Jeudi 27 mai 2021
- Présidence de M. Serge Babary, président -
La réunion est ouverte à 10 heures.
Audition de M. Frédéric Coirier, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Poujoulat, sur le thème de « L'impact de la crise sur la situation actuelle des entreprises de taille intermédiaire (ETI) »
M. Serge Babary, président. - Nous continuons nos travaux en accueillant en visioconférence M. Coirier, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Poujoulat, qui est accompagné de M. Alexandre Montay, délégué général du METI.
Nous avions entendu les représentants du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire le jeudi 3 novembre dernier. Ces entreprises structurent nos territoires, contribuent efficacement à la création de valeur et d'emplois dans notre pays, ainsi qu'à ses exportations. Depuis six mois, le niveau de l'activité économique a été partiellement rythmé par les aléas de la crise sanitaire. Nous souhaitons ce matin évoquer les perspectives pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les mois à venir.
Pouvez-vous nous indiquer comment les entreprises que vous représentez envisagent la sortie progressive des aides de l'État ? Jean-François Husson a rendu récemment les conclusions de son travail de contrôle sur la sortie des prêts garantis par l'État (PGE). Il relève que les entreprises françaises ont conservé 22 % du coût de la crise à leur charge à l'issue de l'exercice 2020, proportion significativement supérieure à la moyenne européenne qui est de 7 % et à l'Allemagne, où l'intégralité des pertes des entreprises a été socialisée. Or la France a eu cinq fois plus recours aux PGE que l'Allemagne... Comment vos adhérents abordent-ils le remboursement du PGE ? Le calendrier fourni par le Gouvernement vous semble-t-il réaliste et efficient? Par ailleurs, la mise en oeuvre des prêts participatifs et du plan de relance répond-elle efficacement aux besoins des ETI ?
Nous sommes également intéressés par votre vision prospective des défaillances d'entreprises, des perspectives de relocalisation, des risques croissants en termes de prédation d'entreprises. Cette problématique de prédation recouvre plusieurs volets : le risque d'un rachat pur et simple, pas forcément souhaité ni souhaitable ; mais aussi la captation de renseignements stratégiques et tactiques à haute valeur ajoutée, qui peut faire l'objet de pratiques offensives de la part d'États ou d'entreprises. La crise a-t-elle déclenché un plus grand nombre de prédations de ces deux types contre les ETI françaises ? Les politiques publiques en la matière sont-elles adaptées ? Si tel n'est pas le cas, quelles seraient vos préconisations dans ces domaines ?
J'aurai ensuite, ainsi que mes collègues, d'autres questions à vous poser à l'issue de votre intervention liminaire, qui pourrait durer une quinzaine de minutes.
M. Frédéric Coirier, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Poujoulat. - Nous nous étions effectivement entretenus de ce sujet voilà six mois. Entre-temps, la situation économique a évolué favorablement en dépit du dernier confinement. L'activité des ETI a baissé de 6 % en 2020, avec une très forte chute au printemps dernier, puis une remontée plus forte que prévu, et une fin d'année relativement encourageante. La réalité est bien sûr très différente selon les secteurs. Pour l'industrie, l'exercice 2020 ne s'est pas trop mal passé, hormis quelques secteurs comme l'aéronautique. En revanche, la majorité des difficultés rencontrées ont concerné les services, notamment dans l'hébergement et la restauration, avec un tropisme spécifique pour les métropoles exposées à l'international, du fait de l'absence de voyages intercontinentaux ou de colloques et salons internationaux.
