COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Lundi 15 novembre 2021

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 18 heures

Commissions mixtes paritaires sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi relative au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques se réunissent au Sénat le lundi 15 novembre 2021.

Elles procèdent tout d'abord à la désignation de leur bureau, constitué de M. Claude Raynal, sénateur, président, de M. Éric Woerth, député, vice-président, de M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat.

Les commissions mixtes paritaires procèdent ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - La proposition de loi organique, dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, comportait 26 articles. Le Sénat en a adopté 6 conformes, en a modifié 19, et en a supprimé un. Il en a également ajouté 9, si bien que 29 articles restent en discussion.

La proposition de loi ordinaire comportait 10 articles dans le texte voté par l'Assemblée nationale : 6 ont été adoptés conformes, 2 ont été modifiés et 2 supprimés. Il reste donc pour ce texte 4 articles en discussion.

Nos échanges préliminaires montrent qu'un accord est possible entre nos deux chambres. Je propose de suspendre la séance quelques minutes pour permettre à nos rapporteurs de tenter de finaliser un compromis sur les derniers points restant en débat.

La réunion, suspendue à 18 h 10, reprend à 19 h 05.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - Avant de passer la parole à notre vice-président et à nos rapporteurs, permettez-moi de dire quelques mots sur ces deux textes, dont j'ai été co-rapporteur avec Jean-François Husson en première lecture au Sénat.

Ces textes sont issus d'une initiative de nos collègues députés, en particulier le président Éric Woerth et le rapporteur général Laurent Saint-Martin, dans le prolongement des travaux de la mission d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (Milolf), qui avait publié ses conclusions avant le déclenchement de la crise sanitaire. Je tiens à les remercier d'avoir été à l'initiative de cette réflexion sur les évolutions possibles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), à l'occasion de son vingtième anniversaire.

Au Sénat, nous nous sommes cependant interrogés sur le moment choisi pour cette révision : elle entrera en vigueur à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, alors que la crise sanitaire et économique n'est pas encore derrière nous et que le projet de loi de finances pour 2022 contredit quelque peu la fin du « quoi qu'il en coûte »... En outre, une réflexion est engagée au niveau européen sur la réforme du pacte de stabilité, et son issue ne sera pas sans conséquence sur la gouvernance de nos finances publiques.

Par ailleurs, cette révision ne nous paraissait pas répondre entièrement aux lacunes de cette gouvernance, qui résultent d'abord d'un défaut d'application des dispositions déjà existantes de la loi de programmation et de la LOLF : on peut citer le manque de clarté de la maquette budgétaire, qui est devenue illisible au fil du temps ; le délai toujours plus restreint donné aux parlementaires pour examiner les mesures budgétaires et fiscales nouvelles ; ou le peu de respect de l'autorisation parlementaire, qui peut se mesurer à l'ampleur de la « cavalerie budgétaire » d'un exercice à l'autre.

Sur le fond, la proposition de loi organique a pour ambition de redonner du sens à la programmation pluriannuelle de nos finances publiques, objectif auquel nous souscrivons. En effet, la loi de programmation adoptée en début de quinquennat n'a pas été respectée à la suite du mouvement des « gilets jaunes », puis de la crise sanitaire. Nous espérons que la prochaine le sera davantage grâce à cette révision, mais la gouvernance par temps calme n'est jamais assurée et, sans révision de la Constitution, la loi de programmation ne pourra être davantage contraignante.

Au-delà de ces observations, ces textes présentent certaines avancées que nous pouvons rendre concrètes, et je salue, à cet égard, l'esprit d'ouverture de nos collègues députés par rapport aux propositions du Sénat. Notre examen a été guidé par la double préoccupation de conforter les prérogatives parlementaires et de ne pas sacrifier l'avenir au détriment des générations futures, c'est-à-dire de prendre en compte les dépenses durablement favorables à la croissance économique, au progrès social et environnemental, dans la lignée, d'ailleurs, de la position exprimée par la commission pour l'avenir des finances publiques, présidée par M. Jean Arthuis.

Dans cette optique, je regrette, à titre personnel, l'accent mis sur le montant en valeur des dépenses, sans considération pour le volet « recettes », qui est essentiel dans chaque budget, et le souhait de mettre en avant le thème de la dette, au détriment d'une réflexion plus profonde sur nos choix collectifs.

M. Éric Woerth, député, vice-président. - Nous avons cherché, avec Laurent Saint-Martin, à nous inscrire dans un esprit transpartisan. Nous avions aussi associé le Sénat à notre réflexion. Puis la crise de la covid est arrivée, ce qui explique que nous ayons pris un an de retard. Nous avons également discuté avec le Gouvernement. Le budget s'inscrit, en effet, dans un jeu à trois, entre le Gouvernement qui l'élabore, et les deux chambres qui le votent et en contrôlent l'exécution. Il a donc fallu trouver un point médian, sans renoncer à nos ambitions. Les uns verront ainsi le verre à moitié plein, d'autres le verre à moitié vide.

Notre objectif n'était pas de remettre en cause la LOLF, mais de la moderniser, vingt ans après son adoption, à la lumière de l'expérience acquise, pour la rendre plus efficace. Nous poursuivons trois objectifs : renforcer le pilotage pluriannuel de nos finances publiques ; en améliorer la lisibilité et restreindre les dérogations aux grands principes budgétaires ; et rationaliser la procédure d'examen parlementaire. Nous devons aussi revoir les notions de fonctionnement et d'investissement, très utilisées par le Gouvernement pour qualifier ses dépenses, et recentrer le débat sur la dette, ce qui est essentiel pour garantir la transparence et l'efficacité de nos discussions. Il existe une dette d'investissement et une dette de fonctionnement. Nous devons y voir clair et maîtriser nos finances publiques.

Certes, si l'on veut parvenir à changer les pratiques, rien ne vaut la volonté politique, mais, à Constitution constante, ce texte organique permettra de poser un jalon. Je me félicite, en tout cas, de la qualité des débats, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, dont je salue les apports importants. J'espère que notre commission mixte paritaire (CMP) sera conclusive.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a examiné le 27 septembre dernier les deux propositions de loi qui nous réunissent ce soir et qui visent principalement à réformer la LOLF, vingt ans après son adoption. Comme Claude Raynal, je salue le travail d'Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin, qui sont à l'origine de ces textes. Ce travail a été guidé par le souci, que je partage, d'améliorer nos outils d'analyse et de gestion budgétaires, mais également d'assainir nos finances publiques.

Je ne reviendrai pas sur certains points évoqués par Claude Raynal, même si nous avons pu avoir, parfois, le sentiment de travailler à contretemps ou, à tout le moins, en parallèle des instances européennes qui devraient, peut-être dès l'année prochaine, proposer un nouveau pacte de stabilité.

De même, il paraît assez étonnant de discuter d'un texte qui imposera un objectif d'évolution de la dépense publique dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, alors que nous examinons, cette semaine, un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 et un projet de loi de finances pour 2022, qui regorgent de mesures nouvelles, lesquelles pèseront, pour certaines durablement, sur les choix du prochain Président de la République et grèveront considérablement les capacités de désendettement de l'État malgré une reprise économique inespérée.

Le Sénat souscrit à nombre des mesures contenues dans ces deux propositions de loi. Nous les avons d'ailleurs enrichies. Certes, nous avons émis des réserves, mais nous soutenons globalement les modifications utiles à la LOLF et qui permettent un examen rénové du budget. Et c'est bien cela qui nous conduit aujourd'hui à vous proposer, Laurent Saint-Martin et moi-même, un texte de compromis sur la proposition de loi organique qui devrait, je l'espère, obtenir votre assentiment.

S'agissant de la loi ordinaire, c'est tout simplement le texte du Sénat et ses améliorations techniques qu'il vous est proposé d'adopter ce soir.

Nous souscrivons notamment à la principale mesure contenue dans le texte transmis par l'Assemblée, à savoir la fixation d'une norme pluriannuelle de dépenses des administrations publiques.

Nous avions également souhaité que les lois de programmation des finances publiques (LPFP) puissent être plus aisément révisées lorsque leurs orientations pluriannuelles sont manifestement dépassées, comme c'est le cas actuellement. Malheureusement, le texte que nous vous proposons, fruit d'un compromis, ne retient pas notre proposition de LPFP rectificative. Il nous appartiendra de réfléchir ensemble, pour l'avenir, au moyen d'assurer de la cohérence entre les textes en vigueur.

La proposition de loi organique améliore aussi la procédure d'examen de la loi de finances et le calendrier budgétaire. Je salue la simplification que constitue l'examen de l'ensemble des recettes en première partie ; nous avons proposé d'aller plus loin s'agissant des taxes affectées, et je suis heureux que cette disposition soit maintenue dans le texte que nous vous soumettons. La répartition des ressources et des charges en investissement et en fonctionnement, telle qu'elle résulte du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, figurera à l'article d'équilibre, ce qui enrichira notre analyse de l'équilibre du budget proposé.

Le débat unique en avril, regroupant celui sur le programme de stabilité et le débat d'orientation des finances publiques, est également bienvenu ; nous avions considéré au Sénat que ce moment « pluriannuel », tourné vers les grandes orientations budgétaires, pouvait aussi être celui du débat sur la dette. Toutefois, nous comprenons aussi l'ambition de débuter la période budgétaire à la rentrée de septembre par une discussion sur la dette. Aussi, avec Laurent Saint-Martin, nous vous proposerons une solution de compromis pour résoudre ces difficultés de calendrier.

