Mardi 28 février 2023
- Présidence de Mme Valérie Létard, présidente -
La réunion est ouverte à 16 heures 10.
Audition d'associations d'élus locaux du bloc communal
Mme Valérie Létard, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui :
- en visioconférence, M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président de Grand Bourg Agglomération, qui représente l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ;
- en visioconférence, MM. Sébastien Gouttebel, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), et François Descoeur, membre du conseil d'administration de l'AMRF ;
- M. Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France ;
- Mme Françoise Rossignol, première vice-présidente de la Fédération nationale des SCoT (FNSCoT).
Après deux auditions plénières qui ont donné lieu à des échanges précis et fournis avec Régions de France ainsi qu'avec les ministres Christophe Béchu et Dominique Faure, notre audition du jour est consacrée au déploiement de la stratégie « Zéro artificialisation nette » (« ZAN ») au plus près des territoires et à son appropriation par les acteurs de proximité.
Si l'État et les régions ont, par construction, des approches « macro », fondées sur des appréciations d'ensemble et des données agrégées, n'oublions pas que la différenciation territoriale en matière de trajectoires foncières se déclinera au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et du bloc communal. Les régions ont peut-être été désignées « chefs de file » du « ZAN » mais, en bout de chaîne, ce sont les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui devront atteindre leurs objectifs de réduction et réaliser des arbitrages difficiles.
Le 13 octobre dernier, la mission conjointe de contrôle du Sénat avait déjà entendu les associations représentatives des élus locaux, ainsi que la Fédération nationale des SCoT. Il s'agissait à l'époque d'un travail exploratoire visant à recueillir les premiers retours sur la mise en application du « ZAN ».
L'exercice est aujourd'hui quelque peu différent, puisque nous avons depuis lors déposé une proposition de loi issue de nos travaux. Notre texte vise à apporter certains des solutions et outils demandés par les élus, tout en restant dans le cadre fixé par la loi Climat-résilience votée en 2021, qui prévoit la réduction de moitié du rythme d'artificialisation d'ici à 2031 et l'absence d'artificialisation nette en 2050.
Le Sénat a constitué une commission spéciale chargée d'examiner ce texte. Le 8 mars prochain, nous présenterons un texte de commission, qui sera ensuite examiné en séance publique le 14 mars. Il ne s'agit donc plus aujourd'hui de rédiger un texte en partant d'une feuille blanche, mais de recueillir l'analyse des élus du bloc communal et de la Fédération nationale des SCoT sur les dispositions du texte, article par article, afin éventuellement d'y apporter des ajustements.
Nous savons qu'il nous faut trouver des équilibres parfois complexes afin, d'une part, de garantir que la loi sera appliquée de manière équitable et qu'elle n'ait pas d'effets de bord délétères et, d'autre part, s'assurer qu'elle reste d'application claire et simple pour les élus locaux, concernés au premier rang.
La proposition de loi sénatoriale comporte plusieurs articles qui concernent directement les élus communaux et intercommunaux. Elle modifie par exemple le calendrier d'évolution des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et, « en cascade », le délai de modification des documents d'urbanisme locaux (SCoT, plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et carte communale).
Elle vise aussi à trouver des modes de concertation plus équilibrés entre différents niveaux de collectivités territoriales, en proposant notamment la création d'une « conférence régionale de gouvernance du ZAN ». Elle prévoit également de « réserver » une partie de l'enveloppe régionale d'artificialisation au profit d'un droit minimal « ZAN » d'un hectare pour chaque commune, d'une part, et de prendre en compte les projets supra-communaux, d'autre part.
Elle met enfin à disposition des élus des outils pour contrer la « ruée vers le foncier » que l'on observe déjà, avec un sursis à statuer spécifique et un droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation et au recyclage foncier.
Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation pour évoquer ces différents points en vue de l'examen prochain du texte.
Je vous cède la parole pour un propos liminaire, que je vous demanderai de bien vouloir limiter à cinq minutes chacun afin de laisser le temps aux échanges. Puis notre rapporteur Jean-Baptiste Blanc vous posera deux séries de questions, auxquelles nous vous prierons de répondre successivement.
Enfin, nous procéderons à un échange de questions-réponses avec nos collègues membres de la commission spéciale.
Mme Françoise Rossignol, première vice-présidente de la Fédération nationale des SCoT. - Merci pour l'intérêt que vous portez au travail extrêmement important mené par l'ensemble des conférences de SCoT sur tous les territoires.
Ce n'était pas gagné d'avance, puisqu'il nous a fallu travailler sans cadre réglementaire, en inventant des modes de fonctionnement pour avancer vers le consensus le plus abouti possible.
En tout état de cause, le bloc communal a tenu son pari et rendu des documents divers via les conférences des SCoT de toutes les régions, apportant ainsi la preuve que donner confiance aux territoires constituait un pari gagnant.
De vraies dynamiques sur les territoires se sont engagées. Les SCoT des nouvelles régions n'avaient pratiquement jamais travaillé ensemble. Aujourd'hui, ils se connaissent et ont dégagé des méthodes de travail, après avoir créé des commissions et approfondi un certain nombre de questions, de leur propre initiative ou à la demande de la région.
Nous insistons sur le fait que la conférence de gouvernance régionale doit tenir compte du travail accompli par ces conférences. Les SCoT, qui sont les représentants du bloc communal, doivent y trouver toute leur place, et l'expérience du travail qu'ils ont mené doit être valorisée.
Le second sujet sur lequel je voudrais insister concerne la question des grands projets d'envergure régionale et européenne. Je suis issue des Hauts-de-France, qui constituent un exemple symptomatique que l'on retrouve dans bien d'autres régions : si les grands projets ne sont pas pris en compte dans une enveloppe spécifique nationale, ce n'est pas 50 % de réduction de l'artificialisation des sols que nous devrons atteindre, mais 85 %, nous ne nous partagerons quasiment rien. La méthode et l'objectif de la loi se retrouveraient donc remis en cause.
La question de la surface minimale d'un hectare soulève le problème de la prise en compte des territoires ruraux qui ont peu ou pas consommé. Il ne nous semble pas que donner un hectare par commune soit opérationnel et permette de créer une dynamique en termes d'utilisation de nos capacités à artificialiser - en tout cas jusqu'en 2031.
La question est plutôt de donner la possibilité à un territoire de consommer de la terre agricole dans le cas où il existe un projet le justifiant, sans, en même temps, donner des droits à artificialiser à des territoires qui ne les utiliseraient pas.
La question du maintien de la dynamique économique et de l'équité s'est posée à de nombreuses conférences de SCoT, mais ce caractère mécanique et artificiel, sous une apparence d'égalité, ne nous paraît pas la bonne solution.
Mme Valérie Létard, présidente. - Pouvez-vous nous apporter des propositions alternatives ? Cela peut être utile et faire ainsi gagner du temps.
Mme Françoise Rossignol. - Plusieurs hypothèses ont été soulevées. Dans les Hauts-de-France, nous nous sommes dit qu'une enveloppe régionale devait être consacrée aux territoires qui ont été particulièrement vertueux ou qui n'ont pas consommé. Ce droit serait globalisé pour être utilisé de la façon la plus efficace. Ceci pénaliserait moins les territoires dynamiques créateurs d'emplois, qui attirent de la population et qui ont un besoin essentiel de consommer de l'espace.
La question des surfaces végétalisées nous laisse assez dubitatifs. Selon l'article 9, les zones non artificialisées à l'intérieur des périmètres urbains pourraient se voir interdites de densification et d'artificialisation.
Il nous semble que les SCoT devraient indiquer les zones sur lesquelles on pourrait envisager de densifier et celles sur lesquelles il ne faudrait pas artificialiser. Les plans locaux d'urbanisme communaux ou intercommunaux (PLUi) s'inscriraient ensuite dans cette logique.
Si on conserve le quadrillage prévu, on risque d'interdire toute densification dans les zones urbaines. Or ce qui va contrebalancer l'absence d'artificialisation, c'est bien la densification. Où et comment densifier nous paraît donc une question importante.
Par ailleurs, il nous semble qu'il n'existe pas aujourd'hui d'outils permettant une observation incontestable et admise par tous. Il nous paraît qu'il devrait donc y avoir une démarche contradictoire dans chaque territoire pour établir le chiffre zéro de l'artificialisation et prendre en compte ce qui s'artificialise et ce qui ne s'artificialise pas.
Nous avons une question à propos de l'article 12 concernant le sursis à statuer et le droit de préemption. Si nous n'avons aucun outil jusqu'à la fin de la révision des PLUi pour interdire certaines artificialisations, comment va-t-on pouvoir travailler ? C'est une question qui se pose aussi par rapport à l'hypothèse d'allongement des délais de modification des documents d'urbanisme. Comment fait-on ?
Ce qui nous semble le plus important, c'est que les territoires puissent le plus rapidement possible s'engager dans la réflexion sur un nouveau modèle d'aménagement. La conférence des SCoT partage l'objectif de la loi. Comment inventer un nouveau modèle qui permette de maintenir le dynamisme économique de nos territoires ?
