COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mercredi 16 février 2022
- Présidence de M. Roland Lescure, député -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 16 février 2022.
Elle a procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Roland Lescure, député, président ;
- Mme Sophie Primas, sénateur, vice-présidente.
Elle a également désigné :
- M. Frédéric Descrozaille, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;
- M. Laurent Duplomb, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire a procédé à l'examen des dispositions de la proposition de loi restant en discussion.
M. Roland Lescure, député, président. - Le projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, selon le titre retenu par le Sénat, a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 janvier, puis par le Sénat, avec quelques modifications, le 8 février.
Dix-sept articles restent en discussion, dont six articles additionnels introduits par le Sénat. Six articles ont fait l'objet d'une adoption conforme : les articles 1er, 4, 6, 9, 10 et 11 ne peuvent donc plus être discutés. Ce projet de loi est très attendu. Les deux rapporteurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour converger vers un accord.
Mme Sophie Primas, sénateur, vice-présidente. - Le projet de loi dont traite cette dernière CMP du quinquennat réunissant nos deux commissions des affaires économiques est en effet très attendu par le monde agricole. Nous avons tous beaucoup travaillé, notamment les rapporteurs, pour trouver un accord. Nos positions politiques sur la réforme sont globalement alignées sur le squelette fourni par le texte. Il restait à mettre un peu de chair autour : c'est ce que la commission mixte paritaire s'apprête à faire. Nous avons donc réussi à lever les derniers obstacles. Les discussions entre les rapporteurs ont été nombreuses et je les remercie de les avoir conduites jusque dans les dernières minutes.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous avons effectivement beaucoup travaillé pour aboutir à cette CMP qui s'annonce conclusive, dans un contexte qui aurait pu se prêter à des comportements mesquins ou douteux. Cela n'a pas été le cas et j'en remercie le rapporteur pour le Sénat, M. Laurent Duplomb, et, en son nom et au mien, les sénatrices et les sénateurs qui se sont emparés de ce projet de loi et se le sont approprié. Ce fut pour moi une expérience très enrichissante, exigeante, de celles qui font grandir.
La qualité du travail fourni nous permet de vous proposer des points de convergence, qui matérialisent une belle complémentarité entre nos deux chambres. Elle fait honneur à nos mandats.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Je voudrais remercier à mon tour M. Frédéric Descrozaille. Le sujet du projet de loi est capital pour le monde agricole. Il n'est pas simple pour un agriculteur de voir disparaître la totalité de sa récolte dans un aléa climatique, et encore moins, l'année d'après, de voir sa récolte soumise au même risque.
Il était donc important que nous essayons d'avancer sur ce texte, sans esprit partisan ni arrière-pensée. Un tel sujet ne nous permettait pas de faire de la politique politicienne. Au contraire, il méritait qu'on lui apporte les expériences vécues par les uns et les autres, mais aussi que l'on crante une certaine confiance et transparence vis-à-vis du monde agricole et des agriculteurs. Si nous n'apportons pas des précisions importantes, le dispositif ne pourra pas évoluer positivement et les agriculteurs ne sortiront pas de l'état d'esprit dans lequel ils sont aujourd'hui. En effet, selon un sondage publié sur le site internet Terre-net, ils n'auraient pas confiance dans une réforme qui pourrait profiter qu'aux entreprises d'assurance.
Pour le Sénat, il était nécessaire d'apporter les principaux éléments qui permettent de donner cette confiance - cela nous a occupés jusqu'à la dernière minute de nos négociations.
D'abord, le montant du budget annuel affecté à la subvention à l'assurance et à l'indemnisation des pertes au titre de la solidarité nationale, annoncé par le Président de la République, devait être inscrit de façon précise.
Comme le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'avait aussi annoncé, il fallait optimiser ce qui est permis depuis le règlement européen « omnibus » en fixant le seuil de franchise à 20 % et le niveau de subvention de la prime d'assurance au niveau de 70 % du montant de la prime. Je salue à ce titre le travail effectué par M. Michel Dantin lors de la négociation du règlement européen dit Omnibus il y a quelques années.
Pour ce qui concerne les grandes filières, la possibilité est donnée de prendre en compte la difficulté d'évolution de couverture assurantielle pour la prairie et l'arboriculture ainsi que la particularité des grandes cultures et de la viticulture.
Le Sénat a apporté d'autres éléments portant sur les recommandations de la commission chargée de l'orientation et du développement de l'assurance récolte (CODAR), la possibilité pour l'agriculteur de choisir la solution la plus favorable entre la moyenne olympique et la moyenne triennale glissante - sans changer la donne, elle accroît un peu la liberté, tellement faible, dont il dispose. Il a également souhaité que la caisse centrale de réassurance soit autorisée à réassurer le système, au moins les premières années du nouveau dispositif assurantiel.
M. Frédéric Descrozaille l'a dit, nous sommes en passe d'aboutir à un texte commun. Je m'en réjouis car il ne s'agissait pas de placer le Gouvernement ou le rapporteur de la majorité dans une impasse, bien au contraire. Mon travail était d'agir sur les éléments que nous pouvions faire évoluer pour améliorer le texte, afin qu'un maximum d'agriculteurs adhèrent à ce système et que l'évolution des aléas climatiques soit mieux prise en compte. Ces évènements, qui peuvent anéantir toute une année de travail, exigent que l'on y travaille avec beaucoup de précision et de retenue.