Nous continuons de suivre de près l'activité de 1 000 entreprises, qui répondent très régulièrement à nos enquêtes, cet échantillon étant stable. Au premier trimestre, nous avons enregistré 7,8 % de croissance ; au deuxième trimestre, l'augmentation est plus nette, de l'ordre de 18 %, qu'il convient de relativiser dans la mesure où nous étions confinés à la même époque l'an dernier. En revenant à n-2, c'est-à-dire à 2019, l'activité est presque similaire, voire s'est légèrement améliorée. Ce qui est encourageant, même si 15 % à 20 % d'ETI connaissent encore aujourd'hui des difficultés significatives, c'est que 30 % d'entre elles ont d'ores et déjà retrouvé leur niveau d'avant-crise ; et la grande majorité des autres, notamment celles du secteur industriel, pensent le retrouver en 2022, ce qui représente une proportion importante.
Il faut souligner la résilience de nos entreprises. Malgré les doutes qu'elles avaient émis au départ, elles ont montré une vraie capacité à conserver leurs effectifs, relativement stables pour 2020. Les créations d'emplois ont même été très nettes sur le premier trimestre 2021, avec 10 000 postes supplémentaires. Les ETI sont depuis une dizaine d'années les plus créatrices d'emplois, et ce phénomène pourrait s'accélérer sur le deuxième trimestre. Je salue les mesures prises en faveur des jeunes, qu'il s'agisse de leur recrutement ou de leur apprentissage, car elles ont permis la croissance des effectifs des apprentis en 2020, et les perspectives semblent plutôt positives. En résumé, les ETI ont continué à recruter, à former et à investir pendant la crise.
L'ensemble des mesures de relance ont été bien appropriées par les ETI. Deux tiers de ces dernières ont eu recours au PGE, parmi lesquelles 60 % l'ont réellement utilisé. Il est excessif de parler d'un mur de dettes systémique car nombre d'entre elles vont le rembourser rapidement ou le proroger d'un an. Certes, 15 % à 20 % des entreprises se trouvent aujourd'hui dans des situations critiques et réaliseront une année 2021 équivalente à 2020, voire dégradée. Les difficultés vont se concentrer sur l'hôtellerie et les métiers de la montagne, qui ont subi une année blanche, avec un retour à la normale qui prendra du temps et ne sera effectif qu'en 2023 ou 2024. D'où la nécessité d'une sortie « en sifflet » des différentes aides.
Ce matin, le ministre de l'économie a annoncé un certain nombre de mesures d'exonération, d'accompagnement ou encore d'adaptation du fonds de solidarité, qui semblent aller dans ce sens. Il faut simplement adapter efficacement ces dispositifs aux ETI. Pour les PGE, il faut se concentrer sur l'amortissement et les coûts de garantie. En Suisse, ces prêts sont à coût zéro pour tous et sans limitation de durée, tandis qu'en France les coûts de garantie le rendent un peu plus cher et complexe à gérer. Dans la mesure où la situation est moins mauvaise que prévu, il est probable que les pertes liées au PGE soient corollairement moins importantes. Peut-être conviendrait-il néanmoins d'assouplir la période de garantie.
Concernant le fonds de solidarité, il faut faire attention à la situation de certaines ETI, notamment dans la restauration, qui sont organisées sur le modèle d'une holding et de structures d'exploitation. Ces dernières sont en principe couvertes lorsqu'elles sont petites, mais ce n'est pas toujours le cas ; parfois la holding peut rencontrer des difficultés à cumuler les aides des différentes structures. Je pense cependant que les choses devraient évoluer.
Le carry back est également intéressant, car il va permettre à un certain nombre d'ETI d'amortir la crise. Encore faut-il que le seuil soit relevé pour qu'elles soient éligibles.
Les mesures sectorielles se comprennent pour des secteurs fermés ou très impactés qui doivent être accompagnés dans la durée, sous réserve de ne pas financer les entreprises « zombies », ce qui risquerait de fragiliser les autres par une concurrence déloyale. L'État sera sans doute très vigilant sur ce point. Les mesures d'accompagnement annoncées témoignent de la volonté du Gouvernement de faire très attention à ce que des secteurs sains avant la crise, tels que ceux de l'hôtellerie et de la restauration, puissent se reconstruire très rapidement.