Le décompte a commencé, mais nous n'avons pas de moyens d'action. Nos terrains sont constructibles, et la spéculation a débuté. Il nous faut donc des outils pour contrôler et mettre en oeuvre un nouveau modèle.
M. Jean-François Debat, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité. - Au nom de l'AMF, je me propose dans un premier temps de présenter ce qui nous convient dans la proposition de loi sénatoriale et qui va dans le bon sens, sous le bénéfice de quelques ajustements rédactionnels, puis d'évoquer dans un second temps les quelques sujets sur lesquels nous avons des points de vue différents et des interrogations.
D'une manière générale, l'AMF s'inscrit dans la mise en oeuvre du « ZAN », dont nous partageons les objectifs. Il ne faut donc pas en affadir sa mise en oeuvre. Dans la proposition de loi du Sénat, certains aspects nous paraissent aller dans le bon sens et ne méritent pas de développements supplémentaires.
La prolongation d'un an du calendrier des SRADDET correspond à une réalité. Le repousser d'un an ne nous pose donc pas de difficultés, étant observé toutefois que si l'on suit les procédures habituelles de révision des SRADDET, des SCoT et des PLU, la mise en oeuvre risque de ne pas se faire avant 2028 ce qui, par rapport à l'objectif de 2031, poserait difficulté. Il est donc important que la période de modification des SRADDET ne dure pas trop longtemps.
Par ailleurs, concernant les SRADDET, il nous faut respecter la loi initiale et non les décrets existants, qui ont été attaqués devant le Conseil d'État. La loi dit que le rapport juridique entre SRADDET d'une part, et SCoT et PLU de l'autre est un rapport de simple prise en compte et non de compatibilité.
En effet, il ne nous semble pas que ce soit aux SRADDET de déterminer les secteurs dans lesquels on devrait densifier ou non, conserver du foncier ou non. Cela relève bien des SCoT eux-mêmes, qui sont maîtrisés par les élus locaux, et dans lesquels ni les élus urbains ni les élus ruraux ne sont automatiquement majoritaires.
La prise en compte des efforts de renaturation dès 2021 corrige un oubli de la loi initiale et va donc dans le bon sens.
La question des projets d'envergure nationale et européenne, pour l'AMF, ne peut peser uniquement sur les régions dans lesquelles ces projets sont organisés. Soit il existe une péréquation, soit on les ajoute à l'enveloppe des régions ; tout dépend de leur ampleur. S'il s'agit de 4 % du total, les ajouter ne perturbe pas considérablement la mise en oeuvre du « ZAN ». Si c'est 20 %, c'est un autre sujet.
Ce qui est important pour nous, c'est que le Gouvernement précise les projets concernés, de manière à ce que les choses soient connues et que les règles de répartition et de péréquation soient acceptées.
L'articulation du « ZAN » avec les projets d'intérêt général pose la question de savoir qui reconnaît les projets autres que les projets d'intérêt national ou européen. Nous souhaitons que l'État présente les projets envisagés en toute transparence pour en évaluer l'intérêt et l'impact. Il ne nous paraît pas juste que seules les régions déterminent les projets d'intérêt régional qui viendraient s'imputer sur l'enveloppe de chaque territoire, car nous serions dans ce cas proches de la tutelle d'une collectivité sur une autre.
C'est donc à partir d'un processus multipartenarial entre l'État, les régions, les conférences régionales des SCoT et les élus locaux que la liste des projets d'intérêt général ayant un impact significatif à l'échelle d'une région doit être arrêtée. Il est important que les allocations en faveur des SCoT soient justes et ne soient pas biaisées par des choix de l'État ou des régions qui favoriseraient tel territoire par rapport à tel autre. C'est un élément très important de compréhension et d'acceptabilité du « ZAN ».
Nous avons par ailleurs un certain nombre de questions, dont une sur la garantie rurale.
Tout d'abord, dans le cadre des 20 propositions adoptées par son bureau, l'AMF attire l'attention sur une partie des communes rurales situées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), où il n'y a eu que très peu de projets au cours des dix dernières années : pas grand-chose divisé par deux aboutit à presque rien. Pour ces territoires, il nous semble que la réponse ne consiste pas en une allocation de principe. Il faut prévoir dans la loi que chaque SCoT ou chaque autorité qui dispensera ces allocations doive le faire en faveur de projets compatibles avec les projets de développement des communes concernées.
En revanche, nous ne demandons pas à ce que toutes les communes rurales soient traitées. Une partie très importante de ces communes est en extension démographique et située dans les territoires périurbains et ruraux proches d'agglomérations, dans des régions ou dans des départements qui se développent eux-mêmes fortement. C'est là qu'on a le plus développé et consommé au cours des années passées.
J'attire l'attention sur le fait qu'un hectare par commune rurale, quels que soient sa localisation, son passé et sa situation actuelle, peut aboutir à des aberrations. Je suis maire de Bourg-en-Bresse, président de Grand Bourg Agglomération - 140 000 habitants, 74 communes, dont une quarantaine de moins de 10 000 habitants, la plus petite en comptant 85, la plus importante 45 000. De 2012 à 2000, nous avons consommé 732 hectares, donc 73 hectares par an. Si nous devons diviser notre objectif par deux, nous devrions être à environ 35. Parmi nos 74 communes, 65 sont rurales. L'allocation par principe d'un hectare par commune est incompatible avec l'évolution des SCoT.
C'est pourquoi l'AMF souhaite faire en sorte que les SCoT, dans ces territoires, procèdent à l'allocation. Dans mon SCoT, les communes rurales sont majoritaires. Il n'y a donc pas de raison de penser que, dans la répartition interne entre les enjeux liés à l'habitat, les enjeux économiques et les enjeux d'équilibre territorial, les communes rurales, qui sont majoritaires, soient défavorisées.
Il faut que les SCoT bénéficient de cette liberté. En revanche, nous souhaitons une garantie minimum pour les territoires où l'on n'a quasiment pas enregistré de consommation d'espace ces dernières années. On ne peut allouer un hectare à chacune des 32 000 communes rurales, sauf à remettre complètement en cause l'objectif de la réduction de l'artificialisation des sols.
Enfin, nous pensons qu'il convient que l'outre-mer fasse l'objet de règles spécifiques liées à la particularité de ses territoires et que les communes concernées par le recul du trait de côte, en métropole ou outre-mer, bénéficient de mesures d'adaptation, qui pourront être précisées au cours des années à venir, afin de bénéficier de possibilités d'artificialisation au fur et à mesure qu'elles devront déplacer leurs constructions.
Que propose-t-on ? Nous proposons que la loi oblige les SCoT, dans les communes en ZRR ou en ZRR+, dans lesquelles la consommation d'espaces, au cours des dix dernières années, a été nulle et où la population s'est réduite, à prévoir une allocation compatible avec les perspectives de développement de ces communes, afin que l'obligation de résultat soit transférée au niveau des SCoT.
Jusqu'en 2031, on ne parle pas d'artificialisation mais de consommation d'espace dans les PLU. On ne parle pas de la question de savoir comment évaluer les pelouses artificialisées, puis replantées. Ce sont aujourd'hui des enjeux de consommation d'espace.
Nous pensons qu'il faut que les lieux de mise en oeuvre principaux que sont les SCoT soient très vite saisis de ce sujet, pour trouver les bons équilibres entre le développement de l'habitat - 65 % de la consommation moyenne ; le développement économique et la réindustrialisation - 25 % au cours des dernières années ; et le temps de réaliser les arbitrages pour que le « ZAN » ne devienne pas une simple règle à calcul, mais une politique d'aménagement.
M. Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France. - Je représente ici le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin. Je suis élu d'une commune littorale de 4 000 habitants, antérieurement couverte par un PLU, puis par un PLUi depuis quinze jours, et suis président d'un SCoT. Cela me permet une vue transversale.
La bonne nouvelle réside dans le fait que le Sénat ne propose pas de remettre en question l'objectif initial de la loi Climat-résilience, qui est d'économiser le foncier partout en France, quels que soient les territoires. C'est bien avant la loi Climat-résilience que cette dynamique s'est mise en place. Beaucoup de territoires ont déjà fait figurer les économies de foncier dans leurs documents d'urbanisme.
Pour autant, la loi a suscité beaucoup de questions et a soulevé des inquiétudes et des interrogations. Les associations d'élus, les parlementaires, le Gouvernement ont proposé un certain nombre d'adaptations, mais il s'avère que la loi a besoin d'être corrigée sur certains aspects. C'est en cela que l'initiative du Sénat est heureuse et fait écho aux remontées des petites communes, souvent sans document d'urbanisme ni culture en la matière.
Intercommunalités de France insiste sur quelques impératifs.
Tout d'abord, on ne peut renoncer à l'ambition d'économie de foncier, car il existe un impératif climatique - on a tous constaté dans nos territoires les méfaits de l'étalement urbain par rapport à la dynamique des villes-centres ou des bourgs centres -, mais il existe aussi un impératif de préserver nos espaces naturels et agricoles pour nourrir la planète et notre pays.
En second lieu, on ne peut entretenir trop longtemps un flou préjudiciable aux projets, qu'il se traduise dans les documents d'urbanisme - SRADDET, SCoT ou PLU - ou dans les projets d'habitat et de développement économique.
