- Mardi 6 avril 2021
- Mercredi 7 avril 2021
- Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
- Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus - Examen des amendements au texte de la commission
- Communication sur la tenue des élections régionales et départementales de juin 2021 - Échange de vues
- Proposition de loi relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire
- Projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement - Audition de représentants de l'association des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat « Les 150 »
Mardi 6 avril 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Projet de loi confortant le respect des principes de la République - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous reprenons l'examen des amendements de séance sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION (SUITE)
Article additionnel après l'article 27
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 686, qui vise à assurer une meilleure information de l'administration sur les financements des nouveaux édifices cultuels impliquant les collectivités territoriales et à assouplir légèrement l'octroi des garanties d'emprunt.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 686.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous sommes favorables à l'amendement n° 685, qui étend la dérogation de financement public consentie pour les réparations d'édifices cultuels aux travaux visant à permettre l'accès de ces édifices aux personnes à mobilité réduite.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 685.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable au sous-amendement n° 682 à l'amendement n° 382 rectifié concernant le plan de financement des édifices cultuels.
La commission émet un avis favorable au sous-amendement n° 682.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il en est de même pour le sous-amendement n° 683.
La commission émet un avis favorable au sous-amendement n° 683.
Article 45
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 617 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 224 rectifié, qui concerne la levée de la confidentialité de l'exercice du droit d'opposition de Tracfin, est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 224 rectifié.
Articles additionnels après l'article 46
L'amendement n° 340 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le premier ajout de l'amendement n° 151 rectifié risque de rendre très complexe le droit existant, tandis que le second est partiellement satisfait par les dispositifs en vigueur, qui conditionne déjà les pratiques religieuses en prison. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 151 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Nous sommes défavorables aux amendements nos 567 rectifié et 453 rectifié bis, car ils sont contraires à la position de la commission.
En effet, le Sénat a rejeté à plusieurs reprises l'inclusion, même partielle, des représentants d'associations cultuelles au sein du répertoire des représentants d'intérêts tenu par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), pour des raisons qui ont déjà été précisées lors de l'examen en commission de ces amendements.
En particulier, la soumission des représentants des cultes à de telles obligations semble difficilement compatible avec le respect de la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, garantis par l'article 1er de la loi de 1905.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 567 rectifié et 453 rectifié bis.
Les amendements nos 566 rectifié et 569 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 568 rectifié prévoit l'extension de la loi de 1905 à la Guyane. Ce sujet mériterait une réflexion politique plus approfondie et une concertation élargie au niveau local. Aussi, notre avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 568 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le sénateur Artano a beaucoup travaillé sur la question de l'application de la loi de 1905 à Saint-Pierre-et-Miquelon, en lien avec le Gouvernement et les habitants de la collectivité. Par cohérence avec l'avis rendu sur l'amendement précédent, nous y sommes défavorables. Nous pourrons néanmoins interroger le Gouvernement en séance sur ses intentions pour ces deux territoires.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Effectivement, interrogeons le Gouvernement pour les deux collectivités concernées : les élus guyanais ont également formulé cette demande.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 232 rectifié quater.
Article additionnel après l'article 53
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 541 rectifié bis.
Articles additionnels après l'article 30 (précédemment réservé)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 433 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. - M. Jacquin, qui a fait un énorme travail de terrain, évoque ici la question très concrète de la désaffectation des lieux de culte. Sa démarche est très constructive.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Certes, mais le travail n'est que partiellement abouti. Il faut considérer cette question de manière plus approfondie.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 433 rectifié bis.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 243 rectifié, qui restreint la possibilité d'organiser la célébration d'un culte aux seuls ministres du culte qualifiés.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 243 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis également défavorable à l'amendement n° 514 rectifié bis, qui tend à abroger le régime concordataire en vigueur en Alsace-Moselle.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 514 rectifié bis.
Article 31 (précédemment réservé)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 269 rectifié, qui tend à exempter les établissements publics cultuels des dispositions prévues à l'article 31 : soit les seules associations inscrites sont visées par le dispositif, et cette exemption est sans objet ; soit le législateur inclut à dessein les établissements publics du culte dans le champ des obligations nouvelles qu'il crée, et cette exemption est injustifiée.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 269 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n° 240, qui définit l'objet cultuel, est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 240, de même qu'à l'amendement n° 270 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 404 rectifié bis, qui substitue à l'obligation de certification des comptes une simple obligation d'attestation des comptes.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 404 rectifié bis.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n° 298 inclut les parts de société civile immobilière (SCI) aux avantages et ressources étrangers soumis à la tenue d'un état séparé des comptes. Nous y sommes favorables, en cohérence avec l'avis émis sur d'autres amendements identiques.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 298.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n° 299 concerne une demande de rapport : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 299.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n° 271 rectifié est contraire à la position de la commission : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 271 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques nos 272 rectifié et 460 rectifié donnent la possibilité à tout établissement public du culte de posséder et d'administrer des immeubles acquis à titre gratuit en Alsace-Moselle. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 272 rectifié et 460 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques nos 241 et 274 rectifié bis tendent à supprimer les dépendances constituant un accessoire indissociable des édifices cultuels du champ de l'interdiction des réunions politiques. Nous avons déjà eu ce débat. Les départements d'Alsace et de la Moselle ne sont pas exempts de cultes aux visées séparatistes. Cette disposition, prévue par l'article 40 du projet de loi pour la « vieille France », doit donc s'y appliquer.
M. André Reichardt. - Je ne suis pas d'accord avec cette argumentation. Certes, la loi s'applique à tous, mais, je le redis, la loi de 1905 ne s'applique pas en Alsace-Moselle et s'y tiennent depuis 116 ans des réunions dans des dépendances de lieux de culte. À titre personnel, j'ai tenu des centaines de réunions dans ces dépendances. Vous nous demandez de revenir sur une tradition locale, qui n'a jamais posé de problème. D'ailleurs, les cosignataires de cet amendement sont issus de tous les groupes politiques. Je ferai à nouveau valoir ce point en séance.
M. Loïc Hervé. - Êtes-vous tous certains, chers collègues, que vous n'avez jamais tenu de réunion politique dans une salle paroissiale parce que la salle des fêtes était en travaux, par exemple ? Moi, je l'ai fait.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Jamais.
M. Loïc Hervé. - Lorsque j'étais maire, nous avons géré la salle paroissiale comme l'une des salles municipales au travers d'une convention signée de longue date avec l'évêché : cette ancienne chapelle était ouverte à tout type d'usage.
Je ne suis donc pas certain que l'on puisse affirmer que ces salles ne sont pas utilisées à des fins de réunions politiques.
Mme Valérie Boyer. - À Marseille, je peux en témoigner, plusieurs partis politiques ont loué des salles appartenant à des associations culturelles à côté de lieux de culte à des fins de réunions politiques. J'ai moi-même loué des jardins paroissiaux pour y organiser des fêtes municipales en toute légalité.
M. Philippe Bas. - La position de notre rapporteure est motivée par la crainte de l'extension de l'exception des départements d'Alsace et de la Moselle au reste du territoire. Mais de nombreuses dispositions de la loi de 1905 ont cessé d'être appliquées en 1907. Partout en France des pratiques qui s'écartent des prescriptions de la loi de 1905 sont rentrées dans les usages. Il faut donc examiner l'amendement de notre collègue André Reichardt au regard de la situation qui prévaut en Alsace-Moselle, car l'existence du droit local en Alsace-Moselle est un principe fondamental reconnu par les lois de la République consacré par le Conseil constitutionnel, et non pas considérer que nous ne pouvons l'accepter parce qu'il déroge à la loi sur le séparatisme.
Je mesure à quel point ce sujet est sensible. Mais je considère que le droit local actuel mérite d'être respecté. C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements identiques.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Ces dérogations au droit général sont censées être transitoires, même si l'on en ignore le terme. Pour autant, elles ne doivent pas s'écarter plus encore du droit commun, ce que le Conseil constitutionnel a bien précisé lorsqu'il a reconnu l'existence du droit local. Or, l'objet de ce projet de loi est de mieux contrôler ce qui se passe autour des lieux de culte, et ce quelle que soit la religion. Il résultera de cet amendement une inégalité devant la loi entre l'Alsace-Moselle et la vieille France. Par ailleurs, l'Alsace-Moselle peut être un lieu de développement culturel et politique de l'islam radical contre lequel nous luttons.
Par ailleurs, je note que les réunions qui ont été organisées dans des lieux de culte parce que l'on a oublié la loi de 1905 n'ont pas été tenues en toute légalité.
Mme Valérie Boyer. - On peut se réunir en toute légalité dans les salles attenantes.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - À l'heure actuelle, c'est effectivement le cas ; c'est néanmoins l'objet de l'article 40 du projet de loi que d'étendre l'interdiction de tenue de réunions politiques aux dépendances des édifices cultuels.
Ces amendements risquent donc d'être contreproductifs en créant une inégalité injustifiée entre droit général et droit local. Voilà pourquoi nous sommes plutôt opposés à ces amendements.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 241 et 273 rectifié.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements nos 273 rectifié et 242 prévoient que les dispositions spécifiques aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui ne sont pas modifiées par la loi demeurent inchangées. Retrait ou avis défavorable.
La commission demande le retrait des amendements nos 273 rectifié et 242 et, à défaut, y sera défavorable.
Article additionnel après l'article 31 (précédemment réservé)
La commission demande le retrait de l'amendement n° 461 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements nos 510 et 53 et avis favorable à l'amendement n° 285 rectifié bis.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 510 et 53.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 285 rectifié bis.
La commission a donné les avis suivants :
La réunion est close à 14 h 30.
Mercredi 7 avril 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
M. François-Noël Buffet, président. - Je rappelle que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est saisie au fond du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis sur plusieurs articles et d'autres commissions vont faire de même. Or certains articles relèvent du champ de compétence de la commission des lois, parmi lesquels les dispositions relatives à la répression pénale des atteintes à l'environnement ainsi qu'à l'urbanisme, avec, notamment, la lutte contre l'artificialisation des sols ; de même que les dispositions visant à renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics et celles qui tendent à lutter contre l'orpaillage illégal en Guyane.
Aussi, je vous propose, si vous en êtes d'accord, que la commission des lois se saisisse pour avis sur ces dispositions. Je vous soumets la candidature de notre collègue Arnaud de Belenet comme rapporteur pour avis.
Il en est ainsi décidé.
La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 3875 rectifié (A.N., XVe lég.) portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Arnaud de Belenet rapporteur pour avis.
Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi ratifiant les ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Nous avons évoqué la semaine dernière la possibilité d'abonder le compte au titre du droit individuel à la formation des élus locaux (DIFE) à partir du compte personnel de formation. Pour des raisons techniques et opérationnelles, il semble préférable que les abondements complémentaires soient effectués au profit du compte personnel de formation, que les élus locaux pourront mobiliser en complément du DIFE, plutôt qu'au bénéfice du DIFE, ce qui pourrait complexifier la mise en oeuvre pratique du dispositif. Tel est l'objet de l'amendement n° 8.
L'amendement n° 8 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Si vous le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° 9 et l'amendement n° 10, car ils sont tous deux relatifs au Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL).
Nous avons évoqué la semaine dernière la nécessité d'avoir une meilleure visibilité pour les élus - et partant pour les organismes de formation - sur les droits acquis lorsqu'ils seront convertis à partir du mois de juillet prochain en euros. Alors que les recettes annuelles du fonds DIFE s'élèvent à 16 millions d'euros, le fonds enregistre cette année un déficit de plus de 20 millions d'euros. L'exigence de prévisibilité doit donc être conciliée avec la nécessité d'assurer l'équilibre financier du fonds. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement n° 10 que le montant annuel des droits des élus soit fixé, à partir de 2023, par périodes de trois années. L'amendement n° 9 supprime en conséquence la disposition, adoptée la semaine dernière en commission et rendue caduque, prévoyant que le CNFEL formule des prévisions triennales sur un tel montant. Il apporte en outre des modifications rédactionnelles.
L'amendement n° 9 est adopté.
