- Lundi 27 septembre 2021
- Modification des sous-objectifs de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, en application de l'article L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale - Examen de l'avis
- Proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale - Examen des amendements aux textes de la commission
- Mercredi 29 septembre 2021
- Mineurs non accompagnés - Examen du rapport d'information
- Plafond annuel de la sécurité sociale - Examen du rapport d'information
- Soins palliatifs - Examen du rapport d'information
- Désignation de rapporteurs
- Proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale - Désignation des membres de la commission mixte paritaire
- Projet de loi relatif à la protection des enfants - Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles
Lundi 27 septembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 15 heures.
Modification des sous-objectifs de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, en application de l'article L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale - Examen de l'avis
Mme Catherine Deroche, présidente. - Par un courrier du 15 septembre 2021, j'ai été saisie par le ministre des solidarités et de la santé et par le ministre délégué chargé des comptes publics d'un projet de modification des sous-objectifs de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), sur lequel notre commission doit rendre un avis en application du code de la sécurité sociale. J'ai demandé à notre collègue Corinne Imbert, rapporteure pour l'assurance maladie, de nous exposer les modifications du Gouvernement et de nous proposer un avis que je soumettrai à la commission.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour l'assurance maladie. - Comme vous le savez, l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que notre commission doit être consultée par le ministre chargé de la sécurité sociale sur les projets de modifications des sous-objectifs de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et de leurs composantes.
Par lettre en date du 15 septembre 2021, reçue le 16 septembre, la présidente de la commission a été saisie d'une telle demande d'avis par le ministre de la santé et des solidarités et le ministre délégué chargé des comptes publics. Conformément à l'article L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale, nous avons jusqu'au 1er octobre pour rendre cet avis. Catherine Deroche m'a chargée, en ma qualité de rapporteure pour l'assurance maladie, de vous présenter les changements envisagés par le Gouvernement et de vous soumettre une proposition d'avis de la commission.
Je souhaite tout d'abord attirer votre attention sur le calendrier de notre saisine. La présidente a souhaité inscrire ce point à l'ordre du jour de ce 27 septembre, soit bien avant la limite fixée par la loi organique. Mais force est de constater que, nous saisissant le 15 septembre, le Gouvernement fait peu de cas de l'avis du Parlement. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, qui portera cet Ondam remanié, est déjà au Conseil d'État et, quel que soit l'avis des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat, je doute que le Gouvernement ajuste ses projets... À titre de comparaison avec la loi de finances, la maquette budgétaire est, elle, présentée habituellement en juin lors de la discussion de la loi de règlement.
J'en viens maintenant aux modifications proposées. Le Gouvernement indique vouloir renforcer la visibilité des crédits en faveur de l'investissement au sein de l'Ondam en regroupant dès 2022 une part plus importante des dépenses d'assurance maladie au titre des dispositifs nationaux de soutien au sein d'un même sous-objectif, et vouloir accroître les leviers financiers dont disposent les agences régionales de santé (ARS) dans l'objectif de renforcer la territorialisation.
Les modifications souhaitées conduisent à des
transferts de l'ordre de 2 milliards d'euros à destination de
l'actuel cinquième sous-objectif, depuis le deuxième
sous-objectif
- 1,4 milliard d'euros -, la Caisse nationale
de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et la branche autonomie - 0,6
milliard d'euros.
Le Gouvernement estime que l'effort à destination de l'investissement en santé, qui se concrétise notamment par le Ségur de la santé et le plan de relance, conduit à justifier la réunion des dépenses d'investissement aux côtés du fonds d'intervention régional (FIR). Le cinquième sous-objectif, dédié au FIR, serait donc étendu et consacré à l'investissement.
Le Gouvernement entend ainsi transférer au sein du cinquième sous-objectif les dépenses du Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS) retracées aujourd'hui, pour la branche maladie, dans le deuxième sous-objectif dédié aux établissements de santé. Mais il compte aussi et surtout intégrer à ce sous-objectif de l'Ondam les dépenses d'autonomie, financées par la CNSA, consacrées au FMIS et aux plans d'aide à l'investissement (PAI) de la CNSA.
Cette modification appelle deux observations. D'une part, l'isolement dans un sous-objectif des dépenses d'investissement peut trouver une pertinence. Mais ce sous-objectif remanié couvrira-t-il tout l'investissement ? Quid de l'investissement courant, par exemple, que la reprise de dette hospitalière est censée aider ? D'autre part, n'oublions pas que nous parlons de l'Ondam et donc des dépenses d'assurance maladie. Les dépenses d'investissement liées à l'autonomie doivent-elles rejoindre l'Ondam alors que la création de la cinquième branche n'a pas modifié le contenu de celui-ci ? La part du FMIS soutenant les établissements médico-sociaux y a-t-elle bien sa place ? Par ailleurs, les PAI de la CNSA couvrent parfois des dépenses, notamment immobilières, éloignées du champ de la maladie : par exemple, le développement d'activités dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - salon de coiffure, jardin partagé - visant à accueillir des personnes du quartier n'étant pas résidents des établissements doit-il relever de l'Ondam ? Je ne le pense pas. Enfin, je constate que, là où le Gouvernement entend favoriser la lisibilité, il vient seulement, sans effort financier nouveau, gonfler les crédits de l'Ondam de dépenses déjà existantes hors Ondam.
Dans le même temps, afin de renforcer ce même sous-objectif élargi dédié à l'investissement, le Gouvernement prévoit d'y transférer une partie des crédits relatifs aux missions d'intérêt général (Mig) du sous-objectif dédié aux établissements de santé. Pour rappel, les « MIG » sont des dépenses couvertes par des dotations, et non liées à l'activité. Elles ont vocation à couvrir des missions de permanence des soins, comme le Service d'aide médicale urgente (SAMU) ou les missions de recherche et d'éducation des hôpitaux.
Je m'interroge sur les raisons réelles de ce transfert. En effet, le Gouvernement prétend par ce biais accroître la territorialisation des investissements et améliorer les leviers financiers des ARS. Or, pour une partie, les dotations MIG sont d'ores et déjà déléguées par les ARS qui en déterminent le montant, le destinataire et la finalité ! Par ailleurs, les bénéficiaires du FIR sont bien plus larges que les bénéficiaires des MIG, puisqu'ils concernent tant les établissements de santé que les libéraux, les maisons de santé ou même les collectivités. Ce mouvement de réduction des MIG, dont 1,3 milliard d'euros ont déjà été transférés depuis 2012, interroge sur les modalités de financement des missions propres au service public hospitalier par exemple. Alors que nous voulons davantage suivre les dotations spécifiques à l'hôpital, je ne suis pas certaine que ce transfert soit pertinent.
Enfin, les modifications proposées apparaissent des « mesurettes » quand nous appelons depuis plusieurs années à ce que l'Ondam soit remis à plat. Quid de l'évolution de l'Ondam pour tirer les conséquences de la création de la cinquième branche dédiée à l'autonomie ? Quid d'une meilleure identification des crédits des agences sanitaires, toujours dans un sous-objectif « fourre-tout » dénommé « autres prises en charge » ? Quid d'une plus précise appréhension des crédits dédiés aux missions d'intérêt général des établissements de santé, notamment les crédits de recherche ou de permanence des soins, aux côtés des dépenses liées à l'activité ? Quid, surtout, d'une ventilation des dépenses qui ne soit pas essentiellement le fait de deux sous-objectifs représentant chacun une enveloppe de 100 milliards d'euros sur lesquels nous ne pouvons rien modifier ? Bref, si changements des sous-objectifs il doit y avoir, ce n'est pas sur une modification cosmétique et floue, mais bien sur une approche structurelle de la construction de l'Ondam.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis défavorable au projet soumis par le Gouvernement.
M. René-Paul Savary. - Cela mérite une étude plus poussée. Mais si j'ai bien compris, ce sous-objectif est déjà incorporé dans le PLFSS pour 2022.
Mme Catherine Deroche, présidente. - On nous demande un avis purement formel.
M. René-Paul Savary. - Cela mérite-t-il un avis défavorable ? Dans notre rapport sur l'Ondam, nous préconisions une régionalisation mesurée. Ces propositions ne vont-elles pas à rebours de ce que nous avions envisagé à l'époque ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous étions restés assez prudents sur le principe d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie (Ordam).
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Vous aviez proposé la création d'un Ordam. Ce n'est pas le cas ici, où la notion de pilotage n'apparaît même pas. La seule territorialisation avancée concerne les crédits délégués aux ARS, des MIG vers le FIR.
M. René-Paul Savary. - Ce ne sont pas de vrais changements.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les propositions figurent déjà a priori dans le PLFSS pour 2022. En outre, la demande d'avis a été envoyée le 15 septembre, et notre avis doit être rendu le 1er octobre, alors que le PLFSS 2022 sera largement connu. Les droits du Parlement sont bafoués !
M. René-Paul Savary. - C'est la raison pour laquelle je m'interroge sur le bien-fondé d'un tel avis.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La loi organique prévoit que nous soyons consultés.
M. Philippe Mouiller. - Sur le principe, je suis d'accord avec cet avis négatif. Les aspects techniques sont plus complexes. L'ossature du PLFSS pour 2022 est déjà arrêtée. Pourrions-nous y apporter des modifications - notamment concernant la cinquième branche - lors de son examen, sans changer les règles budgétaires de base ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est impossible, mais tel est l'objet de la proposition de loi organique que nous discuterons en fin de journée, laquelle sera applicable pour le PLFSS pour 2023.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous pouvons toujours formuler des observations.
M. Philippe Mouiller. - Et si nous ne votions pas ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - On pourrait nous reprocher de ne pas avoir émis d'avis. Mieux vaut ne pas donner au Gouvernement le bâton pour se faire battre... En outre, l'absence d'avis ne freine pas le Gouvernement, celui-ci étant réputé rendu à l'expiration du délai organique.
Concernant le PLFSS pour 2022, nous connaissons de manière officieuse son contenu, mais il n'a pas encore été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Mme Laurence Cohen. - Les membres du groupe CRCE n'approuvent pas cette politique qui fixe un Ondam sans partir des besoins de santé des Français. Nous déplorons ce manque de temps pour analyser la situation, et les zones d'ombres dans le financement de l'autonomie. Notre groupe a été le seul au Sénat à s'opposer à cette cinquième branche. Au départ, c'était une coquille vide ; ensuite, elle a reposé sur la fiscalisation ; et là, on a le sentiment d'un ultime saupoudrage. Nous avions pourtant alerté sur la nécessité d'une mise à contribution des autres branches, et nous combattons une fois encore cette logique de restriction des dépenses publiques. Pour ces raisons, nous ne sommes pas favorables aux propositions du Gouvernement.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous passons au vote sur la proposition d'avis relatif aux modifications envisagées par le Gouvernement.
La commission émet un avis défavorable aux modifications envisagées des sous-objectifs de l'Ondam et de leurs composantes.
Proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale - Examen des amendements aux textes de la commission
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 1er
L'amendement de coordination n° 53 est adopté, de même que l'amendement de clarification rédactionnelle n° 54.
Article 2
L'amendement rédactionnel n° 55 est adopté, de même que l'amendement de clarification rédactionnelle n° 56.
Mme Catherine Deroche, présidente, en remplacement de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 57 vise à préciser que les délais constitutionnels encadrant l'examen des PLFSS par le Parlement ne s'appliquent qu'aux PLFSS de l'année.
L'amendement n° 57 est adopté.
Article 3 ter
L'amendement de coordination n° 58 est adopté.
Article additionnel après l'article 3 quater
Mme Catherine Deroche, présidente, rapporteure. - L'amendement n° 59 précise que la mission d'assistance du Parlement exercée par la Cour des comptes comporte notamment la réalisation des enquêtes demandées par les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que la production du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et du rapport de certification de la régularité et de la fidélité des comptes du régime général.
L'amendement n° 59 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Catherine Deroche, présidente, en remplacement de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Avec l'amendement n° 46, le Gouvernement supprime la présentation détaillée des comptes des administrations de sécurité sociale dans l'article liminaire des lois de financement de la Sécurité sociale : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 20, de même que les amendements identiques nos 13 rectifié, 36 et 47, suppriment l'inclusion de l'assurance chômage dans le périmètre des lois de financement : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20, de même qu'aux amendements nos 13 rectifié, 36 et 47.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 14 précise que le calcul de l'Ondam doit s'appuyer sur les besoins de santé de la population et de ses besoins attendus : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 48 supprime les conditions de relèvement des crédits de l'Ondam que nous avons introduits : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Les amendements identiques nos 6 et 33 fixent l'Ondam sur la base du protocole pluriannuel relatif aux établissements de santé : ce serait donner à un engagement pris par le Gouvernement, une force juridique supérieure à la loi de financement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 6 et 33.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 34 prévoit que la loi de financement présente les besoins humains, matériels et financiers pour répondre à la situation de santé de la population. Cette information, non normative, n'a guère sa place dans la loi de financement et relève plutôt d'une annexe ; les programmes d'efficience des politiques de sécurité sociale sont déjà censés dresser le diagnostic sanitaire et social de la population. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 21 précise le monopole des lois de financement de la sécurité sociale pour ce qui est de réduire les ressources de la sécurité sociale. L'intention rejoint celle de Thomas Mesnier, d'interdire toute réduction des ressources de la sécurité sociale d'une durée de plus de trois ans, même compensée, en dehors d'une loi de financement. Le rapporteur comprend l'intention, mais propose de s'en tenir à la rédaction de l'Assemblée nationale, quitte à y revenir en commission mixte paritaire. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 22 va dans le même sens que le précédent : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 23 prévoit la compensation de toute baisse de recettes de la sécurité sociale, par la diminution d'une niche sociale : le législateur doit rester libre du mode de compensation à la sécurité sociale. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 40 rectifié étend le champ des lois de financement de la sécurité sociale à la dette des hôpitaux, c'est contraire aux missions que la Constitution confie au PLFSS, la dette hospitalière étant sans effet sur le solde des régimes obligatoires de base : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40 rectifié.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 24 propose delever le secret des affaires dans le champ des dépenses sociales : avis défavorable car le secret des affaires n'entre pas dans le champ des exceptions à notre droit d'interrogation prévu à l'article LO 111-9 du code de la sécurité sociale.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Les trois amendements identiques nos 1 rectifié, 5 et 9 inscrivent à l'annexe B une présentation pluriannuelle des recettes et dépenses liées aux médicaments, ce n'est guère sa place : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 1 rectifié, 5 et 9.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'amendement n° 26 supprime le suivi du solde de la sécurité sociale dans le « compteur des écarts », alors que nous avons tenu à le maintenir : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Je vous prie de m'excuser pour ce retard.
L'amendement n° 38 supprime le « compteur des écarts » et l'annexe informative sur les régimes complémentaires de retraite, alors que la commission est attachée à ces deux outils : avis défavorable.
Mme Monique Lubin. - Pourquoi une telle annexe sur les régimes complémentaires, alors que les fonds dont il est question viennent des cotisations sociales, gérés par les partenaires sociaux ? Nous y voyons un danger d'une extension future des lois de financement à ces régimes complémentaires, l'expérience nous a appris qu'il fallait se méfier. Nous sommes bien sûr favorables à l'information du Parlement, c'est l'une des missions du Conseil d'orientation des retraites (COR).
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Vous craignez que le COR ne perde son rôle...
Mme Monique Lubin. - Mon inquiétude, c'est plutôt que le législateur se mêle de la gestion des complémentaires, alors que cette gestion doit rester entre les mains des partenaires sociaux.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Tout le monde ne participe pas aux travaux du COR, je ne vois pas en quoi l'information du Parlement serait une gêne. Nous avons constaté que des régimes avaient constitué des réserves importantes, supérieures mêmes à ce qu'ils pensaient ; notre objectif n'est nullement de remettre en cause la gestion paritaire, mais d'informer le Parlement.
M. René-Paul Savary. - Je comprends la préoccupation de Monique Lubin, mais il faut quand même pouvoir disposer de tous les éléments d'analyse sur le système des retraites, ce qui inclut nécessairement les régimes complémentaires, faute de quoi on ne dispose que d'une vision tronquée. Il est normal que le Parlement dispose de toute l'information, c'est pourquoi nous avons soutenu la rédaction de la commission.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Nous n'avons nulle intention de remettre en cause la gestion paritaire des complémentaires de retraite.
Mme Monique Lubin. - Que le Parlement dispose de l'information, nous y sommes bien sûr favorables, mais on parle ici d'une annexe au projet de loi de financement, ce qui peut apparaître comme une première porte d'entrée vers la gestion de ces régimes complémentaires : l'expérience nous a appris à nous méfier...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Il ne s'agit ici ni plus ni moins que d'information et de contrôle, et non pas d'immixtion.
M. Bernard Jomier. - On en débattra en séance, mais il faut placer ce type de mesure dans une perspective plus longue. L'étatisation de l'assurance maladie ne s'est pas faite en un jour, elle résulte d'un processus que personne n'a planifié en tant que tel, mais qui nous a conduits là où nous en sommes aujourd'hui et à ce que nous constatons tous. Nous sommes favorables à l'information du Parlement, mais les partenaires sociaux nous le disent : une annexe à la loi de financement, c'est un autre exercice, et ils n'y sont guère favorables.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Nous les avons informés et ce n'est pas ce qu'ils nous ont dit...
M. Bernard Jomier. - Nous ne disons pas que cette information est synonyme d'étatisation des régimes complémentaires, mais cela peut en être une étape ; l'expérience nous a effectivement appris que nous devions nous méfier.
Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités sur les retraites complémentaires.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Il leur reste à le faire sur l'assurance chômage. Pour les complémentaires retraite lors de l'examen du projet de loi créant le système universel, nous avons rencontré tous les régimes et nous avons eu bien des découvertes. J'ai suffisamment pratiqué le paritarisme pour connaître son intérêt et sa valeur, une annexe au PLFSS ne signifie pas une immixtion dans la gestion, mais une information du Parlement, ce qui me semble bien légitime.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 32 rectifié vise à supprimer l'objectif de réduction des écarts entre la loi de programmation et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Avis défavorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 32 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Les amendements identiques nos 16 rectifié, 25, 37 et 50 sont contraires à notre position sur la « règle d'or ». Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 16 rectifié, 25, 37 et 50.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement n° 28 qui touche aux moyens de fonctionnement des caisses. Il nous paraît utile de disposer d'un rapport d'efficience sur les moyens des caisses.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 51 du Gouvernement vise à supprimer les programmes de performance pour cause de manque de moyens pour les réaliser. En outre, il suffit de se reporter aux annexes des lois de finances. Les craintes relatives à la surcharge de l'administration nous paraissent exagérées. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 44 rectifié vise à préciser le nombre d'années retracées dans le diagnostic de situation annexé à la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS). Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 44 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 30 vise à exclure de l'analyse de soutenabilité financière des régimes complémentaires les annexes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 27 tend à mesurer l'impact des réductions de cotisations et contributions sociales en création d'emplois et évolution des salaires. C'est réducteur par rapport au principe, introduit par la présente proposition de loi, d'une évaluation triennale de l'ensemble des niches sociales.
Mme Laurence Cohen. - On ne peut déplorer, pendant la pandémie, la difficulté de financement des besoins de santé ni trouver que les caisses sont, petit à petit, asséchées par des exonérations de cotisation sociale et ne jamais demander des comptes sur le bilan de ces exonérations.
Il n'est jamais demandé aux entreprises de contrepartie : c'est caisse ouverte quand il s'agit de satisfaire leurs intérêts au détriment du bien commun. Il me paraît important de proposer un amendement de ce genre lors de l'examen du budget.
En l'occurrence, il y a une entente entre le Gouvernement et la droite sénatoriale pour restreindre les dépenses publiques.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - La PPLO prévoit une évaluation triennale de l'ensemble des niches sociales. Il y aura donc une évaluation. Nous sommes d'accord sur le fait qu'on ne peut laisser constamment filer les exonérations et les réductions de cotisations. L'avis est néanmoins défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 17 est presque identique au précédent. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Au sein de l'annexe dédiée à l'Ondam, l'analyse des soins financés, qui se fait au regard des besoins de santé publique, sera aussi liée, au travers de l'amendement n° 29, au principe d'égalité d'accès aux soins. Cet amendement me paraît satisfait, l'égalité d'accès aux soins participant, à mon sens, des besoins de santé publique. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 18 et les amendements identiques nos 2 rectifié, 4 rectifié et 10 visent à créer une annexe relative aux médicaments. Je suis d'accord sur le principe. Je propose un avis favorable sur les amendements nos 2 rectifié, 4 rectifié et 10 et défavorable sur l'amendement n° 18.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 2 rectifié, 4 rectifié et 10. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n 18.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 35 vise à créer une annexe sur les besoins en matière de santé, un objectif très ambitieux. Cette information figure déjà dans une autre annexe que nous avons créée en commission, les programmes d'efficience des politiques de sécurité sociale (PEPS).
La commission a prévu que ces programmes doivent dresser le diagnostic sanitaire et social de la population. Par ailleurs, l'annexe dédiée à l'Ondam prévoit également une analyse des soins financés au regard des besoins de santé publique. Retrait ou avis défavorable.