Nous formulons donc une réserve quant au fait d'allonger les délais, même si l'assouplissement ou la superposition des consultations pourraient permettre de gagner du temps. Ce pourrait être une bonne chose, mais il ne faut pas que le terme soit repoussé trop longtemps. On a besoin d'y voir clair le plus vite possible et de stabiliser le contexte.
Troisième précaution : il faut éviter d'imaginer des remèdes pires que le mal. On craint d'être empêché de se développer faute de foncier, mais on sait que la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain et que la vie économique est fluctuante. On a donc besoin de souplesse.
Pour Intercommunalités de France, la réponse réside plutôt dans l'écriture d'un projet à l'échelle de la commune et du territoire. Cela passe par un document d'urbanisme, qui permet de penser l'avenir du territoire. Notre responsabilité est d'encourager les élus à penser un projet à travers un document d'urbanisme, une carte communale, un PLU communal ou un PLUi, plus de la moitié des intercommunalités de France ayant une compétence en matière de PLUi.
Cela permet d'offrir une réponse adaptée à la réalité de ce que l'on vit à l'échelle de la commune ou de son bassin de vie. Un PLUi permet surtout de mutualiser les moyens humains et financiers en les ramenant à la dimension du bassin de vie, notamment face à l'État. On sait la difficulté d'écrire un document d'urbanisme à l'échelle d'une seule commune. Quand on le fait à plusieurs, cela permet, face à l'État, de répondre aux enjeux de partage du foncier et aux difficultés de certaines petites communes qui n'ont pas eu de projets durant dix ans. Les modes de validation des PLUi protégeant la majorité des communes, c'est la meilleure façon de traduire le « ZAN » et de répondre aux peurs qui sont souvent évoquées.
Cela demande de la pédagogie. Si la moitié des territoires sont couverts par des PLUi, ce n'est pas le cas de l'autre moitié. Il faut aussi les entendre mais, de notre point de vue, les PLUi sont la meilleure façon de mettre en oeuvre le « ZAN » en répondant aux enjeux de quotas et de garantie.
C'est enfin la meilleure façon de mettre en oeuvre la différenciation, la décentralisation et la responsabilité locale, que le Sénat appuie également.
Pour ce qui est des grands projets, on a besoin d'y voir clair : l'État doit dire ce qu'il entend par grands projets nationaux européens. Il faut aussi préciser la gouvernance, ce que propose l'article 3 de la proposition de loi. Il est important de poser cette gouvernance à l'échelle régionale et à celle des SCoT. La proposition de loi ne nous paraît pas adaptée, car elle fige la même composition dans toutes les régions de France, alors que les Hauts-de-France et la Bretagne ont des configurations très différentes.
Nous proposons donc de laisser à chaque région la possibilité de faire une proposition s'appuyant sur l'expérience des conférences de SCoT - je rejoins en cela Mme Rossignol - ou de passer par les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), malgré leurs limites. Je sais qu'il existe des régions où cela ne fonctionne pas, mais il en est d'autres ou cela fonctionne plutôt bien, comme en Bretagne.
Intercommunalités de France, en matière de grands projets, porte une attention particulière aux projets qui permettent, selon la loi « des implantations industrielles qui valorisent les ressources renouvelables, qui concourent aux transitions énergétiques ou qui relèvent de l'indépendance nationale ». Nous sommes d'accord avec cette rédaction, mais il faudra trouver une façon de faire en sorte que ces grands projets, même si certains sont d'envergure régionale ou nationale, bénéficient aussi aux territoires. Il n'y a pas de raison pour que les territoires concernés n'en bénéficient pas pour une part, aussi modeste soit-elle. Cela renvoie à la question de la gouvernance.
Nous nous interrogeons sur l'article 8 et la part réservée au développement territorial. J'entends qu'elle veut répondre à une volonté de souplesse. Je ne reviens pas sur les PLUi : de notre point de vue, c'est ce qui permet le mieux de répondre à ce souhait d'adaptation.
Enfin, les outils constituent un enjeu fondamental. Certains peuvent être proposés par la loi, qui devra également traiter d'autres sujets, comme les enjeux de la fiscalité du « ZAN ». Le rapporteur de la commission spéciale, Jean-Baptiste Blanc, a fait des propositions dans son rapport Les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette fait au nom de la commission des finances et déposé le 29 juin 2022, et je crois savoir que cela fera l'objet d'autres travaux parlementaires dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2024.
Pour autant, beaucoup de choses relèvent de l'ingénierie, de la solidarité territoriale, de la capacité des territoires, communes ou intercommunalités. Il s'agit de porter des politiques en faveur de l'habitat, d'agir sur l'ancien afin de le rendre attractif. Face à l'absence de foncier, il nous faut avoir des outils politiques et des moyens financiers et techniques pour aborder ce nouveau modèle de développement.
La loi Climat-résilience et l'enjeu du « ZAN » changent fondamentalement le foncier. Historiquement, on semblait disposer d'une ressource sans limites. La France a décidé que le foncier était devenu une ressource finie. En matière de consommation foncière, trente ans, ce n'est rien. Au-delà des éléments législatifs, c'est un changement de paradigme.
Gérer du foncier aujourd'hui ou être propriétaire, c'est gérer une part de l'intérêt général. C'est ce qui est interrogé et qui doit faire l'objet de pédagogie de la part de l'ensemble des acteurs. J'espère que le débat le permettra.
Les acteurs publics, notamment le bloc local, les communes et communautés de communes sont selon nous les mieux placés pour mener cette politique. Nous avons besoin de moyens juridiques, techniques et financiers. Une partie relève du cadre législatif, mais il faut rester le plus simple possible, en laissant toute sa souplesse à la liberté locale. La loi doit donc simplifier, préciser, mais pas trop, pour ne pas contraindre les projets locaux et s'opposer à la réalité des diversités locales.
M. Sébastien Gouttebel, vice-président de l'Association des maires ruraux de France. - Ce qui est important derrière tout cela, c'est le rééquilibrage territorial et la prise en compte des territoires qui se sont montrés vertueux au cours des dix dernières années. Nous souhaitons, au travers de cette proposition de loi, que la ruralité soit prise en compte, ce que propose le Sénat. Nous nous interrogeons sur le fameux hectare et le 1 %, qui peut représenter un avantage pour le secteur urbain.
Il faut néanmoins rappeler que 30 % des territoires ne sont pas couverts par un SCoT, et que 25 % des communes rurales sont seulement régies par le règlement national d'urbanisme (RNU). Cela crée des contraintes.
Les intervenants précédents s'appuient sur les SCoT. Je les comprends, mais il faudra trouver une méthode pour qu'une partie des territoires puisse faire remonter leurs projets.
Ce qui nous anime tous aujourd'hui, c'est le droit au projet, le droit à la vie. J'ai entendu parler de ZRR. S'il existe des avantages fiscaux à ce sujet, c'est bien parce qu'on rencontre des fragilités. On sait tous que l'État a tendance, lorsque des documents d'urbanisme sont en cours de rédaction, à privilégier les territoires dont la démographie augmente. Ce serait une erreur de mettre les autres territoires « sous cloche » au motif que leur démographie a baissé et qu'ils n'ont pas besoin de grands projets. Dans le contexte de réindustrialisation, de reprise en main de la gouvernance et de l'interrogation sur notre capacité à s'auto-alimenter, il y aura de la place dans de nombreux territoires ruraux pour mener une activité économique différente.
Les maires ruraux vous remercient de laisser plus de temps au temps. Il faut en effet prendre le temps du dialogue et écouter les territoires. Cette différenciation territoriale est importante.
En conclusion, l'État devra être lui aussi vertueux s'agissant de l'objectif de diminution de 50 % de la consommation des espaces naturels. Si les grands projets nationaux et européens représentent 25 % du total, les territoires devront supporter quant à eux une baisse de 75 % de leurs objectifs, ce qui inquiète tout le monde. Cela fait longtemps qu'on attend une définition des grands projets de l'État et des nomenclatures. Ceci est nécessaire pour avoir des échanges constructifs dans les territoires, faute de quoi cette inconnue à multiples facteurs nous pénalisera dans nos interactions avec les régions.
L'AMRF vous transmettra ses écrits, qui pourront alimenter vos travaux et vos débats.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'article 1er repousse d'un an l'entrée en vigueur des différents documents de planification et d'urbanisme élaborés au niveau régional et local, afin de leur laisser le temps d'intégrer les trajectoires de réduction d'artificialisation définies au niveau supérieur.
Seriez-vous favorable à ce que, pour gagner encore un peu de temps, l'on réduise le délai de modification des SCoT et des PLU, en répliquant la mesure qui permet aux SRADDET de procéder à la consultation simultanée du public et des personnes publiques associées ?
D'autre part - et je fais ici le lien avec l'article 12 de la proposition de loi qui prévoit un sursis à statuer et un droit de préemption « ZAN » - comment donner aux élus les outils pour réussir à maîtriser dès maintenant leur consommation d'espace, avant même que les documents d'urbanisme soient modifiés ? En effet, les « compteurs du ZAN » tournent déjà depuis août 2021, élément important que tous les élus n'ont sans doute pas encore bien identifié.
