Jeudi 20 janvier 2022
- Présidence de M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Examen des conclusions de l'audition publique sur la stratégie quantique de la France (Cédric Villani, député, et Gérard Longuet, sénateur, rapporteurs)
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Je vous souhaite la bienvenue pour cette nouvelle réunion de l'Office. Nous avons deux sujets à l'ordre du jour aujourd'hui. Le premier est l'examen des conclusions de l'audition publique du 21 octobre 2021 sur l'avancement de la stratégie quantique de la France.
M. Cédric Villani, député, président de l'Office, rapporteur. - Quoiqu'elle s'inscrive dans le prolongement de travaux antérieurs de l'Office, l'idée de cette audition publique nous a été suggérée par le coordinateur même de la Stratégie nationale en matière de technologies quantiques. Ceci montre qu'il est toujours intéressant de suivre les travaux menés du côté de l'exécutif, en les soumettant à un examen exigeant et attentif.
En 2019, l'OPECST s'était intéressé aux technologies quantiques en publiant quatre notes scientifiques : introduction et enjeux ; l'ordinateur quantique ; la programmation quantique ; la cryptographie quantique et post-quantique. Je rappelle que la cryptographie quantique permet de développer des chiffrements extrêmement sûrs, tandis que la cryptographie post-quantique vise à développer des codes capables de résister même aux attaques d'un ordinateur quantique, étant entendu que celui-ci n'existe pas encore.
En 2020, Mme Paula Forteza, députée des Français établis hors de France, présentait au gouvernement les contours d'une stratégie nationale ambitieuse dans son rapport intitulé Quantique, le virage technologique que la France ne ratera pas. Ce rapport présentait l'objectif des « 3 trois » : trois axes de recherche et développement à emprunter préférentiellement, à savoir le calcul, les communications et la cryptographie, et les capteurs quantiques ; trois fois plus de budget pour la recherche, soit un budget d'au moins un milliard d'euros sur cinq ans ; la création de trois hubs ou centres régionaux spécialisés dans les technologies quantiques à Paris, Saclay et Grenoble, en parallèle d'une restructuration de l'écosystème de recherche.
Les recommandations du rapport ont été reprises par le président de la République dans son discours du 21 janvier 2021 qui annonçait un plan de 1,8 milliard d'euros d'investissement sur cinq ans, dont 1 milliard venant directement de l'État. L'audition publique du 21 octobre visait à faire le point, quelques mois après, sur la mise en place des mesures et des financements annoncés. Elle a été introduite par une présentation générale de la stratégie quantique française avec l'intervention de Neil Abroug, coordinateur national de la Stratégie quantique.
Plusieurs points sont à retenir.
L'investissement de 1,8 milliard d'euros sur cinq ans est réparti suivant sept grands axes de financement. Il concerne toutes les technologies quantiques - ordinateur, capteurs, communication - ainsi que l'écosystème associé. Avant la mise en place de ce plan, les investissements français dans les technologies quantiques s'élevaient déjà à 60 millions d'euros, somme qui place la France en sixième position des investisseurs mondiaux dans ce domaine. L'objectif de la Stratégie est d'accélérer dans les secteurs où la France possède déjà un certain avantage. Les pépites industrielles françaises du calcul quantique rivalisent déjà avec les géants américains tels que Google.
Le budget s'articule autour de plusieurs sources, à savoir l'Agence nationale de la recherche (ANR), le Programme d'investissements d'avenir (PIA) et la direction générale de l'armement (DGA).
Plusieurs enseignements sont à retenir de ces tables rondes. La France se place en bonne position mondiale en recherche fondamentale, mais aussi dans le développement de ses start-up telles que Quandela ou Pasqal. Les grands groupes industriels, tels qu'Atos, trouvent aussi leur place dans ce paysage et se positionnent sur ces sujets hautement stratégiques qui concernent le calcul haute performance et la cybersécurité. En matière d'ordinateur quantique, la France possède les ressources pour développer à la fois la partie processeur, ou hardware, et la partie logiciel, ou software. Différentes technologies de qubits sont à l'étude et la Quantum learning machine d'Atos permet de mettre au point des langages de programmation adaptés à chaque support physique : elle émule le fonctionnement d'un ordinateur quantique pour se préparer à faire face à des attaques de type nouveau, quand un tel ordinateur verra le jour.
Il faut cependant garder à l'esprit que les annonces concernent toujours des qubits physiques et non logiques. Les qubits logiques sont ceux qui sont capables d'effectuer des calculs à coup sûr, tandis que les qubits physiques stockent l'information avec un certain degré d'incertitude, ne permettant pas d'effectuer des calculs avec sûreté sur cette base. Il faut de nombreux, voire de très nombreux qubits physiques pour réaliser l'équivalent d'un qubit logique. Cette distinction peut expliquer pourquoi certaines annonces spectaculaires peuvent exagérer les avancées en cours.