Le Sénat a eu aussi la préoccupation d'encadrer davantage l'exécution budgétaire et de renforcer le contrôle et l'information du Parlement. Ainsi en est-il, par exemple, de la limitation des reports de crédits, qui est conservée dans le texte proposé, tout en prévoyant le cas exceptionnel de la « nécessité impérieuse d'intérêt national ».

En ce qui concerne les données fiscales, je me félicite que nous ayons sécurisé la capacité du Parlement, par le biais des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, ainsi que des agents qu'ils désignent, d'accéder aux données couvertes par le secret statistique pour chiffrer les dispositions financières. L'intention du législateur est claire : les présidents et rapporteurs généraux de nos commissions, ainsi que les agents qu'ils désignent, disposeraient, ès qualités, d'une habilitation au « secret statistique ». Il appartiendra au décret de prévoir les modalités pratiques de l'accès à ces données.

Nous avons ainsi adopté une attitude constructive pour examiner ces textes, et aussi, je le crois, pour préparer cette CMP. Je remercie d'ailleurs le président Raynal, le président Woerth et le rapporteur général Saint-Martin pour nos échanges fructueux.

Outre les mesures que je viens d'évoquer, le texte qui vous est proposé permet de retenir plusieurs dispositifs introduits à l'initiative du Sénat et qui ont été parfois retravaillés avec l'Assemblée nationale pour parvenir à un accord. Il s'agit, concernant les lois de programmation, de la présentation par chapitres, recouvrant chacun une catégorie d'administration publique, ou encore de la présence de trois scénarios d'évolution des taux d'intérêt et de leur impact sur la charge de la dette.

Le nouveau calendrier du printemps sera marqué par la concomitance du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) et de la communication du programme de stabilité, les documents devant être transmis avant la mi-avril. Le rapport sur le DOFP comprendra également des éléments sur la situation des administrations publiques locales.

Les précisions apportées par le Sénat au contenu du rapport préalable au débat sur les finances locales, en particulier concernant les informations sur les charges transférées aux collectivités territoriales, sont conservées. Laurent Saint-Martin et moi-même vous proposons en outre d'y ajouter une information sur les exonérations facultatives d'imposition.

Je pourrais citer aussi d'autres mesures tendant à renforcer le contrôle du Parlement, s'agissant, par exemple, des reports, des dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles, ou encore des versements du budget général vers le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ».

Nous avons également maintenu la suppression de certaines dispositions susceptibles d'entraver le travail parlementaire : il restera impossible de ratifier des conventions fiscales au détour de la loi de finances ; de même, le champ des questionnaires budgétaires ne sera pas restreint.

Au cours de l'examen de ces deux propositions de loi, nous n'avons jamais douté de notre capacité à rapprocher nos points de vue avec nos collègues députés pour parvenir à un texte faisant consensus, comme en 2001. J'espère qu'il vous satisfera et que, sans être le « grand soir » de la réforme budgétaire, il améliorera l'examen des textes financiers et le contrôle parlementaire sur l'exécution budgétaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je remercie le Sénat d'avoir enrichi ce texte, nous sommes parvenus à un compromis qui marque une avancée réelle sur cette constitution financière qu'est la LOLF. Nous sommes d'accord sur les objectifs, ceux d'un meilleur pilotage pluriannuel des dépenses et de la dette publiques, d'une application plus rigoureuse de nos principes budgétaires, d'une rationalisation de la discussion parlementaire et du renforcement des capacités d'évaluation parlementaire des politiques publiques.

Pourquoi réformer maintenant, nous demande-t-on, alors que nous avons dû accroître la dépense budgétaire face à la crise sanitaire ? Mais l'enjeu de la gouvernance et de la modernisation des finances publiques est avivé par la crise sanitaire, précisément parce que nous avons levé de nouvelles ancres - et c'est une raison supplémentaire pour faire du Parlement l'organe du contrôle et de l'évaluation des finances publiques qu'il n'a pas suffisamment été jusqu'à présent.

Ce texte a une longue genèse que vous connaissez, dont l'origine est la mission d'information composée notamment par Charles de Courson, Valérie Rabault et Joël Giraud, et nous avons été nombreux à y contribuer. Ce texte est non pas une révolution, mais une très belle évolution : nous sommes arrivés au bout d'une évolution normative. La balle est désormais dans le camp des gestionnaires publics : à eux de se saisir des outils que nous mettons à leur disposition.

Je veux anticiper une critique : avec ce texte, nous ne favorisons pas telle ou telle orientation politique ; notre propos n'est pas de réduire la dépense publique ni de servir une politique « austéritaire » : la norme pluriannuelle de la dépense publique est une mini-révolution, mais ce n'est qu'un outil dont le pouvoir en place fera ce qu'il voudra ; c'est un cadre qui assurera une discussion plus transparente et plus efficace, mais la politique elle-même restera libre.

Le rapporteur du Sénat a bien mis en relief le compromis auquel nous sommes parvenus, et, comme tout compromis, nous avons dû renoncer à certains points, tout comme nous pouvons nous satisfaire de voir inclus d'autres points auxquels nous tenions particulièrement. À titre personnel, je regrette que nous ayons renoncé à rationaliser les questionnaires budgétaires, mais je comprends la position du Sénat, qui examine le budget selon un autre calendrier et qui, étant allé plus avant dans l'évaluation, veut garder les mains libres pour poser d'autres questions. À l'inverse, je me réjouis et je remercie les sénateurs d'avoir accepté de revenir à notre rédaction sur les taxes affectées. C'est une disposition majeure, qui répond à notre voeu de préserver l'universalité budgétaire, donc le consentement à l'impôt. Nous allons vers des discussions parfois difficiles avec des filières qui bénéficient de taxes affectées, mais nous pourrons nous tenir à ce critère qu'est le lien entre la taxe et le service public rendu, depuis le point de vue de l'utilisateur, ce qui est positif.

Je me réjouis également du compromis auquel nous sommes parvenus sur le calendrier respectif du rapport et du débat sur la dette publique : chaque assemblée voit son calendrier respecté, c'est une très bonne chose.

Enfin, sur la distinction entre investissement et financement, nous sommes arrivés à une avancée qui comptera, je remercie en particulier Éric Woerth pour son abnégation : nous pourrons mieux analyser l'endettement et les choix d'investissement, c'est là encore une avancée.

Je crois que nous faisons oeuvre utile et ce moment est important. Merci à chacun de vous d'y participer.

Mme Valérie Rabault, députée. - Merci pour ce travail important. Je reste cependant très critique sur l'article 11, qui autorise les présidents de commission et les rapporteurs généraux à déléguer à des agents publics le recueil des données fiscales. Attention, la question est très sensible, il ne faut pas saper la confiance dans la confidentialité des données fiscales. Lorsque le président d'une commission des finances ou un rapporteur général se déplace à Bercy, on le reconnaît, on n'a guère de doute sur la personne à qui l'on donne accès aux données fiscales, mais il en est autrement face à une personne qui a reçu délégation.

Pourquoi, ensuite, ne pas utiliser la procédure qui est en place pour les chercheurs, c'est-à-dire le passage devant le comité du secret statistique ? Ce comité suit une procédure éprouvée. Pourquoi s'en passer, y compris pour des personnes qui auraient reçu une délégation d'un président de commission ou d'un rapporteur général ?

Enfin, il faut faire attention à la matière elle-même : dans la statistique publique, il y a des données médicales, auxquelles le Gouvernement lui-même n'a pas accès. L'article 11 donne au Parlement la possibilité d'y accéder, ce n'est pas satisfaisant.

Je suis bien sûr favorable au contrôle parlementaire sur les finances publiques, mais nous devons veiller à la protection des données fiscales. L'article 11 ne prend pas suffisamment de garanties, et je préférerais que l'accès à ces données soit restreint aux deux présidents de commissions des finances et aux deux rapporteurs généraux.

M. Charles de Courson, député. - Nous nous apprêtons à voter un texte commun, mais connaît-on la position du Gouvernement sur les options que nous prenons ? Devons-nous nous attendre à des amendements de sa part ? Ensuite, quels risques constitutionnels avez-vous identifiés - par exemple sur l'article 11, comme vient d'en parler Valérie Rabault ? Le juge constitutionnel, au nom de la protection des libertés fondamentales, censure des délégations - il l'a fait, par exemple, pour les écrous - : est-ce un risque ici ?

Dans le fond, je me réjouis des avancées obtenues et je vous félicite pour les progrès réalisés, pour ce compromis qui recueille une forte majorité. J'ai toujours rêvé de rendre lisibles les textes relatifs aux lois de finances, nous progressons dans cette direction. J'avais moi-même déjà proposé, il y a vingt ans, de distinguer investissement et fonctionnement ; nous y arrivons progressivement.

Quant à réserver l'exclusivité des amendements fiscaux aux lois de finances, il y a encore du chemin à faire, tant cette idée rencontre l'hostilité des présidents des autres commissions, une constante que nous ne sommes pas près de voir disparaître...

M. Jérôme Bascher, sénateur. - La dette est un sujet de moyen terme, c'est aussi un sujet de politique majeur, davantage que de normes à inscrire dans une loi organique. Cependant, le compromis auquel nous parvenons me va très bien.

Une précision sur les statistiques publiques : elles ne recouvrent pas les questions de santé. Aussi, la rédaction de l'article 11, qui prévoit un décret en Conseil d'État, me semble très bien convenir.

