnement pour développer notamment l'ingénierie. Les agences de l'eau pensent que leurs politiques iront de plus en plus vers le soutien à l'investissement et non au fonctionnement. Alors comment finance-t-on l'ingénierie d'accompagnement au changement climatique ?
M. Frédéric Veau. - Nous avons mobilisé à partir de 2022 les fonds du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Dans ce cadre, 16 projets ont été retenus pour un montant de 5,9 millions d'euros, dont beaucoup concernent la recherche sur l'adaptation variétale. Néanmoins, l'enjeu est bien d'identifier les leviers de changement et la marche à suivre, et nous aurons effectivement besoin de cet accompagnement lors de la phase de mise en oeuvre, qui se fera au plus près de chaque exploitation.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Il s'agit d'un sujet très important : il existe aujourd'hui une nécessité d'améliorer la contractualisation entre l'État, les régions, et le réseau des chambres consulaires et d'agriculture, pour soutenir des politiques d'accompagnement au changement, vers une montée qualitative des processus de production.
Or nous avons du mal à discerner, même à travers nos échanges d'aujourd'hui, cette prospective en termes de contractualisation, qui permettrait de créer les effets levier et les conditions d'un meilleur accompagnement. En outre, vous parlez peu des régions qui constituent pourtant à ce jour les acteurs majeurs sur ces sujets.
M. Frédéric Veau. - À travers notre revue de projets, l'implication des conseils régionaux est bien visible. C'est le cas en Occitanie ou en Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui bénéficie d'outils particuliers. Nous avons également les projets de réserves en Auvergne-Rhône-Alpes qui sont bien relayés par la région. J'ai noté également un appel à projets en Bourgogne-Franche-Comté dans le cadre de la définition d'une stratégie pour l'adaptation au changement climatique. La région Bretagne est très active sur le sujet de la récupération des eaux de toiture.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Vous citez les initiatives que les régions prennent, mais comment sont-elles articulées avec les politiques de l'État ?
M. Frédéric Veau. - Cela se passe au niveau de l'administration territoriale de l'État.
Mme Florence Blatrix Contat. - J'ai une remarque concernant la coordination avec les services de l'État relative aux politiques régionales. Vous citez la région Auvergne-Rhône-Alpes pour ses retenues, il s'agit en effet d'une forme de vision en réponse à la crise - mais cela ne peut pas être la seule, comme vous l'avez dit. La réponse passe forcément par la transition, culturale et des pratiques : il faut accompagner les agriculteurs. Or si on les accompagne uniquement en créant des retenues pour qu'ils puissent continuer à produire comme avant, cela ne fonctionnera pas.
Il est donc essentiel de bénéficier d'un pilotage et d'une coordination de l'État, y compris avec les politiques régionales, pour bien sûr permettre l'irrigation, mais surtout pour aller vers des transitions agriculturales dans l'objectif de s'adapter et de recourir à des moyens de production qui préservent les sols. Vous commencez à recenser des pratiques vertueuses, mais il faut aller très vite, car le changement climatique évolue lui-même très vite. Ainsi, il ne faudrait que l'on investisse massivement dans une partie de la solution et pas dans l'autre : la transition culturale, sur laquelle il faut accompagner les agriculteurs. J'insiste sur ce point, car un jour, créer des réserves ne suffira plus et les agriculteurs seront en difficulté. Il est donc vraiment important de marcher sur deux pieds et que l'État y contribue.
M. Frédéric Veau. - Vous avez utilisé une expression que j'emploie moi-même fréquemment : « le Varenne marche sur ses deux pieds », l'adaptation et l'accès à la ressource, là où cela est possible. Je vous rejoins donc complètement.
Mme Évelyne Perrot. - Il est vrai qu'il faut préparer les agriculteurs en les aidant à changer d'optique et de mode de fonctionnement. Le Nord produit désormais des céréales, mais dans l'Aube, on commence à produire des pommes de terre. Or cette culture demande énormément d'eau, ce qui est un non-sens. Tous les agriculteurs qui en avaient les moyens se sont engouffrés dans cette production, ce qui aboutira à un problème de manière certaine.
M. Rémy Pointereau, président. - Il existe peut-être une demande.
Mme Évelyne Perrot. - Ce ne pas logique par rapport aux terres que nous avons, celles de la Champagne pouilleuse comme on l'appelait, qui ne sont pas riches. Mais les agriculteurs ont fait aussi ce qu'on leur a dit de faire.
M. Rémy Pointereau, président. - Je vous remercie pour cet échange.
La réunion est close à 12 h 15.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.