Les capteurs quantiques sont à l'étude depuis plus longtemps et ont donc atteint un stade de développement plus avancé. Leur sensibilité extrême à des champs électromagnétiques ou gravitationnels leur promet des applications dans des domaines variés, par exemple pour la détection de masses. Longtemps subventionnés par le secteur militaire, ils doivent s'ouvrir aux applications civiles pour être économiquement viables.
Les projets de communications quantiques s'articulent autour de deux axes : le segment au sol - représenté lors de l'audition par le projet Quantum@UCA porté par l'Université de Nice et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur - et le segment satellitaire - représenté par Airbus. Ces deux axes forment les briques du futur Internet quantique européen. Voué à un marché institutionnel, il devra présenter un niveau critique de fiabilité et de robustesse. Le calendrier prévoit un démonstrateur d'ici 2024, puis un système opérationnel d'ici 2028. Un Internet quantique inviolable et complet est prévu pour 2035. D'ici-là toutes sortes d'obstacles imprévus pourraient survenir.
La communauté de cryptographie reste, de fait, sceptique face à ces systèmes de communication quantique. Elle leur reproche de ne pas certifier l'authentification des échanges. La communication en elle-même peut être très sécurisée, mais en l'absence de garantie sur l'identité des interlocuteurs connectés, la sécurité est fragile. Pour mémoire, deux conditions sont complémentaires et indispensables pour assurer la protection des échanges : la confidentialité des données et l'authentification des personnes qui les échangent. Il est indispensable de faire travailler ensemble les différentes communautés pour éviter ce défaut de sécurité et garantir l'authentification et la confidentialité des moyens de communication destinés à un usage institutionnel. L'ajout d'une brique post-quantique à des lignes de communication quantique semble nécessaire et doit être anticipée dès aujourd'hui.
Les capacités de calcul prêtées à l'ordinateur quantique pourraient - notez bien le conditionnel - compromettre les protocoles de chiffrement actuels. Pour parer à cette évolution, la communauté mondiale de cryptographie propose et teste de nouvelles méthodes, censées résister aux ordinateurs quantiques. Il s'agit de la cryptographie post-quantique. S'il est encore difficile d'anticiper la date d'arrivée sur le marché d'un ordinateur quantique opérationnel et en capacité d'effectuer de telles opérations, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) recommande de mettre au point rapidement des protocoles post-quantiques et de déployer à court terme des solutions dites hybrides. Il s'agit d'ajouter une surcouche de protection post-quantique aux méthodes classiques. Enfin, le National Institute of Standards and Technology (NIST), l'institut américain de normalisation, a entrepris de définir la prochaine norme mondiale et a lancé un appel à projet qui a connu un grand succès. La France y est bien représentée, notamment dans les dernières phases de sélection qui se déroulent actuellement.
Voilà le compte rendu des échanges dans le cadre desquels des sujets parfois spéculatifs et parfois fort techniques ont été abordés. Les recommandations que nous pouvons tirer de ces discussions concernent aussi bien le porteur de la Stratégie nationale que les instances gouvernementales, nos collègues parlementaires et tout organisme concerné par le sujet.
La Stratégie nationale a bien identifié les enjeux des technologies quantiques et les axes sur lesquels les efforts doivent porter. Cette stratégie est associée à des moyens financiers substantiels qui rendent crédible l'atteinte des objectifs qu'elle s'est fixés. Une vigilance devra cependant être maintenue sur la formation et l'attractivité, notamment pour les acteurs de la recherche fondamentale.
Les recommandations de l'Office, dont certaines ont été émises directement par les parties prenantes, visent avant tout à renforcer le rôle de la France dans un domaine hautement stratégique et à faciliter la diffusion des technologies quantiques dans les usages présents ou futurs. Elles s'adressent tant aux pouvoirs publics qu'aux acteurs académiques et industriels concernés. L'imbrication des enjeux reste très forte parmi ces acteurs au stade actuel de développement de ces technologies. Ces recommandations s'articulent autour de trois objectifs.
Tout d'abord, il faut maintenir une veille scientifique et technologique sur ces technologies et les évolutions qui accompagneront leur développement. Ainsi, les capteurs quantiques sont encore largement financés par le monde de la défense. Il convient d'en développer les usages et les marchés civils, afin d'assurer la viabilité économique de ce secteur sur le long terme. De même, les algorithmes de cryptographie post-quantique actuellement étudiés reposent sur des hypothèses de fonctionnement et de performance d'un futur ordinateur quantique. Ces hypothèses doivent faire l'objet d'une veille rigoureuse, afin d'anticiper de potentielles failles ou difficultés en matière de sécurité.
Il faut aussi anticiper l'arrivée, même lointaine, des ordinateurs quantiques et leurs potentiels atouts. Cela passera par la maîtrise des processeurs quantiques - aux stades de la conception, du développement et de la fabrication -, qui est essentielle pour garantir la souveraineté française et européenne dans de nombreux domaines. Il faut donc conforter les efforts des acteurs impliqués dans ces activités. Cela assurera aussi un environnement propice à la communauté qui travaille sur la programmation et les développements de logiciels associés, et permettra de conserver un avantage dans les deux domaines, matériel et logiciel.