Ensuite, il me semble très sain que les parlementaires aient accès aux données fiscales, les chercheurs y ont déjà accès. Il s'agit de travailler avec des professionnels de la statistique, et je crois qu'on se fait de fausses peurs : ce texte répond au règlement européen sur le secret statistique et au besoin d'information que nous avons pour évaluer la fiscalité.

M. Brahim Hammouche, député. - Je salue, dans le compromis trouvé, l'effort pour moderniser la gestion de nos finances publiques et pour mieux prévoir l'évolution de nos dépenses, c'est une grande avancée. Mon groupe, ensuite, se réjouit que la commission des affaires étrangères ne se trouve pas dessaisie des conventions fiscales.

M. Éric Woerth, député, vice-président. - Ce texte n'est pas sans contenu, sinon nous n'en débattrions pas, et je me félicite que nous soyons entrés dans le détail de nos procédures et de nos calendriers budgétaires, que nous ayons considéré la façon dont chacune de nos deux assemblées prépare et examine le budget, contrôle et évalue l'action du Gouvernement ; nous avons appris de ce travail et nous gagnons à actualiser la LOLF. Je ne sais pas si le Gouvernement a prévu de déposer des amendements à notre texte. Nous avons discuté avec lui en cours de rédaction, il nous a paru ouvert à la réforme - il faut dire aussi qu'elle vient à point nommé, en donnant des gages à l'Europe.

Ce texte comporte-t-il un risque constitutionnel ? Nous avons fait notre possible pour le limiter, en étant auditionnés par l'assemblée générale du Conseil d'État. La réunion, qui fut longue, dense et positive, a entrainé des modifications du texte, mais nous savons que le risque zéro n'existe pas.

Enfin, nous nous sommes mis d'accord sur la définition de l'investissement et du fonctionnement, c'est une très bonne chose. Nous ne devons pas perdre de vue que nous ne faisons pas de la comptabilité, mais de la politique, nous avons donc besoin d'indicateurs pour évaluer nos politiques publiques. La crise que nous traversons n'est pas conjoncturelle, mais structurelle, les plans d'investissement que nous prenons sont inédits et nous devons les analyser dans leur ensemble, pas seulement sur le plan comptable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La dette est effectivement une question de long terme, en particulier sa soutenabilité, et il est sain que nous ayons un débat politique régulier sur le sujet. Aussi, nous regrettons que nous n'en débattions pas précisément lors du débat d'orientation des finances publiques en juillet, qui est un débat d'économie politique plutôt que de technique fiscale et où l'on n'aborde guère la dette, son coût, ses modalités de gestion, leurs conséquences sur nos capacités d'investissement.

Je ne sais pas non plus si le Gouvernement se prépare à déposer des amendements sur notre texte, nous espérons qu'il n'y en aura pas - en particulier parce que le compromis auquel nous sommes parvenus est solide et satisfaisant.

Enfin, nous avons tâché de limiter les risques constitutionnels - l'audition par l'assemblée générale du Conseil d'État a été une expérience impressionnante -, mais nous ne sommes jamais à l'abri d'une censure. Je comprends vos réserves sur l'article 11, mais actuellement, ce sont des contractuels de l'Assemblée nationale qui accèdent aux données fiscales...

Mme Valérie Rabault, députée. - Oui, mais ils y sont autorisés par le comité du secret statistique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Certes, mais ils y accèderont par le truchement des présidents de commissions des finances et par les rapporteurs généraux.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Nous parvenons au terme de ce long travail, qui a tout de même concerné plusieurs rapporteurs généraux tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et je tiens à remercier chacun de vous et tous ceux qui ont contribué à nos travaux.

Je sais Mme Rabault très attachée au respect du secret fiscal, et je voudrais la rassurer en rappelant que toutes les données dont nous parlons sont rendues anonymes. L'unité de la donnée fiscale est un agrégat de 100 ménages, sans possibilité de savoir qui y entre, sans pouvoir descendre en dessous. Nous avons besoin de faire des simulations précises de nos amendements, pour évaluer concrètement leur portée ; j'ai même proposé de bâtir à cette fin une structure commune aux deux assemblées, en se plaçant dans le cadre de l'article 57 de la LOLF. Je précise également que la loi ne permet pas aux membres du Parlement de passer par le comité du secret statistique.

Je confirme qu'il n'y a pas de risque zéro en matière constitutionnelle ; nous verrons ce qu'il en est.

Enfin, s'agissant du débat sur la dette, nous avons raison de prendre en compte les spécificités de nos calendriers respectifs. S'il est légitime que l'Assemblée nationale souhaite un débat sur la dette en septembre, pour faire un ensemble avec l'examen du budget, nous imposer un tel débat à la même date ne revêt pas nécessairement le même intérêt au Sénat compte tenu de notre propre agenda. Nous avions pensé qu'il pourrait être mieux de regrouper, à la mi-avril, ce débat sur la dette publique avec le débat d'orientation sur les finances publiques - ce sera aussi l'occasion qu'une chambre du Parlement français s'exprime sur ce sujet avant la transmission de nos engagements aux institutions européennes.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - Nous allons passer à l'examen des textes. Pour la proposition de loi organique, les rapporteurs nous ont soumis un texte de compromis, auquel M. Éric Woerth propose d'apporter une modification.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

La rédaction de compromis des rapporteurs, telle que modifiée par la proposition de rédaction présentée par M. Éric Woerth est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

PROPOSITION DE LOI

La commission mixte paritaire adopte, dans la rédaction du Sénat, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.

La réunion est close à 20 h 10

Mardi 16 novembre 2021

- Présidence de Mme Fadila Khattabi, présidente -

La réunion est ouverte à 18 h 5.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 16 novembre 2021.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente, de Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente, de M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de Mme Élisabeth Doineau, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est bien plus qu'un exercice comptable. Il s'agit avant tout de mesures concrètes ayant un impact positif sur la vie de millions de nos concitoyens, décidées avec une seule et unique boussole, que nous partageons sur tous les bancs : renforcer notre système de soins et notre protection sociale au service de tous les Français. Le projet de loi initial comptait soixante-deux articles. En commission puis en séance publique, notre assemblée l'a enrichi de cinquante-cinq articles. Notre majorité soutient ce PLFSS engageant et engagé, résolument tourné vers l'avenir, notamment grâce aux belles avancées que sont l'accès à la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du revenu de solidarité actives et du minimum vieillesse, l'accès à la contraception gratuite pour les femmes de moins de 26 ans, le renforcement de notre service public visant à lutter contre les impayés de pensions alimentaires, ou encore les moyens considérables alloués au grand âge et à l'autonomie. Vous comprendrez sans peine que je souhaite également mentionner le contrôle renforcé des centres de santé, qui est une urgence.

Saisi du texte voté par notre assemblée, le Sénat a adopté conformes trente-huit articles, en a supprimé dix-huit et en a ajouté trente. Il en reste donc cent neuf en discussion, dont notre commission mixte paritaire (CMP) est saisie.

L'expérience de ces dernières années prouve qu'il est difficile, s'agissant du PLFSS, de parvenir à un texte de compromis. Je crains que tel soit le cas cette fois-ci encore, et vous ne serez pas surpris que je le regrette, compte tenu des nombreux apports que je viens de rappeler.

Nous allons donc entendre nos rapporteurs afin qu'ils nous indiquent quelles sont, selon eux, les perspectives de cette CMP à la suite des travaux de nos deux assemblées.

Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente. - Il y a, en effet, peu de suspense sur l'issue de nos travaux. Nous pourrons constater dans quelques minutes l'impossibilité, pour notre CMP, d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du PLFSS 2022. Notre rapporteure générale Élisabeth Doineau évoquera plus précisément le travail du Sénat ; je me bornerai pour ma part à quelques observations.

Le Sénat a déploré un texte d'attente, de fin de quinquennat, muet sur les perspectives financières de la sécurité sociale, en dépit de sa vocation constitutionnelle, et bien disert, au contraire, sur des objets qui n'en relèvent pas, tels que la répartition des compétences entre professionnels de santé, la dette des hôpitaux et les règles applicables à la contention et à l'isolement en psychiatrie. Nous avons aussi regretté le dépôt tardif d'amendements substantiels rectifiant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et les objectifs de dépenses des diverses branches. À nos yeux, la crise sanitaire ne justifie pas une telle désinvolture.

Ces observations m'amènent à évoquer la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui devrait prochainement faire l'objet d'une CMP. Je forme le voeu que nous trouvions une ambition collective pour ce texte, ainsi que nous y invite, cette année encore, l'absence de « collectif » social, en dépit des sommes en jeu et de l'importance des sujets.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat. - Le Sénat a adopté cet après-midi le PLFSS 2022, après des travaux qui ont duré toute la semaine dernière. Avant d'examiner un à un les amendements adoptés par le Sénat, je crois utile de résumer en quelques mots notre approche et nos principales initiatives. Cela nous permettra de constater s'il est possible ou non de parvenir à un texte commun, ce dont je ne suis pas certaine de prime abord.

Nous avons adopté trente-huit articles conformes, parmi lesquels la quasi-totalité des articles récapitulatifs. Nous avons conservé l'esprit de nombreux autres articles, tout en les modifiant, parfois en proposant des évolutions que nous estimons constructives, telles que les ajustements de la réforme du financement de l'hôpital, et divers articles relatifs aux médicaments ou aux dispositifs médicaux. En revanche, nous avons considéré que de nombreux articles introduits par l'Assemblée nationale voire figurant dans le texte initial n'avaient pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale, ce dont nous avons, en règle générale, tiré les conséquences, en adoptant des amendements de suppression.

