- Mercredi 16 novembre 2022
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Cohésion des territoires » - Programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Régimes sociaux et de retraites » - Compte spécial « Pensions » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Audition de M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
Mercredi 16 novembre 2022
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - En finançant principalement des pensions et prestations servies aux anciens combattants, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » évoluent en fonction du nombre de bénéficiaires.
Compte tenu de l'érosion démographique des anciens combattants, les crédits de la mission diminuent encore à l'occasion de ce projet de loi de finances, pour s'établir à 1,931 milliard d'euros pour 2023, soit une baisse de 7,4 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022.
Les moyens nécessaires au versement des pensions militaires d'invalidité (PMI) baisseraient ainsi de 53,7 millions d'euros afin de s'ajuster au nombre de bénéficiaires, qui passeraient de 161 078 en 2022 à 151 347 en 2023. L'enveloppe demandée à ce titre, qui s'élève à 754,8 millions d'euros, permettrait toutefois de financer l'ouverture du droit à pension pour l'ensemble des victimes d'actes de terrorisme perpétrés avant le 1er janvier 1982, pour un coût estimé à 1 million d'euros, ainsi que le prévoit l'article 41 du projet de loi de finances (PLF) sur lequel je vous proposerai d'émettre un avis favorable.
Pour le versement de la retraite du combattant, qui est une allocation de reconnaissance attribuée aux titulaires de la carte du combattant ayant atteint l'âge de 65 ans, il est prévu une enveloppe de 509,4 millions d'euros, en diminution de 94,7 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2022. Là aussi, le nombre de bénéficiaires, dont l'âge médian est de 85 ans, diminuerait d'environ 6,9 % pour atteindre 691 281 personnes en 2023.
Ces tendances devraient se poursuivre dans les années à venir : le nombre de cartes du combattant attribuées au titre d'une opération extérieure (Opex) s'élève à 256 612 au 1er juillet 2022, dont près de 12 500 sont détenues par des femmes, contre 1,69 million au titre de la guerre d'Algérie. Si la part relative des bénéficiaires de la retraite du combattant au titre des Opex va continuer à augmenter, elle ne compensera donc pas le nombre de décès des anciennes générations du feu.
Les moyens accordés à ces pensions et prestations, bien qu'en diminution, permettront toutefois de financer une revalorisation du point de PMI en 2023. Pour rappel, la valeur du point de pension évolue en fonction de l'indice de la fonction publique de l'État.
Compte tenu de la stabilité des rémunérations publiques ces dernières années, la LFI pour 2022 a permis, à titre exceptionnel, de revaloriser de 7 % le point de PMI en 2022. Cette mesure traduisait les conclusions de la commission tripartite constituée sur ce sujet et dont le rapport, publié en mars 2021, a fait état d'un écart de 5,9 % entre la valeur du point de PMI au 1er janvier 2020 et la valeur qu'aurait atteint ce point s'il avait progressé au même rythme que l'inflation depuis 2005. Le coût de cette mesure est estimé à 19 millions d'euros en 2022 et à 29 millions d'euros en 2023.
Compte tenu de la hausse des prix constatée en 2022, cette revalorisation demeure insuffisante pour soutenir le niveau de vie des pensionnés.
Dès lors, le Gouvernement a fait le choix de répercuter la hausse de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique, intervenue en juillet 2022, sur le point de PMI dès le 1er janvier 2023, alors que les règles de calcul auraient dû conduire à n'en tenir compte qu'à partir de 2024. Je salue cette initiative, qui représente un coût pour la mission de 41 millions d'euros, et qui permettra de soutenir le niveau de vie des anciens combattants face à la hausse des prix.
Des dépenses fiscales permettent en outre de soutenir les anciens combattants et leurs familles, parmi lesquelles figure l'octroi d'une demi-part supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Les anciens combattants de plus de 74 ans bénéficient de cet avantage fiscal. Les conjoints survivants de ces anciens combattants en bénéficient également lorsqu'ils atteignent l'âge de 74 ans.
Depuis 2021, les conditions d'octroi de cette demi-part ont été élargies. Peuvent également bénéficier de cet avantage les conjoints survivants âgés de plus de 74 ans de personnes qui ont bénéficié de la retraite du combattant, qui est servie à partir de l'âge de 65 ans.
Un nouvel élargissement est prévu à l'article 3 quinquies de ce PLF, introduit à l'Assemblée nationale. Il est proposé d'abaisser de 65 à 60 ans l'âge du décès de l'ancien combattant à partir duquel le conjoint survivant peut obtenir une demi-part fiscale supplémentaire.
Cette mesure, qui renforce le soutien et la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants et à leurs familles, me semble aller dans le bon sens. Toutefois, la borne d'âge du décès retenue pour ouvrir le bénéfice de cette demi-part aux conjoints survivants ne me paraît pas justifiée. En effet, rien ne justifie que le conjoint survivant d'un ancien combattant décédé avant l'âge de 60 ans ne puisse pas bénéficier de cet avantage lorsqu'il atteint l'âge de 74 ans, alors qu'il va s'ouvrir aux conjoints survivants d'anciens combattants décédés après 60 ans.
Je vous proposerai donc d'adopter un amendement qui lève toute condition d'âge du décès de l'ancien combattant. Une demi-part fiscale supplémentaire serait ainsi accordée aux conjoints survivants, âgés de plus de 74 ans, de titulaires de la carte du combattant quel que soit leur âge.
Les moyens consacrés aux opérateurs qui accompagnent les combattants et les blessés de guerre sont en légère progression.
Le montant de la subvention pour charge de service public de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) augmente ainsi de 3,8 millions d'euros pour 2023, afin de supporter la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et d'assurer le fonctionnement de la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et leurs familles.
Cette hausse permettra surtout de financer la pérennisation des maisons Athos dont le pilotage sera transféré de l'armée de terre à l'ONACVG l'an prochain. Ce dispositif, entré en expérimentation début 2021, consiste à déployer des structures de réhabilitation psychosociale pour offrir aux militaires souffrant de traumatismes psychiques un accompagnement social adapté et non médicalisé. Trois maisons ont déjà été ouvertes et la création d'une quatrième structure est prévue en 2023. Je salue le développement de ces structures qui offrent un accompagnement utile aux blessés psychiques ainsi qu'à leurs familles, en complément des mesures de réhabilitation psychosociale déjà déployées par les armées.
Il faut également saluer le maintien de la dotation d'action sociale attribuée à l'ONACVG à hauteur de 25 millions d'euros. Elle permet à l'Office de verser des aides financières aux anciens combattants et à leurs conjoints survivants les plus en difficulté. Elle permet aussi de soutenir les pupilles de la Nation et les victimes du terrorisme ainsi que d'offrir un accompagnement social et administratif aux ressortissants de l'Office.
Enfin, la subvention pour charges de service public de l'Institution nationale des Invalides (INI) augmente de 0,7 million d'euros pour financer la hausse de la rémunération des fonctionnaires. Sa subvention pour charges d'investissement s'établit à 6,7 millions d'euros afin que l'INI poursuive les travaux de rénovation de ses bâtiments.
Une enveloppe de 100,9 millions d'euros serait ouverte pour financer les actions en faveur des rapatriés d'Algérie, soit une hausse de 6,1 %. Ces crédits permettent de verser l'allocation de reconnaissance, l'allocation viagère et des aides à la formation professionnelle ou au désendettement, au bénéfice des conjoints survivants, ou encore pour le remboursement de cotisations de retraite complémentaire.
Depuis 2019, une aide de solidarité est prévue pour les enfants de harkis ayant séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage. Ce dispositif sera forclos au 31 décembre 2022 et une enveloppe de 1,9 million d'euros est prévue afin de verser les dernières aides demandées avant cette date.
Enfin, la loi du 23 février 2022 a institué un dispositif de réparation des préjudices subis par les harkis et autres rapatriés d'Algérie ainsi que leurs familles ayant séjourné dans certaines structures aux conditions d'accueil indignes. Fin octobre 2022, 22 951 dossiers d'indemnisation avaient été déposés : 3 334 dossiers ont été examinés et 3 227 ont fait l'objet d'une décision d'attribution d'une indemnisation, pour un montant de 28 millions d'euros. Le coût du dispositif est estimé à 300 millions d'euros sur six ans et une enveloppe de 60 millions d'euros est affectée à son financement pour l'année 2023.
Pour l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, 91,6 millions d'euros sont demandés pour 2023, soit une diminution de 1,3 % par rapport à la LFI pour 2022. La relative stabilité de cette enveloppe s'explique par l'effet conjugué de la diminution naturelle du nombre de crédirentiers et des nouvelles demandes d'indemnisation adressées chaque année.
L'activité est stable en ce qui concerne l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, avec un net ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers.
De nouvelles demandes sont formulées pour l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie, même si le nombre de crédirentiers diminue. Ce dispositif compterait 6 105 crédirentiers à fin 2022 et dix nouveaux dossiers de rente sont attendus en 2023 ainsi que dix dossiers d'indemnisation en capital.
Les demandes d'indemnisation des victimes de spoliations sont en diminution progressive, mais de nouvelles demandes continuent d'être formulées et s'ajoutent à celles encore en instruction par la Commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). Depuis la création du dispositif en 1999 et jusqu'au 30 juin 2022, 22 762 dossiers ont fait l'objet d'une recommandation d'indemnisation à la charge de l'État et 22 681 d'entre eux ont été traités. En 2021, 116 nouveaux dossiers ont été enregistrés dont 46 dossiers matériels, 26 dossiers bancaires et 44 dossiers de biens culturels spoliés.
J'en viens enfin aux moyens consacrés aux liens armées-jeunesse et à la politique de mémoire. Les crédits alloués aux liens armées-jeunesse progresseraient de 4 % en 2023 pour atteindre 24,5 millions d'euros. Ils financent principalement l'organisation des journées de défense et de citoyenneté (JDC), le service militaire volontaire ainsi que de nombreux dispositifs de promotion du lien entre les armées et la jeunesse tels que les classes de défense et les cadets de la défense.
Les moyens alloués à l'organisation des JDC progressent de 0,9 million d'euros en raison d'une augmentation du nombre de jeunes qui participeront aux JDC en 2023 et pour tenir compte de la hausse des coûts de transport et d'alimentation du fait de l'inflation. Pour 2023, le coût complet d'une JDC est estimé à 140,43 euros par participant, dont 18 % sont financés par la mission « Anciens combattants ».
Les crédits demandés pour la politique de mémoire progressent de 17,2 % par rapport à la LFI pour 2022. Ces moyens supplémentaires seront principalement consacrés à la restauration et à la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, dont le coût est susceptible d'évoluer significativement en raison de la hausse du prix des matières premières. Outre le financement des commémorations annuelles, les crédits demandés pour 2023 permettront l'organisation de plusieurs commémorations, telles que la création du conseil national de la Résistance le 27 mai 1943, l'anniversaire de la mort de Jean Moulin ainsi que le cycle mémoriel consacré au 80ème anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, une enveloppe de 300 000 euros est reconduite pour financer des publications et actions pédagogiques.
Je considère que les moyens consacrés à la jeunesse et à la politique de mémoire devraient progresser plus significativement.
Alors que le nombre de ressortissants de l'ONACVG devrait passer de 1,8 million en 2023 à moins de 1 million en 2033, selon une estimation du contrôle général des armées, il est nécessaire que le budget consacré au monde combattant et à la mémoire soit, à terme, sanctuarisé et que les actions en faveur du lien armées-Nation et de la mémoire combattante soient renforcées.
À cette fin, l'ONACVG devra continuer à faire évoluer ses missions pour accompagner les nouvelles générations de combattants en fonction de leurs besoins. L'Office pourrait en outre développer ses actions destinées à promouvoir les liens entre les armées et la Nation, en valorisant l'engagement citoyen en faveur du monde combattant et en soutenant davantage la transmission de la mémoire. Ces actions sont essentielles pour notre cohésion nationale, alors que disparaissent les générations ayant connu les grands conflits qui ont marqué notre pays.
Pour conclure, je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi qu'à l'article 41 qui lui est rattaché. Je vous propose également d'adopter un amendement visant à octroyer une demi-part fiscale aux conjoints survivants d'anciens combattants, quel que soit l'âge de leur décès.