En outre, les centres de calcul à haute performance (High Performance Computing ou HPC) consomment de plus en plus d'énergie. Les processeurs quantiques actuels présentent un avantage en termes de consommation d'énergie mais restent imparfaits. À terme, lors d'un éventuel passage à l'échelle et de la mise au point d'une technologie de simulation quantique, il conviendra de prendre en compte de potentiels gains énergétiques dans les comparaisons de performance entre processeurs classiques et processeurs quantiques.
Un autre objectif consiste à favoriser la création d'écosystèmes vertueux et dynamiques - le mot important étant écosystème. L'écosystème scientifique et industriel des technologies quantiques ne peut croître que si des talents en nombre suffisant procurent à la fois à la recherche académique, aux start-up et aux grands groupes les forces vives dont ils ont besoin. Il est donc indispensable de faire émerger ces talents, par une politique de formation dynamique, appuyée sur des financements spécifiques.
Enfin, la sécurité d'une communication électronique repose à la fois sur la confidentialité des données échangées et sur l'authentification des intervenants connectés. Or, les communications quantiques, même si elles offrent intrinsèquement de fortes garanties en matière de confidentialité, n'ont pas encore d'avantage comparatif vis-à-vis des technologies classiques en matière d'authentification. Pour mettre au point des systèmes de communication offrant les meilleures garanties, il sera donc indispensable de faire travailler de concert les communautés de la cryptographie quantique et de la cryptographie post-quantique.
Voilà, mes chers collègues, les conclusions que je vous propose et que je soumets à votre discussion.
M. Stéphane Piednoir, sénateur. - J'ai assisté à cette audition du mois d'octobre dernier. La teneur des échanges est très bien restituée. L'importance - en fait, la nécessité absolue - de l'investissement dans les technologies quantiques a été évoquée. Pour faire émerger de jeunes talents il faut sans aucun doute donner une impulsion. L'une des recommandations du rapport porte sur le triplement de l'investissement dans la recherche, pour le porter à au moins un milliard d'euros. Du coup, faut-il privilégier un appel à projets spécifique au quantique ou financer les axes de recherche traditionnels ?
M. Cédric Villani, député, président de l'Office, rapporteur. - S'agissant d'un sujet qui reste foisonnant et émergent, il est important de ne pas se fermer de portes. Il faut mener de front des appels à projets ciblés et des développements dans le cadre d'actions plus intégrées. Le budget substantiel le permettra, à une nuance près : il s'agit ici de financements publics.
Nous bénéficions d'un écosystème dynamique de jeunes pousses. À titre personnel, j'ai été favorablement surpris lors de l'audition par le dynamisme affiché par cet écosystème. La grande inconnue reste l'intensité de la recherche effectuée au sein des grands groupes. Sans eux, le développement industriel ne pourra se faire. Se limiteront-ils au développement au stade préindustriel ou seront-ils prêts à jouer le jeu de la recherche fondamentale ? La question reste ouverte.
Un point mentionné dans l'exposé m'a beaucoup frappé : la façon dont certaines recherches ont des retombées dans d'autres secteurs. C'est particulièrement vrai pour les capteurs quantiques. Ils peuvent être intégrés à une stratégie d'informatique quantique, mais leurs applications vont déjà très au-delà de celle-ci.
Pour revenir aux appels à projets spécifiques, je rappelle qu'il existe déjà des actions spécifiques au niveau européen, notamment un flagship doté d'environ un milliard d'euros, un élément extrêmement conséquent.
En 2020, Atos a dépensé en recherche et développement 235 millions d'euros. Des sommes significatives ont été mises sur la table sur ce sujet. Comme le disent les recommandations, il faut trouver un bon équilibre pour la recherche et développement, sans se couper de l'amont, dans lequel la France a des atouts indéniables.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Thierry Breton avait annoncé, d'une façon peut-être un peu enthousiaste, qu'Atos maîtrisait les ordinateurs quantiques. Quelles sont les entreprises privées françaises qui s'impliquent fortement dans ce secteur ?
M. Cédric Villani, député, président de l'Office, rapporteur. - Atos est incontestablement l'un de ces acteurs, mais on voit ici toute l'ambiguïté d'une telle annonce. Certaines entreprises projettent de réaliser des systèmes qui, sans être basés sur la technologie quantique, simulent le fonctionnement d'un ordinateur quantique. D'autres évoquent des démonstrateurs mettant en jeu un certain nombre de qubits, qui ne sont opérationnels que pour certaines opérations spécifiques. Nombreux sont ceux qui cherchent à obtenir des effets d'annonce, dans un domaine comportant une bonne part de « hype » - pour employer un mot cher à nos amis anglo-saxons - et qui cherche à attirer les investissements.
