- Lundi 27 septembre 2021
- Mardi 28 septembre 2021
- Mercredi 29 septembre 2021
- Proposition de loi visant à encourager les dons et adhésions aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative dans le contexte de l'épidémie de covid-19 - Examen du rapport et élaboration du texte de la commission
- Contrôle budgétaire - Communication sur le financement des aires protégées
- Contrôle budgétaire - communication sur la révision des tarifs d'achats des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2011
- Contrôle budgétaire - communication sur la situation financière de la SNCF
- Désignation d'un rapporteur
Lundi 27 septembre 2021
- Présidence de M. Emmanuel Capus, vice-président -
La réunion est ouverte à 15 h 05.
Proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques - Examen des amendements aux textes de la commission
M. Emmanuel Capus, vice-président. - Nous examinons cet après-midi les amendements de séance sur la proposition de loi organique relative à la gestion des finances publiques et sur la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et à l'information du Parlement sur les finances publiques.
Nous commençons par l'examen des amendements à la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, et en premier lieu par les amendements que les rapporteurs souhaitent proposer à la commission.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
M. Jean-François Husson, rapporteur. - À droit constitutionnel constant, le Gouvernement ne peut pas être contraint juridiquement de proposer la révision d'une loi de programmation des finances publiques (LPFP) alors même que les hypothèses, notamment macroéconomiques, sur lesquelles elle est assise se révèlent obsolètes.
L'amendement n° 70 vise à réduire cette rigidité en créant deux catégories de lois de programmation des finances publiques : les lois de programmation initiales et les lois de programmation rectificatives. Ces dernières pourraient ainsi être proposées afin de réviser tout ou partie des dispositions de la plus récente loi de programmation des finances publiques initiale, sans modifier la période de programmation concernée.
L'amendement n° 70 est adopté.
M. Claude Raynal, rapporteur. - La structure même d'une LPFP n'est pas définie par le législateur organique et la proposition de loi organique n'emporte aucune disposition sur ce point. Afin, de renforcer la clarté du débat parlementaire et la lisibilité de la loi de programmation des finances publiques, l'amendement n° 71 prévoit que les LPFP comportent quatre parties relatives au cadre financier pluriannuel respectivement : de l'ensemble des administrations publiques ; des administrations publiques centrales ; des administrations publiques locales ; des administrations de sécurité sociale.
L'amendement n° 71 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 72 est un amendement de coordination avec le changement d'appellation de la loi de règlement opéré par l'Assemblée nationale.
M. Vincent Delahaye. - J'indique que, sur l'article 2 qui procède justement au changement de nom de la loi de règlement, j'ai déposé un amendement tendant à supprimer les mots « relative aux résultats de la gestion et ».
En effet, le changement d'appellation de la « loi de règlement » en « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année » est, à mon sens, inutilement complexe.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Nous proposerons un avis de sagesse sur votre amendement.
L'amendement n° 72 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 73 est un amendement de clarification rédactionnelle.
L'amendement n° 73 est adopté.
Article additionnel après l'article 4 quinquies
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 74 propose un dispositif pérenne qui suit la même logique que le mécanisme temporaire adopté en avril 2020 avec l'avis favorable du Gouvernement. Il prévoit que, en cas de versement du budget général excédant le plafond de 10 % des crédits initiaux du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », les présidents et rapporteurs généraux des commissions chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat soient préalablement informés du montant et du motif de ce versement.
M. Victorin Lurel. - Cette information est déjà obligatoire, me semble-t-il, dans le cas d'opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État. Ainsi, l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances dispose que : « Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa. » Il s'agit des 10 % des crédits initiaux de chaque compte. Quid de l'imputation sur le CAS « Participations financières de l'État », qui demeure illisible ? Par exemple, les dividendes sont imputés au budget général, tandis que les paiements en titres sont perçus par l'Agence des participations de l'État (APE). Cela sera-t-il corrigé grâce à cet amendement ?
M. Albéric de Montgolfier. - Dans le cadre des mesures d'urgence mises en place pour répondre aux conséquences économiques de la crise sanitaire, une enveloppe de 20 milliards d'euros a été adoptée par le Parlement en avril 2020 pour accroître les moyens d'intervention en capital de l'État dans des entreprises stratégiques. Sur mon initiative, l'utilisation de ces crédits a été assortie d'une obligation d'information préalable des présidents et rapporteurs généraux des commissions chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat pour toute opération en capital excédant 1 milliard d'euros. Comment cette disposition, qui n'est pas pérenne, se combine-t-elle avec celle qui nous est présentée ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Effectivement la mesure adoptée en loi de finances rectificative en 2020, et prolongée cet été pour l'année 2021, est temporaire et concerne une enveloppe exceptionnelle. Nous proposons donc de pérenniser l'information du Parlement, dans le cas de versements particulièrement importants du budget général vers le CAS « Participations financières de l'État ».
M. Claude Raynal, rapporteur. - Victorin Lurel a présenté un amendement reprenant la proposition qu'il nous a faite. Nous demanderons alors l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° 74 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 75 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 75 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 76 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 76 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement n° 77 est un amendement de clarification rédactionnelle.
L'amendement n° 77 est adopté.
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 78 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 78 est adopté.
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 79 tend à faciliter l'exploitation des informations figurant dans les annexes aux projets de loi de finances et tout particulièrement dans les projets annuels de performances.
L'amendement n° 79 est adopté.
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 80 pose le principe d'un accès aux données de l'administration fiscale pour l'accomplissement des missions de législation, de contrôle et d'évaluation de la commission des finances. Cet accès porterait sur des données auxquelles les chercheurs ont d'ores et déjà accès, et aurait lieu notamment dans le respect du principe d'anonymisation des données.
L'amendement n° 80 est adopté.
Article additionnel après l'article 11 ter A
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 81, par parallélisme avec ce qui a été précédemment proposé pour les lois de finances et les projets annuels de performances, tend à faciliter l'exploitation des informations figurant dans les annexes aux projets de loi de règlement, et tout particulièrement dans les rapports annuels de performances.
Il s'inspire ainsi d'une disposition similaire introduite par la commission des affaires sociales, sur la proposition de son rapporteur, dans la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
L'amendement n° 81 est adopté et devient article additionnel.
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 82 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 82 est adopté.
Article additionnel après l'article 13
M. Claude Raynal, rapporteur. - L'amendement n° 83 concerne les modalités d'entrée en vigueur de ce texte.
L'amendement n° 83 est adopté et devient article additionnel.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
TABLEAU DES AVIS
Article additionnel après Article 3 ter (Supprimé) |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. Patrice JOLY |
19 |
Demande de retrait |
Article 4 |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Le Gouvernement |
57 |
Défavorable |
M. BAZIN |
18 rect. quater |
Demande de retrait |
Article additionnel après Article 4 |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme TAILLÉ-POLIAN |
22 rect. |
Défavorable |
M. SAVOLDELLI |
44 rect. |
Défavorable |
Article additionnel après Article 4 quinquies |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. LUREL |
10 |
Avis du Gouvernement |
Le Gouvernement |
67 |
Demande de retrait |
Article additionnel après Article 8 |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. LECONTE |
9 rect. |
Favorable |
M. LECONTE |
8 rect. |
Irrecevable |
Article additionnel après Article 10 |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. Patrice JOLY |
12 |
Demande de retrait |
M. FÉRAUD |
7 |
Défavorable |
Article additionnel après Article 11 bis |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. SAVOLDELLI |
39 |
Demande de retrait |
Article additionnel après Article 13 |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. Patrice JOLY |
13 |
Demande de retrait |
M. Emmanuel Capus, vice-président. - Nous poursuivons avec l'examen des amendements à la proposition de loi ordinaire portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.
PROPOSITION DE LOI
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 6
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 1 rectifié et 2 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
Article 6 |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme PAOLI-GAGIN |
1 rect. |
Défavorable |
Mme PAOLI-GAGIN |
2 rect. |
Défavorable |
La réunion est close à 15 h 25.
Mardi 28 septembre 2021
- Présidence de M. Bernard Delcros, vice-président -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée en application de l'article 58-2°de la LOLF, sur la couverture mobile (4G) du territoire
M. Bernard Delcros, vice-président. - Nous allons procéder à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de notre commission en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur la couverture mobile du territoire. Ce rapport s'intitule Réduire la fracture numérique mobile : le pari du New Deal 4G.
L'expression New Deal mobile désigne l'accord passé en 2018 entre l'État et les opérateurs de téléphonie mobile. L'État a renoncé à mettre aux enchères les autorisations d'utilisation de fréquences hertziennes et a stabilisé les redevances d'utilisation afférentes pour un effort financier public proche de 3 milliards d'euros, si l'on y ajoute les exonérations d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour les pylônes déployés dans le cadre de l'accord ; en contrepartie, les opérateurs se sont engagés à moderniser leur réseau et à améliorer la couverture mobile du territoire. Ainsi, au titre de la modernisation des infrastructures, les pylônes en service 2G et 3G devaient, pour la quasi-totalité d'entre eux, passer en 4G avant la fin de l'année 2020.
Concernant la couverture des zones blanches, le dispositif de couverture ciblée (DCC) constitue le principal volet de l'accord : il contraint chaque opérateur à couvrir 5 000 zones dans un délai de deux ans à compter de leur identification par arrêté, à raison de 600 à 800 zones par an jusqu'en 2025. L'accord comprend également d'autres volets, concernant les axes routiers prioritaires (ARP), la 4G fixe, ou encore des évolutions technologiques permettant de mobiliser la technologie WiFi pour certains services.
Je salue la présence de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, qui nous présentera les principales conclusions de cette enquête. Il est accompagné des magistrats qui ont contribué à cette enquête. Je souhaite également la bienvenue à Mme Laure de la Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), ainsi qu'à M. Zacharia Alahyane, directeur du programme France mobile de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à M. Mathieu Weill, chef du service de l'économie numérique à la direction générale des entreprises et à M. Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms (FFT).
Après la présentation de l'enquête par la Cour des comptes, nos collègues Frédérique Espagnac et Thierry Cozic, nous livreront leur analyse, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », et nos invités pourront ensuite réagir aux conclusions de l'enquête et à ces observations.
À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
Je salue la présence parmi nous de Serge Babary, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et Jean-Michel Houllegatte rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes. - Je suis heureux de vous présenter les constats de la Cour des comptes. Nous avons travaillé d'arrache-pied, dans un contexte difficile en raison de la crise sanitaire, mais nous avons pu développer une vision à la fois nationale et locale de la situation et évaluer les effets du New Deal sur la couverture et la qualité du réseau très haut débit 4G, trois ans après l'accord passé entre les pouvoirs publics et les opérateurs négocié sous l'égide de l'Arcep. Il s'agissait de réduire la fracture numérique territoriale, nous savons maintenant, après la crise sanitaire, à quel point il est essentiel d'y parvenir. Nous avons également cherché à apprécier l'efficacité de la gouvernance de ce New Deal au niveau national comme dans les territoires ainsi que les enjeux liés au déploiement de l'internet mobile.
Le très haut débit mobile 4G, messages, voix et internet mobile, a été proposé à partir de 2012 en France et nécessite des infrastructures à ciel ouvert sur tout le territoire ainsi que la mobilisation de fréquences hertziennes appartenant au domaine public et concédées contre redevance après enchères. La 5G finira par remplacer la 4G, mais ce dernier marché est toujours très dynamique, avec 56 millions de cartes actives. Il est toutefois concentré sur les zones denses, car le choix a été fait d'une concurrence par les infrastructures avec quatre opérateurs différents. Si des effets positifs sur les prix et les investissements des opérateurs ont pu être relevés, le développement s'est orienté vers les secteurs à forte densité, au détriment des zones rurales. En conséquence, en 2017, avant l'accord dont il est question aujourd'hui, la France était en retard en matière de déploiement, occupant seulement la vingt-quatrième place en Europe. Malgré les efforts, les disparités territoriales, sources d'insatisfaction et de pertes d'efficacité économique, n'étaient pas corrigées. Les premières obligations imposées par l'Arcep en matière d'aménagement du territoire étaient peut-être mal ciblées, et leur terme trop lointain ; les programmes de financements publics, ciblés sur les zones blanches centres-bourgs ont permis de construire près de 2 200 pylônes en quinze ans, mais ils ont parfois été complexes à mettre en oeuvre et la qualité de leur couverture était insuffisante. Un décalage persistait donc entre la croissance du taux de couverture théorique et le ressenti sur le terrain quant à la qualité des services, tel qu'il était compilé par les habitants et les collectivités.
Un changement s'imposait pour garantir un égal accès à la 4 G, ce fut le New Deal, c'est-à-dire un échange fréquences contre couverture, signé entre l'État et les opérateurs. Ces derniers se sont engagés sur différents points - meilleure couverture du territoire en internet mobile de qualité, nouveaux sites de diffusion, généralisation de la 4 G sur les sites existants, couverture des axes de transport, amélioration de la qualité du réseau - et l'État offrait des contreparties financières ou réglementaires, notamment la réattribution anticipée des fréquences hertziennes, sans enchères. Le primat a donc été donné à l'aménagement numérique du territoire plutôt qu'à la maximisation des recettes ; en parallèle, le raisonnement s'est appuyé sur la couverture territoriale en kilomètres carrés plutôt que sur le nombre de clients ; enfin, les élus ont été associés à la prise de décision, s'agissant notamment du dispositif de couverture ciblée, avec 5 000 sites prévus par opérateur.
Cette enquête dresse un premier bilan du dispositif à mi-parcours. Après trois ans, le jugement est positif et les résultats sont tangibles : la couverture par l'ensemble des opérateurs est passée de 47 % à 76 %, la couverture minimale par au moins un opérateur de 89 % à 96 %. Il subsiste quelques difficultés en matière, notamment, de qualité du débit fourni, alors qu'il n'existe pas de norme minimale de très haut débit mobile. Les engagements des opérateurs ont été tenus. 97 % des sites 2G et 3G sont désormais équipés en 4G, de nombreux sites de couverture ciblée ont été mis en place, malgré un démarrage un peu lent. Aujourd'hui, 91 % des engagements ont été tenus, malgré des retards que l'Arcep devrait, selon nous, instruire avec plus de diligence. Les autres résultats apparaissent comme plus difficiles à évaluer et leur échéance est plus lointaine. Reste qu'il faut maintenant aller au-delà de ce New Deal et qu'un complément est probablement nécessaire.
Nous avons également tenté de déterminer dans quelle mesure cet accord était équilibré s'agissant des engagements réciproques qui le fondaient. Il est cependant difficile d'évaluer les investissements que les opérateurs auraient réalisés sans le New Deal et il reste une incertitude quant aux moyens qu'ils ont réellement engagés au titre des obligations qui en sont issues, alors que les évaluations oscillaient entre 3,2 et 5,6 milliards d'euros prévus. On sait, en revanche, que l'État a consacré 3 milliards d'euros à cet effort, dont 2,5 milliards d'euros d'enchères non perçues. Cet engagement financier a d'ailleurs été insuffisamment retranscrit dans les documents budgétaires, le Parlement ne s'étant prononcé que sur l'exonération de l'IFER, soit près de 120 millions d'euros.
Nous portons un jugement positif sur le pilotage national et local, s'agissant, notamment, du dispositif de couverture ciblée, qui a été bien adapté aux réalités locales. La mission France Mobile a bien fonctionné et on gagnerait à étendre ses méthodes aux autres engagements du New Deal.
Il reste toutefois des progrès à accomplir ; le principal concerne la mutualisation des infrastructures entre opérateurs, laquelle est aujourd'hui insuffisante. Aujourd'hui, chacun veut bénéficier d'un réseau de qualité, mais personne ne souhaite héberger d'antenne. Il importe donc de trouver les moyens d'en limiter le nombre. Or la part relative des sites mutualisés a baissé entre 2017 et 2020, alors que ce procédé emporte des gains économiques et environnementaux. D'autres enjeux sont présents et doivent être pris en compte, comme la cybersécurité, la maîtrise des risques sanitaires potentiels liés aux ondes et les préoccupations environnementales. Il faut travailler en ce sens dans la continuité du rapport d'information du Sénat intitulé Pour une transition numérique écologique de juin 2020. Si la 5G est moins consommatrice, elle provoquera un accroissement des usages et son empreinte carbone sera supérieure à celle de la 4G. Il faudra enfin veiller à ce que la montée en gamme des réseaux vers la 5G ne crée pas de nouvelles inégalités territoriales.