Mme Frédérique Puissat. - Nous recevons tous dans nos départements respectifs des demandes de rendez-vous de la part des comités départementaux de la Fédération nationale des anciens combattants (Fnaca). Leurs demandes sont en voie de diminution, signe que, petit à petit, on avance. D'un autre côté, le nombre d'anciens combattants diminue et nous sommes ainsi engagés dans une course contre la montre, alors même que les demandes qu'ils formulent ne nécessitent pas forcément de l'argent public. Vous annoncez la revalorisation anticipée du point de PMI à hauteur de 3,5 %. La Fnaca pointe une différence de 4 points par rapport à l'inflation. Confirmez-vous ? L'écart peut-il être rattrapé ?
La Fnaca demande que la liste exhaustive des morts pour la France en Algérie, et pas seulement des combattants, soit portée sur les monuments aux morts, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La demande ne me semble pas inintéressante et mérite notre examen.
Ma dernière question portera sur les médailles militaires : certaines sont toujours attendues et n'ont toujours pas été remises.
Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir introduit au Parlement l'amendement en faveur de la demi-part fiscale supplémentaire pour les conjoints survivants d'anciens combattants ; je remercie le Gouvernement de l'avoir conservé lorsqu'il a eu recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution ; enfin, je vous remercie de l'améliorer.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous saluons la création d'un secrétariat d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire, revendication portée de longue date par les associations d'anciens combattants. Le lien avec la Nation est important, nous ne pouvons que nous réjouir de la prochaine commémoration de la création du Conseil national de la Résistance. Depuis des années, les associations réclament l'attribution de la demi-part fiscale supplémentaire aux veuves dont l'époux, qui bénéficiait de la retraite du combattant, est décédé avant 65 ans. Il s'agit d'une juste revendication face à l'injustice que subissent 7 000 d'entre elles. Si elle va dans le bon sens, je regrette que la revalorisation de 3,5 % des pensions militaires d'invalidité qui sera appliquée dès le 1er janvier 2023 ne soit pas indexée sur l'inflation. Les associations pensent que la revalorisation des pensions aurait dû être de 7,5 % compte tenu du retard accumulé ces dernières années.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Comme toutes les associations qui ont oeuvré en ce sens, je suis en faveur de la demi-part fiscale à destination des veuves. Pourriez-vous nous donner plus d'éléments budgétaires sur cette mesure ?
Chaque fois que je me rends aux commémorations du 11 Novembre, je m'aperçois que les associations d'anciens combattants de nos communes renoncent à la vente des bleuets, car elles estiment que les recettes ne sont pas équitablement partagées. C'est dommage parce que le Bleuet de France contribue à faire vivre les petites cérémonies locales.
Mme Victoire Jasmin. - Si, comme le relevait notre rapporteure, les anciens combattants des guerres de 1914-1918 et de 1939-1945 sont de moins en moins nombreux, on a connu d'autres guerres depuis et de jeunes combattants sont présents sur les théâtres d'opérations extérieures. Je soutiens la proposition de notre collègue. Tous les noms méritent d'être inscrits sur les monuments. Le recours à des QR code permettrait de remédier au manque de place.
Par ailleurs, la situation des anciens combattants des différents territoires d'outre-mer, difficile depuis longtemps, s'est encore dégradée avec l'inflation. Ces personnes ont toujours répondu présent à l'appel. Il faut penser à leur retraite et à leurs conditions de vie.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Madame Puissat, les associations ont demandé une augmentation du point PMI d'au moins 6,5 %, mais l'acquis de 3,5 % dès 2023 constitue déjà une belle avancée. Nous suivrons attentivement l'inflation et serons vigilants sur ce point l'année prochaine.
En ce qui concerne la mention « mort pour la France », c'est compliqué. Pour être considérés comme « morts pour la France », les militaires doivent être morts au combat. Quand un militaire meurt lors d'un entraînement, il est ainsi considéré comme « mort en service » et non comme mort pour la France. Nous rencontrons le même problème avec les victimes d'attentats et les fusillés. Devant un tel problème, nous marchons sur des oeufs.
La question des médailles militaires n'est pas dans le champ du PLF. Il faudrait que les personnes concernées sollicitent l'ONACVG.
Sur la demi-part fiscale supplémentaire, pourquoi la veuve d'un soldat qui décède à l'âge de 30 ans - je vous rappelle que les deux derniers soldats en date, morts au Mali, étaient âgés de 23 et 29 ans - n'aurait-elle pas droit à cette demi-part fiscale avant l'âge de 74 ans ? Je rappelle aussi que le soldat défunt doit avoir possédé la carte de combattant. On pourrait aussi abaisser l'âge à partir duquel le conjoint survivant peut bénéficier de la demi-part à l'âge de la retraite, à savoir 65 ans. Il est vrai que cela coûterait cher.
M. René-Paul Savary. - On pourrait fixer cet âge à 67 ans, parce que c'est l'âge auquel il est possible de liquider sa retraite à taux plein quel que soit le nombre de trimestres cotisés ; c'est l'âge limite.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - On ne sait pas d'où vient la fixation de l'âge à 74 ans, c'est ridicule. J'ai annoncé à Mme Miralles, le jour où je l'ai reçue, que je déposerais un amendement permettant à la veuve de bénéficier de cette demi-part, quel que soit l'âge auquel son époux est mort, à condition qu'il ait été titulaire de la carte de combattant. Par la suite, le Gouvernement a indiqué qu'il allait déposer cet amendement. Le principal c'est que nous avancions.
Mme Corinne Imbert. - Pour bénéficier de ce dispositif fiscal, faut-il que la veuve ne soit pas remariée ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Le dispositif vise le « conjoint » : en cas de remariage, la veuve n'est plus la conjointe du défunt. Abaisser l'âge de 65 à 60 ans représente un coût est de 133 millions d'euros.
Mme Chantal Deseyne. - La pension des veuves est-elle versée au prorata des années de vie commune ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - C'est comme pour une pension de reversion.
Mme Catherine Deroche, présidente. - À propos de l'inscription sur les monuments aux morts, est-ce que les personnes décédées en Opex sont concernées ? J'ai assisté chez moi à une cérémonie pour un jeune homme accidentellement tué au Mali dont le nom était inscrit sur le monument aux morts. S'agissait-il d'une dérogation ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - C'est sans doute le maire qui a pris cette décision. C'est comme pour la mise des drapeaux en berne : chacun peut agir à sa guise alors que la loi ne prévoit la mise en berne du drapeau qu'à certaines occasions. Il n'y a pas de cadre précis, chaque maire fait ce qu'il veut. Un maire de l'Essonne a décidé d'inscrire un fusillé de 1914-1918 au monument aux morts. Il n'a pas été inscrit parmi les « morts pour la France », mais en dessous.
La demi-part fiscale concerne 857 000 foyers bénéficiaires pour un coût s'élevant, aujourd'hui, à 521 millions d'euros. L'avantage fiscal moyen est modeste, il est de 600 euros par foyer et par an.
Le Bleuet de France va changer de statut et disposer d'un fonds de dotation propre qui lui permettra de recueillir davantage de dons et de vendre ses objets dans tous les commerces.
En effet le point PMI aurait pu être augmenté de 6,5 % en raison de l'inflation, mais 3,5 %, ce n'est pas si mal après une hausse de 7 % en 2022. Nous demanderons une nouvelle revalorisation en 2024.
Madame Jasmin, je partage vos préoccupations. Il faudrait se rapprocher de l'ONACVG ou du ministère des armées. Nous avons déjà évoqué la question de l'accompagnement des combattants des outre-mer à propos des maisons Athos. Nos soldats d'outre-mer se retrouvent comme exilés, dans l'Hexagone, après le combat. Mais peut-être est-ce une situation plus favorable au rassemblement de la famille en métropole et à son accompagnement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ainsi qu'à l'article 41 qui lui est rattaché.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - L'article 3 quinquies prévoit l'octroi d'une demi-part fiscale aux conjoints survivants âgés de plus 74 ans de personnes de plus de 60 ans titulaires de la carte du combattant. Il a donc pour conséquence d'étendre le bénéfice de cet avantage fiscal aux conjoints survivants d'anciens combattants décédés entre 60 et 65 ans. Si cette mesure renforce le soutien et la reconnaissance que la Nation accorde aux anciens combattants et à leurs familles, la borne d'âge du décès retenue pour ouvrir le bénéfice de cette demi-part aux conjoints survivants n'apparait pas justifiée. En effet, rien ne justifie que le conjoint survivant d'un ancien combattant décédé avant l'âge de 60 ans ne puisse pas bénéficier de cet avantage lorsqu'il atteint l'âge de 74 ans, alors qu'il va s'ouvrir aux conjoints survivants d'anciens combattants décédés après 60 ans. Mon amendement n° I- 1418 vise à accorder une demi-part fiscale supplémentaire aux conjoints survivants de plus de 74 ans quel que soit l'âge du décès de l'ancien combattant.
L'amendement I-1418 est adopté.
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Cohésion des territoires » - Programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » - Examen du rapport pour avis
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », de la mission « Cohésion des territoires », constitue le support financier de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme.
Ce programme finance des structures d'hébergement aux différents statuts. Il s'agit principalement de centres d'hébergement d'urgence (CHU) ou de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui permettent un accueil plus pérenne des personnes, et un accompagnement social plus approfondi. Le nombre de places d'hébergement financé par le programme 177 constitue le point nodal de son examen, et absorbe, entre 95 % et 98 % de ses crédits. Le parc d'hébergement a culminé à un niveau inédit de plus de 203 000 places en mars 2021, soit une augmentation de 40 000 places par rapport à février 2020. Dès le printemps 2021, le Gouvernement avait fait part de son intention de maintenir 200 000 places ouvertes jusqu'au 31 mars 2022, avant qu'une décrue progressive ne soit engagée au cours de l'année 2022, pour atteindre un seuil de 186 000 places en 2023.
La confirmation de cet objectif, à l'occasion de la présentation du PLF pour 2023, a provoqué une levée de boucliers des acteurs du secteur. Il faut dire que depuis la fin de l'été, les associations alertaient les pouvoirs publics sur la recrudescence des besoins : deux tiers des demandes non pourvues d'hébergement émanaient de familles, et 1 658 enfants étaient sans solution d'hébergement avant la rentrée scolaire.
Le Gouvernement a renoncé à son projet de réduction de nombre de places, ainsi que l'a confirmé le ministre du logement lors de son audition au Sénat le 8 novembre dernier. Le programme 177 a été abondé de 40 millions d'euros supplémentaires, en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), et près de 200 000 places d'hébergement (197 000 selon les chiffres communiqués) seront financées pour l'hiver 2022-2023.
Malgré une augmentation substantielle du nombre de places ouvertes au cours des dernières années (40 000 places en plus), des demandes sont encore non pourvues auprès des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) qui gèrent le numéro « 115 » et orientent les personnes vers une solution d'hébergement ou de logement. Selon la Cour des comptes, en 2021, en France, près de 300 000 personnes se trouvaient, avant même la crise sanitaire, sans domicile, estimation qui a plus que doublé depuis la dernière enquête statistique de 2012.
Dans le projet de LFI pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » atteignent 2 795 milliards d'euros en AE et 2 820 milliards d'euros en CP. Ces montants sont en légère hausse par rapport à la LFI 2022, et inférieurs aux crédits autorisés par la loi de finances rectificative (LFR) pour 2022. Cette dernière avait prévu 2 931 milliards d'euros en AE et 2 833 milliards en CP. Cet écart s'explique par la dotation exceptionnelle, d'un montant de 100 millions d'euros, prévue dans la LFR pour 2022 pour la prise en charge des réfugiés ukrainiens.
Je souligne par ailleurs que l'hébergement généraliste financé par le programme 177 n'a été que faiblement mobilisé pour l'accueil des personnes fuyant la guerre en Ukraine. L'État a choisi de privilégier des solutions d'hébergement financées par le programme 303 « Immigration et asile ». Néanmoins, selon les territoires, certains SIAO ont pu être très sollicités, malgré des orientations nationales qui ne ciblaient pas l'hébergement d'urgence généraliste. La dotation 2022 devait permettre l'accompagnement des réfugiés, elle sera également utilisée pour le financement de l'aide mensuelle de 150 euros aux ménages qui accueillent, ou ont accueilli en 2022, des réfugiés ukrainiens, prime qui sera versée à partir de la fin du mois de novembre.
Les crédits alloués à la veille sociale (maraudes, 115, SIAO, accueils de jour) connaissent une hausse de 6 % par rapport au PLF 2022, hausse qui semble limitée pour répondre aux besoins et aux objectifs du « Service public de la rue au logement ».