Pour ce qui est des entreprises françaises, Atos est incontestablement en pointe sur le sujet, IBM France aussi, si l'on considère cette entreprise comme française ou seulement à moitié américaine. Les deux start-up représentées à l'audition, Quandela et Pasqal, présentes sur des segments assez différents, en pariant sur des technologies distinctes, ont fait très bonne impression. Thalès, également représenté, est visiblement très avancé sur les capteurs. Nous pourrions aussi parler d'Orange pour la communication. En Europe, Airbus est aussi en pointe sur ce volet. Il n'y a donc pas lieu de rougir de l'écosystème national, auquel il faudrait ajouter les groupes qui font de la veille sans s'impliquer directement sur le sujet.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - La DGA est-elle impliquée ?
M. Cédric Villani, député, président de l'Office, rapporteur. - La DGA finance déjà certains projets. Elle a identifié les technologies quantiques comme étant un sujet sensible, en particulier pour les capteurs, dans certains usages. Ainsi, un détecteur de variation du champ gravitationnel, permettant de déceler un objet par sa simple présence plutôt que par son bruit, sa température ou sa signature radar, pourrait être l'arme ultime en matière de détection. C'est un exemple parmi d'autres d'objets de haute précision susceptibles d'avoir un impact stratégique crucial en matière de défense.
L'ordinateur quantique reste aujourd'hui un rêve et il n'est même pas certain que nous puissions le voir de notre vivant. Mais les développements industriels et les applications qui viennent des recherches réalisées sur l'ordinateur quantique sont déjà là, par effet de sérendipité. Le simple fait qu'elles se situent au carrefour de l'informatique, de la cryptographie et des technologies quantiques apporte des retombées, même si l'on doit encore attendre avant d'avoir un ordinateur quantique opérationnel. J'ajoute que certaines grandes écoles, comme l'École normale supérieure de Paris-Saclay, ont intégré l'informatique quantique à leurs cursus. Ce domaine est donc appelé à s'installer dans le paysage de recherche français.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Merci pour ces précisions. Je propose que nous approuvions les conclusions de l'audition publique « Stratégie quantique de la France » du 21 octobre 2021.
L'Office adopte les conclusions de l'audition publique du 21 octobre 2021 et autorise la publication, sous forme de rapport, du compte rendu de l'audition et de ces conclusions.
Examen de la note scientifique sur les neurotechnologies (Patrick Hetzel, député, rapporteur)
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Nous allons maintenant écouter Patrick Hetzel, qui va présenter la note scientifique « Neurotechnologies : défis scientifiques et éthiques ».
M. Patrick Hetzel, député, rapporteur. - Cette note scientifique est la conclusion d'un travail passionnant, qui porte sur un sujet d'intérêt scientifique mais aussi politique. En effet, les neurotechnologies peuvent avoir un impact fort sur l'avenir de nos sociétés et sont un sujet de préoccupation, car leur développement s'accompagne de certains aspects négatifs.
Définissons d'abord les neurotechnologies. Il s'agit de technologies d'exploration ou de modulation du système nerveux, qui est un système biologique bien plus large que le seul cerveau. Ce dernier est la principale composante du système nerveux central alors que certains dispositifs neurotechnologiques sont connectés au système nerveux périphérique. Une note de référence présente de manière synthétique le fonctionnement du système nerveux central, ou névraxe, ainsi que celui du système nerveux périphérique.
Les neurotechnologies connaissent depuis quelques années un regain d'intérêt, notamment sous l'effet d'initiatives émanant tant des pouvoirs publics que d'entreprises privées, ainsi que des avancées permises par les progrès du numérique. Elles restent cependant tributaires de connaissances encore incomplètes sur le fonctionnement du cerveau et de ses 100 milliards de neurones et, plus globalement, sur le fonctionnement du système nerveux. Les neurosciences, dont les progrès sont en étroite interaction avec ceux des neurotechnologies, butent en effet sur la complexité du cerveau, qui demeure, de loin, l'organe humain le moins bien compris par la science, en dépit d'avancées réelles.
Différentes technologies permettent l'exploration de l'activité cérébrale. L'électroencéphalographie (EEG) est la plus utilisée, car non invasive et relativement peu coûteuse par rapport aux autres techniques. Elle mesure l'activité électrique du cerveau grâce à des électrodes placées sur le crâne. Elle sert depuis les années 1950 à diagnostiquer et suivre de très nombreuses pathologies. L'électrocorticogramme (ECoG) et l'EEG intracrânienne ou stéréotaxique (SEEG) en sont des variantes plus performantes, mais invasives. La magnétoencéphalographie (MEG) mesure de façon non invasive les champs magnétiques produits par l'activité électrique cérébrale.
Ces techniques, qui reposent sur l'analyse de l'activité électrique, délivrent des informations moins précises que celles qui sont fondées sur l'analyse de l'activité métabolique, comme l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui permet de visualiser les variations hémodynamiques et d'oxygénation du sang liées à l'activité neuronale. De même, la tomographie par émission de positons (PET) et la scintigraphie ou tomographie par émission monophotonique (SPECT ou TEMP) permettent d'étudier le métabolisme des cellules, grâce au suivi de la concentration et de la cinétique tissulaire de radiotraceurs.
Les technologies d'exploration, largement utilisées à des fins médicales, sont complétées par des technologies de modulation, utilisées encore plus exclusivement pour des soins médicaux.