Chapitre Ier A
Programmation des interventions publiques pour promouvoir une meilleure résilience de l'agriculture française face au changement climatique par la mobilisation de divers outils de gestion des risques
Article 1er A
Proposition de rédaction commune n° 1A des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Dans la mesure où nous avons modifié le titre du projet de loi pour y insérer la notion d'orientation, il est important de préciser dans la loi les objectifs fixés à la politique publique.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La modification du titre du projet de loi est un des apports majeurs du Sénat car elle donne une visibilité pluriannuelle aux agriculteurs. L'Assemblée, de son côté, avait le souci de séparer le débat budgétaire de celui portant sur le cadre légal.
C'est pourquoi je me félicite de l'accord que nous avons trouvé, qui a nécessité beaucoup de travail. Pour autant, cette avancée ne présume pas des discussions qui auront lieu au sein de la CODAR.
La proposition de rédaction n° 1A est adoptée.
L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime
Article 1er bis
L'article 1er bis est supprimé.
Article 2
Les propositions communes de rédaction n° 1, 1 bis, 1 ter, 1 quater et 1 quinquies, présentées par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, sont adoptées.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3
Proposition de rédaction commune n° 2 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. -Il s'agit d'indiquer que l'exploitant pourra choisir entre les différentes modalités de calcul de la moyenne de la production annuelle - moyenne olympique ou moyenne triennale glissante.
La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.
Proposition de rédaction commune n° 2 bis des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit d'une précision importante, qui fait suite aux travaux du groupe de travail n° 1 du Varenne de l'eau pour garantir l'équité d'indemnisation entre assurés et non-assurés.
La proposition de rédaction vise également à tenir compte du fait que le troisième étage du dispositif de couverture des risques - indemnisé par l'État - l'est nécessairement à la culture, alors que le deuxième étage peut être couvert par des contrats à l'exploitation.
Nous avons longuement débattu des notions de « similaire » et « identique », la rédaction proposée constituant un point de convergence important.
La proposition de rédaction n° 2 bis, est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis
Proposition de rédaction commune n° 3 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat tenait au maintien des comités départementaux d'expertise. Nos discussions ont permis de nous accorder sur une rédaction qui prend en compte trois éléments. Le premier donne la possibilité à un collectif d'agriculteurs de démontrer l'erreur manifeste commise dans le cadre de l'évaluation de pertes de récoltes, notamment par un système indiciel. Il s'agit en outre de faire en sorte que le comité des indices prenne en compte les contestations des évaluations pour modifier ses pratiques et contribuer à l'amélioration de l'évaluation des pertes. Enfin, troisième élément, l'agriculteur, à titre individuel, pourra demander une contre-expertise.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit d'un point important et M. Duplomb nous a apporté toute son expérience professionnelle et de terrain. La rédaction proposée dans le texte du Sénat ne permettait pas aux assureurs de proposer une offre viable dès 2023, en particulier pour les éleveurs. Or il est important qu'ils soient en mesure de le faire. La nouvelle rédaction est opérationnelle et efficace et je salue l'esprit dans lequel nous avons travaillé.
La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 ter
La proposition de rédaction commune n° 4, présentée par les rapporteurs est adoptée.
L'article 3 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5
Proposition de rédaction commune n° 5 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit de permettre à la CODAR de faire, dans ses rapports annuels, des recommandations portant sur une durée pluriannuelle.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cet apport important du Sénat est parfaitement dans l'esprit des travaux préparatoires au projet de loi.
La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.
La proposition de rédaction commune n° 5 bis, présentée par les rapporteurs est adoptée.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5 bis A
Proposition de rédaction commune n° 6 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit de fixer de façon triennale les taux de subvention et d'indemnisation issus de la présente réforme, afin que les agriculteurs disposent d'un minimum de visibilité.
La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.
L'article 5 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5 bis
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7
Proposition de rédaction commune n° 7 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit de s'assurer que l'ordonnance pourra prévoir les obligations de communication à l'État des données détenues par les assureurs.
Il s'agit également de réintégrer dans le champ de l'ordonnance l'exercice en commun de certaines activités, mais en les ciblant uniquement sur celles liées à la réassurance conjointe des risques, conformément à notre souhait.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - C'est une exigence salutaire du Sénat.
La proposition de rédaction n° 7 est adoptée.
Proposition de rédaction commune n° 7 bis des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit de laisser six mois au Gouvernement pour rédiger l'ordonnance.
La proposition de rédaction n° 7 bis est adoptée.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 8
L'article 8 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Chapitre II
Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales
Article 12
La proposition de rédaction commune n° 8, présentée par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat est adoptée.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 13
L'article 13 est supprimé.
Article 14
Proposition de rédaction commune n° 9 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit de rétablir l'article 14, qui demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d'évaluation de la loi quatre ans après sa promulgation. Nous nous sommes mis d'accord sans difficulté sur ce point.
La proposition de rédaction n° 9 est adoptée.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 15
Proposition de rédaction commune n° 10 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Elle vise à rétablir l'article 15, introduit par l'Assemblée nationale mais supprimé par le Sénat, qui demande au Gouvernement la remise d'un rapport annuel relatif aux deuxième et troisième sections du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Compte tenu de nos discussions, le Sénat accepte de le réintroduire.
La proposition de rédaction n° 10, est adoptée.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 16
La proposition de rédaction commune n° 11, présentée par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, est adoptée.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 17 et rapport annexé
Proposition de rédaction commune n° 12 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - L'article 17 permet de fixer plusieurs éléments, à titre indicatif, dans un rapport annexé à cette loi d'orientation.
