Jeudi 20 janvier 2022
- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -
Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports
M. Stéphane Piednoir, président. - Nous poursuivons aujourd'hui nos auditions sur les problématiques éducatives : ce volet de notre réflexion est très important, car l'école joue un rôle crucial dans la formation des futurs citoyens, à qui nous demandons de contribuer à la vie de notre société.
Je remercie donc, en notre nom à tous, M. Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale, de s'être rendu disponible ce matin.
Je rappelle que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit, qui sera annexé à notre rapport, et que sa captation vidéo permet de la suivre en ce moment même sur le site Internet du Sénat ainsi que sur Twitter ; cet enregistrement sera disponible, par la suite, en vidéo à la demande.
Je précise également que ce cycle d'auditions sur les aspects éducatifs de la formation des futurs citoyens nous a permis jusqu'à présent d'entendre Jean-Pierre Obin, auteur d'un rapport sur la formation des enseignants aux valeurs de la République, ainsi que Nathalie Mons, responsable du Centre national d'études des systèmes scolaires (Cnesco). D'autres échanges sont prévus avec la présidente du Conseil supérieur des programmes, le directeur général du Réseau Canopé ainsi que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Avant que je vous donne la parole, Henri Cabanel, rapporteur, va vous poser quelques questions pour situer les attentes de cette mission d'information.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je vous remercie également d'avoir répondu favorablement à notre invitation.
J'ai de nombreuses questions. Une première série concerne l'enseignement moral et civique (EMC), sujet crucial pour cette mission d'information.
Monsieur le directeur général, pouvez-vous retracer les différentes étapes du parcours citoyen, de l'école maternelle au lycée ? S'agissant de l'EMC, nous avons besoin de savoir comment les enseignants y sont formés, comment est évalué cet enseignement, qui se limite en principe à une demi-heure par semaine dans le secondaire, et quelles disciplines en sont le support.
Par ailleurs, quel est le calendrier de mise en oeuvre des recommandations du rapport Obin sur la formation des enseignants aux valeurs de la République ?
D'après le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2021 sur l'éducation à la citoyenneté, les outils pédagogiques destinés à l'EMC sont très nombreux, mais peu utilisés. La Cour souligne la complexité de l'accès à ces outils « du fait de la multiplication des sites et du manque d'accompagnement des enseignants ». Que pensez-vous de ce constat ? Quelles mesures le ministère envisage-t-il de prendre pour mieux accompagner les enseignants dans leur préparation pédagogique ?
Enfin, comment l'EMC s'articule-t-il avec l'ensemble des séances de formation prévues par le code de l'éducation, par exemple l'égalité hommes-femmes ou encore l'information sur les dons d'organe et du sang ?
Ma seconde série de questions concerne les possibilités d'engagement proposées aux élèves dans le cadre de l'institution scolaire. Pouvez-vous nous présenter les instances de participation des élèves à la vie des établissements et les différentes possibilités offertes aux élèves pour découvrir l'engagement citoyen ?
Comment est valorisé l'engagement des jeunes dans leur scolarité ? Jugez-vous envisageable, voire souhaitable, de valoriser l'engagement citoyen dans le cadre scolaire, par exemple dans le cadre du baccalauréat, sur le modèle des points attribués aux sportifs de haut niveau ?
Enfin, pouvez-vous présenter la réserve citoyenne de l'éducation nationale, en précisant son rôle, le nombre de réservistes et le recours qui en est fait par les établissements ?
M. Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. - Votre premier ensemble de questions porte sur la formation des élèves tout au long de leur cursus scolaire. Au risque d'enfoncer une porte ouverte, former de futurs citoyens signifie former des individus libres, éclairés, capables de comprendre le monde qui les entoure et d'exercer les mêmes droits et devoirs, et conscients d'une destinée partagée. On retrouve le triptyque « liberté, égalité, fraternité », qui fonde notre contrat social.