La neuromodulation, ou neurostimulation, consiste à stimuler les circuits neuronaux à l'aide de courant électrique, de lumière, d'ultrasons ou de champs magnétiques. Les méthodes non-invasives, comme la stimulation transcrânienne, magnétique (TMS) ou électrique (tDCS), ont des effets qui restent débattus. Elles sont moins précises que la stimulation invasive implantée car le courant administré ou induit est peu ciblé. À l'inverse, la stimulation cérébrale profonde ou Deep Brain Stimulation (DBS) montre des résultats incontestables dans le cas de certaines pathologies, notamment la maladie de Parkinson. Elle consiste à implanter dans le cerveau, au niveau des noyaux sous-thalamiques, deux électrodes reliées à deux piles électriques placées dans la zone sous-claviculaire ou abdominale. Cependant, la corrosion et la formation de tissus autour des électrodes affaiblissent peu à peu le signal délivré.
Les techniques d'imagerie peuvent s'insérer dans des boucles de rétroaction, ou rétrocontrôle, entre le système nerveux et des ordinateurs, qui visent à utiliser les informations relatives à une fonction pour contrôler et modifier cette fonction, le plus souvent grâce à l'EEG - on parle de neurofeedback.
Proches mais souvent distinguées du neurofeedback, les interfaces cerveau-machine - ICM ou BCI selon l'acronyme anglais Brain-Computer Interfaces - ont enrichi le champ des neurotechnologies. Un exemple spectaculaire est celui des neuroprothèses, développées par des instituts spécialisés, en particulier ceux qui prennent en charge des blessés de guerre. On distingue les dispositifs unidirectionnels ou bidirectionnels, les dispositifs invasifs ou non invasifs. En dépit d'un bilan clinique nuancé, des résultats probants ont été obtenus en termes de communication, par exemple pour déplacer un curseur ou utiliser un système de clavier virtuel, ou encore pour les jeux vidéo.
Les ICM peuvent avoir des usages militaires ou intervenir pour la compensation du handicap. Les applications militaires concernent les exosquelettes et les prothèses, mais aussi l'analyse de l'activité cérébrale, par exemple pour déclencher une arme plus rapidement ou contrôler la vigilance des soldats.
Les neurotechnologies offrent aussi des solutions pour compenser certains handicaps sensoriels ou moteurs. Les neuroprothèses sensorielles se composent de capteurs, qui jouent le rôle d'organe sensoriel, et d'un processeur ; celui-ci génère des stimuli électriques qui vont transmettre l'information sensorielle au cerveau par des électrodes, lorsque l'organe ou la chaîne de transmission normale sont défaillants. Par exemple, lorsque le nerf optique est intact mais que les cellules photo-réceptrices ont subi une dégénérescence, ce qui est le cas dans les rétinopathies pigmentaires et les dégénérescences maculaires liées à l'âge (DMLA), des rétines artificielles peuvent restaurer une vision de base grâce à l'implantation d'une puce sur la rétine à partir de laquelle un courant électrique stimulera les cellules menant au nerf optique. De même, lorsque le nerf auditif est intact, un implant cochléaire peut, en seconde intention, redonner l'audition grâce à un microphone qui convertit les sons en signaux électriques appliqués à différents endroits dans la structure hélicoïdale de l'oreille interne.
Plusieurs technologies permettent également de compenser un handicap moteur, mais elles restent à ce stade limitées au laboratoire, la seule exception étant la rééducation post-AVC. Causées par une blessure à la moelle épinière qui empêche l'influx nerveux de circuler entre le cerveau et la partie du corps située sous la blessure, la paraplégie et la tétraplégie sont des paralysies qu'il est possible de surmonter en redonnant au patient le contrôle de ses membres, grâce à un dispositif développé à cet effet. La stimulation électrique fonctionnelle consiste à appliquer sur les nerfs contrôlant les muscles des stimuli électriques pour assister ou remplacer les contractions volontaires. Cependant l'implantation est une opération très longue, les actions sont lentes, les muscles se fatiguent vite et généralement, le patient a besoin de l'aide d'une personne ou d'un déambulateur. Les avancées restent donc insuffisantes.
Pour leur part, les neuroprothèses motrices lisent les informations générées dans le cerveau tendant à stimuler un muscle moteur, les interprètent et les transmettent à un exosquelette ou à un membre, artificiel ou non.
Enfin, les neuroprothèses bidirectionnelles se composent d'une prothèse motrice, de capteurs et de propriocepteurs. Ces derniers permettent d'envoyer vers le cerveau ou le contrôleur un retour d'information sur l'action effectuée par la prothèse. Ceci permet d'adapter la commande du mouvement, de retrouver le sens du toucher et de ressentir des signaux proches de la douleur.
Les neurotechnologies sont donc de plus en plus utilisées pour soigner et pour réparer les handicaps. C'est incontestable et cette direction mérite d'être mise en valeur.