Je pense qu'il faut mettre l'accent sur l'industrie, qui a globalement retrouvé son niveau d'avant-crise, mais rencontre actuellement des difficultés particulières en raison des transformations attendues par les consommateurs et rendues nécessaires par la réglementation. Il s'agit en effet des transformations pour améliorer l'industrialisation, la productivité, de la transformation digitale, avec tous les risques que cela comprend, et enfin la transformation environnementale. Tout cela requiert des investissements très importants. Parallèlement, les matières premières font l'objet d'une inflation forte et de difficultés d'approvisionnement. Il est à craindre que les marges de nos sociétés subissent une très forte pression cette année et peut-être l'année prochaine, sachant que l'acier inoxydable a augmenté de 50 %, l'acier de 100 %, le bois de 30 %, etc. Toute la chaîne d'approvisionnement de l'industrie est ainsi sous très forte pression. Ces hausses ne peuvent pas forcément être répercutées sur le client, sauf à créer une forte inflation.
Face à cet enjeu de compétitivité devant lequel est placée notre industrie française, je crois nécessaire de poursuivre la baisse des impôts de production, dont 70 % des ETI estiment que c'est une mesure majeure du plan de relance, voire la plus importante. Les subventions permettent de relancer la machine, de même que les centaines de projets et autres soutiens à la décarbonation. Néanmoins, pour une véritable réindustrialisation, il faut traiter le fonds, ce qui passera nécessairement par l'abaissement de ces impôts de production. Les 10 milliards d'euros ont été extrêmement bien ciblés sur la production française et incitent les entreprises à augmenter leurs investissements. Rappelons que ces impôts ont été multipliés par quatre en trente ans, passant de 19 milliards à 76 milliards d'euros. Ils sont toujours deux fois plus importants que la moyenne européenne, cinq fois plus importants qu'en Allemagne, et restent un fardeau. Nous ne pourrons réussir la réindustrialisation à long terme sans nous aligner sur nos voisins européens. C'est pourquoi il nous paraîtrait de bon aloi, d'ici à l'année prochaine, d'aller au bout de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), divisée par deux en raison de la suppression de la part régionale, cette dernière étant intégralement compensée. Les retours sont plutôt positifs, puisque la compensation donne aux régions une visibilité sur leur fiscalité locale. La suppression totale aurait un impact significatif sur la compétitivité des outils de production français et nous pourrions envisager une réindustrialisation réelle du territoire que nous appelons tous de nos voeux.
Je terminerai mon intervention en évoquant la prédation. On constate effectivement une multiplication des tentatives émanant de groupes étrangers, notamment chinois, de reprendre un certain nombre de nos fleurons nationaux, en particulier dans l'aéronautique qui est un secteur dans lequel les Chinois sont très en retard : acheter des entreprises françaises avec leurs savoir-faire leur donnerait accès aux technologies-clés pour construire leurs avions. Nos enquêtes nous ont révélé que des centaines d'ETI ont été approchées. Ce sujet critique est primordial pour notre souveraineté industrielle ou technologique, d'autant que la Chine ne respecte pas la propriété industrielle et rend l'accès à ses marchés de plus en plus difficile.
Pour remédier à cette inégalité de traitement, il faudrait tout d'abord favoriser les transmissions et les rendre plus économiques. En effet, dans les cinq à dix ans, une part très importante des 5 400 ETI vont devoir se transmettre, mais elles vont sortir de la crise en étant affaiblies. Si leurs résultats sont dégradés, il sera très difficile pour elles de pouvoir mobiliser des capitaux en vue de financer la transmission de l'entreprise, de l'ordre de 15 % de sa valeur, ce qui est trois à quatre fois plus cher que la moyenne européenne. Il vaudrait mieux investir de telles sommes dans les entreprises plutôt que de financer leur transmission en les rendant plus vulnérables à la prédation ; ceci nous ferait perdre nos maigres acquis depuis la mise en place du pacte Dutreil. Nous suggérons de prévoir un engagement plus long de dix ans, contre un abattement, non pas de 75 %, mais de 90 %, ce qui rétablirait le coût de transmission d'une ETI au niveau moyen européen. Cela répondrait au souhait européen de convergence fiscale, et serait une façon pour les ETI d'éviter de subir une fiscalité non adaptée à l'origine de la perte de nos fleurons.