Premier élément : un rappel du budget annuel de 600 millions d'euros mentionné à l'article 1er A.
Deuxième élément : fixer, à l'issue d'une concertation, le seuil de pertes rendant le contrat éligible à la subvention à 20 % et le niveau de subvention à 70 %. Il s'agit de tirer parti au maximum des possibilités offertes depuis le règlement européen dit « Omnibus » de 2017, conformément à ce qui avait été annoncé par le Gouvernement. Nous avons voulu conjointement l'écrire de manière aussi claire et précise que possible.
Troisième élément : la possibilité de fixer le seuil de pertes déclenchant la solidarité nationale, autrement dit l'intervention de l'État, à 30 % pour les cultures pour lesquelles les offres assurantielles sont peu développées et à 50 % pour les autres cultures.
Il y a quelques heures encore, il semblait difficile de faire accepter le principe d'un tel rapport annexé. Au fur et à mesure, nos discussions ont mis en évidence que cette annexe était nécessaire pour garantir la transparence et la traçabilité du système assurantiel et donner ainsi confiance aux agriculteurs qui seront amenés à s'assurer.
Je remercie le rapporteur Frédéric Descrozaille et me réjouis de cette très belle évolution, qui s'ajoute à la fixation des taux sur trois ans, que nous venons d'adopter. Nous disposerons ainsi, dès le début, d'un dispositif clair. Les agriculteurs sauront ce qui leur sera appliqué pendant les trois premières années et pourront prendre une décision en toute connaissance de cause.
Je remercie aussi la présidente Sophie Primas et les sénateurs ici présents de leur soutien. Nous avions décidé de ne rien céder sur ce rapport annexé, ce qui nous a permis de tenir bon, contre vents et marées.
M. Frédéric Descrozaille, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 17 aurait effectivement pu faire échouer la CMP. C'est avec exigence, mais aussi sens du dialogue et du compromis que nous avons pu avancer.
J'insiste sur un point particulièrement important, qui a fait l'objet de nombreux échanges entre le rapporteur Laurent Duplomb et moi-même : le monde agricole attendait une telle visibilité, condition de la confiance nécessaire au succès de la réforme. Le Sénat a fait oeuvre utile en introduisant la pluriannualité et en inscrivant dans le texte, même si c'est dans un rapport annexe, les éléments annoncés au banc par le Gouvernement.
En France, traditionnellement, le monde agricole est rassuré par la relation qu'il entretient avec l'État. Néanmoins, de mon point de vue, la réussite de la réforme tiendra essentiellement à ce que les assureurs proposeront.
Je salue donc cette avancée tout en soulignant l'importance de la concertation qui sera menée avec l'ensemble des parties prenantes réunies au sein de la CODAR - je remercie le rapporteur Laurent Duplomb d'avoir accepté de mentionner cette concertation dans le texte. La CODAR est l'outil qui permettra de confronter les attentes des agriculteurs et les offres qui seront commercialisées, dès 2023, par les assureurs. L'aboutissement de la réforme reposera sur la conjugaison d'un renforcement de la solidarité nationale, autrement dit du soutien de l'État, et de l'élaboration de nouveaux produits par les assureurs dans les conditions prévues à l'article 7.
Malgré notre divergence d'approche a priori quant aux conditions de réussite de la réforme, le rapporteur Duplomb et moi nous sommes compris et avons abouti à un point de convergence. La complémentarité entre les deux chambres est gage de succès.
M. Nicolas Turquois, député. - Il était important de donner une direction, de définir une cible et de l'inscrire dans le texte, pour emporter la conviction des agriculteurs et de nos concitoyens qui ont un lien avec l'agriculture. Il faut en outre faire progresser l'idée, chez les agriculteurs, qu'il est nécessaire de s'assurer. Les années qui viennent s'annoncent de plus en plus heurtées du point de vue climatique. Je salue l'initiative des rapporteurs.
La proposition de rédaction n° 12 est adoptée.
L'article 17 et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire adopte à l'unanimité, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
La réunion est close à 18 heures.
Jeudi 17 février 2022
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet se réunit le jeudi 17 février 2022.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Sophie Primas, sénateur, présidente, de Mme Cathy Racon-Bouzon, députée, vice-présidente, de Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat, et de M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Mme Sophie Primas, sénateur, présidente. - Je suis très heureuse d'accueillir la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Ce n'est pas souvent que nos deux commissions, la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat, travaillent ensemble, et je souhaite la bienvenue à nos collègues députés !
Je tiens à saluer l'esprit constructif et bienveillant dans lequel les débats parlementaires et la coopération entre nos deux commissions, et nos deux rapporteurs, se sont déroulés. Nous avons des habitudes de travail parfois différentes, des priorités parfois divergentes, des « historiques » de commission différents, mais nous avons su nous retrouver pour parvenir à une « mise à jour » utile et nécessaire de la législation applicable en matière de contrôle parental.
L'objectif premier et commun est de permettre une meilleure protection de la présence en ligne de nos enfants et de nos adolescents, dont la vie est de plus en plus virtuelle ; c'est cet objectif qui nous rassemble aujourd'hui.
Mme Cathy Racon-Bouzon, députée, vice-présidente. - Je vous remercie de nous accueillir pour cette commission mixte paritaire - plutôt inhabituelle en effet, entre nos deux commissions. La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui, déposée en novembre dernier par M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, s'inscrit dans une réflexion plus large menée durant toute la législature au sein de notre commission sur les rapports que le jeune public entretient avec les nouveaux usages permis par le développement des technologies numériques.