Les crédits de l'hébergement d'urgence sont en baisse par rapport au PLF 2022, du fait de la réduction du nombre de places opérée en 2022, et sur laquelle le Gouvernement ne revient pas. Il renonce à la baisse supplémentaire prévue en 2023 : 197 000 places ouvertes en 2023 contre 203 000 début 2022, selon les informations disponibles.
Les crédits pour les CHRS sont en hausse de 9 % du fait de la mise en oeuvre des revalorisations salariales. Mais les CHRS restent fragilisés par le plan d'économies mis en oeuvre ces dernières années. Je rappelle par ailleurs que, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement s'était engagé à créer 1 000 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences en 2020 et 2021. Cet effort a été poursuivi en 2022 avec la création de 1 000 nouvelles places. Ces places sont des places non mixtes, dédiées aux femmes victimes de violence, avec ou sans enfant. L'accès rapide à une place d'hébergement constitue très souvent une mesure urgente indispensable pour mettre une femme en sécurité, mais aussi un préalable à toute reconstruction pour une personne victime de violence.
J'ajoute que j'ai effectué, au mois d'octobre, dans le cadre de mes fonctions de rapporteur, un déplacement à la Cité des dames. Il s'agit d'un lieu d'accueil géré par la Fondation de l'Armée du salut que je voudrais vous présenter brièvement. L'originalité de ce projet repose sur le couplage d'un accueil de jour et d'un accueil de nuit ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, spécialement dédié à des femmes seules et sans abri. Outre des prestations de base (hygiène, repos, restauration, etc.), la Cité des dames propose un premier niveau d'accompagnement social (ouvertures de droits, orientations vers de l'hébergement, etc.), ainsi qu'une première réponse sur l'aspect santé (gynécologie, psychologie). À ma connaissance, ce lieu ne dispose pas d'équivalent dans le dispositif de veille sociale nationale ; enfin les crédits consacrés aux actions de prévention et accès aux droits sont reconduits, tandis que ceux consacrés à la conduite et à l'animation politique du dispositif « Accueil, hébergement, insertion » (AHI) sont en légère baisse.
Je ne puis conclure cette présentation du programme 177 sans évoquer rapidement les réformes au long cours conduites dans le secteur de l'hébergement et du logement, et dont l'objectif était de réduire la pression pesant sur l'hébergement d'urgence.
L'année 2022 marque la fin du plan quinquennal « Logement d'abord ». L'ambition de ce plan est de transformer en profondeur la lutte contre le sans-abrisme, en passant d'une réponse construite dans l'urgence s'appuyant majoritairement sur des places d'hébergement, avec des parcours souvent longs et coûteux, à un accès le plus rapide possible au logement avec un accompagnement social adapté aux besoins.
Ce plan entend développer les modes de logement adapté comme les pensions de famille, les intermédiations locatives (IML) ou les dispositifs financés par l'aide à la gestion locative sociale (AGLS). Il s'agit de mettre fin au parcours d'insertion par étape au profit d'une orientation directe vers ces dispositifs. La perspective de la diminution du parc d'hébergement suppose que les solutions alternatives soient au rendez-vous, notamment de solutions de logement.
Ce plan fait l'objet d'un consensus dans le secteur, ses objectifs sont partagés par toutes les personnes que j'ai auditionnées en préparant ce rapport. Depuis le lancement du plan quinquennal en 2017, 390 000 personnes hébergées ou sans-abri ont accédé au logement social ou à une solution de logement adapté, avec des résultats en amélioration continue. Une nouvelle séquence reposant sur des principes identiques est en cours de concertation avec les acteurs associatifs, elle devrait faire l'objet d'une annonce en janvier.
Ces sorties vers le logement n'ont toutefois pas permis d'enregistrer une baisse de la demande d'hébergement d'urgence. Constat est fait, année après année, d'un allongement des durées d'hébergement. Selon les données disponibles, 48 % des ménages enregistrés étaient hébergés depuis plus de deux ans, 15 % depuis plus de cinq ans et 2 % depuis plus de dix ans. Un allongement de la durée moyenne de séjour est constaté, passant de 1,8 année en janvier 2015 à 2,54 années en novembre 2020. L'ensemble de ces facteurs influeront sur le programme dont l'un des enjeux sera de parvenir à faire face à ces besoins d'hébergement durablement élevés, tout en poursuivant parallèlement la mise en oeuvre du plan « Logement d'abord » et la recherche de solutions de logement durable et adapté.
Au regard des moyens financiers supplémentaires engagés par l'État dans ce PLF, après son examen par l'Assemblée nationale, et des réformes amorcées qui me semblent aller dans le bon sens, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits qui sont soumis à notre examen.
Mme Laurence Cohen. - Je partage l'analyse de notre rapporteur. J'étais très défavorable à la suppression de 14 000 places d'hébergement d'urgence et fort heureusement, les associations se sont mobilisées afin d'obtenir l'annulation de cette décision qui était en flagrant décalage avec la réalité.
L'abondement de 40 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence au budget 2023 permettra de stabiliser le nombre de places pour l'année à venir. Néanmoins, les demandes sont considérables et les places insuffisantes. Je m'inquiète du nombre croissant de jeunes et d'enfants à la rue, situation qui les expose au danger. Dans le Val-de-Marne, 150 mineurs se sont installés sous le pont Nelson-Mandela à Ivry-sur-Seine, c'est une situation dramatique. Certes, la volte-face du Gouvernement est positive, mais le problème est d'une ampleur telle que l'effort demeure insuffisant.
Mme Victoire Jasmin. - Il faut pérenniser les opérations et travailler avec les services sociaux, car les personnes prises en charge lors des maraudes retournent quelquefois à la rue. Il faudrait parvenir à une inclusion réelle, permettre l'accès à la formation professionnelle, proposer une réinsertion sociale. Certaines de ces personnes pourraient sans doute s'insérer en exerçant des métiers désertés, comme ceux de plombier, de carreleur ou de plaquiste, etc. C'est une voie à exploiter afin de permettre à cette population d'accéder à un logement et à une réinsertion durable, car le risque de retour à la rue demeure. Il est important que tous aient droit à un toit, notamment les jeunes. Lorsque les personnes sont domiciliées dans un CCAS ou un CHRS, elles retournent souvent à la rue. Il conviendrait d'explorer l'ensemble des dispositifs de droit commun pour leur trouver un lieu d'hébergement stable et des perspectives d'insertion.
Mme Michelle Meunier. - Je souhaitais mettre l'accent sur le SIAO. Nous avons auditionné la Fédération des acteurs de la solidarité et le collectif Alerte. Le service est composé d'agents qui répondent sur une ligne téléphonique dédiée et qui orientent vers le lieu adapté à la situation de l'appelant. Ils sont environ 1 000 en France. En Loire-Atlantique, ils sont une douzaine et hier, à Nantes, un mouvement inédit les a conduits à ne pas décrocher, sauf dans les cas d'appels de femmes victimes de violences. Le fait que des personnels si motivés par leur mission se mobilisent ainsi est significatif. C'est la question des oubliés du Ségur. Les agents du SIAO ne sont pas considérés comme des travailleurs sociaux.
Au-delà du chiffre global des personnes sans-abri, qui est très important et que nous commentons beaucoup, il faudrait aussi évoquer les nombreuses populations qui basculent dans la pauvreté alors qu'elles ne devraient pas se retrouver à la rue. Le phénomène s'aggrave. Le logement n'est pas tout ; il faut mettre en place un accompagnement global de la personne dans sa situation et son environnement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La situation est inquiétante : 48 % des ménages enregistrés dans l'hébergement d'urgence étaient hébergés depuis plus de deux ans, 15 % depuis plus de cinq ans et 2 % depuis plus de dix ans. La notion d'hébergement d'urgence devient relative dans ce contexte. Comment l'expliquez-vous ? On assiste à une embolie du dispositif dont l'objet premier est de répondre à l'urgence. Les propositions de sortie vers le logement sont-elles suffisantes ? Quelles sont les solutions intermédiaires ? Quant à l'hébergement des femmes victimes de violences, le nombre de places disponibles répond-il à la demande ou bien certaines femmes demeurent-elles sans solution ?
M. Daniel Chasseing. - Je me réjouis de la création de 1 000 places pour accueillir les victimes de violences, notamment les femmes. C'est une mesure indispensable. Outre la fourniture d'un logement, l'accompagnement est aussi essentiel. Les associations qui y pourvoient doivent être aidées : en Corrèze, une association a dû arrêter la surveillance de nuit des établissements hébergeant des femmes victimes de violences. Il faut également poursuivre l'accompagnement des femmes dans le domaine judiciaire.
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - Avant d'aborder la question de l'insertion professionnelle, il faudrait au préalable régler le problème de l'accès au logement.
En dix ans, les crédits de l'hébergement d'urgence ont été multipliés par quatre. Malgré cet effort, les tensions restent importantes. Les deux principaux objectifs du plan « Logement d'abord » étaient d'établir une programmation pluriannuelle de l'évolution du nombre de places d'hébergement et de proposer une réponse favorisant un accès le plus rapide possible au logement avec un accompagnement social adapté aux besoins. Concernant les 200 000 places allouées en 2022-2023, il faut noter que, d'après les associations et les relevés de maraudes, il resterait entre 15 000 à 30 000 personnes ayant fait une demande d'hébergement et se trouvant encore dans la rue. On pourrait croire naïvement qu'il suffirait de créer 30 000 places supplémentaires, mais les professionnels pensent que cela ne serait pas le cas car cette solution ne suffirait pas à régler la question. Tous les observateurs soulignent combien la question de l'hébergement d'urgence est soumise à des pressions géopolitiques (flux migratoires) ou économiques qui pèsent sur la demande. Une partie substantielle des places est occupée par des personnes en situation irrégulière sur le territoire. En conséquence, la situation administrative de ces personnes peut les empêcher d'accéder à un logement.
Mme Meunier m'a interrogé sur les oubliés du Ségur : le ministre a annoncé, le 8 novembre, qu'une négociation était en cours avec les SIAO et qu'une proposition de revalorisation serait adressée à leurs personnels.
Madame Poncet Monge, si la durée d'hébergement augmente, c'est en raison de l'état de santé, des résidents, et donc de leur incapacité à vivre de façon autonome, ou comme je l'ai déjà dit, de leur situation administrative. Or sans régularisation de leur situation administrative, ils ne peuvent pas prétendre à un accès au logement. Il faut souligner que nous nous heurtons à la crise du logement. Compte tenu du coût exorbitant de la construction, le problème s'accroît dans le logement en général, dans le logement social en particulier.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Et pour les femmes ?
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - Pour les femmes victimes de violence, un peu moins de 5 000 places sont ouvertes fin 2022. L'augmentation du nombre de places a été régulière depuis le Grenelle des violences conjugales, fin 2019.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires »
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Régimes sociaux et de retraites » - Compte spécial « Pensions » - Examen du rapport pour avis
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraites » et du CAS « Pensions ». - Il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », que notre commission examine conjointement depuis 2018.
Il s'agit ici d'analyser l'évolution des subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux structurellement déséquilibrés, d'une part, et celle de la situation financière du régime de retraite de la fonction publique de l'État, d'autre part.
En premier lieu, concernant la mission « Régimes sociaux et de retraites », j'attire votre attention quant au fait qu'elle ne retrace pas l'ensemble des subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux de retraite. Ainsi, celles dont bénéficient les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie-Française ou encore des industries électriques et gazières relèvent d'autres missions budgétaires. En outre, les crédits destinés au financement du congé de fin d'activité des conducteurs routiers sont transférés cette année vers la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
La mission serait dotée, en 2023, de 6,14 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 0,57 % par rapport à 2022, où elle avait atteint un point bas. Le nombre d'affiliés des régimes concernés continue certes de diminuer du fait de la fermeture de certains d'entre eux, dont celui du personnel de la SNCF depuis 2020, mais le niveau élevé de l'inflation a conduit le Gouvernement à revaloriser les pensions à hauteur de 4 % au 1er juillet 2022 après une hausse de 1,1 % le 1er janvier. Du reste, une nouvelle revalorisation est prévue au 1er janvier 2023 à hauteur de 0,8 %. Ces mesures ne sont évidemment pas sans effet sur la situation financière de ces régimes, dont les charges de pension s'alourdissent, tandis que le produit des cotisations collectées s'amenuise à mesure que le nombre de cotisants recule.