M. Serge Babary, président. - Merci de ce tour d'horizon très précis et de votre éclairage optimiste étayé sur des données chiffrées. À la sortie de crise, nous avons beaucoup à faire pour accompagner les PME et ETI en difficulté. Sur le terrain, la situation est moins claire que celle que vous décrivez. C'est pourquoi vos analyses sont précieuses pour les 5 400 entreprises que vous représentez. Elles sont des fers de lance au sein de nos territoires, mais du fait de leur situation favorable, on ne les entend pas trop. Nous avons bien entendu vos demandes réitérées sur les impôts de production et la transmission. Notre Délégation continuera à travailler sur ces sujets à l'avenir. Sachez que nous incitons les entreprises à franchir le cap de la numérisation, tout en les mettant en garde contre la cybercriminalité. Nous souhaiterions vous entendre à ce sujet.
M. Michel Canévet. - Merci de ces constats qui montrent que, malgré la crise, les ETI arrivent à s'en sortir assez bien. Les appels à projets lancés par l'État pour soutenir les investissements sont-ils une bonne solution pour favoriser l'investissement ? Les crédits prévus à cet effet vous semblent-ils suffisants ? Étant élu de Bretagne, j'ai constaté que nombre d'ETI se saisissaient de ces appels à projets, ce qui est porteur d'espoir. Cela permettra-t-il de rendre nos entreprises plus compétitives ?
M. Serge Babary, président. - Alerté par des ETI de mon territoire, j'avais interrogé le Président de la République lors de sa venue en Touraine. Lorsqu'un grand groupe répond à un appel à projets, n'y a-t-il pas un risque que les ETI françaises soient exclues du bénéfice de l'aide de l'État, au profit de fournisseurs étrangers ? Cela touche notamment le ferroviaire et l'aéronautique. Le Président de la République nous a promis qu'il ferait tout ce qu'il pourrait dans la limite des obligations européennes.
M. Frédéric Coirier. - La complexité des différents guichets s'est révélée un peu déconcertante au départ, surtout pour les ETPI et davantage encore les PME qui sont moins armées que les grands groupes. À cet égard, la Direction générale des entreprises (DGE) et la banque publique d'investissement (Bpifrance) ont beaucoup travaillé à l'accompagnement des entreprises, à l'instar de l'ensemble des administrations - c'est totalement inédit ! L'un des éléments positifs de cette crise sanitaire est d'avoir permis une meilleure connexion entre administrations et entreprises, et une mise en oeuvre plus rapide du plan de relance. Il convient de saluer la mobilisation, décentralisée ou déconcentrée, des services en région. Plusieurs centaines d'ETI se sont saisies de ces appels à projets, et nous allons recueillir un maximum d'informations sur l'ensemble de ces investissements qui pourront servir de modèles, notamment en Bretagne, qui est en première ligne.
Les ETI sont un peu moins bien loties concernant la décarbonation. L'enjeu principal pour les industries concerne les règles de minimis. Le plafond européen de 200 000 euros a été porté dans un premier temps à 800 000 euros, puis remonté à 1,8 million d'euros. Cela n'est certes pas suffisant pour un certain nombre d'investissements qui s'élèvent à plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de millions d'euros, mais constitue déjà une avancée satisfaisante.