À notre sens, pour parachever la réduction de la fracture, deux leviers peuvent être utilisés. Le premier est l'extinction à terme de tout ou partie des technologies 2G et 3G. Cela nécessitera un accompagnement, car beaucoup d'objets connectés reposent encore aujourd'hui sur ces réseaux, qui comptent par ailleurs encore 2,7 millions d'utilisateurs exclusifs. Tout le monde pourrait trouver intérêt à cette évolution, car de nouveaux investissements pourraient être négociés avec les opérateurs en échange des nouvelles ressources que ces derniers pourraient en tirer. Le deuxième levier est précisément l'imposition de nouvelles obligations d'investissements ciblés des opérateurs dans les territoires les moins couverts, notamment à la faveur de la clause de rendez-vous de 2023 pour l'attribution des fréquences de 3,5 gigahertz.
En conclusion, la Cour des comptes émet neuf recommandations, qui se divisent en trois grandes orientations.
Il faut, tout d'abord, conforter l'économie générale du New Deal, en améliorant l'évaluation des engagements réciproques et l'information sur ses conséquences budgétaires.
Ensuite, nous proposons d'optimiser sa mise en oeuvre au niveau local en s'appuyant sur les équipes projets locales et en revoyant l'allocation des moyens, en étant attentifs à la question des sites du dispositif de couverture ciblée, en accélérant les contrôles sur le retard et en précisant les règles foncières en matière de télécommunications.
Enfin, il importe de réduire les sources d'insatisfaction liées à la fracture numérique en définissant une norme de très haut débit minimal mobile - c'est là un point de difficulté avec les opérateurs -, en mesurant plus largement la qualité du service mobile sur le territoire et en complétant le New Deal pour parachever la couverture mobile de qualité du territoire.
M. Bernard Delcros, vice-président. - Nous avons bien entendu que vous alertez à la fois sur la nécessité de progresser et sur le risque de donner naissance, ce faisant, à de nouvelles fractures territoriales avec la 5G.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Je tiens à insister sur le fait que le New Deal mobile a été conclu en 2018 après une négociation entre l'exécutif et les opérateurs sans que le Parlement ait été saisi des termes de cet accord. Si les exonérations d'IFER ont bien donné lieu à un vote en loi de finances pour 2019, force est de constater que celles-ci n'arrivent que dans un second temps et ne concernent qu'une petite partie de l'accord : il s'agit uniquement d'exonérer les antennes labellisées New Deal. La méthode d'un accord direct a pu être présentée comme plus efficace et permettant la mise en oeuvre rapide des engagements des opérateurs, nous considérons qu'elle revient surtout à débudgétiser près de trois milliards d'euros de recettes publiques, ce dont, en tant que parlementaires, nous ne pouvons nous satisfaire. Le Parlement n'ayant pas été saisi, il ne s'est pas prononcé sur l'usage de ces sommes, comme il aurait pu le faire sur des crédits budgétaires. Par ailleurs, comme l'a relevé la Cour des comptes, la débudgétisation ne s'est pas accompagnée d'un renforcement de l'information à destination des parlementaires. Ni le projet annuel de performances de la mission « Économie » ni les voies et moyens concernant les recettes de l'État ne retracent les crédits dédiés à cette politique publique. À peine un paragraphe, dans le document de politique transversale « aménagement du territoire » annexé au projet de loi de finances pour 2019 rappelle seulement le principe du New Deal. Nous estimons ainsi, dans la lignée de l'enquête, que les documents budgétaires, et en particulier ceux concernant la mission « Économie », doivent être le support d'informations supplémentaires relatives à l'avancée du New Deal mobile et à son coût.
À ce propos, quelles doivent être, selon vous, les informations à intégrer aux documents budgétaires pour garantir le suivi du New Deal par les parlementaires ?
De plus, nous considérons que l'architecture budgétaire actuelle du New Deal mobile ne permet pas d'identifier clairement l'origine des fonds ayant permis le déploiement des nouvelles antennes. On trouve, dans les dossiers de presse des inaugurations, le montant total des investissements réalisés par les opérateurs, mais pas vraiment de rappel du fait que ces déploiements sont majoritairement financés par l'État au travers du New Deal. Il nous paraît donc indispensable que l'architecture des prochains accords avec les opérateurs permette d'identifier beaucoup plus clairement la part de l'État dans le financement des nouveaux déploiements.
Par ailleurs, nous avons pu constater lors de nos déplacements sur le terrain que, dans l'organisation des équipes projets au niveau local, les maires des communes visées par le dispositif de couverture ciblée n'étaient pas toujours suffisamment associés aux premières étapes du processus. Ainsi, nombreux sont les maires à n'avoir pas connaissance du dispositif, y compris lorsqu'ils ont bénéficié eux-mêmes d'une implantation au titre du New Deal. Il est plusieurs fois arrivé que des équipes municipales s'opposent à l'installation d'une antenne après que leur commune a été désignée par arrêté. Ces situations témoignent d'une prise en compte des maires parfois très insuffisante. De ce point de vue, l'exemple des Pyrénées-Atlantiques nous a paru intéressant : après que plusieurs équipes municipales ont rejeté le projet d'installation d'une antenne à la suite de la publication de l'arrêté ministériel, l'équipe projet départementale a fait le choix d'exiger une délibération des communes en amont de la sélection des projets, donc de la prise des arrêtés. Cette exigence, qui sécurise l'arrêté ministériel en garantissant l'accord de la commune concernée par l'implantation d'une antenne, permet également de faire de la démocratie locale une étape préalable à toute décision ministérielle sur le sujet. Une meilleure association des maires permettrait également de limiter les phénomènes de spéculation sur le foncier. En effet, lors de nos déplacements, des situations de spéculation foncière nous ont été présentées. Elles interviennent aussi bien en amont de l'installation des pylônes qu'à l'occasion des renouvellements de bail. Ainsi, nous avons rencontré un maire auquel on a promis, s'il acceptait de céder le bail d'un opérateur, 900 euros de rente annuelle jusqu'à la fin de celui-ci, soit près de douze ans, puis une multiplication par deux des loyers une fois le bail de l'opérateur échu. Les élus ne sont pas toujours au courant des risques de démontage d'antenne existant si les opérateurs refusent les conditions fixées par les entreprises en question.
Alors que l'article 24 bis de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique traite uniquement de l'installation de pylônes, quelles sont vos préconisations pour éviter la spéculation sur les renouvellements de bail ?
Je tiens à attirer votre attention sur un dernier point : l'insuffisance du New Deal, lequel ne permettra pas de résorber toutes les difficultés, même dans un horizon lointain. Ainsi, dans les Pyrénées-Atlantiques, la route nationale 134, qui conduit à la frontière avec l'Espagne et constitue un axe routier structurant prioritaire, n'entre pas dans les critères des axes routiers prioritaires. Elle ne bénéficiera donc pas du volet ARP du New Deal et un tronçon entier ne sera pas couvert en réseau mobile, avec les risques en termes de sécurité et sur l'environnement que cela représente. Il nous apparaît urgent d'apporter des adaptations au New Deal et aux obligations des opérateurs, afin que ce type de situations trouve une solution avant 2027.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Pour ma part, je tiens à revenir sur un sujet que vous avez évoqué : les écarts entre la cartographie plutôt optimiste de l'Arcep et la perception réelle de nos concitoyens, lesquels sont particulièrement importants. En effet, si le premier bilan que propose la Cour des comptes est plutôt positif, la perception du terrain n'est pas toujours aussi tranchée que l'évolution des cartes qui, dans la chromatologie de l'Arcep, sont désormais totalement violettes. Certains élus sont même allés jusqu'à évoquer en audition une perte de la qualité de la couverture depuis 2018 sur leur territoire. Nous ne pensons pas que ces exemples puissent être généralisés, mais ils témoignent en tous cas d'une perception assez éloignée de ce que les chiffres de la couverture tendent à montrer. Comme le rappelle l'enquête de la Cour, les cartes de couverture sont basées sur la localisation des antennes et leurs spécificités techniques. De ce point de vue, nous partageons l'analyse de la Cour d'un réel besoin de renforcement des outils de mesure, aussi bien à destination des collectivités que du grand public via une application. Ce constat est d'autant plus préoccupant qu'il s'accompagne d'une crainte, partagée entre les acteurs, que la fin du New Deal mobile ne signe pas la fin des zones blanches. La Cour souligne ainsi que « toutes les parties prenantes publiques et privées reconnaissent que le New Deal sera insuffisant pour combler la fracture numérique territoriale. » Alors que ses derniers déploiements s'étendront jusqu'en 2027, il existe un fort risque que les zones blanches ne soient toujours pas résorbées à cette date. La Cour recommande de faire évoluer la clé de répartition entre départements et de saisir les prochaines occasions, telles que la réforme des IFER, la fin du 2G et 3G ou encore les prochaines mises aux enchères de fréquence, pour renforcer les engagements des opérateurs.
Ainsi, quels sont, selon vous, les besoins en antennes pour améliorer significativement la couverture du territoire ? Vous évoquez une réévaluation de la clé de répartition, mais quels sont, selon vous, les départements qui auraient besoin de renforcer leurs dotations et quels sont - si vous osez vous y aventurer ! - ceux dont la dotation est trop importante et qui devraient en reverser une partie ?
S'agissant des mutualisations d'infrastructures, elles sont prévues par le New Deal pour les antennes déployées dans le cadre de l'accord. L'enquête que vous nous présentez indique bien qu'elles n'ont toutefois pas été renforcées. Nous sommes tous conscients que le modèle des télécoms repose en grande partie sur une concurrence sur les infrastructures, cependant, lors des échanges de terrains avec l'ensemble des acteurs à l'exception des opérateurs, les mutualisations sont plébiscitées. Elles permettent en effet d'éviter que ne surgissent, sur le territoire d'une même commune, plusieurs pylônes, alors même que l'on sait que l'acceptabilité sociale et environnementale des antennes décline. Il semble indispensable d'inciter à davantage de mutualisations entre les opérateurs, dans l'intérêt de tous : elles limitent la détérioration des paysages, renforcent l'acceptabilité des pylônes, réduisent les coûts pour les opérateurs. La question des moyens dont dispose l'État pour renforcer ces mutualisations doit donc être pleinement posée. À ce titre, quels sont les mécanismes d'incitation susceptibles d'être mobilisés pour les renforcer ?
Mme Laure de la Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. - Le New Deal répond à une attente forte des élus et des citoyens d'améliorer la couverture numérique du territoire. En juillet 2018, l'État a décidé de prolonger des autorisations d'utilisation de fréquences en fixant des objectifs aux opérateurs. La Cour a constaté des résultats tangibles et positifs, l'Arcep fait le même constat au regard des objectifs fixés au départ. Nous sommes au coeur de la mise en oeuvre du dispositif, avec plusieurs obligations arrivant à échéance en 2020 et 2021. C'est le cas, par exemple, de la voix sur WiFi, de la généralisation de la 4G, avec 100 % des sites couverts d'ici à la fin de 2022. S'agissant des axes routiers, ils sont identifiés selon des critères objectifs à partir de données de trafic remontées par les préfectures. Aujourd'hui, 99,9 % d'entre eux sont couverts en extérieur, l'intérieur des véhicules le sera en 2022 pour Orange et SFR, et en 2025 pour Bouygues.
Le dispositif de couverture ciblée, dont la mise en oeuvre associe particulièrement les élus, concerne, au 30 juin 2021, 830 sites, plus de 3 000 autres sont identifiés par arrêté ; s'agissant de la 4G fixe, 510 sites ont été identifiés et seront déployés d'ici à la fin de 2021 et 490 autres restent à identifier.
Monsieur le président, vous formiez le voeu que l'Arcep prenne mieux en compte les retards. Nous sommes très mobilisés sur le sujet et nous avons ouvert une procédure anticipée mi-2019 - ce n'est pas habituel ! - pour mettre en demeure les opérateurs de réaliser les objectifs qui leur étaient assignés. Depuis lors, ceux-ci ont organisé le pilotage du New Deal avec une gouvernance fonctionnelle afin de nous transmettre, pour chaque pylône, des éléments tangibles et objectifs de non-mise en service : livraison en retard d'Enedis malgré les relances, problèmes d'acceptation sociale d'une commune, etc. Aujourd'hui, tous les retards sont documentés et nous les instruisons de manière très diligente.
S'agissant de la cartographie Arcep, en mars 2020, notre collège a augmenté le taux de fiabilité des cartes de 95 % à 98 %. Aujourd'hui, ces cartes sont issues de simulations des opérateurs dont la fiabilité est mesurée par des organismes indépendants missionnés par l'Arcep. Nous avons également la possibilité d'intégrer les mesures des collectivités, selon un protocole harmonisé, comme c'est déjà le cas pour six d'entre elles et, depuis 2021, nous pouvons prendre également en compte les mesures issues du grand public à partir d'applications respectant le protocole édicté par l'Arcep. Nous répondons ainsi à la recommandation de la Cour des comptes.
Concernant l'évaluation financière, nous avons prévu un bilan d'étape à la fin de 2022 permettant d'identifier tous les pylônes et tous les sites créés et de chiffrer les investissements correspondants à ces réalisations. Ce travail offrira un éclairage intéressant pour le Parlement. Bien sûr, un bilan final sera établi à la fin de 2027.
Je prends note de l'intérêt exprimé ici pour une nouvelle étape du New Deal après cette date pour compléter la couverture, nous pourrons engager des discussions avec les opérateurs à ce sujet à l'occasion du rendez-vous prévu en 2023 pour l'attribution des fréquences 5G à 3,5 gigahertz.
M. Mathieu Weill, chef du service de l'économie numérique à la direction générale des entreprises. - Ce New Deal mobile est une opération qui est loin d'être anodine. Les premières conclusions de la Cour confirment l'écart entre les attentes de nos concitoyens et des territoires et la réalité du déploiement des réseaux, écart aggravé par la crise sanitaire. La pertinence d'une politique publique en la matière fait donc encore moins débat aujourd'hui.
La généralisation de la couverture mobile, de manière plutôt inédite, non seulement a répondu à une dynamique publique, mais s'est inscrite dans le calendrier de renouvellement des attributions, créant ainsi des circonstances favorables pour préserver l'équilibre entre le renforcement de l'ambition politique de couverture mobile et la sauvegarde des intérêts patrimoniaux de l'État, préoccupation constante.
Comme l'a dit Mme de La Raudière, on cherchera peut-être d'autres occasions d'aller plus loin dans la couverture mobile, les attentes de nos concitoyens étant fortes. Mais il faut que ces circonstances se présentent, ce qui n'est pas toujours le cas, par exemple avec la 5G.
Ensuite, nous avons accordé la priorité à l'objectif de cohésion des territoires plutôt qu'à la maximisation des revenus financiers, dans l'objectif d'orienter au maximum les décisions des opérateurs vers l'investissement et de créer un véritable projet industriel. Cette organisation industrielle a mis un peu de temps à se mettre en place, mais on peut quand même en saluer les résultats, en dépit du contexte sanitaire.
La Cour souligne dans son rapport les premiers résultats tangibles, et nous devons poursuivre nos efforts dans ce sens. Avec nos collègues de l'ANCT, nous avons identifié certaines situations pouvant nécessiter des ajustements réglementaires ou certaines actions publiques relevant du Gouvernement et non de l'Arcep. À cet égard, la proposition de loi du sénateur Chaize contient des éléments intéressants relatifs à la lutte contre la spéculation sur les baux relatifs aux antennes. Il est bon qu'on se penche sur la question des « professionnels des tours » et sur la manière dont ils peuvent contribuer positivement à nos objectifs de couverture du territoire.
Je veux enfin indiquer à Mme la rapporteure spéciale que l'Arcep a fait un gros effort de transparence vis-à-vis du Parlement sur les engagements pris et sur leur réalisation. Et il n'y a aucune difficulté à les intégrer dans les documents budgétaires et à étoffer les documents de base. Cela étant, s'agissant d'un abandon de recettes fiscales, il faudra voir comment l'intégrer dans l'architecture des lois de de finances.
Nous sommes donc tout à fait favorables à cet effort de transparence vis-à-vis des élus et du Parlement sur ces travaux, qui demeurent néanmoins pilotés pour des raisons à la fois d'économie et d'efficacité par le secteur privé, qui est le modèle de développement du secteur des télécommunications au niveau européen. Il faut contrôler et orienter ces investissements en toute transparence, quand bien même il s'agit d'investissements privés et non pas de la dépense publique.