Les neurotechnologies suscitent également l'intérêt grandissant du secteur privé, en particulier pour ce qui concerne les interfaces cerveau-machine. Ceci pose la question de leurs applications non médicales. Un nombre croissant d'entreprises privées investissent le champ des neurotechnologies en faisant le pari de l'hybridation du cerveau avec l'intelligence artificielle. Je rappelle à cet égard le rapport très intéressant que nos collègues Dominique Gillot et Claude de Ganay avaient réalisé sur ce sujet pour l'Office en 2017. La note que je vous présente prolonge en quelque sorte leur travail sur l'intelligence artificielle et montre les liens entre ces deux domaines scientifiques.
Les entreprises se positionnent surtout par rapport aux usages du neurofeedback et des interfaces cerveau-machine et, en dépit d'un cadre juridique restrictif, consentent parfois des investissements massifs dans la recherche - notamment aux États-Unis - en vue de développer des applications non médicales. Il s'agit par exemple de commercialiser des produits grand public, à l'efficacité souvent incertaine, qui permettraient de contrôler des interfaces numériques par la pensée - le cas d'usage principal étant le jeu vidéo. D'autres dispositifs promettent d'aider à la concentration, à la relaxation, au sommeil et plus généralement au bien-être. Certains de ces produits grand public mobilisent parfois une communication parlant d'amélioration des performances cognitives et sportives.
On peut aussi chercher à détecter la perte d'attention en voiture, en classe ou au travail. Selon plusieurs experts que nous avons auditionnés, il semblerait qu'en Chine des expériences soient menées pour surveiller les ondes cérébrales des élèves en classe ou des ouvriers dans des usines, grâce à ces interfaces cerveau-machine, de manière à lutter contre les états émotionnels qui seraient défavorables à la concentration. On voit bien quel glissement est possible...
Quels sont les défis posés à la recherche aujourd'hui ? L'essor des neurotechnologies est porté par de grands projets de recherche, publics ou privés. Les efforts se concentrent sur l'extension à d'autres pathologies des usages des neurotechnologies déjà connus ainsi que sur l'amélioration de leur précision, tant pour l'exploration cérébrale que pour la stimulation cérébrale.
Je souhaite attirer l'attention sur les limites des neurotechnologies : leur efficacité est évidemment inégale et elles peuvent s'accompagner d'effets secondaires. L'implantation d'électrodes dans le cerveau peut causer des infections, des hémorragies ou des dysfonctionnements cérébraux. Il faut donc mettre en balance les bénéfices et les risques. Les stimulations peuvent également provoquer des crises d'épilepsie, voire modifier les capacités de plasticité du cerveau et aller jusqu'à interférer avec les pensées, les émotions et même le libre arbitre de l'individu. Tout cela pose d'importants problèmes éthiques. C'est pourquoi j'ai souhaité mettre l'accent sur les développements les plus récents en la matière dans une partie de la note. Il existe en effet un risque de dérives dans l'utilisation des neurotechnologies. Aujourd'hui, des appareils à bas coûts destinés aux particuliers sont mis sur le marché et peuvent être de mauvaise qualité, inefficaces, ou même dangereux.
Une mobilisation internationale s'est mise en place récemment pour répondre aux défis éthiques posés par ces technologies. La Convention d'Oviedo de 1997 sur les Droits de l'Homme et la biomédecine s'est révélée insuffisante, bien qu'il s'agisse du premier instrument juridique international contraignant visant à garantir le droit de l'être humain à être protégé contre toute application abusive des progrès biologiques et médicaux. C'est la raison pour laquelle l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a, en décembre 2019, publié un document énumérant neuf principes pour encadrer l'innovation en matière de neurotechnologies et recommandé que ces principes soient déclinés dans chaque État membre. Le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation m'a indiqué que la France travaille à une charte nationale pour un développement responsable et éthique des neurotechnologies.
Certaines initiatives vont plus loin que les droits habituels des patients au nombre desquels il faut évidemment citer la dignité et l'intégrité du corps humain, le principe du consentement éclairé, le droit à l'information, la protection des données personnelles, la fiabilité, la sûreté et la sécurité des dispositifs, la protection contre les usages abusifs ou malveillants. Elles portent sur la protection de la personnalité et le respect du libre arbitre.
Un rapport publié en 2022 par le Comité international de bioéthique (CIB) de l'UNESCO appelle à créer un nouvel ensemble de droits, qui seraient appelés neurodroits, protégeant l'intimité mentale et le libre arbitre et qui iraient en fait plus loin que la protection traditionnelle des droits de l'Homme.
J'ai pris connaissance des évolutions très intéressantes intervenues récemment au Chili. Le parlement chilien a adopté en octobre 2021 un projet de loi qui protège les droits du cerveau des citoyens. Cette loi vise à garantir le respect des neurodroits, comprenant les droits à l'identité personnelle, au libre arbitre et à l'intimité mentale. Il existe donc aujourd'hui un pays dans lequel cette question a reçu un traitement législatif.