Concernant l'article 2 et les rapports entre le SRADDET et les documents d'urbanisme locaux, avez-vous des informations sur l'état d'instruction du recours logé par l'AMF contre les décrets d'application de la loi, qui ont rendu obligatoire le recours à des règles plus contraignantes ? Régions de France nous a indiqué lors de son audition que les régions n'étaient pas forcément demandeuses de ce rôle, privilégiant des solutions « à la carte ».
L'article 3 instaure une conférence régionale de gouvernance du ZAN qui aurait vocation à remplacer les conférences des SCoT en y renforçant la représentation des élus. Lorsque nous les avons interrogées à ce sujet, les régions nous ont indiqué que l'élaboration des SRADDET faisait l'objet de concertations approfondies avec les élus locaux, notamment concernant les objectifs d'artificialisation des sols et leur territorialisation. Confirmez-vous cette affirmation ?
L'échelon communal, en particulier, est-il assez entendu par la région ? Nous avons conçu notre proposition de conférence régionale comme un lieu de dialogue renforcé pour une mise en oeuvre du ZAN plus apaisée, mais elle ne fait pas consensus. Quelle est la position des élus que vous représentez à ce sujet ?
Les articles 4 et 5, traitent des projets d'ampleur nationale, qui pourraient être exclus de la comptabilité des collectivités territoriales, mais aussi des projets d'ampleur régionale mutualisés. Les dispositifs et procédures proposés vous paraissent-ils pertinents ? Comment ces projets doivent-ils être identifiés selon vous ? Comment en voyez-vous le décompte ?
À l'article 6, nous aimerions connaître votre position sur la proposition d'appliquer aux SRADDET les critères de territorialisation déjà prévus par la loi pour les SCoT.
Êtes-vous favorable à ce que soient pris en compte au niveau régional ces mêmes critères de répartition de l'effort, notamment les enjeux de ruralité, l'impact des protections du littoral et de la montagne, les enjeux de mutation économique, etc. ?
Nous vous cédons la parole pour répondre à cette première série de questions.
Mme Nathalie Fourneau, représentant l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité - L'instruction du recours devant le Conseil d'État est en cours. Un échange de mémoires et une réplique sont prévus. Selon les avocats, la clôture de l'instruction, si le Conseil d'État considère que le contradictoire est achevé, devrait intervenir avant le mois de juin.
Le contentieux porte sur deux décrets. Le premier concerne la nomenclature. Il est en cours de réécriture au sujet des échelles d'appréciation de l'artificialisation et de la cinquième catégorie de sols artificialisés. Le deuxième est relatif aux SRADDET et porte sur la question de l'inscription systématique de la territorialisation dans les règles du fascicule plutôt que dans les objectifs, le degré de précision qu'induit la définition des projets d'intérêts régionaux et nationaux, et la prise en compte des efforts passés.
Pour ce qui est de la conférence de gouvernance, la position de l'AMF figure dans les 20 propositions que nous vous avons transmises. Il s'agissait pour nous de prolonger le rôle des conférences de SCoT actuelles, élargies à des collèges de discussion étendus aux communes et aux intercommunalités désireuses de discuter de la trajectoire « ZAN » s'agissant de l'inter-SCoT, avec un rôle renforcé des commissions de conciliation en matière de documents d'urbanisme, qui sont aujourd'hui fermées à la saisine des communes et des intercommunalités. Elles permettraient pourtant d'échanger autour des documents d'urbanisme, en vue de permettre un dialogue entre le préfet et les différents acteurs pour affiner les trajectoires « ZAN » au niveau départemental.
Par ailleurs, raccourcir les étapes de la procédure pour les SRADDET comme pour les SCoT nous semble indispensable dès lors qu'il existe des délais incompressibles. Ce décalage, aux dires des élus, peut se ressentir sur les procédures d'adoption des SCoT et des PLU, d'où l'intérêt des sursis à statuer, refus de permis de construire et autres droits de préemption pour réserve foncière que vous avez proposés afin de gérer la transition concernant les projets qui porteraient atteinte à la trajectoire en cours de définition par rapport à l'objectif « ZAN ».
S'agissant des décomptes des grands projets, l'AMF est favorable au fait de sortir ces derniers du « ZAN » pour éviter que leur emprise n'impacte trop fortement les hectares déjà alloués aux différentes régions. Le Gouvernement et le Sénat sont en désaccord sur ce point.
Mme Valérie Létard, présidente. - L'AMF est-elle favorable à ce que les grands projets soient sortis entièrement de la comptabilité du « ZAN », ou soient mutualisés entre les différentes régions ?
Mme Nathalie Fourneau. - Nous sommes favorables à une sortie de la comptabilité du « ZAN », pas à une mutualisation. Tout dépend, si l'on veut être cohérent avec l'objectif « ZAN », de la quantité de grands projets qui doivent sortir. Si la liste est trop longue, on ne comprendrait pas qu'on déroge à ce point à l'objectif...
Mme Valérie Létard, présidente. - Il m'avait semblé que M. Debat disait qu'il faudrait une remontée suivie d'une péréquation, c'est-à-dire une mutualisation. Y a-t-il encore des échanges sur ce point à l'AMF ?
Mme Nathalie Fourneau. - La position de l'AMF est une sortie de la comptabilité du « ZAN », pas une mutualisation, ainsi que nous vous l'avons indiqué.
En revanche, au regard des discussions actuelles, que l'on ne peut ignorer, et de l'absence de volonté du Gouvernement de sortir les grands projets de la comptabilité du « ZAN », il faut que la mutualisation ne soit pas trop importante. La question est en cours de réflexion à l'AMF.
Mme Valérie Létard, présidente. - Il conviendrait que vous formuliez une proposition plus précise : qu'est-ce qui doit remonter, qu'est-ce qui doit redescendre, qu'est-ce qui doit faire l'objet d'une péréquation ou d'une mutualisation dans les comptes fonciers des régions ?
Il serait utile que nous comprenions les deux niveaux afin d'appréhender au mieux la position de l'AMF.
Mme Nathalie Fourneau. - Nous vous ferons parvenir une note à ce sujet.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - La question des grands projets est cruciale pour la commission spéciale.
Or, nos interlocuteurs semblent avoir des positions différentes à ce sujet : s'agit-il de sortir les grands projets de la comptabilité du « ZAN » ou non ? Quel est le type de décompte ? Ou s'agit-il d'une répartition entre régions, via une mutualisation ? Cela ne facilite pas les travaux de la commission, notamment lorsqu'on discute avec le ministre. Il serait bon de nous éclairer officiellement.
Mme Nathalie Fourneau. - La position de l'AMF figure dans nos 20 propositions. Elle est très claire : il s'agit d'une sortie des grands projets, qui correspond à la position du Sénat.
Cependant, le principe de réalité veut que, si la solution de la mutualisation devait être retenue, celle-ci soit totalement transparente. Je crois que c'est ce qu'a dit Jean-François Debat.
Mme Valérie Létard, présidente. - Nous avons compris que vous êtes en train de cheminer et d'essayer d'anticiper les choses en fonction des échanges que vous avez eus avec le Gouvernement, votre souci étant de ne pas impacter les enveloppes régionales avec cette solution de sortie.
Nous serions en tout cas très heureux de connaître l'aboutissement de vos réflexions sur cette question.
M. Sébastien Miossec. - Intercommunalités de France n'a pas de position arrêtée sur la question des grands projets. Pourquoi ? Au-delà de la théorie, que met-on derrière un projet d'ampleur régionale ou locale ? Une liaison routière peut constituer un itinéraire national ou européen, mais sert aussi au développement régional, voire local. Dire qu'un grand projet se situe dans une seule catégorie est peut-être vrai sur le papier, mais pas dans la vraie vie. Cela renvoie à la question de la gouvernance.
Malgré toute sa bonne volonté, le Parlement ne pourra pas, dans un document législatif, définir clairement un projet national avec ses multiples facettes. Une ligne à grande vitesse (LGV) assure peu la desserte locale mais, grâce aux échangeurs, aux ronds-points, irrigue le territoire de très près. C'est toute la difficulté du sujet.
Décompter une route nationale dans une enveloppe nationale sans tenir compte du fait qu'elle a un impact local, tout comme une LGV ou un canal, ne résiste pas à l'épreuve des faits. Le terme de « grand projet » veut tout et rien dire.
J'imagine que l'on trouve autour d'une centrale nucléaire des sous-traitants qui vont du développement local jusqu'à l'artisanat. Il y a donc derrière ce grand projet un tissu de développement économique local. Comment le qualifier ? Comment répartir les choses ?
Intercommunalités de France n'imagine pas que cela puisse être tout blanc ou tout noir. Il faudrait pouvoir définir dans le projet une quote-part régionale, locale. Je ne simplifie peut-être pas le débat, mais c'est plus cohérent par rapport à la réalité.
Mme Valérie Létard, présidente. - Quelle est votre préconisation par rapport au texte tel que nous l'avons rédigé à propos de la gouvernance et de la façon de définir les grands projets d'intérêts nationaux et européens, avec une définition et une inscription dans le document du SRADDET ?