Dans ce contexte, la subvention versée au régime de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), qui représente plus de 80 % des crédits de la mission, augmenterait de 4,98 % pour atteindre 3,45 milliards d'euros. Notons toutefois que le taux de cotisation salariale y a augmenté de deux points depuis 2014. Il doit encore progresser de plus d'un point d'ici 2026, date à laquelle il atteindrait 10,95 % contre 11,31 % dans le secteur privé. Par ailleurs, le versement de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Agirc-Arrco, destiné à compenser le manque à gagner de cotisations depuis la fermeture du régime aux nouveaux entrants, est passé de 10 millions d'euros en 2020 à près de 52 millions cette année, et devrait dépasser les 200 millions à l'horizon 2030.
Le régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), lui, est encore ouvert aux nouveaux entrants, mais sera fermé de facto à moyen terme en raison de l'ouverture progressive à la concurrence des activités de la Régie et de l'affiliation au régime général des nouveaux salariés recrutés pour assurer les services concernés, qu'ils le soient par RATP Cap Île-de-France, la filiale qui exercera les activités de transport public opérées dans le cadre concurrentiel par la RATP, ou par une autre entreprise qui aurait remporté un appel d'offres. La subvention versée au régime augmentera, elle, de 7,54 %, pour atteindre 811 millions d'euros. Notons, du reste, que la subvention d'équilibre représentera en 2023 65,3 % des charges de pension du régime de la SCNF et 63,4 % de celles du régime de la RATP.
Dans ce contexte, il paraît légitime de s'interroger sur la pertinence du maintien des conditions actuelles de départ à la retraite dont bénéficient les agents sous statut affiliés à ces régimes, qui demeurent particulièrement avantageuses malgré une convergence tardive et encore très imparfaite vers les paramètres applicables aux régimes alignés. Ainsi, à la SNCF, l'âge légal de départ atteindra seulement 52 ans pour les conducteurs de trains et 57 ans pour le personnel du service sédentaire à compter de la génération 1972. Pour ce qui concerne la RATP, les agents d'exploitation de cette même génération pourront partir à 52 ans, les personnels de maintenance à 57 ans et les agents de la catégorie sédentaire à 62 ans. C'est la raison pour laquelle l'amendement au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 portant mesures de redressement des comptes de la branche vieillesse, adopté par le Sénat sur ma proposition, prévoit, en cas d'échec de la convention nationale pour l'emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites à formuler des propositions crédibles, le report de l'âge de départ à 64 ans à compter de la génération 1967 et la transposition de cette mesure aux régimes spéciaux d'ici dix ans au plus tard.
J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », qui retrace notamment les recettes et les dépenses des régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État et d'autres avantages accessoires gérés par l'État.
Rappelons tout d'abord que le solde cumulé du CAS correspond uniquement à l'addition de ses excédents annuels successifs sur le plan comptable. Ceux-ci n'ont pas été cumulés et mis en réserve, mais reversés au budget de l'État. Il s'agit donc seulement d'assurer à chaque instant que toutes les dépenses du CAS auront été financées par des recettes en lien direct avec elles, conformément aux prescriptions de la loi organique.
Le PLF pour 2023 prévoit une augmentation des recettes du CAS de 3,7 %, à 63,5 milliards d'euros, soit un niveau inférieur à ses charges, qui augmenteraient de 5,3 %, se hissant à 64,4 milliards d'euros. Cette situation est liée à la fois au vieillissement démographique, avec près de 78 000 nouveaux retraités prévus pour 2023 contre 62 000 décès, ainsi qu'à la forte revalorisation des pensions de retraite et à celle des pensions d'invalidité, qui représentera un coût de 1,3 milliard d'euros en 2023.
Dès lors, le CAS affichera pour la première fois depuis 2012 un déficit de l'ordre de 200 millions d'euros en 2022. Son solde cumulé reculera donc de 9,5 à 9,3 milliards d'euros et deviendrait négatif d'ici à 2025 de 200 millions d'euros.
Le taux de retenue pour pension a été progressivement rapproché du taux de cotisation des salariés du secteur privé jusqu'en 2020, à 11,10 % contre 11,31 %. La seule marge de manoeuvre réside donc dans le taux de contribution employeur de l'État, fixé à ce jour à 74,28 % pour les fonctionnaires civils et à 126,07 % pour les militaires. Il paraît inévitable à court terme de le rehausser pour absorber l'augmentation des charges de pension. Il pourrait toutefois être envisagé, par souci de lisibilité et de simplification, de normaliser ce taux en le fixant au niveau des cotisations patronales de retraite, soit 28,12 %, et de compenser la différence par le versement d'une subvention d'équilibre.
Toutefois, l'utilisation de ce seul levier conduirait à alourdir la charge pesant sur l'État. Le report de l'âge légal de départ à 64 ans et l'allongement de la durée de cotisation requise pour le taux plein me paraissent donc constituer une solution plus pertinente, qui permettrait de garantir le financement des pensions dans la durée.
Au total, mes chers collègues, la situation que je viens de décrire constitue un argument supplémentaire en faveur d'une réforme des retraites, pénible mais impérieuse nécessité qui s'imposera à nous au cours des prochains mois. En l'état, et comme chaque année, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du CAS, dont nous ne pouvons que constater la progression, sous le bénéfice de réserves liées, d'une part, aux conditions de départ en retraite dans les régimes de la SNCF et de la RATP et, d'autre part, à l'inquiétante trajectoire financière des régimes de retraite et d'invalidité de la fonction publique de l'État.
Mme Monique Lubin. - Je souhaite poser une question technique à propos de la RATP. Dans le cadre de la mise en concurrence, les nouveaux salariés ne bénéficieront pas du même régime de retraite ; or la RATP a du mal à recruter, elle est en recherche permanente de personnel. Dans ce contexte, il paraît assez peu pertinent que les fonds réservés aux retraités diminuent. Ai-je bien compris : ces fonds sont-ils en baisse ?
Mme Laurence Cohen. - Je m'interroge à propos de la logique que défend notre rapporteur par rapport aux régimes spéciaux. Au-delà de ce que l'on peut penser du report de l'âge de départ à la retraite en général, une telle mesure serait contre-productive dans ces métiers. Leurs acquis sociaux et leurs avantages ont été acquis par des luttes sociales. On parle beaucoup des régimes spéciaux de retraite, mais, comme vient de le dire Mme Lubin, on constate une forte désaffection à l'égard ces professions. Sans augmentation de salaire ni revalorisation de la retraite, le mouvement ne fera qu'empirer. En Île-de-France, on ne parvient plus à recruter de chauffeurs de bus. Le service public est désorganisé. On ne trouve pas de personnels. Quand on prône une réforme, il faut en mesurer toutes les conséquences.
Mme Monique Lubin. - Je voudrais moi aussi revenir sur le sujet de la RATP. La retraite à 52 ans fait partie d'un contrat. Elle constitue une sorte de compensation pour les chauffeurs qui travaillent toute la journée sous terre et dans le noir et qui exercent un métier difficile. Je rappelle que leur salaire se situe à un niveau moyen, voire plutôt bas : le salaire d'un jeune conducteur à la RATP avoisine les 1 600 ou 1 700 euros. Ce ne sont pas des nantis. Je ne comprends pas cette obstination à vouloir leur retirer leur unique avantage, un départ précoce à la retraite, et je crains que ce ne soit contre-productif.
Mme Catherine Procaccia. - Le problème du recrutement se pose également dans d'autres métiers, par exemple dans l'accompagnement à la petite enfance. Quand, à vingt ou vingt-cinq ans, on choisit de s'engager ou de ne pas s'engager dans telle ou telle profession, ce n'est pas pour les conditions de retraite. Cela n'explique pas les difficultés à l'embauche.
M. Martin Lévrier. - Le salaire d'un conducteur de métro débutant s'élève à 1 847 euros brut mensuels hors prime sur 13 mois.
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. - Sur l'aspect contre-productif d'une réforme : si, dans la situation actuelle, on ne parvient déjà pas à recruter malgré les conditions de départ en retraite, cela signifie que le problème est ailleurs. Néanmoins, je suis d'accord avec les remarques qui sont faites : ces conditions ont été négociées et font partie du contrat. C'est pourquoi nous ne voulons pas supprimer les régimes spéciaux, d'où notre proposition de privilégier un alignement progressif sur les paramètres applicables dans les régimes alignés et de demander un effort collectif.
Il a été décidé en 2020 que les nouveaux entrants à la SNCF relèveraient désormais du régime général d'assurance vieillesse et de l'Agirc-Arrco. Dans la mesure où la Cnav et l'Agirc-Arrco bénéficieront de cotisations supplémentaires et n'auront pas de dépenses à engager avant le départ en retraite de ces salariés alors que le régime de la SNCF, bientôt suivi par celui de la RATP, verra ses recettes diminuer tandis que ses effectifs de pensionnés augmenteront, une soulte de compensation est versée chaque année à la caisse de retraite du personnel de la SNCF. Actuellement fixés à quelques dizaines de millions d'euros, ces transferts dépasseront les 200 millions d'euros d'ici à 2030.
Il sera en outre nécessaire de prévoir une mesure similaire pour le régime de la RATP à partir de 2025, car les salariés nouvellement embauchés par sa filiale, RATP Cap Île-de-France, seront affiliés au régime général. Le régime se fermera donc progressivement à mesure que les activités de la RATP seront ouvertes à la concurrence.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Pascale Gruny rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, sous réserve de son dépôt.
Projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les amendements de séance au texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
Article 1er bis AA
L'amendement de précision rédactionnelle n° 1 est adopté.
Article 4
L'amendement de coordination n° 2 est adopté.
La réunion est close à 11 h 05
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Audition de M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous entendons cet après-midi M. Jean Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2023.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Avec près de 30 milliards d'euros de crédits de paiement, la mission « Solidarité », est l'une des plus importantes du budget de l'État. Elle finance à titre principal deux dispositifs, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, et comprend le programme support du ministère.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. - Madame la présidente, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce premier examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est pour moi un moment important. Je rappelle que je porte ces crédits avec la ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap, Geneviève Darrieussecq, la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte, de la diversité et de l'égalité des chances, Isabelle Rome, et la secrétaire d'État à l'enfance, Charlotte Caubel.
C'est une mission porteuse de sens pour mon ministère, puisqu'elle finance des actions concrètes dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des inégalités et de la protection des personnes vulnérables.
C'est un moment d'autant plus important que le contexte dans lequel se tient cette audition est particulier. La période est faite de nombreuses incertitudes, notamment liées à l'inflation, contre laquelle le Gouvernement a fortement agi, en particulier depuis cet été, pour protéger les ménages, les entreprises et les collectivités.
C'est aussi un moment de transition, notamment parce que nous sommes en fin de cycle concernant notre stratégie de lutte contre la pauvreté. Il faut désormais lui redonner une nouvelle dynamique. C'est également un moment de transformation profonde pour notre pays, qui se retrouve au pied du mur de la transition démographique. La question du vieillissement de la population est plus essentielle que jamais.
L'urgence est pour moi de soutenir les ménages les plus modestes et les personnes les plus vulnérables, avec la double nécessité de concilier les temps courts et les temps longs, d'anticiper, de prévoir et de nous adapter à tous les changements à venir.
Quelques chiffres clés à propos de cette mission... La hausse des crédits de la mission « Solidarité », pour 2023, est de 7,8 %, soit 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires, particulièrement visibles sur le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes ». À périmètre constant, ce programme augmente de 1,2 milliard d'euros. C'est une hausse importante, d'abord pour faire face à l'inflation avec, en année pleine, la revalorisation de 4 % des prestations sociales décidée cet été ; ensuite pour préparer l'avenir, avec notamment l'impact de la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé, décidée également cet été.
Cette même conciliation des temps courts et des temps longs, on la retrouve dans les crédits qui sont dédiés à la question de l'aide alimentaire, avec la création d'un fonds pour l'aide alimentaire durable doté de 60 millions d'euros inscrits dans la mission « Solidarité ». À court terme, l'idée est de lutter de façon puissante et efficace contre la précarité alimentaire. Dans notre pays, ce sont environ 7 à 8 millions de personnes qui sont concernées.
L'objectif à court terme est aussi d'améliorer la qualité de l'alimentation distribuée à l'ensemble des ménages précaires, dans un contexte compliqué du fait des difficultés d'approvisionnement et de la hausse des prix.
À plus long terme, notre objectif est qualitatif : il s'agit de varier l'alimentation qui est distribuée, de réduire son impact environnemental, tout en développant les liens avec les producteurs locaux, pour aller vers une alimentation plus locale et plus durable.
C'est l'objet du déplacement que nous avons réalisé avec la Première ministre il y a une quinzaine de jours pour annoncer la création de ce fonds de 60 millions d'euros, première étape dans la dynamique de modernisation et de transformation de l'aide alimentaire.