M. Bernard Jomier. - C'est un amendement d'appel.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 35 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 45 rectifié vise au rétablissement de la rédaction de l'Assemblée nationale sur l'annexe relative aux établissements de santé. La commission souhaite mieux identifier les dotations versées aux établissements et les distinguer et mieux appréhender les dépenses d'investissement. Cet amendement entend revenir sur la position de la commission : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 31 tend à mesurer l'impact des mesures de réduction de cotisations ou contributions sociales sur les créations d'emplois et l'évolution des salaires. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 19 vise une évaluation annuelle des « niches sociales », alors que le texte en prévoit à un rythme triennal. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Les amendements identiques nos 11 et 12 visent à supprimer la consécration du « Printemps de l'évaluation » au niveau organique. De fait, ce mode de contrôle n'existe qu'à l'Assemblée nationale, tandis que le Sénat dispose d'autres moyens de contrôle. En outre, notre mission d'évaluation des comptes de la sécurité sociale est permanente. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 11 et 12.
Article additionnel après l'article 3 sexies
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 42 rectifié vise à créer un questionnaire des commissions des affaires sociales préparatoire à la LACSS. L'envoi d'un tel questionnaire au moment où les comptes de la sécurité sociale ne sont même pas clos semble précoce. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Les amendements identiques nos 39 et 52 suppriment la date d'entrée en vigueur de la règle d'or à laquelle le Gouvernement est opposé. Avis défavorable, par cohérence.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 39 et 52.
Article additionnel après l'article 4
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 3 rectifié demande un rapport sur l'opportunité d'une loi de programmation de l'Ondam. Sur le fond, je doute de l'opportunité de telles lois, même si je sais qu'une telle proposition est formulée par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM). Je m'interroge sur les éventuels doublons ou incohérences qui pourraient survenir par rapport aux lois de programmation des finances publiques, qui intègrent une planification de l'évolution de l'Ondam. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.
PROPOSITION DE LOI
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 2 est un amendement de coordination avec la proposition de loi organique.
L'amendement n° 2 est adopté.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - L'amendement n° 1 du Gouvernement vise à revenir sur la modification de la procédure d'avis rendu par les caisses de sécurité sociale qui a été introduite en commission. En effet, la proposition de loi permet une refonte substantielle de ces avis, qui seraient remis directement au Parlement, et non plus au Gouvernement. En outre, les caisses auraient désormais un délai plus long pour rendre cet avis.
Le Gouvernement promet une concomitance entre l'avant-projet et le projet, le premier arrivant, par définition, avant le second. Ce sont les caisses qui nous informent du projet de loi du financement de la sécurité sociale par les caisses. Cette situation était assez curieuse. J'espère que cela ne réduira pas le temps nécessaire au Sénat à la discussion du projet de loi. Je serai favorable à cet amendement si nous avons des garanties quant au fait que notre calendrier d'examen ne sera pas dégradé.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Un avis de sagesse me paraît adéquat.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. - Très bien. Je vous propose donc un avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission et les avis donnés par la commission sur les autres amendements de séance sont retracés dans les tableaux suivants :
EXAMEN DES AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
TABLEAU DES SORTS
TABLEAU DES AVIS
EXAMEN DES AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI
La réunion est close à 16 h 10.
Mercredi 29 septembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales et de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois -
La réunion est ouverte à 8 h 35.
Mineurs non accompagnés - Examen du rapport d'information
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons les analyses et propositions de nos quatre rapporteurs Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy sur les mineurs non accompagnés.
La commission des affaires sociales a publié un rapport de nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Élisabeth Doineau en 2017 sur ce sujet difficile, qui reste d'une actualité forte, en particulier pour les départements qui voient leurs capacités d'accueil mises à mal par des flux très importants, au fil des arrivées qui sont un peu le thermomètre de la géopolitique du moment.
C'est donc avec un grand intérêt que nous attendons les conclusions de nos collègues.
M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Ce sujet sensible suscite effectivement de vives inquiétudes et certaines crispations politiques : c'est pour cela que nous devons nous en saisir.
Plusieurs travaux importants ont déjà été réalisés sur le sujet, en particulier le rapport d'information très complet réalisé par Élisabeth Doineau et notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy en 2017, intitulé « Mineurs non accompagnés : répondre à l'urgence qui s'installe ». Au printemps dernier, les députés se sont plus particulièrement penchés sur les problématiques de sécurité associées à la présence de MNA.
Pourquoi un nouveau rapport sur le sujet ? Alors que le phénomène s'est durablement installé dans nos territoires, les questions qu'il pose sont restées largement irrésolues, en dépit de certaines avancées. Plusieurs textes en préparation ou en cours de navette tentent d'y apporter des réponses. C'est pourquoi le moment apparaît opportun de clarifier les termes actuels du débat et de proposer des orientations pour l'avenir.
Nous avons choisi d'aborder la question sous trois angles : celui de l'entrée dans le dispositif d'accueil de MNA, qui pose le problème épineux de la répartition des compétences entre les départements et l'État ; celui des problèmes de sécurité posés par certains jeunes isolés, en évaluant le rôle éventuel de filières criminelles ; enfin, celui de la préparation de la sortie de la minorité et de l'accompagnement de ces jeunes vers l'autonomie.
Je vous parlerai en premier lieu des aspects relatifs à la régulation des entrées dans le dispositif MNA.
Les personnes se présentant comme MNA font l'objet d'une procédure spécifique en amont de leur prise en charge de droit commun par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Il incombe au département de procéder à une évaluation sociale des demandeurs, le point crucial étant de déterminer s'il s'agit de mineurs. En outre, le département est tenu de mettre en place un accueil provisoire d'urgence, ou « mise à l'abri », d'une durée théorique de cinq jours.
Le nombre de MNA intégrant les dispositifs de protection de l'enfance avait plus que triplé entre 2014 et 2017, passant de 5 033 à 17 022 selon les chiffres du ministère de la justice. L'année 2020 a été marquée par une forte diminution des déplacements du fait de la pandémie : 9 524 placements ont été enregistrés. Toutefois, le nombre d'entrées de MNA à l'ASE avait déjà connu une légère baisse de 1,5 % en 2019.
Le nombre d'évaluations conduites par les départements est cependant resté élevé sans que l'on puisse en connaître le nombre exact. Selon les chiffres provisoires communiqués par le ministère, il s'est élevé à 37 212 en 2019 après 51 337 en 2020. Il se confirme qu'une part prépondérante des personnes évaluées ne sont pas considérées comme mineures à l'issue de ce processus : l'Association des départements de France (AdF) estime à 70 % le nombre de personnes évaluées majeures, le ministère, lui, à 55 % en moyenne entre 2016 et 2019.
Or, cette phase « amont » représente une charge financière importante pour les départements : passé le délai de cinq jours de recueil administratif, la mise à l'abri du jeune demandeur se prolonge tant qu'une décision de l'autorité judiciaire n'est pas intervenue.
En « aval », l'effectif de MNA pris en charge par l'ASE se maintient à un niveau élevé, représentant des dépenses parfois très lourdes. Selon le ministère de la justice, 23 461 mineurs non accompagnés étaient ainsi pris en charge par les conseils départementaux au 31 décembre 2020, après 31 009 fin 2019 et 28 411 fin 2018.
Pour quantifier cette charge, nous estimons à 1,1 milliard d'euros dans le rapport le coût annuel de la prise en charge des MNA par l'ASE. Il s'avère toutefois difficile de retracer avec précision les dépenses d'aide sociale à l'enfance directement imputables aux MNA.
Devant ces chiffres, un soutien plus fort de l'État reste attendu. L'aide de l'État est en baisse cette année dans ses deux composantes. En particulier, le mode de calcul actuel de la contribution de l'État aux dépenses d'ASE, assise sur l'augmentation des flux entrants avec une année de décalage, rend sa contraction quasiment inexorable.
L'entrée dans le dispositif cristallise une grande partie des difficultés et des incohérences de cette politique. Depuis 2013, un référentiel partagé a été progressivement mis en place. L'évaluation doit ainsi s'appuyer sur un faisceau d'indices et avoir un caractère pluridisciplinaire. Le département peut bénéficier du concours des services préfectoraux avec la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « appui à l'évaluation de la minorité » (AEM). Enfin, le recours à des examens osseux complémentaires a été encadré par la loi.
En dépit de cet encadrement et de ces efforts d'harmonisation, la Cour des comptes relève dans un référé d'octobre 2020 que « l'évaluation de minorité et d'isolement familial reste très hétérogène d'un département à un autre quant à sa durée et à ses modalités ». Ces constats ont été corroborés par nos auditions. Le degré de professionnalisme de l'organisme en charge de l'évaluation, la durée de l'évaluation et les conditions de mise à l'abri dans le cadre du recueil provisoire d'urgence diffèrent d'un territoire à l'autre et engendrent des taux de prise en charge inégaux à l'issue de l'évaluation. La question de l'impartialité de l'évaluation lorsque l'organisme qui en est chargé assure également la mise à l'abri, a également été posée.
Ces multiples différences de traitement engendrent des différences d'attractivité entre les territoires, qui tendent elles-mêmes à renforcer les inégalités.
En conséquence, le dispositif national d'orientation des MNA est fragilisé par la défiance de plusieurs départements, ce qui donne lieu à des pratiques de réévaluation des jeunes provenant d'autres territoires.
Sur l'ensemble du territoire, on constate un manque de cohérence de la politique conduite par les différents acteurs. La multiplicité des instances susceptibles d'être saisies - procureur de la République, juge pour enfants, juge administratif - engendre une multitude de procédures parallèles, qui amènent à la prise de décisions contradictoires.
Face à ces constats, le rapport formule plusieurs propositions tendant à créer les conditions d'une véritable politique nationale. Il y a en la matière un défaut de pilotage et de coordination qui explique une grande partie des difficultés ; n'oublions pas d'associer à la réflexion sur la réforme de cette gouvernance le ministère des affaires étrangères pour prendre en compte la dimension internationale du phénomène.
La question de la répartition des compétences entre l'État et les départements en ce qui concerne la gestion de l'évaluation et de la mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA doit être tranchée dans le sens d'une centralisation de cette phase initiale, qui relève d'une politique migratoire sur laquelle les départements n'ont aucune prise et qui donne lieu à des dépenses indues pour les collectivités. Ce scénario favoriserait la mise en cohérence de la politique conduite entre les différents acteurs.
D'ores et déjà, la compensation par l'État doit couvrir l'intégralité des dépenses des départements afférentes à la prise en charge des personnes se présentant comme MNA pendant la durée de l'évaluation. Par ailleurs, l'ensemble des départements devraient recourir au dispositif AEM afin de fiabiliser les évaluations : bien que la participation financière de l'État soit désormais modulée en fonction de l'utilisation de cet outil, plusieurs départements refusent toujours d'y recourir.
Quelle que soit la collectivité publique responsable de la phase d'évaluation et de mise à l'abri, une homogénéisation des conditions dans lesquelles celle-ci est mise en oeuvre est indispensable.
À cette fin, nous considérons que l'évaluation doit, de préférence, être exercée directement par les services compétents. Dans les cas où elle est déléguée, la personne publique responsable doit imposer à l'association délégataire la présentation de rapports d'activité les plus complets possible et en assurer un suivi rigoureux.
Pour améliorer la qualité de l'évaluation, il est par ailleurs souhaitable qu'un temps de répit, uniquement dédié à la protection et préalable à l'évaluation, soit garanti à toutes les personnes se présentant comme MNA. Il semble également nécessaire, notamment pour des raisons de santé publique, de réaliser effectivement un premier rendez-vous de santé dès le stade de l'évaluation, qui ne doit pas avoir pour objet de déterminer l'âge de la personne.
Concernant les examens osseux, le cadre posé par le Conseil constitutionnel, qui tire les conséquences des avis scientifiques réservés sur la fiabilité de ces tests, doit être respecté sur l'ensemble du territoire national. Le dernier avis du Haut Conseil de la santé publique sur le sujet datant de 2013, il serait toutefois intéressant de réaliser une nouvelle étude afin de vérifier si de nouvelles méthodes scientifiques permettent aujourd'hui de déterminer avec davantage de précision et de fiabilité l'âge d'un individu.
En conséquence de l'application plus uniforme de la procédure d'évaluation sur le territoire, il apparait souhaitable d'interdire les réexamens de la minorité lorsque celle-ci a été actée par un département ou confirmée par décision de l'autorité judiciaire. Nous recommandons d'unifier, par une circulaire du Garde des Sceaux, la politique en matière de traitement par le parquet des demandes de placement à l'ASE.
Pour sécuriser les moyens financiers de la protection de l'enfance, nous plaidons enfin pour pérenniser la contribution « exceptionnelle » de l'État aux dépenses des départements et pour revoir son mode de calcul en se basant non pas sur la variation des flux de MNA entrants, mais sur l'effectif de MNA pris en charge par l'ASE. À cette fin, il est indispensable que les départements soient en mesure de mieux comptabiliser les dépenses liées à la prise en charge des MNA par l'ASE.
M. Hussein Bourgi, rapporteur. - Les inégalités de traitement en matière d'hébergement méritent une attention particulière. D'abord, l'accueil provisoire d'urgence n'est pas toujours effectif. Or, lorsqu'une personne se présentant comme MNA n'est pas mise à l'abri le temps de l'évaluation, elle se retrouve à la rue en attendant l'évaluation de sa situation, ce qui compromet gravement ses chances et la place en position de vulnérabilité, en particulier vis-à-vis des réseaux mafieux.
Il apparaît ensuite que la mise à l'abri des MNA lors de la phase d'évaluation s'opère en très grande partie à l'hôtel. Plusieurs conseils départementaux que nous avons auditionnés ont confirmé recourir habituellement à l'hébergement hôtelier pour tout ou partie des personnes en cours d'évaluation.
Les problèmes posés par l'hébergement hôtelier dépendent de ses conditions de mise en oeuvre, qui varient fortement selon les départements. L'hébergement hôtelier est souvent marqué par un faible contrôle de la qualité des lieux d'accueil, un accompagnement très limité par les travailleurs sociaux ainsi qu'une perception relativement négative de leurs conditions de vie par les jeunes concernés. Ils sont accueillis le soir pour dormir, et le matin ils sont mis à la porte, livrés à eux-mêmes.
Certains hôtels paupérisés se sont spécialisés dans ce type de prestation, ne vivant que du public apporté par les collectivités, avec des redevances garanties, et laissant ainsi leur établissement se dégrader. Dans plusieurs villes, des hôtels n'accueillent que des MNA, ne font plus de travaux de sécurité ni de ravalement, ce qui ne facilite pas l'insertion de ces jeunes dans leur environnement. En tout état de cause, ces lieux ne sont pas appropriés pour l'accueil de mineurs.
Comme nous l'avons constaté en Gironde, il existe des alternatives à l'hôtel, tels les « hébergements diffus » en semi autonomie parfois confiés à des prestataires, qui peuvent offrir des conditions de contrôle et d'accompagnement meilleures.
L'hébergement hôtelier semble fréquemment se poursuivre pour les jeunes ayant été reconnus comme mineurs. Selon l'IGAS, le nombre moyen de mineurs accueillis à l'hôtel s'élève au minimum à 5 % des jeunes de l'ASE. 95 % des mineurs hébergés à l'hôtel seraient des MNA et 28 % des MNA admis à l'ASE seraient pris en charge à l'hôtel.
Cette pratique est très inégalement répandue selon les départements, nos auditions ont montré qu'elle évolue favorablement dans certains cas. Paris a ainsi transformé plus de 600 chambres d'hôtel accueillant des mineurs en foyers ou appartements partagés et veille désormais à faire en sorte que plus aucun enfant confié à l'ASE ne soit hébergé à l'hôtel. C'est une initiative à encourager car elle permet la présence constante de travailleurs sociaux.
Nos recommandations vont dans le sens d'une homogénéisation « par le haut » de la mise à l'abri, qui devrait relever de la compétence de l'État. Il va de soi que la mise à l'abri prévue par la loi doit avant tout être effective, quel que soit le mode d'hébergement retenu. La pratique de l'hébergement hôtelier devrait en principe être exclue s'agissant des MNA reconnus mineurs. Nous estimons également souhaitable de tendre vers la fin de l'hébergement à l'hôtel pour la mise à l'abri des personnes en cours d'évaluation.
Les conditions de prise en charge des MNA peuvent accentuer leur vulnérabilité et le risque pour eux d'entrer dans la délinquance ou dans un réseau mafieux. L'hébergement en structure hôtelière peut notamment en faire la proie de réseaux criminels.
Si, dans le cadre de ce rapport, nous avons souhaité nous intéresser à la délinquance des mineurs non accompagnés, malgré l'existence de travaux déjà nombreux sur le sujet, notamment du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, c'est que le problème est réel sur nos territoires et qu'il ne sert à rien de le nier. Il suffit de lire la presse régionale pour constater que le phénomène, longtemps concentré dans le centre des métropoles, s'étend maintenant dans le périurbain et dans les transports en commun.
Henri Leroy présentera les questions relatives à la sécurité mais je souhaite souligner un point qui nous a particulièrement intéressés lors de notre déplacement en Gironde, et qui a été confirmé ensuite par les représentants d'autres départements. C'est le fait qu'il ne faut pas confondre les mineurs non accompagnés pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et les jeunes délinquants en errance. Même s'il existe des MNA qui ont commis des faits de délinquance et sur lesquels nous avons des données de la part des départements (de 5 % à 10 % selon les cas), ce sont deux populations distinctes qui ne se recoupent que très marginalement.
En effet, les jeunes délinquants en errance présentent un profil sociologique distinct des MNA pris en charge par l'ASE.
Les jeunes délinquants sont plus âgés en moyenne que les MNA pris en charge par l'ASE, avec une proportion importante de jeunes en réalité majeurs, qui détruisent leurs papiers d'identité et proviennent principalement des pays d'Afrique du Nord, alors que la majorité des jeunes pris en charge par l'ASE est issue de l'Afrique sub-saharienne, ils ne posent guère de problème et veulent s'intégrer par la scolarité ou le travail. Surtout, les jeunes délinquants errants ne sont, le plus souvent, pas pris en charge par l'ASE et ils ne s'inscrivent pas dans un parcours d'insertion.
Cette différence a été soulignée avec force par le président du conseil départemental de la Gironde et par la mission MNA relevant de la direction départementale de la sécurité publique de la Gironde. Ils nous ont invités à distinguer les deux populations et à ne pas nier la qualité du travail des travailleurs sociaux et la volonté d'intégration des MNA. Alors même que la situation en Gironde, et particulièrement à Bordeaux, a fait l'objet d'une attention médiatique et politique soutenue, les forces de police ont indiqué aux rapporteurs qu'il ne se produit aucun cas où une personne se présentant comme mineure est arrêtée puis remise au département car, inconnus de l'ASE, les délinquants refusent en réalité toute prise en charge par les pouvoirs publics et les associations.
Dominique Versini, conseillère de Paris et adjointe à la Maire en charge des droits de l'enfant et de la protection de l'enfance, a fait le même constat de refus de prise en charge par les jeunes en errance du quartier de la Goutte d'Or, souvent arrivés très jeunes, à l'âge de 12 ou 13 ans, mais intégrés à des filières de délinquance locale et victimes d'addictions et d'exploitation.
La population des jeunes en errance se caractérise par sa vulnérabilité. En particulier, ces jeunes présentent fréquemment une addiction à des substances psychotropes illicites ou à des médicaments détournés de leur usage initial. Ces jeunes sont aussi victimes de violence et d'exploitation sexuelle, voire de traite des êtres humains.
Nous nous sommes interrogés sur l'éventuelle emprise de filières criminelles internationales organisées sur les jeunes en errance. À l'issue de l'audition des administrations concernées et des acteurs de terrain, il nous apparaît que la question des filières criminelles et de traite des êtres humains, dont il est documenté qu'elles ont recours à des mineurs pour commettre des actes de délinquance, constitue un enjeu grave mais distinct de celui de l'arrivée des MNA en France et de la délinquance de jeunes en errance. Les jeunes délinquants dans les filières, notamment les jeunes Roms, sont en effet étroitement contrôlés par le réseau international auquel ils appartiennent et rarement privés de tous liens familiaux qui peuvent contribuer à leur exploitation.
On constate néanmoins la mainmise de délinquants plus aguerris et expérimentés sur les plus jeunes dès leur arrivée. Ce phénomène est attesté depuis 2016 dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, où un réseau de délinquance locale et à la notoriété fantasmée continue, semble-t-il, à attirer les jeunes en errance. Il a aussi été présenté comme une réalité à Bordeaux, où les jeunes en errance sont repérés et recrutés dès leur arrivée en gare par des délinquants locaux.
Afin d'éviter l'emprise de réseaux de délinquance sur les mineurs non accompagnés, nous préconisons de généraliser les maraudes mixtes entre l'État et les départements pour identifier les MNA et faciliter leur orientation vers les services de protection de l'enfance le plus en amont possible.
Nous proposons également d'éloigner géographiquement les mineurs pris en charge afin, le cas échéant, de les libérer de l'emprise de réseaux criminels organisés à l'instar de la politique conduite en Gironde où le placement en zones rurales des MNA en difficulté a permis de résoudre durablement des problèmes d'emprise criminelle.
Je conclurai en soulignant qu'il nous paraît important de distinguer des populations dont la volonté d'intégration diffère. Ainsi, lorsque l'on traite de la délinquance, il nous paraît plus adéquat de parler de jeunes en errance et non de mineurs non accompagnés.
M. Henri Leroy, rapporteur. - Notre rapport conduit à un constat sans appel : les infractions commises par les jeunes en errance sont de plus en plus nombreuses, graves et violentes.