Ce sont ces qualités de citoyen que l'école s'évertue à construire sur l'ensemble de la scolarité. Dès l'école élémentaire, les principes « lire, écrire, compter, respecter autrui », souvent rappelés par le ministre de l'éducation nationale, sont centraux. Le respect d'autrui est d'ailleurs présent dès l'école élémentaire. La découverte des institutions, des symboles et des valeurs de la République est le début du continuum qu'est le parcours citoyen. Les règles de vie de classe sont l'embryon de la vie sociale. S'y ajoutent des enseignements et des projets pédagogiques sur ce que sont la citoyenneté et les institutions qui la font vivre, comme le Parlement ou les élections. Comme toujours en matière pédagogique, d'un côté on explique, et de l'autre côté, l'élève peut vivre concrètement la citoyenneté, avec l'élection de délégués de classe ou d'écodélégués, avec un processus électoral.
Tout cela se concrétise dans le parcours de l'élève et dans sa notation. L'EMC est identifié en tant que tel à partir du cycle 3 et du cycle 4, et complété par un enseignement aux médias et à l'information (EMI). L'EMC vise à développer la connaissance des valeurs de la République, la culture citoyenne, les droits et devoirs, et l'EMI à comprendre l'information, à apprendre à identifier ses sources, à confronter les regards et à développer sa capacité d'analyse face à une information plus éclatée et abondante que jamais. Ces matières, qui sont parallèles, apparaissent dans le bulletin et font l'objet d'une notation spécifique. On les retrouve au brevet, et le poids de l'EMC, qui fait l'objet de dix-huit heures annuelles au lycée général et technologique, a été renforcé au baccalauréat. En effet, auparavant, il ne comptait qu'au titre du contrôle continu, soit 1 % de la note totale. Désormais, il fait l'objet de coefficients spécifiques et compte pour 2 %. C'est l'équivalent d'une option.
On trouve dans l'enseignement professionnel d'autres modalités d'évaluation de l'EMC, notamment le contrôle en cours de formation (CCF).
On a donc un chaînage complet, de l'enfance au lycée, sanctionné au moment du brevet et du baccalauréat ou du certificat d'aptitude professionnelle.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Vous parlez d'évaluation au collège et au lycée : une évaluation au primaire, par exemple en fin de parcours, est-elle envisageable ?
M. Édouard Geffray. - Au primaire, les élèves reçoivent un livret de compétences prenant notamment en compte le respect des autres et les capacités d'interaction, sans faire l'objet d'une évaluation aussi formelle qu'une interrogation écrite au collège ou au lycée. Certaines compétences sont ainsi identifiées de manière autonome dans les bulletins et sont évaluées par le professeur.
L'EMC est à 90 % pris en charge, dans le secondaire, par les professeurs d'histoire-géographie, historiquement importants pourvoyeurs en la matière, tandis que l'EMI est souvent assuré par des professeurs documentalistes.
L'EMC trouve aussi à s'exprimer hors des cours, notamment par des concours et événements stimulant l'engagement des élèves, comme des projets pédagogiques et des visites de lieux de mémoires ou d'institutions. Cela participe de l'appropriation d'une histoire, qui est une condition de la conscience civique.
Pour aborder la partie concernant les professeurs, il y a la formation à l'EMC proprement dite, et celle aux valeurs de la République, qui connaît un nouvel élan, comme vous l'avez vu avec l'audition de M. Obin.
Je commence par cette dernière. Par construction, le professeur est l'un des premiers visages de la République pour un enfant, et c'est sa mission et sa noblesse d'en incarner les valeurs. Il y a donc un plan de formation, initiale et continue. Pour la formation initiale, tous les masters métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) comporteront un module minimal de trente-six heures consacré aux principes et aux valeurs de la République. Cette formation trouve un écho dans les modalités de recrutement des professeurs : à compter des concours pour l'année 2022, l'une des épreuves orales d'admission consistera en un entretien destiné notamment à apprécier la capacité du candidat à s'approprier et à partager les valeurs de la République et les exigences du service public.