M. Zacharia Alahyane, directeur du programme France mobile de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. - Nous partageons l'appréciation de la Cour quant au caractère tangible des résultats du New Deal. L'ANCT a en charge essentiellement le dispositif de couverture ciblée, qui est entré dans sa phase industrielle : à la fin du mois d'août, 1 039 sites ont été mis en service par les opérateurs. Le Gouvernement a fait le choix politique fort de confier aux territoires le soin de définir les zones à couvrir prioritairement. C'est ce qui a justifié la mise en place des équipes projets dans le cadre de l'instruction du 18 juillet 2018 définissant leurs missions. L'ANCT accompagne ces équipes, les forme, leur fournit des outils méthodologiques. Une fois que ces équipes projets ont défini les zones à couvrir prioritairement, en lien avec les opérateurs, nous rédigeons des arrêtés pour publication par la direction générale des entreprises afin de les obliger à assurer la couverture mobile sous vingt-quatre mois maximum.
Dans cet exercice, le maire a un rôle central, alors qu'il est parfois oublié par les équipes projets, ce qui est une source d'inquiétude pour nous, à tel point que nous leur avons passé un certain nombre de consignes pour leur demander de mobiliser les élus et les maires avant toute demande d'inscription en zone prioritaire. Il faut bien reconnaître qu'il reste des progrès à faire. Peut-être faudrait-il revoir l'instruction de juillet 2018 pour ancrer davantage cette façon de procéder.
Quelques recommandations de la Cour des comptes ont retenu notre attention, notamment l'élargissement des missions des équipes projets. En effet, la circulaire ne couvre que le dispositif de couverture ciblée. Les équipes projets ont acquis une expertise dans ce domaine, connaissent de mieux en mieux leurs territoires, et il ne nous semble donc pas anormal de les mobiliser pour les autres composantes du dispositif. En tous cas, l'ANCT y est plutôt favorable.
Autre recommandation : la mobilisation de l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Disposant d'un réseau d'experts, elle peut construire des modèles de propagation des opérateurs. Il n'est pas inutile non plus que les équipes projets puissent ponctuellement recourir à l'expertise de l'ANFR, ne serait-ce que pour porter, en tant que tiers indépendant, un regard différent et critique sur ce que proposent les opérateurs.
Le contrôle des déploiements est assuré par l'Arcep. L'ANCT, elle, se mobilise pour le déploiement et a mis en place à cette fin notamment une plateforme de signalement des difficultés à destination des opérateurs pour qu'ils puissent nous indiquer les cas où l'échéance réglementaire risque de ne pas être tenue. Les données ainsi recueillies sont transmises à l'Arcep pour lui permettre d'agir comme elle le juge.
S'agissant de l'allocation des dotations, le New Deal vise 5 000 sites, soit, annuellement, entre 600 à 800 sites. Le comité de concertation France Mobile, l'un des comités de pilotage du New Deal mobile, propose au ministre une clé de répartition des dotations. Les critères retenus sont des critères de population, de surface, de relief, ainsi que les signalements faits par les maires sur la plateforme France Mobile.
Quelques critères ont été retenus par le comité, notamment une règle minimale : au moins cinq sites par opérateur et par an par équipe projet. D'une année à l'autre, les données de couverture mobile évoluent et donc une équipe projet peut voir sa dotation éventuellement diminuer. Le comité a ainsi défini une règle d'amortissement afin d'empêcher toute réduction sur plus d'un site d'une année à l'autre.
Le comité s'est demandé, comme vous, si dans cette deuxième phase du dispositif de couverture ciblée, il ne fallait pas se réinterroger sur ces règles. C'est dans cette optique que les propositions de la Cour des comptes seront étudiées. Ces travaux devraient aboutir au début de 2023.
M. Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms. - Le New Deal représente un changement de paradigme dans l'appréhension de l'aménagement numérique du territoire. Il continue de produire des effets tangibles dans l'accélération de la couverture mobile en 4G sur l'ensemble du territoire.
Ce changement de paradigme implique l'État, les collectivités locales, mais également les opérateurs. Nous sommes désormais entrés dans une phase de déploiement industriel pour réduire les zones blanches de la téléphonie mobile. Les opérateurs télécoms sont engagés dans de lourdes politiques d'investissements : plus de 93 milliards d'euros dans les réseaux fixes et mobiles au cours des dix dernières années, dont 11,5 milliards d'euros l'année dernière. Cela se traduit par une amélioration tangible de la couverture numérique du territoire.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures du New Deal mobile. Toutefois, on peut réfléchir à la meilleure manière d'accélérer et de sécuriser le déploiement des infrastructures. L'accélération de la couverture mobile se trouve en effet retardée par des règles d'urbanisme parfois contraignantes et surtout par la multiplication d'oppositions locales à toute implantation d'antennes-relais de téléphonie mobile. Vous pouvez compter sur les opérateurs télécoms pour poursuivre le travail de pédagogie aux côtés des élus et de l'État : la couverture mobile du territoire passe nécessairement par l'implantation d'antennes.
Le chantier du New Deal est encore long, avec 1 000 pylônes du dispositif de couverture ciblée construits sur les 5 000 prévus, sans compter la densification des réseaux sur les axes de transports. Les blocages et difficultés de déploiement doivent donc être levés.
La mutualisation, en France, est plus avancée que dans les autres pays européens, en partie grâce au New Deal mobile. La France a fait le choix de la concurrence par les infrastructures, qui permet aux opérateurs de se différencier en matière de niveau de couverture mobile et donc de qualité de service au profit des citoyens.
Quelques chiffres sur la mutualisation des réseaux : 1,85 antenne par support, tous opérateurs confondus ; 70 % des antennes des opérateurs de la Fédération française des télécoms mutualisées ; près de 3 antennes par support pour les opérateurs de la FFT.
La mutualisation, c'est la pierre angulaire de ce New Deal mobile. Le dispositif de couverture ciblée prévoit l'obligation de mutualisation des réseaux à quatre opérateurs pour tout nouveau site construit. Les opérateurs de la FFT favorisent le partage d'infrastructures réduire les coûts et les délais de construction. Néanmoins, la mutualisation n'est pas toujours possible pour des raisons techniques ou d'exposition.
Nous sommes très réservés quant à une évolution de la législation vers plus de contraintes en matière de mutualisation, notamment au regard du cadre européen, de nos obligations dans le New Deal mobile, du contenu de nos licences et du principe sacro-saint de la concurrence par les infrastructures qui permet aux Français de bénéficier des prix les plus avantageux en Europe.
Nous attendons depuis de nombreuses années une réforme de l'IFER. L'IFER radio représente une ponction croissante sur la capacité d'investissement des opérateurs. L'objectif initial de la réforme de 2010 était de compenser la perte des recettes perçues par les collectivités en raison de la suppression de la taxe professionnelle. En 2011, cela représentait 125 millions d'euros, contre 238 millions d'euros en 2020. Sans réforme, l'IFER doublera d'ici à 2026 pour atteindre plus de 460 millions d'euros. Cela affectera nos capacités d'investissement.
L'IFER radio n'est manifestement plus adaptée au modèle économique du secteur des télécoms et à l'attente de nos concitoyens. Une réforme assujettissant les pylônes et les points hauts plutôt que les technologies serait conciliable avec les exigences de lisibilité, de prévisibilité et de sécurité juridique de cet impôt tout en garantissant les recettes des collectivités territoriales.
Nous appelons de nos voeux la présentation aux parlementaires du rapport du gouvernement relatif à l'IFER mobile remis au Parlement récemment. Avant de s'interroger sur l'opportunité d'un New Deal 2, évaluons les résultats du New Deal actuel, dont les résultats sont tangibles quant à l'amélioration de la couverture mobile, et le seront jusqu'en 2026.
M. Hervé Maurey. - Je me réjouis que la Cour des comptes ait repris un certain nombre des remarques que le Sénat formule depuis longtemps : le modèle de déploiement a délaissé les zones rurales ; la différence entre le taux de couverture théorique et le taux de couverture réel.
Le New Deal est positif. Le plus important n'est pas de transformer les pylônes 3G en 4G, mais d'apporter de la couverture là où il n'y en a pas.
Mme la rapporteure spéciale a eu raison de dire que le Parlement était totalement dessaisi, non seulement sur ce New Deal, mais sur toutes les politiques de couverture numérique des territoires - fibre, téléphonie mobile. Les organismes de concertation comme France Mobile ne comptent aucun parlementaire. J'y siège en tant que représentant de Régions de France, notre collègue Patrick Chaize y siège en tant que représentant d'une association d'élus locaux, l'Avicca. Il faudrait y remédier.
Le nombre de pylônes attribués ne permettra pas de régler le problème. Dans l'Eure, on a identifié environ 50 sites qui ne sont pas couverts, et ce n'est pas en installant huit pylônes par an qu'on va y arriver d'ici à 2027.
Par ailleurs, on décide l'installation de pylônes sans diagnostic réel de la situation du territoire, en fonction des évaluations des opérateurs eux-mêmes. J'en ai encore eu la preuve récemment, des maires de mon département m'ayant signalé dix-sept zones non couvertes, sans que l'État y trouve quoi que ce soit à dire.
Dernier point, j'ai demandé de nombreuses fois que l'on puisse offrir aux élus et aux administrés une visibilité sur un calendrier de déploiement, à l'image de ce qui se fait pour la fibre. Actuellement, ce n'est pas possible. Il faut en finir avec cette installation de pylônes au fil de l'eau.
M. Vincent Segouin. - Je souscris aux propos d'Hervé Maurey. Dans l'Orne, il existe une vraie différence entre la théorie et la réalité. Il est impossible de tenir une conversation de plus de deux minutes dans notre secteur, contrairement à ce que tend à indiquer la carte de couverture.
J'ai appris récemment que le réseau propre qu'utilisent la gendarmerie et les pompiers disparaîtra en 2024. Or le déploiement de la couverture mobile est prévu jusqu'en 2027. Est-ce à dire qu'entre 2024 et 2027 il sera impossible d'assurer la sécurité de nos concitoyens ?
M. Jérôme Bascher. - Je m'associe aux propos d'Hervé Maurey. Vous avez privilégié l'approche pécuniaire plutôt qu'un véritable aménagement du territoire. Quand on regarde la réalité des territoires, elle diffère des cartes officielles de l'Arcep. Dans les faits, on constate un écart important entre les zones blanches et les zones gris clair, prétendument couvertes. Ce retard n'est finalement pas sanctionné. Or il s'agit d'argent public, et, sur ce point, monsieur Weill, je ne suis pas d'accord avec vous : en renonçant à 3 milliards d'euros de redevances, vous avez en réalité fait de l'aide à l'investissement au profit des opérateurs, qui n'avaient pas prévu de réaliser ces investissements. Voilà le modèle économique qui était à l'oeuvre. Pour faire de l'aménagement du territoire, on a renoncé à 3 milliards d'euros de recettes. Au Sénat, nous pouvons le comprendre, à condition que ce soit bien de l'aménagement du territoire et non pas de l'aménagement des métropoles, des grandes villes ou d'endroits où, par nature, la rentabilité est assurée.
Alors que la pose d'un pylône coûte environ 250 000 euros et que les engagements chiffrés des opérateurs ne portent que sur 5 000 pylônes qui sont presque tous mutualisés, on pourrait avoir l'impression que les opérateurs sortent gagnants d'un dispositif qui leur fait bénéficier d'une compensation financière de près de 3 milliards d'euros. Ainsi, combien de pylônes seront-ils déployés, au total, au titre du New Deal ?
M. Stéphane Sautarel. - Je souscris pleinement à ce qui a été dit par mes collègues précédents.
Première remarque : l'écart entre la réalité du terrain et la théorie. Cet écart non seulement suscite beaucoup d'incompréhension chez nos concitoyens, mais, de surcroît, on enregistre des reculs dans la couverture de nos territoires pour des raisons techniques mal perçues.
Deuxième remarque : les collègues qui se sont exprimés avant moi sont des élus de départements au relief plat. Même si, dans ces départements, les besoins existent toujours, la couverture a progressé considérablement ces dernières années. Or c'est loin d'être le cas dans les territoires de moyenne montagne comme le Cantal.
Troisième remarque, nous nous inquiétons des écarts grandissants entre les territoires. Non seulement il reste des besoins non satisfaits au regard du calendrier prévu par le New Deal, mais encore on peut craindre des retards et des écarts considérables, d'autant qu'on a le sentiment de courir en permanence derrière la technologie. À l'échéance de 2027, on n'en sera plus à la 4G ! Il faut donc d'ores et déjà s'engager dans un déploiement qui ne réponde pas seulement aux besoins de la 4G.
Quatrième remarque : les difficultés d'itinérance. L'A89, entre Clermont-Ferrand et Lyon, n'est aujourd'hui absolument pas couverte. C'est surprenant pour un axe reliant deux métropoles d'une même région.
Cinquième remarque : il reste des interrogations sur l'avenir des pylônes qui étaient loués à TéléDiffusion de France (TDF) et sur leur utilisation future, avec le risque d'installations de nouveaux pylônes à côté de ceux-ci.
Dernière remarque : il reste des interrogations quant aux priorités de déploiement de ces pylônes- équité ou égalité de traitement ?
M. Bernard Delcros, vice-président. - Monsieur Charpy, vous avez beaucoup insisté sur la fracture numérique, craignant que la 5G n'en crée une nouvelle. La fracture numérique est due au fait que les opérateurs ont investi prioritairement dans les territoires à forte densité de population. Les technologies évoluant en permanence, que faudrait-il faire pour éviter de devoir toujours courir derrière les progrès technologiques et équiper l'ensemble des territoires au même rythme ? Il faut tenir compte de l'expérience passée pour ne pas créer à chaque nouveau progrès technologique un nouveau retard et donc une nouvelle fracture.
Dans le cadre de l'acte II de la loi Montagne de 2016, nous avions voté une exonération de trois ans de l'IFER pour faciliter les investissements dans les territoires de montagne. Cette exonération a-t-elle eu un effet réel sur l'installation de nouveaux pylônes ou de nouvelles infrastructures dans ces territoires ?
Vous avez indiqué que la mutualisation des équipements n'était pas une réussite totale. Quels leviers faudrait-il actionner pour la favoriser ?
M. Christian Charpy. - L'écart entre les schémas théoriques de diffusion et de réception et la réalité ressentie du terrain est frappant. La suggestion de la présidente de l'Arcep, à savoir accroître la mobilisation des données issues du grand public, va dans le bon sens. Toujours est-il qu'il faut présenter les schémas de réception avec plus de prudence.
S'agissant des documents budgétaires, je me souviens qu'il existait auparavant un compte d'affectation spéciale « hertzien » : en recettes, les recettes de redevance ou d'enchères ; en dépenses, ce à quoi ils étaient utilisés, notamment les programmes militaires. Dans le cadre des voies et moyens, il doit être possible de faire mieux apparaître ces redevances, mais aussi les décisions de l'administration qui conduisent à réduire celles-ci et le montant des pertes qui en résultent. De même, la Cour, tout comme le souhaite l'Arcep, recommande de mieux évaluer l'impact des investissements réalisés.
S'agissant de la spéculation sur les pylônes, la loi devrait bientôt obliger à disposer du mandat d'un opérateur pour négocier un bail, mais la question se pose effectivement pour leur renouvellement. Faudra-t-il allonger les baux, encadrer les loyers ? La Cour n'a pas la réponse, mais il est clair qu'il faut examiner de près ce point, pour trouver la meilleure solution.
L'évaluation précise des besoins en pylônes pour assurer la couverture complète du territoire demande, me semble-t-il, qu'on élargisse les missions des équipes projets. La solution passe aussi par plus de mutualisation et par le changement de la règle d'allocation des pylônes, car la dotation minimale de 5 sites consolide la présence sur certains territoires, au détriment d'autres territoires.
Nous savons que le choix a été fait d'inciter et non pas de contraindre à mutualiser. Cependant, au vu des besoins non couverts et de l'insuffisante mutualisation, je crois que la voie réglementaire devra s'imposer.
Les règles actuelles de l'IFER sont perfectibles, il faut examiner les avantages d'un système par pylône, mais sans négliger son impact financier, qui n'est pas anodin. Je ne connais pas l'effet précis de l'exonération de l'IFER en montagne, faute d'évaluation sur ce point.
Mme Laure de la Raudière. - L'Arcep n'est pas opposée à la mutualisation, nous l'avons même encouragée en zone rurale, nous sommes à l'écoute des solutions pour la renforcer. Je suis bien consciente des différences qu'il y a entre la carte de couverture et le ressenti des utilisateurs, j'en ai l'expérience pratique. Pour la 3G, nous avons distingué trois niveaux de couverture pour la voix et les SMS : limité, quand le réseau passe mal ; bonne qualité, quand il passe à l'extérieur, mais pas toujours bien à l'intérieur des bâtiments ; et très bonne qualité, quand la connexion est bonne à l'intérieur comme à l'extérieur des bâtiments. Pour la 4G, nous n'avons qu'un seul niveau à évaluer de la couverture, qui mesure la connexion à l'extérieur des bâtiments ; nous savons que ce n'est pas l'usage qu'en ont les citoyens, qui attendent du réseau qu'il passe à l'intérieur des bâtiments avec un bon débit ; nous réfléchissons au bon référentiel sur la 4G. Toutefois, c'est difficile parce que la qualité dépend en pratique du nombre d'utilisateurs simultanés sur une antenne.