Il s'agit d'un texte ramassé et spécifique, qui a été préparé pendant de nombreux mois afin de parvenir à un dispositif équilibré entre protection et responsabilisation, mais aussi entre prescription de contraintes et respect du droit français et européen de la concurrence.
En première lecture, le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points pour réorienter et compléter le dispositif proposé. Nos rapporteurs ont ensuite travaillé en bonne intelligence afin de rapprocher au mieux, sur les dispositions restant en discussion, les positions de nos deux assemblées.
Je pense que nous partageons tous ici les objectifs poursuivis par cette proposition de loi. Je souhaite donc que nos échanges de ce matin nous permettent d'aboutir à un texte clair et équilibré, acceptable par nos deux assemblées et applicable par les acteurs industriels concernés.
M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je vous remercie de nous accueillir au sein de votre assemblée, surtout dans cette configuration originale. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée a eu, jusqu'alors, peu d'échanges avec la commission des affaires économiques du Sénat. Et pourtant, nous traitons souvent, désormais, de sujets communs, notamment dans le domaine numérique, certes avec un angle différent, mais c'est précisément de cette différence que naît, je crois, la richesse de nos débats.
Ce sont ainsi nos différences d'approche qui ont permis d'enrichir le texte que j'ai déposé à l'automne dernier. Je tiens à remercier la rapporteure du Sénat, Mme Sylviane Noël, avec qui j'ai eu, au cours des dernières semaines, des échanges très constructifs. Si constructifs d'ailleurs que je crois que nous sommes à même de vous proposer aujourd'hui un texte commun.
Je ne reviendrai pas ici sur les apports du Sénat - ils sont nombreux, en ce qui concerne tant la protection des données personnelles des mineurs, dont nous avions esquissé le régime à l'Assemblée nationale, que la responsabilisation des fournisseurs de systèmes d'exploitation, qui, il est vrai, était absente du texte.
Je souhaiterais toutefois préciser l'intention du législateur sur la rédaction qui vous est aujourd'hui proposée.
J'évoquerai, tout d'abord, la responsabilité des fournisseurs de système d'exploitation : cette avancée, permise par le Sénat, a été retravaillée en commun afin de clarifier le partage des responsabilités entre le fabricant et le fournisseur du système d'exploitation, pour correspondre à la réalité des pratiques industrielles actuelles et futures.
Ainsi, lorsque le fabricant est aussi le fournisseur du système d'exploitation, il lui appartient d'intégrer un dispositif de contrôle parental à ses équipements terminaux. En revanche, lorsqu'il sous-traite entièrement cette tâche à un tiers, alors il semble logique que ce tiers soit responsable de l'intégration d'un tel dispositif. Il certifiera alors au fabricant que son système d'exploitation est conforme à la loi, à charge pour le fabricant de communiquer ce certificat aux autres acteurs de la chaîne économique.
J'en viens, ensuite, à la désinstallation du dispositif : certains ont pu se méprendre sur le sens à donner à la phrase complétée par le Sénat. Le fait de mentionner cette désinstallation, si elle rassure les férus d'informatique, ne conduit pas à la rendre obligatoire : le Digital Markets Act (DMA) le fera en temps voulu s'agissant de ceux qu'il est convenu d'appeler les « contrôleurs d'accès ». Seulement, lorsque la désinstallation est rendue possible par le fournisseur de système d'exploitation - qu'il y soit tenu par un règlement européen ou qu'il le permette de lui-même -, elle doit être gratuite pour l'utilisateur. Tel est l'objet de cette précision.
Enfin, s'agissant de l'exposition des enfants aux
écrans, notion introduite par le Sénat dans le champ du
décret en Conseil d'État, je n'y étais pas, de prime
abord, favorable
- je m'étais d'ailleurs opposé à
des amendements sur ce sujet à l'Assemblée nationale. En effet,
la question de la protection des mineurs à l'égard des contenus
préjudiciables et celle de l'exposition aux écrans sont, pour
moi, de nature différente et ne se recoupent qu'imparfaitement. Si
j'entends que les parents utilisent aujourd'hui le contrôle parental
principalement pour les fonctionnalités relatives à la limitation
du temps d'écran, il ne m'a pas paru souhaitable, sur le plan juridique,
d'en faire l'une des caractéristiques des dispositifs que nous
souhaitons rendre obligatoires, sauf à risquer une disproportion
manifeste entre l'objectif d'intérêt général
recherché et l'atteinte à certaines normes européennes.
Néanmoins, je note que ce n'est pas ce qu'a fait le Sénat : dans sa sagesse, il a souhaité que les fabricants contribuent à la diffusion de l'information disponible sur les risques liés à l'exposition précoce des enfants aux écrans. Cela me semble faire reposer une obligation somme toute modérée et très utile sur les fabricants, dès lors que cela ne se traduit pas par un marquage de l'ensemble de leurs appareils vendus en France qui ne serait pas conforme au droit de l'Union européenne.
Au final, c'est donc un texte équilibré que nous vous proposons, qui a tenu compte des contraintes des entreprises, notamment celles qui souhaiteraient acquérir du matériel informatique sans système d'exploitation, tout en renforçant de façon significative la protection des mineurs sur internet.