Pour la formation continue, un plan, dit « plan de formation des mille », a été créé. Plus de 1 000 formateurs sont concernés, à raison de dix jours de formation. Ils en ont déjà suivi quatre depuis septembre, puis en suivront deux par semestre jusqu'en janvier 2023. Parmi eux, une centaine, sur la base du volontariat, suivra une formation sanctionnée par un diplôme universitaire consacré aux valeurs de la République, notamment à la laïcité, à hauteur de 120 à 150 heures de formation. Les frais d'inscription sont à la charge de l'Éducation nationale. Les universités de La Sorbonne et de Cergy, en particulier, le dispensent.
L'enseignement est solide et bénéficie de la contribution de personnalités reconnues, comme Dominique Schnapper, qui préside le Conseil des sages de la laïcité.
Ces 1 000 formateurs devront former l'intégralité de leurs 1 100 000 collègues, de toutes catégories, au cours des quatre prochaines années, et dans la mesure du possible de manière inter-catégorielle. Cette formation a débuté en décembre. Entre 250 000 et 280 000 personnes devront être formées chaque année, soit 1 700 000 journées stagiaire, à raison de 1,5 journée par personne, sur quatre ans.
Cela se fait sans préjudice de la formation - initiale et continue - à l'EMC de nos professeurs. Des formations continues sont aussi proposées dans le cadre des plans académiques de formation aux professeurs sur les thématiques EMC. La question est de savoir jusqu'où s'étend l'EMC. J'ai une conception large de l'EMC et ai tendance à considérer que les formations relatives à la lutte contre toutes les discriminations, contre la haine anti-LGBT ou pour la défense des principes de la République, font partie des compétences que le professeur peut utilement convoquer dans le cadre de l'EMC.
J'en viens à votre question sur les outils et les ressources documentaires. La Cour des comptes dénonce, à juste titre, une abondance. La première raison à cela est incrémentale : les équipes créent des ressources qui s'ajoutent à celles qui existaient déjà, d'où un foisonnement.
Certaines ont été produites à destination des professeurs et viennent actualiser le corpus sur les valeurs républicaines. Certaines publications, peu nombreuses mais denses, sont ainsi à disposition : c'est le cas du vade-mecum sur la laïcité à l'école, créé en 2018 et régulièrement mis à jour, et du guide républicain, publié à la fin du mois d'août 2021 et distribué dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires. Existe aussi un parcours d'autoformation.
Pour les ressources pédagogiques, nous visons à rationaliser les ressources sur Éduscol, qui est l'espace ressources des professeurs, avec deux ou trois millions de visiteurs uniques par mois. Nous avons récemment refondu et structuré ce site pour faciliter les recherches des professeurs.
Ensuite, s'agissant des principes et valeurs de la République, nous avons demandé au Réseau Canopé de restructurer son site. Le nouveau site devrait être livré d'ici à mars. L'idée est que toutes les ressources puissent être trouvées au même endroit et de façon facilitée.
Le troisième outil consiste en des vade-mecum pédagogiques, qui dressent un état des lieux de ce qui se fait de mieux en matière de recherche et de pratiques sur le sujet. Un vade-mecum sur l'EMI est en cours d'élaboration et sera publié prochainement.
Vous m'avez aussi interrogé sur l'engagement. Sa première dimension est celle d'une valeur qui caractérise la jeunesse contemporaine : les jeunes ont soif d'engagement, indépendamment de notre volonté de le valoriser. Par exemple, durant le confinement, des dizaines de milliers de jeunes se sont engagés au service de leurs aînés. Autre exemple, en matière d'environnement, nous avions lancé les écodélégués, sur proposition du Conseil national de la vie lycéenne (CNVL) : cela concerne 250 000 jeunes. Par ailleurs, 500 000 jeunes sont délégués de classe dans les collègues et lycées. Cet engagement est aussi structuré : les collégiens et lycéens sont ainsi représentés dans les conseils de vie collégienne et les conseils de vie lycéenne, mais aussi au CNVL, qui porte la voix des lycéens et que le ministre a vu hier soir.