Êtes-vous satisfait de ces articles ? Comment les voyez-vous ?
M. Sébastien Miossec. - La composition de la conférence régionale du « ZAN » telle qu'elle est proposée ne fonctionne pas en Bretagne, par exemple, où il y a de nombreux SCoT. Fixer à cinq le nombre de représentants d'établissements non couverts par un SCoT n'est donc pas la solution. Ce qui est vrai en Bretagne n'est cependant pas vrai dans les Hauts-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes ou en outre-mer. La composition avec un nombre déterminé de représentants de chaque catégorie ne peut s'appliquer partout.
Je suggérais donc, dans mon propos introductif, de laisser à chaque région, dans le cadre du dialogue avec les différents représentants des conférences des SCoT, le soin de définir la bonne composition d'une instance de gouvernance.
J'ai suggéré de recourir aux CTAP. Je ne suis pas naïf, je sais que cela ne peut s'appliquer partout. J'ai compris que ma proposition vous fait réagir plutôt négativement, mais la CTAP a le mérite d'élire des représentants par catégorie, de la commune, à la région, en passant par l'intercommunalité et le département.
La question de la légitimité viendra à se poser, et plus on donnera de pouvoirs à cette conférence régionale de gouvernance, plus sa légitimité sera questionnée.
M. Michel Dagbert. - Je veux revenir sur ce qui vient d'être dit. Le conseil départemental a compétence en matière de voirie départementale, et on nous alerte souvent pour réaliser un giratoire pour des raisons de sécurité. Deux ans après, une nouvelle zone d'activité vient se raccorder au giratoire. C'est une situation que nous avons tous connue. Nous comprenons donc ce que vous évoquez.
En matière de légitimité, j'entends bien que la CTAP fonctionne différemment selon les endroits. Si l'on veut qu'elle ne reste pas une chambre d'enregistrement, il faut que la loi lui donne des rendez-vous périodiques avec du contenu. Le sujet dont on parle m'apparaît être tout à fait intéressant pour être inscrit à l'ordre du jour de la CTAP.
M. Sébastien Miossec. - Pour le reste, s'agissant des délais, nous sommes d'accord pour en superposer certains afin de gagner du temps, mais notre position est de ne pas reculer l'échéance finale. Il ne faut en effet pas trop retarder le moment où l'on bénéficiera d'un cadre stabilisé.
Quant aux outils, ce que propose la loi est une très bonne nouvelle : on en a besoin pour pouvoir agir sur l'habitant ancien. C'est indispensable, car le marché de l'immobilier n'a pas attendu nos débats pour prendre en compte le « ZAN » et la nouvelle donne relative au foncier.
Mme Françoise Rossignol. - Pour nous, les grands projets doivent être sortis des enveloppes régionales et placés au sein d'une enveloppe gérée par l'État. Charge à lui de s'appliquer les 50 % en renaturant des espaces. Chacun doit s'appliquer la règle à elle-même.
Nous avons longuement discuté : il nous a semblé que c'est ce qui était le plus équitable et que cela permettait une dynamique sans que l'État ne sorte de l'esprit de la loi, que nous partageons.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - C'est une position qui est régulièrement évoquée par notre commission. Je ne dis pas que ce sera la position finale. Néanmoins, lorsqu'on évoque ce point avec le Gouvernement, celui-ci nous explique que le foncier n'appartient pas à l'État, qu'il n'existe pas d'enveloppe nationale car il n'y a pas de document d'urbanisme de l'État - je me fais ici l'avocat du diable.
On nous dit qu'un décompte intégrant un compte national, où l'État pourrait s'appliquer à lui-même ce qu'il cherche à appliquer aux autres, est une fantaisie.
Que répondez-vous à cela ?
Mme Françoise Rossignol. - Jusqu'à présent, on ne nous avait pas dit que c'était une fantaisie, mais je l'entends. De toute manière, il faut bien définir ces grands projets, qu'il s'agisse d'une mutualisation ou d'une enveloppe de l'État décomptée. Que l'État s'applique les règles à lui-même et laisse aux régions l'enveloppe prévue par la loi nous paraît la meilleure solution.
S'agissant de la gouvernance, je rappelle que 97 % de la population et 86 % des communes font partie d'un SCoT. La place des SCoT dans cette gouvernance doit être primordiale.
Fixer à cinq le nombre de représentants des SCoT dans les régions où quasiment toutes les communes en disposent ne paraît pas réaliste. C'est bien au niveau des SCoT que la répartition de l'effort peut être mise en oeuvre, dans la diversité de nos territoires.
Le fait qu'il existe un PLUi facilite les choses, et c'est l'esprit de la loi, tout le territoire devant être couvert par des SCoT. La loi devrait donc renforcer le rôle des SCoT. C'est la logique même de nos documents d'urbanisme.
Enfin, nous proposons de prolonger le sursis à statuer pour quatre ans, de manière à nous permettre d'établir des stratégies positives. C'est toute la question du modèle économique, sur lequel il faut travailler. On n'en est qu'au début, mais il faut laisser le temps de créer des dynamiques et de nouveaux modèles de développement dans le cadre du « ZAN ».
M. Sébastien Gouttebel. - S'agissant de la gouvernance, j'ai la chance de faire partie d'une CTAP. Dans ma région, elle s'est peu réunie. Si on doit s'appuyer sur des choses qui existent, il faut établir des règles du jeu qui font que les élus qui peuvent siéger dans ces instances soient invités et consultés.
De la même façon, vous proposez une gouvernance du « ZAN ». Cette méthode peut nous séduire, dans le sens où cela peut localement donner lieu à des discussions objectives sur la représentation de tous les territoires. Nous n'avons peut-être pas tous les mêmes chiffres : je pensais que 30 % du territoire national n'était pas couvert par les SCoT - mais je peux me tromper.
Il faut penser à ces territoires qui ne sont couverts ni par des SCoT ni par des PLUi. Cela reste une réalité des territoires ruraux - et ils sont nombreux.
Nous devons pouvoir disposer d'outils qui nous permettent de décider en responsabilité avec tous les territoires. Peut-être faut-il en venir à la territorialisation et laisser la possibilité aux régions d'être force de proposition en matière de nouvelles instances, en fonction de la composition de leur territoire, afin de mieux travailler ensemble.
Il me semble également important de prévoir une représentation des associations d'élus pour pouvoir localement faire remonter les contraintes.
Pour ce qui est des grands projets, je me suis exprimé au nom des maires ruraux. L'inquiétude est certaine, puisqu'il n'y a toujours pas de nomenclature, je l'ai dit. Nous sommes favorables à une mutualisation ainsi qu'à une péréquation et au fait que l'État s'applique à lui-même l'effort qu'il demande aux autres.
Par ailleurs, pourquoi ne pas recourir à une superposition des délais ? Il ne faut pas non plus oublier que la clause de revoyure concernant les documents d'urbanisme va impliquer des coûts financiers assez importants. Or ce sont les territoires qui vont devoir les supporter.
Quant aux outils, ils constituent une absolue nécessité pour les territoires si l'on veut préempter et rester maître de son destin. Le droit au projet nécessite de se projeter et donc de disposer d'outils.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Que pensez-vous de la proposition portée par l'article 7 de garantir à chaque commune une enveloppe minimale d'un hectare sur dix ans ? Le Gouvernement a par ailleurs fait une contreproposition en faveur d'un droit de 1 % sur l'enveloppe urbanisée. Avez-vous des réactions à ce sujet ?
Nous avons conçu cette enveloppe minimale comme une garantie et non comme un droit absolu à artificialiser. Selon nos chiffres, elle permettra à 15 000 communes, en quasi-totalité peu denses ou très peu denses, d'avoir une petite marge de manoeuvre. Cela représenterait au total environ 8 % de l'enveloppe nationale d'artificialisation autorisée, ce qui est à peu près cohérent avec les 5 à 6 % pour lesquels ces 15 000 communes ont pesé dans l'artificialisation totale sur la période de dix ans passée.
Dans le même ordre d'idées, que pensez-vous de la proposition portée par l'article 8, visant à « mettre en réserve » au niveau de chaque SCoT une petite enveloppe, qui pourrait permettre de réaliser des projets dans des petites communes rurales qui n'auraient pas d'enveloppes suffisantes ? Un tel mécanisme de solidarité territoriale et de précaution, pour éviter de porter préjudice aux projets d'intérêt territorial, est-il pertinent ?
À l'article 9, nous aimerions connaître votre appréciation sur le fait de considérer les parcs et jardins comme des surfaces non artificialisées et sur la possibilité pour les EPCI et les communes de délimiter des périmètres de densification et de recyclage foncier au sein desquels l'artificialisation de ces parcs et jardins ne serait pas décomptée. Cela offre-t-il davantage de flexibilité que la nomenclature publiée par décret ?
À l'article 10, nous aimerions recueillir votre sentiment à propos des dispositions prévues en faveur des communes littorales soumises au recul du trait de côte et de la prise en compte des spécificités des communes de montagne dans la territorialisation du « ZAN ».