Côté décarbonation hors de minimis, donc non plafonnée, les dispositifs sont moins bien adaptés. Il existe un dispositif d'appels à projets pour des projets importants, au-delà de 3 millions d'euros, qui concerne davantage les grands groupes. Par ailleurs il existe un guichet, qui concerne plutôt les PME. Au milieu de tout cela, les ETI se trouvent dans une sorte de no man's land. Nous avons proposé que ce guichet, visant plutôt les PME, puisse intervenir sur des montants plus importants en restant hors champ des règles de minimis ou bien que les appels à projets puissent se faire sur des montants inférieurs. En effet, les ETI dépensent des sommes de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euros pour la décarbonation, rares étant celles qui investissent d'un coup plus de 3 millions d'euros. Il faudrait donc réajuster ces mesures pour qu'elles puissent concerner plus d'entreprises. Si le seuil de minimis de 1,8 million pouvait être relevé, ce serait très bien, mais cela dépend d'une décision européenne. Si l'on veut que la dynamique d'investissement s'inscrive dans le temps, si l'on veut que les entreprises accélèrent le mouvement, il y a deux alternatives. Soit on subventionne, mais ça n'est pas très sain et l'offre française ne suffira pas à couvrir 100 % des besoins en fournitures ou équipements du plan de relance en raison du niveau de désindustrialisation de la France. -aujourd'hui, nous sommes obligés d'acheter des machines en Italie ou en Allemagne. Soit l'on prend des décisions de fond, structurelles. C'est pourquoi j'insiste une nouvelle fois sur la continuité de la baisse des impôts de production : c'est ce qui amènera non seulement les entreprises françaises, mais aussi les entreprises étrangères à investir sur notre territoire.
Nous avons beaucoup d'atouts, nous disposons d'infrastructures de qualité, d'un positionnement géographique excellent, à la croisée de l'ensemble de l'Europe. Par ailleurs nous pouvons compter sur nos capacités et notre foncier - n'en déplaise à ceux qui voudraient, au travers du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « projet de loi Climat », que l'on ne mobilise plus le foncier.
Le plan de relance est bien pris en compte par les ETI, beaucoup de projets sont lancés, nous devons nous féliciter de ce ciblage très tourné vers l'offre et qui ne manquera pas de produire des effets. Certes, nous achetons beaucoup d'équipements dans d'autres pays, mais nous n'avons pas le choix pour l'instant. La réindustrialisation de la France se fera dans la durée. C'est un projet de long terme, que nous devons entretenir par un alignement sur la moyenne européenne sur les principaux agrégats de la compétitivité.
M. Serge Babary, président. - Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le numérique et la cybersécurité dans les ETI ?
M. Frédéric Coirier. - Pas une semaine ne passe sans qu'une entreprise subisse une attaque. Ces incidents concernaient auparavant les grands groupes et les administrations. Aujourd'hui, ils touchent également de plus en plus les entreprises de taille intermédiaire. Les incidents cyber ont été multipliés par quatre l'année dernière. Les PME sont moins structurées par rapport aux ETI et aux grands groupes. Le METI collabore avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) afin de créer un pôle spécifiquement dédié aux ETI. Il faut aussi redescendre vers les régions et mettre en place des référents dans les territoires. Il existe également un enjeu en termes de formation et d'information : un certain nombre de ces attaques pourraient être évitées par des mesures assez simples.
Nous avons créé une task force au sein du METI. Un certain nombre de nos adhérents ont été touchés. Nos retours d'expérience seront partagés avec nos partenaires de manière à les sensibiliser aux bonnes pratiques. Au-delà de la formation, il importe de structurer le plan de crise. Il est nécessaire que les entreprises disposent d'interlocuteurs pour les aider à la fois à gérer la communication, à traiter les aspects techniques et à surmonter les pertes d'exploitation. Peu d'entreprises sont aujourd'hui assurées. Or les assureurs peuvent également être de bons accompagnants dans la période. Quoi qu'il en soit, il faut non seulement travailler le volet préventif, mais également le volet curatif. Trop souvent, lorsque cela arrive, les entreprises sont perdues et peuvent prendre de très mauvaises décisions, comme payer la demande de rançon.