Article additionnel après l'article 1er quinquies
L'amendement n° 10 est adopté.
Article 1er nonies
L'amendement rédactionnel n° 11 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Nous avons ajouté la semaine dernière par voie d'amendement un article additionnel visant à encadrer la sous-traitance, par les organismes de formation agréés, des formations destinées aux élus locaux. L'amendement n° 12 apporte une précision complémentaire. Il prévoit l'impossibilité pour les organismes agréés de sous-traiter la prestation d'une action de formation à un organisme de formation ne disposant pas d'agrément. Toutefois, les organismes de formation agréés pourraient sous-traiter à une personne physique non agréée la prestation d'actions de formation, en particulier en cas de demande d'une expertise spécifique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis un peu réservé sur cet amendement. Ses termes ne sont-ils pas contradictoires ? Nous voulons que l'agrément soit fiable, de manière que l'organisme de formation ne puisse pas sous-traiter à un organisme qui ne présente aucune garantie. Mais, dans le même temps, vous prévoyez que celui-ci pourra sous-traiter à une personne physique. Or on peut imaginer que celle-ci soit à la tête d'un mini-organisme de formation non agréé. Du reste, l'organisme de formation agréé peut recruter des personnes ayant des expertises particulières. Quel est l'intérêt à maintenir la sous-traitance dans ces conditions ?
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Il s'agit de personnes ayant un statut juridique, tels les autoentrepreneurs. Elles seront les seules cosignataires du contrat de formation signé entre l'organisme agréé et la collectivité ou l'élu. Par ailleurs, le volume d'activité total sous-traité par les organismes de formation agréés sera encadré par décret. Cela permettra notamment aux élus locaux d'être formés par des experts sur des sujets d'une technicité particulière.
M. Jean-Pierre Sueur. - Un organisme de formation peut les recruter en tant que titulaires ou contractuels.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Il peut s'agit d'une formation ponctuelle. L'organisme de formation agréé ne va pas recruter une personne pour dispenser une formation de quelques heures. La transparence sera totale : cette personne sera signataire du contrat et le volume d'activité sous-traité sera encadré par décret. Cette souplesse me semble tout à fait nécessaire. Des élus auront peut-être besoin un jour d'une expertise sur un sujet extrêmement pointu, comme celle - pourquoi pas ! - d'un vulcanologue, par exemple : au nom de quoi devrions-nous les priver de cette possibilité ?
L'amendement n° 12 est adopté.
Article 1er terdecies
L'amendement rédactionnel n° 13 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - L'amendement n° 14 tend à introduire un mécanisme de conversion en euros des droits acquis en heures et non liquidés par les élus locaux au titre de leur DIFE, pour s'aligner les mécanismes introduits dans le droit commun lors de la monétisation du CPF. Nous avons travaillé sur cette rédaction avec le Gouvernement pour éviter que les élus ne soient perdants, au moment du passage d'un régime à l'autre, lorsque les droits comptabilisés en heures n'ont pas été consommés dans leur intégralité
Le déficit du fonds devrait être partiellement résorbé par l'avance de trésorerie consentie par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en 2021. Ainsi, chaque élu devrait pouvoir disposer d'un crédit de 700 euros par an. Nous posons donc clairement le principe du versement de droits complémentaires lors de la conversion en euros des droits acquis en heures. Les modalités concrètes sont renvoyées au pouvoir réglementaire.
Nous souhaitons que ce mécanisme de conversion vienne s'ajouter à ce montant estimé, par le versement d'un « bonus » de droits en euros lorsque les droits acquis en heures n'ont pas été liquidés. Il reviendra au Gouvernement de définir la valeur exacte des droits ainsi convertis : nous formons le voeu que le montant de la conversion qui sera retenu ne soit pas dicté par la seule exigence de neutralité budgétaire.
L'amendement n° 14 est adopté.
Article 3
L'amendement rédactionnel et de coordination n° 15 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Articles additionnels après l'article 1er
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Les ordonnances instaurent des obligations pour les organismes de formation agréés dès lors qu'ils atteignent un certain volume d'activité. Le seuil de 100 00 euros a été évoqué avec les associations nationales d'élus.
L'amendement n° 6 a pour objet de fixer, dans la loi, à 200 000 euros ce seuil minimum. Nous n'avons pas d'étude d'impact nous permettant de déterminer le seuil. Il serait hasardeux de prévoir un seuil dont nous n'avons pas mesuré la pertinence, et cela relève en outre davantage du pouvoir réglementaire. Retrait ou avis défavorable.
M. André Reichardt. - Notre collègue Christian Klinger a été sollicité par l'association des maires du Haut-Rhin, qui assure des formations et a estimé que ce seuil pouvait raisonnablement être retenu. Mais les ressources pouvant différer d'une association à l'autre, il semble effectivement préférable de s'en remettre au pouvoir réglementaire. Je suivrai l'avis de Mme la rapporteure.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Des discussions sont en cours entre le Gouvernement et les associations nationales d'élus pour trouver le seuil le plus pertinent.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - L'amendement n° 4 fait référence à un rapport d'information commis au nom de la délégation aux collectivités territoriales. Les collectivités ont aujourd'hui l'obligation d'inscrire le montant prévisionnel des dépenses de formation, compris entre 2 % du montant total des indemnités des élus et 20 % du même montant. Il est possible de mutualiser les dépenses de formation, une mutualisation largement encouragée par ce texte, ce dont on peut se réjouir - les élus des petites communes notamment ont des difficultés d'accès à la formation.
La mutualisation peut prendre la forme d'un transfert de la compétence de formation des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. L'intercommunalité a alors la même obligation d'inscrire un montant prévisionnel des dépenses de formation compris entre 2 % et 20 % des indemnités de fonction des élus. La demande de nos collègues du groupe CRCE est donc satisfaite.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 4 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - L'amendement n° 3, qui reprend un amendement que nous avons rejeté la semaine dernière, vise à introduire un critère de représentativité politique dans la composition du CNFEL. Ce dernier est aujourd'hui composé pour moitié d'élus désignés par les associations d'élus. Cette composition tient compte de la diversité des collectivités et des territoires : il est donc largement satisfait sur le fond. Pour ce qui est de la représentativité politique, on le sait, les élus des petites communes n'ont souvent pas d'affiliation politique. Il appartient donc aux associations d'élus, qui sont consultées sur les projets de nomination au CNFEL, de s'assurer que la représentation est équilibrée. En conséquence, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Actuellement, les élus sont crédités chaque année d'un certain nombre d'heures de formation qui se cumulent sur toute la durée de leur mandat et qu'ils peuvent utiliser jusqu'à six mois après la fin de celui-ci. L'ordonnance prévoyait la suppression de cette possibilité de cumul, alors même qu'elle est prévue dans le droit commun. Nous ne pouvions donc pas accepter qu'à l'occasion de cette réforme, la possibilité de cumul des droits soit supprimée. C'est pourquoi nous avons voté un amendement réintroduisant sans condition le cumul annuel.
Avec un crédit annuel de 700 euros pendant six ans, les droits de chaque élu s'élèveront à 4 200 euros. Si un grand nombre d'élus font valoir leurs droits à formation en fin de mandat, on risque de faire exploser le système, à l'instar de ce qui se passe aujourd'hui. Or, il est de l'intérêt de l'ensemble des élus de sécuriser le dispositif. Certes, on pourrait augmenter les crédits du fonds, mais je rappelle qu'il n'est alimenté que par une cotisation des élus indemnisés, et nous ne souhaitons pas augmenter cette charge financière.
C'est pourquoi nous avons convenu avec le Gouvernement du principe d'un plafonnement du cumul pluriannuel. Tel est l'objet de l'amendement n° 7. Le montant du plafonnement sera défini par décret.
Mme Cécile Cukierman. - Tout en comprenant l'objectif poursuivi ici, je tiens à souligner que le déficit n'est pas lié à une surconsommation des élus de leurs droits à formation. Certains organismes de formation - une minorité - ont eu des comportements prédateurs. Je souscris à l'idée d'avoir une visibilité budgétaire pluriannuelle tant pour les élus que pour les organismes de formation d'ailleurs, afin de ne pas fragiliser le dispositif. Mais rappelons au Gouvernement que la situation financière dans laquelle nous nous trouvons n'est pas liée à une utilisation intensive de ces droits par un grand nombre d'élus.
M. François Bonhomme. - Dispose-t-on d'une évaluation du volume de formations dispensées en 2020 avec l'impact de la crise sanitaire ? Le rythme était de 4 600 ou 4 700 formations par an les années antérieures.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Cécile Cukierman a raison, le fonds de financement du DIFE connaît aujourd'hui des difficultés parce que des organismes de formation ont été voraces, parfois un peu cannibales. Certaines formations ont été fantaisistes et coûteuses ; le prix de la formation n'est pas un gage de pertinence ni de qualité. Il nous faut parer à ces abus.
La règle du plafonnement du cumul des droits s'applique aussi dans le droit commun. Le plafond sera fixé par décret, mais il pourra évoluer selon la situation. Je le redis, le déficit est supérieur à 20 millions d'euros, alors que la collecte annuelle s'élève à 16 millions d'euros. L'avance consentie par la CDC va stabiliser la situation et le dispositif que nous mettons en place pour mieux encadrer l'utilisation de ces fonds y contribuera également.
Le DIFE permet à des élus de se former en vue d'une reconversion professionnelle - M. Sueur le sait bien. Dans le droit fil de la réflexion sur le statut des élus, si l'État veut encourager et soutenir l'engagement des élus, il devrait à terme réfléchir à la mise en place d'une dotation particulière, à l'instar de la dotation « élu local » pour ce qui concerne les indemnités.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je partage nombre des propos de Mme la rapporteure. On ne peut que souhaiter qu'un plus grand nombre d'élus bénéficient de la formation prévue par la loi de 1992.
Le DIFE a été créé au travers d'une proposition de loi, présentée par Jacqueline Gourault et moi-même, mais ni l'un ni l'autre n'avions anticipé cette sorte de razzia par un certain nombre d'organismes de formation. Aussi, les mesures visant à renforcer l'agrément des organismes de formation sont absolument nécessaires, et il faudra trouver des économies. À cet égard, la CDC, pardon de le dire, pourrait revoir ses coûts de gestion.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Tout à fait.
M. Jean-Pierre Sueur. - On pourrait rendre obligatoire le versement de 2 % du montant des indemnités de fonction, mais, dans le contexte actuel, cette mesure ne serait pas bienvenue. Quant à l'intervention financière de l'État, je n'y crois pas beaucoup.
Le levier de l'intercommunalité aura un effet positif : lorsque l'intercommunalité prendra en charge la formation, peut-être les élus des petites communes auront-ils moins de scrupules à faire valoir leurs droits à formation.
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Il faut effectivement que la CDC fasse des efforts pour diminuer le coût de la collecte et du traitement des dossiers de demande de formation des élus, qui représenteraient aujourd'hui 20 % des montants collectés. La mise en place d'une plateforme récapitulant les droits acquis de chaque élu et permettant une inscription automatique, comme cela existe dans le droit commun, devrait permettre à la CDC de ne plus mobiliser 50 équivalents temps plein (ETP), mais seulement 20, pour réaliser ses missions.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.
Article additionnel après l'article 1er quinquies
Mme Françoise Gatel, rapporteure. - L'amendement n° 5 prévoit que le CNFEL fixe chaque année un montant minimal garanti des droits des élus au titre du DIFE. Cet amendement est satisfait par l'amendement visant à fixer le montant annuel des droits des élus de façon pluriannuelle à partir de 2023 que nous avons adopté précédemment. Retrait ou avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 5 et, à défaut, y sera défavorable.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :
Communication sur la tenue des élections régionales et départementales de juin 2021 - Échange de vues
M. François-Noël Buffet, président. -Chacun a eu connaissance du rapport du conseil scientifique remis la semaine dernière sur la tenue des élections régionales et départementales prévues en juin prochain. Dans la loi du 22 février 2021, qui a permis de reporter les élections régionales et départementales en juin, le législateur avait demandé que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la situation sanitaire, au vu d'un avis du conseil scientifique Covid-19. Ce rapport a été transmis le 2 avril dernier. Parallèlement, le Gouvernement a demandé aux présidents des assemblées ainsi qu'aux présidents des groupes parlementaires une contribution écrite pour le 8 avril. Enfin, le Gouvernement a annoncé la tenue d'un débat au Parlement la semaine prochaine, sur le fondement des dispositions de l'article 50-1 de la Constitution - il devrait être organisé au Sénat mercredi prochain dans l'après-midi.