Nous avons visité, à Reims, les locaux des banques alimentaires, dont la dynamique est particulièrement efficace. On a retrouvé là de nombreux acteurs qui travaillent ensemble et se coordonnent au service de la solidarité sur ce territoire : entreprises, producteurs agricoles, industrie agroalimentaire, associations, élus locaux, collectivités.
L'autre élément important relatif à l'alimentation, c'est l'abondement de 7 millions d'euros supplémentaires pour continuer à développer la tarification dans les cantines pour des repas à un euro maximum. Ceci est indispensable, notamment parce que les enfants des familles modestes sont deux fois moins nombreux que ceux des familles aisées à pouvoir s'offrir un repas à la cantine. Compte tenu de l'impact de ces repas sur l'équilibre alimentaire des enfants, l'intérêt est de continuer à investir fortement contre les inégalités de destin et contre la pauvreté.
Un peu plus de trois ans après la mise en place de ce dispositif, plus d'une commune éligible sur huit y est engagée. Nous avons devant nous de forts potentiels de développement de cette mesure extrêmement importante. 10 millions de repas à un euro au moins sont servis chaque année dans les cantines scolaires. Il s'agit d'une mesure qui est plébiscitée, qu'on reprendra dans la suite de la stratégie de lutte contre la pauvreté.
Je voudrais également rappeler ici que la mission « Solidarité » porte un certain nombre de crédits pour prolonger les actions qui ont été soutenues dans le cadre de la stratégie des 1 000 premiers jours de l'enfant par Adrien Taquet. Boris Cyrulnik a développé cette théorie et mis en avant l'importance de ces trois premières années pour le développement des enfants. Nous allons donc continuer à investir dans cette dynamique extrêmement forte.
Il faut également souligner que des crédits en hausse de 9 % sont consacrés à la protection des adultes, notamment via le dispositif de protection juridique des majeurs. En France, 900 000 personnes bénéficient de cette protection juridique. Avec le vieillissement de la population, on devrait atteindre d'ici 2040 les 2 millions de personnes concernées. L'augmentation des crédits dans le budget 2023 traduit donc bien cette dynamique, qui vise aussi à renforcer l'attractivité des métiers dans les services mandataires en revalorisant les salaires, en renforçant le nombre de recrutements pour faire diminuer le nombre de mesures par salariés et en promouvant l'information et le soutien aux tuteurs familiaux.
Un mot enfin sur l'évolution des emplois du ministère. Il est indispensable de pouvoir disposer en nombre suffisant d'équipes formées aux enjeux et à la technicité des sujets que nous portons. Pour la troisième année consécutive, le schéma d'emploi est positif, avec une augmentation de 58 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au sein du ministère. Le plafond d'emplois intègre de manière pérenne les 50 emplois créés pendant la crise sanitaire, qui vont nous permettre de capitaliser, au sein des ministères sociaux, sur l'expertise acquise dans le cadre de la crise. Avec mon collègue François Braun, nous avons lancé une mission pour travailler à la création d'une direction de préparation et de réponse aux crises au sein des ministères sociaux.
À noter enfin - sujet auquel vous tenez particulièrement - l'inscription dans ces crédits des 120 équivalents temps plein (ETP) consacrés aux missions d'inspection contrôle au sein des agences régionales de santé (ARS), qui permettront de répondre à l'engagement pris par le Gouvernement de contrôler nos 7 500 EHPAD dans les deux ans à venir.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Jean Sol, rapporteur pour avis sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Mes questions ne porteront pas sur l'AAH, car j'ai eu l'occasion, la semaine dernière, d'échanger avec Mme la ministre chargée des personnes handicapées. Je laisserai mes collègues vous interroger à ce sujet s'ils le souhaitent.
Mes questions porteront plutôt sur le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».
Tout d'abord, l'exercice 2023 est présenté comme une année de transition de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, ce qui expliquerait la baisse de 23 % des crédits de cette action. Quelles seront les orientations du nouveau « pacte des solidarités » annoncé par le Gouvernement et les priorités de la nouvelle génération de conventions État-département ?
Deuxièmement, le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale consacre un chapitre aux prestations sociales versées sous conditions de ressources. Celui-ci fait état de nombreuses anomalies. Ainsi, un euro de RSA sur six et un euro de prime d'activité sur cinq seraient versés à tort à titre définitif. La Cour recommande d'engager un chantier de simplification et d'autoriser l'usage du dispositif de ressources mensuelles (DRM) pour les contrôles. Quels sont les leviers sur lesquels le Gouvernement entend agir pour améliorer le versement à bon droit de ces prestations ? Je rappelle que, dans le PLF pour 2023, 11 milliards d'euros sont inscrits au titre de la prime d'activité.
Troisièmement, les orientations présentées en janvier dernier par Fabrice Lenglart à notre commission, notamment la proposition de créer un revenu social de référence pour l'ensemble des prestations de solidarité, seront-elles poursuivies dans le cadre du projet de solidarité à la source du Gouvernement ? Quand le Parlement sera-t-il en mesure de disposer du rapport de M. Lenglart, que nous attendons depuis maintenant un an ?
Quatrièmement, le Gouvernement a lancé plusieurs expérimentations relatives au RSA, notamment une recentralisation du financement et de la gestion dans les départements volontaires, déjà déployée en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales ; une expérimentation de territoires « zéro non-recours » ou « 100 % accès aux droits » prévue par la loi 3DS, dont on attend le décret d'application, et une expérimentation du RSA sous condition d'activité, qui répond à un engagement de campagne du Président de la République. Pourriez-vous préciser comment s'articulent entre eux ces différents projets ? Quelles mesures concrètes recouvrent-ils ? Quelle sera la place des collectivités territoriales dans leur mise en oeuvre et quel pourrait être leur point d'atterrissage ?
Cinquièmement, s'agissant du dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (MNA), comment expliquez-vous que la contribution de l'État aux dépenses des départements passe de 93 à 90 millions d'euros, alors qu'il est prévu un retour progressif au volume d'arrivées de MNA constaté avant la crise sanitaire, ce que nous observons dans nos départements respectifs ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - S'agissant de votre question sur la suite de la stratégie de lutte contre la pauvreté, on constate effectivement une baisse des crédits pour 2023, année de transition.
Tout d'abord, cette baisse concerne essentiellement le poste de la contractualisation avec les départements en matière d'insertion des personnes et les bénéficiaires du RSA. C'est en réalité un jeu d'écritures, l'objectif étant, pour cette année de transition, de finir la contractualisation sur la base de la stratégie précédente. Beaucoup de départements ont contractualisé de juin à juin, ce qui explique la diminution de 50 millions d'euros des crédits de la stratégie de lutte contre la pauvreté.
Environ 20 millions d'euros concernent la fin de l'expérimentation des petits déjeuners gratuits dans les écoles de métropole. Nous concentrons les crédits sur les territoires ultramarins, où cela fonctionne. Nous garderons ce système dans les métropoles qui le souhaitent, notamment en Île-de-France.
S'agissant de la baisse de 50 millions d'euros des crédits destinés à l'insertion des bénéficiaires du RSA, nous avons prévu 15 millions d'euros pour les départements impactés par une fin de contractualisation fin juin, afin de renforcer leurs moyens d'insertion et d'accompagnement à l'insertion.
Avec la Première ministre, nous avons réuni, il y a une dizaine de jours, les acteurs de la lutte contre la pauvreté et de la solidarité pour lancer une concertation afin de renouveler notre stratégie en la matière. L'objectif est de déboucher sur un nouveau pacte de solidarité regroupant l'État, les collectivités et les acteurs de la solidarité, notamment associatifs. Nous avons prévu de travailler essentiellement sur quatre axes et de reprendre les trois axes principaux de la stratégie précédente.
Le premier axe concerne la lutte contre la pauvreté par l'investissement social, en vue de lutter contre les inégalités de destin, de combattre la pauvreté à la racine et de prévenir la reproduction sociale. Notre politique en faveur des 1 000 premiers jours de l'enfant est également dédiée à l'accompagnement de l'enfance, que nous souhaitons reprendre.
Le deuxième axe est tourné vers la société du plein emploi et l'accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA. J'aurai l'occasion d'y revenir en répondant à vos questions.
Le troisième axe a été quelque peu délaissé dans la stratégie précédente, mais me tient particulièrement à coeur. C'est celui de la lutte contre la très grande pauvreté et la grande exclusion, réclamée notamment dans le rapport de France Stratégie qui m'a été remis cet été. Une bonne chose, si l'on veut vraiment faire reculer la pauvreté dans notre pays, est de s'attaquer à la très grande pauvreté, en remobilisant les personnes très éloignées du droit commun.
Enfin, le dernier axe consiste à faire de la transition écologique une transition solidaire. Je crois profondément qu'on peut faire de la transition écologique un vrai levier de la lutte contre la pauvreté en agissant sur les dépenses contraintes des ménages les plus modestes. Le Secours catholique m'a remis avant-hier son rapport sur la pauvreté en France. Il décrit très bien le phénomène. Nous allons donc travailler sur les dépenses contraintes que sont l'accès à l'alimentation, le logement, la précarité énergétique et la mobilité, qui pèsent pour environ 60 % sur le budget des ménages modestes, contre 20 à 30 % pour les autres ménages.
La question des prestations sous conditions de revenus est un autre sujet qui me tient à coeur, car il conditionne la confiance que l'on peut avoir dans notre système et la crédibilité de notre pacte social, à la fois en termes de lutte contre le non-recours et d'accès aux droits. Un certain nombre de nos concitoyens n'ont aujourd'hui pas le droit aux prestations auxquelles ils pourraient prétendre. En parallèle, pour lutter contre la fraude et les indus, qui représentent des sommes assez considérables, il faut arriver à sécuriser le système.
En matière de lutte contre le non-recours et l'accès au droit, des expérimentations ont été conduites en 2019 et 2020 par les services de l'État et la CAF, notamment pour mieux gérer les données. Le Data Mining a permis de proposer en 2019 à 60 000 allocataires potentiels une ouverture de droits et, en 2020, à 45 000 allocataires. C'est dans ce domaine que nous allons mettre en oeuvre, dès 2023, dans une dizaine de départements que nous n'avons pas encore choisis, ce qui a été ouvert par la loi 3DS en manière d'expérimentation sur les territoires zéro non-recours. Ce sont les départements qui vont être à la manoeuvre sur ces questions. L'idée est d'aller chercher des personnes en dehors du système, dont on ne connaît absolument pas la situation financière et qui sont très exclues. Je crois que nous avons prévu dans le budget 2 millions d'euros pour accompagner ces expérimentations.
Parallèlement, nous allons lancer le chantier de la solidarité à la source, qui vise à la fois à lutter contre le non-recours, la fraude et les indus, en sécurisant le système et en généralisant le dispositif de ressources mensuelles (DRM). Dès 2024, l'objectif est de pouvoir adresser aux potentiels bénéficiaires d'allocations des formulaires préremplis. On pourra corriger ces formulaires si la situation financière n'est pas exacte. Il appartiendra à la personne de demander son allocation. C'est pour cela que je lutte contre le terme d'« automatisation », qui laisse à penser qu'on ne demande pas leur avis aux personnes. Cela va permettre de sécuriser le système et de limiter le versement d'indus qu'on a du mal à récupérer - ou de fraudes concernant certaines prestations.
À terme, l'objectif est de pouvoir interconnecter l'ensemble des systèmes d'information. Il nous reste trois ans avant la fin de la mandature pour sécuriser complètement le système et travailler à une harmonisation des bases de ressources décrites par M. Lenglart, qui a dû vous en vous en parler. Il est en effet grand temps d'harmoniser l'ensemble du système de prestations sociales, de les simplifier et de mieux les piloter, afin de les sécuriser et de les rendre plus incitatifs à la reprise d'un emploi.
J'ai découvert le rapport Lenglart à mon arrivée au ministère. J'ai compris qu'il s'agissait d'un rapport d'administration qui n'avait pas vocation à être diffusé plus largement, en particulier parce qu'il fait un certain nombre de propositions qui n'ont pas été retenues par le Gouvernement, notamment le fait d'aller vers un revenu universel.
Le projet que nous portons dans le cadre de la solidarité à la source comporte un panier de prestations au départ plus restreint que celui proposé dans l'étude de M. Lenglart, et concerne le RSA, la prime d'activité et les bourses étudiantes. Nous nous interrogeons sur l'opportunité d'y connecter d'autres prestations. Ces trois prestations représentent 90 % des bénéficiaires et la très grande majorité des crédits consacrés à ces prestations sociales.