M. Michel Canévet. - La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis le développement de la formation dans les entreprises. Les ETI se sont-elles saisies de cette opportunité ? Les chefs d'entreprise semblent encore avoir de grandes difficultés à recruter. Existe-t-il, selon vous, des obstacles à la diffusion de ces dispositifs dans les ETI ? Nous examinerons dans quelques jours le projet de loi Climat. Vous avez évoqué l'aspect foncier : avez-vous d'autres messages forts à faire passer aux parlementaires afin d'éviter d'entraver le développement des ETI dans notre pays ?
M. Frédéric Coirier. - Les ETI se sont saisies de la question de la formation. L'an dernier, Muriel Pénicaud était d'ailleurs étonnée de l'intensité des créations de centres de formation d'apprentis (CFA) dans les entreprises, notamment au sein des ETI. Moi-même j'ai créé une école de formation dans mon entreprise. En raison de la désindustrialisation, nous avons perdu des compétences. Les centres de formation sont fermés. La tension est très forte pour un certain nombre de métiers qualifiés : soudeur, technicien de maintenance, technicien méthode, etc. Nous avons donc des difficultés de recrutement, peut-être encore plus importantes que l'année dernière, malgré les inscriptions à Pôle emploi.
Les écoles de formation se mettent en place, à la fois pour intégrer les jeunes, mais aussi les personnes en transition professionnelle, comme celles qui ont quitté le secteur de la restauration pendant la crise covid. La plupart de nos entreprises sont prêtes à les intégrer et à les former. Les dispositifs proposés permettent effectivement de financer les écoles, c'est un progrès que saluent les ETI. Nous devons néanmoins accélérer, car les compétences évoluent rapidement. Les personnels doivent pouvoir passer d'un secteur à l'autre de façon beaucoup plus fluide.
Le sujet vraiment critique du projet de loi Climat est celui du foncier. Il est totalement utopique de penser que l'on peut réindustrialiser notre pays à artificialisation zéro. D'abord cette idée part d'un mauvais constat, car il ne faut pas confondre les zones commerciales, qui se sont étendues en dehors des villes, avec les ouvertures d'usine et les extensions de site.
Aujourd'hui, la France est un pays peu artificialisé à l'échelle européenne. La Belgique, la Hollande, l'Allemagne, qui atteignent quasiment le plein emploi, sont beaucoup plus artificialisées que nous : pourtant, tout se passe très bien ! Sortons du dogme et évitons de mettre en place un carcan, qui jouera contre les territoires. L'artificialisation est un problème dans les métropoles très denses, mais il y a de la place dans 80 % de nos territoires. Il faudra bien l'utiliser si l'on veut retrouver le niveau d'industrialisation que connaissait notre pays il y a une trentaine d'années.
Cette mesure sur le foncier est totalement contradictoire avec le plan de relance et enverra un signal négatif aux investisseurs. J'ai acheté une friche il y cinq ans, je l'ai dépolluée, mais j'ai été embêté pour des questions d'artificialisation des sols et de loi sur l'eau. Si on empile les réglementations, si l'on contraint l'utilisation du foncier et si l'on en rajoute sans cesse avec les espèces protégées, comment faire pour agrandir les sites et les développer ? Nutella, qui a voulu étendre son site à Rouen, a été contraint de renoncer à son projet pour des questions d'espèces protégées. En Normandie, de nombreuses entreprises ont dû arrêter leurs investissements parce que les surcoûts étaient si importants que les sites n'étaient plus rentables. Si la France fait le choix de la relance et de la réindustrialisation, il faut que l'ensemble des mesures soient alignées. Soyons clairs, la contrainte qui pèse sur le foncier est totalement contradictoire avec la relance industrielle. La France est le seul pays d'Europe à faire ce choix, ce que nous ne comprenons pas.
M. Serge Babary, président. - Merci de cette intervention qui enrichit nos réflexions. Nous avons conscience de l'intérêt des ETI sur nos territoires. Soyez assuré que nous serons vigilants sur tous les points qui ont été développés aujourd'hui.
La réunion est close à 10 h 50.