La délinquance liée à ce public représente, sur la période récente, une part croissante de la délinquance en général. Même s'il n'existe pas de statistiques nationales sur le sujet, les données transmises par la préfecture de police de Paris et par la préfecture des Bouches-du-Rhône sont singulièrement inquiétantes. Sur le ressort de la préfecture de police de Paris, la part des jeunes en errance sur le total des mis en cause a plus que doublé entre 2016 et 2020. Par catégorie d'infraction, le constat est tout aussi alarmant : en 2020, les jeunes en errance représentaient 40 % des mis en cause pour des faits de vol à la tire et 29 % pour faits de cambriolage (contre 3 % en 2016). Sur le ressort de la préfecture des Bouches-du-Rhône, sur la seule année 2020, le nombre de mineurs étrangers mis en cause a progressé de 23,3 % et les services préfectoraux estiment « qu'ils sont à l'origine de près de la moitié des faits relatifs [à la délinquance de voie publique] ». Selon la direction départementale de la sécurité publique de Gironde, les faits de délinquance imputables aux mineurs étrangers représentaient ainsi en 2019 près de 73 % des infractions de voie publique.
Ensuite, les infractions commises par les jeunes en errance tendent à être plus graves et plus violentes. Alors que les principales catégories d'infraction identifiées étaient, par le passé, les vols à la tire, on constate le développement sur la période récente des vols par effraction et, surtout, des vols avec violence. Cette tendance est accentuée par l'usage de plus en plus régulier d'armes blanches.
La montée en puissance de la délinquance liée aux jeunes en errance est également perceptible dans les chiffres transmis par les services du ministère de la Justice. Ainsi, la section compétente du parquet de Paris a traité, pour les trois premiers mois de l'année 2021, un total de 1 870 mesures de garde à vue à l'encontre de ces jeunes, soit une moyenne de 15,6 gardes à vue par jour.
Enfin, les observations convergent dans le sens d'une propagation de la délinquance liée aux jeunes en errance des centres villes vers les communes périphériques, voire dans certaines zones rurales.
Alertés par notre collègue Thani Mohamed Soilihi sur les difficultés de sécurité liée à la présence de MNA à Mayotte, nous avons profité des informations recueillies sur place lors du déplacement d'une délégation de la commission des lois conduite par le Président François-Noël Buffet. Vous trouverez dans le rapport un point sur la situation spécifique de ce département.
Face à la délinquance des jeunes en errance, nous avons constaté un certain sentiment de découragement chez les forces de l'ordre et les magistrats. Des cas où un même jeune est interpellé plusieurs fois dans la même semaine, voire le même week-end, sans qu'il soit possible de fixer son identité, ont été reportés. L'insuffisance et l'inadaptation de la réponse pénale constituent également un motif de préoccupation majeur.
La première des difficultés auxquelles sont confrontées les forces de l'ordre a trait à l'identification des jeunes en errance interpellés. En effet, ces derniers refusent le plus souvent de décliner leur identité et ne possèdent pas de documents d'état civil. De plus, ces jeunes se présentent systématiquement comme mineurs lors de leur interpellation, ce qui implique l'application de la loi pénale pour les mineurs, plus protectrice. Or, les forces de l'ordre ne disposent pas de moyens adaptés pour établir l'âge de la personne et, le cas échéant, établir sa majorité au cours de la période de garde à vue sauf à recourir, avec l'autorisation d'un magistrat, à un test osseux, procédure lourde et peu probante. En particulier, elles ne disposent pas d'un accès aux données contenues dans le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM), ce qui pourrait pourtant permettre d'identifier immédiatement les jeunes ayant été reconnus majeurs par les services départementaux de l'ASE. Cette difficulté est encore amplifiée par l'utilisation de multiples alias de la part des jeunes interpellés.
Cet état de fait n'est pas sans conséquences sur la poursuite de la procédure judiciaire. En effet, cette difficulté à « fixer » l'identité des jeunes en errance interpellés conduit à les considérer systématiquement comme des primo-délinquants. Elle s'oppose tant à la gradation de la réponse pénale qu'à la mise en place d'un accompagnement adapté et au long cours.
Dans ce contexte, nous avons accueilli favorablement le projet de rendre obligatoire le recours au traitement AEM. Nous souhaitons également ouvrir l'accès aux données qui y sont enregistrées aux forces de l'ordre. Un tel accès ne permettrait certes pas de résoudre l'ensemble des difficultés liées à l'identification des jeunes interpellés, mais il accélérerait a minima le processus pour les jeunes s'étant préalablement présentés aux services de l'ASE.
Nous souhaitons ensuite la création d'un fichier national relatif aux MNA délinquants. Il pourrait répertorier l'ensemble des infractions commises par des jeunes en errance et faciliterait le rattachement, a posteriori, d'une infraction à son auteur. Un tel fichier rendrait ainsi plus aisée l'identification des jeunes multirécidivistes utilisant un alias différent à chaque interpellation.
Une autre difficulté tient au refus systématique des jeunes en errance interpellés de se soumettre à la prise d'empreinte. Or, en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale, le relevé des empreintes digitales ne peut être imposé que dans des conditions particulièrement ardues à réunir conduisant fréquemment les forces de l'ordre à y renoncer.
En conséquence, nous serons particulièrement attentifs aux modifications de l'article 55-1 du code de procédure pénale qui pourraient être introduites lors de l'examen du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Par ailleurs, nous estimons nécessaire de renforcer les sanctions liées au délit de fourniture d'une déclaration de minorité mensongère.
Face à l'essor de la délinquance liée aux jeunes en errance, il existe des bonnes pratiques qui sont à généraliser. C'est notamment le cas de la coopération mise en place de juin 2018 à mars 2019 entre la préfecture de police de Paris et les autorités marocaines. Dans ce cadre, une équipe spécialisée d'agents consulaires marocains a, avec l'accord du parquet de Paris, participé à l'identification des jeunes en errance interpellés et se réclamant de la nationalité marocaine. Placée dans le commissariat du XVIIIe arrondissement, cette équipe a concrètement mené des entretiens personnalisés auprès des intéressés et exploité les données d'identification saisies. Il s'agissait de fiabiliser les informations d'état civil fournies par ces jeunes et d'objectiver leurs liens familiaux au Maroc.
Ce dispositif a présenté des résultats extrêmement probants et constitue un modèle qui gagnerait à être reproduit.
L'autre voie possible est celle des canaux de coopération policière traditionnels. La préfecture de police de Paris indique ainsi que, depuis septembre 2019, un dispositif d'interrogation des autorités algériennes, marocaines et tunisiennes a été mis en place par la sûreté régionale des transports. Il permet d'obtenir les informations utiles à l'identification des intéressés dans un délai moyen de quatre à cinq semaines ; 1 387 demandes de coopération ont été effectuées et ont permis l'identification de 301 individus, dont une proportion de 93 % de majeurs. Si l'échange d'informations est moins efficace que la présence d'équipes consulaires sur place, il gagnerait néanmoins à être encouragé.
Nous estimons indispensable d'adapter l'organisation et les moyens des forces de l'ordre aux caractéristiques du phénomène des jeunes en errance, en particulier leur forte mobilité. Celle-ci représente un défi d'ampleur pour les services de la police et de la gendarmerie nationales, car elle nécessite une présence accrue dans les transports et plus de coopération entre les deux entités. Notre rapport présente l'exemple de la région de gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine qui est particulièrement intéressant puisqu'il a permis de réaliser des patrouilles dans les trains. S'agissant de la coopération, nous souhaitons que puissent se multiplier les échanges entre les deux entités et nous recommandons d'explorer la piste d'une unité mixte police/gendarmerie référente qui pourrait appuyer les équipes des zones police et gendarmerie face à l'extension géographique du phénomène de délinquance.
Enfin, nous recommandons de mettre en place au sein des services de la police et de la gendarmerie nationale des structures d'enquête spécifiquement dédiées aux jeunes en errance. Pour ce faire, l'exemple de la « cellule MNA » mise en place au sein de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de la Gironde pourrait être utilement répliqué.
Les difficultés rencontrées par la justice ont ensuite été soulignées à la commission des lois en janvier 2020, dans le cadre de l'examen de la révision de l'ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, par M. Rémy Heitz, alors procureur de la République de Paris, aujourd'hui procureur général, lequel a réitéré ce constat lors de son audition conjointe avec Mme Wipf, vice-procureure de Paris, par la mission d'information.
Ces difficultés sont pour partie les mêmes que celles que rencontrent les forces de l'ordre. Des difficultés procédurales demeurent également. Le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure soumis à l'examen du Parlement entend proposer des solutions et nous serons, là encore, attentifs aux suites qui pourraient lui être données.
Au-delà de cette mesure utile, nous estimons que l'entrée en vigueur du code la justice pénale des mineurs en octobre prochain doit être l'occasion d'une remise à plat de la politique de lutte contre la délinquance des mineurs en errance. Le code de la justice pénale des mineurs offre, en effet, des possibilités pour accélérer considérablement la réponse pénale concernant les mineurs qui sont les plus susceptibles d'ignorer les convocations de l'autorité judiciaire. En effet, si le principe procédural posé par le nouveau code est celui de la césure du procès, la juridiction pour mineurs peut cependant statuer au cours d'une même audience sur la culpabilité et sur la sanction.
D'après la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), environ 20 % des affaires devraient être jugées en audience unique. Il ne fait pas de doute que parmi elles figureront celles concernant les mineurs en errance.
Cette faculté d'audience unique, combinée aux dispositions proposées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure », devrait grandement faciliter la réponse pénale. Il importe cependant d'éviter les abus et de veiller à l'usage proportionné des procédures de contrainte. Nous souhaitons donc qu'une nouvelle circulaire du Garde des Sceaux sur la question du traitement de la délinquance des mineurs en errance soit diffusée d'ici la fin de l'année.
L'ensemble de ces mesures nous paraît nécessaire pour lutter contre le phénomène de la délinquance des jeunes en errance et ainsi éviter les rapprochements trop hâtifs entre ces derniers et les mineurs non accompagnés pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - S'agissant des mineurs non accompagnés, reconnus comme tels et pris en charge par les départements, nous avons souhaité aborder la sortie du dispositif de l'ASE sous l'angle de l'accès à l'autonomie. Le constat général que nous dressons est que, trop souvent, le basculement dans la majorité des MNA entraine une insécurité juridique et matérielle qui vient ruiner parfois des années d'investissement humain et financier déployé lors de leur accueil en protection de l'enfance.
Nous sommes convaincus que la préparation à l'autonomie des MNA se joue dès leur arrivée par une scolarisation rapide. Les auditions que nous avons menées ont révélé que la scolarisation des MNA n'est pas à la hauteur des enjeux. Tant que la phase d'évaluation se prolonge, la plupart des jeunes ne font l'objet d'aucune démarche auprès de l'Éducation nationale. En particulier, les associations que nous avons entendues ont témoigné de délais trop longs de vérification documentaire par la police aux frontières (PAF), qui entravent les démarches de scolarisation.
Lorsque les procédures sont enfin entamées, les jeunes pâtissent de la complexité des démarches administratives. Les délais pour réaliser les tests des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) ou les délais pour obtenir des rendez-vous en centre d'information et d'orientation (CIO), qui sont nécessaires à leur affectation, varient de quelques semaines à plusieurs mois selon les académies. L'inscription finale en unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A), qui sont les unités les plus adaptées pour accueillir les MNA dont la maitrise de la langue française est souvent faible ou inexistante, peut être retardée de plusieurs mois si le territoire est en manque de places. Des jeunes reconnus comme MNA doivent attendre parfois près d'un an et la rentrée scolaire suivante avant d'être inscrits dans un établissement.
C'est pourquoi, nous recommandons aux départements de contractualiser avec des associations afin de généraliser le modèle de préscolarisation dès la phase de mise à l'abri pour les jeunes qui ne sont pas manifestement majeurs. Il convient également d'engager les démarches d'inscription en établissement scolaire au plus vite, en parallèle si nécessaire des examens des documents d'état civil par les préfectures et la PAF.
Il nous semble également essentiel que la coordination entre les services de l'Éducation nationale et les départements soit accrue. Nous proposons donc qu'une rencontre semestrielle ait lieu entre l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'Éducation nationale (IA-DASEN) et le président du conseil départemental afin de mieux anticiper les besoins à venir de places dans les unités pédagogiques spécialisées.
Le passage à la majorité des MNA pris en charge cristallise les incertitudes quant à l'avenir de ces jeunes. Une fois devenus majeurs, la détention d'un titre de séjour devient obligatoire pour qu'ils puissent séjourner en France. Les décisions d'expulsion du territoire français prises à l'encontre d'anciens MNA investis dans leur intégration professionnelle, qui émaillent parfois l'actualité, sont ressenties comme des injustices et touchent l'opinion publique.
Des voies spécifiques d'obtention d'un titre de séjour sont prévues pour les MNA. Elles sont toutefois plus favorables aux MNA recueillis avant l'âge de 16 ans, qui bénéficient de droit d'une carte de séjour sous réserve que certaines conditions relatives à leur insertion soient satisfaites. Les données de la direction générale des étrangers en France font état d'un taux d'approbation des demandes de titre de séjour d'environ 93 %. Les préfectures nous ont transmis des données qui vont dans le même sens, à l'exception de Paris où 68 % des dossiers déposés en 2020 ont fait l'objet de réponses positives tandis que 17 % sont toujours en cours d'instruction. Cela nous conduit à affirmer que le problème réside moins dans les procédures en elles-mêmes que dans leur mise en oeuvre, à la fois lente et complexe.
Une des difficultés rencontrées par les MNA tient au fait que, lors de leur demande de carte de séjour, ressurgit encore la question de leur état civil. En effet, le juge des enfants, en reconnaissant leur minorité, parfois au bénéfice du doute, ne statue pas sur l'authenticité de leurs documents d'état civil. De même, la Cour des comptes constate que, lors de la prise en charge des MNA à l'ASE, leur état civil n'est que trop rarement consolidé. Les jeunes se présentent donc plus tard en préfecture avec des papiers d'identité incomplets ou dont la fiabilité est douteuse, et ce alors que le contrôle opéré est bien plus poussé. Les vérifications documentaires, avec l'intervention de la PAF, rallongent alors considérablement les procédures. La préfecture de la Gironde a ainsi indiqué que 15 % des MNA présentant une demande de titre de séjour en 2020 ont vu leurs documents retenus par la PAF pour vérifications.
Le passage à la majorité peut donc se traduire par une insécurité juridique si les demandes de carte de séjour n'aboutissent pas à temps. Or, après 18 ans, la détention d'un titre de séjour devient obligatoire et, si l'intéressé souhaite signer un contrat d'apprentissage ou d'alternance, l'autorisation de travail nécessaire ne lui est délivrée que s'il satisfait aux critères de la régularisation. C'est donc toute l'intégration sociale et professionnelle de l'ancien MNA qui se retrouve en péril.
Par conséquent, notre rapport recommande de faciliter la mise en oeuvre des procédures d'accès au séjour pour les jeunes engagés dans un parcours d'insertion professionnelle.
De même, nous recommandons d'orienter plus systématiquement vers l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) les mineurs susceptibles de prétendre au statut de réfugié. En effet, nos travaux ont montré que le nombre de demandes d'asile déposées est en réalité très en deçà du public potentiellement éligible. Sur l'année 2019, 755 demandes d'asile avaient été déposées par des MNA auprès des services de l'Ofpra, soit un nombre singulièrement bas au regard des 31 009 mineurs pris en charge par les services de l'ASE au 31 décembre de cette même année. Ce « non-recours » s'explique tant par la complexité des démarches administratives, qui nécessitent la désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter le mineur, que par la sensibilisation insuffisante des services de l'ASE au sujet de l'importance des demandes d'asile.
Enfin, notre rapport a dressé un constat très mitigé de l'accompagnement des MNA lors de l'entrée dans l'autonomie par les départements mais aussi par l'État.
Concernant l'anticipation de la sortie du jeune MNA, la préparation du projet pour l'autonomie est, tout d'abord, tributaire de l'application très imparfaite de la loi du 14 mars 2016. Une étude révèle que 20 % des départements ne mettent pas systématiquement en place l'entretien devant avoir lieu à 17 ans pour tous les jeunes de l'ASE. Appliquer la loi est donc une priorité absolue.
S'agissant des contrats jeune majeur, pouvant être octroyés aux MNA pour prolonger jusqu'à 21 ans leur accompagnement par l'ASE, ils sont utilisés de façon très hétérogène par les départements, ce qui n'est d'ailleurs pas spécifique aux MNA mais peut aussi concerner les autres enfants de l'ASE. Certains choisissent de contractualiser pour une période très brève (de l'ordre de trois mois) et de renouveler si nécessaire la démarche, au détriment du jeune qui demeure dans l'incertitude quant à son avenir. D'autres décident de conditionner l'octroi d'un tel contrat à une prise en charge par l'ASE de deux ans minimum, ce qui conduit mécaniquement à exclure les MNA, arrivés, dans leur grande majorité, après 16 ans.
Pour que les MNA ne se retrouvent pas dans une situation de précarité et que les années de prise en charge à l'ASE ne soient pas vaines, nous proposons de garantir dans la loi la poursuite de l'accompagnement en contrat jeune majeur jusqu'à l'obtention du diplôme ou de la qualification professionnelle du MNA, ce qui devrait être valable aussi pour les autres jeunes.
En outre, les mécanismes mis en place par les missions locales et financés par l'État ne remplissent que partiellement leur rôle de filet de sécurité. En 2019, seuls 168 MNA bénéficiaient d'une Garantie jeunes. C'est pourquoi, notre rapport recommande de mieux mettre en oeuvre les dispositifs de droit commun pour les MNA. À cet égard, nous serons vigilants à ce que la création d'un revenu d'engagement pour les jeunes (REJ), annoncée par le Gouvernement, soit l'opportunité d'accompagner les MNA désireux de s'insérer socialement.
M. Laurent Burgoa, rapporteur. - La politique concernant les mineurs non accompagnés, tant lors de leur entrée dans le dispositif que de leur sortie, souffre d'un manque de moyens juridiques et financiers ainsi que de cohérence à l'échelle du territoire national. Le même constat peut être dressé pour les mineurs étrangers, prétendus ou avérés, qui commettent des actes de délinquance et jettent injustement l'opprobre sur tous les MNA. Nous sommes donc convaincus qu'une impulsion politique forte est nécessaire pour répondre à ces enjeux. Si le projet de loi relatif à la protection des enfants, en cours de navette, présente certaines mesures qui vont dans le bon sens, le compte n'y est pas encore.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci pour ce rapport de grande qualité, qui fait des propositions précises ; place au débat.
M. Dominique Théophile. - Les rapports administratifs et parlementaires montrent tous les difficultés et les carences en matière de mise à l'abri des mineurs suivis par l'ASE, ainsi que la diversité des situations - des jeunes accèdent à des établissements spécialisés, avec un suivi, quand d'autres sont placés dans des hôtels, avec des difficultés de suivi évidentes. Pourquoi ces différences ? Quels sont les départements les plus déficients en la matière ? Constatez-vous des améliorations en général ?
M. Alain Marc. - Je veux souligner l'importance et l'urgence d'une compensation par l'État des dépenses croissantes que les départements engagent pour la protection des mineurs non accompagnés. L'Aveyron a dépensé 6,4 millions d'euros en 2020, la compensation par l'État s'est élevée à 1,2 million d'euros, la différence est énorme pour un département de 280 000 habitants. Or, le nombre de MNA augmente : il faut que la prochaine loi de finances compense réellement les dépenses des départements. Il y a quelques années, Manuel Valls voulait supprimer les départements : s'ils n'étaient plus là, ces dépenses incomberaient bien à l'État, il faut une compensation intégrale.
Mme Florence Lassarade. - Comme sénatrice de la Gironde, un département que vous citez dans votre rapport, je veux signaler le travail que nous avons fait il y a quelques années avec la préfète et les services de l'État sur les bandes de jeunes drogués qui dévastaient littéralement le centre de Bordeaux, des jeunes sous influence de truands qui se présentent souvent comme marocains alors qu'ils sont algériens, qui vivent en squat, refusent toute prise d'empreinte digitale et refusent même tout soin, alors qu'ils peuvent être malades, en particulier de la gale. Or, dans la petite commune où j'habite, nous accueillons des MNA dans un centre et je dois dire qu'après une inquiétude initiale des riverains, les choses se sont bien passées parce que ces MNA, bien accompagnés, se sont insérés. En réalité, les choses se passent bien le temps de la scolarisation, mais ensuite, quand les jeunes devenus majeurs partent pour Bordeaux ou d'autres territoires, on ne sait plus ce qu'ils deviennent.
M. Jean-Yves Leconte. - Dans le débat sur le bon niveau de compétence, entre l'échelon départemental et l'échelon national, il faut tenir compte du besoin que nous avons d'un fichier national avec des éléments biométriques, ou bien les parcours vont consister à passer d'un département à l'autre - il y a une analogie avec les systèmes d'asile à l'échelon européen. Ensuite, je suis réservé sur la recommandation n° 11 relative au test osseux pour déterminer l'âge, car les scientifiques nous disent que la marge d'erreur y est supérieure à celle qui fonde le doute sur la minorité de la personne - en d'autre terme, le recours à cette technique ne sert à rien, sauf quand on n'a pas de doute...
Je salue la recommandation n° 37 sur l'orientation vers l'Ofpra et la recommandation n° 39 pour que l'ASE poursuive une prise en charge jusqu'à la fin de la formation professionnelle ou du cycle universitaire. Il faut parvenir à ce que les MNA suivis par l'ASE ne se trouvent pas démunis face aux services d'état civil pour prouver leur identité lorsqu'ils atteignent 18 ans ; la solution la plus simple et la plus juste serait de considérer que la façon dont la personne a été identifiée dans son suivi par l'ASE, vaille pour le premier titre de séjour, ce serait une façon de reconnaître l'effort d'intégration. Du reste, quand une personne arrive sur notre territoire avec un visa, il n'y a pas de raison de contester l'âge qu'elle a déclaré en entrant sur le territoire.