De plus et surtout, nous avons manifesté une vive inquiétude sur la trajectoire financière qui figure dans l'annexe quadriennale. En l'absence de stratégie de retour des comptes de la sécurité sociale à l'équilibre après la crise, ils resteront durablement dans un rouge vif, atteignant à l'horizon 2025 un plateau de déficit compris entre 12 et 15 milliards d'euros, ce qui est manifestement incompatible avec la prévision de remboursement de la dette sociale en 2033. Le Sénat a manifesté sa désapprobation sur ce point en supprimant l'article 23.

Il a également adopté diverses mesures destinées à rétablir les comptes, notamment un amendement prévoyant la compensation à son coût réel du budget de Santé publique France, à nouveau augmenté, de 4,3 milliards d'euros, en 2021 ; un amendement visant à augmenter la contribution financière à l'assurance maladie des organismes d'assurance maladie complémentaire (OCAM) au titre de l'année 2021, portant son produit de 500 millions à 1 milliard d'euros ; un amendement de suppression de l'article 5, dans la droite ligne de notre opposition constante au transfert de 13 milliards d'euros de dette et d'investissements hospitaliers à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, dont nous considérons qu'elle n'est pas un fonds d'investissement ; un amendement prévoyant la convocation d'une conférence des financeurs sur les retraites et l'introduction de diverses mesures paramétriques si elle échoue.

J'exprime le souhait que, dans l'hypothèse où nos travaux ne seraient pas conclusifs, une nouvelle lecture du texte permette à l'Assemblée nationale de conserver les nombreux apports utiles du Sénat ne traduisant pas une divergence majeure. À cet égard, je me permets d'insister sur les amendements identiques n° 231 et n° 236 à l'article 54, relatifs à la fixation dans la loi, notamment dans le PLFSS, des dotations de la sécurité sociale aux fonds et organismes qu'elle subventionne. Par leur portée et leur contenu, ces amendements entrent en écho avec la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et pourraient contribuer de façon importante, voire décisive, à un accord sur ce texte.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Si nos deux assemblées se sont accordées sur de nombreux points, les divergences entre les deux textes adoptés sont, cette année encore, trop nombreuses et trop profondes pour nous permettre d'envisager que la CMP soit conclusive.

Parmi les points d'accord substantiels, plusieurs se sont traduits soit par des votes conformes, soit par des améliorations partagées de la rédaction du texte.

Tout d'abord, s'agissant des recettes et de l'équilibre général, la première partie du PLFSS, la baisse de la taxe sur la vente en gros, le versement immédiat des aides sociales et fiscales des services à la personne, l'harmonisation du régime fiscal et social des employeurs publics en matière de protection sociale complémentaire, la prolongation du régime social de l'activité partielle, la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu et les simplifications déclaratives pour les travailleurs indépendants.

S'agissant, ensuite, de l'assurance maladie et des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), le Sénat a conservé l'exigence d'un bilan visuel préalable, réalisé par un ophtalmologiste, en cas de renouvellement de correction par un orthoptiste de primo-prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact et il a adopté des précisions susceptibles de rassurer un certain nombre d'acteurs quant à la portée du dispositif, ce dont je me réjouis.

Parmi les autres points d'accord : l'amélioration de l'indemnisation des victimes professionnelles de pesticides, les réformes du financement de l'hôpital ou la modernisation des prestations en espèces, qu'elles bénéficient aux travailleurs indépendants ou aux non-salariés agricoles - je me félicite des dispositions adoptées par le Sénat relatives à l'introduction d'un capital décès pour ces derniers.

S'agissant de l'autonomie, le Sénat a voté l'extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, y compris les 20 000 soignants travaillant dans des établissements pour personnes en situation de handicap financés par les départements, grâce à l'adoption d'un amendement du Gouvernement. Le Sénat a également validé l'instauration d'un tarif plancher national pour les services à domicile ainsi que la revalorisation et l'extension de l'allocation journalière du proche aidant et de l'allocation journalière de présence parentale.

S'agissant de la branche vieillesse, je me réjouis que le Sénat ait approuvé l'assouplissement du cumul emploi-retraite pour les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire, la sécurisation de trimestres de retraite pour les travailleurs indépendants affectés par les restrictions sanitaires ainsi que les mesures relatives à la retraite progressive.

S'agissant de la branche famille, le Sénat a adopté la généralisation de l'intermédiation des pensions familiales, moyen le mieux à même de prévenir les impayés de pensions familiales. Je me félicite également qu'il ait adopté conforme l'amendement de ma collègue rapporteure Monique Limon visant à améliorer l'information des allocataires de prestations, notamment familiales, pour lutter contre le non-recours au droit.

Je souligne aussi de manière plus spécifique l'ensemble des dispositions en faveur des artistes-auteurs que le Sénat a validées.

Nos convergences sont donc réelles et substantielles, mais tel est malheureusement aussi le cas de nos points de divergence.

D'abord, le Sénat a adopté, parfois contre l'avis de sa commission, une dizaine de dispositions en matière d'exonérations ou, au contraire, de prélèvements supplémentaires, dont notre assemblée ne partage pas le bien-fondé ; elle avait d'ailleurs parfois déjà repoussé certaines de ces initiatives - je pense à la pérennisation du dispositif d'exonération de charges patronales pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricoles dit « TODE », aux exonérations de l'ensemble des médicaments dérivés du sang, à l'alignement de la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes, à la création de zones franches médicales. L'absence de cohérence globale de ces dispositions, leurs effets sur les comptes ainsi que leur contradiction avec nos objectifs de rationalisation des exonérations et de stabilisation des prélèvements obligatoires me conduisent à souhaiter leur suppression.

Comme l'année dernière, le Sénat, fidèle à son opposition au mécanisme de reprise de la dette hospitalière instauré par la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, a supprimé les dispositions de ce dernier. Je ne partage pas cette position compte tenu à la fois de la proximité entre le financement des établissements de santé et la branche maladie et, sur le fond, de la nécessité d'engager les établissements assurant le service public hospitalier dans une trajectoire vertueuse de désendettement et d'investissement.

Le Sénat a également supprimé le transfert financier entre les branches famille et maladie visant à compenser la prise en charge par cette dernière des indemnités journalières dérogatoires pour garde d'enfants, alors qu'il s'agissait d'un juste retour des choses et que de telles dépenses, par nature, incombent à la branche famille et se sont d'ailleurs substituées à certaines de ses dépenses.

Même si l'opposition est ici plus formelle, je tiens également à citer le rejet de l'article obligatoire d'approbation de l'annexe B, dont la trajectoire financière est certes déficitaire - ce qui a semblé motiver cette suppression - mais, surtout, sincère et illustre l'amélioration du solde sur la période, après une crise dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère sans précédent.

Des désaccords importants subsistent également en quatrième partie, au premier rang desquels une réforme paramétrique du système de retraite adoptée par voie d'amendement, proposition récurrente de la Chambre haute. Cette question, de notre point de vue, relève des échéances nationales à venir. J'ajoute qu'aucune réforme des retraites n'a jamais été « traitée » de la sorte en PLFSS et que c'est probablement très bien ainsi, même si j'entends parfaitement que le Sénat a voulu prendre une position forte sur ce sujet, dont je ne mésestime pas l'importance - c'est précisément pourquoi il doit être débattu dans un texte et dans un calendrier idoines.

Ce sujet n'est cependant pas le seul à opposer nos assemblées pour ce qui est des dépenses. Je citerai aussi, là encore sans prétendre à l'exhaustivité, le fait de conditionner le conventionnement des médecins à un exercice, pendant six mois, en zone sous-dense. Si nous ne pouvons qu'adhérer à l'objectif poursuivi visant à améliorer l'accès aux soins sur tout le territoire, nous ne partageons pas le moyen choisi pour y parvenir, qui mettrait encore un peu plus à mal l'attractivité de l'exercice libéral.

Je citerai ensuite la suppression de l'article prévoyant de soumettre les centres dentaires et ophtalmologiques à l'agrément des agences régionales de santé. Or celui-ci nous paraît essentiel pour mieux lutter contre les dérives que connaissent certains centres de santé.

Je citerai enfin le maintien à 1 milliard d'euros du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Or celui-ci n'est pas envisageable dès lors que nous devons tenir compte de l'actualisation de ce transfert : il en va du bon fonctionnement des différentes branches.

Dans ces conditions, il est difficile de trouver un accord équilibré pour dépasser l'ensemble de ces divergences. Il n'en reste pas moins que les rapporteurs de l'Assemblée nationale veilleront à ce que les avancées réelles apportées par le travail du Sénat soient autant que possible maintenues.

M. Jean-Pierre Door, député. - Après la lecture sénatoriale, rien ne va mieux, rien n'a changé. La « règle d'or » a explosé en plein vol puisque la dette n'est en rien maîtrisée et qu'aucune vision stratégique ne permet d'envisager un retour à la normale. Qui sera donc capable de restaurer les finances de la sécurité sociale, et quand ?

Par ailleurs, vous avez souligné que trente-huit articles ont été adoptés conformes. Le Sénat a proposé des ajustements qui conviennent aux députés Les Républicains. Nous les soutiendrons, à l'exception du relèvement de la taxe versée par les OCAM et des contraintes liées à l'exercice médical.