On observe aussi d'autres formes d'engagement, comme les ambassadeurs. S'agissant de la lutte contre le harcèlement, l'Éducation nationale les forme dans le cadre du programme de lutte contre le harcèlement à l'école (pHARe) : tous les collèges y participeront d'ici à la fin de l'année. Ces ambassadeurs étaient 23 000 en novembre 2021, contre 10 000 en 2020.
On trouve enfin des dispositifs comme les cadets de la République, ceux de la sécurité civile ou encore les classes de défense et de sécurité globales.
Les jeunes prennent du temps pour découvrir des institutions et s'engager au service des autres.
Comment cet engagement est-il reconnu ? Tout d'abord, il apparaît dans le bulletin scolaire et, au brevet, dans le « parcours citoyen », qui est l'un des quatre choix possibles pour l'oral. Il figure aussi dans le livret scolaire du lycée et trouve donc une traduction dans Parcoursup.
Il y a encore d'autres types d'engagements, tels les chorales - entre un tiers et la moitié des collèges sont concernés -, les sports ou encore le journal du lycée. Les élèves peuvent les faire valoir dans Parcoursup, mais aussi en vue de leur insertion professionnelle. L'engagement permet de se préparer à cette dernière, et sa reconnaissance par l'institution est un avantage supplémentaire.
Votre dernière question portait sur la réserve citoyenne, créée en 2015, qui permet à toute personne d'apporter gratuitement son concours à l'Éducation nationale autour de thématiques comme les valeurs de la République, l'éducation aux réseaux sociaux, la lutte contre le harcèlement, etc. Elle compte 6 670 réservistes, dont 30 % de retraités et 70 % d'actifs. Ces réservistes interviennent dans les établissements sous le contrôle de ceux-ci. En 2020-2021, la pandémie a eu pour effet de mettre un frein à ces interventions, mais le rythme habituel est de 500 à 600 interventions par an dans les écoles et dans les collèges, sachant que certaines peuvent mobiliser plusieurs réservistes en même temps.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Vous estimez à 500 000 le nombre de jeunes engagés comme délégués de classe, ambassadeurs ou encore cadets de la République, mais ne s'agit-il pas toujours des mêmes élèves ?
Pensez-vous que l'attribution de points supplémentaires pour le brevet ou pour le bac aiderait à valoriser l'engagement ?
M. Édouard Geffray. - Je ne crois pas qu'il s'agisse toujours des mêmes élèves, car si certains s'engagent effectivement sur tous les fronts, nous avons prévu que certains postes ne pouvaient pas être cumulés, par exemple ceux de délégué de classe et d'écodélégué. Ensuite, la classe entière est parfois engagée, comme dans le cas des classes de défense ou des cadets de la sécurité civile. Il me semble que, entre les différentes possibilités, chacun peut trouver un engagement qui lui correspond.
Jusqu'à présent, l'engagement n'a pas été valorisé dans le passage de diplômes comme le sont les matières optionnelles. Il me semble - et c'est une opinion personnelle qui n'engage pas le ministère - que c'est pour éviter que l'école adresse aux jeunes une injonction à s'engager, à un âge où ils se cherchent. Je n'ai pas d'avis tranché, mais je serais prudent en la matière. Les modalités d'insertion dans la vie sociale sont très diverses et notre rôle est d'aider les élèves à trouver un champ d'expression qui corresponde à leur engagement, lequel peut évoluer dans le temps - on le voit quand des élèves longtemps réticents s'engagent durablement. Il n'y a pas de règle en la matière.
M. Hervé Gillé. - Comment l'EMC est-il évalué, par quelle méthode et avec quels outils ? Quelles ont été les évolutions notables ces dernières années ?