Le raisonnement par le nombre d'antennes et par le prix des pylônes est partiel, car, pour mesurer les coûts d'ensemble, il faut ajouter d'autres investissements, comme ceux de la 4G fixe : c'est ce que nous voulons faire fin 2022 pour un bilan d'étape du New Deal.
Enfin, nous sommes très favorables à un encadrement réglementaire pour limiter la spéculation.
M. Bernard Delcros, président. - Monsieur Dreyfuss, savez-vous quel a été l'effet des exonérations sur l'installation de pylônes en montagne ?
M. Arthur Dreyfuss. - Il faudrait regarder précisément les chiffres par année, je ne les ai pas ici, mais je vous les communiquerai ; en tout cas, je sais que nous avons beaucoup d'installations de pylônes en zones de montagne depuis cette exonération.
Nous sommes très prudents sur l'idée d'établir une norme de très haut débit minimal, une carte précise des débits effectifs parait peu réaliste, car l'internet mobile est toujours partagé entre des clients, donc le débit effectif dépend de la charge et de la localisation sur le réseau. Nous sommes favorables à plus de transparence, mais veillons à ne pas tomber dans des travers.
M. Zacharia Alahyane. - Je veux souligner l'importance de la prévisibilité pour les équipes projets : il faut donner de la visibilité, même sur deux ans seulement et avec prudence, c'est cela qui permet de prioriser entre les équipes projets.
Un recul de la couverture est effectivement constaté ici ou là, il n'est pas logique puisque le niveau d'équipement progresse et il tient le plus souvent à des travaux ou des opérations de maintenance sur des pylônes. C'est pourquoi nous conseillons, lorsque cela se produit, d'alerter aussitôt l'équipe projet pour qu'elle se tourne vers l'opérateur, qui peut alors faire le nécessaire ou expliquer ce qui se passe.
Les critères de répartition des dotations sont : la population sans bonne couverture dans le département, la taille de la zone sans bonne couverture, le nombre de communes de montagne, et le signalement des élus. Les régions les plus dotées sont l'Occitanie et l'Auvergne-Rhône-Alpes, ce qui est assez logique puisque c'est en zone de montagne que la propagation des ondes est la plus compliquée.
M. Mathieu Weill. - Le dispositif de couverture ciblée est un produit d'appel très visible, mais les opérateurs ont des obligations pour la couverture, en particulier celle des axes routiers prioritaires, pour un service effectif dans les véhicules, il faut considérer l'ensemble du New Deal. En réalité, les opérateurs construisent un nouveau réseau national, avec 12 000 à 16 000 pylônes sur le territoire. Ensuite, la question se pose d'une « course à échalote » : à mesure que la technologie avance, il faudrait tout recommencer pour la couverture 5G. En fait, il faut partir des besoins de la population, ceux d'une communication par la voix, des SMS et des données, donc le besoin de pouvoir utiliser un service de données : précisément, dans les attributions de fréquence 5G, il y a en parallèle une obligation de fournir une capacité de données suffisante.
Enfin, le ministère de l'intérieur projette de basculer les réseaux actuels de sécurité - ceux des pompiers, des services de secours -, des réseaux qui sont très locaux et posent des problèmes opérationnels, sur un réseau unique et national : je ne doute pas que le ministère de l'intérieur s'assurera que ce réseau couvre l'intégralité du territoire.
M. Jérôme Bascher. - J'ai vu il y a cinq ans déjà que la box fibre était tout à fait suffisante pour les SMS et la voix : pourquoi cette technologie n'est-elle pas retenue ?
Mme Laure de la Raudière. - Les opérateurs, dans le cadre du New Deal, ont obligation de permettre de recevoir ses appels sur WiFi, c'est en cours, un opérateur doit encore le faire. Il y a donc continuité, à partir du moment où l'on possède un téléphone récent.
M. Mathieu Weill. - Toutes les box sont compatibles, mais il faut, effectivement, un téléphone récent.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport et notre débat montrent bien la réalité du terrain : les questions viennent des territoires situés dans des départements à dominante rurale, où il y a du relief. Nous le savons depuis longtemps, les réseaux sont un enjeu d'aménagement du territoire, les choses avancent lentement. J'ai constaté, encore dimanche dernier en sortant d'un village à 10 kilomètres d'Annecy, que deux pylônes se faisaient face sur une route départementale, à environ 40 mètres l'un de l'autre, ce n'est pas normal - je crois qu'on devrait taxer les opérateurs pour les inciter à travailler de concert...
Nous manquons de coordination, Hervé Maurey l'a bien dit. Avec les moyens techniques dont les opérateurs disposent, il ne devrait pas être si difficile d'avoir une cartographie en temps réel du réseau, en fonction des ajouts et des retraits, et nous devrions décider des choses au vu de ces données, en les examinant par exemple dans des conférences départementales. À vous écouter, tout est possible, mais dans les faits, nous ne sommes pas toujours bien reçus par les opérateurs, y compris les parlementaires - il faut y faire attention, car ces difficultés s'ajoutent au sentiment du déclassement, et la juxtaposition des cartes faisant apparaître les failles dans les infrastructures routières, ferroviaires, numériques, révèle aussi la France des « gilets jaunes », celle qui a le sentiment de n'être pas entendue.
Merci pour vos contributions, nous allons regarder comment les mettre en perspective avec les enjeux de demain, pour améliorer la couverture, mais aussi la qualité des réseaux, du débit, et imaginer ensemble des solutions. On dépense beaucoup, parfois sans coordonner - c'est peut-être une mission pour l'ANCT, de mieux faire converger les énergies afin de réduire la fracture numérique mobile.
À l'issue de ce débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes en annexe à un rapport d'information de M. Thierry Cozic et Mme Frédérique Espagnac.
La réunion est close à 19 h 15.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mercredi 29 septembre 2021
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi visant à encourager les dons et adhésions aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative dans le contexte de l'épidémie de covid-19 - Examen du rapport et élaboration du texte de la commission
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport de Mme Nadine Bellurot sur la proposition de loi visant à encourager les dons et adhésions aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative dans le contexte de l'épidémie de covid-19. Cette proposition de loi est présentée par M. Éric Gold et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE. Aucun amendement n'a été déposé sur ce texte.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - L'objectif de cette proposition de loi est double : il s'agit d'encourager les dons aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative et d'inciter les Français à adhérer à ces mêmes associations.
Cette proposition de loi comprend un article unique. Elle présente deux dispositifs distincts. En premier lieu, il est prévu de majorer à 75 % le taux de la réduction d'impôt sur les dons aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative, contre 66 % actuellement. Il s'agit donc, vous l'aurez compris, d'étendre le dispositif «?Coluche?» à ces associations. En second lieu, la proposition de loi propose de créer un crédit d'impôt temporaire, assis sur les adhésions souscrites au cours de l'année 2021 auprès de ces mêmes associations. Le taux de ce crédit d'impôt serait égal à 50 % des dépenses engagées, dans la limite de 100 euros par souscription. Le dispositif de la présente proposition de loi ne nous est pas totalement inconnu, puisqu'il a été présenté par voie d'amendement en juillet dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021.
Nous sommes tous élus locaux, nous connaissons les difficultés des associations. Cependant, nous sommes interpellés moins sur les aspects financiers que sur la grande difficulté à remobiliser les bénévoles à la suite de la crise sanitaire. Ainsi, je salue l'initiative de la proposition de loi, qui appelle notre attention sur ces difficultés ; toutefois, il est nécessaire de s'interroger sur la pertinence et la portée des mesures proposées. Il s'agit donc, premièrement, de savoir quelle est la situation financière des associations sportives, culturelles et récréatives et quels sont leurs besoins à court terme, et, deuxièmement, de savoir si le dispositif proposé permet de répondre efficacement à ces besoins.
S'agissant du premier point, il me semble que le pire a été évité pendant la crise, grâce à l'action conjointe de l'État et des collectivités territoriales. La plupart des maires ont très largement maintenu leurs subventions publiques, en dépit de l'arrêt des activités, tandis que le Gouvernement a mis en oeuvre de nombreuses mesures de soutien transversales - comme l'activité partielle - et sectorielles - avec la création de fonds d'urgence spécialisés.
Les associations à vocation sportive, culturelle et récréative, hors mesures transversales, ont bénéficié d'environ 600 millions d'euros d'aides, montant non négligeable. Ce soutien significatif de l'État a permis de compenser très largement l'impact des mesures sanitaires auprès de ces associations. Ainsi, selon la Cour des comptes, moins de 10 % des associations éligibles ont in fine sollicité le fonds de solidarité?; pour le Réseau national des maisons des associations (RNMA), ce faible taux de recours s'explique par le fait que, d'une part, seuls 14 % des associations ont subi une perte de subventions, et que, d'autre part, les associations n'ont pas abusé d'un possible cumul des aides.
Avec la levée progressive des mesures sanitaires, la problématique est désormais toute autre : il ne s'agit plus de survivre, mais de relancer les activités associatives, afin de retrouver le dynamisme d'avant-crise, en remobilisant les bénévoles et les adhérents.
J'en viens à mon second point : le dispositif proposé permet-il de répondre à cette problématique ?
Premièrement, la majoration de la réduction d'impôt vise à encourager les dons, alors que ces derniers ne représentent que 4,6 % des financements associatifs, contre 20 % pour les subventions publiques et 66 % pour les recettes d'activité. Cette proportion est infime ! Ainsi, ce dispositif n'aurait qu'un impact mineur sur la situation économique des associations.
À cet égard, la création d'un crédit d'impôt assis sur les souscriptions pourrait à première vue constituer une initiative opportune. Nous pouvons cependant douter de son efficacité. En effet, admettons que le dispositif entre en vigueur dans les semaines à venir, fin 2021 : non seulement il n'aurait pas d'effet avant la période de souscription des licences sportives - à savoir entre juin et septembre 2022, mais, de plus, le crédit d'impôt ne serait accordé aux ménages que l'année suivante, en 2023. L'impact sur la trésorerie des ménages serait donc différé ; le dispositif constitue ainsi une incitation à long terme, qui ne correspond pas aux attentes actuelles. Ce sont donc des instruments budgétaires qu'il faut mobiliser à court terme, comme le Pass' Sport, qui octroie directement une subvention aux ménages pour financer l'adhésion à un club de sport.
J'en viens à mon troisième point : le champ d'application du dispositif proposé est très large, et ne permet pas de cibler les structures en difficulté. En effet, les associations à vocation sportive, culturelle et récréative représentent 64 % des associations françaises, soit 892?603 structures : ce chiffre est colossal !
J'y vois deux inconvénients majeurs. En premier lieu, de très nombreux organismes seraient éligibles à la réduction d'impôt, ce qui diluerait d'autant le caractère incitatif du taux majoré. En second lieu, il y a fort à craindre que la majoration de taux ne bénéficie essentiellement aux plus grosses structures, capables de mener des collectes de dons. En effet, les petites associations non employeuses n'ont pas les moyens humains pour émettre des reçus fiscaux. Si l'intention est louable, le dispositif ne semble pas approprié.
Par ailleurs, la décision d'étendre la réduction d'impôt «?Coluche?» serait lourde de conséquences dans le monde associatif. En effet, les associations à vocation sportive, culturelle et récréative seraient placées sur un pied d'égalité avec les organismes venant en aide aux personnes les plus démunies comme les Restos du coeur, Action contre la faim ou encore Médecins sans frontières, qui perdraient leur avantage comparatif. Le dispositif proposé risquerait d'engendrer un effet d'éviction au détriment de ces organismes, qui verraient potentiellement leurs recettes diminuer. Le président des Restos du coeur est très réservé sur cette proposition de loi : il rappelle que le système fonctionne parce qu'il est extrêmement ciblé.
De plus, le dispositif proposé conduirait également à ce que les associations à vocation sportive, culturelle et récréative bénéficient d'un avantage comparatif au détriment des organismes éligibles uniquement à la réduction d'impôt de droit commun de 66 %, parmi lesquels figurent notamment de nombreuses associations caritatives, comme la Fondation Emmaüs. Une telle évolution serait inévitablement à l'origine de fortes dissensions au sein du monde associatif.
Pour toutes ces raisons, l'outil fiscal n'est pas adapté aux besoins de nos associations. Le potentiel périmètre des associations pouvant bénéficier de ce taux de 75 % est beaucoup trop large, et une inflation de taux différenciés pour les associations est à craindre. Quant au crédit d'impôt, il est coûteux, et ses effets sont beaucoup trop tardifs.
Mes chers collègues, je vous recommande donc de ne pas adopter le texte de la présente proposition de loi. Par conséquent, la discussion en séance publique porterait sur le texte initial de la proposition de loi.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, en vue du dépôt des amendements de séance, je vous propose de considérer qu'entrent dans le périmètre de la proposition de loi toutes dispositions visant à définir le plafond ou le taux de la réduction d'impôt pour dons à des associations à vocation sportive, culturelle et récréative ou à définir l'assiette, le taux et les modalités de contrôle du crédit d'impôt sur les souscriptions à ces associations.
Nous avons tenté de cerner au mieux les besoins des associations et leur situation financière. Nous pouvons explorer des solutions budgétaires, mais le dispositif fiscal ne me semble pas pertinent.
M. Éric Gold, auteur de la proposition de loi. - J'ai écouté avec attention notre rapporteure. Je trouve son rapport un peu sévère et me demande si nous vivons-nous bien dans les mêmes départements. Je suis surpris que tout aille bien pour les associations !
Je concentrerai mon propos sur les petites associations, les plus fragiles, celles qui, en milieu rural, sont indispensables à la vie de nos communes. Elles manquent de moyens financiers et humains, n'ont pas de salarié et n'ont pas bénéficié d'aides de la part de l'État. Les petites associations ont subi la crise de manière frontale. Nier leurs difficultés financières, c'est nier la réalité. Pour beaucoup d'entre elles, les recettes viennent principalement de manifestations qui n'ont pas pu se tenir.
Le besoin de soutien financier des associations est réel. Les effets de la crise perdurent : les recettes de billetterie et d'adhésion sont trop faibles et nombre de championnats ne peuvent se tenir, faute de pratiquants. Ainsi, beaucoup de jeunes hésitent à acheter une licence. Le Pass' Sport est une initiative intéressante, mais insuffisante. C'est la raison pour laquelle je maintiens mes propositions.
Dans le monde rural, ces associations jouent un rôle majeur dans la vie sociale. Elles se maintiennent souvent grâce à l'engagement de quelques individus, qui méritent tout notre soutien. Ainsi, ma proposition garde toute sa pertinence, malgré l'amélioration de la situation sanitaire.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je félicite M. Gold pour son initiative, et je salue la présentation, aboutie, de notre rapporteure. M. Gold insiste justement sur l'importance des petites associations, qui manquent souvent de moyens, notamment humains, mais je souscris aux arguments de Mme la rapporteure. Une situation de crise exige une réponse de crise, et cela passe, pour moi, davantage par une réponse budgétaire. Nous encourageons la recherche de solutions, mais celle imaginée par M. Gold créerait un effet d'entraînement dans le dispositif de soutien aux associations. Nous ne pouvons déstabiliser un édifice déjà bien établi. L'appel à un accompagnement budgétaire plus important et plus temporaire serait préférable afin de retrouver une dynamique, des bénévoles et des pratiquants.
M. Éric Jeansannetas. - La vie associative est très diverse et les champs d'action des associations très différents. Je suis rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et peux vous confirmer les propos de Mme la rapporteure : les préoccupations portent moins sur la situation financière des associations que sur le retour des adhérents, retour entravé par exemple par le passe sanitaire - même si je soutiens cette mesure, car elle est responsable. En avril 2021, 40 % des associations n'avaient pas repris leur activité !
Le référé de la Cour des comptes indique que seulement 10 % des associations éligibles ont fait appel au fonds de solidarité. Avec un modèle fondé sur le chiffre d'affaires, ce fonds est pensé pour les entreprises, non pour les associations. Le fonds de soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS), plus tardif, était beaucoup plus efficace, même si beaucoup d'associations n'y ont pas eu accès, pour des raisons de complexité administrative.