Nous espérons que la majorité, à l'Assemblée nationale, fera des efforts en direction d'une régularisation financière, sinon, l'avenir risque d'être difficile pour l'assurance maladie.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. - Nous prenons donc acte que cette CMP ne peut être conclusive.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

La réunion est close à 18 h 25.

- Présidence de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale -

La réunion est ouverte à 18 h 10.

Commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, se réunit à l'Assemblée nationale le mardi 16 novembre 2021.

Elle a procédé à la désignation de son bureau, constitué de M. Bruno Studer, député, président, M. Laurent Lafon, sénateur, vice-président, et de Mme Cécile Rilhac, députée, et de M. Julien Bargeton, sénateur, comme rapporteurs respectivement pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Bruno Studer, député, président. - Je souhaite la bienvenue à nos collègues du Sénat pour cette nouvelle commission mixte paritaire (CMP). J'espère que, comme lors de notre précédente CMP sur le projet de loi relatif à la régulation et à l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique, nous pourrons aboutir à un texte commun.

Je constate que nos délégations sont constituées et que nous pouvons commencer nos travaux. Les suppléants présents qui ne remplacent pas un titulaire peuvent s'exprimer mais n'ont pas la capacité de voter.

L'esprit de l'article 45 de la Constitution, qui doit guider nos travaux, implique que si nous parvenons à un texte commun, celui-ci doit pouvoir ensuite être adopté par les deux assemblées. Dans cette logique, je veillerai à ce que la parité entre nos deux assemblées soit maintenue tout au long de nos débats, tant par le nombre de commissaires que pour les majorités.

Nos deux assemblées ont chacune bien travaillé en amont. Je tiens en particulier à saluer les travaux de Frédéric Reiss réalisés il y a quelques années sur le sujet de la direction d'école.

Pour ce qui concerne les trois articles qui restent en discussion, les positions de nos deux assemblées demeurent conciliables. Je remercie les rapporteurs d'avoir mis à profit les dernières semaines pour travailler ensemble et se rapprocher du Gouvernement, afin d'aboutir au texte qu'ils nous proposent.

M. Laurent Lafon, sénateur, vice-président. - Il est toujours agréable de travailler sur un texte émanant d'un parlementaire. Je salue le travail de Cécile Rilhac, auteure de cette proposition de loi, et celui de Julien Bargeton, rapporteur pour le Sénat, qui, depuis la première lecture, s'est attaché à faire converger les deux visions. Ce rapprochement est d'autant plus facile que nos deux commissions avaient déjà abordé le sujet. En ce qui concerne celle du Sénat, Max Brisson et Françoise Laborde ont publié, il y a quelques mois, un rapport d'information sur la situation des directeurs d'école, dont les conclusions nous ont largement inspirés et correspondaient à vos positions.

Tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, nous avons à coeur de répondre aux attentes des directeurs et des directrices d'école. À travers ce statut, c'est la reconnaissance pour le travail essentiel qu'ils accomplissent dans nos établissements scolaires que nous apportons.

Les différentes lectures ont permis d'avancer sur de nombreux sujets, notamment la notion d'autorité fonctionnelle, qui est un vrai apport, et les aspects relatifs à la formation - la formation continue n'étant pas toujours le point fort de l'éducation nationale.

Nous avons eu un débat utile sur le rôle des collectivités, dont on sait l'importance qu'elles ont pour le Sénat. Sans surprise, celui-ci a souhaité maintenir là où elle est placée la frontière entre les compétences respectives des collectivités et de l'État. Cet échange nourri a abouti, je le pense, à une position dont chacun peut se satisfaire.

M. Julien Bargeton, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je félicite à nouveau Cécile Rilhac pour sa proposition de loi. Celle-ci accomplit des avancées significatives en faveur des directeurs d'école, améliore la reconnaissance de leur rôle et offre un cadre juridique bienvenu pour conforter leur légitimité et leurs actions.

À l'issue des deux premières lectures, il existe déjà de nombreux points de consensus entre nos assemblées. Le Sénat a notamment introduit dans le texte l'autorité fonctionnelle pour les directeurs d'école et le renforcement de la formation initiale. Sur de nombreux autres points, il s'est rallié aux propositions de l'Assemblée nationale, apportant des modifications visant simplement à clarifier le texte - c'est bien là la vertu de la navette parlementaire et du bicamérisme. Je pense notamment à la délégation de compétences, à la mise en place de référents directeurs d'école ou à l'élaboration des plans de sécurité.

Parmi les trois articles restant en discussion, l'article 2 bis relatif aux moyens mis à disposition des directeurs d'école, s'est révélé particulièrement sensible pour nos deux assemblées. Après de nombreux échanges, un accord semble se dessiner. Je tiens à remercier Cécile Rilhac, Max Brisson et les présidents de nos deux commissions qui ont travaillé de concert afin de parvenir à une nouvelle rédaction de l'article. Celle-ci respecte la volonté de nos deux chambres : renforcer les moyens des directeurs d'école en évitant un transfert de charges sur les communes et leurs groupements - le Sénat y est particulièrement attaché.

Pour le reste, les modifications que Cécile Rilhac et moi-même vous proposerons témoignent de la recherche de ce consensus que j'appelais de mes voeux dès la première lecture. Tant le Sénat que l'Assemblée nationale conservent des dispositions qui leur tiennent à coeur. Cet équilibre que nous avons élaboré permettra, je l'espère, à notre CMP de trouver une issue conclusive, car il s'agit d'un texte très attendu par les principaux concernés : les directeurs d'école et l'ensemble de la communauté éducative.

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le texte a beaucoup évolué depuis la proposition de loi que j'avais déposée en mai 2020, et je remercie les sénateurs et mes collègues députés de l'avoir enrichi. Il était issu d'une mission flash sur les directeurs d'école, que j'avais menée en 2018 avec notre collègue Valérie Bazin-Malgras. Mon travail avec les acteurs de terrain lors de l'élaboration de la loi pour une école de la confiance a achevé de me convaincre que la reconnaissance de la responsabilité et des missions des directeurs d'école est essentielle, non seulement pour eux, mais aussi pour le bon fonctionnement des écoles dont ils ont la responsabilité. Je sais que les sénateurs en sont également convaincus.

Avec Julien Bargeton, nous avons eu des échanges fructueux, grâce auxquels nous soumettons à la CMP un texte susceptible de recevoir l'assentiment de la majorité de ses membres.

Trois articles seulement - 1er, 2 et 2 bis - restent en discussion. Tous les autres ont été votés conformes par l'Assemblée en deuxième lecture, validant ainsi la rédaction adoptée par le Sénat : l'article 3, sur les référents directeurs d'école dans les directions des services départementaux, qui constitue une avancée très importante en apportant la reconnaissance du soutien nécessaire à ce métier ; l'article 5, sur l'élection des représentants des parents d'élèves par voie électronique, et l'article 6, sur le plan de mise en sûreté des élèves et des personnels. L'Assemblée a également maintenu la suppression de l'article 4 sur l'organisation du temps périscolaire, votée par le Sénat en première lecture, celle de l'article 4 bis et de l'article 6 bis.

L'Assemblée nationale a également retenu la notion d'autorité fonctionnelle, introduite par le Sénat à l'article 1er, dès la première lecture. Je remercie les sénateurs pour cet apport très intéressant, qui définit bien ce qu'est l'autorité du directeur d'école : une autorité non pas hiérarchique mais dans le cadre de ses fonctions.

L'article 2, qui crée l'emploi de directeur d'école et en détaille les missions et les conditions de travail et de décharges, est encore en discussion. Nous ferons des propositions de rédaction prenant en compte les apports des deux assemblées.

Enfin, nous avons entendu l'inquiétude suscitée parmi les élus par l'article 2 bis, qui porte sur les moyens, humains notamment, à apporter aux directeurs d'école par l'État et les communes en soutien à leurs tâches administratives, et sur leur bonne répartition. La rédaction sur laquelle nous nous sommes accordés est, je le pense, équilibrée. Elle permettra de renforcer l'aide administrative apportée aux directrices et aux directeurs d'école, dans le respect des compétences de l'État et de celles des communes.

Je me réjouis de voir l'aboutissement de cette proposition de loi, qui me tient à coeur et que je défends depuis plusieurs sessions parlementaires. Je remercie les présidents des deux commissions, le sénateur Max Brisson, avec qui j'ai eu des échanges très constructifs depuis la publication de son rapport au Sénat, et ma collègue Sylvie Charrière, qui défend le texte à mes côtés à l'Assemblée. Je tiens aussi à saluer le travail de tous les députés et sénateurs, de la majorité comme des oppositions, qui a fortement contribué à enrichir le texte au fil de la navette parlementaire. Puisse cette CMP déboucher sur un texte commun !

M. Max Brisson, sénateur. - Le rapport que j'avais remis avec ma collègue Françoise Laborde montrait que les directeurs d'école attendaient plus de formations pour faire face à des situations de plus en plus complexes, plus de temps pour exercer leur mission et plus d'aide administrative et de moyens pour la remplir efficacement. Cette proposition de loi apporte une réponse, même si l'on aurait pu aller plus loin.

L'autorité fonctionnelle, issue des travaux du Sénat, est retenue dans le texte proposé à la CMP. Les mots sont pesés et correspondent aux termes du dialogue que nous avons eu avec les acteurs de la communauté scolaire. Nos deux assemblées ont vite trouvé un accord sur ce dispositif central de la proposition de loi. C'est une évidente avancée.