M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Les différences constatées dans les pratiques de mise à l'abri tiennent beaucoup au fait que les départements manquent de moyens, c'est pourquoi nous demandons l'élaboration d'une politique nationale. Nous sommes, ensuite, très demandeurs d'une compensation intégrale des dépenses liées à la phase d'évaluation par l'État, ce qui suppose leur évaluation précise, ainsi que d'une révision du mode de calcul de la contribution de l'État aux dépenses de l'ASE liées aux MNA.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Le constat d'une disparité des politiques départementales envers les MNA vaut pour la protection de l'enfance en général, nous constatons qu'il y a autant de pratiques, que de départements. C'est pourquoi je suis favorable à une recentralisation de la politique de protection de l'enfance, y compris celle conduite en direction des MNA, de l'identification à la protection.
Mme Frédérique Puissat. - On parle de recentralisation, va-t-on débattre de nouveau de la suppression des départements ? Autant le dire... Je m'interroge à ce titre sur la recommandation n° 4, visant à transférer à l'État les compétences d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA. Or, sur le terrain, nous avons mis en place des cellules d'évaluation : ne va-t-on pas les déstabiliser en recommandant ce transfert ? N'est-ce pas une ingérence dans la vie des collectivités territoriales - et est-on bien sûr que l'État dispose des moyens d'assumer ces missions ? Ne risque-t-on pas, finalement, de les transférer à des associations, dont certaines entretiennent aujourd'hui des relations difficiles avec les collectivités territoriales ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je remercie les rapporteurs d'avoir inclus l'analyse de la situation outremer, y compris à Mayotte, c'est suffisamment rare pour le signaler. L'an passé, la Cour des comptes avait jugé la situation à Mayotte trop « atypique » pour l'inclure dans son analyse des MNA : cela n'aide pas à résoudre les problèmes... Nous avons enregistré à Mayotte 4 446 MNA en 2016, les difficultés se cumulent, les collectivités territoriales n'ont pas de solution, les élus demandent que la solidarité nationale joue, pour que les MNA présents à Mayotte soient pris en charge par d'autres départements français : je ne sais pas si c'est une bonne solution mais elle me semble à examiner. Une mission interministérielle y réfléchit, c'est important que la représentation nationale contribue également à cette réflexion. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre déplacement à Mayotte et pour avoir su, à cette occasion, aborder des sujets aussi difficiles que le suivi des MNA. J'attends avec impatience les solutions concrètes pour nous aider à Mayotte.
M. Henri Leroy, rapporteur. - Une précision sur la place du département de la Gironde dans notre rapport : nous en parlons parce que nous nous y sommes rendus, nous y avons passé une journée avec les services du département et les forces de l'ordre, en particulier parce que la Gironde est le seul département à avoir mis en place une équipe de 12 policiers qui se consacre au phénomène des violences perpétrées par les jeunes errants et les MNA. Nous avons été également attentifs à la situation dans les Alpes-Maritimes, où un groupe de travail a été dépêché à la frontière pour déceler les personnes manifestement majeures qui se présentent comme mineures, avec un résultat positif puisque quatre sur cinq sont apparemment décelées.
Ensuite, lorsque nous faisons référence, dans la recommandation n° 11, aux tests osseux, c'est pour harmoniser les pratiques et en limiter l'usage ; nous appelons, dans la recommandation n° 12, à réévaluer l'ensemble des techniques. En tout état de cause, le doute bénéficie à la personne qui se prétend mineure.
Mme Laurence Cohen. - Je salue ce rapport, intéressant et équilibré. Il faut continuer à réfléchir sur la preuve de minorité qu'on administre, le plus souvent après un entretien qui est déstabilisant, une source d'angoisse pour le mineur qui voit sa parole mise en doute. Le test osseux est remis en cause par les scientifiques, il date de 1930 et je ne vois pas ce que sa recommandation viendrait faire dans un rapport parlementaire.
Ensuite, alors que nous convenons que l'accompagnement est utile le plus longtemps possible, il semble qu'à partir du 1er octobre prochain, les départements ne seront plus obligés d'accompagner les mineurs devenus majeurs : qu'en est-il ?
Enfin, les moyens des collectivités étant très disparates, on comprend mieux qu'elles n'aient pas toutes les mêmes moyens pour l'accompagnement des MNA.
M. François-Noël Buffet, président. - Qu'en est-il des contrats jeune majeur ?
Mme Michelle Meunier. - J'ai suivi vos travaux et je vous félicite pour l'équilibre que vous avez su préserver entre ce qui relève de la protection de l'enfance et ce qui relève de la jeunesse délinquante en errance. Je me situe côté enfance en danger et protection de l'enfance. Un projet de loi arrive prochainement, avec pour rapporteur Bernard Bonne, je crois savoir qu'il contient des mesures contre cette mauvaise pratique consistant à mettre des mineurs non accompagnés dans des hôtels, où ils se trouvent à la merci des réseaux de criminalité. Ce projet de loi vise aussi les contrats jeune majeur, nous aurons à en débattre, il y a là des solutions aux problèmes que vous avez identifiés.
L'accompagnement est nécessaire, décisif, nous le répétons de loi en loi sur la protection de l'enfance aussi bien que sur celles qui visent à prévenir la délinquance. Je déplore qu'on regarde trop souvent, et de plus en plus, l'enfant en danger comme un futur délinquant. En réalité, il faut accompagner les enfants en danger jusqu'à 21 ans, y compris ceux qui viennent de loin. Vous parlez de moyens supplémentaires, mais les forces de l'ordre elles-mêmes paraissent mal outillées sur le sujet : qu'en pensez-vous ?
M. Daniel Chasseing. - Je félicite les rapporteurs pour leurs propositions concrètes. Comment accélérer les procédures d'état civil et l'obtention de cartes de séjour à la majorité, pour que les jeunes ne se trouvent pas d'emblée lâchés dans la nature, mais accompagnés vers un apprentissage et le travail ? Le manque de suivi peut ruiner tout le travail réalisé par l'ASE : une sorte d'obligation de suivi vous paraît-elle possible ?
Mme Jocelyne Guidez. - Ce rapport est important, merci pour vos travaux. J'ai récemment remis une médaille d'or de l'apprentissage à un apprenti-paysagiste qui était un mineur non accompagné : il y a de beaux parcours, ils sont le plus souvent invisibles, comment les rendre visibles et valoriser l'apprentissage et la formation ? Que deviennent ces MNA formés, une fois majeurs ? Demandent-ils la nationalité française ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Je veux souligner la qualité de ce travail important. La recommandation n° 6, cependant, ne va pas de soi : « Inscrire dans la loi des sanctions à l'encontre des actes militants de soutien à la circulation des personnes présentes illégalement sur le territoire, lorsqu'il ne s'agit pas d'actes humanitaires. », qu'est-ce à dire ? Quand un gamin est là, qu'est-ce qu'on fait ? Où commence l'illicite ? Visez-vous un délit de solidarité ?
Ensuite, vous demandez une compensation intégrale du coût par l'État : l'avez-vous chiffrée ? J'ai visité de ces hôtels intégralement habités par des jeunes livrés à eux-mêmes, vous dites que d'autres structures d'accueil sont possibles : à quel coût, et comment faire ?
La recommandation n° 40 donne elle aussi à réfléchir : elle demande de mieux mobiliser les dispositifs de droit commun pour les MNA « insérés socialement et ayant vocation à rester sur le territoire national ». Dès lors, comment faire avec ceux qui ne seront pas « insérés socialement » ? En 1987, le député Gérard Fuchs publiait un livre sur l'immigration avec pour titre « Ils resteront », l'histoire lui a donné raison. Certains peuvent déplorer qu'il n'y ait pas plus de retour vers les pays d'origine, mais la réalité, c'est que ces êtres humains restent.
Enfin, peut-il y avoir une réflexion avec les pays d'origine ?
M. Bernard Bonne. - Le Gouvernement prépare un projet de loi qui traite de l'accompagnement des MNA, il aurait dû être déposé ces jours-ci sur le bureau du Sénat mais il a été retardé. En tout état de cause, le rapport que nous examinons aujourd'hui a toute son actualité. Vous différenciez les jeunes errants et les MNA, ce n'est pas si facile dans les faits. Vous soulignez l'importance de l'ASE, mais vous parlez peu de la PJJ, qui devrait s'occuper des jeunes en errance. Le nombre de MNA diminue cette année du fait du covid-19, mais on peut s'attendre à ce que les arrivées augmentent - ce qui impose qu'on règle la question du financement, car les départements ne pourront pas suivre.
M. Jérôme Durain. - Je salue votre effort de précision pour distinguer les MNA et les jeunes délinquants en errance. Des questions administratives compliquent excessivement la vie de jeunes qui sont intégrés et stabilisés, au point de gâcher parfois le travail accompli pendant des années. J'ai déposé une proposition de loi tendant à sécuriser l'intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'ASE, nous l'examinerons en séance plénière le 13 octobre : je suis convaincu qu'il ne suffit pas de grand-chose pour résoudre ce problème.
M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Je précise que la recommandation n° 4 appelant le transfert à l'État des compétences d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri, a été faite par une mission bipartite entre l'Assemblée des départements de France et les inspections générales, elle peut très bien passer par une délégation au département, donc à ses équipes. Notre question, en réalité, porte sur le financement et la responsabilité de cette compétence.
Le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire prenant fin au 1er octobre, les modalités de l'accompagnement des jeunes sortant de l'ASE vont effectivement changer. Par ailleurs, un amendement à la loi de gestion de la crise sanitaire ayant prévu une compensation à l'euro près pour les départements, il faudra être vigilant à ce que cette règle soit respectée lors de l'examen du PLF.
Enfin, les dépenses à transférer à l'État ont été évaluées à environ 125 millions d'euros par la mission bipartite en 2018.
M. Henri Leroy, rapporteur. - La Cour de cassation a jugé que la loi ne sanctionnait pas le soutien aux personnes entrées illégalement sur notre territoire, dès lors qu'il s'agit d'actes de solidarité humanitaire. Or, ce que nous avons constaté en particulier lors de notre déplacement à Bordeaux, c'est que certains actes militants désorganisent les services délibérément, c'est la raison de la recommandation n° 6.
M. Hussein Bourgi, rapporteur. - La mise à l'abri coûte cher quand on veut qu'elle soit de qualité, parce qu'elle suppose des locaux et un accompagnement effectif par des travailleurs sociaux. Les départements butent sur ces coûts, ils sont disposés à améliorer l'accueil mais il faut que l'État compense leurs dépenses.
Peut-on mieux répartir les MNA entre départements ? C'est déjà le cas, des départements sont plus touchés que d'autres, l'État incite à une répartition - mais ce mécanisme ne fonctionne pas à Mayotte, ce qui n'est pas normal, effectivement, puisque l'insularité ne doit pas empêcher la solidarité.
Oui, il y a des modèles d'intégration et de réussite scolaire à mettre à l'honneur, c'est ce que font plusieurs ordres de la République, par exemple la Légion d'honneur, en organisant des galas d'apprentissage, des parrainages pour suivre des MNA qui font le choix de s'intégrer - la presse s'en est fait récemment l'écho avec un apprenti boulanger à Besançon, nous nous sommes aussi mobilisés dans l'Hérault pour un apprenti boulanger pâtissier, le secteur est en tension et des MNA veulent s'y engager, ce qui est vrai aussi pour le BTP ; il faut valoriser ces initiatives. Les jeunes errants posent des problèmes de délinquance, ils alimentent la chronique des faits divers, mais cela ne doit pas cacher les réussites d'intégration des MNA.
La question de la PJJ reste entière. Ses moyens baissent constamment, elle reste le parent pauvre de la justice, alors que son action est déterminante dans la lutte contre la récidive.
Enfin, l'accompagnement à la sortie de la minorité est un sujet très important ; des préfectures et des départements ont passé des conventions pour traiter plus efficacement les demandes de titres de séjour quand il y a une promesse d'embauche, le patronat joue le jeu en particulier dans les secteurs où le recrutement est en tension, c'est un enjeu qu'il faut considérer.
M. François-Noël Buffet, président. - Je vais demander à la commission d'autoriser la publication de ce rapport d'information.
M. Laurent Burgoa, rapporteur. - J'en précise le titre : « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale ».
M. Alain Richard. - Nous sommes consultés sur la seule publication, pas sur les contenus : c'est un usage du Sénat, une habitude persistante qui est peu conforme à la transparence démocratique.
M. François-Noël Buffet, président. - Une réflexion a été ouverte sur le sujet par le président du Sénat, il devrait nous faire des propositions.
Mme Michelle Meunier. - L'intitulé juxtapose les mineurs non accompagnés et les jeunes en errance, comme s'il y avait une continuité linéaire, alors que les mineurs dont nous parlons ne sont pas nécessairement de futurs délinquants.
M. François-Noël Buffet, président. - Il y a une virgule dans le titre, donc une distinction.
La commission des lois et la commission des affaires sociales autorisent la publication du rapport.
La réunion est close à 10 h 10.
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 15.
Plafond annuel de la sécurité sociale - Examen du rapport d'information
- Présidence de Mme Catherine Deroche -
La réunion est ouverte à 10 h 00.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues,
Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport d'information de nos collègues Élisabeth Doineau, rapporteure générale, et Alain Milon sur le plafond annuel de la sécurité sociale.
Je rappelle que ce travail a été engagé dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) à la suite d'une demande d'Alain Milon de rapport au Parlement convertie, avec l'accord du président Savary, en rapport du Parlement.
Alain Milon nous dira si cette formule lui a permis de répondre à l'ensemble de ses interrogations.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Le plafond de la sécurité sociale (PASS) - qui peut se décliner en plafond journalier de sécurité sociale (PJSS) - détermine l'assiette maximale des revenus d'activité sur laquelle sont prélevées les cotisations d'assurance vieillesse. Au-delà de ce plafond, une cotisation dite « déplafonnée » est due, mais celle-ci n'ouvre pas de droits à pension. Ce plafonnement des cotisations est le pendant de celui des prestations qu'elles financent.
Le PASS permet également de calculer un nombre important de montants, de seuils et d'assiettes en matières fiscale et sociale. Il s'agit essentiellement de plusieurs cotisations sociales sur le revenu d'activité, des seuils d'exonération fiscale et sociale des indemnités de rupture du contrat de travail, des sommes pouvant être versées au titre de la participation et de l'intéressement, des seuils d'exonération sociale des contributions de l'employeur au financement des régimes d'assurance vieillesse supplémentaire et de prévoyance complémentaire, des indemnités versées aux étudiants en stage en milieu professionnel, et de la contribution des employeurs au Fonds national d'aide au logement.
Enfin, le niveau de plusieurs prestations sociales est indexé sur le PASS, notamment les indemnités journalières maternité, les pensions d'invalidité et les pensions de retraite du régime général. Ces dernières sont calculées sur la base du salaire annuel moyen des 25 meilleures années, dans la limite du montant du PASS pour chaque année. En outre, ces pensions ne peuvent pas dépasser 50 % du PASS applicable l'année du départ à la retraite.
Le code de la sécurité sociale prévoit que la valeur du PASS est fixée annuellement à partir de celle de l'année précédente, en tenant compte de l'évolution moyenne estimée des salaires sur l'année. L'indicateur utilisé est le salaire moyen par tête (SMPT) dans les branches marchandes non agricoles, qui correspond au rapport entre la masse salariale brute versée par les employeurs et le nombre de salariés.
Or, en 2020, le recours massif au dispositif d'activité partielle a artificiellement réduit le salaire moyen par tête. En effet, alors que les salariés qui en ont bénéficié ont pu conserver leur emploi et leur rémunération, les indemnités d'activité partielle ne sont pas considérées comme des revenus d'activité, mais comme des revenus de remplacement. Elles ne sont donc pas intégrées à la masse salariale. D'après les estimations fournies par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le SMPT et, par conséquent, le PASS devaient donc diminuer de 5,6 %.
Compte tenu du grand nombre de valeurs indexées sur le montant du PASS, le Gouvernement a alors proposé au Parlement de prévoir que le PASS ne pouvait diminuer d'une année sur l'autre, y compris en cas d'évolution négative du SMPT. Soucieux de préserver les niveaux de recettes des organismes de protection sociale et de prestations sociales servies, le législateur a adopté cette disposition, maintenant ainsi le PASS à son niveau de 2020, c'est-à-dire à 41 136 euros au lieu de 38 832 selon les modes de calcul habituels. Néanmoins, le Gouvernement n'ayant fourni aucune estimation complète des effets d'une diminution du PASS sur les prestations, notre collègue Alain Milon est intervenu en séance publique afin de demander qu'un rapport au Parlement effectue un examen plus approfondi de l'impact de cette mesure sur les organismes de protection sociale et leurs assurés. Avec l'accord de Madame la présidente, Catherine Deroche, et de notre collègue président, René-Paul Savary, la Mecss a inscrit à son programme de travail une mission relative aux conséquences de l'évolution des règles de calcul du plafond de la sécurité sociale, en lieu et place du rapport du Gouvernement.
Dans ce cadre, nous avons entendu les principaux organismes concernés par cette problématique. Notons que la Caisse nationale de l'assurance-maladie (CNAM) et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ont décliné notre sollicitation, ne s'estimant pas en mesure d'évaluer l'incidence d'une diminution du PASS sur leurs recettes.
Au cours de nos travaux, plusieurs constats se sont fait jour. D'abord, il est apparu que les estimations de diminution du SMPT présentées fin 2020 par le Gouvernement étaient assez largement surévaluées. En effet, celle-ci s'élèverait finalement à - 4,9 % d'après le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, contre - 5,7 % estimés à fin 2020.
Nous avons ensuite établi un état des lieux aussi large que possible de l'impact de la mesure de gel du PASS sur les recettes des organismes de protection sociale. Plusieurs points méritent d'être relevés.
D'abord, 15,45 points des cotisations d'assurance vieillesse du régime général sur 17,75 étant plafonnés au niveau du PASS, la baisse du plafond aurait causé une perte de recettes pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). À l'inverse, l'Agirc-Arrco (retraite complémentaire des salariés de l'agriculture, du commerce, de l'industrie et des services, gérée par l'Association générale des institutions de retraite des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) aurait perçu des recettes supplémentaires, car les taux des cotisations d'assurance vieillesse complémentaire sont plus élevés pour la tranche 2, qui se situe entre une et huit fois le PASS, que pour la tranche 1, limitée à une fois le PASS. À fin 2020, le Gouvernement estimait que la CNAV perdrait 2 milliards d'euros, tandis que l'Agirc-Arrco bénéficierait d'un surplus de cotisations du même ordre de grandeur. Aujourd'hui, la CNAV estime que le gel du PASS lui a épargné une perte de 1,5 milliard d'euros. L'Agirc-Arrco, quant à elle, chiffre à près d'un milliard d'euros la perte de recettes générée par la mesure de gel.
D'autre part, du fait de leurs modalités particulières de calcul des cotisations, les conséquences d'une baisse du PASS sur les recettes des régimes agricoles, gérés par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), auraient varié selon les cotisations. Le produit de certaines d'entre elles, comme les cotisations d'assurance maladie et famille des exploitants agricoles, aurait augmenté, tandis que les recettes liées à d'autres cotisations, notamment les cotisations d'assurance vieillesse forfaitaire des non-salariés et les cotisations d'assurance vieillesse proportionnelle plafonnées des exploitants, auraient diminué. La CCMSA n'a toutefois pas été en mesure de nous fournir des données plus précises quant à l'impact financier global de ces évolutions.
Le régime complémentaire des indépendants, quant à lui, aurait vu, en cas de baisse du PASS, ses recettes diminuer de 9,4 millions d'euros.
Le produit des cotisations d'assurance chômage et des cotisations du régime de garantie des salaires aurait diminué de 50 millions d'euros.
Enfin, une part importante des cotisations d'assurance maladie complémentaire prévues par plusieurs conventions collectives ou accords de branches étant indexée sur le PASS, le chiffre d'affaires des organismes membres de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM) aurait pâti d'une diminution du PASS, sans que des estimations plus précises aient pu nous être fournies.
M. Alain Milon, rapporteur. - En matière de charges, nos travaux nous ont permis de dresser le tableau suivant.
La diminution des cotisations qu'aurait subi la CNAV en 2021 aurait généré une diminution des prestations d'à peu près le même ordre de grandeur, mais étalée sur l'ensemble d'un cycle de vie, soit 42 ans de carrière et 25 ans de retraite. Ainsi, le volume des prestations aurait diminué d'au plus 70 millions d'euros pour une année. L'année 2021 devant être de moins en moins souvent retenue dans les 25 meilleures années à mesure que les salaires des plus jeunes augmenteront, la diminution du PASS aurait essentiellement concerné les premières générations liquidant après 2021. Par ailleurs, le nombre d'assurés dont la pension atteint le niveau maximal, soit 50 % du PASS, est anecdotique, en raison du décrochage entre la revalorisation des carrières, indexées sur les prix, et celle du PASS, indexé sur les salaires, plus dynamiques que les prix.
De même, la hausse du produit des cotisations perçues par l'Agirc-Arrco aurait entraîné une augmentation des charges du régime, mais dans une proportion extrêmement faible, sans incidence sur le résultat technique à l'horizon 2040.