Dans ce contexte, il m'a semblé utile que la commission des lois, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets électoraux, formule quelques préconisations.
Permettez-moi de rappeler au préalable les mesures que nous avons déjà votées au mois de février dernier et de vous présenter ensuite quelques mesures à caractère réglementaire, que nous pourrions suggérer au Premier ministre.
Dans le cadre de la loi du 22 février 2021, le législateur a augmenté de 20 % le plafond des dépenses électorales des candidats ainsi que le montant des remboursements de l'État. Cette mesure est destinée à compenser l'allongement de la durée des comptes de campagne, qui a débuté le 1er septembre dernier, mais également permettre aux candidats de développer de nouveaux outils de propagande électorale.
À titre exceptionnel, la loi autorise les candidats à mettre en place des numéros verts, que les électeurs peuvent appeler pour se renseigner sur les programmes proposés.
La durée de la campagne officielle est allongée d'une semaine : les panneaux électoraux des communes devront être installés trois semaines avant le premier tour, contre deux semaines habituellement.
En ce qui concerne les modalités de vote, cette loi autorise exceptionnellement les doubles procurations. Elle prévoit aussi que des équipements de protection adaptés soient mis à disposition des électeurs et des personnes participant à l'organisation ou au déroulement du scrutin au sein des bureaux de vote, ces dépenses étant à la charge de l'État.
Telles sont les mesures législatives en vigueur. Le Gouvernement, dans son avis, affirme que les élections sont à ce stade maintenues - il émet une petite réserve en cas de pandémie aggravée.
Plusieurs mesures supplémentaires, qui relèvent du domaine réglementaire, peuvent néanmoins être utiles au maintien de ces élections.
Concernant la campagne électorale, nous pourrions demander le renforcement de la couverture médiatique des scrutins. Le Gouvernement n'a pas suivi le Sénat dans sa proposition d'instaurer des clips de campagne, comme ce fut le cas pour les élections législatives ou européennes. La loi de février dernier oblige toutefois les chaînes de radio et de télévision du service public à diffuser des programmes destinés à expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils régionaux et départementaux, au moins trois semaines avant le premier tour. Plus globalement, les chaînes du service public se sont engagées à organiser une série de débats en amont de chaque tour de scrutin dans des créneaux horaires et sous des formes diverses selon les offres TV. Demandons au Gouvernement de veiller à ce que cet engagement soit tenu et d'inciter les chaînes à préciser le dispositif qu'elles entendent mettre en oeuvre.
Pour faciliter les réunions électorales, il pourrait être envisagé d'autoriser des réunions de plus de six personnes, dans la limite d'une trentaine de personnes, sous réserve de respecter un protocole sanitaire validé par le conseil scientifique.
Concernant la campagne sur internet, le rapport Debré préconise d'utiliser les moyens numériques pour faire campagne, en recourant si besoin à des prestataires spécialisés. C'est effectivement souhaitable.
Le référencement reste interdit : un candidat ne peut pas rémunérer un réseau social pour donner plus de visibilité à sa page ni lancer une campagne de publicité commerciale. Interrogé pendant le débat parlementaire, le Gouvernement n'a pas souhaité revenir sur cette interdiction prévue par l'article L. 52-1 du code électoral.
Comme pour toutes les élections, le Gouvernement publiera les professions de foi des candidats sur un site internet dédié. En raison de la crise sanitaire, les fonctionnalités du site pourraient être enrichies pour qu'il devienne une sorte de « panneau électoral virtuel ». Les candidats pourraient, par exemple, publier chaque semaine des messages à vocation électorale, afin de préciser leur programme ou de faire de nouvelles propositions. Les électeurs pourraient s'abonner au site pour recevoir toutes les informations relatives à leur circonscription.
On pourrait également doubler la taille des professions de foi. Celles-ci sont aujourd'hui imprimées en format A4, en application de l'article R. 29 du code électoral. Le rapport Debré propose de doubler leur dimension pour permettre aux candidats d'y insérer davantage d'informations ou de photographies. Le ministère de l'intérieur évalue le coût de cette mesure entre 50 et 100 millions d'euros, en sachant qu'il sera également nécessaire d'adapter la procédure d'envoi.
Le Gouvernement doit faire oeuvre de pédagogie auprès des candidats en précisant les actions de propagande possibles après consultation, le cas échéant, du conseil scientifique. À titre d'exemple, la distribution de tracts sur la voie publique ou au domicile des électeurs peut être envisageable dès lors que les gestes barrières sont respectés.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) doit formaliser un guide du candidat et du mandataire actualisé et spécifique aux élections régionales et départementales, en tenant compte de leurs conditions d'organisation. Ce guide actualisé, qui n'a pas encore été publié à ce jour, doit permettre aux élus sortants de bien distinguer leur propagande électorale, d'une part, et les actions de communication de leur collectivité territoriale, d'autre part. Il doit être suffisamment clair pour aider les candidats dans leurs démarches.
Nous pourrions également proposer d'allonger la durée des prêts accordés par les personnes physiques. Aujourd'hui limitée à dix-huit mois, leur durée pourrait passer à 24 mois, comme ce fut le cas pour le second tour des élections municipales de juin 2020.
Concernant les modalités de vote et l'organisation des scrutins, un service public des procurations pourrait être créé pour faciliter les choses, et les collectivités locales pourraient prévoir des modalités pratiques permettant d'aider à la rédaction des procurations.
Il convient bien évidemment de garantir la sécurité sanitaire le jour des scrutins.
Le conseil scientifique recommande de faire appel par priorité à des personnes vaccinées pour tenir les bureaux de vote, ou de demander aux membres non vaccinés de réaliser un test de dépistage la veille ou l'avant-veille du jour du scrutin.
Les maires pourraient être encouragés à ouvrir des bureaux de vote dans d'autres lieux que ceux qui sont prévus habituellement pour assurer la sécurité.
Les horaires des bureaux de vote pourraient être allongés pour étaler le flux des votants.
Le protocole sanitaire mis en place lors du second tour des élections municipales de juin 2020 devrait être reconduit : limitation à trois du nombre de votants présents simultanément dans le bureau de vote ; port du masque obligatoire et mise à disposition d'une solution hydroalcoolique ; nettoyage régulier du bureau de vote ; orientation spécifique des isoloirs et limitation du nombre de personnes présentes au dépouillement.
Enfin, le décret du 4 février 2021 prévoit la possibilité de regrouper les bureaux de vote, sur décision des communes, en cas de double scrutin.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler.
Mme Cécile Cukierman. - Nous remettrons notre contribution, à l'instar de tous les groupes.
Tout d'abord, nous regrettons la qualité du rapport remis par le conseil scientifique : certains passages s'apparentent à une liste à la Prévert, concernant notamment les méthodes de bonne pratique sanitaire, tandis que d'autres relèvent du concours Lépine, avec l'idée la plus farfelue et irréaliste, telle la proposition de mettre en place des bureaux de vote en plein air, faisant fi des exigences démocratiques et météorologiques. Bien évidemment, nous ne sommes pas épidémiologistes, mais nous attendions plus de données scientifiques sur l'évolution de la pandémie, la politique vaccinale. Le Gouvernement s'était engagé devant nous fin janvier à tout mettre en oeuvre pour que les élections puissent se tenir au mois de juin. Or nous ne pouvons que constater le retard pris en matière de vaccination.
Comme vous l'avez dit, un certain nombre d'évolutions ont été prévues par la loi, mais nous pouvons formuler des propositions et des améliorations en matière réglementaire.
Au vu de l'importance des politiques publiques développées par les départements et les régions, ces élections doivent se tenir au mois de juin prochain. Le temps démocratique ne saurait être davantage confiné. Je le dis d'autant plus sereinement que je ne sais pas si l'organisation des élections serait plus pertinente au mois de juin ou au mois d'octobre pour tel ou tel candidat. Le premier défi consistera à faire en sorte que le taux d'abstention diminue. Mais, on l'a vu l'an dernier, la crise sanitaire a peu joué sur les résultats des élections.
Oui, il nous faut réfléchir aux propositions que nous pouvons faire, même si elles auront un coût. Il y a des richesses dans notre pays et il importe d'en redistribuer une partie pour faire vivre la démocratie. On peut effectivement doubler la taille des professions de foi. Un double affichage, avec une affiche photo et une affiche programme, avait été proposé pour le second tour des élections municipales. Il serait intéressant d'avoir une évaluation sur la pertinence de ce dispositif, même si démultiplier cet affichage à l'échelle de toutes les communes pour deux élections peut être illisible.
Oui, nous devons travailler avec le service public audiovisuel. Le service public de la télévision s'était félicité que la proposition du Sénat n'ait pas été reprise dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Or, il convient de rappeler les missions de tous !
Quoi qu'il en soit, quelles que puissent être les évolutions envisageables, la crise politique est forte : ce n'est pas un recto verso, un quatre pages ou l'allongement d'une semaine de la campagne qui changeront fondamentalement le rapport de nos concitoyens à la politique. Cependant, l'enveloppe que chaque électeur va recevoir à son domicile devrait comprendre une lettre d'information rappelant les conditions de sécurité mises en place pour le vote. L'ensemble des équipes de campagne s'adaptera à la situation sanitaire, l'objectif étant de préserver la santé de toutes et de tous.
M. Mathieu Darnaud. - Nous nous accorderons tous sur l'éclairage apporté par le conseil scientifique dans son rapport : il est certes intéressant sur certains points, mais il est limité quant à l'aide qu'il peut apporter au législateur, au Gouvernement, à tous ceux qui devront prendre des décisions.
Un constat : on le devine, la campagne sera singulière, voire compliquée. Il est quelque peu navrant que ce soit à chaque fois le Sénat qui soit à l'avant-garde. Les quelques décisions qui ont été prises par le Gouvernement consistent seulement à encadrer le déroulement du vote, notamment pour ce qui concerne les mesures sanitaires. En revanche, les propositions concernant la campagne sont peu nombreuses.
Je souscris aux propos de Cécile Cukierman sur la nécessité de renforcer la couverture médiatique. À l'ère du numérique, il serait sage que des propositions nous soient faites. Les candidats doivent pouvoir disposer d'outils numériques pour faire campagne, notamment en cette période anxiogène tant pour celles et ceux qui se présenteront au suffrage que pour nos concitoyens. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels !
Je caricaturerai moins que notre collègue la proposition de mettre en place des bureaux de vote dans des lieux plus aérés. On sait tous que nous ne pourrons pas installer un bureau de vote au milieu des champs, mais certains lieux plus singuliers se prêtent certainement à l'accueil de nos concitoyens.
Je plaide en faveur des propositions formulées par notre assemblée, par la commission des lois, notamment - Philippe Bas y a beaucoup contribué - ; je suis favorable à des innovations permettant une diffusion plus large de la campagne. La portée des spots télévisés pour les élections départementales est particulièrement limitée ! Les élections locales ne passent d'ailleurs pas nécessairement par le seul prisme des partis politiques.
M. Alain Marc. - La différence entre les élections régionales et les élections départementales est essentielle en termes de campagne.
On peut faire une campagne audiovisuelle pour les élections régionales. Les administrés seront parfaitement informés des candidats et des programmes et pourront voter en connaissance de cause. En revanche, ce sera moins le cas pour la campagne des élections départementales : elle ne sera absolument pas visible pour les électeurs, même si nombre d'entre eux utilisent internet et les réseaux sociaux. Comment connaîtront-ils les candidats et les programmes ?