À l'article 2, nous avons également trouvé un accord sur les conditions de nomination des directeurs d'école. L'important était que la procédure valorise la fonction de directeur d'école autant que celle applicable aux personnels de direction du second degré. La réalité de nos territoires est telle que certains directeurs d'école dirigent des établissements qui accueillent beaucoup plus d'élèves - jusqu'à 500 - que certains collèges qui en comptent parfois moins de 130. Pour lui donner du corps, nous avons bien borné les conditions sous lesquelles on peut accéder à la fonction : le directeur d'école ne peut être nommé que s'il dispose d'une expérience pour la fonction et après avoir suivi une formation ; il ne pourra exercer sa fonction plus de cinq ans sans bénéficier à nouveau d'une formation.

Nous avons aussi clarifié la définition du temps de décharge. Cette dernière ne sera plus à la seule discrétion du ministre mais relèvera désormais d'un décret. En outre, les directions académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) devront rendre compte chaque année de l'utilisation effective de ces temps de décharge.

L'article 2 bis nous a beaucoup occupés. L'attente d'une assistance administrative est forte. On peut regretter que cette assistance reste du domaine de la possibilité, tout en ayant l'espoir que le ministère réponde à l'attente. Le Sénat est extrêmement attaché à ce que l'assistance administrative ne donne pas lieu à un transfert de charges, considérant qu'elle est du ressort de l'État, compétent en matière d'éducation ; les communes ou leurs groupements ne sont là que pour apporter une aide matérielle. Tel qu'il est rédigé, l'article proposé par les rapporteurs évite toute ambiguïté, et donc tout éventuel transfert de charges.

Je me réjouis que nous ayons trouvé une rédaction juste et équilibrée, qui répond aux trois attentes exprimées par le terrain : temps d'exercice, formation et aide administrative. C'est une étape. Certains auraient voulu aller plus loin ; peut-être le ferons-nous ultérieurement, mais il faut avancer en tenant compte des réalités du terrain. D'autres auraient préféré le statu quo, mais il était devenu intenable. On peut dire ce soir que nous en sortons.

M. Frédéric Reiss, député. - L'Assemblée nationale et le Sénat ont avancé l'un vers l'autre et nous sommes probablement en mesure d'aboutir à une CMP conclusive. Certes, on est un peu loin de la proposition de loi initiale de Cécile Rilhac mais l'important est de ne pas rester dans un statu quo, qui n'était effectivement plus tenable.

Tout le monde a compris qu'être directeur ou directrice d'école est un métier à part entière et qu'il implique un pilotage au plus près du terrain. Trop de décisions prises hors les murs sont imposées, alors que le directeur, pour pouvoir agir pour le bon fonctionnement de l'école, doit disposer à la fois d'autonomie et d'autorité. Je remercie donc le Sénat d'avoir inséré dans le texte l'autorité fonctionnelle, qui n'est pas la même chose que l'emploi fonctionnel d'abord envisagé par l'Assemblée et dont nous avons vite compris les limites et les difficultés. Du reste, les directeurs n'en voulaient pas, car il emportait des obligations de mutation au bout d'un certain nombre d'années. Lorsque les écoles fonctionnent, il faut les laisser fonctionner.

Les nombreux progrès au cours des dernières années en matière d'école inclusive ont donné aux directeurs de nouvelles possibilités d'agir, mais aussi du travail. Nous avons également constaté au moment de la crise sanitaire, qu'il leur fallait pouvoir prendre des décisions rapidement sur le terrain. La proposition de loi va dans ce sens.

Seul bémol, l'adoption de la loi pour une école de la confiance a rendu la scolarité obligatoire à partir de 3 ans, ce qui, dans l'enseignement privé sous contrat, pose des problèmes pour la nomination des directeurs d'école, ces derniers étant souvent directeur à la fois dans le secondaire et dans le premier degré.

Nous devons aussi nous préoccuper des écoles rurales, c'est pourquoi l'article 2 bis est important. Il y a des collectivités locales qui pourront mettre des moyens humains ou matériels à disposition des directeurs d'école mais il faudra clarifier la rédaction pour éviter toute équivoque.

Peut-être n'allons-nous pas aussi loin que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le souhaiterait, avec un statut permettant davantage d'évaluation et d'autonomie, mais nous en prenons la direction et cela nous permettra sans doute, un jour, de franchir une étape supplémentaire.

Mme Marie-Pierre Monier, sénatrice. - C'est une occasion ratée pour les directeurs d'école. On a dit que cette proposition de loi était issue de la mission créée à la suite du suicide de Mme Renon. Or, alors que celui-ci était lié à une surcharge de tâches administratives, on en rajoute avec la formation des professeurs. En première lecture à l'Assemblée nationale, vous aviez promis que les directeurs ne disposeraient pas de l'autorité hiérarchique. On parle désormais d'autorité fonctionnelle sans savoir ce que cela recouvre, mais on refuse de préciser qu'il ne s'agit pas d'autorité hiérarchique. Cela sème le doute...

Je me réjouis que deux propositions du Sénat aient été retenues. L'une est le point annuel concernant l'utilisation effective des temps de décharge. On sait bien que, dans les écoles rurales qui comportent peu de classes, sans heure ou jour de décharge, les directeurs se débrouillent. L'autre proposition est l'obligation de formation des directeurs et directrices d'école tous les cinq ans.

Mais nous sommes déçus que la rédaction proposée par les rapporteurs pour l'article 2 bis ne prévoie qu'une possibilité d'assistance. C'est à l'État de garantir une assistance administrative aux directeurs et directrices d'école. C'est un recul. Au Sénat, nous débattons régulièrement du désengagement de l'État et de la charge croissante des communes, qui font à sa place. Et ce texte ouvre une nouvelle porte !

Mme Anne Brugnera, députée. - Je ne cache pas ma satisfaction de voir ce texte arriver en CMP, avec un espoir de conclusion.

Le sujet des « faisant fonction » me tient notamment à coeur. Ces instituteurs qui prennent les postes vacants de directeur d'école pour que l'école fonctionne correctement doivent voir leur engagement valorisé.

L'information sur l'utilisation des décharges présentée en conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN) est également un point important, d'autant que nous avions souhaité que les décharges soient mieux adaptées aux spécificités des territoires, de l'école et de ses bâtiments, et pas seulement octroyées en fonction du nombre de classes. Cette information sur l'attribution des décharges est due aux directeurs d'école.

Pour l'article 2 bis, le plus difficile de la proposition de loi, nous avons recherché la meilleure rédaction. En tant qu'ancienne adjointe à l'éducation dans ma ville, je tenais à ce qu'il soit extrêmement clair que l'éducation est une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Merci donc à tous et spécialement à Cécile Rilhac pour son engagement depuis le début du mandat.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice. - Puisqu'il fallait que le texte consacre le directeur ou la directrice d'école comme pair parmi ses pairs dans l'équipe éducative, l'autorité fonctionnelle est la meilleure solution : le directeur n'est pas le chef de l'équipe, mais il peut être à la manoeuvre pour l'organisation et le bon fonctionnement de l'école. Là était probablement le point d'accord le plus difficile à trouver.

Si le Sénat et l'Assemblée nationale se sont attachés à travailler en commun pour aboutir positivement, c'est parce qu'ils ont vu comment les directrices et directeurs ont tenu l'école durant la période extrêmement difficile que nous venons de vivre. Véritables « couteaux suisses », ils ont joué de leur polyvalence, assumant en permanence le rôle de référents de terrain pour toute la communauté éducative, des membres de leurs équipes aux communes et à l'éducation nationale, en passant par les enfants et les parents. La crise sanitaire a apporté la preuve la plus éclatante de la nécessité de clarifier leur rôle et de leur témoigner de la reconnaissance.

Je me réjouis des discussions qui ont eu lieu. Il faudra veiller à ne pas trop rigidifier le dispositif, car il doit fonctionner en toutes circonstances, que le directeur dirige une école d'une classe ou de quinze, en milieu rural ou urbain. À cet égard, le texte permet à chacun de s'y retrouver.

Mme Michèle Victory, députée. - Sans rien enlever au travail sérieux qui a été fait, nous restons, comme nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat, dubitatifs sur l'expression d'« autorité fonctionnelle ». Nous en avons longuement débattu ; nous n'étions pas d'accord, considérant qu'elle n'était pas vraiment explicite.

Quant à l'article 2 bis, le recours à la notion de possibilité dans la répartition des compétences, est curieux : il n'y a pas à se demander si l'État peut le faire, il le doit. Je regrette que nous n'ayons pas été plus clairs sur cette question également. Si chacun fait ce qu'il veut, on n'avancera guère.

Nous considérons comme un point positif les dispositions sur la décharge d'enseignement, et je remercie Cécile Rilhac d'avoir entendu certaines de nos observations, mais, d'une façon générale, nous éprouvons une petite déception.

La commission mixte paritaire passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion.

Examen des articles

Article premier
Missions du directeur d'école

M. Julien Bargeton, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous vous proposons de reprendre la rédaction du Sénat. Les dernières interrogations qui restaient ont été levées par le ministre en séance.

M. Jacques Grosperrin, sénateur. - Est-ce bien la vocation du directeur d'école d'organiser des débats sur les questions relatives à la vie scolaire ? Il serait peut-être plus judicieux d'écrire qu'il en organise la réflexion et le travail collectif.

M. Bruno Studer, député, président. - Il s'agit là du texte adopté par l'Assemblée, qui a été voté conforme par le Sénat en deuxième lecture.