Les différentes expérimentations relatives au RSA sont toutes interconnectées. Elles ont pour objectif d'insérer les bénéficiaires du RSA dans l'emploi, dans une dynamique de société du plein emploi. Les départements concernés disposant de moyens supplémentaires pour accompagner les bénéficiaires du RSA, les territoires choisis pour les différentes expérimentations, notamment le RSA sous conditions d'activité, étant par définition tournés vers l'accompagnement des bénéficiaires. Il existe une très bonne articulation entre mon ministère et celui d'Olivier Dussopt, même si le ministère des solidarités a plutôt pour vocation de s'occuper des personnes très éloignées du système.
Nous travaillons sur le versement du RSA en fonction d'un certain nombre d'heures d'activité, dans une dynamique de renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires. La moitié des bénéficiaires du RSA perçoivent cette aide depuis plus de cinq ans. Quelque chose ne fonctionne donc pas dans notre système. 20 % d'entre eux ne bénéficient d'aucun accompagnement. Nous avons un gros travail à réaliser dans ce domaine.
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - L'accent sera-t-il mis sur la durabilité en matière d'insertion par l'emploi et l'activité économique ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Il existe des crédits pour renforcer l'insertion par l'activité économique et l'insertion dans l'emploi des personnes qui en sont très éloignées. Je parlais tout à l'heure de remobilisation. Je pensais à des dispositifs comme « Convergence » ou « Premières heures », qui visent à faire la transition entre l'inactivité de personnes très éloignées du système, en particulier les sans-abri, pour les diriger vers des dispositifs d'insertion par l'activité économique et des formations.
Enfin, nous n'avons pas retrouvé le niveau d'avant-crise concernant les entrées de mineurs non accompagnés. L'aide forfaitaire de l'État s'élève à 500 euros par évaluation de la minorité, auxquels s'ajoute une aide de 90 euros par jeune et par nuit pour la mise à l'abri durant quatorze jours. Elle tombe ensuite à 20 euros les neuf jours suivants, soit 23 jours au total, afin d'inciter les départements à protéger et à accompagner les mineurs.
Au 31 décembre 2021 le nombre de MNA confiés aux départements s'élevait à 19 893 contre 31 009 au 31 décembre 2019, soit quasiment 30 % de moins. On ne prévoit pas une augmentation très rapide. Il faut savoir en outre qu'il existe quasiment un an de décalage entre les flux de personnes que les départements accueillent et le remboursement par l'État.
Je considère que le chiffre qui vous est présenté est sincère au regard des données qui sont les nôtres. En tout état de cause, le dispositif ne change pas. Il s'agit d'une projection de flux.
Mme Michelle Meunier. - Monsieur le ministre, je voudrais en premier lieu vous faire part de ma colère concernant le drame, à la fin de l'année dernière, du bébé retrouvé décédé au Mans, à la suite de graves défaillances du département de Loire-Atlantique et du département de la Sarthe. Ce bébé bénéficiait de mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) mal exécutées ou non exécutées. Il était passé plusieurs fois par les services d'urgences pédiatriques pour des fractures multiples du col du fémur.
Je sais que vous avez diligenté une inspection de l'IGAS et de la justice. Quel gâchis ! Trois grandes lois balisent le secteur de la protection de l'enfance : la loi de 2007, la loi de 2016 et la loi de 2022. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir voté des mesures d'organisation, de vigilance, de structuration de la prise en charge dans les départements !
Je ne porte pas de jugement sur les professionnels, qui font ce qu'ils peuvent, aussi bien dans le secteur de l'aide sociale à l'enfance (ASE) que dans celui de la justice, mais il est inacceptable qu'un bébé meure encore aujourd'hui sous les coups de ses parents !
Ma question concerne les départements et la protection de l'enfance. On lit que 70 millions d'euros seront versés chaque année aux départements en faveur de l'accompagnement financier de l'obligation de prise en charge à 21 ans, qu'on a votée il y a peu de temps, ainsi que pour la prise en charge par l'État, à hauteur de 30 %, du coût de la revalorisation des personnels soignants exerçant dans les structures sociales et médico-sociales des départements.
J'ai posé la question la semaine dernière en défendant un amendement dans le cadre du PLFSS : peut-on penser que, dans ces 70 millions, figureront bien 20 millions d'euros environ pour compenser la revalorisation des médecins territoriaux, dont les médecins de la protection maternelle et infantile (PMI), sachant que la prise en charge des jeunes majeurs est évaluée à environ 50 millions d'euros ? Pouvez-vous être plus précis sur ce sujet ?
M. Laurent Burgoa. - Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur la tarification à un euro du repas des cantines, ce qui est une excellente chose, puisque c'est parfois malheureusement le seul repas complet et équilibré que prennent certains jeunes. Vous savez qu'étant donné la flambée des prix, il existe actuellement un surcoût pour les communes, tant en régie qu'en délégation de service public (DSP). L'État envisage-t-il de prendre à sa charge, complètement ou partiellement, le surcoût du prix du repas ?
S'agissant des MNA, nous avions, avec plusieurs collègues, rédigé un rapport sur le sujet. Grâce à l'amabilité du rapporteur, Bernard Bonne, certaines propositions ont été reprises dans la loi sur la protection de l'enfance. Tous les départements devaient mettre en application le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) : appliquent-ils désormais la loi Taquet ?
Mme Monique Lubin. - Monsieur le ministre, vous connaissez le concept des résidences de répit partagé, qui proposent un accueil simultané à des personnes handicapées ou âgées et à leurs aidants, dans le cadre d'une formule hybride qui couple, sur un même site, un accompagnement médico-social spécialisé pour la personne aidée et un accueil hôtelier tourisme pour l'aidant.
Un certain nombre de projets voient le jour en France. Je suis sénatrice des Landes. Je sais que le président de mon département vous en a parlé lorsque vous êtes venu visiter le village Alzheimer. Seriez-vous prêt, dans le cadre de ce budget, à abonder une ligne pour que les départements puissent lancer ce type de projet ?
Mme Mélanie Vogel. - Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur le fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires ? Quel sera son mécanisme ? À qui sera-t-il réservé et quels seront les mécanismes de certification ou décisions destinés aux produits qui seront concernés par ce fonds ? L'objectif, si j'ai bien compris, est d'améliorer l'accès à une alimentation saine pour toutes et tous, ce qui aura un effet positif sur le climat, les inégalités sociales et la santé, donc sur les comptes de la Sécurité sociale.
Ma deuxième question concerne l'égalité professionnelle. Existe-t-il une réflexion au sein du Gouvernement sur l'index d'égalité professionnelle qui, aujourd'hui, a le défaut de considérer les inégalités entre les femmes et les hommes uniquement au sein de chaque entreprise, alors que cette inégalité se rencontre plutôt entre secteurs à prédominance féminine et à prédominance masculine ? On a vu pendant le Covid que les secteurs à prédominance féminine sont majoritairement les secteurs du soin, qui sont globalement sous-valorisés. Les femmes travaillant dans ces domaines sont sous-payées par rapport aux salariés des secteurs à prédominance masculine. Le Gouvernement mène-t-il une réflexion pour améliorer la comparaison entre les secteurs et mettre en place des mécanismes de correction pour les secteurs sous-valorisés ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Monsieur le ministre, je vous encourage à mener votre politique de lutte contre la pauvreté ainsi que le programme relatif aux 1 000 jours de l'enfant dans la durée. J'ai beaucoup apprécié ces deux lancements successifs, qui ne peuvent en effet se mesurer que sur le long terme.
Je rejoins ma collègue Mélanie Vogel à propos de la question de l'aide alimentaire. Je fais partie du réseau des banques alimentaires. J'ai récemment participé à l'assemblée générale d'une petite épicerie sociale, et je sais que les problématiques qui sont remontées à cette occasion sont les mêmes que dans tous les endroits où l'on fait de la distribution alimentaire.
Comment ces épiceries sociales peuvent-elles aujourd'hui obtenir des produits de première nécessité ? Autrefois, la banque alimentaire départementale fournissait le lait, les yaourts, la viande, le poisson. Aujourd'hui, chaque épicerie achète avec ses petits moyens, mais elles ont du mal à fournir des repas équilibrés.
L'idée d'un chèque alimentaire lancée lors du précédent mandat n'a finalement plus lieu d'être aujourd'hui, mais j'ai toujours pensé que l'aide aurait été plus bénéfique si elle avait été versée aux épiceries sociales ou aux associations, qui auraient pu se mettre en lien avec des producteurs locaux. Même les épiceries solidaires sont actuellement obligées de se tourner vers les discounters pour trouver des produits qui ne sont pas toujours d'une qualité exemplaire. Je ne devrais pas le dire, mais c'est pourtant le cas ! On a baissé en qualité faute de moyens. Des chèques aux associations locales auraient donc été plus judicieux, car les épiceries solidaires accompagnement aussi les bénéficiaires dans le choix des produits et la confection des repas. Cela a donc bien plus de sens d'aller vers une telle aide plutôt que vers une aide individuelle, apparemment difficile à mettre en place.
Un deuxième point m'est remonté durant cette assemblée générale. Il s'agit du problème des volontaires qui aident à la distribution et au ravitaillement. Avec la crise du Covid, beaucoup de bénévoles ont cessé leur activité. Je pense qu'une campagne nationale est nécessaire, sous peine de se retrouver devant les plus grandes difficultés. Qui fera ce que ne feront plus les associations ? C'est un véritable appel au secours que je lance.
M. Bernard Bonne. - Monsieur le ministre, un point en particulier avait préoccupé la mission d'information sur le contrôle des EHPAD, c'est la question des 120 personnes supplémentaires dans les ARS. Cela représente un peu plus d'une personne par département. Or, s'il existe 7 500 établissements pour les personnes âgées, il y en a aussi beaucoup dans le reste du secteur médico-social. Nous avions privilégié un contrôle des groupes privés lucratifs qui n'ont pas été contrôlés - ou insuffisamment, car on a mis à jour beaucoup de problèmes. Nous pensons que contrôler 7 500 établissements est peut-être excessif, dans la mesure où on n'aurait pu traiter que les informations préoccupantes et les signes de maltraitance. Cela pouvait suffire dans un premier temps.
Nous avons reçu les syndicats des inspecteurs, des médecins et des pharmaciens qui nous ont dit qu'on assistait depuis plusieurs années à une diminution des moyens des inspections, et qu'on faisait surtout face à une demande du Gouvernement de ne pas privilégier ce type de contrôle. Qu'en est-il aujourd'hui ? Ces 120 personnes seront-elles exclusivement affectées à des contrôles ou, comme beaucoup d'autres, affectées à plusieurs missions ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Madame Meunier, vous m'avez posé des questions sur la compensation de la revalorisation salariale des personnels de la PMI. Les crédits sont bien inscrits et s'élèvent à 20 millions d'euros. Nous les avons d'ailleurs « sanctuarisés », dans le cadre des conclusions des premières réunions du comité des financeurs, avec les départements.
Je ne reviens pas sur la réponse que je vous avais faite. Certains départements ont choisi un mode de compensation différent des 183 euros que vous aviez proposés, souvent avec un régime indemnitaire supérieur à 183 euros. C'est pour cela que je ne m'étais pas positionné en faveur de votre amendement.
S'agissant de la question de la compensation des repas à un euro pour les collectivités, le dispositif s'applique aux communes de moins de 10 000 habitants, qui ont encore moins les moyens que les autres de pouvoir appliquer cette tarification sociale et sont les plus fortement impactées par l'inflation. On n'a pas prévu de crédit pour compenser l'inflation de ce point de vue. Il existe d'autres mesures pour accompagner les collectivités en difficulté, notamment en matière d'approvisionnement en énergie, avec l'extension du bouclier tarifaire pour les plus petites d'entre elles et le filet de sécurité, qui a été doté de plusieurs centaines de millions d'euros.
S'agissant des mineurs non accompagnés, je vous confirme qu'il existe bien un dispositif visant, en application de la loi du 7 février 2022, à ne pas verser tout ou partie de la compensation décrite pour les départements dans le cadre de l'évaluation de la minorité, de l'isolement et de la mise à l'abri de ces mineurs. On passe de 500 à 100 euros, cette somme correspondant à l'évaluation de l'état de santé. Quinze départements ne répondent pas encore à leurs obligations. Nous essayons d'être le plus incitatif possible.