En parallèle, le montant maximal de nombreuses prestations servies par la MSA aurait diminué, des indemnités journalières maladie aux indemnités journalières maternité en passant par les pensions d'invalidité.
Enfin, le niveau de prise en charge des assurés des organismes complémentaires d'assurance maladie se serait globalement affaibli, qu'il s'agisse des prestations santé ou prévoyance.
Si, au total, il apparaît qu'il était bel et bien nécessaire, compte tenu de ces conséquences, de prévenir la diminution du PASS, la forme retenue peut être questionnée. Était-il pertinent de choisir une disposition législative pérenne pour faire face à une situation temporaire aussi exceptionnelle que la crise sanitaire ? Nous avons conclu par l'affirmative. En effet, les deux solutions alternatives envisageables ne nous ont pas paru satisfaisantes.
La première possibilité aurait consisté en l'intervention d'un acte réglementaire pour prévoir l'utilisation d'un SMPT 2020 corrigé des effets de l'activité partielle pour fixer le montant du PASS pour 2021 et 2022. Or, il est impossible de déterminer ex ante l'ampleur du recours à l'activité partielle dans un contexte de crise. De plus, depuis 2020, la demande d'autorisation de recours à ce dispositif peut être effectuée par l'employeur a posteriori, dans un délai de trente jours à compter du placement des salariés en activité partielle. Dans ces conditions, il n'est pas possible de corriger le SMPT des effets de l'activité partielle en cours d'année.
La seconde option tenait en l'adoption d'une disposition législative transitoire pour déterminer les modalités d'évolution du PASS pour les seules années 2021 et 2022. Compte tenu de l'instabilité de la situation actuelle, cette hypothèse ne nous paraît pas satisfaire à l'exigence de sécurité juridique.
Par conséquent, nous préconisons de maintenir les dispositions législatives adoptées en 2020 afin de prévenir toute diminution du PASS à l'avenir.
Néanmoins, le recul progressif de l'activité partielle entraînera, en 2021, une augmentation du salaire moyen par tête aussi artificielle que sa diminution en 2020. Dès lors, il convenait de prendre les dispositions nécessaires afin d'éviter que le PASS n'augmente fortement en 2022. Le code de la sécurité sociale prévoyant que le PASS est revalorisé annuellement « en fonction de l'évolution générale des salaires dans des conditions prévues par décret », le Gouvernement était en mesure d'agir par voie réglementaire sans qu'une adaptation de la législation nous paraisse nécessaire. À notre grande satisfaction, et comme nos travaux en ont démontré la nécessité, le décret du 27 juillet 2021 a prévu qu'il soit tenu compte, pour fixer le PASS de l'année suivant celle d'un gel de ce plafond, de l'ensemble des évolutions du SMPT intervenues depuis la dernière augmentation du PASS. Autrement dit, la valeur du PASS pour 2022 ne sera pas calculée sur la base de l'évolution du SMPT en 2021, mais sur celle de l'évolution globale de cet indicateur entre 2020 et 2021.
Néanmoins, aux termes de ces nouvelles règles de fixation, la hausse du SMPT en 2021, estimée à 4,8 % par la commission des comptes de la sécurité sociale, ne suffirait pas à compenser la diminution de 4,9 % en 2020. Le PASS pour 2022 devrait donc rester figé au niveau de 2020 et 2021.
Enfin, il nous a semblé nécessaire de réfléchir à une évolution du mode de calcul du montant du PASS davantage conforme à l'évolution de la structure des revenus des salariés engendrée par la crise sanitaire.
En juin dernier, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a procédé à une estimation de l'évolution au cours de l'année 2020 du salaire moyen par tête corrigé des effets de l'activité partielle. S'il apparaît que la progression, évaluée à + 0,6 %, aurait entraîné, si elle avait pu être calculée de façon contemporaine, une légère augmentation du PASS proche du gel finalement retenu, cet écart, aussi faible soit-il, n'est pas satisfaisant.
Pour autant, il nous a fallu écarter deux des principales alternatives.
La première possibilité consistait à intégrer au calcul du salaire moyen par tête les indemnités d'activité partielle. Or, cette solution n'est pas envisageable, la notion de salaire faisant l'objet d'une réglementation à l'échelle européenne.
La seconde option visait à prendre en compte ces indemnités en plus du salaire moyen par tête pour fixer le montant du PASS. Toutefois, nous nous heurtons là encore à l'impossibilité de prévoir l'ampleur du recours à l'activité partielle sur l'année entière à la date de fixation du montant du PASS. De plus, sur le plan de la comptabilité nationale, les indemnités d'activité partielle ne peuvent pas être isolées d'autres prestations sociales en espèces, comme le revenu de solidarité active (RSA), et ne sont pas ventilées par branche, alors que le PASS repose sur le SMPT dans les seules branches marchandes non agricoles.
Au total, il ne nous semble pas possible de proposer un mode de calcul plus optimal que les modalités actuelles. Nous croyons néanmoins nécessaire d'amorcer une réflexion à ce sujet et d'établir un état des lieux précis de l'ensemble des montants et seuils indexés sur le PASS en vue d'une simplification du financement de la protection sociale.
M. René-Paul Savary. - Ce sujet est déterminant pour le calcul de certaines prestations. On voit la limite du dispositif, qui n'est pas fait pour les périodes de crise, alors que celles-ci risquent de se reproduire. Quelles conséquences peut-on en tirer ?
Je partage les analyses qui ont été faites. Il est inutile d'incorporer l'activité partielle : il y avait énormément d'erreurs dans le calcul. Cela a été fait très rapidement pour répondre à l'urgence de la difficulté financière. On découvre donc des erreurs dans les modes de calcul ; si nous avions incorporé ces difficultés, cela aurait encore changé le PASS.
Pour le calcul de retraites, les salaires portés au compte étant revalorisés sur l'inflation et non pas sur l'évolution du salaire moyen, on pourrait réfléchir à un calcul différent des pensions de retraite qui permette de maintenir le pouvoir d'achat des retraités et suivrait l'évolution du SMPT, même s'il faudrait le pondérer car, sans cela, les dépenses de retraite progresseraient beaucoup plus vite que les cotisations. Cela mérite toutefois d'être analysé.
En conclusion, est-ce qu'un PASS pluriannuel ne serait pas intéressant ? Nous nous orientons vers une vision pluriannuelle des comptes sociaux, ainsi qu'évoqué hier lors d'une discussion sur l'évolution du périmètre des LFSS, avec une règle d'or plus ou moins discutée et contestée. Il pourrait être intéressant, dans ce cadre, d'envisager un PASS avec un calcul pluriannuel pour une évolution plus linéaire, ce qui faciliterait les choses car une crise en cours d'année peut être à l'origine de profonds bouleversements.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Nous avons appréhendé ces remarques pendant nos auditions. Nous n'avons toutefois pas trouvé une conclusion définitive à ce problème.
La fixation du PASS est déterminante pour le calcul de certaines prestations et cotisations. Il faut l'appréhender rapidement, en fin d'année pour l'année suivante, ce qui est compliqué, en particulier dans cette période où l'activité partielle a été largement utilisée par de nombreuses entreprises. Certaines d'entre elles en ont abusé. Comment pourrions-nous avoir un chiffre définitif et sûr pour calculer un PASS incluant l'activité partielle ? Cela est très compliqué.
Je voudrais aussi faire part d'une réflexion au président de la Mecss. Les entretiens avec les caisses de retraite ont été intéressants, mais aucune n'a pu nous donner la même évaluation ferme et définitive des pertes liées à une diminution du PASS ou des conséquences sur les pensionnés. D'autre part, les retraites se construisent en fonction de l'inflation alors que le PASS est calculé sur la base de l'évolution des salaires. Les salaires portés au compte, bien que revalorisés, ne peuvent donc pas suivre la progression du PASS. Par conséquent, peu de pensions de retraite atteignent le plafond de 50 % du PASS au régime général.
Concernant le PASS pluriannuel, ce serait difficile à évaluer. On a en effet du mal à évaluer ex ante l'évolution du SMPT. La commission des comptes de la sécurité sociale vient d'estimer que la hausse du SMPT serait de 4,8 % en 2021, alors qu'elle avait été estimée à 7,7 % dans l'étude d'impact du PLFSS pour 2021. On est sur des sables mouvants. Les pourcentages et chiffres qui nous ont été donnés ont été réévalués continuellement sur la période récente.
M. Alain Milon, rapporteur. - Je retiens l'idée du PASS pluriannuel. Il peut être intéressant lorsqu'on vit des périodes de crise. Je ne suis pas sûr que nous n'en vivrons pas d'autres - en particulier sanitaires - dans les années à venir, aussi importantes que celle que nous venons de connaître. La mise en place d'un PASS pluriannuel, qui pourrait être réajusté en fonction des années, à la hausse quand il y a des années d'augmentation du SMPT et maintenu quand il y a des années de baisse du SMPT, pourrait être une solution intéressante qu'il faudra que nous envisagions d'étudier de façon plus importante dans le cadre de la Mecss.
Mme Pascale Gruny. - Je rappelle que le PASS permet aussi de calculer les payes, ce que j'ai eu l'occasion de faire dans ma vie professionnelle. C'est une usine à gaz. Quand on change les cotisations, en faisant varier les taux sur l'année, il faut des logiciels, qui ont un coût et supposent de la maintenance. Il faut avoir cela en tête : ne pas créer encore des dispositifs compliqués pour les entreprises. J'entends bien qu'il faut trouver un moyen de financer les situations de crise, mais gardons en tête les entreprises.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - En effet, lorsque nous avons abordé le sujet, j'ai vu le côté « entreprise » et les payes qu'elles ont à traiter.
Il est intéressant d'étudier les répercussions, lorsque le pays est en crise, du calcul de ce PASS. Il a été créé pour des périodes de progression des salaires. Dans le rapport, nous introduisons un tableau qui montre que le PASS a toujours évolué depuis 1945. Il se trouve que nous abordons une crise, qui peut avoir un impact sur les cotisants : ils pourraient voir baisser le montant de leurs prestations. Il était évidemment impératif que l'on étudie cette situation. Le PASS de l'année est fixé à la fin de l'année précédente : pour les entreprises, il est alors pratique de le rentrer dans le logiciel et de calculer le salaire en fonction. Changer ou rectifier le PASS en milieu d'année serait, pour les entreprises, un véritable casse-tête.
Beaucoup des organismes que nous avons entendus nous ont parlé d'artéfact statistique au sujet de l'impact sur les retraites. On calcule celles-ci sur les 25 meilleures années dans la limite du PASS pour chaque année. Une diminution du PASS aurait donc réduit le salaire maximal pouvant être porté au compte au titre de l'année 2021. Désormais on parle d'une troisième année consécutive de stagnation du PASS. Il faut donc poursuivre le travail et évaluer précisément les impacts de cette crise. Le PASS est la base de calcul pour un grand nombre de prestations et de cotisations et l'outil que l'on connaît le mieux pour faire les payes dans les entreprises.
Mme Catherine Deroche, présidente. - S'il n'y a plus de demandes de parole, je demande à la commission l'autorisation de publier ce travail sous la forme d'un rapport d'information.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Soins palliatifs - Examen du rapport d'information
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous poursuivons avec l'examen du rapport d'information sur les soins palliatifs, de Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier.
C'est cette fois, c'est Corinne Imbert qui est à l'origine de ce travail à la suite du débat sur la proposition de loi relative au suicide assisté.
On ne peut se satisfaire de l'insuffisance de l'accès aux soins palliatifs qui justifie, aux yeux de certains de ses tenants, la promotion de l'aide active à mourir. Il s'agit bien de deux sujets distincts et c'est sur celui des soins palliatifs que nous nous penchons aujourd'hui.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La crise sanitaire a ramené au centre du débat public la question de la mort et de l'accompagnement de la fin de vie, dont notre société s'est dessaisie peu à peu pour la confier à la seule médecine.
Par ailleurs, lors de l'examen en mars dernier de la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie sur le droit à mourir dans la dignité, l'insuffisance des prises en charge palliatives a été largement soulignée, de même qu'une appropriation encore très lacunaire des dispositifs existants, comme les directives anticipées ou la sédation, issus des lois de 2005 et 2016 portant sur la fin de vie.
Sans chercher à relancer le débat sur le sujet de l'aide active à mourir, nous avons souhaité approfondir l'état des lieux des soins palliatifs en France et je remercie la présidente Catherine Deroche d'avoir accédé à cette demande.
Nous avons ainsi procédé au cours des derniers mois à l'audition de professionnels de santé, hospitaliers comme libéraux, de sociétés savantes, d'associations de bénévoles, d'administrations ou encore de spécialistes de l'éthique. Nous avons effectué deux déplacements, l'un dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région parisienne, l'autre à la maison médicale Jeanne Garnier à Paris qui est un établissement pionnier en matière de soins palliatifs et la plus grande unité d'Europe.
De ces travaux ressort un constat largement partagé : des progrès ont été faits depuis qu'en 1999, le législateur a consacré le droit de toute personne dont l'état le requiert d'avoir accès aux soins palliatifs et à un accompagnement. Toutefois, pour rendre ce droit effectif, un changement de culture reste à opérer : dans le personnel soignant, dont une partie considère la mort comme un échec, comme dans l'ensemble de la société, qui voit la mort comme un sujet tabou alors qu'elle fait partie de la vie.
Ces enjeux sont au coeur des attentes du 5e plan national pour les soins palliatifs présenté par le Gouvernement le 22 septembre dernier. Nos travaux entendent contribuer à nourrir ce débat.
Avant d'entrer dans le détail, de quoi parlons-nous ?
La loi du 9 juin 1999 a défini les soins palliatifs comme « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »
Si les soins palliatifs doivent en théorie être assurés dans tout service hospitalier, y compris en hospitalisation à domicile, ou par tout soignant, les prises en charge reposent sur trois principaux dispositifs : les unités de soins palliatifs (USP), qui concentrent l'expertise et prennent en charge les cas les plus complexes, des lits identifiés de soins palliatifs (LISP), situés dans des services hospitaliers confrontés à des décès fréquents, qui assurent un niveau intermédiaire de prise en charge, et des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), qui interviennent à la demande des professionnels, hospitaliers ou non.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteure. - Les quatre précédents plans nationaux ont accompagné une montée en charge progressive de cette offre de soins : le nombre d'USP a été multiplié par 3 en 20 ans et celui d'équipes mobiles par 5. On compte aujourd'hui près de 7 500 lits d'USP ou LISP.
Pour autant, ces progrès ont leurs limites.
D'une part, des disparités demeurent dans la répartition de l'offre de soins : 26 départements ou territoires ultra-marins, tels La Guyane et Mayotte, ne comptent pas d'USP.
Le nombre d'équipes mobiles a stagné sur la période du précédent plan qui prévoyait la poursuite de leur déploiement. Quant aux LISP, leur présence compense dans certaines régions le déficit d'USP, mais le manque de lisibilité dans leur organisation ou la formation inégale des personnels rendent les prises en charge hétérogènes. Nous proposons de parachever le maillage territorial en USP, qui restent un élément moteur pour l'accès aux soins palliatifs.
D'autre part, au-delà du nombre de structures, l'état des moyens humains nécessaires à leur fonctionnement est préoccupant : la plupart des USP et EMSP ne tournent pas à plein effectif, à défaut de ressource médicale ou paramédicale formée. On évalue à 30 % le décalage entre les effectifs réels des USP ou EMSP et les effectifs théoriques recommandés par les textes réglementaires. Cette situation entrave leurs capacités et les contraint à un mode dégradé qui se répercute sur les accompagnements, notamment, en dehors du milieu hospitalier. Le Pr Régis Aubry estime ainsi qu'il faudrait entre 300 et 500 nouveaux médecins formés d'ici 5 ans ne serait-ce que pour maintenir un niveau constant de prise en charge.
Ces considérations font que l'accès de tous aux soins palliatifs est encore loin d'être garanti : lors de son audition, la présidente de la SFAP, la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, a estimé, rappelez-vous, que 30 % seulement des patients qui en auraient besoin ont effectivement accès à des soins palliatifs.
Ces données posent un chiffre sur un ressenti, même si le manque de traçabilité des prises en charge palliatives, à l'hôpital et surtout hors de l'hôpital, rendent délicate tout estimation.
Surtout, à défaut d'une bonne connaissance des soins palliatifs, y compris par les médecins, ceux-ci interviennent souvent trop tard. L'offre est d'ailleurs ciblée sur quelques pathologies comme les cancers, marquées par un déclin brutal, qui représentent plus de 70 % des patients accueillis en USP et LISP. Or certains besoins, notamment liés au vieillissement et aux polypathologies, induisent un changement dans les trajectoires de fin de vie encore mal pris en compte.
Dans ce cadre, un premier enjeu est de lever des freins au déploiement de l'offre et de fluidifier des parcours de fin de vie encore perçus comme chaotiques et complexes.
Il nous faut d'abord mieux reconnaître les spécificités des soins palliatifs : cette prise en charge lourde s'inscrit dans la durée, repose sur des temps d'écoute, de concertation et de collégialité. Autant de caractéristiques mal valorisées dans les modes de tarification à l'activité des hôpitaux. Une évolution du mode de financement permettrait de mieux prendre en compte la complexité de certaines prises en charge et la qualité des soins dispensés.
Une diversification de l'offre est également attendue : des unités de longue durée, des accueils de jour ou autres projets innovants de « maisons de soins palliatifs », hors du cadre hospitalier, sont vus comme d'intéressantes évolutions pour répondre à la diversité des besoins.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Ensuite, le maintien à domicile le plus longtemps possible des patients qui le souhaitent - et que les proches consentent à accompagner dans cette configuration - exige l'inscription des prises en charge dans une coordination locale.
Pour assurer la continuité des soins, les professionnels de ville doivent être soutenus et les allers-retours avec l'hôpital mieux anticipés, afin d'éviter le recours in extremis aux urgences.
Tout le monde nous l'a répété : les soins palliatifs ne se pratiquent pas isolément. Patients, proches et soignants doivent pouvoir appeler à tout moment, pour un conseil ou une urgence. Or les équipes mobiles, avec leurs moyens insuffisants, ne peuvent s'impliquer en dehors de l'hôpital autant que les besoins l'exigeraient : cette activité ne représente que 9 % de leurs interventions. Il faut donc réaffirmer leur rôle territorial et renforcer leurs moyens en conséquence.
La mise en réseau des acteurs hospitaliers comme des acteurs libéraux à l'échelle d'un territoire est par ailleurs utile pour identifier « qui fait quoi » et apporter des réponses au plus près des réalités locales. Certaines régions, comme la Bretagne ou l'Île-de-France, ont mis en place des cellules régionales d'animation des soins palliatifs qui sont une initiative intéressante - pour autant qu'elle ne se transforme pas en usine à gaz. Des approches locales peuvent être privilégiées, en articulation avec les réseaux de soins palliatifs, en cours de recomposition, dont les compétences doivent être consolidées.
Pour achever l'état des lieux de l'offre palliative, il faut enfin regretter que les Ehpad, dont les résidents sont de plus en plus âgés et polypathologiques, soient si pauvrement équipés pour accompagner la fin de vie. Le taux d'encadrement ne permet en effet pas de consacrer à chaque personne plus de temps que celui nécessaire aux toilettes et aux repas. Cela rend totalement impossible l'individualisation des autres actes de soin, et à plus forte raison l'accompagnement dans les derniers instants.
Les compétences plus précisément utiles pour prévenir la dégradation de l'état de santé, éviter l'hospitalisation et prendre en charge les situations difficiles, sont trop rarement disponibles : les médecins coordonnateurs n'interviennent qu'à temps partiel - lorsqu'ils interviennent, les établissements sont dépourvus de permanence infirmière de nuit, ils manquent de matériel, et la culture palliative y est embryonnaire.
Nous faisons en la matière un certain nombre de propositions qui s'ajoutent certes à la longue liste des améliorations indispensables à un secteur dont la crise sanitaire a bien montré la misère. D'abord, il faut doter les établissements des compétences sanitaires qui leur manquent, en pérennisant et généralisant l'expérimentation des infirmières de nuit - ayant si possible le statut d'infirmier en pratique avancée spécialisé en soins palliatifs. Il faut achever le conventionnement des établissements médico-sociaux avec des EMSP et pérenniser les astreintes gériatriques et palliatives bien mobilisées pendant la crise sanitaire pour assurer la qualité et la continuité de la prise en charge palliative dans les Ehpad.
Nous proposons également d'encourager l'adaptation des Ehpad eux-mêmes, afin d'améliorer l'accompagnement palliatif qu'ils sont susceptibles de fournir à leurs résidents : en y diffusant mieux les outils d'identification des situations palliatives, en revalorisant le rôle du médecin coordonnateur dans l'organisation de la prise en charge, et en nommant un référent soins palliatifs par établissement pour le suppléer. La diffusion d'une culture palliative en Ehpad passe enfin par l'appui des EMSP, déjà évoqué, et par la réflexion sur la tarification des soins en établissement.
Nous pensons encore qu'il faut faire une place plus importante au travail des bénévoles, qui sont la colonne vertébrale des prises en charge extra-hospitalières, et contribuent également à la dimension philosophique ou spirituelle de l'accompagnement de la fin de vie. Nous proposons donc de renforcer le soutien financier apporté aux formations au bénévolat d'accompagnement, et de faciliter leur intervention dans la prise en charge palliative à domicile.