Les projets d'établissement paraissent très hétérogènes en la matière : pourquoi existe-t-il une telle diversité ? Faut-il renforcer les outils pour aider ces projets et réduire les écarts entre établissements ?
Enfin, comment l'environnement de l'école est-il pris en compte et associé à cet enseignement ? Je pense en particulier à l'éducation populaire, au tissu associatif et aux citoyens en général.
Mme Laurence Muller-Bronn. - J'aimerais revenir sur l'idée de récompenser l'EMC par des points au bac ou au brevet.
En Alsace, comme dans d'autres régions, nous avons mis en place l'option langue et culture régionales dès le collège. Elle rapporte des points, ce qui est une motivation très importante pour les élèves.
Je suis convaincue que pour faire accepter des matières en apparence peu attirantes, comme peut l'être l'EMC, il faut une récompense à la clé : c'est le pendant des heures supplémentaires que l'on accepte de consacrer à cet enseignement.
Ensuite, au-delà des chiffres, il faut savoir comment les choses se passent sur le terrain. L'engagement dépend aussi des équipes pédagogiques, de leur renouvellement, et les élèves qui s'engagent sont le plus souvent de bons élèves, bien informés et venant d'un milieu social engagé. La possibilité de gagner des points au diplôme ne serait-elle pas un levier pour élargir la participation à l'EMC ?
M. Édouard Geffray. - L'évaluation de l'EMC varie avec l'âge. Elle comprend un volet de connaissances et un volet de capacités réflexives, où nous encourageons un travail souvent réalisé en groupe, qui permet à chacun de réfléchir à son comportement, à sa place dans le groupe. L'évaluation de l'EMC articule ainsi connaissances et pratiques pédagogiques. Nous avons des ressources et des modèles à destination des professeurs, car nous ne sommes pas dans de la connaissance strictement académique.
Les projets d'établissement sont effectivement divers. La loi nous a cependant fait évoluer récemment, avec l'élargissement du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) : vous avez décidé d'y inclure l'environnement. Nous y travaillons concrètement - à cette heure, le Conseil supérieur de l'éducation examine le projet de décret d'application. Cette initiative du législateur stimule la mobilisation au sein de ces comités, qui vont apporter leur pierre aux projets d'établissement. Les CESC vont être redynamisés dans les mois à venir.
Je ne l'ai pas encore souligné, mais le domaine dont nous parlons implique l'intervention de tiers et l'ouverture de l'école sur son environnement. Les initiatives sont très nombreuses, par exemple la semaine de la presse et des médias, au cours de laquelle quelque 400 000 collégiens de 4e et 3e rencontrent des journalistes. Il existe plusieurs modalités d'intervention dans les écoles, avec des agréments d'échelle nationale ou d'académie. Des partenariats forts sont établis de longue date. En réalité, nous prenons en compte les différents temps de l'enfant, au-delà du seul temps scolaire. Nous travaillons sur le continuum pour faire comprendre à l'enfant que les règles scolaires s'inscrivent dans un ensemble plus large, celui des règles de la vie en société.
Enfin, l'engagement dont nous parlons ici est difficile à valoriser comme une matière scolaire, avec une note, parce qu'il est difficile à quantifier. Les formes d'engagement sont diverses et peu quantifiables. C'est ce qui rend difficile la comparaison avec les options, par exemple celle de langue et culture régionales, que l'on peut plus facilement évaluer dans un contrôle de connaissances.
M. Stéphane Piednoir, président. - Je vous rejoins sur le fait que tout n'est pas quantifiable dans l'engagement. Cependant, ce que l'on reproche souvent à l'EMC, c'est d'échapper à toute évaluation, alors qu'il y a des connaissances à évaluer en la matière, et des enseignements à conduire autrement qu'en les saupoudrant dans le cours d'histoire-géographie - et encore, uniquement lorsque le programme d'histoire-géographie est terminé. Ne peut-on pas être un peu plus exigeant sur les connaissances mêmes, et dire qu'un jeune de 18 ans devrait avoir une idée de nos institutions, de ce qu'est, par exemple, le Parlement ? J'interviens dans une classe préparatoire et je suis surpris de voir que les jeunes à qui je m'adresse ne connaissent que très peu tout cela.