Mme Cécile Cukierman. - Peut-être les différences d'appréciation qui ont pu être exprimées lors de cette table ronde démontrent-elles que la loi est au départ trop mal pensée pour être bien appliquée. Elle laisse en effet beaucoup de place à l'interprétation.
Nous avons deux options : soit dire que l'on en reste là et que l'on verra bien dans chaque territoire, soit considérer le débat nationalement et garantir un droit à construire pour chaque commune, certainement avec des visions différentes : commence-t-on par aménager le territoire à partir de l'échelon communal ou à partir d'autres échelons, confortés au cours des dernières décennies ? La question n'est pas de revenir sur ce point, mais on sent des différences d'approche à travers les interventions.
Pour ce qui est du droit à construire, comment peut-on envisager, pour aller plus loin que la proposition de loi que nous avons déposée, cette capacité à mutualiser ? J'entends que, pour des communes de la taille d'une préfecture, comme Bourg-en-Bresse, un hectare ne représente pas grand-chose. Pour une commune, de 80 habitants, c'est beaucoup. En revanche, dans des villes comme Saint-Étienne, les friches à requalifier se comptent par hectares.
Dans une commune de mon département, on peut requalifier 5 à 6 hectares. L'intègre-t-on dans le débat à l'échelle d'une intercommunalité, ou d'un territoire plus petit ? Cela donne de l'air aux communes et on recrée ainsi de la coopération communale et intercommunale, car on sait qu'il y a parfois dans les intercommunalités, les PLUi et les SCoT quelques tensions et quelques difficultés qui empêchent que chaque commune trouve sa place.
M. Jean-Marc Boyer. - Ce qu'on a entendu aujourd'hui correspond à ce que l'on a entendu depuis plusieurs mois concernant la conférence des SCoT et les représentations des grandes régions.
Mme Rossignol a estimé que la loi devait renforcer le rôle des SCoT. Je pense quant à moi que la loi doit renforcer le rôle des communes, des petites communes rurales et des communes de montagne. Aujourd'hui, on est dans une démarche descendante, du SRADDET au SCoT, de la communauté de communes aux communes. Quand aura-t-on une démarche ascendante, qui parte des besoins de la commune et des petites communes rurales, voire des communes de montagne, pour aller vers une démarche construite avec les PLUi, etc. ? Il faut absolument qu'on change la manière de réfléchir.
Il me semble que la garantie rurale est essentielle. Si on ne la conserve pas, on va vers de grandes orientations prises dans le cadre de conférences tenues par telle ou telle organisation. Certains maires de petites communes ne vont pratiquement plus dans les réunions des intercommunalités. Si l'on continue ainsi, on va encore déshabiller les maires.
Il me semble que c'est encore le maire qui signe le permis de construire. Je ne pense pas que ce serait une bonne chose si, demain, c'était l'intercommunalité ou le SCoT qui s'en chargeait. Pour moi, le maire doit garder l'initiative du développement de sa commune, le droit au projet.
Enfin, je suis extrêmement déçu de la position de l'AMF. Je m'attendais à quelque chose de plus clair. Je propose que l'on auditionne son président en personne, afin qu'il nous donne la position de l'AMF par rapport à cette proposition de loi. Je suis incapable de dire ce qu'il ressort des propositions de l'AMF aujourd'hui. Ce n'est pas normal !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je ne vous cache pas que j'éprouve un certain malaise depuis le début de cette audition. Sans être redondant, je voudrais appuyer ce que vient de dire Jean-Marc Boyer : je trouve totalement baroque que, pour une audition de cette importance, le président de l'AMF ne soit pas présent.
Que l'on ne se méprenne pas sur mon propos : nous vivons avec l'intercommunalité. J'ai entendu M. Miossec, avec des trémolos dans la voix, nous parler des PLUi. Ici, nous sommes en Île-de-France. Le PLUi n'a pas eu un grand succès.
Même si un vent de réforme souffle sur nos têtes, l'article 72 de notre Constitution est clair : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». La commune est une collectivité de plein exercice. Elle ne pourra jamais être mise à l'écart sur la base de comités Théodule, de conférences de ceci ou d'institutions de cela. Si nous « by-passons » les communes, c'est le socle de notre République qui est clairement en jeu.
Excusez-moi de le dire avec passion, mais c'est ici notre mission, tel que la fixe l'article 24 de la Constitution : nous représentons les territoires et les communes. J'entends qu'on les respecte, qu'elles soient rurales, de montagne ou de région parisienne !
On peut réfléchir mais, à force de créer des structures qui viennent s'entasser les unes sur les autres, dont on ne maîtrise plus la gouvernance, on joue avec l'avenir de notre pays ! Je voulais le dire avec force.
Mme Angèle Préville. - La proposition de loi doit-elle, selon vous, donner une définition de la renaturation ? Dans le Lot, les maires ruraux, du fait de la mise en place du PLUi dans toutes les intercommunalités, subissent des situations invraisemblables : c'est le bureau d'études qui recense les dents creuses par photo aérienne mais, lorsque le maire indique qu'un terrain n'est pas constructible, les choses restent en l'état. Les maires des petites communes rurales ne sont pas à même de peser sur les décisions. On ne leur fait pas confiance et ils n'ont pas la capacité de faire entendre raison aux bureaux d'études et à l'ensemble des autres élus.
Certaines communes, qui ont des activités économiques qui ne sont pas reconnues par l'intercommunalité, n'ont pas de développement possible et ne peuvent même pas construire. On a accordé beaucoup de permis de construire depuis dix ans, mais ce n'est plus le cas parce qu'on a décidé qu'il existait des pôles de proximité, etc.
J'en reviens au 1 %. Je suis élue d'un territoire où l'on trouve de petites communes de 200, 300 ou 400 habitants, avec un petit bourg entouré de nombreux hameaux. Comment se présenterait l'enveloppe urbanisée dans ce cas ? Les hameaux de trois à quatre maisons sont déjà rayés des PLUi, et l'on ne peut plus y construire. Comment fait-on pour prendre en compte la réalité de la ruralité ?
Mme Sonia de La Provôté. - On a dit que les régions ne doivent pas décider seules. L'État non plus, c'est selon moi une évidence !
Il faut cependant parvenir à trouver une instance suffisamment représentative de toutes les situations communales et de tous les types de collectivités pour décider de ce qui relève ou non d'un projet d'intérêt national. Cela peut aller de la prison à un grand projet économique ou au canal Seine-Nord, qui correspond à une enveloppe de foncier très importante.
Comment voyez-vous l'organisation qui pourrait se mettre en place si, par hasard, la somme de tous les projets d'intérêt national dépasse 50 % de l'enveloppe qui doit être consommée ? Si on met tout bout à bout, on n'en est pas loin. Comment vont s'établir les arbitrages ? Certains vont donc être choisis, d'autres non. Va-t-on empêcher l'État de conduire une prison ? Il faut qu'il existe une instance digne de ce nom, et ce n'est pas une CTAP qui va jouer ce rôle.
Ma seconde question porte sur l'échelon régional. Le foncier, c'est du logement, de l'économie, de l'infrastructure, des équipements, etc. Du point de vue de la région et du SRADDET, les centres intermodaux de logistique, très exigeants sur le plan environnemental, vont mobiliser une part très importante du foncier. À quel niveau cette enveloppe va-t-elle être prise en compte ? Est-ce à l'échelon de la commune, du SCoT, de l'intercommunalité ? Qui décide et comment ?
M. Cédric Vial. - Ma question, qui s'adresse à Mme Rossignol, porte sur les projets d'intérêts nationaux. Chacun se pose la question de leur définition. Nous avons été surpris lorsque le ministre nous a indiqué lors de son audition que les projets privés ne pouvaient constituer des projets d'intérêt national, quelle que soit leur ampleur. Avez-vous un avis sur cette question ?
Chacun sait par ailleurs que ces projets présentent tous des effets collatéraux. Comment prendre en compte le besoin de logements généré par l'arrivée de 1 500 salariés sur des territoires ruraux, et sur quelle enveloppe si le SCoT ne l'a pas prévu ?
Deuxièmement, pour aller dans le sens de Cécile Cukierman, la loi Climat-résilience partait d'une bonne intention, mais la marche entre l'idée et son application est loin d'être franchie. C'est un peu comme si des médecins se penchaient au-dessus d'un patient pour le sauver alors qu'il est déjà mort !
On continue à réfléchir, mais on va mettre en place des prescriptions à partir de 2028 pour atteindre un objectif de réduction de 50 % de l'artificialisation à horizon 2031. Or, 80 % de la période sera déjà écoulée à partir de 2028.
Madame Rossignol, pensez-vous qu'en 2028, lorsque l'on aura modifié tous les documents relatifs aux SCoT et aux PLU, on pourra encore construire un mètre carré ?
M. Jean-Claude Anglars. - Je n'ai pas entendu la réponse des participants au sujet de la question du rapporteur concernant les zones de montage.
Ma deuxième question s'adresse plutôt aux Bretons présents dans la salle : aujourd'hui, la question des bâtiments agricoles n'est pas évoquée dans les documents d'urbanisme, puisqu'ils ne sont pas décomptés dans la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Ce ne sera en revanche plus le cas après 2031, puisqu'ils seront regardés comme de l'artificialisation. Y avez-vous réfléchi ?