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - Je tiens, à mon tour, à remercier M. Studer pour son esprit d'écoute et d'ouverture. Nous avons eu, ces derniers jours, des échanges constructifs et complémentaires nous permettant de vous proposer aujourd'hui un texte commun, qui permettra de renforcer l'usage du contrôle parental en France.
En tant que rapporteure pour la commission des affaires économiques, je m'étais fixé une feuille de route, qui a été tenue, ce dont je me félicite.
Premièrement, cette proposition de loi demeure mesurée et équilibrée. Elle permettra de mieux accompagner les familles, sans s'immiscer de façon excessive dans la relation intime qui lie les enfants à leurs parents.
Deuxièmement, elle me semble adaptée aux pratiques numériques de nos enfants et de nos adolescents, en ciblant une grande diversité d'appareils qui permettent d'accéder à internet : smartphones, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux vidéo et certains objets connectés. Le périmètre des appareils concernés tel que défini par l'Assemblée nationale, en incluant les appareils reconditionnés, était de ce point de vue très pertinent.
Troisièmement, elle est applicable à l'état actuel du marché et prend en compte les évolutions à anticiper, notamment au regard des discussions actuelles à l'échelle de l'Union européenne. C'est pourquoi la responsabilisation des fournisseurs de systèmes d'exploitation était une priorité du Sénat.
Quand nous parlons de contrôle parental, il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'une fonctionnalité logicielle, et non d'un composant électronique. Nous avons travaillé à une rédaction commune qui permet de prendre en compte la diversité des modèles économiques, notamment la situation où les fabricants sont aussi fournisseurs de systèmes d'exploitation. Nous ne privilégions pas un modèle économique plutôt qu'un autre. Nous souhaitons simplement que ceux qui éditent les logiciels et les dispositifs de contrôle parental soient responsabilisés et que les responsabilités de chaque acteur soient bien identifiées : c'est indispensable pour que cette proposition de loi soit pleinement opérationnelle.
Face aux craintes de certains acteurs - et il y a eu beaucoup de fausses informations sur ce sujet -, le Sénat a introduit explicitement dans le débat la question de la commercialisation des équipements sans système d'exploitation. La rédaction travaillée avec l'Assemblée nationale nous permet de clarifier utilement ce point et d'éviter tout effet de bord indésiré : cette commercialisation demeure possible. Poser la question était nécessaire et la précision apportée est utile.
Sur la question de la désinstallation, là encore, le Sénat a introduit explicitement dans le débat un sujet qui avait été écarté. Il s'agit de trouver un équilibre entre les contraintes des acteurs économiques et la nécessité de faire progresser les droits des utilisateurs. La désinstallation doit être gratuite pour l'utilisateur lorsqu'elle est techniquement possible, ce qui n'est pas toujours le cas, notamment lorsque le contrôle parental est directement intégré dans les paramètres.
Quatrièmement, ce texte permet de nouvelles avancées pour la protection de la présence en ligne de nos enfants et de nos adolescents.
D'une part, le Sénat a élargi le périmètre des contenus susceptibles de faire l'objet d'un contrôle parental, en retenant la notion d'« épanouissement » des personnes mineures. Un contrôle parental élargi, c'est davantage d'enfants et d'adolescents protégés. C'est notre objectif principal.
D'autre part, le Sénat a renforcé la protection des données à caractère personnel des personnes mineures. C'était un oubli du texte qui nous a été transmis. Le sujet est pourtant central quand nous constatons que nos enfants et nos adolescents naviguent de plus en plus jeunes et de façon de plus en plus autonome sur internet, sans toujours être conscients de ce qu'ils acceptent ou consentent.
Je me félicite que ces deux dispositions importantes pour la protection de l'enfance et de l'adolescence demeurent inchangées.
Enfin, l'article 3 bis, introduit par le Sénat, n'a pas été modifié : il conditionne l'entrée en vigueur du texte à la réponse de la Commission européenne attestant de sa conformité avec le droit de l'Union. À l'issue de cette CMP, le texte final sera de nouveau notifié à la Commission européenne. Dès l'examen en commission des affaires économiques au Sénat, nous avions émis de sérieuses réserves quant à la compatibilité du dispositif proposé avec le bon fonctionnement du marché intérieur. Cette précaution était essentielle. Elle nous sécurise juridiquement et nous permet de légiférer sereinement.
M. Frédéric Reiss, député. - Nos rapporteurs ont réalisé un travail remarquable. La question centrale est bien celle de l'applicabilité de la loi et de sa conformité avec le droit européen. Nous avions adopté ce texte à l'unanimité en commission à l'Assemblée nationale, ce qui n'arrive pas souvent. Je me félicite des échanges avec le Sénat qui ont été productifs.
Article 1er
M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cet article a fait l'objet de nombreux échanges. Nous avons précisé les principales modifications apportées et notre intention de législateur dans nos discours respectifs. La rédaction que nous vous proposons conserve les apports du Sénat.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis (nouveau)
M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Là encore, je tiens à saluer le travail du Sénat. Il est important que la Commission européenne apprécie la conformité du texte avec le droit européen.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet.
Mme Sophie Primas, sénateur, présidente. - À l'unanimité !
M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - C'est un petit texte, mais aux enjeux importants. Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord.
La réunion est close à 10 h 20.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 11 h 15.
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation s'est réunie au Sénat le jeudi 17 février 2022.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. François-Noël Buffet, sénateur, président, Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat, M. Patrick Vignal, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Patrick Vignal, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je veux d'abord remercier le Sénat de son accueil. Je tiens à saluer la qualité des échanges que j'ai pu avoir avec Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat.