Il me semble donc que les élections régionales peuvent se tenir aux dates prévues. En revanche, comment les candidats aux élections départementales pourront-ils organiser des réunions électorales ? Pourront-ils faire du porte-à-porte ? Les conditions de la campagne seront beaucoup plus difficiles. La prime aux sortants va jouer. Où sera la démocratie ?
M. André Reichardt. - Je vais prendre l'exact contrepied de ce que vient de dire Alain Marc. Ma préoccupation concerne essentiellement les élections régionales.
En effet, même si la taille des cantons a considérablement augmenté, le concitoyen connaît, en règle générale, son conseiller départemental. Il y aura naturellement une prime aux sortants. Je pense que, à l'échelle d'un canton, les candidats peuvent nouer des liens personnels qui leur permettent de se faire connaître. D'ailleurs, un conseiller départemental a déjà souvent un autre mandat local.
En revanche, pour avoir été candidat aux élections régionales de la région Grand Est, qui regroupe dix départements, j'ai vu le temps qu'il faut pour faire campagne dans une région deux fois grande comme la Belgique.
Nous sommes à un tout petit peu plus de deux mois du scrutin, et nous ne savons pas encore si ces élections vont avoir lieu. Nous présumons que oui, mais le débat n'aura lieu que la semaine prochaine. Or, le 13 avril, nous serons à deux mois du scrutin ! Il y a cinq ans, nous avions commencé la campagne six mois avant les élections. Nous partons donc avec un handicap certain pour la campagne régionale, dont, on le sait, les citoyens ignorent la véritable importance, surtout sur un territoire aussi large.
Par ailleurs, je m'inquiète de l'aspect peu démocratique d'un scrutin de ce type. Osons le dire : les sortants font campagne depuis déjà pas mal de temps, sur la base notamment de la crise sanitaire. Mon président de région était complètement inconnu. C'est parce qu'il est urgentiste qu'il est devenu une star de la télévision ! Comment les autres candidats rattraperont-ils leur déficit de notoriété ? Cela semble impossible.
Les élections à venir sont un déni démocratique. C'est presque scandaleux de lancer une campagne électorale deux mois avant l'échéance sur un territoire aussi large qu'une région.
Il faut absolument que l'on arrive à un démantèlement de ces grandes régions, qui n'ont ni queue ni tête, ni pour le développement stratégique de nos territoires ni sur les plans démocratique et électoral.
M. Patrick Kanner. - Nous pourrons peut-être débattre bientôt, lors de l'examen de la loi 4D, de la dernière proposition de notre collègue André Reichardt...
Pour la question qui nous occupe, je m'interroge sur l'utilisation de l'article 50-1 de la Constitution. Ne s'agit-il pas d'un dévoiement de la Constitution ? On nous demande de voter sur une responsabilité qui incombe exclusivement au Gouvernement. Le Gouvernement doit organiser les élections les 13 et 20 juin prochains. Nous sommes une nouvelle fois pris à témoin et instrumentalisés. Nous n'aurons d'autre choix que de jouer le jeu.
Cela mériterait que l'on interroge le Gouvernement. Nous avons évoqué ce point hier avec le président du Sénat et les présidents de groupe. Je sais que le président Larcher devrait interpeller Jean Castex sur cette utilisation de l'article 50-1, qui pourrait devenir abusive. Chacun doit être dans son rôle et à sa place.
Pour ce qui concerne la course contre la montre qu'imposent les élections qui doivent se tenir les 13 et 20 juin, je partage une grande partie des propositions que vous avez faites, monsieur le président. Certaines paraîtront peut-être cosmétiques, mais, si elles se mettent en place, elles amélioreront le processus électoral.
Le seul problème qui se pose est celui des délais. Nous sommes le 7 avril. Les présidents de groupe et les chefs de parti vont rendre leur copie le 8. Aucune décision ne sera prise avant le 14 avril, date à laquelle se tiendra le débat. Il y aura, ensuite, un délai de latence. L'échéance approche de plus en plus. Nous aimerions savoir le plus vite possible dans quelles conditions les Français seront mangés et à quelle sauce.
Certes, le rapport du conseil scientifique n'est pas parfait, mais il a le mérite de renvoyer le Gouvernement à ses responsabilités. On y trouve des choses intéressantes, notamment le vote par correspondance, qui est notre combat depuis presque une année. Notre collègue Éric Kerrouche a déposé une nouvelle proposition de loi, avec le soutien des membres de mon groupe, pour améliorer encore nos propositions.
Nous allons vivre une campagne dégradée. Le porte-à-porte sera très compliqué. Sur les marchés, l'accueil pourra s'avérer difficile...
L'abstention risque d'être extrêmement importante. Tout ce qui pourra être mis en oeuvre pour faciliter l'expression populaire doit être organisé, mais une très grande inquiétude subsiste sur la sincérité du scrutin.
Treize pays européens ont tenu ou vont tenir des élections malgré la crise sanitaire. J'espère qu'il n'y aura, chez nous, aucune manipulation ou instrumentalisation qui aboutira à un nouveau report de ces élections. Au reste, le 14 avril, c'est sur les conditions de mise en oeuvre des élections que nous débattrons. C'est en tout cas le sens de la lettre que le Premier ministre a envoyée aux présidents de groupe et aux chefs de parti. Il faudra tenir sur cette ligne. Je ne doute pas que, lors du débat du 14 avril, nous ferons très majoritairement en sorte de conformer notre expression démocratique à ce qu'attendent les Français, qui ne veulent pas un nouveau confinement de la démocratie.
M. Philippe Bas. - Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir exploité les rapports du Gouvernement et du conseil scientifique avec autant de réactivité.
L'abstention ne date pas de la covid : je rappelle que, au second tour des élections législatives de 2017, elle s'est élevée à plus de 57 %, un taux inédit. Cela ne signifie pas que la covid est sans incidence sur l'abstention. Nous savons, au contraire, que cette incidence est importante, mais, entre le risque de l'abstention et la manipulation à répétition du calendrier électoral pour des raisons qui ne seraient pas toutes d'ordre sanitaire, il nous faut préférer la tenue à date fixe des élections et la non-transgression d'une sorte de tabou démocratique. On n'imagine pas que le mandat du Président de la République puisse être prolongé au prétexte d'une crise sanitaire... C'est aussi le choix qu'ont fait les États-Unis et d'autres grands pays, et cela me paraît bien normal.
La situation actuelle implique des précautions particulières pour le déroulement du vote et des contraintes particulières pour la campagne. Rappelons que tous les candidats seront à égalité devant ces contraintes nouvelles, qui ne seront donc pas discriminantes.
Ainsi, il est toujours permis de frapper à la porte de nos concitoyens, même si nous risquons d'être encore plus mal reçus que d'habitude... Au demeurant, dans le monde rural, les élections cantonales ne remplissent pas les salles, sauf pour les plus populaires d'entre nous !
Toutes les propositions pratiques sont les bienvenues. Le président de notre commission en a fait l'inventaire. J'incite toutefois à une certaine prudence sur la proposition tendant à faciliter les réunions. Si l'on permet que trente personnes puissent se réunir dans le cadre de la campagne électorale, on risque de se faire mal voir. Je crois qu'il faut distinguer entre la période du confinement et celle qui suivra, mais, de façon générale, il me semble que, pour les réunions, il vaudrait mieux s'aligner sur le droit commun que demander une dérogation pour les campagnes électorales.
À rebours, il faudrait desserrer certaines contraintes durant le confinement. Par exemple, peut-on franchir la limite des 10 kilomètres pour aller faire campagne ? Faut-il remplir une attestation et, si oui, quelle case faut-il cocher ? Il faudrait permettre au candidat de se déplacer dans la circonscription, qu'il s'agisse de la région ou du département. J'aimerais que cette proposition soit ajoutée à celles qui seront éventuellement rendues publiques après notre réunion.
M. Éric Kerrouche. - La faculté de reporter la date des élections locales, qui n'existe pas pour l'élection présidentielle ni pour les élections législatives, tend à faire passer ces élections pour des élections périphériques ou peu importantes. Il faudra sans doute revenir sur cette possibilité.
Le rapport du conseil scientifique est byzantin : on peut l'interpréter de toutes les façons. Le rapport du Gouvernement est laconique et résigné, sans doute en raison de la rédaction du premier.
Dans la plupart des pays où des élections se sont tenues, la participation a parfois reculé, mais elle a aussi parfois été plus importante qu'escompté, en raison justement des mesures mises en place.
On ne peut écarter que la prime aux sortants sera plus importante en juin que d'habitude, mais elle existe toujours pour les élections locales : pour les oppositions locales, ce n'est jamais le bon moment pour tenir des élections.
Plus fondamentalement, on constate, depuis un an, une succession de bricolages et de non-décisions sur les sujets électoraux. Il faut bien entendu faire des suggestions au Premier ministre, mais nous sommes désormais à deux mois du scrutin ! Le Gouvernement n'a jamais pris au sérieux le calendrier électoral et les difficultés susceptibles de se poser dans le cadre de la pandémie, comme si la dimension démocratique n'était pas aussi importante que les autres aspects de la vie quotidienne. Pour tirer une épine du pied du Gouvernement, on organise aujourd'hui une espèce de concours Lépine sur la moins mauvaise façon de tenir ces élections. Nous aurions pu y réfléchir avant.
Le conseil scientifique regrette que le vote par correspondance n'ait pas pu être instauré. Nous avons également refusé l'étalement du vote. Il est regrettable que le Sénat n'ait pas davantage pris l'initiative, notamment au travers de sa mission d'information sur le vote à distance, dont vous étiez le rapporteur, monsieur le président. S'il l'avait fait, la situation serait sans doute plus simple aujourd'hui.
Pourquoi l'audition de Mme Schiappa qui a été annulée n'a-t-elle pas été reprogrammée ? Pourquoi n'a-t-il pas été possible d'entendre M. Delfraissy ? La rédaction du rapport du conseil scientifique laisse à penser que son audition aurait pu être utile.
M. François-Noël Buffet, président. - C'est un problème d'agenda qui a empêché d'entendre M. Delfraissy.
L'audition de Mme Schiappa a été annulée en raison du débat qui a eu lieu la semaine dernière. Nous allons essayer de la reprogrammer, mais la charge de travail de la commission et les délais extrêmement contraints rendent la question de l'agenda très compliquée.
M. François Bonhomme. - Nous avons reporté les élections dans un contexte où nous espérions pouvoir tenir un scrutin dans des conditions normales. Le moins que l'on puisse dire est que l'on peut aujourd'hui avoir des doutes sérieux sur la réunion de ces conditions...
À l'époque, nous nous étions réjouis des mesurettes prises, en elles-mêmes tout à fait respectables, mais dont nous savions déjà qu'elles seraient insuffisantes si le contexte sanitaire général ne s'améliorait pas.
Au-delà de l'organisation du scrutin, la question principale porte sur la campagne électorale. La campagne est un élément substantiel d'une élection. Or la liberté de réunion est aujourd'hui particulièrement contrainte, puisque l'on ne peut pas réunir plus de six personnes. Les conditions actuelles ne permettent donc pas d'assurer le plein exercice des droits du candidat.
Je ne suis pas sûr que le rapport Debré soit à la hauteur de l'enjeu : doubler la taille des photographies ou des textes des professions de foi ne suffira pas à atteindre les électeurs que l'on ne peut atteindre aujourd'hui dans des conditions normales. Il ne faudrait pas que de telles mesures nous cachent l'essentiel.
Dans l'histoire politique française, jamais des élections à venir ne se sont tenues dans de telles conditions. À quasiment deux mois de l'échéance, une incertitude majeure plane. D'ailleurs, même si les dates d'élections sont confirmées, les conditions de préparation des candidats seront affectées.
L'autre chimère est l'idée qu'une campagne 2.0 pourrait se substituer à une campagne traditionnelle. Je ne reviens pas sur l'erreur originelle d'avoir redécoupé les régions, mais je vous laisse imaginer ce que signifie faire campagne dans d'aussi grandes régions que l'Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui, quand deux mois ne suffisent déjà pas en temps normal.