Je suis plus nuancé sur le crédit d'impôt. C'est peut-être un outil pertinent pour mobiliser les adhérents ; il faudrait l'évaluer. Le mouvement associatif souhaite travailler aussi sur cet axe avec le ministère et les commissions des finances des assemblées. En effet, qu'en est-il de l'incitation à l'adhésion pour toutes les familles qui ne paient pas d'impôts ? Nous devrons examiner ce point plus avant.
En 2020, les inquiétudes ont été grandes dans les territoires ruraux, car les associations y créent un lien essentiel. Sans nos associations, l'isolement est plus important.
M. Pascal Savoldelli. - Cette proposition de loi nous invite à porter un regard sur l'état de la vie associative, et, comme vous, je m'interroge pour savoir quel est le dispositif le plus pertinent. Dans tous les cas, la cohésion de nos territoires et la qualité de la vie démocratique passent par des engagements volontaires, ne l'oublions pas.
La proposition est aussi une réaction à la suppression de la réserve parlementaire. Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) aide également, même si ce n'est pas son but premier. J'appelle votre attention sur la répartition des aides par région : les ratios vont de un à trois, ce qui pose un problème d'équité, et nous rappelle les limites de la territorialisation de l'aide à la vie associative.
Quant au budget consacré à la jeunesse et à la vie associative, sur 660 millions d'euros en 2021, 536 millions d'euros sont dédiés au service civique et au service national. Est-ce le meilleur moyen de susciter l'engagement de la jeunesse ? Nous y reviendrons en séance.
M. Christian Bilhac. - Le 17 février dernier, j'ai interrogé le Gouvernement, en rappelant le rôle essentiel des associations dans le monde rural. La ministre m'a répondu en évoquant cette aide de 600 millions d'euros aux associations. J'ai mené mon enquête. Ma commune compte quatre associations : zéro euro pour le club de football, zéro euro pour le comité des fêtes, zéro euro pour le foyer rural, zéro euro pour le club de pétanque ! Cela ne fait guère d'argent !
Il faut absolument faire quelque chose ! Ce tissu associatif est essentiel, les caisses sont vides et les adhérents sont partis. Les dons pourraient effectivement être encouragés en contrepartie d'une déduction fiscale.
M. Didier Rambaud. - Je rejoins les conclusions de Mme la rapporteure et de M. le rapporteur général. Deux questions se posent : premièrement, souhaitons-nous encourager la pratique sportive, culturelle, récréative d'un grand nombre de citoyens, notamment de ceux qui en sont exclus?; deuxièmement, comment soutenir nos associations ? Les deux questions sont différentes. Concernant le premier point, l'outil fiscal n'est pas la solution. Ceux qui sont exclus des pratiques associatives ne paient pas d'impôt. Je crois plus au Pass' Sport, dispositif relayé et soutenu par les collectivités locales. Concernant les dons aux associations, cette forme de défiscalisation coûtera très cher, et la dissémination de ces dons nuira à l'efficacité de la mesure.
M. Bernard Delcros. - Je remercie M. Gold d'avoir ouvert ce débat. Le levier fiscal est-il le bon moyen d'accompagner les associations ? Moins de la moitié des ménages français paient l'impôt sur le revenu. Surtout, nous risquons de créer des disparités entre associations et de pénaliser des associations particulièrement utiles, comme Emmaüs. De plus, dans cette commission, nous encourageons la suppression des niches fiscales ! Nous pourrions réfléchir à un levier budgétaire pour encourager les adhésions.
Mme Sylvie Vermeillet. - Nous connaissons une crise importante dans le bénévolat : voyez les sapeurs-pompiers et toutes les associations. Le champ du problème est beaucoup plus vaste. Il y a deux ans, la commission des finances avait auditionné les associations : les donateurs ne semblaient pas être motivés par la défiscalisation. Mme la rapporteure pourrait-elle nous préciser à nouveau ces éléments ?
Mme Christine Lavarde. - Se pose en creux une question plus difficile à résoudre, celle de la rémunération des encadrants sportifs. Le chômage partiel a permis de les rémunérer, car ils disposent d'un contrat de travail. Ce n'est pas le cas pour des encadrants bénévoles, détenteurs d'un diplôme d'État, mais qui n'ont pas de contrat de travail en tant que tel. Certaines associations ont souhaité les garder dans leur structure, malgré l'absence de recettes. Il faudrait travailler sur la rémunération de tous les bénévoles diplômés, pour pouvoir les soutenir en temps de crise.
M. Patrice Joly. - Nous nous faisons des noeuds au cerveau ! Les sommes concernées sont relativement faibles. Symboliquement, il faut transmettre un message à la vie associative, même si, personnellement, je suis très réservé sur les réductions fiscales, qui permettent en fait à chacun de décider de ce qu'il fait de l'impôt.
M. Claude Raynal, président. - Grâce à vos interventions, chers collègues, nous prenons la mesure de la diversité du monde associatif ! La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Tous, ici, nous sommes très sensibles au fait que ce lien social doit reprendre vie dans nos territoires. Dans ma commune, deux associations ne pourront pas reprendre leurs activités, quel dommage ! Or, ces associations sont vitales pour les hommes et les femmes qui vivent dans ces territoires.
Toutefois, le dispositif proposé ne me semble pas adapté. Le crédit d'impôt peut sembler opportun, mais il produit ses effets au cours de l'année n + 2 ! Par ailleurs, revenons à la discipline budgétaire?; nous sommes incapables de calculer le coût du dispositif. Aucun des deux volets proposés ne correspond aux besoins des associations.
Madame Vermeillet, nous avons interrogé la direction de la législation fiscale (DLF). Les aspects incitatifs jouent très peu ! Voyez l'exemple de la réduction d'impôt exceptionnelle pour don à la cathédrale Notre-Dame de Paris : elle a été bien moins utilisée que prévu.
Un employeur sur deux dans le monde associatif a bénéficié du chômage partiel, ce qui constitue une aide considérable. En revanche, beaucoup d'associations n'ont pas demandé d'aides. Ces associations sont très petites, les bénévoles sont souvent peu familiers d'internet... voilà qui freine l'aide. En passant, cela nous rappelle que le sujet du numérique devra être abordé. Au quotidien, nos associations bricolent !
Le périmètre de la proposition de loi pour l'application de l'article 45 de la Constitution est adopté.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi.
Contrôle budgétaire - Communication sur le financement des aires protégées
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sur le financement des aires protégées.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - En janvier 2021, le Gouvernement a publié la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP), qui couvre pour la première fois la métropole et les outre-mer, la terre et la mer. À l'horizon de 2030, les objectifs de couverture sont les suivants : 30 % du territoire national sous protection dont 10 % sous protection forte. À l'heure actuelle, 23,5 % du territoire est protégé, et 1,8 % avec une protection forte. La marche est importante. Les objectifs de couverture, pour le Président de la République, doivent être atteints en 2022. Il y parviendra, car annoncer une protection et protéger et gérer réellement un territoire, avec les financements associés, sont deux choses différentes.
Cette stratégie nationale se décline en plans d'action triennaux, qui se déclinent eux-mêmes en plans d'action régionaux, car la région est cheffe de file en matière de protection de la biodiversité.
D'après la définition de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ».
Ce cadre se décline en treize catégories d'aires protégées à terre et onze en mer, qui font l'objet de dispositifs de protection différents, que je regroupe en quatre familles principales : la protection réglementaire - comme les réserves naturelles -, la protection contractuelle - parcs naturels régionaux et sites Natura 2000 par exemple-, la protection par la maîtrise foncière - acquisitions de sites par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et les Conservatoires des espaces naturels - et enfin la protection au titre des conventions et des engagements européens internationaux - patrimoine mondial de l'Unesco ou zones protégées par la Convention de Ramsar.
En 2019, 5,5 % des espaces terrestres étaient protégés à plusieurs titres, puisque des aires peuvent se recouper. Une partie de cette complexité vient de l'ancienneté de cette politique : le premier décret en la matière remonte à Napoléon III, qui, en 1861, a ainsi protégé le massif de la forêt de Fontainebleau. Les parcs nationaux sont créés en 1960, avant que les textes européens ne prennent leur essor : directive «?Oiseaux?» en 1979, directive « Habitats-Faune-Flore » en 1992, ces grandes directives fixant le cadre du réseau Natura 2000. L'Union européenne vient de définir sa nouvelle stratégie en matière de biodiversité, sachant que l'ensemble de cette politique est chapeautée par un cadre international : depuis la Convention de Rio en 1992 jusqu'à une future Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine en 2022. En France, nous avons redéfini nos objectifs en janvier 2021 : l'articulation des calendriers peut sembler surprenante.
Les acteurs sont extrêmement divers. La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) centralise ces politiques au niveau de l'État, et l'Office français de la biodiversité (OFB) est un acteur majeur, qui dispose également de financements.
Les acteurs de terrain indiquent que, au quotidien, cette complexité autorise une réponse appropriée à chaque spécificité locale. Soit. Voilà qui est moins vrai pour les financements : la diversité des acteurs implique un financement très éclaté. Il manque en outre une notion de bénéfice économique rapporté à la gestion de la nature. Cependant, chaque acteur reconnaît que ces aires protégées participent à d'autres objectifs : écotourisme, attractivité du territoire, emplois non délocalisables, éducation, développement rural, intégration sociale, etc. C'est pourquoi l'État et les collectivités soutiennent financièrement cette politique.
Nous estimons que l'État et les opérateurs, en 2021, ont dépensé entre 230 et 250 millions d'euros pour l'ensemble des aires protégées, somme à laquelle il faut ajouter celles versées par les collectivités territoriales, très difficiles à chiffrer. Une étude récente indique qu'en 2018, 345 millions d'euros ont été versés en faveur des aires protégées, tous niveaux de collectivités confondus. Cependant, elles reçoivent également des aides de l'État et de ses opérateurs, de sorte que le montant alloué aux aires protégées à partir de leurs ressources propres n'est pas connu précisément.
Les départements peuvent financer leur politique « Espaces naturels sensibles » (ENS) par la part départementale de la taxe d'aménagement qu'ils perçoivent, assise sur les autorisations d'urbanisme, dont le taux ne peut excéder 2,5 % : en 2015, chaque département a alloué en moyenne environ 3,9 millions d'euros à la politique « ENS ».
Les régions sont « cheffes de file » dans le domaine de la biodiversité. Elles ne bénéficient toutefois pas de ressources spécifiques. Nous n'avons pas pu avoir d'échanges avec Régions de France, et je le regrette. Il existe une inquiétude, car la loi « 3DS » en cours d'examen prévoit la décentralisation de l'animation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions. Les crédits distribués via le programme budgétaire 113 persisteront-ils ? Cette question inquiète d'autant plus les acteurs que ce transfert semble ne pas s'accompagner de ressources supplémentaires pour les régions.
Les besoins de financement sont très rigides. La masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses : 68 % en 2020 du budget des parcs nationaux ; 85 % pour les réserves ; près de la moitié du budget des conservatoires d'espaces naturels. Selon un rapport de juillet 2019, s'agissant des aires marines protégées, « 38 % des gestionnaires enquêtés estiment ne pas être en capacité d'intervenir sur les usages qui affectent les milieux dont ils ont en charge la protection, en particulier s'agissant des activités et de la fréquentation touristique et des vecteurs de pollution ». En clair, ils manquent de moyens pour exercer leurs missions !
Peut-on alors atteindre les objectifs présidentiels ? La SNAP vise à couvrir au moins 30 % du territoire national et des eaux maritimes par un réseau d'aires protégées d'ici à 2022, mais qui seront effectivement gérées en 2030. Nous pourrons sans doute atteindre l'objectif de 30 % grâce à notre immense patrimoine maritime. Songez au parc naturel marin des Glorieuses, par exemple. Mais encore faudra-t-il pouvoir les gérer, avec des moyens adaptés ! Or cette annonce a été faite sans aucun audit préalable. La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) reconnaît qu'il est difficile d'évaluer les moyens financiers et humains nécessaires, car on ne connaît pas encore les zones qui permettront de remplir l'objectif des 30 % de couverture. L'analyse des besoins des structures pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie est seulement en cours de réalisation. Le Gouvernement a en effet missionné une équipe de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dont les conclusions devraient être remises d'ici à la fin de l'année.
Enfin, les objectifs fixés paraissent en décalage avec les contraintes des opérateurs : le Conservatoire du littoral se voit ainsi confier, par la SNAP, un objectif de renforcement de la protection du littoral par l'extension de son domaine protégé d'au moins 6 000 hectares supplémentaires. Or, le Conservatoire est majoritairement financé par l'affectation plafonnée d'une partie du droit annuel de francisation et de navigation, qui est donc stable dans le temps.
C'est pourquoi nous avançons quelques pistes. Cette politique doit s'inscrire dans la durée. Or, pour le moment, elle relève d'une gestion à courte vue, à l'année. Les acteurs réclament de la visibilité. Nous recommandons donc de mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels, gages de visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs sur plusieurs années. Il convient aussi d'éviter la mise en place d'une fiscalité punitive. Il serait en effet paradoxal de faire dépendre le financement des aires protégées de la poursuite d'atteintes à la nature.
Il faut plutôt inciter à la protection. Les communes rurales qui touchaient une compensation de l'État en raison de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties s'appliquant aux sites « Natura 2000 » ont vu cette compensation fondre au fil des années, car celle-ci a été intégrée au périmètre des variables d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'État aux collectivités territoriales. En 2019, une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, concernant notamment les sites « Natura 2000 », a été créée, mais sur 13 128 communes concernées par un site « Natura 2000 », très peu la touchent en réalité. L'État semble avoir pris conscience du problème et un article du projet de loi de finances pour 2022, présenté le 22 septembre, constitue une avancée à cet égard. C'est un bon signal. La démarche de contractualisation pour la régulation de la dépense locale entre l'État et les collectivités va sans doute se poursuivre. Or, dans ce cadre, en cas de régulation des dépenses de fonctionnement, les politiques de biodiversité sont une variable d'ajustement pour les collectivités. C'est pourquoi il faudrait isoler les recettes et les dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe, afin de valoriser l'action des collectivités concernées en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.
Lors du montage d'un projet cofinancé par les fonds européens, les parcs nationaux ou autres structures gestionnaires d'aires protégées doivent avancer tout ou partie de la somme qui sera ensuite prise en charge par l'Union européenne. Il conviendrait que l'État mette en place un fonds dédié pour gérer le décalage de trésorerie et faciliter la mobilisation des fonds européens.
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) oblige par ailleurs les PNR à autofinancer 30 % de leurs opérations d'investissement. Cette règle mériterait d'être revue, car elle est difficilement compatible avec les capacités d'autofinancement des parcs.
Enfin, il serait judicieux de donner une valeur économique à ces espaces. Ces derniers apportent beaucoup à l'environnement, mais sont dénués de valeur économique. Dans la baie du Mont Saint-Michel, par exemple, une exploitation économique limitée existe : pour traverser la baie, il faut recourir aux services d'un guide agréé. Nous pourrions reproduire cela dans toutes les aires protégées pour tirer une recette de l'utilisation de la nature : on pourrait créer des randonnées guidées dans les parcs, développer différents usages payants, afin que ceux qui profitent de ces espaces contribuent financièrement à leur entretien. La valeur écologique de ces territoires est forte. Ceux qui aiment courir préfèrent aller courir dans la nature plutôt que sur du bitume ! Valorisons ces usages. Je propose d'instaurer une contribution obligatoire au financement des aires protégées qui serait due par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces, que ces activités soient culturelles ou sportives.
M. Claude Raynal, président. - Merci pour cette synthèse sur un dispositif complexe.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci pour ce rapport vivifiant, sur un dispositif, en effet, « labyrinthique ». Notre rapporteur a raison, ces espaces ont une valeur. Ce sujet me rappelle les débats au sein de la commission d'enquête sur l'évaluation du coût économique de la pollution de l'air. Conférer une valeur économique à ces espaces est la meilleure manière de les protéger. Pour le reste, le dispositif est un vrai bazar, les compétences se chevauchent, nul ne se précipite pour intervenir, et cela ne gêne personne de proclamer dans les médias de grandes ambitions, sans actes...
M. Jérôme Bascher. - Ce dispositif est un labyrinthe de contraintes de tous ordres : à cause de ces dernières, les petites collectivités qui abritent des sites protégés ne peuvent guère agir. En Haute-Corse, par exemple, les contraintes de la loi Montagne et de la loi Littoral se combinent, et finalement on ne peut plus rien faire ! Il est temps de rationaliser. Je salue l'effort de notre rapporteur pour remettre de la lumière dans le maquis des aires protégées. Le ministère lui-même semble ne pas savoir ce qui se passe ni maîtriser l'effet des normes qu'il produit...