Cette proposition de loi est une réforme attendue : depuis son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, pas un jour ne s'écoule sans que je reçoive des témoignages de nos concitoyens, qui me font part de leur souhait de se saisir des possibilités qu'elle offre.
Si nos deux assemblées ont convergé sur certains articles, subsistaient néanmoins, à l'issue de la première lecture devant chaque assemblée, plusieurs points de désaccord.
À l'article 1er, le désaccord principal portait sur la possibilité pour un parent qui n'a pas transmis son nom d'usage d'adjoindre celui-ci au nom de son enfant après en avoir simplement informé l'autre parent. L'Assemblée nationale souhaite ainsi inverser la règle actuelle. Nous estimons que c'est au parent qui s'oppose à l'ajout du nom qu'il doit incomber de saisir le juge. Nous considérons que le parent qui souhaite ajouter son nom - souvent, la mère - ne devrait pas avoir à mener un combat judiciaire si l'autre parent est absent ou s'il refuse de signer le formulaire de demande, ce qui est très souvent le cas. L'ouverture de cette possibilité, qui ne concerne que l'adjonction du nom de l'un des deux parents, est toutefois marquée par la prudence.
Sur l'article 2, nos assemblées ont convergé sur plusieurs points, notamment sur un constat : la nécessité de réformer l'actuelle procédure de changement de nom, qui est coûteuse, bien trop lente et incertaine. Nos deux assemblées ont ainsi toutes deux supprimé l'exigence du motif légitime lorsque le changement de nom consiste à prendre l'un des noms issus de la filiation. Elles ont également prévu de simplifier cette procédure en la fondant sur le dépôt d'un formulaire Cerfa, ce dont je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs.
Alors que la convergence me semblait presque acquise, elle échouera finalement sur la question de la désignation de l'administration chargée du traitement du formulaire. Le Sénat a souhaité que ce dernier soit d'abord traité par le ministère de la justice. Nous pensons, au contraire, que cette saisine du ministère s'avère inutile en l'espèce : une procédure décentralisée est plus simple pour le justiciable. Celui-ci pourra s'adresser à sa mairie, qui est l'endroit où il se marie, où il déclare la naissance de ses enfants et l'échelon local dans lequel le citoyen, me semble-t-il, se reconnaît aujourd'hui. La procédure est aussi plus simple sur le plan administratif, car ce sont les mairies qui disposent des actes d'état civil et qui seront, quelle que soit la procédure, sollicitées pour apposer sur ces derniers les mentions de changement de nom.
On compte, dès aujourd'hui, entre 3 000 et 4 000 demandes. Si, demain, la loi est adoptée, il y aura peut-être plus de demandes, mais je ne pense pas qu'il y ait un risque d'encombrement de nos municipalités, notamment dans les grandes métropoles, qui disposent de services d'état civil adaptés à leur démographie.
En dépit de ces divergences, nous avons essayé de parvenir à un texte de compromis. Nous étions prêts à accepter plusieurs des améliorations que vous nous proposez, notamment l'introduction, à l'article 2, d'un délai de réflexion, dont je vous remercie. Nous n'avions effectivement pas pensé à ce délai ; pour votre part, vous proposez trois mois. Je pense qu'un délai de réflexion est justifié parce qu'il n'est pas anodin de changer son nom, mais un mois est suffisant. Ainsi, une personne majeure qui décide de changer son nom devrait revenir à l'état civil un mois plus tard pour confirmer son intention. On nous a en effet opposé qu'un gamin de vingt ans qui serait en colère contre l'un de ses parents pourrait se présenter à l'état civil pour changer son nom. Pour ce qui me concerne, j'ai envie de faire confiance aux Français : un nom, on y tient. Un nom, c'est personnel. Un nom, c'est une identité.
Cependant, nous ne pouvons pas renoncer à l'essence même de ce texte : l'adjonction unilatérale, à titre d'usage, du nom du parent qui n'a pas transmis son nom à celui de l'enfant, et une simplification réelle de la procédure pour le citoyen.
Par conséquent, nous ne parviendrons pas à l'adoption d'un texte commun à l'issue de cette commission mixte paritaire (CMP). Nous le regrettons sincèrement, car cette proposition de loi est symbolique. La réforme est attendue des Français. Nous aurions pu nous réunir sur ce texte, le dernier de la législature, pour régler non pas des comptes, mais des problèmes que rencontrent de nombreux Français. Il y aura donc une nouvelle lecture, au cours de laquelle l'Assemblée nationale sera en mesure de rétablir son texte, dans une version éventuellement modifiée, pour parfaire le dispositif retenu en première lecture.
Très franchement, je regrette cet échec, car je reste convaincu que l'enjeu n'était pas politique : il y avait une demande du terrain. On nous reproche souvent de voter des lois conçues dans les cabinets ministériels. Or 40 000 personnes ont signé la pétition : on est loin d'un lobbying pour du vin ou une fabrique de tabac... Je pensais vraiment que nous pouvions trouver un consensus.
Je peux vous dire que c'était une loi de liberté, une loi de choix : elle n'imposait rien à personne, soulageait la souffrance d'un grand nombre de gens et pouvait même réunir des couples autour de la place de la femme.
Il est temps que l'on se pose de vraies questions. Alors que l'on parle partout d'égalité entre hommes et femmes, ce texte marquait un début d'égalité : on allait pouvoir arrêter de dire que, quand la femme donne la vie, l'homme donne son nom.