Je vois mal comment de nouvelles règles relatives à la campagne officielle, notamment le renforcement de la couverture médiatique et l'organisation de débats par des chaînes publiques, pourraient pallier la difficulté à laquelle nous nous heurtons... à moins que le Gouvernement n'ait l'intention de créer une antenne locale de France 3 dans chacun des cantons.
On nous oppose l'argument des treize pays qui ont organisé des élections, mais il y a également des pays qui ont dû modifier le calendrier des élections ! Au demeurant, la France a une stratégie vaccinale bien moins efficace que d'autres pays. Ce retard impacte clairement le calendrier prévisionnel.
Les propositions qui nous sont faites peuvent être tout à fait sympathiques, mais elles ont parfois un caractère baroque. Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il convient d'assurer non seulement les conditions normales des élections, mais aussi le principe d'égalité entre candidats, qui est un principe majeur des élections.
Il est vrai que la prime aux sortants, qui existe déjà en temps normal, sera ici largement renforcée. C'est un élément supplémentaire de crainte.
Je regrette l'impréparation du Gouvernement en la matière. On sent bien aujourd'hui qu'il est tétanisé. Il n'ose pas se prononcer parce que, s'il venait à proposer le report des élections dans la situation tout à fait hors norme que l'on connaît, cela mettrait en lumière son impréparation et ferait peser un soupçon de manipulation. Il n'empêche que les conditions de préparation des élections sont tout à fait anormales.
Mme Catherine Belrhiti. - Je ne comprends pas. Nous avons voté pour reporter les élections au mois de juin. Nous pouvons légitimement craindre des difficultés pour organiser les élections au mois de juin, mais nous les connaissions depuis très longtemps ! Nous savions très bien que les conditions seraient encore difficiles. La situation risque d'être la même au mois d'octobre, car on ne sait pas du tout où l'on va.
Voter ne sera pas la principale préoccupation de nos électeurs en juin, mais ce le sera certainement encore moins en septembre ou en octobre parce qu'il y aura eu les vacances entretemps. Faire campagne cet été paraît extrêmement compliqué. Essayer de reporter les élections en septembre ne sert donc strictement à rien.
Du reste, ceux qui se sont préparés à ces élections se sont déjà fait remarquer. Certains sont très présents sur le terrain sans être président de région. Ne leur faisons pas de mauvais procès.
Les médecins craignent que la covid ne reprenne à l'automne. Un nouveau report des élections paraît donc difficile. L'abstention n'en serait probablement que plus forte. Ne confinons pas la démocratie.
Mme Agnès Canayer. - Je suis convaincue que les élections doivent avoir lieu en juin et qu'un report ne ferait que repousser le problème. Nous avons montré que nous savons organiser des élections dans un contexte de pandémie, même s'il est vrai qu'il faut les encadrer.
L'organisation des élections dans les grandes villes requiert une énorme logistique, que nous avons déjà anticipée. Quand il faut trouver 600 bénévoles pour tenir 120 bureaux de vote, ce n'est pas au dernier moment qu'il faut s'y prendre !
Il ne faut pas mettre trop de contraintes aux organisateurs concernant les bureaux de vote. Il faut plutôt assouplir ces contraintes. Toute contrainte supplémentaire, tenant notamment à la vaccination, risque de rendre encore plus difficile l'organisation des élections.
Sur l'organisation de la campagne, qui est le coeur du sujet, il conviendrait que l'on pose des règles pour encadrer le phoning, notamment sur l'accès aux fichiers, les horaires d'appel et les dates jusqu'auxquelles on peut appeler les électeurs dans la perspective des élections.
M. François-Noël Buffet, président. - Je transmettrai le compte rendu de notre discussion au président du Sénat, qui doit lui-même rendre un avis au Premier ministre.
Il faut que les élections se tiennent. L'enjeu démocratique est important. Faisons en sorte qu'elles se déroulent dans les meilleures conditions possible compte tenu du contexte actuel.
Proposition de loi relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant le rapport de M. Thani Mohamed Soilihi sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Le rapport que je vous présente aujourd'hui porte sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique, déposée par notre collègue Éric Gold et inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du groupe RDSE.
Je tiens à remercier nos collègues du groupe RDSE de cette initiative, qui met en lumière un sujet qui concerne nombre de nos concitoyens, voire chacun et chacune d'entre nous.
La proposition de loi fait suite au rapport du 17 septembre 2020 de la mission d'information du Sénat sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique et a pour objet d'offrir une traduction législative à ses préconisations.
Je tiens d'emblée à indiquer que les travaux que j'ai conduits ont très largement corroboré l'actualité et la pertinence du constat opéré par cette mission : l'ancrage profond du numérique dépasse le simple défi technologique pour poser aujourd'hui d'importants problèmes de société.
Comme l'indique le rapport d'information, « 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et près d'un Français sur deux n'est pas à l'aise. Si la France est dans la moyenne européenne, la situation n'est pas satisfaisante. Les personnes en situation de handicap, qui représentent une personne en exclusion numérique sur cinq, subissent une double peine. Si les sites en ligne doivent être théoriquement accessibles, seulement 13 % de démarches administratives leur étaient, en avril 2020, réellement accessibles. »
Face à ce constat, le rapport formule quarante-cinq propositions, réparties en sept axes, afin de lutter contre ce phénomène sous tous ses aspects. Ces axes comportent notamment l'évaluation de l'exclusion numérique, le passage à une logique « 100 % accessible » et la construction d'une « éducation nationale 2.0 ».
De son côté, le Gouvernement a mis en oeuvre plusieurs mesures de soutien financier pour favoriser l'inclusion numérique, notamment à travers le plan de relance instauré pour faire face aux conséquences économiques et financières de la crise sanitaire actuelle : 120 millions d'euros sont ainsi consacrés dans ce plan à la numérisation des PME et des TPE.
Par ailleurs, pour garantir un accès physique des usagers aux administrations, le Gouvernement a également créé un réseau de maisons labellisées « France Services » (MFS), lesquelles vont progressivement remplacer les maisons de services au public créées en 2015. Ces structures sont des guichets uniques permettant aux citoyens de réaliser les démarches administratives relevant, par exemple, du ministère de l'intérieur, de la Caisse nationale des allocations familiales ou de l'assurance maladie. Elles assurent également un accompagnement numérique pour la réalisation des démarches en ligne. Au 1er février 2021, on comptait 1 123 MFS. L'objectif affiché par le Gouvernement est d'atteindre 2 000 MFS d'ici à janvier 2022, afin que chaque Français puisse accéder à une MFS à moins de trente minutes de son domicile.
En outre, le Gouvernement a développé la plateforme « Aidants Connect », qui facilite l'intervention d'un tiers pour accomplir des démarches en ligne pour le compte d'une personne en difficulté.
Afin de mettre en oeuvre les propositions du rapport d'information précité, la présente proposition de loi comporte 16 articles, répartis en quatre chapitres.
Le chapitre Ier traite de la détection des publics en difficulté. Les deux articles qu'il comporte tendent respectivement à mettre en oeuvre une étude biannuelle sur le sujet et à inclure une évaluation des compétences numériques dans le programme de la Journée défense et citoyenneté (JDC).
Toutefois, les travaux que j'ai conduits ont révélé que certaines études couvrent déjà le besoin exprimé à l'article 1er. Concernant l'article 2, les compétences numériques des élèves sont déjà évaluées au collège et au lycée et certifiées par le groupement d'intérêt public PIX, de sorte que l'évaluation lors de la JDC apparaîtrait surabondante. Elle poserait également certaines difficultés de mise en oeuvre pratique.
Le chapitre II s'intitule « Passer d'une logique de services publics 100 % dématérialisés à une logique de services publics 100 % accessibles ». Ses articles 3 et 4 tendent à modifier ou compléter le code des relations entre le public et l'administration afin de créer un « droit au guichet » et de permettre aux usagers du service public de choisir les modalités de correspondance avec l'administration ainsi que les modalités de paiement des services dématérialisés. Si je soutiens ces objectifs, je considère que l'intervention législative proposée ne permettra pas d'offrir de nouvelles garanties aux usagers, a fortiori en modifiant le code des relations entre le public et l'administration, dont les dispositions sont supplétives et ne s'appliquent qu'en l'absence de dispositions spécifiques. Il semble également aujourd'hui matériellement impossible de faire renaître un système 100 % papier en parallèle des démarches numériques.
Les difficultés d'accès effectif au service public résultent principalement des moyens humains et de l'organisation des services des différentes administrations concernées pour accompagner les publics en difficulté et des procédures spécifiques qui régissent chaque démarche. À cet égard, la manière la plus efficace d'agir pour le Parlement consiste non pas à légiférer, mais à user de ses pouvoirs de contrôle de l'action du Gouvernement, lesquels permettront d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre, notamment la mise en place des MFS.
L'article 5 tend à modifier les dispositions relatives au droit à l'erreur en précisant qu'elles s'appliquent aux démarches accomplies en ligne. Je constate que ces démarches entrent déjà dans le champ des dispositions existantes, mais qu'il serait opportun de couvrir explicitement les cas où l'erreur est commise par un tiers agissant pour le compte d'une personne qui n'est pas en mesure d'effectuer elle-même une démarche en ligne.
L'article 6 vise à créer un référentiel d'ergonomie des sites internet publics dont les modalités seraient définies par décret et qui s'imposerait aux administrations, le cas échéant sous astreinte. Il impose également diverses obligations relatives à l'organisation des sites internet. Enfin, l'article 7 prévoit la mise en conformité sous astreinte des moyens de communication des administrations avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées. Une souplesse serait néanmoins introduite pour les petites communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Je pense que ces deux articles vont dans le bon sens, sous réserve de quelques adaptations techniques.
Le chapitre III, intitulé « Financement de la politique d'inclusion numérique », comprend l'article 8, qui tend à créer un chèque « équipement numérique » à destination des ménages peu aisés et un fonds de lutte contre l'exclusion numérique, dont le financement serait prévu par l'article 9. Or cette mesure de financement ne peut relever que d'une loi de finances, en application de l'article 34 de la Constitution et de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
L'article 9 tend également à modifier la stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée à la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), qui est toutefois dépourvue de portée normative.
Enfin, le chapitre IV traite de l'accompagnement des usagers exclus de la dématérialisation des services publics. L'article 10 tend à élargir les compétences confiées à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin qu'elle établisse une cartographie de l'ensemble des lieux d'accompagnement des usagers du service public.
L'article 11 prévoit la création d'un référent en charge de l'inclusion numérique au sein de chaque EPCI. Je pense que cette création peut être opportune en fonction des situations locales, mais qu'il n'est pas pertinent d'en faire une obligation pour chaque EPCI. Il convient de faire confiance aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour s'adapter à leurs besoins propres.
L'article 12 tend à la prise en compte, aux côtés de l'illettrisme et de « l'innumérisme », de l'illectronisme parmi les priorités nationales en matière d'éducation prévues par le code de l'éducation. Cette modification n'aurait qu'une portée symbolique, puisque l'article L. 121-2 de ce code, que l'article 12 tend à modifier, ne possède lui-même qu'une portée normative limitée.
L'article 13 tend, d'une part, à rendre obligatoire la formation des enseignants des établissements d'enseignement supérieur en matière de numérique et, d'autre part, à prévoir que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation organisent la formation numérique des enseignants. Toutefois, cette dernière précision ne relève pas du champ que l'article 34 de la Constitution confie à la loi.
L'article 14 tend à créer une réduction d'impôt pour les PME égale à la moitié des dépenses engagées pour les formations aux outils numériques. Or cette mesure vient s'ajouter à l'ensemble de celles que le Gouvernement a récemment mises en place pour les PME, à hauteur de 120 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance.
Mes chers collègues, à l'issue des travaux que j'ai conduits, je ne pense pas que la commission des lois pourrait adopter un texte sans modifier profondément la proposition de loi dont elle est saisie. Comme vous l'aurez compris, plusieurs dispositifs ne relèvent pas de la loi ordinaire ou ne justifient pas une inscription au niveau de la loi au regard de l'article 34 de la Constitution. D'autres dispositions sont satisfaites ou en voie de l'être.