J'en viens aux propositions que je soumets à l'Office. Il convient tout d'abord de renforcer la coordination de la recherche française en matière de neurotechnologies, qui est aujourd'hui trop morcelée en petites équipes avec peu de financements. Ce constat était partagé par tous mes interlocuteurs et nous pouvons aujourd'hui, grâce à eux, avoir une idée plus précise des actions pratiques à mener.
Il faudrait notamment favoriser l'émergence d'un écosystème de recherche français autour d'un consortium, sur le modèle du Braingate aux États-Unis, voire mettre en place un réseau national de recherche en neurotechnologies fédérant les acteurs concernés : instituts de recherche, hôpitaux, recherche militaire ou encore industrie. Dans les secteurs où les neurotechnologies sont appelées à tenir une place importante, comme le transport et l'automobile, nos industriels développent d'ores et déjà des solutions. La France dispose de réels atouts et se trouve souvent à la pointe de la recherche mondiale, en particulier pour la recherche clinique avec la stimulation cérébrale profonde, les implants cochléaires, les rétines artificielles, les neuroprothèses, l'optogénétique, etc. Cet effort devrait être complété par l'émergence d'un pôle d'excellence en neurotechnologies à Paris-Saclay, où se trouvent déjà des partenaires potentiels du meilleur niveau qui soit en matière de neurosciences - je pense notamment à NeuroSpin et NeuroPSI - et où il est possible de bénéficier de la présence d'écoles d'ingénieurs réputées.
S'agissant du volet éthique, la note formule trois recommandations. Tout d'abord, poursuivre le travail engagé il y a quelques mois pour transposer au niveau national la recommandation de l'OCDE. Ensuite, définir un cadre législatif protecteur, proche de celui adopté au Chili, en mettant l'accent sur la sécurité des dispositifs, le respect du droit à l'intégrité de son corps et du droit à la vie privée, la protection des données personnelles ; il conviendrait cependant d'écarter la notion un peu floue de libre arbitre ; cette transposition pourrait prendre la forme d'un nouveau volet de la loi de bioéthique, ou bien d'un texte spécifique. Enfin, il faudra trouver un juste équilibre entre la nécessaire protection des droits individuels et la possibilité pour les laboratoires de continuer leurs travaux de recherche et développement ; le cadre juridique ne doit pas conduire à décourager la recherche et réduire notre compétitivité.
Même si le projet transhumaniste relève encore largement de la science-fiction à ce stade, nous devons rester vigilants face à la tentation - j'emploie enfin le terme - de l'homme augmenté. Les neurotechnologies doivent, d'abord et avant tout, servir à guérir et à réparer. Au-delà de cette limite doivent se situer vigilance et garde-fous.
M. Cédric Villani, député, président de l'Office. - J'adresse mes félicitations au rapporteur pour son travail sur un thème qui est fascinant, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Dans le bon sens, car on pourrait demain grâce aux neurotechnologies soigner des surdités, des paralysies et d'autres affections graves. Dans le mauvais sens, car il ne s'agit rien de moins que d'ouvrir la voie au contrôle de la pensée. Nous sommes ici à un carrefour éthique, avec la possibilité d'un monde dystopique tel que peut le mettre en scène la science-fiction.
La qualité de votre travail se voit à la quarantaine d'auditions menées, mais aussi à la richesse des notes de référence, aux schémas explicatifs et à la continuité avec les précédents travaux de l'Office - je pense notamment au rapport d'Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte en 2012.
Il me semble qu'il faudrait davantage insister sur le côté traumatisant et déshumanisant de la pratique des électrochocs, à mi-chemin entre thérapie et barbarie - c'est ce qui m'est clairement apparu à la lecture de la biographie du grand mathématicien John Nash. Trouvons une formulation adaptée pour ne pas laisser entendre que nous cautionnons cette pratique. J'apprécie aussi votre rappel sur le fait que les femmes étaient plus souvent soumises aux électrochocs que les hommes ; c'est révélateur des dispositions d'esprit de l'époque.
S'agissant de la surveillance de la concentration des élèves ou des travailleurs, je me souviens qu'en France, une start-up proposait d'analyser le mouvement des yeux des enfants, sans aller cependant aussi loin que ce que vous avez évoqué. Savez-vous si cet usage des neurotechnologies est très développé ? Les parlementaires, qui sont des personnages publics très observés, pourraient presque oublier que la surveillance permanente n'est pas quelque chose de normal. Les neurotechnologies doivent permettre aux gens de s'améliorer, et non ouvrir la voie à Big Brother.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Ma première question porte sur votre proposition de forger des partenariats d'excellence sur le pôle de Paris-Saclay. Ce serait très bien, mais cela donne aussi l'impression d'un système très centralisé. Avez-vous identifié des partenariats possibles au-delà de la région parisienne ? Avec les centres hospitalo-universitaires par exemple ?