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je me suis appuyée sur les dispositions du code de l'éducation, selon lesquelles le directeur rédige l'ordre du jour du conseil d'école et organise, au sein du conseil des maîtres, les débats qui ont trait à la pédagogie et au fonctionnement de l'école.

M. Frédéric Reiss, député. - Un directeur d'école est un leader pédagogique. La rédaction est adaptée.

L'article 1er est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 2
Modalités de nomination, d'avancement, de formation et conditions de travail
des directeurs d'école

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - À l'alinéa 4, nous proposons de supprimer l'obligation de formation certifiante pour assumer la direction d'une école qui ouvre droit à une décharge complète. Les directeurs d'école exercent le même métier, assument les mêmes responsabilités, qu'il y ait deux classes ou vingt. Certes, la charge de travail liée au nombre d'élèves et aux spécificités de l'établissement a une incidence sur l'organisation, mais cela ne justifie pas une telle distinction. Ce que députés et sénateurs souhaitent entériner, c'est qu'une formation est assurée en amont de l'inscription sur la liste d'aptitude.

Toujours à l'alinéa 4, je suggère une rectification rédactionnelle, qui ne figure pas dans la proposition de rédaction commune de l'Assemblée nationale et du Sénat. Pour donner une suite aux discussions denses que nous avons eues sur les conditions d'inscription sur la liste d'aptitude, peut-être pourrait-on parler d'années d'enseignement plutôt que d'années d'exercice de la fonction de directeur, même si le texte ne souffre aucune ambiguïté - seuls les instituteurs et les professeurs des écoles sont concernés.

À l'alinéa 7, nous proposons de supprimer la prise en compte des orientations de la politique nationale dans les propositions du directeur d'école concernant les actions de formation spécifiques à son établissement. L'Assemblée nationale avait introduit cet alinéa avec l'intention que ces actions soient proposées par l'équipe pédagogique pour répondre à ses besoins et que le directeur d'école s'en fasse le relai auprès de l'inspecteur de l'éducation nationale. Bien évidemment, ce dernier n'octroiera la formation que si elle est conforme aux textes. L'ajout du Sénat me paraît donc superfétatoire et pourrait même aller à l'encontre d'initiatives ou d'innovations des équipes pédagogiques.

À l'alinéa 8, nous sommes tombés d'accord pour dire qu'un décret simple suffit à la fixation d'une décharge. Nous constatons déjà que le nombre de décharges a été augmenté par le ministre pour les toutes petites écoles. Exiger un décret en Conseil d'État aurait rigidifié les choses.

À l'alinéa 9, nous proposons de supprimer les mots « avant le 30 juin de chaque année ». Introduire une date dans la loi est inapproprié, car cela relève du règlement. Nous proposons également de retirer du compte rendu de l'utilisation des décharges la mention des motifs. Certains pouvant être d'ordre personnel ou médical, ils ne sauraient être divulgués. Nous avons toutefois la garantie que les décrets d'application comporteront des précisions sur les motifs.

À l'alinéa 10, nous proposons de supprimer la fréquence de deux ans concernant le dialogue avec l'inspection académique. L'essentiel est en effet qu'il y ait un dialogue, en particulier lorsqu'il y a des changements dans l'école. L'exigence d'un dialogue bisannuel risque d'être contreproductive.

À l'alinéa 12, nous maintenons la précision du Sénat selon laquelle une offre de formation est proposée aux directrices et aux directeurs d'école « obligatoirement tous les cinq ans », de la part de l'État et des académies.

Enfin, nous proposons de décaler au 1er octobre 2022 l'entrée en vigueur du III du nouvel article L. 411-2 du code de l'éducation, qui fixe les conditions d'accès à la liste d'aptitude. L'application dès la rentrée de septembre prochain pourrait poser un problème, car l'éducation nationale n'aura pas le temps de prévoir dans son plan académique de formation la formation des directeurs d'école.

M. Julien Bargeton, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - S'agissant de la proposition de modification rédactionnelle de Mme Rilhac à l'alinéa 4, il faut apprécier si la mention « d'enseignement » changerait vraiment quelque chose.

M. Max Brisson, sénateur. - J'étais à l'origine de la qualification de formation certifiante. Par souci de modération, j'ai manqué d'ambition : j'aurais dû la demander pour l'ensemble des écoles ! Je souhaitais valoriser le processus par lequel un professeur d'école peut exercer la fonction de directeur. Il faudra bien que cette formation devienne progressivement certifiante.

Je me suis rallié à la proposition des rapporteurs car, au Sénat aussi, cette disposition avait donné lieu à des débats sur la différenciation entre écoles qu'elle entraînerait, alors qu'une grande partie du travail accompli par les directeurs est de même nature, quelle que soit la taille de l'établissement.

S'agissant de la suppression de la mention des orientations de la politique nationale, de toute façon, le ministre a toute liberté pour donner des instructions par circulaire.

Je comprends qu'on souhaite retirer la mention des motifs du compte rendu sur l'utilisation effective des décharges. C'est en effet une exigence déontologique de ne pas discuter de la situation personnelle des agents en CDEN. Mme Rilhac affirme avoir la certitude que les décrets d'application comporteront des dispositions sur les motifs, mais il faudra que cela soit précisé.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité que le dialogue entre le directeur et l'inspection académique ait lieu tous les ans ; nous avons assoupli le dispositif en étendant la fréquence à deux ans. En rester au principe d'un dialogue, c'est aussi bien et même mieux.

Quant à la date d'entrée en vigueur du III de l'article L. 411-2, il faut être réaliste et permettre au ministère d'appliquer ce que nous souhaitons.

M. Frédéric Reiss, député. - Je suis tout à fait favorable à la modification proposée à l'alinéa 4. Il est normal de préciser que les professeurs d'école et les instituteurs doivent justifier de trois années d'enseignement pour accéder à la liste d'aptitude.

Concernant les décharges totales ou partielles d'enseignement, à l'alinéa 8, un décret simple suffit, effectivement. Il faudrait pouvoir les envisager également dans le cadre des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) - la difficulté étant que, parfois, il y a autant de directeurs de RPI que de directeurs d'école. Le ministère pourrait trouver une formule adéquate.

Enfin, je suis d'accord avec la suppression tant de la date du 30 juin, à l'alinéa 9, que du rythme de deux ans, à l'alinéa 10.

M. Laurent Lafon, sénateur, vice-président. - Après l'explication apportée par Mme Rilhac, je comprends qu'il s'agit de préciser que les missions exercées par les instituteurs et les professeurs des écoles sont des missions d'enseignement.

M. Jacques Grosperrin, sénateur. - Concernant l'alinéa 7, je souhaitais que les orientations de la politique nationale apparaissent dans le texte afin qu'elles ne soient pas oubliées - mais il va de soi que les fonctionnaires sont loyaux à leur administration. Peut-être la suppression de cette mention est-elle censée esquiver les critiques de certains syndicats ou des acteurs concernés.

À l'alinéa 11, plutôt que d'écrire que le directeur « ne participe pas aux activités pédagogiques complémentaires de son école, sauf s'il le souhaite », il me semblerait plus judicieux d'adopter une tournure positive : s'il le souhaite, il participe aux activités pédagogiques complémentaires de son école.

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Les enseignants doivent accomplir trente-six heures annuelles obligatoires d'activités pédagogiques complémentaires (APC).

Nous avions rédigé cet alinéa en pensant aux directeurs des toutes petites écoles : il s'agissait de leur donner un peu plus de temps en leur retirant les activités pédagogiques complémentaires. En première lecture à l'Assemblée nationale, des collègues nous ont fait remarquer que certains directeurs pouvaient être volontaires pour poursuivre les APC et qu'il fallait leur en laisser la possibilité. C'est ainsi que nous en sommes arrivés à cette rédaction. Il me paraît donc important de la conserver : le principe est que le directeur ne participe pas aux APC, sauf s'il est volontaire.

M. Jacques Grosperrin, sénateur. - Je comprends votre explication.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice. - Je reviens sur la question des motifs de décharge, à l'alinéa 9. Je ne suis pas certaine qu'un bilan soit nécessairement nominatif : on n'est pas obligé de mettre des noms en face des motivations, notamment lorsqu'elles sont personnelles et sanitaires. Le bilan des motifs est important, notamment pour les heures de décharge facultatives. Il s'agit d'un volant d'heures de décharge mis à la disposition de la directrice ou du directeur d'une école faisant face à une situation exceptionnelle. Au passage, toutes les directions académiques n'ont pas adopté cette pratique, et les directeurs souhaiteraient qu'elle existe partout. La décharge peut être ponctuelle ou annuelle, par exemple pour prendre en charge un élève en situation de handicap ou un élève présentant des troubles importants du comportement. Expliquer pourquoi et comment sont utilisés les temps de décharge me paraissait une mesure de transparence nécessaire pour garder une souplesse de fonctionnement. Je souhaite donc le maintien de la rédaction initiale.

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Il est vrai que les motifs permettent de savoir dans quel cadre les décharges sont octroyées. En nous rendant sur le terrain, nous avons remarqué que les directeurs d'école n'étaient pas toujours traités de la même manière. Je ne m'opposerai pas à cette précision si nous avons la certitude que les motifs ne sont ni nominatifs ni personnels. Nous devrons être très attentifs, au moment de la publication des décrets, à ce que les notes adressées aux DASEN soient très claires. Si nous partageons tous cet état d'esprit, nous pourrions préciser « et de leurs motifs professionnels », comme me l'a suggéré Julien Bargeton lors de nos échanges préparatoires à cette CMP.