Par conséquent, je vous propose de ne pas adopter de texte afin que le texte initial de la proposition de loi soit examiné en séance.
M. Jérôme Durain. - Le troisième confinement national donne une illustration de l'enjeu de l'accès au numérique avec la continuité pédagogique pour nos enfants.
De manière générale, on voit bien que l'accès au numérique est devenu, dans cette période, une nécessité pour l'ensemble de nos concitoyens, notamment pour accéder aux services publics. L'ensemble de la crise sanitaire aura d'ailleurs été un formidable révélateur des inégalités sociales et territoriales en matière d'accessibilité au numérique et fait apparaître la nécessité d'une planification numérique à grande échelle et d'une politique structurelle de lutte contre l'illectronisme.
Bien que le Gouvernement et les services de l'État aient mis de nombreux outils à disposition, les formations en la matière ont été insuffisantes, si ce n'est totalement absentes, pour les agents de la fonction publique comme pour les usagers. Ainsi, 75 % des travailleurs sociaux doivent encore accompagner les usagers dans leurs démarches en ligne, sans compter les bénévoles des associations, qui pallient les carences de l'État liées à un manque évident d'ambition et de moyens.
Le rapport d'information intitulé Lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique de notre collègue Raymond Vall a souligné les faiblesses de la couverture territoriale, notamment dans de nombreux départements ruraux, en ce qui concerne la formation, mais surtout l'échec cuisant de l'accessibilité des sites internet aux personnes en situation de handicap, facteur d'exclusion supplémentaire et alarmant dans une crise où l'isolement est devenu la norme. Alors que la loi de 2005 prévoyait que 80 % des sites internet leur soient accessibles en 2011, seuls 13 % le sont en 2021.
L'État doit comprendre que la mobilité et l'accessibilité ne sont effectives que lorsqu'elles s'appliquent dans tous les domaines.
On peut observer que des industries innovantes, comme celle du jeu vidéo, se mobilisent pour rendre leur production accessible à tous, notamment aux personnes en situation de handicap, sans doute par conviction et empathie, mais aussi par intérêt. Les usages détournés des pratiques inclusives ont souvent des conséquences positives sur l'ensemble de l'industrie.
Par ailleurs, la dématérialisation progressive des services publics et administratifs n'a pas donné assez de garanties en matière d'accompagnement. Les mesures de cette proposition de loi sont autant de palliatifs de bon sens face à un passage effréné au tout-numérique.
La lutte contre l'illectronisme est un pari sur l'avenir pour les jeunes générations, qui doit être tenu par un investissement à la hauteur de l'enjeu. Cela induit un accès amélioré et plus égalitaire aux équipements informatiques pour les établissements scolaires, mais aussi des formations à l'utilisation des outils plus régulières et plus complètes. Cet accompagnement est également nécessaire en entreprise, notamment pour les TPE et PME, qui manquent parfois de moyens dans ce domaine. On sait bien maintenant que la maîtrise des outils numériques concerne tout le monde et qu'elle est devenue primordiale dans la compétitivité des entreprises.
Un point qui nous alerte concerne la sanction systématique des collectivités territoriales dont les sites internet ne respecteraient pas les normes d'accessibilité. Il nous paraît préférable de privilégier un accompagnement financier, matériel et technique accru, car nous connaissons la contre-productivité des amendes en série. Les politiques punitives peuvent desservir les objectifs initiaux. On voit bien déjà à quel point le règlement général sur la protection des données pose des difficultés d'application. Il ne faudrait pas plomber les efforts d'adaptation et de développement des collectivités en étant trop sévères.
Notre groupe prendra toute sa part au débat, en soulignant l'intérêt des mesures de la proposition de loi et en relevant, avec le rapporteur, que nous félicitons pour son travail, un certain nombre de lacunes.
Mme Catherine Di Folco. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et la justesse de son analyse.
Permettez-moi une petite malice. Ce matin, j'ai appris que le Gouvernement lançait la plateforme « Maprocuration », qui permet de déposer une demande de procuration en ligne. On peut se satisfaire de cette volonté de faciliter les choses... sauf qu'il faut se déplacer en gendarmerie pour concrétiser la démarche ! C'est à décourager les gens d'utiliser de tels systèmes.
Mme Muriel Jourda. - Je veux vous faire part d'une expérience de mon département que je trouve intéressante. Le conseil départemental est l'échelon territorial qui a le plus de contact avec des personnes en difficulté, au regard des compétences sociales qui sont les siennes.
Mon conseil départemental a mis en place un réseau des acteurs locaux, associations ou centres communaux d'action sociale (CCAS) qui se mobilisent pour lutter contre l'illectronisme. Lorsqu'un usager se présente à un guichet du département, une évaluation lui est proposée. S'il est en difficulté, un rendez-vous lui est immédiatement proposé auprès d'une structure existante. Cela permet de lutter contre l'illectronisme à partir de structures qui existent déjà.
Les initiatives locales existent. Cet exemple n'est sûrement pas isolé. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer et nous inspirer les uns des autres, pour ne pas voter une nouvelle fois des lois qui ne vont faire que rajouter de nouvelles structures et de nouvelles dépenses.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - J'accueille vos remarques avec intérêt. Elles vont dans le sens de ce que je préconise pour cette proposition de loi, qui pose de réelles questions.
Elles démontrent que la loi n'est pas une « baguette magique » qui va tout résoudre. Il faut aussi faire confiance aux collectivités territoriales, qui vont bénéficier de 20 millions d'euros d'aides de l'État pour faciliter la vie de nos concitoyens sur le plan numérique. Les chambres consulaires toucheront, elles, 10 millions d'euros.
En vue de la séance publique, le périmètre indicatif de ce texte, en application de l'article 45 de la Constitution, pourrait comprendre la détection et l'étude des personnes en difficulté face au numérique, les échanges et procédures numériques avec l'administration, les compétences numériques de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et des collectivités territoriales, la formation au numérique.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Puisque je propose de ne pas adopter le texte, je sollicite le retrait des amendements ou y émet, à défaut, un avis défavorable. Leurs auteurs pourront, le cas échéant, les redéposer en vue de l'examen du texte en séance.
Article additionnel après l'article 5
L'amendement COM-1 est retiré.
Article 8
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Article 11
L'amendement COM-2 est retiré.
Article 13
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Article 14
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Mme Brigitte Lherbier. - Ce texte présente l'intérêt de nous rappeler les difficultés dans l'accès au numérique, notamment concernant la justice. Le développement intensif du numérique en matière de justice intéresse le ministère de la justice, comme l'a tout particulièrement montré l'ancienne garde des sceaux, Mme Nicole Belloubet.
Il est toujours positif que nous attirions l'attention sur la situation des personnes, encore nombreuses - souvent les plus vulnérables -, qui n'ont pas de connaissances en matière numérique.
Je suis particulièrement satisfaite d'entendre que la dématérialisation des services publics, notamment juridiques, peut entraîner une déshumanisation, mais aussi un déséquilibre entre ceux qui ont les connaissances numériques et ceux qui ne les ont pas.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons le rapport de M. François Bonhomme sur la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste, déposée par MM. Mézard, Requier et d'autres collègues du groupe RDSE, inscrite à l'espace réservé de ce groupe.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Ce texte tend à apporter des modifications ciblées à la procédure de déclaration de parcelle en état manifeste d'abandon prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT). Il s'agit d'une procédure exorbitante qui permet aux communes d'accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux, au même titre que les dons et legs ou l'acquisition des « biens sans maître ».
La procédure de reconnaissance d'état manifeste d'abandon est originale, puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n'est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire, qui est invité à mettre fin à l'abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire. Le transfert de propriété n'intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s'exécute pas. En ce sens, il peut s'agir pour le maire d'une alternative intéressante aux mesures de police administrative spéciale en matière d'habitat insalubre ou d'immeubles menaçant ruine s'il souhaite, in fine, que la commune s'approprie le bien.
En l'état actuel du droit, cette procédure ne peut porter que sur certains biens. Le CGCT vise les immeubles, les parties d'immeubles, les installations, les terrains et les voies privées assorties d'une servitude de passage public. Ces biens doivent être localisés à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune, ce qui, selon la jurisprudence, exclut les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu'ils joignent immédiatement. Enfin, comme son nom l'indique, cette procédure ne concerne que les biens abandonnés, c'est-à-dire qui ne sont manifestement pas entretenus et sont dépourvus d'occupants à titre habituel.
L'abandon manifeste de la parcelle est constaté en deux temps. Dans un premier temps, le maire établit un procès-verbal provisoire d'abandon manifeste après avoir déterminé la parcelle concernée et identifié les titulaires de droits réels et autres intéressés. Ce procès-verbal fait l'objet d'une notification et d'une très large publicité. Si, dans un délai de trois mois, les propriétaires n'ont pas mis fin à l'état d'abandon ou ne se sont pas engagés à le faire, la procédure peut se poursuivre. Un procès-verbal définitif est alors établi par le maire, qui saisit le conseil municipal afin qu'il déclare la parcelle en état manifeste d'abandon en vue de son expropriation. Cette déclaration ne peut bénéficier qu'à la commune elle-même, un organisme y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement.
Cette démarche ne peut avoir pour objet que la construction ou la réhabilitation aux fins d'habitat ou tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement.
Dans l'hypothèse où le conseil municipal a déclaré la parcelle en état manifeste d'abandon, l'expropriation est mise en oeuvre selon une procédure simplifiée prévue par le CGCT.
Le maire constitue un dossier qui est tenu à la disposition du public pendant une durée minimum d'un mois afin qu'il puisse formuler d'éventuelles observations. Cette phase remplace d'une certaine manière l'enquête publique mise en oeuvre dans le cadre des procédures habituelles d'expropriation. Si le dossier n'est pas constitué dans les six mois suivant le procès-verbal définitif déclarant l'état manifeste d'abandon ou si le maire le demande, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou du conseil départemental peut poursuivre la procédure. À la suite de celle-ci, le préfet prend un arrêté qui déclare l'utilité publique du projet. Le transfert de propriété se fait alors selon les règles de droit commun du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
L'article unique de la proposition de loi tend à introduire des modifications ponctuelles au sein de la procédure que je viens de décrire.
La première vise à supprimer la condition selon laquelle le fonds concerné doit se situer à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune. La procédure pourrait donc concerner des biens sis sur l'ensemble du territoire communal.
La deuxième serait de permettre à la commune de prévoir, dès le stade du procès-verbal définitif, que l'expropriation se fasse au profit d'un EPCI sans attendre le stade de la constitution du dossier.
Enfin, la dernière tendrait à étendre les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon par le conseil municipal, mais, ensuite, à restreindre ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à expropriation simplifiée. Seuls les projets en lien avec l'habitat pourraient alors ouvrir droit à expropriation simplifiée, avec, le cas échéant, la possibilité de constituer une réserve foncière en ce sens.
Je vous propose de souscrire à la volonté de l'auteur de la proposition de loi afin de simplifier cette procédure pour en améliorer l'efficacité. Ce souhait est d'ailleurs partagé par le Gouvernement, puisque l'article 18 de l'avant-projet de loi « 4D » contient des mesures allant en ce sens.
Je suis très favorable à la suppression de l'exigence relative au périmètre d'agglomération de la commune, qui facilitera l'accès des communes au foncier de leur territoire. Cette suppression permettra également de reconnaître l'abandon de parcelles isolées, notamment lorsqu'elles se situent à l'entrée de certaines villes ou de certains villages.
En outre, la suppression de ce critère permettrait aux communes ou aux EPCI d'utiliser cette procédure pour créer des locaux techniques en lien avec les compétences qu'ils exercent, à l'extérieur des centres-bourgs. Nous aurions tort de ne pas nous saisir de cette opportunité.
Je suis également favorable à ce que la commune puisse faire bénéficier l'EPCI de l'immeuble exproprié dès le début de la procédure, sans remettre en cause la possibilité qui lui est laissée de « reprendre » une procédure engagée par une commune, mais qui ne serait pas conduite à son terme.