M. Charles Guené. - L'instauration d'une contribution obligatoire au financement des aires protégées, qui serait acquittée par les organisateurs d'activités économiques, est une piste intéressante, mais les activités possibles sont limitées : par exemple, on ne peut pas installer d'éoliennes ni de panneaux photovoltaïques, ce qui semble paradoxal. Les crédits de la dotation « Natura 2000 » ne compensent pas le prélèvement effectué sur les parcs nationaux au titre de la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques. À ce rythme, le risque est que ces zones protégées se désertifient.
M. Claude Raynal, président. - Le rapport montre la complexité du système, faute de principes clairs et d'une répartition nette des compétences. Il faudrait distinguer ce qui relève du régalien et ce qui relève d'autres financements, et notamment des choix de chacun. Faire contribuer les acteurs économiques pour leurs prestations est une idée intéressante.
M. Jean-Marie Mizzon. - Finalement, je ne sais plus si avoir une aire protégée est une chance pour une commune. Elles sont inscrites dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, dans les schémas de cohérence territoriale, etc. Ces zones sont-elles vécues comme une source supplémentaire de contraintes, comme les périmètres de protection contre les inondations ou contre les éboulements, ou bien comme une chance pour le développement du territoire ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Cette complexité, récurrente en France, montre la difficulté de réaliser la transition écologique. Ces zones ont une valeur, en effet, mais on ne sait pas leur donner un prix. Ne faut-il pas revoir nos modalités d'analyse ? Il me semble que l'on atteint les limites de notre système.
M. Gérard Longuet. - La complexité du dispositif résulte d'un empilement au fil du temps de dispositifs et d'objectifs de natures différentes.
Les premiers dispositifs visaient à éviter les constructions humaines excessives, dépourvues d'harmonie, mais les normes changent et bien des bâtiments anciens protégés n'obtiendraient pas un permis de construire aujourd'hui.
Puis est venue la préoccupation des paysages. Cela est devenu encore plus compliqué. Dans une zone agricole, comme le parc naturel régional de Lorraine, il faut tenir compte des contraintes de production : ces terres constituent un outil de travail pour les agriculteurs. Si on les classe au titre de la protection des paysages, il faut les indemniser et cela devient très complexe.
Avec la biodiversité, qui est peu visible et constitue une notion sans limites claires, la complexité ne fait que s'accroître.
Finalement, la complexité résulte d'une absence de choix. Le rapporteur indique que la plupart des atteintes à la biodiversité liées à des « activités anthropiques » ne font pas l'objet d'une taxe. Derrière cette notion se cache en fait l'art de vivre. Quand Michel d'Ornano a créé le Conservatoire du littoral, les règles étaient simples : le Conservatoire achetait les terres, le droit de propriété était respecté et les constructions dans la zone des 100 mètres étaient interdites. Aujourd'hui, les normes de biodiversité s'entassent et manquent de lisibilité. Le droit de propriété individuelle et les droits humains s'effacent derrière des préoccupations esthétiques relatives concernant les paysages, qui sont discutables, et la biodiversité, qui sont incompréhensibles. Or personne n'a envie de payer pour quelque chose qu'il ne comprend pas !
M. Marc Laménie. - La complexité est frappante. Il est difficile de chiffrer l'engagement des collectivités territoriales. Les opérateurs de l'État sont nombreux. Ma question portera sur l'Office national des forêts (ONF). Quel est son rôle ?
M. Christian Bilhac. - Dans les aires protégées, il faut aussi protéger les humains. Dans une zone protégée près de chez moi, qui est très accidentée et dangereuse, je ne comprends pas pourquoi on interdit l'installation d'une antenne-relais de téléphonie mobile, qui pourrait aider les secours à intervenir. Dans un autre site, on ne peut pas installer un poste de secours. L'État devrait accorder des dérogations pour les installations consacrées à la sécurité des personnes.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Sur les 230 à 250 millions de crédits alloués par l'État et ses opérateurs aux aires protégées, la part de l'État n'est que de 72 millions, le reste provenant de ressources de l'OFB, des agences de l'eau et d'autres opérateurs.
Ces espaces ne sont pas des déserts dépourvus d'activité. Le parc du Marquenterre, en baie de Somme, accueille ainsi des activités de mytiliculture. Des activités économiques sont possibles, mais elles sont encadrées. On pourrait envisager de développer des sorties guidées, des randonnées avec bivouac, des excursions photographiques, etc. Selon les zones, différentes activités sont autorisées ou interdites.
Ces zones ont une valeur évidente, même si on n'a pas encore trouvé leur prix économique : il suffit de constater leur surfréquentation. À Port-Cros, il a fallu limiter la circulation à vélo dans une partie de l'île cet été. Les parcs sont parfois contraints de limiter les entrées. Il faut aussi s'interroger sur le mode de consommation de ces espaces. Ainsi, 80 % des touristes viennent en Baie de Somme en voiture individuelle pour observer les oiseaux, ce qui ne va pas dans le sens de la politique de développement durable des territoires et de la transition écologique. Il faut donc trouver les moyens d'articuler tous ces objectifs.
Lorsqu'une collectivité devient membre d'un PNR, elle signe une charte qui s'impose aux documents d'urbanisme. Les PNR sont en effet gérés par des syndicats où siègent les collectivités : celles-ci participent donc à la définition de la politique menée. Il est possible d'exploiter la valeur économique par une délégation de service public, comme les refuges dans le parc de la Vanoise. Cela permet de concilier protection du territoire et économie. Enfin, j'aborde la question de l'ONF dans mon rapport.
La commission autorise la publication de la communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - communication sur la révision des tarifs d'achats des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2011
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à la communication de Christine Lavarde, rapporteur spécial du programme « Service public de l'énergie », sur la révision des tarifs d'achats des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2011.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Nous avons été interpellés par la révision des arrêtés tarifaires publiés en 2006 (l'arrêté dit « S06 ») et en 2010 (les arrêtés « S10 » et « S10B »). Nous en avions discuté lors du projet de loi de finances pour 2021 : un amendement du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale prévoyait une remise en cause des tarifs d'achat pour les installations d'une puissance crête supérieure à 250 kilowatt (kW). Les tarifs d'obligation d'achat fixés en 2006 et 2010 ont été surévalués : ils pouvaient aller jusqu'à 300 euros par mégawattheure (MWh) pour les installations non intégrées au bâti, voire 550 euros par MWh pour les installations intégrées au bâti, contre 138 euros par MWh depuis 2002, avec une indexation sur l'inflation, si bien qu'en 2009, des tarifs dépassaient les 600 euros par MWh, alors que les coûts d'exploitation avaient été divisés par quatre. Le Gouvernement avait voulu donner une incitation financière à la filière, mais sans avoir de vision du coût.
Une révision à la baisse des tarifs a eu lieu en 2010, avec les arrêtés S10 et S10B, mais ils restaient très attractifs. Les demandes de raccordement au réseau ont continué à affluer pour bénéficier du tarif avantageux. En catastrophe, l'État a alors instauré un moratoire, avec le décret du 9 décembre 2010. En 2011, la procédure a été refondue pour que l'État retrouve ses capacités de pilotage de la filière.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, le Sénat avait suivi la position de notre commission pour rejeter la disposition à cause du risque associé à cette remise en cause de la parole de l'État et du flou entourant le périmètre des installations concernées. Depuis, l'information a progressé mais de façon incomplète. Nous ne disposons toujours pas d'une visibilité parfaite.
Environ 235 000 contrats ont été signés entre 2006 et 2010, avec un coût de soutien public moyen de 480 euros par MWh. Ces contrats représentent à eux seuls près de 30 % des charges de service public liées aux énergies renouvelables, pour seulement 1 % de l'électricité produite en France et 5 % de la production d'énergies renouvelables. La sur-rentabilité est manifeste et on comprend pourquoi l'État cherche à renégocier les tarifs. Les enjeux sont plus d'ordre micro que macro-économique. Les associations soutenant les énergies renouvelables dénoncent une remise en cause qui introduirait une prime de risque et compliquerait l'accès aux financements bancaires, mais nous n'avons pas trouvé d'exemples corroborant cette analyse. Le marché est tel que les acteurs sont toujours prêts à se lancer.
La situation est différente, en revanche, au niveau micro, celui des exploitations. Mais il faut faire du cas par cas pour distinguer le cas des exploitations agricoles, pour lesquelles l'installation photovoltaïque n'est qu'un élément parmi d'autres de l'exploitation ; le cas des installations construites dans les zones insulaires (les zones non-interconnectées ou ZNI), qui ne sont pas connectées au réseau national ; le cas des contrats qui ont été cédés ; et le cas des contrats repris par des investisseurs étrangers.
Le dispositif finalement adopté concerne les installations d'une puissance installée supérieure à 250 kilowatt-crête (kWc), avec comme principe que la révision des tarifs doit toujours permettre une « rémunération raisonnable des capitaux » ; un examen individuel est prévu pour éviter de compromettre la viabilité économique du détenteur du contrat.
Des textes réglementaires d'application sont attendus : un décret et un arrêté. Le décret précisera la notion de « rémunération raisonnable », les paramètres pris en compte pour déterminer la révision tarifaire, le principe d'un tarif minimal ; il fixera la procédure et son calendrier, ainsi que le faisceau d'indices sur lequel la Commission de régulation de l'énergie (CRE) devra s'appuyer pour examiner les situations individuelles dans le cadre de la clause de sauvegarde. L'arrêté précisera principalement les modalités de calcul du tarif révisé. C'est là que les choses se sont corsées cet été.
Après plusieurs échanges informels, une consultation sur les deux textes a eu lieu du 2 au 28 juin, de même qu'une consultation sur les lignes directrices de la CRE concernant l'application de la procédure de la clause de sauvegarde, entre le 9 et le 21 juillet. Comme je vous l'ai déjà signalé, ce dossier souffre d'impréparation depuis son origine. Celle-ci se poursuit puisqu'il a été constaté que les documents soumis à consultation comportaient des erreurs, du fait notamment de la complexité de la formule de calcul. Les résultats donnaient des baisses moyennes de 55 % et de 95 % pour un quart des exploitations visées, suscitant la fronde de la filière.
Un nouveau projet d'arrêté a été élaboré le 15 juillet et une nouvelle consultation sur les lignes directrices de la CRE pour la clause de sauvegarde a été organisée jusqu'au 8 septembre. Aujourd'hui, les textes d'application ne sont toujours pas publiés. La date d'application des nouveaux tarifs au 1er octobre, un temps envisagée, est caduque compte tenu du retard pris par la procédure. Le Conseil d'État n'a pas encore émis son avis sur le projet de décret. Selon nos dernières informations, le Gouvernement envisagerait désormais une publication de l'ensemble des textes d'ici le 15 octobre... Le Gouvernement s'y est mal pris. Il aurait fallu que tout soit prêt en amont pour que la mesure puisse être acceptable. Le flou et les erreurs matérielles relevées ont suscité l'inquiétude parmi les acteurs. C'est plus que compréhensible.
On en sait plus sur les enjeux financiers de la disposition : 1 071 contrats sont concernés par le dispositif, pour une puissance de 2020 mégawatt-crête (MWc), dont 80 % en métropole et 20 % en zones non interconnectées (ZNI) et 89 % ont été mises en service après 2010. Cela représente 9,3 milliards d'euros de charges de service public de l'énergie (CSPE) pour les 10 ans à venir.
59 % de ces 1 071 exploitations ne subiraient pas de baisse tarifaire ; finalement seules 400 exploitations seraient concernées par les baisses de tarifs, essentiellement les plus grosses, celles qui ont bénéficié d'effets d'échelle et de la baisse des coûts d'installation, et qui ont été mises en service entre 2011 et 2013, lorsque la baisse des coûts était la plus forte. La CRE estime que la révision tarifaire pourrait réduire le montant de CSPE pour les 10 prochaines années de 3,7 milliards d'euros. La baisse moyenne pour les 400 exploitations concernées serait de 47 %.
Un tarif plancher est prévu par le projet de décret et défini par le projet d'arrêté. Il devra compenser les coûts d'exploitation avec une marge de 10 %. Selon la CRE, 4 % des exploitations seraient concernées, avec des baisses de tarifs de 95 %, passant de 570 euros par MWh à 30 euros par MWh. Il faut donc s'attendre à ce qu'elles activent la clause de sauvegarde et que des contentieux apparaissent. L'État a refusé de prendre en compte les coûts réels dans la détermination du tarif révisé, préférant retenir des hypothèses normatives de coûts, dont certaines sont basées sur des coûts moyens internationaux. Le risque de contentieux est donc élevé. Le modèle est aussi très sensible à la date de mise en service et au lieu d'implantation. La CRE n'aura qu'un an et demi pour examiner les dossiers déposés au titre la clause de sauvegarde et définir un nouveau prix. Au terme d'un délai de seize mois, et même si la CRE n'a pas achevé son instruction, le nouveau tarif s'appliquera. Cela ressemble à une usine à gaz... Si les économies ne sont pas certaines, le coût en ressources humaines, lui, est certain pour gérer le dispositif et étudier les dossiers au cas par cas : sept emplois seront créés à la CRE et trois à la direction générale de l'énergie, soit un coût budgétaire de 5 millions d'euros en année pleine pour la gestion administrative du dispositif.
Il aurait donc sans doute été plus judicieux de prendre son temps, de connaître précisément la nature des producteurs concernés - nul ne connaît le nombre de contrats détenus par de gros acteurs du secteur : on allègue le secret des affaires, alors qu'il suffit d'utiliser les données réelles qui figurent dans les comptes des sociétés. On aurait aussi pu demander aux 400 exploitations concernées de fournir leurs données, avec des sanctions élevées en cas de fausse déclaration, et de procéder à un contrôle aléatoire. La procédure aurait donc pu être plus simple et plus proche de la situation réelle de chaque exploitation, mais on a simplement voulu aller vite...
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Énergie, climat et après-mines » pour la commission des affaires économiques. - Je partage l'avis de votre rapporteur spécial. On a voulu remettre en cause les contrats signés, mais sans avoir une connaissance précise des exploitants concernés : est-ce des multinationales, des entreprises françaises, des exploitants agricoles, etc. ? C'est incroyable. Il faut faire la distinction entre ceux qui sont intervenus en pionniers pour développer le photovoltaïque, et ceux qui sont intervenus après et ont bénéficié d'une baisse des coûts. Enfin, je crains que les contentieux ne s'accumulent, avec le risque que le gain de 3,7 milliards d'euros escompté soit réduit.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le Sénat vient d'adopter une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Les rapports que nous examinons ce matin montrent bien que ce n'est pas tant d'un printemps de l'évaluation dont nos assemblées ont besoin, que d'un travail de contrôle comme nous en menons au Sénat : voilà deux dossiers où l'on découvre des abîmes de complexité, de méconnaissance, de désorganisation, des dérives des coûts, etc. Le Gouvernement, en voulant remettre en cause une partie des contrats, ouvre une boîte de Pandore. Mais le plus grave c'est qu'une telle mesure soit prise sans que l'on ait une vision consolidée du dispositif. Cela fait froid dans le dos ! Voilà qui illustre toute la pertinence du contrôle parlementaire.
M. Victorin Lurel. - Merci pour ce rapport complet et synthétique. J'ai l'impression que l'on a peu évolué depuis la discussion sur le projet de loi de finances : à l'époque, on évoquait un chiffre de 1 047 entreprises concernées ; il serait aujourd'hui de 1 071. Les économies envisagées s'élevaient entre 2 et 3 milliards d'euros ; elles sont aujourd'hui estimées à 3,7 milliards. Je crois que les contentieux seront nombreux comme en Italie ou en Espagne, car la procédure remet en cause quelques principes, notamment l'article 2 du code civil. Des contrats de plus de 10 ans sont susceptibles d'être modifiés. Nul ne peut être favorable à la rente. Je peux donc comprendre la démarche, sans approuver la méthode, très opaque. Le texte du Gouvernement était dépourvu d'étude d'impact. Ce sont toujours les mêmes approximations, les mêmes usines à gaz. Plutôt que d'analyser la comptabilité des entreprises, on va appliquer des normes et des standards pour décider si tel projet est « sur-rentable » ou non. Ce rapport vient donc à point nommé.
À l'époque, j'avais pointé l'asymétrie ente l'Hexagone et les outre-mer. Il faut donc rester vigilant et voir quelle position nous adopterons : en commission et en séance, nous avions rejeté l'article 225, lequel avait été réintroduit par l'Assemblée nationale, avec une clause de sauvegarde et une possibilité de rappel et de contentieux.
M. Vincent Segouin. - Issu du monde de l'entreprise, je déplore que l'État se soit engagé à payer 60 centimes d'euro le kilowattheure, alors qu'EDF le revendait au consommateur 12 centimes. À cette époque, l'État s'engageait sur des contrats de vingt ans, sans révision possible du tarif. Personne ne s'est dit que cela posait un problème ?