Vous dites que l'EMC est bien identifié. Je n'en suis pas si sûr : il me semble que l'enseignement en est plutôt diffus. Ne peut-on pas « durcir » cet enseignement, en évaluant des connaissances plus précises ?
Entre les différentes instances de représentation des élèves, organisées elles-mêmes en différentes strates géographiques, ne pensez-vous pas que l'on en arrive à un « millefeuille » bien trop épais et peu mobilisateur ? En multipliant les instances, je ne suis pas certain que l'on accroisse l'appétence des élèves à s'engager...
Et pour avoir connu la solitude du professeur qui sollicite ses élèves pour qu'ils se portent candidats à telle instance ou même au poste de délégué de classe, je me demande si l'on ne doit pas réfléchir au sens même de l'engagement que l'on propose aux élèves. Ne faut-il pas donner un rôle plus important aux délégués de classe au sein des conseils de classe ? On leur demande, au mieux, d'être les secrétaires de séance, chargés de dire aux autres élèves ce qui s'est passé lors du conseil : ne doit-on pas donner une impulsion pour que cet engagement ait des conséquences sur la vie scolaire ?
Enfin, vous indiquez que la capacité à maîtriser et à diffuser les valeurs de la République compte désormais dans l'épreuve orale du concours de recrutement des enseignants : quel est son poids ?
M. Édouard Geffray. - Je partage l'idée que l'évaluation de l'EMC puisse passer par la connaissance de nos institutions, du principe de la séparation des pouvoirs, des élections et de ce qui compose la citoyenneté politique. La difficulté, c'est que l'évaluation de ces connaissances dans des examens nationaux implique une préparation précise à cette évaluation. Actuellement, l'EMC peut compter 50 points dans le brevet, et les collégiens qui optent pour le parcours citoyen peuvent gagner jusqu'à 150 points au brevet. Cependant, nous n'en avons pas fait une option, avec un enseignement propre et un coefficient, car l'idée reste que l'EMC doit concerner tous les élèves. Doit-on « durcir » la partie connaissances ? Je note votre proposition.
Le service national universel (SNU) est aussi l'occasion de rappeler les bases de l'EMC, parce que les jeunes ont alors une attention différente de celle qu'ils ont en classe et le cadre est différent - c'est un moment important aussi pour la vérification des connaissances.
Enfin, je ne crois pas que les instances de représentation des élèves soient trop nombreuses ni que leurs différentes strates se recoupent. J'ai constaté leur grande utilité pendant la crise sanitaire : heureusement qu'elles étaient là pour dialoguer avec les élèves ! Il nous a été très précieux de pouvoir réunir soixante élèves en visioconférence, eux-mêmes reliés à leurs classes. À titre personnel, je ne suis donc pas critique.
Je vous rejoins également sur la nécessité de mener un travail sur le sens de l'engagement. Ce travail est double : il y a l'engagement qui s'accompagne d'une délégation, d'un vote, comme pour les délégués de classe, et il y a les autres formes d'engagement, qui évitent la « concurrence » du vote, l'engagement non électif, qui est très important aussi, en particulier parce qu'il peut toucher d'autres types de profils d'élèves. Nous devons travailler sur ces deux formes d'engagement.
Enfin, lors du concours de recrutement des enseignants, l'épreuve d'entretien oral compte pour un coefficient 3 à l'admission au Capes, contre un coefficient 5 pour l'écrit de la matière principale.
M. Stéphane Piednoir, président. - Merci pour ces précisions. Nous sommes preneurs des compléments que vous jugerez utiles de nous apporter par écrit.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.