En revanche, je ne suis pas favorable à la modification technique qui tendrait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à une expropriation simplifiée. Je ne pense d'ailleurs pas qu'elle aille dans le sens recherché dans l'exposé des motifs, puisqu'elle limite les cas permettant une expropriation simplifiée aux seuls projets en lien avec l'habitat.
La jurisprudence nous montre que, avec le droit actuel, un conseil municipal peut déclarer une parcelle en état manifeste d'abandon pour construire, par exemple, un chantier naval en passant par une expropriation simplifiée, puisqu'il s'agit d'un projet d'intérêt collectif. Avec la proposition de loi, ce projet pourrait toujours donner lieu à une déclaration d'état manifeste d'abandon, mais il faudrait passer par une expropriation classique, car le projet n'est pas en lien avec l'habitat. La procédure de déclaration d'état manifeste d'abandon perdrait tout son sens pour ce type de projets.
Aussi, je vous présenterai un amendement qui revient sur cette modification procédurale tout en reprenant la possibilité de mettre en oeuvre la procédure pour la création de réserves foncières, comme la proposition de loi le préconise.
Dans la mesure où cette proposition de loi ne concerne que la procédure de déclaration de parcelles en état d'abandon, je vous propose de considérer que les amendements qui pourraient être déposés en séance ne devront concerner que cette seule procédure, à peine d'irrecevabilité.
EXAMEN DES ARTICLES
M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement COM-1 tend à revenir sur les dispositions de la proposition de loi qui élargiraient la catégorie des projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon, mais restreindraient ensuite ceux de ces projets ouvrant droit à la procédure d'expropriation simplifiée.
Une telle démarche ferait perdre l'intérêt de cette déclaration dans les cas où elle n'ouvrirait pas droit à une expropriation simplifiée.
En outre, le présent amendement vise à ouvrir cette procédure à la constitution de réserves foncières, permettant que l'ensemble des projets faisant l'objet d'une telle déclaration donnent lieu à une procédure d'expropriation simplifiée.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Brigitte Lherbier. - La constitution d'une réserve pour une localité semble tout à fait intéressante, surtout s'il y a danger manifeste et abandon de propriété.
Un problème se pose quand on ne connaît pas les propriétaires du lieu abandonné. La recherche des héritiers, après un décès, peut être longue. Ne pensez-vous pas que les notaires s'opposeront au fait que l'on s'attaque ainsi à la propriété privée de quelqu'un ? Je pense qu'ils peuvent être frileux sur de telles dispositions.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Cette situation est déjà prévue par le code. En effet, il arrive que des communes aient les plus grandes difficultés à trouver les propriétaires de biens en état d'abandon manifeste.
En l'état actuel du droit, une fois la procédure enclenchée, l'affichage vaut notification passé le délai légal. Tant pis pour le propriétaire que l'on n'a pas réussi à retrouver... Il faut bien avancer.
M. François-Noël Buffet, président. - Le texte sera examiné en séance le 14 avril prochain.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire
M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons à examiner les amendements au texte de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qui sera examiné cet après-midi en séance.
Ces amendements, déposés par nos rapporteurs et par le Gouvernement, sont purement formels et ne posent pas de difficulté particulière.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DES RAPPORTEURS
Article 24
La commission adopte l'amendement rédactionnel n° 7.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU GOUVERNEMENT
Article 22
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 2.
Article 27 ter
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 1.
Article 31 ter
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 4, sous réserve de sa rectification par le Gouvernement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous attendons encore les amendements relatifs à l'outre-mer. Ils ne devraient pas poser de difficulté. Nous les étudierons attentivement d'ici à leur examen en séance tout à l'heure.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous émettrons un avis en séance à leur sujet.
Projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement - Audition de représentants de l'association des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat « Les 150 »
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous entendons ce matin trois représentants de l'association Les 150, qui réunit les anciens membres de la Convention citoyenne pour le climat : Mme Mélanie Blanchetot et MM. Victor Costa et Grégoire Fraty. Notre audition est retransmise en direct sur le site internet du Sénat.
La création de la Convention citoyenne pour le climat résulte d'une initiative du Président de la République, annoncée le 25 avril 2019, au lendemain du Grand débat national. C'est la première fois qu'était expérimentée, en France et à l'échelle nationale, cette forme de démocratie dite participative qui repose sur la réunion d'assemblées de citoyens tirés au sort, de manière à assurer leur représentativité statistique.
La Convention a été investie d'un rôle consultatif, sur un sujet précis : « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990 », selon les termes de la lettre de mission du Premier ministre.
L'organisation de la Convention a été confiée au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Un comité de gouvernance - constitué de personnalités qualifiées dans les domaines du climat, de la démocratie participative et des questions économiques et sociales, ainsi que de représentants du ministère de la transition écologique - a été mis en place pour accompagner la Convention.
Après huit mois de travaux, la Convention a adopté le 21 juin 2020 un rapport qui formule 149 propositions.
Il s'agit d'une première, qui répond à la volonté exprimée par de nombreux concitoyens de participer de manière plus directe et continue à l'élaboration des décisions qui les concernent. C'est tout particulièrement le cas dans un domaine aussi complexe et transversal que la protection de l'environnement. La Charte de l'environnement, adoptée à l'initiative du président Jacques Chirac, avait d'ailleurs consacré le droit de toute personne « de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
Toutefois, le sujet qui nous occupe aujourd'hui concerne la traduction, dans notre ordre juridique, des propositions faites par la Convention citoyenne pour améliorer la gouvernance de la transition écologique.
À cet égard, la Convention a formulé quatre principales recommandations qui nécessiteraient une révision de la Constitution.
Elle a d'abord proposé de modifier le préambule de la Constitution pour y ajouter une nouvelle règle de conflit entre principes constitutionnels : « La conciliation des droits, libertés et principes (...) ne saurait compromettre la préservation de l'environnement, patrimoine commun de l'humanité. »
La Convention a également recommandé de modifier l'article 1er de la Constitution pour y ajouter un alinéa aux termes duquel : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique. »
Pour renforcer le contrôle des politiques environnementales, la Convention propose de créer un Défenseur de l'environnement sur le modèle du Défenseur des droits.
Enfin, elle appelle à réformer le CESE en y incluant des membres tirés au sort et en renforçant ses compétences consultatives.
M. Victor Costa, membre de l'association des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. - Je suis autoentrepreneur dans la désinfection et la dératisation, en Bourgogne, près de Saint-Fargeau.
Nous souhaitons mettre en évidence le rôle des ressources et des équilibres naturels qui, comme l'énonce le préambule de la Charte de l'environnement, « ont conditionné l'émergence de l'humanité ». On y lit aussi que « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel », et qu'« afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Qu'adviendrait-il si les ressources venaient à manquer et si les équilibres étaient rompus ? Les ressources sont-elles finies ou infinies ?
Il semble raisonnable de penser qu'il ne peut y avoir de ressources infinies dans un monde fini et il faut donc obliger l'État à agir et lui rappeler son obligation de résultat : c'est pourquoi nous avons choisi de formuler notre proposition avec le verbe d'action « garantir ».
Nous voulons inclure la notion de climat - absente de la Charte de l'environnement - dans la Constitution, réaffirmer la protection de la biodiversité, rendre la jurisprudence plus explicite pour le législateur, et réaffirmer voire renforcer la Charte de l'environnement par une double inscription dans la Constitution.
Notre proposition est soutenue par des organisations non gouvernementales, des constitutionnalistes et des parlementaires. Elle est acceptable par la société. Sa force réside dans sa concision.
Le projet gouvernemental se rapproche de notre proposition, mais l'emploi du verbe « agir », qui n'a pas de sens juridique, n'est pas satisfaisant : le verbe « garantir », qui renvoie à une obligation de résultat, est plus fort.
La République française doit protéger l'environnement et la biodiversité, dans le respect des générations futures.
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Permettez-moi de vous préciser que le projet du Gouvernement reprend bien le terme « garantir ».
M. Grégoire Fraty, membre de l'association des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. - En effet.
Pour ma part, je suis un citoyen normand de la Convention citoyenne pour le climat.
Notre proposition, certes élaborée à partir de différentes propositions de la fondation Nicolas-Hulot, du Gouvernement et de constitutionnalistes, est une construction nouvelle. C'est un symbole positif : le citoyen s'intéresse aussi à la Constitution.
Les termes utilisés - « garantir », « lutte » - sont forts ; nous les avons pesés et soupesés, après de nombreuses auditions : experts, élus, scientifiques, constitutionnalistes, etc.
Nous avons écarté des propositions trop ambitieuses - inscription de la notion de « limites planétaires » ou du principe de non-régression - afin d'aboutir à un consensus au sein de la Convention. Nous espérons que cet équilibre fera ensuite consensus au niveau parlementaire, puis à l'étape référendaire.
La notion de climat est malheureusement absente de la Charte de l'environnement et ce texte constitue un bloc difficilement maniable par les juridictions : nous avions donc besoin d'un outil juridique supplémentaire.
L'aspect symbolique de notre proposition ne doit pas être un contre-argument : l'écologie doit animer chaque Français, au même titre que le drapeau bleu-blanc-rouge ou la Marseillaise.
Mme Mélanie Blanchetot, membre de l'association des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. - Merci de nous recevoir. Je suis cadre dans l'événementiel ; j'ai 37 ans et j'habite dans les Hauts-de-Seine. Je suis une citoyenne lambda, pas spécialement militante.
Notre proposition n'est pas révolutionnaire, sa formulation est raisonnable. Mais le terme « garantir » est important pour éviter tout greenwashing institutionnel.
Permettez-moi de partager avec vous une note de Mme Marie-Anne Cohendet, professeure de droit constitutionnel et de l'environnement à la Sorbonne, sur les risques de l'inscription - et de la non-inscription - d'une telle disposition à l'article 1er de la Constitution.
Il y aurait tout d'abord le risque d'ouvrir une boîte de Pandore, qui existe pour n'importe quelle révision constitutionnelle et quel que soit l'article de la Constitution concerné ; mais l'action en faveur de la préservation de l'environnement et la lutte contre le changement climatique sont déjà anciennes et sont dictées par l'urgence.
Deuxième risque d'une telle inscription : transformer l'article 1er en un catalogue ; mais il est souhaitable que les principes fondamentaux soient régulièrement adaptés et enrichis en fonction des grands changements de société.
Enfin, M. David Boyd, rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'environnement auprès de l'Organisation des nations unies, a montré que dans tous les pays où de telles dispositions avaient été adoptées, les craintes initiales s'étaient révélées infondées : cette nouvelle norme ne sera pas plus floue que nos principes de liberté, d'égalité ou de laïcité ; aucun pays n'a vu ses juridictions paralysées par un flot de contentieux ; les tribunaux français ont appliqué la Charte de l'environnement avec beaucoup modération ; ces dispositions ne porteront pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux, car le juge constitutionnel veille à les concilier entre eux, avec des limitations qui ne peuvent être que justifiées et proportionnées, sans porter d'atteinte excessive à d'autres droits ; l'économie n'a pas été ruinée et les entreprises n'ont pas été paralysées, elles ont été incitées à s'adapter et c'est plutôt le changement climatique qui les menace.
L'absence d'inscription de ce nouveau dispositif à l'article 1er de la Constitution - et son inscription à l'article 34 - présente aussi des risques : un risque de restreindre au seul Parlement le pouvoir de définir les axes d'action ; un risque de désillusion, les citoyens pouvant se sentir floués ; un risque que les dispositions, n'étant pas imposées par la Constitution, dépendent du Parlement et non plus du peuple ; un risque qu'elles soient remises en cause au premier changement de majorité politique ; un risque de dénonciation de l'Accord de Paris ; et enfin un risque que la France perde sa place de leader mondial sur ces thématiques.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci de votre présence et de vos travaux. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. est mobilisée sur cet enjeu et tâche de trouver des solutions pour être efficace, afin que les lois inutiles n'affaiblissent pas les lois nécessaires.