Ce tarif a été révisé dans la dernière loi de finances, sans que le contrat soit honoré. Or le même gouvernement s'offusque que l'Australie ne respecte pas ses contrats. Comment peut-il se le permettre, alors que lui-même ne respecte pas les contrats qu'il a passés ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Félicitations à Mme le rapporteur spécial pour son travail, très intéressant. Comme l'a dit Vincent Segouin, l'État fait preuve d'impéritie. Au tout début de cette période, il était même possible de défiscaliser son ISF-PME en investissant dans une installation photovoltaïque. Donc on a fait payer par l'impôt notre déficit commercial et l'importation de panneaux chinois. On refait toujours les mêmes erreurs.
Comment peut-on signer un contrat sur vingt ans sans prévoir des clauses de révision des prix et des indices, qui sont basés sur les coûts du génie civil, sur les évolutions technologiques des matériaux ?
Qui a profité de ces effets d'aubaine ? Qui a racheté ces contrats ? Cette erreur remonte à 2006. Notre rôle, en tant que parlementaires, est de mener ces investigations. Mais les conventions tenant lieu de loi entre ceux qui les ont faites, l'État doit respecter sa signature. Nous verrons si des aménagements sont possibles. Je les appelle de mes voeux s'agissant des agriculteurs à travers la clause de sauvegarde, eux qui, de bonne foi, ont essayé de trouver des modèles économiques complémentaires à leur activité, déficitaire. En revanche, dans le monde de la finance, ils sont nombreux à avoir profité de ces contrats, y compris de grands groupes.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Monsieur Lurel, vous avez raison. Il existe des précédents en matière de renégociation des contrats, mais la France n'en a tiré aucune analyse avant d'adopter cette nouvelle disposition. Et vous avez cité fort justement les cas de l'Italie et de l'Espagne. Ce sujet reviendra indirectement dans le prochain projet loi de finances quand il faudra abonder les crédits de fonctionnement de la Commission de régulation de l'énergie et de la direction générale de l'énergie et du climat, mais sans qu'il soit possible de revenir sur l'article de la loi de finances adopté l'année dernière.
Les uns et les autres, vous remettez en cause la manière dont la France a construit sa politique de soutien aux énergies renouvelables. Les précurseurs ont pris des risques, lesquels ont été compensés par un contrat signé pour vingt ans.
La loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc) prévoit un dispositif de renégociation des contrats qui ne sont pas encore effectifs. Cela concerne l'éolien en mer. Si la différence entre le prix d'achat de l'électricité produite par les installations photovoltaïques et le prix de vente par EDF au consommateur était énorme, elle l'est encore plus pour les installations qui ont été retenues à l'issue du premier appel d'offres pour l'éolien en mer. Avant même que ces parcs ne soient mis en service, une clause de renégociation a donc été introduite dans la loi Essoc.
Dans ce domaine, les innovations sont nombreuses, entraînant une baisse importante des coûts. Il faut donc prévoir des mécanismes de révision des contrats. L'État a quand même tenu compte des errements du passé dans la période post-moratoire, puisque désormais les tarifs photovoltaïques sont révisés trimestriellement pour une meilleure régulation des implantations, selon un mécanisme complexe. Les appels d'offres ont intégré le bilan carbone des panneaux justement pour essayer de développer une filière industrielle française de cellules photovoltaïques.
Aujourd'hui, on mesure les conséquences de cette période d'emballement. C'est facile de le dire a posteriori, mais peut-être aurait-il fallu que le moratoire intervienne avant 2011. Surtout, l'État devrait tenir compte de ce qu'on a observé avec la filière photovoltaïque pour ne pas reproduire les mêmes erreurs dans le développement d'autres filières. Je pense à la filière méthanisation, qui sera confrontée aux mêmes problèmes si l'on ne fait rien. Nos finances publiques sont déjà dans un état désastreux.
La commission autorise la publication de la communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - communication sur la situation financière de la SNCF
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre nos collègues Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs spéciaux, sur la situation financière de la SNCF.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Nous ne vous apprendrons pas que la situation financière de la SNCF a été affectée par la crise sanitaire, alors qu'elle était déjà préoccupante auparavant, malgré les réformes.
Aujourd'hui, nous souhaitons partager avec vous un point d'étape de notre contrôle avant la remise de notre rapport en début d'année prochaine.
Les préoccupations sur la situation financière de la SNCF ne datent pas d'hier et plusieurs réformes, nécessaires, mais insuffisantes, ont eu pour ambition de remettre les comptes de l'entreprise dans le vert.
À sa création en 1997, Réseau ferré de France (RFF) a repris les deux-tiers de la dette de la SNCF. À partir de cette date, l'endettement du gestionnaire de réseau est devenu le point noir du système. La dette de RFF s'est emballée, passant de 20 à 40 milliards d'euros en 2014. RFF était structurellement déficitaire. Ce déficit expliquait environ la moitié de sa dette, par ailleurs largement lestée par le financement des lignes à grande vitesse (LGV). Les décisions de l'État sont donc très largement responsables de cette dérive financière.
Face à ce constat, la loi du 4 août 2014 crée un groupe ferroviaire unifié au sein duquel SNCF Réseau assure la mission de gestionnaire d'infrastructures. Plusieurs mesures devaient contribuer à maîtriser sa dette : une règle d'or, un contrat de performance, ou encore un dispositif de financement du réseau par un fonds de concours alimenté par 40 % du bénéfice récurrent de SNCF Mobilités.
Mais cette réforme n'a pas suffi. En 2017, la dette du groupe atteignait 54,6 milliards d'euros. Le contrat de performance de SNCF Réseau présentait des insuffisances manifestes dès l'origine. Sa trajectoire financière était insincère. Sa caducité a été confirmée dès 2018 avec la remise en cause de la trajectoire des péages.
La réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire était indispensable. Plusieurs mesures donnent des marges de manoeuvre à la SNCF : sa réorganisation en sociétés anonymes, le renforcement de la règle d'or, la suppression du statut de cheminot et la reprise de dette par l'État (35 milliards d'euros en tout, dont 25 milliards en 2020 et 10 milliards au titre du projet de loi de finances pour 2022).
En augmentant la contribution de SNCF Mobilités, devenue SNCF Voyageurs, au fonds de concours (60 % du bénéfice récurrent), la réforme portait l'ambition d'un système financièrement autoporteur.
La réforme donne plus de responsabilités et de leviers d'action au groupe pour qu'il gagne en compétitivité. Il doit désormais s'en saisir.
La nouvelle gouvernance continue de poser question au regard de l'indépendance réelle du gestionnaire d'infrastructures et de l'évolution progressive des rapports avec l'État.
Aujourd'hui, la réforme se trouve malmenée, car certaines de ses hypothèses sous-jacentes sont remises en cause, la principale étant la vitalité de la grande vitesse, que la crise pourrait affecter structurellement.
Dans ce contexte, et malgré les engagements renouvelés de la SNCF et de l'État, on peut s'interroger sur la soutenabilité des jalons financiers fixés.
Déjà très ambitieux avant la crise, ils ne doivent pas être poursuivis au détriment de la régénération et de la modernisation du réseau.
Aujourd'hui, notre crainte est que les réformes nécessaires que nous venons de rappeler ne soient pas suffisantes pour assurer l'équilibre financier de la SNCF.
Alors que la situation financière de la SNCF restait très fragile avant la crise, le rétablissement prochain de son équilibre apparaît incertain. Avant la crise, son flux de trésorerie annuel restait négatif à hauteur de plus de 2 milliards d'euros.
Le cumul des grèves de l'hiver 2019-2020 et de la crise sanitaire a provoqué un choc sans précédent. En 2020, son chiffre d'affaires s'est contracté de 14 %, sa marge opérationnelle a été divisée par trois et sa dette a progressé de 3 milliards d'euros. Au premier semestre 2021, bien qu'atténués, les effets de la crise continuent de se faire sentir. Et malheureusement, des stigmates durables de celle-ci sont à craindre.
Les modalités de financement du réseau et la performance du gestionnaire d'infrastructures sont au coeur de la problématique.
Nous avons été interpellés par l'absence de financement de la modernisation du réseau. Il est nécessaire de faire la distinction entre régénération et modernisation du réseau car parfois certains font l'amalgame. La régénération du réseau, c'est-à-dire la remise en état de ses composantes, a été renforcée. Mais aucun financement n'est prévu pour sa modernisation, c'est-à-dire la mise en place de systèmes plus performants.
Il existe deux principaux programmes de modernisation. La commande centralisée du réseau passe par la mise en place de véritables tours de contrôle. Les 2 200 postes d'aiguillages actuels pourraient être remplacés par une quinzaine de ces structures centralisées. L'ERTMS est un système de signalisation européen qui permet d'augmenter la fréquence de circulation des trains, indispensable dans le contexte d'ouverture à la concurrence et pour le développement du fret. Alors que ces programmes sont source d'efficacité, la France est en retard car l'État n'a prévu aucun financement. Viser des objectifs de retour à l'équilibre financier sans intégrer l'enjeu de la modernisation du réseau n'est pas satisfaisant. Le coût de la commande centralisée pourrait s'élever à 15 milliards d'euros ; celui de l'ERTMS à 20 milliards d'euros.
Le modèle français de financement du réseau se distingue de celui de plusieurs de ses partenaires et pourrait être questionné. Il repose largement sur le gestionnaire d'infrastructures, qui doit en couvrir le coût complet. Ce modèle induit une lourde pression financière sur SNCF Réseau et des péages élevés.
Une étude récente démontre que les redevances d'accès au réseau par train-kilomètre sont en moyenne deux fois plus élevées en France qu'en Europe. Ce modèle de financement freine la concurrence et pénalise la compétitivité du ferroviaire.
Malgré ces péages élevés, la situation financière du gestionnaire d'infrastructures est structurellement dégradée. Sa marge opérationnelle est structurellement insuffisante pour couvrir le montant de ses investissements et sa dette augmente de 2 à 3 milliards d'euros chaque année. Les 1,3 milliard d'euros de frais financiers expliquaient une part de ce déficit. La reprise de dette doit alléger ce fardeau à condition que la dette ne se reconstitue pas.
Notre modèle de financement du réseau est très vulnérable aux chocs conjoncturels. Pour cette raison, l'État a prévu d'injecter 4 milliards d'euros pour assurer la régénération du réseau. Néanmoins, ce concours n'avait pas pu intégrer les conséquences de l'ensemble des confinements successifs. Des pertes complémentaires non compensées conjuguées à la poursuite des engagements financiers pris en 2018 pourraient à l'avenir faire peser un risque sur le financement de la régénération du réseau.
La viabilité de la situation financière du groupe et du modèle ferroviaire doit passer par une amélioration significative de la performance de SNCF Réseau. Des études montrent qu'un agent de SNCF Réseau fait circuler en moyenne 1,3 fois moins de trains que ses homologues allemands.
Le contrat de performance de 2017 prévoyait des gains d'efficience de 1,2 milliard d'euros d'ici à 2026. La réforme de 2018 a relevé l'objectif de 400 millions d'euros. Ces engagements doivent être tenus.
Plusieurs leviers d'efficience doivent être actionnés : poursuite des plans d'économies structurelles, réformes des ressources humaines, modernisation des systèmes d'information, sous-traitance et modernisation du réseau.
Les perspectives financières de la SNCF et du modèle ferroviaire reposent sur le contrat de performance de SNCF Réseau. Le contrat actuel, mort-né, devait être actualisé en 2020. Les négociations se prolongent et leur finalisation est sans cesse repoussée. Elle est désormais annoncée pour le printemps 2022. Cette situation est regrettable, car elle nous prive de visibilité. Le nouveau contrat ne devra pas reproduire les erreurs du précédent. Il devra fixer des objectifs de performance ambitieux à SNCF Réseau, des engagements de financement forts de l'État, ainsi qu'une trajectoire financière sincère.
Le financement du réseau et les perspectives financières de la SNCF semblent devoir intégrer une nouvelle inconnue que l'on n'attendait pas et qui remet en cause les engagements de l'État : la relance inattendue des grands projets de LGV. Alors qu'au début du quinquennat la priorité a été donnée à la régénération du réseau et aux trains du quotidien, le Premier ministre a annoncé de nouvelles LGV, pour un coût à hauteur de 15 milliards d'euros, sans que rien de concret ne soit dit de leur financement. On est donc en droit de se demander si la règle d'or protégera véritablement SNCF Réseau.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - La concurrence et la crise braquent les projecteurs vers SNCF Voyageurs. La progression de son endettement est préoccupante : en 2020, il s'est creusé de 1,4 milliard d'euros, soit une augmentation de près de 80 %. Il a atteint 3,3 milliards d'euros, soit seize fois le niveau prévu au budget initial 2020.
Les péages ont représenté 60 % des charges d'exploitation de SNCF Voyageurs en 2020 contre 40 % habituellement.
En conséquence, SNCF Voyageurs a sérieusement réduit ses dépenses d'investissement. Il pourrait en résulter un cercle vicieux susceptible de menacer sa compétitivité.
L'État n'a pas prévu de soutenir l'opérateur de transport. Il a concentré ses concours financiers sur le gestionnaire d'infrastructures.
Préoccupantes, les perspectives de SNCF Voyageurs font planer une ombre sur le modèle ferroviaire.
Par ailleurs, Fret SNCF est structurellement déficitaire. Sa marge opérationnelle est négative. Elle perd en moyenne 250 millions d'euros par an. Sa dette de 5 milliards d'euros a été reprise par la société mère, mais cette décision fait l'objet d'un contentieux devant la Commission européenne. C'est une menace qui pèse sur l'entreprise. Par ailleurs, les parts de marchés de Fret SNCF s'érodent.
La pérennité financière de Fret SNCF dépend des concours de l'État, indispensables pour compenser des activités structurellement déficitaires. Ces concours ont été renforcés en 2021 et nous saluons les engagements de l'État pris mi-septembre. Le prolongement des aides au moins jusqu'en 2024 donne plus de visibilité à la société dans la perspective de l'objectif de doublement de la part modale du fret.
Les difficultés financières de la SNCF ne doivent pas se répercuter sur la qualité de la desserte des territoires. Les « contrats petites lignes » constituent un réel progrès qui clarifie leurs conditions de financement. Ils doivent se concrétiser par de véritables protocoles financiers. Les investissements en régénération ont été maintenus, conformément à la loi d'orientation des mobilités.
La gestion de l'infrastructure des lignes de desserte fine du territoire est aujourd'hui déficitaire pour SNCF Réseau. Toutefois, la possibilité d'un transfert de leur infrastructure aux régions pourrait générer des gains de performance.
Notamment à travers ses filiales Geodis et Keolis, SNCF poursuit une stratégie de diversification et de mondialisation. Au cours de l'année 2020, Géodis et Keolis ont représenté presque la moitié du chiffre d'affaires du groupe et 60 % de sa marge opérationnelle. Ces activités ont fait montre d'une grande résilience au cours de la crise. Géodis affiche même des performances inédites. Elles contribuent à améliorer la situation financière du groupe, mais il est nécessaire de veiller à ce que le coeur ferroviaire français demeure sa priorité absolue.
La SNCF doit gagner en compétitivité. Elle met en oeuvre des plans d'économies sur les frais généraux et administratifs, les achats ou encore l'immobilier. Pour affronter la crise, la SNCF a réalisé des plans d'économies exceptionnels de 4 milliards d'euros sur deux ans. Ils étaient indispensables, mais une part significative de ces économies n'est pas structurelle. Certaines ont un simple effet de trésorerie quand d'autres résultent de la baisse du chiffre d'affaires ou de dispositifs de soutien gouvernementaux.
Des leviers structurels de productivité restent à mobiliser en matière de ressources humaines. Le législateur a fait sa part du travail avec l'extinction du statut de cheminot. La SNCF a les clés en main pour engager des réformes. Nous sommes conscients que ce sujet est sensible, mais des marges d'efficience restent à explorer.
Il existe des situations de sureffectifs à résorber. La trajectoire de réduction des effectifs doit être poursuivie à son niveau actuel (baisse de 10 % en dix ans), en dépit des tensions liées à la diminution des départs naturels. Chez SNCF Réseau, la polyvalence des agents pourrait être développée.
La SNCF pourrait davantage décentraliser les négociations sociales au plus près de ses activités. À l'issue de la réforme, elle n'a pas retenu la solution du big bang en passant d'un accord d'entreprise à l'échelle du groupe à des accords sur mesure par activités. Nous avons néanmoins la conviction que cette évolution sera nécessaire.