M. Patrice Joly. - Je voudrais à mon tour souligner la sensibilité politique du sujet dont nous discutions. Durant quatre décennies, on a plutôt travaillé sur la perspective du développement de la France autour des centres urbains et des métropoles.
Sont ensuite arrivés les SRADDET et un certain nombre de documents normatifs - SCoT, PLUi. Les documents d'urbanisme sont d'une complexité particulière, que s'approprient souvent les quelques élus qui pilotent le projet. Ceci soulève dès lors un problème d'acceptabilité. Ce point m'apparaît majeur face au manque de maîtrise des élus à qui ces choses s'imposent. Par ailleurs, l'application plus récente et stricte du RNU gêne à présent la construction sur les territoires ruraux.
M. Miossec nous a dit qu'à la fin, les communes sont majoritaires dans toutes ces instances. Celui qui tient ces propos est maire de la commune-centre, président de la communauté de communes, et a vraisemblablement la compétence en matière d'urbanisme. La réalité est là - et ce n'est pas totalement illégitime.
Que font les élus ruraux ? Cela a été dit : pour manifester le fait qu'ils ne s'y retrouvent pas, ils ne viennent plus aux réunions, ou de moins en moins. Ce sujet s'ajoute à d'autres problématiques, comme la question de la santé sur nos territoires, etc. Je vous laisse en tirer les conséquences et apprécier la traduction politique que l'on risque malheureusement de voir se renforcer dans les années qui viennent.
Je voudrais revenir sur la question de la garantie du droit au développement, du droit à accueillir des populations et surtout du droit des populations autochtones, qui ont vu le marché immobilier s'assécher au cours des deux dernières années. Le risque est que ces populations ne puissent plus acheter une maison ni la rénover progressivement.
Par ailleurs, la garantie d'un hectare peut concerner environ 22 000 communes, soit 22 000 hectares. On sait très bien que ces surfaces ne seront pas utilisées. Au mieux, seul un quart sera concerné, soit 6 000 hectares sur 55 millions d'hectares, surface qu'occupe notre pays en métropole. C'est epsilon !
Il ne s'agit pas d'identifier ces surfaces en vue de les artificialiser, mais de trouver un moyen de réaliser une gestion ex post, en donnant la possibilité à des élus d'échanger éventuellement avec d'autres situés à 5, 10 ou 20 kilomètres. Cela établirait une relation de coopération au sein d'instances intercommunales.
M. François Descoeur, membre du conseil d'administration de l'AMRF. - Ce dernier débat me fait plaisir, car on s'est enfin rendu compte que les maires existent et souhaitent être entendus et respectés, même ceux des toutes petites communes. Il est important de bien les intégrer à toutes les réflexions, ainsi que vous le faites. Les dernières interventions à ce sujet vont dans un sens qui ne peut que nous satisfaire.
Nous travaillons depuis longtemps sur le sujet. Nous vous ferons passer dès demain des éléments écrits qui permettront de figer les choses. Les élus ruraux ont besoin d'être entendus et considérés.
M. Sébastien Gouttebel. - S'agissant de la garantie rurale, il me semble nécessaire et obligatoire de revenir à la définition que donnait l'INSEE de la ruralité en 2020.
Il conviendrait également d'établir une garantie de réserve en faveur de la solidarité territoriale et de faire en sorte qu'elle soit fléchée en direction de la ruralité. Peut-être pourrait-on cibler les ZRR qui ont besoin de requalification, de développement économique et de services ?
Si l'on se cale sur ce qui s'est passé ces dix dernières années, on ne modifie pas l'aménagement du territoire. Ceux qui ont déjà fait beaucoup auront encore droit à beaucoup. Passer d'un hectare à 1 % pour toutes les communes reviendrait à attribuer 47 hectares à Lyon et 1 hectare à Murol. On en revient à ce que vous proposez.
Les métropoles ont explosé ces dernières années. Sans vouloir opposer les territoires les uns aux autres, cela équivaut à donner un blanc-seing aux villes les plus importantes, qui ont toute l'ingénierie administrative et financière pour justifier de leurs besoins de développement économique et de reconquête des espaces.
M. Sébastien Miossec. - J'ai constaté que mon intervention sur le PLUi a fait réagir. J'ai pourtant bien pris garde de parler d'abord du PLU. C'est la liberté de la commune d'établir son PLU. Je suggérais de le penser à une échelle intercommunale car, de mon point de vue, c'est l'occasion de passer à un développement à l'échelle du bassin de vie.
Je ne suis pas maire d'une ville-centre, mais de la sixième commune d'un PLUi sur un total de seize. Je suis donc en milieu de tableau, ni trop grand, ni trop petit...
M. Patrice Joly. - Il y a toujours des exceptions qui confirment la règle !
M. Sébastien Miossec. - Je n'ai pas le document avec moi, mais Intercommunalités de France a fait une étude sur les 1 200 présidentes et présidents d'intercommunalité : environ la moitié d'entre eux ne sont pas élus de villes-centres. Cela a toujours été le cas. Personne ne dira le contraire. On pourrait penser que c'est plutôt l'inverse mais, dans les faits, ce n'est pas forcément le cas.
Par ailleurs, je ne nie pas que le pouvoir des communes urbaines soit fort au sein des intercommunalités, notamment dans la composition des conseils communautaires. Je sais que cela a fait débat au Sénat il y a quelque temps.
Je répète que les petites communes ont la capacité de bloquer un PLUi étant donné la façon dont s'élabore un PLU, avec la charte de gouvernance, les étapes de validation par les conseils municipaux et les conseils communautaires.
Madame la sénatrice Préville, si les bureaux d'études ne respectent pas les communes, il faut qu'elles le fassent remonter par le biais de la gouvernance. Au final, si elles votent contre un PLUi, celui-ci n'aboutira pas.
Mme Cécile Cukierman. - C'est la théorie ! Cela ne se passe pas partout ainsi.
Vous savez comme moi que, selon la taille de l'intercommunalité, selon le poids d'un certain nombre de communes très urbaines ou rurales, les relations sont bien plus complexes. Ce n'est pas un scoop !
M. Sébastien Miossec. - Je répète que cela ne va certes pas bien partout, mais je ne veux pas non plus cautionner le fait que cela va mal partout. Les choses ne vont peut-être pas bien dans 10 ou 20 % des cas, faute d'une réelle gouvernance - et c'est souvent une question de femmes et d'hommes et non de textes. Il faut que les personnes acceptent de travailler ensemble.
Pourquoi avons-nous réalisé un PLUi chez nous ? On vit, on travaille, on fait ses études, on pratique ses loisirs dans plusieurs communes. Penser les mobilités, l'habitat et les entreprises à une échelle autre que communale fait sens.
Cela étant, quand on regarde les hameaux du Lot, ceux-ci peuvent ressembler à l'urbanisation en Bretagne, qui est très dispersée, mais ce n'est pas le cas d'autres régions de France. Comment une loi, à l'échelle nationale, peut-elle définir clairement des éléments que l'on retrouve à la fois dans le Lot, le Finistère et pas dans tel ou tel autre département ? Je pense qu'on ne peut définir par le haut des règles qui cocheront toutes les cases.
Le foncier est une valeur finie, qu'il faut partager et apprendre à gérer ensemble. Il faut laisser de la souplesse locale, et le PLUi est la moins mauvaise enceinte pour se partager le foncier. Si dans un territoire, 25 communes sont privées de foncier, bon courage pour faire aboutir le PLUi ! Même si l'on parvenait à en adopter un, il ne fonctionnera pas dans la durée. On prône souvent la liberté locale : il faut laisser les territoires se gérer sur cette base.
Les bâtiments agricoles constituent un autre sujet. Il est très peu traité dans la phase des dix premières années. Cela ne relève pas de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers mais du monde agricole. Dans dix ans, ce sera traité dans le cadre de l'artificialisation.
Les volumes sont plus que significatifs selon les territoires, les types de production et la dynamique agricole. En Bretagne, on cite souvent les poulaillers. Depuis que la production de poulets s'est effondrée, d'immenses bâtiments sont fermés et abandonnés. Cela peut représenter des gisements importants, mais qui paye pour les réhabiliter ?
Mme Françoise Rossignol. - La Fédération nationale des SCoT a travaillé dans le cadre de la loi telle qu'elle a été votée. Nous avons essayé de jouer notre rôle sans chercher à repenser notre système de gouvernance locale. Aujourd'hui, les élus communaux et intercommunaux sont amenés à travailler ensemble dans le cadre du SCoT sur les questions d'aménagement du territoire.
Je préside un SCoT de 206 communes. On sait bien que la communication est extrêmement difficile, car on parle de documents techniques, auxquels il est parfois difficile d'intéresser chacun des maires. Toutefois, lorsque les décisions deviennent opérationnelles, chaque maire est concerné au premier chef, puisqu'il va devoir lui-même expliquer les décisions à la population.