Ce recul me paraît regrettable.
Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat. - Je tiens moi aussi à saluer nos nombreux échanges et, surtout, notre souci commun de prendre en compte les demandes exprimées par nos concitoyens. Toutefois, nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver un texte de compromis qui nous semble raisonnable.
Deux points ont été bloquants pour le Sénat.
Tout d'abord, nous estimons que l'intérêt des enfants n'est pas suffisamment pris en compte par ce texte. C'est même un défaut de conception de la proposition de loi, qui considère qu'il serait légitime de changer le nom d'un enfant pour faciliter la vie quotidienne d'un parent, en l'occurrence la mère, qui n'aurait plus à « exhiber » son livret de famille - c'était le sens de la demande du collectif « Porte mon nom ». Ce point reste à démontrer, car un même nom n'est pas toujours synonyme d'exercice de l'autorité parentale, et il est bien des situations où il reste légitime de demander la preuve du lien familial : je pense notamment à une sortie du territoire ou encore à une opération chirurgicale.
Nos travaux, réalisés dans un temps très contraint - nous avons essayé de pallier l'absence d'étude d'impact par l'organisation de nombreuses auditions -, nous ont fait prendre conscience du fait que, pour l'enfant, porter un nom d'usage qui diffère de son nom de famille - même par adjonction d'un nom - équivalait à un changement de nom : un enfant ne fait pas de différence entre son nom d'usage et son nom de famille. J'ai auditionné des instituteurs, des assistantes maternelles et de nombreux autres professionnels de l'enfance qui me l'ont confirmé.
Nos assemblées divergent sur cette appréciation du nom d'usage. Dans l'esprit de nos collègues députés, le nom d'usage ne serait qu'une mention administrative sur une carte d'identité. Or, pour l'enfant, ce sera son nom de tous les jours : le lundi, il s'appellerait Durand, et, le mardi, Durand-Dupré, voire Dupré tout court. Pour cette raison, nous refusons la substitution de nom à titre d'usage pour les mineurs, laquelle risquerait d'ailleurs d'exacerber les conflits familiaux et de générer davantage de contentieux qu'il n'y en a aujourd'hui.
C'est la raison pour laquelle nous refusons également de permettre à un parent d'ajouter unilatéralement son nom à celui de l'enfant - toujours à titre d'usage - moyennant l'information préalable de l'autre parent, qui pourrait saisir le juge aux affaires familiales (JAF) s'il conteste cette initiative. Cette disposition pourrait créer des situations instables dans lesquelles l'enfant serait nommé différemment selon qu'il est chez son père ou sa mère et devrait reprendre son nom d'origine si le juge venait à considérer que l'adjonction de l'autre nom n'est pas dans son intérêt. Le droit existant est finalement plus protecteur pour l'enfant, avec l'exigence d'un accord des deux parents ou, en cas de désaccord, d'une autorisation du JAF.
Je souligne que les situations décrites dans les très nombreux témoignages que nous avons reçus sont presque toutes axées sur les problèmes des adultes et peuvent très souvent trouver des solutions pratiques, sans changer la loi. Je pense à l'obtention de l'exercice exclusif de l'autorité parentale par la mère lorsque le père est absent ou dans l'obstruction systématique, ou encore à la modification du formulaire de saisine du juge aux affaires familiales, qui devrait mentionner le nom d'usage parmi les motifs de la saisine, au même titre que la résidence de l'enfant, le droit de visite et d'hébergement, la pension... Le nom d'usage n'est qu'un élément parmi d'autres de l'exercice de l'autorité parentale : il n'y a pas de raison de le traiter différemment.
À l'article 2, la situation des enfants n'a pas non plus été suffisamment prise en compte à nos yeux - vous savez que c'est mon cheval de bataille. Si l'on peut concevoir qu'un majeur puisse, une fois dans sa vie, choisir son nom par simple déclaration, sans aucune justification, on ne peut accepter que ce changement de nom ait un effet automatique « par ricochet » sur les enfants de moins de treize ans. C'est le cas aujourd'hui pour la procédure de changement de nom par décret, me direz-vous. Mais toute la différence est que, dans ce cadre, le ministère vérifie s'il y a un intérêt légitime ! Ce n'est pas discrétionnaire, comme le serait la nouvelle procédure.
Le second point de blocage, c'est la question de la procédure simplifiée de changement de nom.
Il nous semble totalement anormal que, sous prétexte que la procédure de changement par décret dysfonctionne du fait d'une mauvaise organisation d'une administration centrale, l'on se reporte sur les communes. C'est d'autant plus anormal que cette situation n'est pas nouvelle : le Défenseur des droits l'avait constatée dès 2018. Pourtant, rien n'a été fait depuis. La section du sceau a un an de retard de traitement et a renoncé à l'informatisation qui était prévue en 2019... Le retard va donc s'aggraver.
Tous les arguments invoqués - procédures qui durent sept ans, nécessité de publications préalables au Journal officiel et dans un journal local, coût de 110 euros - reposent sur des éléments qui dépendent de l'administration centrale du ministère de la justice, et relèvent, pour l'essentiel, de dispositions réglementaires. Or que nous propose-t-on pour régler ce problème administratif ? De transférer une partie des demandes sur les services de l'état civil des mairies.
Cela semble d'autant plus incohérent que, en raison de la médiatisation de ce texte, 22 % des Français se déclarent aujourd'hui désireux de changer de nom si la loi permet une procédure simplifiée. Ainsi, après avoir suscité une demande accrue, on demanderait aux communes de supporter cette charge supplémentaire, sans compensation financière ? Cette possibilité semble inconcevable.