L'offre de soins palliatifs doit enfin inclure un volet plus ambitieux de soutien aux proches aidants, lesquels seront amenés à jouer un rôle d'accompagnement de plus en plus grand à mesure que la population française vieillira tout en souhaitant rester à domicile le plus longtemps possible. Nous préconisons d'élargir les dispositifs de congés indemnisés pour les aidants accompagnant un proche en soins palliatifs et à développer les structures de répit qui leur sont destinées. Il nous semble pour finir nécessaire de faire beaucoup plus en matière de soutien aux familles endeuillées, sur le modèle du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, ou en joignant plus largement aux EMSP des psychologues et des assistantes sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - À côté de ce panorama de l'offre de soins, un autre volet de nos travaux appelle plus largement à un changement de culture à l'égard des soins palliatifs et de l'accompagnement de fin de vie.
Nous constatons déjà, un peu plus de cinq ans après l'adoption de la loi « Claeys-Leonetti », que le bilan de son appropriation est mitigé. Ses deux principales innovations, à savoir le droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès et l'opposabilité des directives anticipées, ont encore en pratique une portée limitée.
Faute de traçabilité, nous ne disposons d'aucune vision consolidée des pratiques de sédation terminale. Ces données médicales sont pourtant essentielles pour mieux objectiver les trajectoires de fin de vie et alimenter la recherche.
Nous plaidons, par conséquent, pour l'introduction d'un codage spécifique des sédations réalisées tant à l'hôpital qu'en ville et une procédure de déclaration obligatoire à l'assurance maladie des décisions d'arrêt de traitement qui doivent être entourées des garanties liées à la mise en oeuvre d'une procédure collégiale.
Les restrictions d'accès au midazolam, qui n'est accessible en ville que par rétrocession hospitalière, rendent très rare la mise en oeuvre de sédations profondes et continues hors de l'hôpital et sont sans doute un frein aux prises en charge palliatives à domicile. Le manque de ressources des EMSP pénalise également l'accompagnement des professionnels libéraux dans des prises en charge qui requièrent l'administration de produits peu usuels dans leur pratique courante. Outre la dispensation du midazolam en ville, à laquelle s'est engagé le ministre des solidarités et de la santé pour la fin 2021, nous recommandons la mise à la disposition des médecins de ville et des infirmiers d'outils d'aide à la décision, de modèles de protocoles d'administration, et de modules de formation ad hoc.
Plus de seize ans après leur création par la loi « Leonetti » du 22 avril 2005, le bilan du déploiement des directives anticipées peut paraître décevant mais révèle surtout la difficulté intime à les rédiger et à se projeter dans des circonstances de fin de vie souvent complexes voire impossibles, précisément, à anticiper. 18 % des Français de plus de 50 ans indiquent avoir rédigé des directives anticipées. Cet outil représente néanmoins une avancée en faveur du renforcement de l'autonomie du patient et de son implication dans les décisions qui concernent sa santé. Le principal intérêt est d'engager des discussions entre la personne et les membres de son équipe soignante ou avec ses proches. Afin de valoriser les discussions anticipées entre le patient et les professionnels de santé qui l'accompagnent, nous proposons de créer une consultation ad hoc consacrée à la réflexion en matière de soins palliatifs et de fin de vie, pouvant être réalisée notamment par un médecin ou un infirmier libéral.
Les personnes que nous avons auditionnées se sont très largement prononcées en faveur de la démarche du projet de soins anticipé, déjà répandue dans d'autre pays sous le vocable anglais d'« advance care planning ». Plus respectueuse de la temporalité du patient et mieux adaptée au profil évolutif de sa maladie, la planification des choix et besoins en soins palliatifs est perçue comme un exercice moins brutal ou complexe que les directives anticipées, en privilégiant le cheminement dans le temps et le maintien d'une part d'incertitude. Elle doit permettre un repérage précoce du patient et de ses besoins, en s'appuyant sur des réunions de concertation pluridisciplinaire. Elle associe l'ensemble des acteurs susceptibles d'intervenir pour organiser le continuum de la prise en charge, à domicile, à l'hôpital et, le cas échéant, en Ehpad.
Dans le cas des personnes atteintes d'une maladie grave, les discussions ainsi engagées sont l'occasion pour l'équipe médicale et le patient d'identifier ensemble les contours d'éventuelles situations d'acharnement thérapeutique.
Elles permettront également d'intégrer les soins palliatifs plus tôt dans la prise en charge. En effet, tant l'Institut national du cancer (INCa) que le Pr Régis Aubry ont regretté que les soins palliatifs soient trop souvent sollicités en toute fin de vie, après l'échec des thérapeutiques, alors que plusieurs études ont démontré le bénéfice de soins palliatifs précoces et intégrés dans la prise en charge thérapeutique, en termes de qualité de vie, voire en termes de survie.
Dans les établissements médico-sociaux, l'institutionnalisation d'un tel temps d'échange entre la personne en fin de vie, sa personne de confiance et le médecin coordonnateur serait utile pour mieux anticiper les conditions de prise en charge palliative. Cela nécessite, à nouveau, un meilleur encadrement. Cela nécessitera aussi de dissiper la confusion introduite en 2015 par la duplication de la notion de personne de confiance.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteure. - Outre l'insuffisance des moyens globalement consacrés au secteur, il apparaît que le principal frein au développement des soins palliatifs dans notre pays est l'inadaptation de la formation des professionnels.
Une observation faite incidemment par le Pr Régis Aubry suffit à illustrer le problème : au cours des études de médecine, le mot de « mort » n'est jamais, ou quasiment jamais employé ! En conséquence, les soins palliatifs sont considérés « comme de l'humanitaire et pas comme de l'universitaire », pour reprendre une expression du Pr Didier Sicard. Nous croyons par conséquent qu'il faut repenser les études médicales et la formation des professionnels en relevant le défi de considérer les soins palliatifs à la fois comme une spécialité et comme une démarche transversale pouvant irriguer la pensée médicale dans son ensemble.
Nous plaidons d'abord pour mettre les étudiants en contact avec les soins palliatifs de manière précoce et régulière dans leur cursus. En l'état actuel des choses, les enseignements sur la fin de vie sont répartis de manière très hétérogène selon les programmes des facultés, ils sont très insuffisants, largement théoriques, et trop techno-scientifiques. Sans vouloir tracer des maquettes pédagogiques très détaillées, il nous semblerait bon de systématiser l'enseignement de l'éthique médicale en médecine et dans les filières paramédicales par des unités d'enseignement interfilières en sciences humaines et sociales s'appuyant sur les retours des associations de patients et les patients experts.
Il est par ailleurs indispensable que les jeunes praticiens se forment aussi sur le terrain. Or l'étroitesse du secteur empêche pour l'heure les jeunes internes de réaliser une partie au moins de leur période de stage obligatoire dans les services de soins palliatifs, faute de professionnels disponibles pour les encadrer. Songez que même la maison Jeanne Garnier, plus grand établissement européen de soins palliatifs, ne peut accueillir les internes en médecine générale désireux de venir s'y former car la maquette de cette spécialité ne le permet pas... il nous paraît indispensable d'introduire un stage obligatoire dans une USP ou une EMSP pour les internes de certaines spécialités telles que la cardiologie, la néphrologie, l'oncologie ou encore la neurologie, mais également la médecine générale.
Pour renforcer la spécialisation, nous proposons de créer un parcours de formation spécialisée transversale (FST) ouvert aux médecins après l'internat ainsi qu'aux autres professionnels, permettant à tous d'acquérir une qualification complémentaire en soins palliatifs, notamment pour faciliter les changements d'orientation en cours de carrière. Pour l'heure, il n'existe qu'une formation spécialisée, moins substantielle que le diplôme d'études spécialisées complémentaires de « médecine de la douleur » qu'elle a remplacé en 2016.
Il faudra également s'atteler à la structuration d'une véritable filière universitaire de soins palliatifs. La création, en 2016, d'une sous-section du Conseil national des universitaires (CNU) pour la médecine palliative a été une bonne chose, mais le nombre de professeurs a ensuite diminué, faute de candidats remplissant les critères de qualification requis. Il conviendra d'accroître le nombre de postes de professeurs d'université-praticiens hospitaliers (PU-PH) ou de chefs de service pour asseoir une spécialité universitaire qui ne compte aujourd'hui qu'une douzaine de professeurs associés.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Recentrer les soins médicaux sur leur dimension humaine davantage que technique emporte enfin une autre conséquence : la nécessité de mieux valoriser le travail des autres professionnels du soin. Cela passe d'abord par l'implication plus grande des infirmiers spécialisés. Le diplôme d'infirmier en pratique avancée n'est aujourd'hui délivré que dans quatre domaines : l'oncologie et l'onco-hématologie, les pathologies chroniques stabilisées et les maladies rénales depuis 2018, ainsi que la psychiatrie et la santé mentale depuis 2019. Créer une nouvelle mention « soins palliatifs » au diplôme d'infirmier en pratique avancée nous semble indispensable pour mieux repérer les patients pouvant bénéficier d'un accompagnement palliatif, prévenir l'obstination déraisonnable, assister les médecins dans la prescription de soins, ou encore diffuser plus largement la culture palliative dans leurs différents lieux d'exercice. Ces professionnels seraient en outre, je l'ai dit, des piliers de l'accompagnement palliatif en Ehpad.
Outre les infirmiers, nous sommes convaincues qu'il faut faire plus largement appel au travail des psychologues pour accompagner les personnes en fin de vie et les familles endeuillées, et par conséquent en doter plus largement les EMSP.
Selon le Pr Régis Aubry, « la fin de vie est l'angle mort de la recherche en France ». La recherche sur les soins palliatifs et la fin de vie en France reste en effet insuffisamment coordonnée et transversale et manque de visibilité à l'international. Cette situation tranche avec la structuration des efforts de recherche dans d'autres pays, comme la Suisse, la Belgique ou le Royaume-Uni.
Face à la fragmentation de l'effort de recherche dans notre pays, la création de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie représente un réel progrès. Nous soutenons ainsi l'objectif que la plateforme s'est fixé d'organiser à court terme un appel à projets relatif à la recherche sur la fin de vie au travers d'un programme prioritaire qu'elle porterait dans le cadre des investissements d'avenir.
Il est par ailleurs capital de renforcer la qualité de la collecte de données en matière de fin de vie. Afin que le centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) puisse déployer une véritable plateforme statistique et épidémiologique dans ce domaine, nous proposons que lui soit attribué un accès permanent aux données du Health Data Hub, au titre de sa mission de centre de ressources et d'expertise.
En matière de gouvernance, nous ne proposons pas d'évolution statutaire pour le CNSPFV mais plutôt une clarification de ses missions et de son fonctionnement ainsi qu'un renforcement de ses moyens. Il devrait notamment être doté de deux grandes missions : d'abord, s'imposer comme un centre de ressources et d'expertise sur les soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie ; ensuite, être l'opérateur de l'acculturation du grand public et des professionnels de santé à ces problématiques. Enfin, il est indispensable que les moyens budgétaires et humains du centre soient significativement renforcés en conséquence, alors que son budget n'a pas augmenté depuis dix ans.
Au final, pour rendre enfin effectif l'accès aux soins palliatifs affirmé par le législateur et améliorer l'accompagnement de fin de vie dans notre pays, nous identifions trois priorités : tout d'abord, former très largement tous les acteurs de la prise en charge, notamment ceux qui interviennent au domicile et dans les Ehpad ; ensuite, anticiper l'intervention des soins palliatifs trop souvent cantonnés à la toute fin de vie ; enfin, renforcer les moyens d'accompagnement des malades, de leurs proches et des soignants qui les entourent dans ces moments de grande vulnérabilité.
Nous serons vigilants à ce que les engagements annoncés par le Gouvernement dans le 5è plan national pour le développement des soins palliatifs trouvent une traduction concrète dès le prochain PLFSS.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Nous disions avec Corinne Imbert que nous avons conscience que nous proposons un peu un monde idéal, mais nous marchons avec cette utopie qui nous anime.
Mme Jocelyne Guidez. - Je souligne la qualité de ce rapport. Je veux évoquer les inégalités de territoire. 26 départements n'ont aucune USP, ce qui est étonnant à notre époque. Vous parlez énormément des Ehpad, mais je rappelle qu'il existe des USP pour les jeunes adolescents et les enfants. Je trouve que vous en parlez très peu - on a l'impression qu'on ne meurt qu'en Ehpad ou parce qu'on est vieux. Je parle bien sûr des cancers pédiatriques. J'ai reçu de nombreux parents qui se trouvaient dans cette situation dramatique. Je me pose la question de la formation : peut-elle être identique lorsqu'on perd une personne âgée ou un enfant ? Je ne pense pas.
Mme Florence Lassarade. - J'allais intervenir sur le sujet évoqué par Mme Guidez, sachant qu'on parle des soins palliatifs même en salle de naissance. Plutôt qu'une formation transversale, je pense plutôt qu'il en faudrait une dans chaque spécialité. À titre personnel, j'ai été sollicitée pour faire partie d'une équipe de territoire de soins palliatifs, comme pédiatre libérale. J'étais bien embarrassée à répondre favorablement. Je n'ai pas eu à intervenir dans ce cadre, mais je n'avais pas la formation adéquate.
Deuxièmement, il me semble qu'une courroie de transmission est nécessaire entre les services de cancérologie, et les soins palliatifs à domicile. Elle n'existe pas : c'est souvent au patient de se débrouiller. Il faut faire un choix entre l'hospitalisation et le soin à domicile. Je peux dire qu'il existe un manque réel de coordination à ce sujet. On ne donne pas aux familles d'échéances précises.
J'ai une question de détail : pourquoi souhaiteriez-vous qu'on déclare à la CPAM la décision d'arrêter les thérapeutiques ? Pour quelle raison technique le faut-il ? On sait que la CPAM est une grosse structure, et que l'information va probablement arriver de façon décalée par rapport au décès du patient.
Mme Laurence Garnier. - Comment l'État, les collectivités, les agences régionales de santé (ARS) peuvent-elles, le cas échéant, accompagner la mise en place de projets privés sur les territoires que vous évoquez dans le rapport ?
Vous avez décrit l'absence de ce sujet dans les études de médecine, et donc dans la formation et l'activité professionnelle de nombreux médecins. Vous avez aussi décrit l'importance des bénévoles - je pense notamment à l'association Jalmalv, qui fait un travail remarquable avec des bénévoles très formés. Votre rapport préconise d'accentuer leur place dans ce travail humain, et d'accélérer et renforcer la formation des professionnels. Je crois que c'est le lieu d'une articulation entre ces deux missions. Quel constat faites-vous sur ce lien entre les professionnels médicaux et les bénévoles ? Serait-il intéressant de l'approfondir ?
M. Daniel Chasseing. - Je voudrais remercier Mmes les rapporteures, qui sont intervenues dans le détail de ce qu'il faut faire pour que les soins palliatifs soient efficients.
Il faudrait, dans les Ehpad, comme cela a été très bien décrit par Michelle Meunier, avoir davantage de personnels. Le plan Grand Âge arrive dans ce cadre. Avec les gens très dépendants, on a un déficit de personnel, or cela est nécessaire pour organiser l'accompagnement.
Les soins infirmiers en pratique avancée seraient, dans ce cadre là, essentiels. Les personnels en Ehpad ne sont pas habitués à administrer les soins qui doivent être portés par l'hôpital. L'infirmière peut aider le médecin coordonnateur ou le médecin traitant, qui n'a pas forcément l'habitude de mettre en place les thérapeutiques. Le rôle des bénévoles, du congé aidant, du psychologue doit bien sûr être salué, mais c'est actuellement l'encadrement dans les Ehpad qui est insuffisant. Dans les départements où il existe des services de soins palliatifs, cela fonctionne bien.
La loi Claeys-Leonetti est une très bonne loi. La sédation profonde et continue suffit. En ce qui concerne le manque de ressource des soins palliatifs, oui, il en faut dans tous les départements, mais je précise que dans les départements où il y en a, certains postes ne sont pas pourvus.
Intégrer les soins palliatifs plus tôt est aussi très important.
Enfin, ce qu'a dit Christine Bonfanti-Dossat était très bien : il faudrait une formation sur le terrain et une adaptation dans la formation des professionnels et une formation en cours d'études, avec des stages étudiants en contact avec les soins palliatifs.
M. Bernard Jomier. - Merci pour ce travail très riche.
Tout d'abord, faut-il en rester à ce type de travail ? Vous reprenez un nombre important de problématiques autour de la fin de vie et les soins palliatifs, et qui sont dans le débat depuis longtemps. Pour autant, on avance extrêmement lentement. Il me semble pourtant que, vu l'importance de cette question dans notre pays actuellement - qu'on voit avec la proposition de loi débattue au printemps - il faudrait plus de temps pour la traiter et approfondir toutes les pistes que vous soulevez, qui sont très intéressantes. Vous citez le Pr Aubry, qui dit qu'on ne parle pas de la mort dans les études de médecine. Mais on n'en parle pas dans la société, et c'est une question qui concerne toute la société. Nous avons organisé, en 2018, au Sénat, les premières assises du deuil. J'étais stupéfait par ce qui se racontait à ce moment-là, sur ce qui se passait après la mort pour le conjoint survivant : + 70 % d'infarctus, + 80 % de cancer... Les chiffres sont hallucinants. Tout ce qui a trait à la mort est masqué dans notre pays. Il ne faut pas s'étonner ensuite que les dispositifs qui entourent la mort soient sous-financés et passent « sous le tapis ».
Je souligne que ces questions n'appartiennent pas seulement aux médecins. S'ils sont certes présents, ce n'est pas qu'une question relative aux médecins. Si on dit que trop de gens meurent mal, ce n'est pas la responsabilité des médecins.
La question des Ehpad est essentielle. Mais il est illusoire de compter sur la mise en place d'une infirmière de nuit dans tous les Ehpad pour faire des soins palliatifs. Le dispositif est d'une telle ampleur - vous avez rappelé tout ce que cela nécessitait en termes de temps communs, le fossé est tellement important entre les dotations actuelles des Ehpad et ce qui serait nécessaire, que ce serait une révolution. Cela repose la question de ce qu'on attend des Ehpad.
Je trouve aussi que vous faites très peu de place à l'hospitalisation à domicile qui, depuis une quinzaine d'années, intervient en Ehpad pour faire du soin palliatif.
Dernière question : avez-vous eu le temps d'expertiser et d'avoir un avis sur le 5e plan national, qui est enfin sorti, et à propos duquel il est annoncé qui sera doté de 170 millions d'euros pour une période de trois ans ?
M. Alain Milon. - Je vais être un peu moins gentil que mes collègues. Je trouve que le rapport est excellent, et que votre travail est assez remarquable, mais je suis très inquiet par la liste considérable des propositions que vous faites. Je ne pense pas que, quand on fait autant de propositions, on soit sûr qu'elles soient prises en compte et mises en application dans le temps. Je me demande si en avoir fait autant n'entraînera pas un rapport qui ne sera pas suivi d'effet.
Vous avez vu le Ségur de la santé, où on fait des dépenses considérables non financées. Vous constatez des promesses surgissant de maints endroits, qui ne semblent pas financées. Depuis au moins 2008, on nous propose des objectifs nationaux de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) toujours très inférieurs à ce qui serait nécessaire pour permettre à nos concitoyens d'avoir la meilleure santé possible.
Ces propositions, nombreuses et excellentes, comment les financez-vous ?
Mme Annick Jacquemet. - Je voudrais vous féliciter, car ce rapport m'a beaucoup intéressé. Vous nous avez donné des chiffres qui m'interpellent et m'effraient. Ils nous font prendre conscience de l'ampleur du travail à accomplir et du temps nécessaire pour avoir une prise en charge de la fin de vie - question à laquelle je suis très sensible. Vous dites que seulement 30 % sont pris en charge, que seulement 18 % des Français de plus de 50 ans ont fait des directives anticipées, qu'il manque énormément de personnel. On avait beaucoup parlé du droit aux soins palliatifs dans la proposition de loi sur le droit à mourir dans la dignité. Je me demande comment nous parviendrons à réduire ce temps pour que tous nos concitoyens aient droit à une fin de vie digne.
Autre point : vous parlez, page 19, de la recherche sur les soins palliatifs et la fin de vie en France, qui est insuffisamment coordonnée. Cette situation « tranche avec la structuration des efforts de recherche dans les pays comme la Suisse et la Belgique ». Cela m'interpelle, parce que, dans ces pays, on aide les patients à mourir. Y a-t-il une corrélation ? Ces pays mènent ces études et, pour autant, ils accompagnent activement la fin de vie.
Mme Véronique Guillotin. - Je voudrais aussi vous féliciter pour ce rapport, qui contient une liste quasi exhaustive des sujets à développer et améliorer pour la prise en charge palliative des patients.
Je trouve que des choses existent aujourd'hui. Il existe des EMSP, des HAD - qui peuvent théoriquement prendre des patients en soins palliatifs, des lits identifiés palliatifs. Ce qui manque, à mon sens, c'est le financement et les places qui doivent être augmentées. L'augmentation des places d'HAD repose sur des autorisations d'ARS, et il doit y être procédé, comme pour les lits identifiés et les USP. Il faut peut-être acculturer les professions sans pour autant révolutionner et rajouter des semestres d'études médicales. Je ne suis pas convaincu que celui qui n'est pas tenté de faire du soin palliatif en fasse. En revanche, pour celui qui est un peu attiré par cette spécialité, il existe des diplômes universitaires, inter-universitaires, des centres où on peut se former en interne... J'ai fait du soin palliatif. J'étais généraliste, sans spécialité particulière, mais j'ai appris et me suis formée car cela m'intéressait.