Nous considérons qu'une réflexion est nécessaire sur les facilités de circulation. D'après un récent rapport, leur coût atteindrait 105 millions d'euros par an. Leur périmètre, étendu jusqu'aux grands-parents du partenaire, pourrait être interrogé. La légalité de l'inclusion des ascendants semble d'ailleurs contestable et leur traitement fiscal et social pose aussi question. Enfin, le système est trop opaque.
Nous nourrissons certaines inquiétudes quant aux perspectives du modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire. Ils sont totalement dépendants du TGV et même des seules 50 % de lignes TGV rentables. La ligne Paris-Lyon à elle seule, la plus profitable de toutes, alimente largement ce système qui repose sur une triple péréquation.
Premièrement, au sein de l'activité grande vitesse, les lignes rentables servent à compenser les pertes sur les autres. Deuxièmement, deux taxes prélevées sur l'activité grande vitesse financent le déficit structurel des trains d'équilibre du territoire (TET), les Intercités. Leur disparition devrait intervenir en deux temps d'ici 2023. Enfin, troisièmement, une partie des bénéfices de la grande vitesse finance le réseau.
La viabilité des modèles du groupe et du ferroviaire est donc conditionnée à la vitalité de la grande vitesse. Or plusieurs incertitudes pèsent sur ses perspectives. Le TGV a subi un véritable « accident industriel » et la crise aura des conséquences durables sur les habitudes de mobilité. La baisse de la clientèle professionnelle sera structurelle. Or c'est la plus rentable. Avec moins de voyageurs premium, il faudra plus de passagers pour rentabiliser le TGV. Les taux d'occupation nécessaires pourraient ne pas être atteints au moins au cours des deux années à venir.
Le grand pari stratégique de la SNCF va aussi affecter la rentabilité du TGV. Ce pari vise à rechercher un accroissement des volumes de voyageurs quitte à rogner sur les marges, à l'inverse de la stratégie commerciale jusqu'alors en vigueur. Audacieux et rendu probablement plus nécessaire encore par les effets de la crise sur les voyages d'affaires, ce pari n'en est pas moins risqué. D'une certaine façon, le Ouigo cannibalise le TGV Inoui, qui était très profitable avant la crise. Cet été, la SNCF a lancé une nouvelle politique tarifaire baptisée Easy TGV, qui semble porter ses fruits.
La réussite de cette stratégie dépendra de la capacité de la SNCF à attirer la clientèle loisirs, des voyageurs soucieux de leur empreinte environnementale, mais aussi des professionnels.
Les modèles économiques de la SNCF et du système ferroviaire sont dépendants de la réussite de cette stratégie. Si la grande vitesse ne retrouvait pas un niveau de rentabilité suffisant, l'ensemble du système de financement du ferroviaire en France devrait être remis à plat.
Si nous sommes convaincus qu'elle est absolument essentielle et bénéfique à l'ensemble du système, l'ouverture à la concurrence affectera les équilibres du modèle. Elle pèsera sur le chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs. Ses conséquences pourraient se chiffrer, à terme, à plusieurs centaines de millions d'euros.
Les nouveaux entrants vont rapidement se positionner sur les lignes les plus profitables avec des effets de baisse des prix et des taux de marge qui vont mettre le système de financement du ferroviaire sous tension. Les bénéfices de SNCF Voyageurs pourront-ils et devraient-ils continuer à financer le réseau ? Nous devons conduire cette réflexion, car, à terme, faute d'un modèle économique viable, la SNCF pourrait en venir à remettre en cause l'exploitation des lignes non rentables.
À ce stade de nos travaux, nous souhaitions vous faire partager les principales interrogations pour lesquelles nous envisageons de proposer des recommandations lors de la remise de notre rapport terminal en février prochain. Par ailleurs, et c'est tout l'intérêt de ce bilan d'étape, nous serons très attentifs aux autres questionnements que vous pourrez nous suggérer au cours de nos échanges.
Plusieurs points saillants ont émergé de nos travaux : les conditions de financement du réseau et de sa modernisation ; l'avenir du modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire ; les gisements d'efficience du groupe à mobiliser, en particulier du côté des ressources humaines ou de la performance du gestionnaire d'infrastructure ; notre impatience quant à l'actualisation, sans cesse reportée, d'un contrat de performance qui est la véritable clé de voûte du système ; une nécessaire vigilance quant à l'évolution de la situation de SNCF Voyageurs ; ou encore sur les conditions d'une ouverture à la concurrence qui soit réelle et appuyée sur une véritable indépendance de SNCF Réseau.
M. Éric Bocquet. - En 2020, année exceptionnelle, le chiffre d'affaires est passé de 35 à 30 milliards d'euros, ce qui a aggravé la dette. Le rapport ne dit rien de la politique « tout TGV » menée depuis quarante ans, intéressante, mais qui a laissé de côté le train du quotidien. De fait, 90 % de cette dette est liée à l'infrastructure. Plutôt que l'exploitation, c'est le poids de ces investissements assumés essentiellement par la SNCF sur ces dizaines d'années qui pose problème. Les frais financiers supportés par la SNCF affectent donc son équilibre financier.
Rappelons aussi que le coût du kilomètre de voie ferrée a été multiplié par cinq en quarante ans (5 millions d'euros en 1981).
Les rapporteurs spéciaux ont raison de dire qu'il faut investir maintenant pour moderniser le réseau, indépendamment de la dette, comme les Américains vont le faire.
On vante régulièrement les bienfaits de l'ouverture à la concurrence. Or, au Royaume-Uni, Boris Johnson a décidé de renationaliser deux des seize concessions privées, en raison des problèmes de retard, d'entretien de réseau, de sécurité. La mise en concurrence n'est pas une formule magique. Voyez l'exemple de l'énergie.
M. Rémi Féraud. - Vous avez omis, peut-être volontairement, de parler de SNCF Gares & Connexions. Or la SNCF a renoncé voilà quelques jours à son projet d'investissement sur la gare du Nord, non pas parce qu'il était contesté, mais en raison d'une dérive des coûts de cette maîtrise d'ouvrage public montée avec une filiale du groupe Auchan. Cela montre l'importance financière des investissements et la difficulté de trouver un modèle viable pour les réaliser. Quelle est donc la part de responsabilité de SNCF Gares & Connexions dans les difficultés financières du groupe SNCF dans son ensemble ?
M. Victorin Lurel. - Quelle est la nature juridique de la dette de la SNCF ? Quelle analyse au regard de l'encadrement des aides d'État ? Comment sont considérés, sur un plan comptable, ces 25 milliards d'euros ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Les effectifs de la SNCF se réduisent depuis une décennie. Cela masque-t-il l'externalisation de certaines tâches ? Je m'interroge notamment sur les agents de sécurité, de plus en plus nombreux dans les gares.
M. Philippe Dominati. - Le déficit structurel de la SNCF est-il une fatalité ? On considère depuis toujours que l'État et les collectivités territoriales devront éternellement faire du bricolage pour assurer un service viable aux usagers. Les entreprises ferroviaires européennes sont-elles aussi déficitaires et sont-elles exploitées de manière aussi peu efficace ? Qu'il y ait un prix à payer pour les investissements structurels, c'est normal, mais ceux-ci sont amortis au bout d'un certain temps.
On a souvent évoqué la Deutsche Bahn et cité le cas allemand. Ceux qui prennent le TGV à Forbach disposent d'éléments de comparaison.
Donc, la SNCF continuera-t-elle à être un gouffre sans fond pendant des décennies ? Ou bien est-elle compétitive par rapport aux autres entreprises européennes ?
Mme Christine Lavarde. - La SNCF dispose-t-elle de modèles de prévision d'évolution de ses recettes avec la mise en place des différentes politiques de transport ferroviaire ? Je pense notamment aux travaux de régénération, qui entraînent la fermeture temporaire de lignes ou la réduction du nombre de trains en circulation, mais également à la diversification de ses activités.
S'agissant du fret ferroviaire, les péages dus par les trains de fret sont inférieurs aux péages dus par les trains de voyageurs. À défaut, cette activité ne serait pas rentable. Les sillons de fret sont généralement des sillons de nuit, peu utilisés ; si le fret se développe, les trains devront circuler en journée, provoquant une éviction de certains trains de voyageurs.
M. Jean-Claude Requier. - Vous évoquez un sujet sensible, à savoir les facilités de circulation, souhaitant que soit questionné leur périmètre. Est-il normal que les grands-parents ou les beaux-parents d'un agent de la SNCF bénéficient de la gratuité des trains, outre ses enfants ? Je n'ignore pas que c'est un sujet sensible.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Un point n'a pas été abordé : comment la SNCF, hier établissement public, aujourd'hui entreprise à capitaux publics avec des filiales, adapte-t-elle sa stratégie aux autres acteurs ? Elle n'a pas le choix, mais elle le fait souvent mal, avec retard.
Il est question d'attribuer aux régions des compétences exercées aujourd'hui par la SNCF sur lesquelles celle-ci est déficitaire. Ainsi, certaines lignes à grande vitesse sont bénéficiaires, tandis que d'autres sont déficitaires. Or la SNCF a annoncé récemment qu'elle allait revoir la fréquence de circulation des trains sur la LGV Est, ceux-ci passant de onze à neuf par jour (peut-être dix), tandis que les Ouigo seront supprimés, avec une nouvelle politique tarifaire.
Or cette ligne a été la première à être financée partiellement par les collectivités. Certes, cette décision relève de la responsabilité de l'entreprise, mais il aurait fallu des échanges préalables non seulement avec les usagers, mais également avec les collectivités pour que chacun puisse s'organiser. D'autant que la clientèle professionnelle est la plus intéressante pour les LGV : il faut donc être attentif aux signaux qui sont envoyés, car toute dégradation de l'offre entraîne une chute de la fréquentation.
Aussi, sans doute conviendrait-il, au regard de l'importance de cette entreprise pour notre pays, d'adopter une stratégie globale autour de la gouvernance de l'entreprise et du partage d'information.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Monsieur Bocquet, nous vous présentons non pas un rapport, mais un point d'étape. Il reste donc des sujets à creuser.
Effectivement, c'est non seulement le financement du réseau qui a conduit la SNCF dans cette situation financière, mais c'est surtout l'État qui en est responsable, avec sa politique du « tout TGV » qui a conduit à sacrifier totalement la régénération du réseau, entraînant des coûts importants. Je suis d'accord avec vous : il faut investir. Nous avons été stupéfaits d'apprendre que tous les plans de retour à l'équilibre ont été conçus sans envisager un seul instant la modernisation du réseau ! La régénération ne doit évidemment pas être sacrifiée. Sans l'argent du plan de relance, on peut se demander si les travaux de régénération prévus par la LOM auraient été menés à bien. Il faut rester très vigilant. Notre réseau, je le rappelle, est deux fois plus âgé en moyenne que les autres réseaux européens. À la suite de l'accident de Brétigny, un rapport signalait que certaines traverses de bois étaient totalement pourries, que certaines caténaires avaient près d'un siècle et étaient totalement rouillées ! Cela relève presque du miracle qu'il n'ait pas eu d'autres accidents graves depuis lors.
Il ne faut pas confondre, comme on le voit souvent notamment dans la presse, privatisation et mise en concurrence. Il n'est pas question de privatiser la SNCF ; il est juste prévu, ce qui me semble nécessaire, d'ouvrir à la concurrence certaines lignes dans des conditions satisfaisantes, ainsi que le prévoit la loi.
Monsieur Lurel, la dette de SNCF Réseau est bien une dette de l'État au sens Maastrichtien.
Monsieur Dominati, le déficit structurel de la SNCF est-il une fatalité ? Parce qu'on se pose la question, nous avons décidé de rédiger ce rapport. Cela fait en effet des années et des années qu'on nous parle de la situation financière de la SNCF, qu'on nous présente des plans qui sont censés l'améliorer alors qu'elle ne fait que s'aggraver. Pourquoi ? Il ne faut pas tout mettre sur le dos de la pandémie, même si elle risque de les aggraver structurellement avec la réduction du nombre de déplacements, le développement du télétravail et des visioconférences. Du reste, les prévisions de 2018 étaient sans doute très optimistes.
C'est vrai, les choses se passent mieux dans d'autres pays. Le problème fondamental auquel est confrontée la SNCF, c'est qu'elle n'a aucune visibilité dans ses rapports avec l'État. C'est pour cette raison qu'il faudrait prévoir un contrat de performance fiable et sérieux, ce qui n'était pas le cas de celui qui a été proposé en 2017. Ensuite, il faut s'y tenir. En Suisse ou en Allemagne, les engagements que prend l'État sur plusieurs années sont contractualisés et respectés. De fait, il est compliqué de diriger une entreprise quand vous ignorez si le déficit résultant de la covid sera compensé dans la durée, si l'on ne va pas vous demander de financer une petite part des nouvelles LGV. Il faut remettre à plat les relations entre la SNCF et l'État, et faire en sorte que celui-ci prenne davantage ses responsabilités, s'engage davantage sur le moyen et long termes et respecte ses engagements. Nous ferons des propositions le moment venu.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le modèle de la SNCF est le sujet central, en effet, alors qu'elle est confrontée à de fréquentes injonctions paradoxales.
Monsieur Féraud, nous n'avons pas évoqué SNCF Gares & Connexions, mais nous ne l'ignorons pas. Son modèle économique est à repenser, mis à mal par la crise de la covid en ce qu'il repose en grande partie sur des recettes commerciales des galeries marchandes de ces gares. L'annulation brutale du projet de la gare du Nord n'est pas complètement une surprise et on peut s'interroger sur la manière dont il avait été monté.
Plus globalement, il existe une vraie difficulté de gestion du patrimoine global de la SNCF : des problèmes d'accessibilité, des reprises de quai qui font l'objet d'échanges permanents au sujet des responsabilités entre les uns et les autres, des investissements dont le financement n'est pas assuré. Là aussi, le modèle est à réinventer, à la fois pour les gares à fort trafic et les petites gares. S'agissant de ces dernières, le programme annoncé cet été par le ministre délégué chargé des transports nous laisse songeurs quant aux objectifs annoncés. Nous ferons des propositions dans notre rapport.
Monsieur Mizzon, les effectifs ont en effet été réduits de 10 % en dix ans, dans des proportions différentes selon les filiales. En particulier, ceux de SNCF Réseau n'ont pas connu de baisse. Le rythme devrait rester identique, même si le nombre de départs à la retraite diminue. Certains chantiers sont externalisés, mais dans une proportion faible. Ensuite, les régions déploient des agents dans les gares, en particulier pour assurer la sécurité, agents qui ne sont pas toujours des salariés de la SNCF.
Madame Lavarde, s'agissant du modèle d'évolution des recettes, il est difficile d'avoir des informations, en particulier sur les perspectives d'actualisation du contrat de performance. On se heurte là aussi à des injonctions contradictoires : en cas de travaux, la SNCF essaye de limiter l'interruption du trafic, réduisant les temps d'intervention, ce qui accroît le coût de ces travaux. Cela se fait souvent au détriment du fret, puisque ce sont généralement les transports de voyageurs qui sont privilégiés, avec des interventions programmées pour la nuit, plus coûteuses et qui perturbent la circulation des trains de fret.
S'agissant de sa politique tarifaire, la SNCF revient sur ses méthodes de yield management, c'est-à-dire une pratique commerciale basée sur une tarification et une offre flexible, qui a donné lieu à des écarts de tarifs pas toujours très compréhensibles par les usagers. Nous manquons encore de lisibilité sur ce modèle.
Monsieur Requier, les facilités de circulation sont en effet un sujet sensible. Il faut l'aborder, et l'on ne peut pas s'entendre dire que ce type d'avantages se retrouve dans d'autres entreprises. On nous a quasiment expliqué que les avantages dont bénéficient les salariés de Carrefour étaient au moins aussi intéressants ! Nous formulerons des préconisations à cet égard.
Enfin, s'agissant des questions de gouvernance, que le rapporteur général a évoquées, un certain nombre de petites lignes régionales font l'objet de contrats avec les régions. En revanche, pour ce qui est des LGV, et contrairement à ce qu'on observe dans d'autres pays comme l'Allemagne, leurs conditions d'exploitation ne font l'objet d'aucun débat. Cela tient largement au mode de financement de ces infrastructures. Il faudra y revenir.
M. Claude Raynal, président. - Je rappelle que la communication qui vient de vous être présentée est un point d'étape, qui sera complété dans les prochains mois par la publication d'un rapport d'information.
Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Jean-Marie Mizzon rapporteur sur le projet de loi n° 806 (2020-2021), autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité.
La réunion est close à 12 h 30.