L'État a essayé de prendre le « ZAN » en charge et de l'appliquer avant même que les conférences des SCoT aient eu le temps de travailler dessus. Des difficultés sont apparues dans certaines régions entre les préfets de région et les intercommunalités, qui souhaitaient empêcher l'application unilatérale de la loi avant qu'elle n'ait été discutée.
Nous sommes par ailleurs favorables aux enveloppes données aux SCoT. Il nous semble que c'est dans ce cadre qu'on va pouvoir amener la discussion pour se répartir les efforts.
Le droit minimum de chaque commune rurale a été un sujet majeur de discussion dans les conférences des SCoT. Des hypothèses différentes ont été présentées aux régions.
Les zones de densification sont à traiter dans le cadre des trajectoires que les SCoT se fixent.
La question du trait de côte, que nous avions particulièrement travaillé dans les Hauts-de-France, a été reprise et cela me paraît extrêmement important.
Le sujet de l'hectare nous choque, mais nous sommes favorables au droit minimal de chaque commune à se développer, qui doit être assuré dans le cadre des SCoT, en fonction de ses besoins et des besoins du territoire.
Quant à la question de l'initiative publique ou privée concernant les projets nationaux, la Fédération nationale des SCoT ne se l'est même pas posée. Il nous est apparu que c'est une évidence. Les 100 hectares d'Airbus à Toulouse seront-ils pris sur le compte de la commune concernée ? Je ne pense pas. Il devrait s'agir d'un compte national...
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - On nous dit l'inverse !
Mme Françoise Rossignol. - C'est notre position. C'est une question d'ampleur de projet, de rayonnement, mais non de statut. Cela demande effectivement une organisation concernant l'établissement de la liste. On a eu les mêmes réflexions sur les projets dits « régionaux ».
Dans un territoire rural, le lycée peut être un équipement régional. En Île-de-France, le lycée, dans une commune de plus de 100 000 habitants, n'est peut-être pas un équipement de nature régionale.
La fabrique du territoire, ainsi que la nature et l'importance des équipements font que la définition, d'une région à une autre, ne sera peut-être pas la même que pour les éléments d'intérêt régional.
M. Cédric Vial. - Comment établissez-vous l'enveloppe foncière nécessaire à prendre en compte les besoins indirects de foncier, les « effets collatéraux » des grands projets ?
Mme Françoise Rossignol. - On n'a pas imaginé que cela puisse faire partie du compte national.
M. Cédric Vial. - Redistribuez-vous une enveloppe à l'échelle du SCoT ?
Mme Françoise Rossignol. - Aujourd'hui, le SCoT prévoit une enveloppe pour les zones constructibles. Si on est amené à se doter d'un équipement qui fait exploser le SCoT, il faut le modifier.
M. Cédric Vial. - Vous pouvez, en cas de projet national important, modifier le SCoT en ajoutant un certain nombre d'hectares et en accordant aux communes concernées des capacités de construire pour accueillir les habitants, avec une procédure validée par l'État. Demain, vous ne pourrez plus le faire, puisqu'il s'agit d'une enveloppe fermée.
Où allez-vous prendre ces hectares ?
Mme Françoise Rossignol. - Si un projet fait exploser les chiffres, il faut qu'une réflexion régionale ou nationale intervienne pour prendre en compte ce projet.
M. Cédric Vial. - L'enveloppe est fermée au niveau régional. Ce qu'on donne à un SCoT, il faut qu'on l'enlève à son voisin. On ne peut demander la révision d'un SCoT dans la Loire pour y enlever 10 hectares et les donner au département de l'Isère, qui aura un projet.
Mme Françoise Rossignol. - Je ne le demande pas.
M. Cédric Vial. - Pensez-vous que ce soit possible ?
Mme Françoise Rossignol. - Ce serait envisageable à l'échelle d'une région. Notre conférence des SCoT a abordé la question des échanges. Certains territoires, en termes de renaturation, nous ont dit qu'ils possédaient énormément de friches et pouvaient procéder à une renaturation, mais souhaitaient savoir comment échanger. Ce sont des questions qui ont commencé à se poser. Les territoires sont en effet différents et certains nous ont posé la question.
Il faudra traiter le sujet à propos de l'ensemble du territoire, mais nous n'avons pas la solution. Je ne suis pas législateur.
Mme Nathalie Fourneau. - L'AMF est extrêmement sensible à la question des communes rurales, qui constituent notre point central de réflexion, celles-ci représentant 80 % de nos adhérents. C'est le sens de nos réflexions de tous nos groupes de travail.
C'est aussi le sens de notre recours, qui réclame la prise en compte des efforts réalisés au niveau régional, et pas seulement au niveau des SCoT, d'où le travail qui a été fait sur l'application et l'adaptation du « ZAN » aux communes les plus isolées dans le cadre d'une ZRR. C'est un enjeu primordial pour l'AMF, que les choses soient claires.
La façon dont on va appliquer cette trajectoire garantit aux communes rurales une capacité de développement. Plus l'application de ce dispositif se fera de manière descendante, plus les territoires vont le ressentir de manière pénalisante, en particulier les moins dynamiques.
Notre travail a consisté à assurer, comme l'a fait le Sénat à travers son texte, de la souplesse de la trajectoire entre le niveau national et le bloc local et du fait qu'une gouvernance satisfaisante existe à travers des commissions de conciliation renforcées et un débat très clair avec le préfet sur des notes d'enjeux et des chiffres.
Nous mettons sur la table l'ensemble des projets et réfléchissons ensemble en continuant à faire travailler les conférences de SCoT, dans une trajectoire la plus « adaptable » possible dans les intercommunalités et les communes. On ne parle certes pas des communes en RNU, mais celles-ci seront de fait également touchées, par un effet de vases communicants.
Tout l'enjeu pour nous est d'appliquer ces trajectoires de manière extrêmement souple, tout en atteignant l'objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon 2050, en adaptant les objectifs et garantissant cette capacité de développement des territoires ruraux. Cela répond, je pense, aux articles 7 et 8.
Le rapporteur Jean-Baptiste Blanc a souhaité des précisions sur le décret concernant la nomenclature des sols artificialisés. Il est en cours de réécriture, et comporte une réflexion sur les échelles d'appréciation de l'artificialisation. On nous a bien fait comprendre que ce décret n'avait vocation qu'à « classer » les sols entre sols artificialisés et non artificialisés. Tout cela vise à concrétiser le fameux solde destiné à obtenir le chiffre net d'artificialisation des sols, indépendant de la notion de constructibilité, un sol, même non artificialisé, restant constructible dès lors que le PLU ou la carte commune le prévoit dans son projet de territoire.
C'est une précision importante qui nous a été donnée. L'une des positions de l'AMF consiste à dire qu'il faut rendre les données sur l'observation des sols compatibles, qu'elles soient liées à la consommation d'espaces ou à l'artificialisation, afin d'alimenter les données régionales, voire nationales et que l'ensemble se réponde. Il faut que l'on puisse discuter sur les mêmes bases et s'entendre sur ce dont on parle. Je tenais à vous le préciser à titre technique.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Le problème des friches se fait de plus en plus jour. Où sont-elles ? À qui appartiennent-elles ? Sont-elles propriété de l'État, d'autres collectivités ou de particuliers ? Quelles sont leurs qualités ? Dispose-t-on d'un inventaire quantitatif et qualitatif ? Comment va-t-on traiter ce problème ? Va-t-on mettre en place un marché des friches, comme il existe un marché carbone ?
Plus on avance, et plus le sujet prend de l'importance.
M. Sébastien Miossec. - Pour compliquer les choses, les friches présentent un véritable potentiel, mais on en créera aussi de moins en moins. C'est donc une solution de transition. Savoir si le « ZAN » verra vraiment le jour reste une vraie question. Où en sera-t-on dans trente ans ? En tout état de cause, si l'on consomme toutes les potentialités, il ne restera plus grand-chose.
Mme Cécile Cukierman. - Vous avez raison pour ce qui concerne les friches. Elles sont connues, mais on aurait besoin d'une véritable cartographie. Dans un certain nombre de territoires, faute de les avoir requalifiées, on a construit d'autres modèles d'aménagement du territoire.
Requalifier ces friches pour y réimplanter des services publics et privés pourrait peut-être permettre de repenser les enjeux du « ZAN » et du foncier agricole, naturel et forestier avec un autre regard que celui qui nous est imposé.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Je remercie nos invités et tous les intervenants. N'hésitez à nous faire parvenir vos contributions écrites. Elles nourriront la suite de nos travaux.
J'approuve l'intervention de Christian Redon-Sarrazy. Les friches constituent un énorme sujet et offrent peu de transparence. On sait simplement qu'elles représentent 200 000 hectares.
Mme Valérie Létard, présidente. - Des précisions des services de l'État sur leur nature, leur enclavement ou, au contraire, leur proximité avec certaines infrastructures nous permettraient de mesurer ce que l'on a la capacité de faire. Ce sujet majeur comporte une grande part d'inconnu.
Je remercie l'ensemble des participants à cette audition.
Nous sommes dans la dernière ligne droite de ce travail sénatorial débuté il y a de longs mois. La tâche est d'importance. Elle est essentielle pour nos territoires et très attendue par les élus locaux.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 15.