Je vous soumets un exemple concret. J'ai été médecin en Ehpad et médecin en soins palliatifs en même temps, en HAD. Sur ces mêmes structures, j'avais du mal à faire rentrer mon équipe d'HAD pour du soin palliatif dans l'Ehpad que je coordonnais, car il y avait des levées de bouclier de soignants qui avaient leur pré carré, et prétendaient qu'ils étaient capables de gérer les soins palliatifs dans leur Ehpad. Ce n'est qu'il manquait de soins palliatifs : il y avait des infirmières, des médecins coordonnateurs, mais cette acculturation et ce travail en commun étaient aussi difficiles.
Il faut amplifier ce qui existe, revoir une acculturation de toutes les professions, et il y a un problème de ressources : il faut les moyens financiers et former plus de gens.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Merci pour ce rapport, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Il est riche et intéressant. Je ne pense pas qu'il y ait trop de propositions. Il faut en faire, au contraire. Je souscris complètement à certaines d'entre elles, notamment sur la formation. Je suis aussi interpelée par de nombreuses familles au sujet de leurs enfants et adolescents en fin de vie, auxquels aucune structure n'est réservée, et qui se retrouvent à 14-15 ans en soins palliatifs, entourés de patients beaucoup plus âgés. C'est assez difficile. Mais c'est peut-être une proposition de loi spécifique qui doit être faite, car cela suppose un travail très fourni. Je pense aussi à l'HAD, qu'on n'a pas beaucoup abordée. Vous ne le pouviez pas, car votre rapport était spécifique aux soins palliatifs, mais je pense qu'il manque un volet dessus. Il vaudrait le coup d'en parler dans une autre proposition de loi.
La question des salaires et de l'attractivité du métier n'est pas évoquée - qui passe aussi par la reconnaissance de ce métier, assez spécifique. Je parle de salaire pour les médecins, mais aussi pour les infirmières et les aides-soignantes. Les personnes dévouées qui travaillent dans des USP sont généralement formidables, mais elles sont confrontées sans cesse à la mort. C'est compliqué. Je discutais avec des infirmières, et quand des aides soignantes et infirmières qui ont travaillé plus de 15 ans en soins palliatifs demandent à changer de service, elles n'obtiennent pas facilement une rotation dans leur hôpital. On devrait pouvoir permettre à ces métiers difficiles d'envisager une rotation plus aisée.
Je me permets de souligner en conclusion la nécessité d'une revalorisation salariale.
M. Daniel Chasseing. - Je souhaitais rajouter un point. Dans les territoires, il n'y a pas d'autre service : c'est l'HAD qui vient faire des soins palliatifs. Donc c'est sous-entendu !
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Merci, chers collègues, pour toutes vos observations. Trouver la bonne focale pour un rapport d'information, celle qui permet d'en dire ni trop ni trop peu, est toujours difficile. Nous nous sommes arrêtées à 44 propositions, mais nous aurions pu en rédiger davantage ! Plus sérieusement, toutes donnent en tout cas matière à réfléchir et appellent à une traduction concrète.
Nous nous sommes rendu compte qu'aux soins palliatifs restaient attachées certains clichés ; sans doute en avons-nous été nous-mêmes victimes. Vous avez raison de dire que les soins palliatifs concernent aussi la pédiatrie, et sans doute la prise en compte de l'âge des patients en fin de vie appelle-t-elle des formations spécifiques. Mais, plus globalement, nous croyons qu'il faut former transversalement les professionnels de santé à ces enjeux. La mort reste un tabou qui, nous disent les historiens des sensibilités, a remplacé le sexe. La crise sanitaire aura au moins eu ce mérite de nous reposer cette question. Et si la manière de mourir fait débat, c'est aussi plus largement le cas du vieillissement. Quoi qu'il en soit, il est vrai qu'il faut éviter de cloisonner la réflexion ; il faut croiser les regards sur le soin en général, et sur la fin de vie en particulier.
Nous avons conscience de demander un effort important. Le premier rendez-vous à ne pas manquer, de ce point de vue, sera celui du PLFSS...
Il faut bien sûr encourager le développement du secteur, quel que soit le statut de l'établissement. Nous ne saurions nous passer de l'apport du secteur privé, qu'il soit question de dons, de mécénat ou de fondations, mais le public doit garder la main : à l'ARS de suivre les efforts, quitte à inscrire des lignes spécifiques dans les missions d'intérêt général.
Je m'étais intéressée à l'HAD avant de commencer les travaux de cette mission car la présidente de la Fondation nationale des établissements d'hospitalisation à domicile, l'ancienne ministre Élisabeth Hubert, est nantaise. Mais ces équipes ne font pas que des soins palliatifs, loin de là. Rassurez-vous : le rapport est plus complet que ce que nous avons dit sur le rôle de ces équipes.
Le cinquième plan n'a été présenté que le 22 septembre : nous ne saurions donc nous avancer sur son contenu. Ce que l'on peut dire pour commencer, c'est que nous attendons toujours le décret autorisant la mise à disposition du Midazolam en ville.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La mission visait à faire un état des lieux des soins palliatifs en France. D'où le nombre de propositions. Nous esquissons un monde idéal, en quelque sorte ! Observez toutefois qu'il n'y a pas eu de plan entre 2018 et 2021, et que le plan précédent était doté de 20 millions d'euros de plus que le plan annoncé la semaine dernière, qui n'affiche que 170 millions d'euros. Les moyens de financer nos propositions ne sont donc pas au rendez-vous, même si certaines, sur la formation notamment, se retrouvent aussi dans les annonces du Gouvernement. Toutes n'ont certes pas la même importance : vous retrouverez d'ailleurs en ligne une liste de nos douze propositions principales, qui vous éclaireront sur ce que l'on considère comme des priorités.
Madame Lassarade, la décision d'arrêt de traitement doit être mieux tracée car cela assurera une meilleure sécurité juridique, et alimentera opportunément la recherche.
Madame Jacquemet, il est vrai que la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas ont autorisé l'aide active à mourir, mais ce n'est pas cela qui les empêche de mieux accompagner la fin de vie, au contraire. Si cela peut rendre le sujet moins tabou, pourquoi pas. Il est exact que la mort, qui pourtant fait partie de la vie, n'est plus visible dans notre société. Les générations n'étant plus abritées sous le même toit, les plus jeunes ne voient plus mourir les plus âgés, qui décèdent majoritairement à l'hôpital ou en Ehpad.
Évidemment, madame Guillotin, que l'on ne part pas de rien, mais il reste des progrès à faire. Les soins palliatifs sont souvent trop tardifs, ce qui suffit à les assimiler à la mort dans l'esprit de beaucoup. C'est une souffrance psychique pour les patients et les familles. Or les soins palliatifs, c'est aussi le soulagement des patients et de leurs proches.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteure. - Je voudrais y revenir, car nos interlocuteurs eux-mêmes ont insisté sur ce point : les soins palliatifs ne sont pas nécessairement associés à la mort ; ce sont des soins de confort dispensés à un moment donné, par exemple pour les malades suivant de lourdes chimiothérapies.
Cher Alain Milon, nos propositions sont nombreuses car beaucoup reste à faire dans ce domaine ! Puisse la prochaine liste de propositions que fera la commission sur ce sujet être la plus courte possible...
Madame Guillotin, la coordination des ressources médicales en Ehpad est en effet essentielle. Cela passe par le renforcement des attributions du médecin coordonnateur, qui est le véritable chef d'orchestre des prises en charge, entre les équipes de l'établissement, les ressources externes, les médecins traitants et la famille. Ce faisant, peut-être remédierons-nous au déficit d'attractivité du métier.
Madame Garnier, nous avons rencontré des associations de bénévoles, qui font un travail admirable. Seulement, les moyens manquent pour former suffisamment de bénévoles. Le fonds national d'action sanitaire et sociale de la CNAM soutient un nombre d'associations qui croît doucement, mais ses crédits stagnent, autour d'1 million d'euros... Il faudrait en outre associer plus étroitement les bénévoles aux EMSP.
Oui, monsieur Chasseing, les infirmiers en pratique avancée sont déterminants pour les Ehpad, car 30 % des établissements n'ont pas de permanence médicale, et toute la littérature scientifique démontre l'intérêt de la permanence des soins nocturnes. Nous l'avons aussi constaté dans l'Ehpad que nous avons visité, qui regrette de ne pas en avoir. Le déploiement d'infirmiers de nuit en Ehpad est expérimenté depuis 2018 dans le cadre du parcours de santé pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie ; à ses 36 millions d'euros, le Ségur a jouté environ 8 millions d'euros, mais il faut aller plus loin et généraliser le dispositif.
L'HAD est bien sûr utile, mais elle ne fait pas que des soins palliatifs. Et à domicile aussi, tout reste à faire.
Un mot sur la statistique selon laquelle la majorité des décès ont lieu à l'hôpital : la plupart des mourants et leur famille souhaitent certes rester à domicile jusqu'à la fin, mais une aggravation brutale de l'état du patient suffit souvent à les faire changer d'avis ; c'est alors que le décès survient, une fois franchies les portes de l'hôpital.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - J'ajoute un mot sur la question du financement : si le Gouvernement ne faisait pas payer à la sécurité sociale des choses qui ne relèvent pas de son budget, peut-être arriverions-nous à financer quelques-unes de nos propositions...
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je voudrais attirer votre attention sur une chose : beaucoup de nos propositions visent à relever le fait que l'accompagnement palliatif demande du temps, ce dont tous les professionnels soignants disent manquer.
Enfin, la durée moyenne d'activité dans les soins palliatifs est en France de 7 à 8 années, plutôt que 15 ailleurs - ce qui doit être très éprouvant.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous vous remercions. Il nous reste à autoriser la publication de ce rapport.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Désignation de rapporteurs
La commission désigne Mme Colette Mélot rapporteur de la proposition de loi n° 157 (2020-2021) visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
Proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale - Désignation des membres de la commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Catherine Deroche, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin et M. Xavier Iacovelli comme membres titulaires, et de M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, M. Alain Milon, Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, Véronique Guillotin et Laurence Cohen comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire.
La réunion est close à 11 h 55.
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 13 h 30
Projet de loi relatif à la protection des enfants - Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons cet après-midi M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, sur le projet de loi relatif à la protection des enfants.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo sera retransmise en direct sur le site du Sénat et qui sera disponible en vidéo à la demande.
Le calendrier d'examen de ce texte a été très évolutif, puisque nous avions prévu de l'examiner en commission le 6 octobre prochain, puis en séance publique le 20 octobre. C'est finalement la proposition de loi visant à réformer l'adoption qui sera discutée dans l'hémicycle à cette date. Le Sénat devrait donc examiner le projet de loi relatif à la protection des enfants au cours de la semaine du Gouvernement de décembre. Toutefois, en accord avec le rapporteur, Bernard Bonne, compte tenu de la période extrêmement dense qui nous attend, je proposerai à la commission d'établir son texte le 20 octobre, avant d'entrer dans le long tunnel du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Monsieur le secrétaire d'État, je vous donne la parole pour présenter brièvement le projet de loi. Mes collègues vous poseront ensuite des questions.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. - Merci beaucoup, Madame la présidente, de nous donner l'occasion de discuter de ce projet de loi. J'évoquerai les raisons pour lesquelles celui-ci s'inscrit dans une double dynamique. Il s'agit d'une brique législative au sein de la stratégie de protection des enfants un peu plus globale. Quelque 38 articles sont issus des travaux de l'Assemblée nationale, alors que le texte initial en comptait 16. Cela montre toute la richesse du travail parlementaire, qui se vérifiera une fois encore lorsque vous aurez à examiner le texte.
Nous avions eu l'occasion d'évoquer la protection des enfants lors d'une précédente audition. Dès ma nomination, j'ai parlé d'un pacte pour l'enfance qui s'articulerait autour de trois piliers.
Le premier est l'accompagnement de la parentalité. Ce volet préventif de cette politique publique s'incarne surtout autour des « mille premiers jours de l'enfant », notamment grâce au rôle important de la protection maternelle et infantile (PMI).
Le deuxième est la lutte franche, directe et frontale contre les violences faites aux enfants. La situation de nos enfants face aux violences physiques, psychologiques ou sexuelles est indigne de notre pays. C'est pourquoi j'ai fait de cette lutte un axe prioritaire de mon action, au travers du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, présenté le 20 novembre 2019 à l'occasion du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Ce plan a été complété par d'autres mesures, telles que la création de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles, le rapport de Catherine Champrenault sur la prostitution des enfants et le plan national de lutte contre ce phénomène que j'annoncerai prochainement - 10 000 mineurs sont concernés -, la loi sur le non-consentement avant quinze ans, que vous avez discutée en avril dernier et dont certaines dispositions intéressantes sont restées dans l'ombre, bien que vous les ayez votées - je citerai la création du crime de sextorsion, le durcissement des peines en cas d'incitation d'un mineur à se livrer à des pratiques sexuelles sur internet, aujourd'hui passible de sept ans de prison, ou encore le repérage systématique à l'école des violences qu'auraient pu subir les enfants, y compris ceux de trois ou quatre ans, à l'occasion des visites médicales, conformément à une demande formulée par le Président de la République le 23 janvier dernier, à la suite de la vague #metooinceste. Je ferai bientôt des annonces concernant les parcours de soins gradués pour les victimes de violences sexuelles.
Le troisième pilier est notre système institutionnel de protection de l'enfance, qui mérite certaines améliorations. J'ai lancé dès le début une concertation - les représentants de sept ministères y ont participé - avec les principaux acteurs concernés : l'Assemblée des départements de France (ADF), les associations et les enfants protégés eux-mêmes. Il convient d'y ajouter l'État, car j'ai toujours dit que cette politique publique était une compétence non pas décentralisée, mais partagée. Il ne s'agit pas de revenir sur le chef de filat du département en la matière, mais les pouvoirs publics ont trop souvent considéré que c'était à l'enfant de suivre notre organisation administrative. Les ruptures proviennent souvent d'une mauvaise coopération entre État et départements, et parfois entre les services de l'État eux-mêmes, qu'il s'agisse des agences régionales de santé (ARS), de l'Éducation nationale ou de la justice. Cette concertation de quelques mois avec les départements a conduit à une stratégie mutuelle de prévention et de protection de l'enfance. Elle s'articule autour de la contractualisation avec 30 départements en 2020 et 40 en 2021 ; et nous l'étendrons aux 30 derniers en 2022. Nous avions défini quatre grands objectifs.
Le premier concerne des actions très concrètes à mettre en place dans le cadre de cette contractualisation, qu'il s'agisse de la création de 600 places pour l'accueil des fratries ou d'une meilleure prise en compte de la parole de l'enfant dans les territoires. Deux obligations étaient imposées aux départements : réinvestir dans leur PMI et proposer des solutions pour les 20 % d'enfants en situation de handicap de l'aide sociale à l'enfance (ASE). L'État investira lui-même, sur trois ans, près de 600 millions d'euros dans la protection de l'enfance, dont 100 millions d'euros pour les PMI, somme qui correspond à la perte des dix dernières années. Certes, la mise en place de nouveaux dispositifs génère des coûts pour les collectivités locales, mais, à travers la contractualisation, nous les avons déjà compensés. Nous avons notamment prévu le remboursement des actes effectués à la place de la médecine scolaire.
Le deuxième grand volet de cette stratégie consiste, au nom de l'équité territoriale, à créer un cadre national d'exercice commun de cette compétence départementale. Je citerai l'élaboration par la Haute Autorité de santé (HAS), en lien avec 60 départements, d'un référentiel d'évaluation des situations de danger. Aucun principe constitutionnel ne justifie que le danger pour un enfant soit apprécié différemment d'un endroit à un autre. Autre exemple : la question des assistants familiaux, qui a été abordée lors de la concertation, a ensuite fait l'objet de huit mois de négociation avec l'ADF, les employeurs, les associations et syndicats, avec pour objectif de s'entendre, entre autres, sur la formation, la rémunération et la suspension des agréments en cas de suspicion de maltraitance. Seules les dispositions législatives se retrouvent dans le texte. Elles sont importantes pour améliorer le système, qui dysfonctionne parfois en raison des carences de nos propres institutions, mais qui protège aussi. À cet égard, je m'inscris totalement dans la lignée des deux grandes lois de 2007 et de 2016. Le texte doit nous permettre de progresser davantage.
Le projet de loi vise tout d'abord à améliorer
la sécurité des enfants, qu'elle soit affective,
matérielle ou physique. Cela passe par le renforcement des
contrôles des antécédents judiciaires des professionnels au
contact des enfants, par la création de référents dans les
départements vers lesquels les enfants pourront se tourner en cas de
violence, par l'obligation pour les établissements d'instaurer des plans
de lutte contre la maltraitance, avec une attention portée aux enfants
en situation de handicap, par la mise en place d'une base nationale pour les
assistants familiaux ou encore la création de premières normes
réglementaires sur les taux d'encadrement et, enfin, par l'interdiction
des enfants à l'hôtel
- 7 000 à
10 000 enfants étaient concernés avant la crise
sanitaire, mais ce chiffre a baissé, et certains départements
sont exemplaires.
La sécurité affective fait l'objet de l'article 1er, qui permet d'évaluer systématiquement l'option d'un accueil chez un tiers digne de confiance. Le système français est très institutionnel, avec trois cercles de protection autour de l'enfant : la famille, l'entourage et les services de protection de l'enfance. En Allemagne, nombre d'enfants sont confiés à leurs grands-parents. Les députés ont ajouté une disposition afin que la parole de l'enfant soit prise en considération. L'interdiction de séparation des fratries n'est malheureusement pas du tout systématique. Et la loi ne peut pas tout résoudre, d'où l'importance de l'expérience et de la formation professionnelle des intervenants.
S'agissant des actes usuels et non usuels, nous avons voulu permettre au juge, sans porter atteinte à l'autorité parentale, de lister une série d'actes qui ne nécessiteront pas un nouveau recours au juge.
Pour les assistants familiaux, le diplôme passera du niveau V au niveau IV. La formation initiale et la rémunération seront réexaminées, notamment pour une meilleure prise en compte des enfants à besoins spécifiques. La possibilité de poursuivre cette activité au-delà de l'âge de la retraite vise à éviter les ruptures indésirables.
Nous avons pris des dispositions pour que les 6 % d'enfants de l'aide sociale à l'enfance qui font des études supérieures accèdent automatiquement à une bourse de niveau 7 et à un logement étudiant. L'un de nos amendements vise à ce que ces jeunes bénéficient de la garantie jeunes ou d'un contrat jeune majeur. Aucun d'entre eux ne doit sortir du système sans solution. Pour tenir compte du droit à l'erreur, un entretien est prévu six mois après la sortie du dispositif, et il est possible à tout moment à la demande du jeune.
Plusieurs sujets sont encore sur la table : dans certains cas, la réflexion est inachevée ; dans d'autres, les départements sont plus directement concernés, et la discussion doit logiquement avoir lieu au Sénat. De surcroît, lorsque l'Assemblée nationale a examiné le texte, le bureau de l'ADF n'était pas encore constitué. Je pense à la gouvernance territoriale, dont le pilotage doit être renforcé, à l'image de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ou du groupement d'intérêt public Enfance en danger (Giped), au sein duquel sont représentés l'État, les départements et les associations, en vue d'élaborer les référentiels communs et de partager les bonnes pratiques. L'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) fait du bon travail, mais, collectivement, on peut mieux faire en y associant les services de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Cela permettra de croiser les bases de données nationales et locales.
Pour ce faire, nous prévoyons le rapprochement de quatre organismes existants : le Giped, qui gère l'ONPE et le 119, l'Agence française de l'adoption (AFA), le Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP), qui est très demandeur d'une telle démarche, et le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), qui pourra continuer à émettre des avis indépendants sur les projets du Gouvernement, dans l'esprit de ce qu'a conçu Laurence Rossignol. J'ai demandé aux députés de ne pas trop avancer sur la gouvernance locale pour que ce sujet soit débattu au Sénat. Je pense que l'observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE) doit devenir le lieu actif de la détermination de la conduite opérationnelle de la politique de protection de l'enfance sur le territoire. L'État et les collectivités territoriales doivent être présents lors de ses réunions régulières, à l'instar de ce qui se passe dans les Côtes-d'Armor. Je rêve que l'ODPE soit, demain, coprésidé par le président du département et le préfet... Mais il vous revient, en tant que représentants des collectivités territoriales, de le décider, si vous estimez que cette idée est pertinente.
D'autres sujets sont ouverts à la réflexion, notamment la notion du prix de journée pour les enfants. Dans le secteur médico-social, nous sommes passés au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), afin de donner plus de visibilité aux gestionnaires. Les associations sont souvent sur les deux champs. Tout cela manque d'efficacité. Les associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (ADEPAPE), qui réunissent d'anciens enfants protégés, ont un vrai rôle institutionnel à jouer - elles figurent d'ailleurs dans le code de l'action sociale et des familles. Or elles dépendent fortement des subventions. Il faudrait leur donner un peu de visibilité et d'assise financière, en leur allouant, par exemple, un montant forfaitaire en fonction du budget du département.
Enfin, des actions doivent être menées en faveur de l'action éducative en milieu ouvert (AEMO), qui ne représente que 18 % des mesures. Un amendement en ce sens a été déposé à l'Assemblée nationale par Isabelle Santiago, mais on peut aller plus loin sur l'appropriation de ces mesures par les différents acteurs et sur les contrôles effectués. Des départements, pourtant financeurs, se sentent mis à l'écart par les décisions judiciaires. Comme pourra en témoigner Corinne Imbert sur l'adoption, j'agis depuis le début en lien avec l'Assemblée des départements de France, car c'est ensemble que l'on améliorera le système.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous avons examiné ce matin en commission un rapport d'information sur les mineurs non accompagnés (MNA).