Ce forfait de 100 euros n'est pas encore tout à fait en place. Le décret et l'arrêté fixant les nouvelles conditions ont reçu un avis favorable du Conseil d'État. Ces nouvelles conditions vont être examinées par le prochain bureau du Conseil national de la protection de l'enfance, le 17 novembre prochain. La mise en oeuvre se fera dans la foulée afin d'obliger les départements concernés à avoir recours au fichier.
S'agissant des maisons de répit partagé, des expérimentations issues de la loi d'adaptation de la société au vieillissement sont menées. Plusieurs opérateurs se chargent aujourd'hui de ces expérimentations, qui ont du mal à sortir. La Croix-Rouge était bénéficiaire de l'une d'entre elles en Bourgogne. Ce sont des projets extrêmement lourds, sur lesquels on a peu de recul. Les opérateurs ne sont pas forcément habitués aux activités à caractère hôtelier. Il y a, dans le PLFSS, des crédits qui peuvent bénéficier aux porteurs de projets de cette nature. Je suis favorable à la construction de dispositifs de cette nature en faveur des familles et des personnes accompagnées. Cela aurait pu d'ailleurs amener une dimension intéressante au village landais, mais j'ai cru comprendre que le projet de l'établissement pouvait évoluer dans cette direction.
Madame Vogel, s'agissant de la question de l'égalité professionnelle, des réflexions sont menées pour améliorer l'index et la comparaison entre les entreprises et les secteurs. Mon périmètre ministériel est fortement concerné par la très forte féminisation des métiers du lien, du soin et de l'accompagnement. Isabelle Rome cherche à améliorer les choses. Je trouve quoi qu'il en soit intéressante l'idée d'élargir le périmètre sur lequel mesurer et mettre en oeuvre cet index.
Pour ce qui est de la question du fonds d'aide alimentaire, l'idée est bien, à ce stade, de soutenir les grands réseaux nationaux - Banque alimentaire, Restos du Coeur, Secours populaire et Croix-Rouge - pour les aider à acheter plus de produits diversifiés, notamment des produits frais. Tous ces grands réseaux sont aujourd'hui « victimes » de la mise en oeuvre de la loi EGalim et bénéficient beaucoup moins de la ramasse de produits frais ou des invendus de la grande distribution. L'idée est donc de diversifier les approvisionnements au niveau national, de réserver une grande partie de ces crédits au niveau local et de favoriser des alliances locales, comme celle des banques alimentaires de la Marne, pour pouvoir créer entre les centres communaux d'action sociale (CCAS), les associations de solidarité, les producteurs locaux, l'industrie ou parfois la grande distribution des alliances permettant d'avoir recours à des produits de meilleure qualité, diversifiés et en circuit court, pour répondre ainsi à l'ensemble des objectifs en termes de santé, de protection de l'environnement et de lutte contre les inégalités.
La ventilation de ces crédits n'a pas encore été décidée. Nous allons travailler avec les collectivités et les acteurs de la solidarité. Nous ne perdons pas de vue la question du chèque alimentaire même si, pour moi, la priorité, à travers ce fonds, était de répondre à ce qui était ressorti de la Convention citoyenne sur le climat en favorisant les alliances locales afin de disposer de produits en circuit court et de meilleure qualité.
Le chèque alimentaire existe déjà. On peut le développer le cas échéant, si des CCAS ou d'autres structures locales souhaitent en bénéficier davantage. Ces acteurs utilisent déjà des chèques d'accompagnement personnalisés ou autres. Beaucoup ont été développés pendant la crise sanitaire. L'idée n'est toutefois pas de l'étendre.
Enfin, pour répondre à Bernard Bonne au sujet du contrôle, les 120 ETP sont bien uniquement dédiés aux inspections de contrôle. Je rappelle que dans les ARS, 500 personnes sur 2 700 sont mobilisées sur des missions d'inspection et de contrôle. L'idée n'est pas d'avoir le même niveau de contrôle pour tous les établissements. La « granularité » s'opère en fonction des faisceaux d'indices et au fur et à mesure de ce qu'ils trouvent dans chaque établissement. On l'a introduite cette année. À partir du 1er janvier 2023, on pourra étendre les contrôles à l'ensemble des sièges et des groupes commerciaux, privés ou autres, notamment non lucratifs, peu contrôlés jusqu'alors.
Mme Annie Le Houerou. - Ma première question porte sur la lutte contre la prostitution et sur le montant de l'aide financière à l'insertion sociale (AFIS), qui me paraît déraisonnablement bas et ne permet pas, par exemple, de se loger. Je regrette qu'on ne retrouve rien dans le PLF à ce sujet.
Ma deuxième question porte sur la protection juridique des majeurs. Vous avez dit que 900 000 personnes étaient concernées et que 2 millions de personnes le seraient à terme. L'interfédération de la protection juridique des majeurs évalue le besoin en personnel à 2 000 professionnels. Le budget, cette année, en prévoit 200. Cela me paraît marginal par rapport aux besoins. L'interfédération nous signale par ailleurs qu'un certain nombre de personnels, notamment les moins bien payés, sont exclus du Ségur, ce qui crée dans les équipes de très grosses difficultés.
Par ailleurs, ne faudrait-il pas prévoir un pilotage national interministériel ? Certaines mesures relèvent du ministère de la justice et d'autres de votre responsabilité. Compte tenu de l'importance de ces métiers pour la cohésion sociale, il ne serait pas aberrant de pouvoir compter sur un délégué interministériel pour prendre en charge et coordonner l'ensemble des actions.
Ma dernière question concerne l'hébergement d'urgence. De plus en plus de personnes à la rue, de femmes et d'enfants sont accueillis pour des durées de plus en plus longues, avec de plus en plus de nuitées d'hôtel, qui coûtent très cher et ne constituent pas des conditions acceptables. Ne serait-il pas plus opportun de financer des associations qui recourent à des hébergements accompagnés ?
M. Philippe Mouiller. - Monsieur le ministre, s'agissant de la déconjugalisation de l'AAH, je rappelle que, juridiquement, il est possible d'anticiper sa prise d'effet avant octobre 2023. Les crédits alloués intègrent-ils cette potentielle anticipation ? Dans le cas contraire, cela signifie que vous avez définitivement acté son entrée en vigueur au 1er octobre 2023.
Par ailleurs, les moyens alloués aux structures d'insertion, en dehors des expérimentations, demeurent au même niveau. Si l'on tient compte de l'inflation, on peut même considérer qu'il s'agit d'un recul. Où est la cohérence, alors qu'on met plus de moyens pour accompagner les titulaires du RSA et qu'on maintient au même niveau le budget des structures d'insertion, en dehors des expérimentations ?
Enfin, concernant le revenu universel d'activité (RUA), pouvons-nous conclure de vos propos que vous clôturez définitivement ce sujet ?
Mme Victoire Jasmin. - Monsieur le ministre, il existe un vrai sujet concernant les accueils téléphoniques et physiques dans certains services des caisses d'allocations familiales (CAF). Depuis la pandémie, le télétravail s'est imposé dans bien des domaines. Or, s'il existe un domaine où le télétravail n'est pas pertinent, c'est bien dans le secteur des CAF, des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), de la sécurité sociale et dans les services départementaux de façon générale. Certaines personnes sont touchées par l'illectronisme et ne peuvent avoir de réponse au téléphone. En outre, les personnes qui ne maîtrisent pas l'outil informatique ont parfois recours à des associations qui ne sont pas forcément habilitées à gérer leurs données personnelles. Certaines personnes qui ne font pas partie de la famille détiennent aujourd'hui des coordonnées bancaires, alors qu'elles ne le devraient pas.
C'est un vrai problème. Il faudrait aménager les postes de travail, mais aussi demander une présence physique pour accompagner les personnes. Je ne remets pas en cause le télétravail, mais ces situations doivent être prises en compte.
Mme Laurence Cohen. - Monsieur le ministre, le Secours catholique explique que, pour les personnes en situation de précarité, la priorité est l'éducation, l'alimentation venant en dernier, d'où l'importance du travail d'information et d'éducation qu'il faut mener.
Ma deuxième remarque concerne la baisse de 23 % des crédits de l'action de stratégie et de prévention de lutte contre la pauvreté des jeunes et des enfants. J'ai compris que cette baisse était due au fait que l'année 2023 allait être consacrée à une évaluation. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus, compte tenu des chiffres, qui sont extrêmement alarmants. L'Insee indique que, dans notre pays, près de 3 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Quelles conséquences peut avoir cette année de transition, et quelles actions avez-vous mises en place en parallèle ?
En ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes, la Fédération nationale solidarité femmes s'étant mobilisée, 2,9 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à la gestion du numéro d'urgence 3919. L'égalité entre les femmes et les hommes a beau être grande cause nationale, il est inquiétant de constater qu'il a fallu faire pression pour obtenir un budget supplémentaire.
Enfin, je me réjouis de la déconjugalisation de l'AAH, qui va effectivement dans le sens de la mobilisation de nombre d'entre nous, notamment au niveau de mon groupe.
Mme Annick Jacquemet. - Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre propos liminaire que l'accompagnement était destiné à amener les titulaires du RSA vers l'emploi. C'est un souhait que nous partageons tous.
J'ai été surprise, en prenant mes fonctions de première vice-présidente du conseil départemental du Doubs en charge des solidarités, de voir le faible pourcentage de contrats d'engagement réciproque (CER) qui ont été signés. Quel est votre avis à ce sujet ? Il me semble important que les bénéficiaires du RSA s'engagent dans un parcours, que ce soit lors de l'accompagnement social ou pour ceux qui sont capables de retrouver un emploi.
Avez-vous les chiffres au niveau national du pourcentage de ces CER ? On sent un frein aussi bien du côté des bénéficiaires que du côté des travailleurs sociaux. Ne faudrait-il pas, au moment de la formation des travailleurs sociaux, insister davantage sur l'importance de ces contrats ?
Mme Pascale Gruny. - Monsieur le ministre, mon département est parmi les dix plus pauvres de France et le premier en matière d'illettrisme et d'illectronisme. Nous comptons énormément de bénéficiaires du RSA et de personnes très éloignées de l'emploi. Nous aurions voulu faire partie de l'expérimentation de recentralisation du RSA, mais ce n'est pas possible compte tenu des sommes que l'on doit donner à l'État au titre de la compensation.
Je fais donc appel à votre bienveillance, car chaque nouvelle mesure est souvent accompagnée d'un cofinancement. Toutefois, quand on n'a pas les moyens d'assurer correctement le budget, on passe bien souvent à côté d'opérations qui peuvent éventuellement aider les personnes à sortir de la précarité. Je rappelle que les départements ont la charge de la solidarité. Or le président du conseil départemental de l'Aisne réclame toujours la péréquation. Pouvez-vous vous en faire l'écho auprès de vos collègues, sans quoi nous n'avancerons pas ?
Une de mes collègues s'interroge par ailleurs sur l'index d'égalité entre les hommes et les femmes. L'Inspection générale des affaires sociales l'a présenté comme une usine à gaz. Ne peut-on simplifier cet indice pour les entreprises ?
M. Xavier Iacovelli. - Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les grands réseaux nationaux figurent parmi les nombreux acteurs pouvant bénéficier de l'augmentation des crédits en matière d'aide alimentaire. Or les CCAS sont aussi des acteurs locaux qui permettent la redistribution et le soutien aux plus précaires d'entre nous. 50 % des bénéficiaires perçoivent l'aide alimentaire depuis moins de deux ans. Le lien avec les CCAS et les collectivités est donc à mon sens important. Comment ces crédits vont-ils être fléchés ? Pouvez-vous les détailler ?
Mme Jocelyne Guidez. - Monsieur le ministre, lors de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à créer des fonds territoriaux d'accessibilité afin de rendre la France accessible. Or cet engagement de campagne ne figure pas dans le présent projet de loi de finances. Ce sujet n'a même pas été abordé lors du comité interministériel du handicap du 6 octobre 2022. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Enfin, le logement est un frein pour les personnes en perte d'autonomie. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait accorder des moyens supplémentaires à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour mettre en oeuvre une politique d'adaptation des logements via le dispositif « Habiter facile » ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - J'ai bien noté vos commentaires sur la question de la lutte contre la prostitution. Cette lutte bénéficie d'un certain nombre de crédits, avec 200 000 euros en faveur de l'AFIS.