Vous appelez à un cadre juridique qui ne décourage pas la recherche et n'affecte pas notre compétitivité, tout en soulignant que le projet transhumaniste relève, du moins pour l'instant, de la science-fiction. Il y aurait ainsi des choses que l'on peut faire et d'autres que l'on ne peut pas faire. Ma seconde question porte donc sur les moyens concrets de progresser dans l'atteinte de cet équilibre. Peut-être faudrait-il se tourner vers les commissions permanentes compétentes sur chacun des sujets. Je pense notamment, pour le Sénat, à la commission des affaires sociales, pour ce qui est des dispositifs visant à améliorer la santé, ou à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les usages militaires - lesquels sont peu évoqués dans la note.
M. Patrick Hetzel, député, rapporteur. - Pour compléter la remarque du président Cédric Villani, je précise que la quarantaine d'auditions que j'ai conduites ont réuni près d'une soixantaine de personnes, certaines auditions s'étant déroulées sous forme de tables rondes.
Il faut savoir que les électrochocs sont encore pratiqués, ce qui peut soulever des interrogations. Je ne cherche pas à cautionner, mais j'ai constaté que c'était encore la pratique et le terme « traumatisant » est assez évocateur.
La dimension éthique est très présente et c'est pourquoi j'ai intitulé la note « Défis scientifiques et éthiques ». La science fait des progrès extraordinaires. Je suis frappé de voir les évolutions médicales des dernières années, qui permettent d'améliorer sensiblement les conditions de vie de nos concitoyens, qu'ils aient été blessés par un accident de la vie ou qu'ils soient malades. Là où il y a glissement et où ça peut devenir inquiétant, c'est quand les entreprises ont un business model qui ne s'embarrasse pas des questions éthiques. À ce stade, les experts ne s'inquiètent pas de la dangerosité des produits mis sur le marché, mais c'est un risque qui demeure pour les produits à venir.
Les travaux de l'OCDE sont une bonne chose mais tous les pays ne sont pas membres de l'OCDE.
Ce sont plusieurs intervenants qui m'ont parlé de travaux menés sur des populations ouvrières ou des élèves. Au Japon, il y a la tentation d'introduire un système permettant de repérer le degré d'attention des élèves et d'établir un rapport quotidien à destination des parents. Basculer dans ce genre de démarche est risqué. S'il s'agit d'améliorer la santé, il ne faut pas hésiter à pousser les feux et à promouvoir les neurotechnologies, mais s'il s'agit de tendre vers une société de la surveillance, n'y allons pas.
Je n'ai pas eu d'informations très précises sur les applications militaires car il est difficile d'avoir accès aux projets de recherche pilotés par la DGA. En France, aucune technologie invasive n'est disponible, sauf quelques applications médicales très précises et très encadrées. On travaille plutôt sur l'exosquelette, par exemple, mais les questions d'éthique se posent aussi sur ces technologies. Un travail plus approfondi sur le volet strictement éthique pourrait être mené.
La plupart des pôles d'excellence sont effectivement situés en région parisienne, et ils pourraient travailler plus en commun. Certains travaux très intéressants, dont la qualité est reconnue au plan international, sont conduits à Rennes en collaboration avec l'Inria. Une mise en réseau des acteurs concernés serait bénéfique.
Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Cette note est très enrichissante et instructive. Je suis sensible à la notion de neurodroits, qu'il faut effectivement protéger. Avec ce qui se passe en Chine, avec la mondialisation, on peut s'attendre à être surveillés nous aussi. Il faudra probablement s'emparer du sujet afin de définir un cadre législatif protecteur.
M. Patrick Hetzel, député, rapporteur. - Je vous remercie et j'en profite pour signaler que la note de référence n° 8 donne certains détails sur les actions militaires et sur l'avis du comité d'éthique de la défense. Lorsque de nouvelles technologies apparaissent, les questions éthiques se posent différemment en fonction des applications. Certains pays n'ont pas la même vision de la protection de l'individu.
Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice. - Bravo pour ce travail bien structuré, très précis et très fouillé. Toutes les dimensions y sont traitées, y compris la bioéthique. Je travaille sur l'innovation en santé et j'ai auditionné récemment France Biotech, qui regroupe des starts-up en biotechnologies. Mes interlocuteurs ont souligné l'importance des réseaux qui fonctionnent ensemble, comme le fait une récente étude du Center for Strategic and International Studies (CSIS). J'essaie actuellement de faire avancer les conditions de financement des start-up avec une proposition de loi rédigée avec Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat. Il faut espérer que l'on pourra davantage les soutenir.
M. Patrick Hetzel, député, rapporteur. - Effectivement les réseaux d'acteurs produisent des résultats. Je prends l'exemple de celui qui s'est organisé à Grenoble : le travail autour du CEA, en liaison avec le CHU de Grenoble, l'université et l'Inserm a abouti à la création de Clinatec et à la stimulation cérébrale profonde. Les représentants de France Biotech ont également vanté la mise en réseau lorsque je les ai auditionnés.
M. Bruno Sido, sénateur. - Je souscris tout à fait aux précédents commentaires.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Au vu des échanges qui viennent d'avoir lieu, je propose à l'Office d'adopter la note présentée par notre rapporteur.
L'Office adopte la note scientifique « Les neurotechnologies : défis scientifiques et éthiques ».
La réunion est close à 10 h 30.