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Quelques dispositions du texte visent ces mineurs. J'y reviendrai au gré des questions.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Une partie du rapport que doit prochainement publier la mission Sauvé, sur les abus sexuels sur mineurs dans l'Église, porte sur les mineurs confiés à l'ASE. Il serait opportun de dresser un bilan des actions qui ont déjà été conduites sur ce dossier.
M. Bernard Bonne, rapporteur. - Merci, Monsieur le secrétaire d'État, de votre volonté d'améliorer le système de protection de l'enfance. Ce projet de loi va inévitablement donner lieu à de nombreuses discussions, et le temps qui nous est imparti aujourd'hui ne nous permettra pas d'aborder tous les sujets.
À la lecture du projet de loi, deux constats s'imposent. Le premier est que ce texte, assez disparate, se borne souvent à ajuster ou répéter des principes ou des dispositifs qui existent déjà, comme le parrainage ou l'accueil chez un tiers digne de confiance. Le second est qu'il ne tire pas les conséquences du défaut d'application des dernières lois de 2007 et de 2016 : le projet pour l'enfant est trop peu appliqué, les médecins référents en protection de l'enfance manquent encore dans de nombreux départements et l'objectif fixé en 2007 de déjudiciariser la protection de l'enfance, en privilégiant les mesures administratives plutôt que judiciaires, est très loin d'être atteint. Nous percevons assez mal la ligne fixée par ce texte et les moyens engagés pour améliorer réellement l'existant. Quel objectif vous fixez-vous avec ce projet de loi ?
Le texte contient un certain nombre de mesures nouvelles qui vont dans le bon sens, mais qui auront un coût important pour les départements, même si vous avez dit, Monsieur le secrétaire d'État, qu'il y aurait une compensation de la part de l'État. Entre la limitation de l'hébergement à l'hôtel, l'accompagnement des jeunes majeurs jusqu'à 21 ans ou la revalorisation des rémunérations des assistants familiaux, quel sera le coût pour les départements, qui n'ont aujourd'hui plus d'autonomie financière et sont exsangues ? Quels sont les engagements immédiats et pérennes du Gouvernement pour accompagner financièrement les départements et la mise en oeuvre de ces mesures ?
Concernant la gouvernance, le texte propose de confier aux ODPE un rôle d'animation des acteurs locaux. Vous parlez maintenant d'une coconstruction des projets départementaux, mais nous n'en sommes pas encore là.
S'agissant des assistants familiaux, la démographie de la profession est déclinante et, sans un regain de recrutement, les départements connaîtront bientôt de grandes difficultés pour confier un enfant à un accueil familial. Le projet de loi prévoit certaines mesures visant à revaloriser les rémunérations. À elles seules, ces dispositions financières ne sauraient être suffisantes pour encourager les vocations. Quelles autres mesures prévoyez-vous afin de renforcer l'attractivité de la profession ? Ne peut-on pas envisager une campagne de communication nationale pour revaloriser le métier d'assistant familial ?
Les services de la médecine scolaire, autant que ceux de la protection maternelle et infantile, sont dans une situation préoccupante dans bon nombre de départements. Le suivi médical des enfants n'est que très peu abordé dans le projet de loi, qui se limite à quelques dispositions sur la PMI, sans octroyer de moyens supplémentaires aux départements pour leur permettre d'exercer leurs compétences, en particulier pour faire de la prévention. Comment les relations entre les services de la médecine scolaire et ceux de la PMI pourraient-elles être améliorées, afin que les enfants bénéficient d'un parcours médical coordonné ? En prévention, une action très forte auprès des familles est nécessaire, notamment en préservant les liens avec ces dernières.
Enfin, je signale que nous avons été surpris de voir que le texte sur la protection animale était traité prioritairement sur le projet de loi relatif à la protection des enfants. Nous souhaiterions des explications.
Mme Michelle Meunier. - J'apprécie la manière dont vous prenez à bras-le-corps ce sujet. Vous avez raison : une loi ne fait pas tout. Il est consternant de constater que bon nombre de dispositions de la loi de 2016 ne sont pas encore appliquées. Environ 20 % des départements ne mettent pas systématiquement en place l'entretien préalable à la sortie des dispositifs de la protection de l'enfance ! Il en va de même pour le projet personnel de l'enfant, qui est censé représenter l'ossature de tout le système de protection.
Ce vendredi 1er octobre s'arrêtera la mesure sur les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance prise au cours de la crise sanitaire. Monsieur le secrétaire d'État, que pensez-vous mettre en place, avant le vote de votre loi, pour éviter cette menace qui pèse sur les jeunes pris en charge ?
M. Laurent Burgoa. - Avec mes collègues Xavier Iacovelli, Henri Leroy et Hussein Bourgi, nous avons présenté, ce matin, devant notre commission et la commission des lois, les conclusions d'une mission d'information sur les mineurs non accompagnés. La question des MNA fait l'objet de quelques dispositions dans le projet de loi, mais celles-ci ne sont pas suffisantes. Dans notre rapport, nous recommandons notamment le transfert à l'État de la compétence d'évaluation et de mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA, activité qui représente une charge indue pour les départements. En outre, l'exercice par l'État de cette compétence permettrait d'harmoniser les pratiques d'évaluation entre les territoires et de mieux coordonner les différents services de l'État qui, de fait, y concourent déjà, à savoir les préfectures, la police aux frontières, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), mais aussi les parquets et les juges des enfants. Dès lors, quelle est votre position sur un tel transfert de compétences ?
La contribution dite « exceptionnelle » de l'État au surcroît de dépenses de l'ASE imputable aux MNA s'est effondrée en quelques années, passant de 96 millions d'euros en 2018 à 1,7 million d'euros en 2021, alors que les effectifs de MNA pris en charge restent élevés. Ne vous paraît-il pas possible de pérenniser dans la loi cette contribution et de revoir son mode de calcul, de telle sorte qu'il prenne en compte les effectifs plutôt que les flux, ainsi que la part de MNA parmi les enfants pris en charge au titre de l'ASE ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Monsieur le rapporteur, les dispositions de ce texte ont toutes leur utilité. La réaffirmation dans la loi de nos convictions, comme sur les fratries ou les tiers dignes de confiance, a toute sa place ; rien n'est superfétatoire.
Votre question renvoie à celle de l'application de la loi : nous avons évoqué la loi de 2016, mais nous pourrions parler aussi de celle de 2007. Quand j'ai pris mes fonctions, seulement 50 ou 60 départements avaient mis en place leur ODPE. Nous en sommes aujourd'hui à 80 ou 85. Il appartient aussi aux départements d'appliquer la loi et d'exercer les compétences qui leur reviennent : ODPE, projet pour l'enfant, maintien des liens avec la famille... Il faut que les départements soient au rendez-vous ! L'équilibre trouvé par la loi de 2016 est le bon, et je ne souhaite pas rouvrir le débat.
Des dysfonctionnements de l'ASE sont parfois liés à des comportements individuels. Il faut les dénoncer et les sanctionner. Parfois, certains départements exercent mal leurs compétences, mais ces dysfonctionnements peuvent aussi être liés au fait que les services de l'État ne sont pas suffisamment investis dans ces compétences, par exemple en matière de santé, de scolarité ou de justice. Le réinvestissement que j'appelle de mes voeux fera en sorte que les préfets soient plus engagés. Nous allons notamment désigner, au sein des préfectures, un référent pour la protection de l'enfance, qui pourra animer les équipes de l'État, assurer une meilleure coordination des services et une meilleure application des mesures législatives.
J'en viens aux assistants familiaux. Tous les départements sont confrontés à une pyramide démographique défavorable. Ce métier est mal connu, difficile, et il a changé. Les enfants ne sont plus les mêmes : les troubles psychiatriques sont en hausse, car les psychotraumatismes liés à des violences physiques ou sexuelles sont mal pris en charge, ce qui met en danger les travailleurs sociaux et les enfants eux-mêmes. Les assistantes familiales se sentent très seules, car elles n'ont pas cette compétence - ce n'est pas leur métier. L'État réalise actuellement un très gros travail sur la pédopsychiatrie, et de nombreuses initiatives existent dans les départements.
Nous travaillons aussi sur le statut et les rémunérations, notamment avec le SMIC dès le premier enfant. Les assistantes familiales travaillent 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.
M. Bernard Bonne, rapporteur. - Voilà une nouvelle charge pour les départements !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Beaucoup de départements le font déjà, et le surcoût serait en fait assez marginal. Les sommes sont loin d'être phénoménales, mais cette mesure est très importante pour l'attractivité du métier. Il en va de même pour le maintien du salaire pendant quatre mois lors des périodes de suspension - heureusement, le nombre de procédures est réduit. S'ajoutent la réforme de l'ingénierie du diplôme, ainsi que des mesures sur la formation et sur le handicap. Si campagne nationale de communication il y a, elle devrait porter sur l'ensemble du travail social, car le métier souffre d'une méconnaissance et d'une absence de reconnaissance, au-delà des questions de rémunération.
Je ne rouvrirai pas le débat sur la médecine scolaire qui a été ouvert lors de l'examen sur le projet de loi 4D. La voie de la décentralisation de la médecine scolaire, qui visait à assurer un continuum entre médecine scolaire et PMI, n'a pas été retenue par le Gouvernement. En revanche, le parcours de santé de l'enfant doit être central et l'on ne peut aborder cette question par le prisme du statut des uns et des autres. Vous connaissez la pénurie de médecins de PMI et de médecins scolaires ! Je ne suis pas sûr de pouvoir mener à terme les réformes nécessaires au cours des prochains mois. Cependant, nous commençons à apporter quelques réponses et cette dynamique autour du parcours de soins semble favoriser l'investissement des acteurs dans les départements.
Au cours de la crise, j'ai demandé que l'on interdise toute sortie du dispositif de l'ASE. La compensation de l'État s'est élevée à 50 millions d'euros, puis nous l'avons reconduite, à la demande des sénateurs. Je me suis alors engagé à ce qu'il y ait une compensation à l'euro près. Ce dispositif arrive à son terme, avec la fin de l'état d'urgence.
Je ne veux pas laisser prospérer l'idée, quelque peu insultante, que les départements et les travailleurs sociaux se sont tourné les pouces depuis un an et demi. La situation économique a changé, et des emplois ne sont pas non pourvus. Quand le Premier ministre annonce 900 millions d'euros en faveur de la formation professionnelle, voilà qui profite aussi aux jeunes de l'ASE, d'autant plus que Mme Élisabeth Borne et moi-même avons identifié ce public comme prioritaire au sein des missions locales. Enfin, le projet de loi permettra à chaque jeune de trouver une solution lors de sa sortie du dispositif. De plus, si, d'ici à l'adoption du projet de loi, des jeunes ne trouvaient pas de solution, je demanderais aux départements de continuer à prendre en charge ces enfants. L'État compensera, comme la ministre Brigitte Bourguignon l'a dit hier à l'Assemblée nationale.
Le coeur du présent projet de loi ne porte pas sur les MNA, mais ils sont quand même concernés. Je suis un ardent promoteur de l'unicité de la protection de l'enfance. L'évaluation et la mise à l'abri ont fait l'objet d'un travail d'homogénéisation ; un guide d'évaluation a été transmis aux départements. Il existe une présomption de minorité, et cette évaluation doit rester dans le cadre de la protection de l'enfance. À ce stade, je ne suis pas favorable à un transfert.
L'accord financier est le fruit d'une concertation entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France. Pour l'évaluation et la mise à l'abri, les chiffres sont les suivants : 65 millions en 2019, 70 millions en 2020 et 98 millions en 2021. Avec la contribution exceptionnelle évoquée, nous en sommes à 130 millions d'euros pour l'année 2019.
Mme Laurence Cohen. - Je salue votre travail de concertation, qui a suscité de grandes attentes, donc des déceptions. La Défenseure des droits, Madame Claire Hédon, déplore le manque d'ambition du projet de loi. Cependant, ces déceptions viennent du montant des financements. D'après le texte, le recours à l'hôtel pour les mineurs sera interdit, sauf dérogation... Les dérogations peuvent aussi représenter une facilité ! Concernant les séparations des fratries, elles ne sont pas toujours voulues : les départements se débrouillent comme ils peuvent. Quid des autres hébergements possibles ? Les enveloppes sont trop restreintes.
Nous avons rencontré des assistants familiaux, qui sont en grande souffrance. Les enfants sont abîmés et la population des assistants familiaux vieillit. La question de l'attractivité est donc centrale. Certains souhaiteraient intégrer la fonction publique territoriale. Avez-vous défriché cette question ?
Mme Laurence Rossignol. - Je suis heureuse de voir que votre texte s'inscrit dans la continuité de celui de 2016, qui s'était lui-même inscrit dans la continuité de celui de 2007. Les ruptures législatives, en matière de protection de l'enfance, sont dramatiques. Je vous souhaite, Monsieur le secrétaire d'État, de réussir mieux que moi.
Vos mesures me conviennent, mais il faut faire respecter les mesures prises. Les lois de 2007 et 2016 sont très inégalement appliquées. Il manque surtout une évaluation de la loi de 2016.
Le placement à domicile, sorte d'action éducative en milieu ouvert renforcée, devient une décision courante, par manque de structures d'accueil et d'assistants familiaux. J'espère que ces mesures sont prises dans l'intérêt de l'enfant, et non pour des raisons d'organisation des services. Vous avez prévu que, en cas de placement à domicile, l'allocation de rentrée scolaire soit maintenue à la famille. Avez-vous des chiffres à nous communiquer ?
Quand les enfants ne sont pas difficiles - ils ne le sont pas tous, loin de là -, pourquoi ne pas autoriser les assistants familiaux à exercer une activité professionnelle supplémentaire ? Voilà qui ouvrirait la profession.
L'une des pistes est la réforme de l'adoption. Nous ne pourrons faire progresser le parcours de l'enfant et le maintien des liens affectifs sans une telle réforme. Je plaide pour la fusion, que seul le garde des sceaux peut faire, des régimes d'adoption simple et d'adoption plénière, ce qui autoriserait la reconnaissance de la multiparentalité.
Pour conclure, dans les départements, l'ASE fait surtout face au manque de volonté politique, contrairement à d'autres politiques sociales. Quant à la recentralisation, ce n'est pas la solution : personne ne regrette les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) !
Mme Élisabeth Doineau. - Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre enthousiasme et votre énergie. S'intéresser à la protection de l'enfance est toujours une bonne chose, car l'on en parle souvent très mal dans les médias, alors que, au quotidien, les équipes interviennent avec beaucoup de professionnalisme auprès des jeunes. Je salue l'ensemble des initiatives gouvernementales. La société doit être mieux informée, car ces jeunes sont l'avenir du pays. Les départements agissent en responsabilité, mais de manière impressionniste, par petites touches. En effet, le fond du problème est bien celui des finances. Je rêve qu'un ministre nous annonce qu'il va abonder le fonds national de financement de la protection de l'enfance de manière considérable...
Je trouve très louable la mise en place de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, qui permet de fédérer les acteurs dans les territoires. Le fonds national devrait faire l'objet de conventions car le développement de projets innovants sur le territoire n'est pas toujours facile. Il faut laisser la place à la recherche et à l'innovation.
L'hôtel n'est pas le bon endroit pour l'accompagnement des jeunes. Cependant, les départements vont rencontrer des difficultés pour appliquer cette mesure. Comment faire pour atteindre un tel objectif ?
Nous avons du mal à recruter des assistants familiaux, qui ne sont pas formés pour accompagner ce nouveau public très fracturé. Les week-ends de répit sont indispensables.
M. Daniel Chasseing. - Comment les MNA qui sortent de l'ASE peuvent-ils trouver un emploi sans carte de séjour ou d'asile ? Ils ont pourtant reçu une formation et appris le français !
À la sortie des centres éducatifs fermés, 50 % seulement ont un projet. Ils repartent dans leur milieu sans aucun suivi. Une obligation de suivi ne serait-elle pas nécessaire ?
Mme Annick Jacquemet. - Les assistants familiaux regrettent de ne pas être associés au dialogue entre éducateurs et enfants. Ils s'occupent de ces enfants toute la semaine, toute l'année, et vivent très mal d'être exclus de ce dialogue, alors que leur participation serait très profitable.
Mme Brigitte Devésa. - Concernant les hôtels, les dérogations sont encadrées. Dans les Bouches-du-Rhône, les hôtels sont expressément choisis et l'encadrement est bien défini. Les MNA, qui ont entre 15 et 17 ans, ont aussi besoin d'une certaine autonomie. N'allons pas considérer que tous les départements ne font pas ce qu'il faut.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Madame Cohen, vous pensiez que le texte manquait d'ambition lors de son entrée au Parlement. Peut-être en ira-t-il autrement à sa sortie ? Les ajouts sont réels, notamment grâce au Gouvernement, et très sûrement grâce au Sénat.
Concernant la question des hôtels comme des fratries, des places sont financées. Dans les départements se posent cependant des problèmes de diversification de l'offre. La contractualisation permet de tels financements. S'agissant des dérogations, je pose comme principe l'interdiction des enfants à l'hôtel : je souhaite que nous l'inscrivions dans la loi. Cependant, soyons pragmatiques. Imaginez ce qui se passerait en cas de nouvelle crise migratoire : ces jeunes seraient-ils à la rue ? Nous avons proposé un dispositif qui me semble aller dans le bon sens, sachant qu'une partie des dispositions relève du domaine réglementaire.
Je me suis rendu lundi dans les Bouches-du-Rhône. S'il reste encore des hôtels pour la mise à l'abri, on en trouve un seul pour l'hébergement. La situation s'est améliorée, mais il fut un temps où l'évaluation d'un mineur non accompagné et sa mise à l'abri prenaient 71 jours ! Je réitère devant vous ma proposition que le département contractualise avec l'État. Quand j'arrive dans le Nord avec 8 millions d'euros pour 2021 et 2022, ce n'est pas totalement négligeable...
La contractualisation a permis de remettre le sujet de la protection de l'enfance au rang des priorités du département, d'accélérer des projets qui étaient chancelants, de réfléchir à de nouvelles idées. Elle représente une mobilisation de 600 millions d'euros sur trois ans, notamment pour financer 600 places en faveur des fratries.
L'intégration des assistants familiaux dans la fonction publique territoriale n'a pas été évoquée. En revanche, comme vous, Madame Rossignol, je pense depuis le début que le cumul d'emploi est une voie d'assouplissement et de plus grande attractivité, sous réserve d'un cadre bien défini. Mais personne ne s'en est emparé sur la table des concertations, à mon grand regret.
Mme Laurence Rossignol. - C'est normal, car ceux qui pourraient être intéressés ne sont pas autour de la table.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Face au manque de répondant de mes interlocuteurs, je n'ai pas insisté, mais je sais que vous avez évoqué cette idée lors des auditions qu'a menées le rapporteur.
Beaucoup d'assistants familiaux se sentent exclus de l'équipe départementale. La crise a révélé le problème, même si la situation diffère d'un département à l'autre. Disposer d'une adresse électronique du conseil départemental est déjà un signe de reconnaissance, mais on peut faire beaucoup plus. Les députés ont précisé que les assistants familiaux étaient intégrés « dans une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical ». Ce souci a beau être inscrit dans la loi, il relève maintenant de la pratique et de l'action des départements.
Concernant la fusion des deux régimes d'adoption, je suis d'accord avec vous sur le fond, Madame Rossignol : la procédure judiciaire de délaissement parental créée par la loi de 2016 progresse, puisqu'en 2019 près de 600 demandes ont été acceptées, soit le double des années précédentes. Ces déclarations sont importantes pour que les enfants concernés puissent être adoptés. La proposition de loi visant à réformer l'adoption présentée par la députée Monique Limon devrait apporter quelques éléments de réponses en ce sens.
Je vais rechercher plus d'informations concernant l'allocation de rentrée scolaire dans le cadre d'une action éducative en milieu ouvert.
Mme Laurence Rossignol. - On peut s'adresser à la Caisse des dépôts et consignations.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je vous ferai part de ces données lors de la séance publique. L'AEMO ne concerne que 18 % des mesures, et j'espère que les juges ne prennent pas certaines décisions par défaut de place. En tout état de cause, il faut revoir le système. Le juge a un rôle un peu différent en matière d'assistance éducative, car il est le garant de l'intérêt supérieur de l'enfant. Systématiser la présence de l'avocat rendra parfois les relations plus conflictuelles, en l'opposant aux parents.
Mme Laurence Rossignol. - Il n'est pas contre eux !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - En revanche, la possibilité offerte au juge de désigner un avocat va dans le bon sens, même si les magistrats sont partagés sur ce point.
Le droit au répit peut être amélioré à l'occasion des réflexions sur le statut des assistants familiaux.
Monsieur Chasseing, les centres éducatifs fermés relèvent plutôt du garde des sceaux. Il faut améliorer l'articulation entre les différents services, y compris ministériels, pour une meilleure coopération.
M. Daniel Chasseing. - Et les cartes de séjour ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Dans une instruction adressée aux préfets le 21 septembre 2020, le ministre de l'intérieur a demandé aux préfectures de conclure des conventions avec les départements pour que la situation de l'enfant soit examinée avant ses dix-sept ans révolus. Tous les départements sont censés le faire, comme dans l'Oise.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie. Comme l'a dit Madame la rapporteure générale, ce texte passionne.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 h 10.