Les crédits du programme 137 s'appuient par ailleurs sur le fonds de concours de l'Agence de gestion de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dont on ne connaît malheureusement le montant qu'en cours d'exercice. Un certain nombre de crédits sont affectés à la lutte contre la prostitution des mineurs, qui concerne entre 7 000 et 10 000 enfants dans notre pays. Le plan interministériel a été publié le 15 novembre dernier. En 2022, il comporte treize actions pour environ 14 millions d'euros.
S'agissant de la protection juridique des majeurs, on enregistre une augmentation exceptionnelle de 9 % des crédits. L'Inter-fédération demande 200 000 postes. Nous en avons inscrit 200 dans le dans le budget. C'est un début. Ces crédits sont aussi consacrés à la revalorisation des salaires. Nous allons affiner les choses avec eux.
Je connais bien la question des personnels exclus du Ségur. Aujourd'hui, mon souhait est d'aborder la question de façon plus large et transversale, afin de pouvoir engager de vraies négociations salariales au niveau des branches, des entreprises ou des opérateurs et que tout le monde puisse être concerné par ces revalorisations, qui ne traitent plus que des iniquités dues à la mise en oeuvre du Ségur et des questions de baisse de pouvoir d'achat liées à l'inflation. On sait que toutes les organisations sont confrontées à cette question des salaires.
S'agissant de l'hébergement d'urgence, on ne peut se satisfaire des nuitées hôtelières. Je rappelle que nous avons maintenu les crédits en 2023 pour l'hébergement d'urgence. 200 000 places ont été conservées cette année. Notre objectif, dans la dynamique du plan « Logement d'abord », est de trouver des solutions plus qualitatives que les nuitées hôtelières ou même l'hébergement d'urgence en général. On ne peut se satisfaire de cette situation.
Monsieur Mouiller, je vous confirme que les hypothèses budgétaires que nous avons faites concernant l'AAH ne retarderont pas le projet de déconjugalisation. Si on arrive, comme je l'espère, à mettre en oeuvre cette mesure plus tôt que prévu, nous aménagerons le budget en conséquence et abonderons les crédits nécessaires. Je rappelle que 560 millions d'euros seront consacrés à la déconjugalisation de l'AAH en 2023.
Le RUA ne figure pas dans ma feuille de route. Le Gouvernement a choisi une autre option que le revenu universel d'activité. C'est pour cela que nous n'avons pas repris les recommandations de M. Lenglart, qui avait travaillé sur cette question. La priorité est le projet de solidarité à la source. Un système de prestations sociales qui compense certaines situations est plus sain. Cela permet de savoir à quoi servent ces prestations et quelles fragilités celles-ci viennent compenser.
Nous sommes dans une année de transition. Tous ces crédits vont être refondus dans le cadre de France Travail. Avec Olivier Dussopt, nous nous sommes battus pour que les crédits soient sanctuarisés pour 2023. On aura donc normalement le même accompagnement et les mêmes prestations qu'en 2022.
S'agissant de la digitalisation et de la modernisation des CAF et des MDPH, nous sommes tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut aller vers un renforcement de l'accompagnement humain, qui est extrêmement important. L'objectif des maisons France services est de pouvoir avoir des points sur l'ensemble du territoire permettant un accès et un accompagnement des personnes très éloignées des services publics, notamment en matière d'inclusion numérique. J'ai vu que des ateliers étaient organisés par Emmaüs Connect, avec l'aide de collectivités rurales à ce sujet.
Mon objectif, au travers de la modernisation du système de prestations sociales, est de sanctuariser voire d'augmenter les moyens humains, tout en renforçant l'efficience de ce travail. Il convient de faire en sorte que la digitalisation et l'automatisation d'un certain nombre de process en matière de versement ou de calcul des prestations sociales permettent de consacrer du temps à l'accompagnement humain à travers tout le territoire.
C'est ce que demandent de fait les agents de la CAF, qui ne sont guère heureux de consacrer leur temps à des tâches administratives et informatiques. Ce n'est pas pour cela qu'ils se sont engagés dans ces métiers.
Madame la sénatrice Cohen, s'agissant de l'alimentation, la démarche du Secours catholique est très intéressante en ce qu'elle donne la parole aux personnes directement concernées. Je pense qu'en termes de dignité et de pertinence, leurs propositions sont très intéressantes. Le Conseil national de la lutte contre les exclusions a aussi permis à des personnes accompagnées de prendre la parole et de maîtriser davantage l'élaboration et les propositions des politiques publiques qui les concernent directement.
J'ai aussi été frappé par le témoignage de cette dame qui expliquait que son but était que ses enfants vivent une meilleure vie que la sienne et qui investissait tout ce qu'elle pouvait dans leur éducation, les postes consacrés à l'alimentation étant ceux sur lesquels elle rognait le plus. C'est pourquoi notre investissement en la matière est important.
Le bénévolat est également un vrai sujet, porté notamment par Marlène Schiappa, qui travaille sur la reconnaissance de l'engagement bénévole. Cela fait partie des moteurs de cet engagement, avec la valorisation des acquis de l'expérience, notamment pour les jeunes. C'est un sujet dont je traite aussi beaucoup dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) « Bien vieillir ». La mise en avant de la société du bien vieillir est aussi une formidable opportunité de valoriser l'engagement des seniors. La moitié de nos bénévoles ont aujourd'hui plus de 60 ans. Il est important de les accompagner, car ils sont précieux pour notre cohésion sociale et pour l'exercice de missions d'intérêt général.
La semaine prochaine et la suivante, les Restos du Coeur lancent leur campagne annuelle. Les banques alimentaires sont à la recherche de bénévoles pour les aider dans le cadre de la collecte annuelle dans les supermarchés.
S'agissant des prestations sociales, je rappelle que nous avons augmenté cet été l'ensemble des prestations de 4 %. La plupart avaient déjà connu une première augmentation en début d'année, car elles bénéficient d'une indexation automatique sur l'inflation. Nous avons donc déjà fait un effort extrêmement important de revalorisation.
Nous avons concentré un certain nombre de mesures, notamment dans le cadre du PLFSS, sur les familles monoparentales, qui sont les plus fragiles. Je rappelle que 30 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. La réforme du complément de mode de garde, l'extension aux enfants de 6 à 12 ans, la revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial sont autant de mesures qui vont permettent d'aider ces familles et de faire reculer la pauvreté. J'ai par ailleurs bien noté vos autres remarques.
Madame Jacquemet, je ne connais pas le chiffre du contrat d'engagement réciproque, mais on peut considérer que nous n'allons aujourd'hui pas suffisamment loin. C'est pour cela que nous voulons réformer l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. On se rend compte qu'un certain nombre d'entre eux, soit du fait de la culture qui est installée chez nos travailleurs sociaux, soit parce qu'on ne les incite pas suffisamment, ne s'engagent pas réellement dans le parcours d'insertion. C'est tout l'objectif des expérimentations que nous conduisons, d'où l'obligation d'activité et le renforcement des moyens en matière d'accompagnement à l'insertion. C'est toute la logique de France Travail dans laquelle nous sommes engagés.
J'ai bien noté vos questions sur les moyens des départements et la notion de péréquation dont est en charge mon collègue Christophe Béchu.
Malgré le cofinancement à 50-50 demandé aux départements et aux métropoles en matière de stratégie de lutte contre la pauvreté, l'ensemble des départements a aujourd'hui contractualisé. Nous allons rediscuter avec les départements. Je suis dans une dynamique de coconstruction avec les collectivités. Nous avons abandonné la contractualisation régionale, qui n'était pas forcément un échelon très pertinent en matière de lutte contre la pauvreté. En revanche, le département et la métropole sont des échelons extrêmement appropriés.
J'ai répondu à Mme Vogel concernant l'index de l'égalité entre les femmes et les hommes. Une réflexion est engagée sur l'élargissement de cet indice.
Monsieur Iacovelli, j'ai partiellement répondu tout à l'heure à la question du fléchage des crédits du fonds d'aide alimentaire durable annoncé par la Première ministre, avec une ventilation entre le soutien aux acteurs nationaux pour l'achat de denrées alimentaires, notamment de produits frais plus variés et de qualité. Une grande partie de ces crédits est concentrée sur les acteurs locaux et favorise des alliances locales entre CCAS, centres intercommunaux d'action sociale (CIAS), associations, producteurs, distributeurs, etc. Il s'agit de favoriser les circuits courts, l'alimentation saine et durable, et de protéger aussi l'environnement.
Rien n'a été décidé en matière de ventilation. Nous allons le faire en concertation avec les représentants des collectivités, l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), les départements et les associations de solidarité. Je crois profondément dans l'intérêt de favoriser ce niveau local.
Mme Guidez, l'accessibilité a bien fait l'objet d'annonces spécifiques. Un délégué interministériel va être nommé pour piloter ces questions. On a vu que la loi ne suffit pas. On arrive au bout des premiers agendas, et il reste beaucoup de chemin à parcourir. Nous allons planifier beaucoup les choses de manière plus cadrée. La Première ministre a rappelé tout son engagement et celui de l'ensemble du Gouvernement en matière d'accessibilité universelle. Chacun des ministres a pris des engagements sur cette question. Ils seront réitérés dans le cadre de la conférence nationale du handicap, au premier trimestre 2023.
Je suis d'accord avec vous à propos de la question du logement. Je pense qu'il faut qu'on investisse beaucoup plus dans ce domaine. C'est d'ailleurs un sujet qui n'était pas dans le CNR initialement. À l'issue de la première réunion autour du Président de la République, le 8 septembre, la question du logement est ressortie comme un point majeur, comme celle de la lutte contre les inégalités. Nous avons vraiment besoin d'un plan Marshall.
Il existe en outre derrière tout cela un enjeu de transition écologique. Il nous faut donc accompagner la transformation des logements de façon plus importante. Il existe aussi une question d'adaptation du logement liée au vieillissement et à la perte d'autonomie. Il nous faut là aussi accélérer les choses. J'espère que les conclusions du CNR nous donneront la dynamique nécessaire pour y parvenir.
- Présidence de M. Philippe Mouiller, vice-président -
M. René-Paul Savary. - La reprise par l'État du RSA serait logique. Pourquoi cela ne se fait-il pas ? Rien n'a vraiment évolué par rapport aux discussions qu'on a pu avoir antérieurement, qui n'ont pas abouti parce qu'on n'était pas d'accord sur la date de reprise par rapport au nombre de bénéficiaires de RSA.
Dans mon département, lors de la mise en place de la loi par Martin Hirsch, le RSA représentait 42 millions d'euros de recettes transférées. Il coûte maintenant 94 millions d'euros. Si on demande que l'État reprenne le RSA, celui-ci calcule la différence entre 94 et 42. Cela signifie que le département est appauvri à vie, à un moment où le nombre de bénéficiaires du RSA est encore très élevé. C'est pourquoi les départements ne s'engagent pas dans cette voie. Il faudrait trouver une hypothèse de reprise compréhensible pour les départements. On ne peut les pénaliser ainsi ! Il est possible de les associer au retour à l'activité, mais pas dans les conditions actuelles. C'est à mon avis inacceptable.
Les départements savent traiter de l'insertion. Or leur budget étant complètement asséché par la rémunération des bénéficiaires, ils n'ont plus de crédits d'insertion. On tourne donc en rond. On ne rend pas service aux gens, et il faut vraiment trouver une solution.
Par ailleurs, je pense qu'il faut, par rapport à l'activité, introduire des modifications législatives. Un certain nombre de départements ont essayé de conditionner l'attribution du RSA à des activités. On s'est vite heurté au fait que le dispositif n'était pas entièrement bordé sur le plan législatif.
Le point mérite d'être creusé. Ce ne sont pas forcément des modifications importantes, mais elles permettraient que le RSA reprenne son titre. C'est un revenu de solidarité active : cela nécessite une activité ! Cela justifie la reprise sur le plan national et l'avancée par rapport à une contrepartie en termes d'activité.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Les expérimentations de recentralisation sont relativement récentes. M. Sol citait son département : la recentralisation remonte à 2022. Il nous faut avoir un peu de recul, mais les premières projections montrent que c'est plutôt favorable pour les départements.
Toutefois, il ne faudra pas mettre les départements en difficulté et rendre le dispositif plus incitatif, car il est loin de faire l'unanimité, pas seulement pour des questions financières, mais aussi des questions plus politiques. J'ai rencontré des avis très tranchés et très différents. Il faut donc faire très attention.
Vous avez raison concernant la question du conditionnement du versement du RSA à l'activité. À droit constant, ce n'est pas possible. Il y a donc a minima des mesures législatives voire constitutionnelles à prendre.
C'est pourquoi nous sommes prudents dans l'approche et le langage, vous l'aurez compris.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 00.