En séance, le Sénat a été aussi loin qu'il le pouvait pour faciliter le changement de nom à nos concitoyens, tout en gardant une procédure centralisée et suffisamment formaliste pour garder le caractère exceptionnel d'une telle démarche. D'ailleurs, vous l'avez dit vous-même, monsieur Vignal : un nom, ce n'est pas rien ! C'est même pour cela que vous avez porté cette proposition de loi.
Le Sénat a proposé une procédure simplifiée, qui resterait, comme aujourd'hui, centralisée auprès du ministère de la justice : il y aurait non plus un décret du Premier ministre, mais un simple arrêté, et le ministère pourrait mettre à disposition une téléprocédure, ce qui conduirait à une accélération, avec formulaire Cerfa si cela est source de simplification. Cette solution du « juste milieu », qui était un compromis raisonnable, n'a pas trouvé d'écho auprès de nos collègues députés, ce que je regrette profondément, compte tenu de l'important travail que nous avions réalisé.
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous n'ayons pas réussi, Patrick Vignal et moi-même, à élaborer un texte de compromis.
Mme Camille Galliard-Minier, députée. - Pour avoir travaillé avec M. Vignal sur le sujet, je veux apporter quelques éléments de réflexion en réponse à Mme la rapporteur pour le Sénat, qui a évoqué deux éléments bloquants.
Premièrement, vous déclarez qu'un changement de nom n'est pas anodin pour un enfant, mais l'article 1er de la proposition de loi ne fait que codifier une disposition qui existe déjà - dans la loi de 1985 - et dont les parents peuvent d'ores et déjà se saisir.
Deuxièmement, la proposition de loi crée la possibilité de donner au parent qui souhaite adjoindre son nom, à titre d'usage, de le faire de façon unilatérale, à charge pour lui de prévenir l'autre parent en temps utile. C'est exactement ce que prévoit l'article L. 373-2 du code civil pour la résidence de l'enfant. En effet, aujourd'hui, l'un des deux parents peut, seul, modifier la résidence de l'enfant : dès lors que cela modifie les règles de l'autorité parentale, il a l'obligation de prévenir l'autre parent, qui peut saisir le juge. Cette évolution est, à mon avis, justifiée : elle vise à faciliter le quotidien des parents.
Autrement dit, les deux dispositions que vous contestez existent déjà.
Au sujet de l'article 2, dès lors que la procédure de changement de nom permet aujourd'hui d'étendre le nom qui a été modifié aux enfants mineurs, il n'y a pas de raison a priori de ne pas permettre cette possibilité dans le cadre d'une procédure simplifiée. Je ne vous rejoins donc pas sur ce point.
Surtout, on continue à parler, même dans nos échanges d'aujourd'hui, de « changement de nom ». Or, comme Patrick Vignal l'a bien rappelé, l'objectif est de porter le nom de l'autre parent ; c'est d'ailleurs le sens de la modification du titre de la proposition loi qui avait été portée par nos collègues du MoDem. Tant que l'on continuera à considérer qu'il s'agit d'un changement de nom, on pourra considérer que la simplification n'est pas adaptée. Nous parlons vraiment ici de la possibilité, pour une personne majeure, de bénéficier du même choix que celui que les parents ont à la naissance de l'enfant.
Je souhaite aussi vous faire remarquer que nous allons bientôt fêter les vingt ans de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille, qui a donné aux parents la possibilité de donner leurs deux noms, dans l'ordre qu'ils souhaitent, ou l'un ou l'autre de ces deux noms. Vingt ans plus tard, cette loi a atteint l'âge de la maturité, et nous souhaitons désormais que ce choix soit donné à l'enfant devenu adulte.
Dès lors que ce choix est manifesté, s'engage une procédure tout à fait classique de Cerfa. Vous déclarez que cela viendrait alourdir les tâches des officiers d'état civil, mais ces derniers doivent porter le changement de nom sur l'acte de naissance du demandeur quoi qu'il arrive, même si l'on est dans le cadre d'une procédure de changement de nom relevant du garde des sceaux.
Comme l'a dit mon collègue, il s'agit véritablement d'une occasion manquée. Nous avons beaucoup échangé aux différents stades de l'examen du texte, y compris pour préparer cette CMP.
Il était tout à fait possible que nous avancions sur certains points - je pense notamment au délai de réflexion, à l'idée des fratries... - pour parvenir à un texte parfaitement équilibré, fruit d'un travail commun et concerté de nos deux chambres.
M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Cette CMP est la dernière de la législature. Nous regrettons qu'elle ne soit pas conclusive, contrairement à bien d'autres, du reste.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente. - Il me semble que 65 CMP se sont tenues entre nos deux commissions durant mes cinq ans de présidence. Quasiment 75 % ont été conclusives. Le fait que nous arrivions le plus souvent, animés par le sens de l'intérêt général, à trouver des accords montre véritablement l'intérêt du bicamérisme.
Je veux saluer les présidents de la commission des lois du Sénat qui se sont succédé pendant cette législature, à savoir Philippe Bas et François-Noël Buffet.
Vous avez, en particulier, monsieur le président, une large part dans le succès de nombre de CMP. Je veux saluer les très belles relations, très républicaines, que nous avons nouées : elles font l'honneur de notre démocratie.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation.
La réunion est close à 11 h 35.