Mme Béatrice Descamps, députée. - Je ne pense pas qu'une décharge soit accordée pour raisons personnelles, par exemple une maladie. Ce n'est pas du tout le même cadre.

Mme Sylvie Charrière, députée. - C'est une décharge d'ordre plutôt structurel. Elle est liée à la spécificité des écoles, pas à un motif professionnel.

M. Bruno Studer, député, président. - La notion de motif professionnel englobe tout.

Par rapport au texte proposé par les rapporteurs, nous avons donc une nouvelle proposition de rédaction à l'alinéa 4 remplaçant « trois années d'exercice des fonctions » par « trois années d'enseignement », ainsi qu'une modification à l'alinéa 9 pour préciser que les motifs dont il est rendu compte sont professionnels.

Compte-tenu de ces modifications, l'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis
Assistance matérielle et administrative des directeurs d'école

M. Julien Bargeton, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La rédaction que nous vous proposons prévoit une possibilité pour l'État d'apporter une aide administrative au directeur d'école lorsque les conditions le justifient ; cette possibilité est également ouverte aux communes. Néanmoins, afin d'éviter tout risque de transfert de charges entre l'État et les collectivités locales, l'aide des communes est limitée à l'assistance matérielle. Le partage des compétences entre l'État et les collectivités territoriales en matière scolaire est ainsi respecté : l'État est compétent pour la politique éducative, notamment le suivi des élèves et le lien avec les familles, tandis que les communes ont la charge de l'entretien et du fonctionnement matériel de l'école.

En permettant cette double faculté d'intervention, nous assurons un parallélisme des formes tout en opérant une distinction fonctionnelle et administrative.

Mme Sylvie Robert, sénatrice. - La rédaction du Sénat avait été adoptée après de longs débats. Nous avions écrit : « l'État met à la disposition des directeurs d'école les moyens de garantir l'assistance administrative et matérielle de ces derniers » afin de souligner que cette aide relève de la compétence de l'État, le verbe « mettre » étant à l'indicatif pour signifier qu'elle est obligatoire. Vous introduisez désormais une possibilité pour l'État et les communes ou leurs groupements d'apporter ces aides. Dès lors qu'il ne s'agit plus d'une obligation, comment justifier l'intervention de l'un ou de l'autre ? Ce compromis me semble très dangereux, car chacun pourra se décharger sur l'autre. Pourquoi ne pas maintenir l'obligation d'intervention de l'État en laissant aux communes ou collectivités la possibilité de le faire ?

M. Cédric Vial, sénateur. - L'objet de l'article 2 bis est d'éviter un glissement de compétences, et la rédaction proposée par les rapporteurs me semble suffisamment claire à cet égard. Ma position était plus radicale. J'avais en effet proposé au ministre de supprimer purement et simplement cet article, qui ne change rien à la situation actuelle. De fait, aujourd'hui, l'État peut, s'il le souhaite, mettre des moyens à disposition des directeurs d'école et il en est de même pour les communes s'agissant des moyens matériels. Pour insatisfaisante qu'elle soit, la rédaction des rapporteurs me convient néanmoins, dans la mesure où elle permet de rappeler que les moyens administratifs relèvent de la responsabilité de l'État et les moyens matériels, de celle des collectivités. N'oublions pas, en outre, que tous les directeurs d'école ne souhaitent pas avoir d'aide administrative, notamment lorsque cette aide consiste dans la mise à disposition d'emplois de vie scolaire ou de jeunes effectuant leur service civique. La logique retenue me semble donc convenable.

M. Frédéric Reiss, député. - L'article 2 bis a également suscité le débat au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée. J'étais de ceux qui estimaient que c'est à l'État de mettre à disposition des directeurs d'école des moyens humains et matériels pour que les établissements fonctionnent correctement. Cependant, il arrive que des maires ou des présidents de communautés de communes décident de mettre des moyens humains à disposition des directeurs d'école. C'est ainsi que des personnes titulaires de contrats aidés, lorsqu'ils existaient, se voyaient confier certaines tâches administratives. Or, dès lors que le texte limite l'aide des collectivités aux moyens matériels, on coupe l'herbe sous le pied de certains maires, qui offraient une aide administrative pour améliorer le fonctionnement des établissements. La rédaction ne me convient donc pas pleinement. Je suis d'accord avec M. Vial : à la limite, si l'article était supprimé, cela ne changerait pas grand-chose.

Mme Anne Brugnera, députée. - Sur ce dernier point, je ne suis pas d'accord avec M. Reiss. L'objet de cette proposition de loi est de créer la fonction de directeur d'école et de définir le cadre dans lequel elle s'exerce. À cet égard, qu'elle soit d'ordre matériel ou administratif, l'aide doit figurer dans le texte. Ce rappel est donc important, et permet de rappeler la compétence partagée entre l'État et les collectivités. S'agissant du choix de l'expression « peut mettre », je sais, pour connaître de nombreux directeurs d'école, que certains d'entre eux préfèrent obtenir une décharge plus importante plutôt qu'une aide administrative. Et la question se posera avec plus d'acuité encore lorsque nous aurons progressivement amélioré les décharges. Les besoins varient selon les écoles.

Mme Maud Petit, députée. - Cette rédaction me paraît très satisfaisante, car elle rappelle, sous la forme d'un parallélisme, les obligations de chaque acteur, dans le respect de leurs prérogatives respectives. Peut-être pourrait-on néanmoins substituer « met » à « peut mettre », en précisant « lorsque c'est nécessaire ».

M. Max Brisson, sénateur. - Notre souci était de protéger les collectivités. Or la rédaction proposée est exempte des ambiguïtés présentes dans les rédactions précédentes, qui laissaient entendre que les collectivités auraient pu être sollicitées pour financer partiellement des agents exerçant - à la différence des contrats aidés - sous l'autorité de l'éducation nationale. Nous craignions une éventuelle surenchère entre les communes. L'aide administrative était une attente forte des directeurs. On aurait pu espérer une rédaction un peu plus contraignante, mais il faut parvenir à un accord. En tout état de cause, nous affirmons bien que l'aide administrative est nécessaire. Je vous invite donc à adopter la rédaction de l'article 2 bis proposée par nos rapporteurs.

M. Jacques Grosperrin, sénateur. - Julien Bargeton a d'emblée évoqué le parallélisme des formes. J'ai le sentiment que le ministre est inflexible sur ce point, et je le regrette car nous aurions pu supprimer l'article 2 bis : cela nous aurait évité de lancer un signal que les élus locaux peuvent percevoir comme mauvais. De fait, si l'on écrit : « L'État peut mettre à disposition », cela signifie qu'il peut ne pas le faire.

Ce qui me satisfait, en revanche, c'est le rappel des compétences respectives de l'État et des communes, qui est de nature à rassurer les maires. L'exercice est difficile, mais nous souhaitons que la CMP soit conclusive. C'est pourquoi je suivrai nos rapporteurs.

Mme Sylvie Charrière, députée. - Il était impossible de ne pas évoquer l'aide administrative dans cette proposition de loi, puisqu'elle constitue l'une des principales revendications des directeurs. Le texte comporte un premier garde-fou : le rappel des spécificités de l'école. Il me paraît tout de même inconcevable que le directeur d'une école qui compte 400 élèves ne bénéficie pas d'une aide administrative, quand un collège, qui accueille autant d'élèves, dispose d'un intendant, d'un secrétaire d'intendance ou de personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOS).

Mme Michèle Victory, députée. - Cet article me paraît nécessaire, dans la mesure où il définit clairement les compétences. Mais, comme l'a indiqué M. Grosperrin, la formulation retenue instille le doute. Il me paraît préférable d'écrire : « L'État met à disposition ».

M. Julien Bargeton, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le débat est intéressant, nous savions que le sujet était difficile.

Les directeurs d'école veulent du temps, une formation et des moyens. À cet égard, l'article 2 bis traduit notre objectif partagé, à savoir la reconnaissance des moyens dont les directeurs et directrices ont besoin. En outre, il précise les responsabilités de chacun et distingue bien l'administratif et le matériel, empêchant ainsi le glissement des compétences. Par ailleurs, pour la première fois, sont mentionnées les spécificités de l'école. Enfin, il serait paradoxal de ne pas évoquer les collectivités territoriales dès lors qu'en la matière, la compétence est partagée. Le parallélisme des formes permet de rappeler cette organisation, de distinguer clairement administratif et matériel, tout en reconnaissant les moyens dont ont besoin les directeurs d'école. Le texte s'inscrit donc dans une logique, que traduit l'accord auquel nous sommes parvenus.

Mme Cécile Rilhac, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Julien Bargeton a très bien défini l'esprit qui a présidé à l'écriture de cet article. Sur le principe, en écrivant que « l'État peut mettre à disposition », on permet au maire qui le souhaiterait de fournir à un directeur d'école une assistance administrative - dont il est précisé dans le texte qu'elle est du registre de l'État - et à l'État de fournir une aide matérielle aux directeurs si la commune n'a pas les moyens suffisants pour le faire. Je pense, par exemple, aux territoires numériques éducatifs, qui relèvent d'un programme d'investissement d'avenir et qui prévoient que l'État équipe matériellement les écoles. Le texte proposé permet la mise en oeuvre d'un tel programme.

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte ensuite l'ensemble des dispositions de la proposition de loi restant en discussion, dans la rédaction issue de ses travaux.

La réunion est close à 19 h 35.

Jeudi 18 novembre 2021

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 15 h 20.