Quelle est la genèse de votre proposition ? En 2018 et 2019, des propositions de phrases assez similaires avaient déjà circulé.
L'article 6 de la Charte de l'environnement prévoit que le développement durable concilie la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social, sans hiérarchie entre ces trois principes. Or votre proposition crée une hiérarchisation. Quels sont les effets juridiques attendus de votre proposition ? Qui avez-vous auditionné ? Le monde économique a-t-il été entendu par la Convention ?
Mme Dominique Vérien. - Comment votre réflexion s'est-elle articulée entre écologie et économie ? Avez-vous rencontré les syndicats agricoles et les représentants des entreprises pour évaluer l'impact de votre proposition ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Je me présente : Jean-Pierre Sueur, citoyen. Nous sommes tous des citoyens.
Je ne suis pas convaincu de la nécessité d'ajouter des phrases au texte de la Constitution alors que l'on aurait pu compléter la Charte de l'environnement.
Je me souviens que Robert Badinter avait regretté que le principe de précaution ne soit pas défini. En vertu de ce principe, nous devrions peut-être renoncer à certains vaccins ; mais alors la maladie va se répandre... Tout n'est pas noir ou blanc.
En cas de conflit entre deux principes constitutionnels, vous souhaitez que la conciliation opérée ne puisse porter atteinte à la préservation de l'environnement. Mais pourquoi n'accorderait-on pas une prééminence du même ordre à la lutte contre la grande pauvreté, par exemple ? On a trop longtemps méconnu la préoccupation environnementale, mais elle doit toujours être articulée avec les préoccupations liées à l'humanité : l'homme fait partie de son environnement.
Vous préconisez que des membres du CESE soient tirés au sort. Sachez que nous sommes quelques-uns ici à avoir des réticences sur ce mode de désignation. La démocratie, ce sont des gens qui se présentent et se font élire sur la base d'un projet. Comment justifier le caractère contingent et hasardeux du tirage au sort ? Après huit mois de travail, quel regard portez-vous sur la démocratie classique et sur cette démocratie qui est le fruit du hasard ? Faudrait-il aller jusqu'à tirer au sort nos représentants à l'Assemblée nationale et au Sénat ?
M. Alain Marc. - Je vous remercie de votre présence. Vous êtes-vous intéressés aux questions d'aménagement du territoire ? Mon département, l'Aveyron, a connu l'exode rural : les gens continuent à s'agglutiner en ville... Tous les dix ans, c'est l'équivalent d'un petit département français qui est artificialisé. Pour rééquilibrer les territoires, il faut autoriser les maires des départements ruraux à construire.
Ne risque-t-il pas d'y avoir une contradiction entre votre proposition et le projet de loi 4D ?
Mme Muriel Jourda. - Comment avez-vous été désignés pour venir au Sénat ? Par élection, tirage au sort, ou par un autre mode de désignation ?
Monsieur Costa, vous avez parlé d'une obligation de résultat. Quelle est donc, d'après les informations que vous avez obtenues, la part anthropique du réchauffement climatique ?
Enfin, Mme Blanchetot nous a cité une professeure de droit constitutionnel selon laquelle il ne faut pas craindre d'ouvrir avec ce texte une boîte de Pandore. Or nous avons entendu la semaine dernière trois professeurs nous exposer chacun un avis différent sur le sens que le Conseil constitutionnel pourrait donner aux termes retenus par le Gouvernement dans son texte, ce qui montre bien que l'on ne peut avoir à ce sujet aucune certitude. Dans ces conditions, est-il vraiment raisonnable de l'adopter ?
Mme Françoise Gatel. - Je vous remercie de votre présence, de votre engagement et de vos travaux. Je suis citoyenne-sénatrice. J'ai une vraie vie et suis élue locale en Ille-et-Vilaine, où j'ai longtemps été maire.
Nous sommes conscients de la nécessité de préserver les ressources pour transmettre notre planète à nos successeurs. Le concept de développement durable qui repose sur trois piliers - environnemental, social-sociétal et économique - est très intéressant, mais il faut que ces trois piliers se tiennent.
La France est déjà engagée dans la protection de l'environnement : la Charte de l'environnement existe ; elle est adossée à la Constitution ; des décisions de justice ont été prises sur son fondement.
Le terme « garantir » emporte une obligation de résultat. Avez-vous réalisé une étude d'impact de votre proposition ? Avez-vous auditionné des élus ?
Je m'interroge sur le « zéro artificialisation » : plus question de prendre un seul hectare de terre agricole pour construire une usine ou des logements, ni de construire une ligne de chemin de fer pour désenclaver un territoire. Demain, ne risque-t-on pas d'aboutir au blocage, par des décisions de justice, de toute action visant pourtant l'intérêt général ?
Mme Cécile Cukierman. - Je vous remercie de votre présence ce matin. Sur Terre, nous sommes les seuls à nous préoccuper de notre survie, de celle des autres êtres vivants et de la planète. Mais cette réflexion est indissociable de la question de l'aménagement du territoire où vivent les femmes et les hommes de notre pays. Avez-vous pu mesurer toutes les conséquences de votre proposition sur notre vie quotidienne ? Nous devons transmettre la planète aux générations futures dans l'état le moins dégradé possible, mais il faut aussi faire vivre ensemble des individus sur leur territoire.
Veillons en outre à ne pas limiter la recherche et le progrès qui permettront à nos activités humaines d'être, demain, plus respectueuses de l'environnement et du climat.
M. Mathieu Darnaud. - Je partage les propos tenus par l'ensemble de mes collègues. Votre diagnostic sur la dégradation de l'environnement fait largement consensus. Mais, dans quelques semaines, le législateur va débattre de différenciation entre nos territoires. Ceux-ci présentent en effet des spécificités : les problématiques rurales ne sont pas celles que l'on rencontre dans le tissu urbain, et les problématiques du littoral ne sont pas celles des territoires de montagne. De fait, il est difficile d'imposer à l'ensemble de nos territoires des dispositions qui s'appliqueraient en tout lieu de manière absolument uniforme. Je vois là un écueil majeur, une contrainte qui empêcherait toute forme d'agilité, alors même que les différents mouvements sociaux de ces dernières années, et notamment celui des gilets jaunes, rappellent la nécessité de trouver un point d'équilibre entre l'activité économique et la protection de l'environnement. En élevant certaines de vos propositions au rang constitutionnel, je crains que nous ne fassions que contraindre encore un peu plus et imposer une application uniforme et rigide des règles à l'ensemble de nos territoires. La Charte de l'environnement, comme l'a rappelé Françoise Gatel, est adossée à la Constitution et permet la différenciation et l'agilité nécessaires.
M. Guy Benarroche. - Je suis élu des Bouches-du-Rhône et souhaite essentiellement écouter les membres de la Convention citoyenne. D'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer certains d'entre eux - rien n'est plus facile, dans nos territoires ou en visioconférence. Je ne partage pas la plupart des choses qui ont été dites par mes collègues. Je considère pour ma part qu'il est temps de passer à un autre rythme, au niveau législatif, au niveau constitutionnel, et en termes d'actions menées. Tous les moyens peuvent être étudiés pour y arriver. Une transition, un changement réel de la société, des modes de production et de consommation est aujourd'hui nécessaire. Nous ne sommes pas dans la situation où nous nous trouvions au moment de la promulgation de la Charte de l'environnement. Vous savez tous à quel point la situation de notre planète et de la biodiversité, de même que le changement climatique, ont évolué depuis. De jour en jour, ce combat et cette lutte deviennent plus urgent.
En dehors de ce projet de loi constitutionnelle, estimez-vous utile de faire figurer dans la loi la notion d'écocide ? Comment comptez-vous faire pour permettre aux députés et aux sénateurs, lorsqu'ils débattront de la loi sur le climat, d'adopter une grande partie des mesures que la Convention citoyenne a préconisées ?
M. Grégoire Fraty. - Vous avez évoqué le tirage au sort et la question de la légitimité des citoyens que l'on est ainsi allé chercher. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, nous avions un rôle consultatif et non décisionnel. Nous n'avons pas cherché à en avoir un autre : nous nous sommes tenus à une posture de co-construction avec les représentants élus. Certes, nous avons préconisé que siègent au CESE des citoyens tirés au sort, parce que, pour l'avoir expérimenté, nous pensons que le tirage au sort est une beau mode de démocratie participative, voire délibérative, qui permet aux citoyens qui ne s'impliquent pas, qui ne veulent pas s'impliquer ou qui n'ont pas le temps de s'impliquer, de participer à la vie de la cité. De fait, cela conduit à aller chercher des gens en très grande précarité, qui ne sont pas forcément diplômés, des mères au foyer, bref des gens qui ne vont pas forcément se présenter à des élections ou être militants dans un parti politique. Je crois en la démocratie représentative et en nos représentants élus, mais je crois aussi qu'on peut adjoindre à ces derniers des citoyens qui sont là pour leur faire des propositions, pour les conseiller, pour apporter autre chose - en somme, pour être la cerise sur le gâteau institutionnel.
Avec M. Costa, nous siégions dans le groupe « Se loger » et avons donc beaucoup parlé des problématiques d'artificialisation des sols, sur lesquelles nous avons fait plusieurs propositions. Nous avons pris en compte tous les acteurs locaux. Certains d'entre nous sont d'ailleurs maires de très petites communes. Nos propositions visent à tendre vers le zéro artificialisation, selon une temporalité bien définie et avec des logiques de compensation, que nous avons pensées à l'échelle des schémas de cohérence territoriale (SCOT), et que le projet de loi place à celle des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Certaines communes ont artificialisé tous leurs champs : c'est le cas de la mienne, une petite commune normande. Le schéma de cohérence, pour nous, est l'élément central. Nous ne voulons pas freiner toute artificialisation et tout développement. Il faut réfléchir en fonction des besoins des territoires, mais aussi du besoin de préservation de la biodiversité, qui n'a rien d'accessoire et doit être central - le faire figurer parmi les valeurs de la République à l'article 1er de la Constitution permettra d'ailleurs de souligner son importance.
Nous avons auditionné des acteurs économiques, des élus, dont vous pouvez retrouver la liste sur le site de la Convention citoyenne. En tout, nous avons rencontré entre 200 et 250 intervenants. Nous les avons vus une seconde fois pour leur soumettre nos propositions. Nous avons en outre été accompagnés dans notre travail, grâce aux moyens du CESE et à ceux de l'État. Tous ces intervenants avaient d'ailleurs, parfois, des avis très divergents. Ils nous ont aidés à construire nos propositions, en cherchant le consensus. Nous-mêmes, les 150 citoyens, avions des dissensions entre nous, puisque nous comptions dans nos rangs aussi bien un pilote de ligne qu'une personne en très grande précarité, qui dormait dans la rue. Nous avons pris en compte tous les champs, tous les acteurs, autant que possible.
Vous, les sénateurs, êtes des citoyens, personne ne le nie. Mais nous proposons un référendum, pour poser la question à tous les citoyens. Ce que nous demandons au Sénat, à l'Assemblée nationale, ce n'est pas de changer la Constitution, c'est de faire cette proposition aux Français, pour que ceux-ci, derniers juges, décident si, oui ou non, ils veulent y aller. Votre travail préparatoire est très important, car il ne faut pas que des propositions farfelues soient proposées au référendum ni qu'il y ait des référendums tous les quatre matins. Nous souhaitons demander à 45 millions d'électeurs s'ils pensent que la hiérarchie entre les valeurs doit être modifiée, et s'il faut aller vers la garantie de la préservation de la biodiversité, de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. Il y aura un temps très important d'éducation, de sensibilisation, de formation à la question climatique. Ce sera un temps d'appropriation collective. Ainsi, les Français pourront se donner une direction et faire un choix eux-mêmes.
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Mme Jourda demandait comment, tous les trois, vous aviez été choisis pour venir devant nous.
M. Grégoire Fraty. - À l'issue de la Convention citoyenne, après huit mois de travaux, nous avons constitué une association, qui s'appelle « Les 150 ». Entre 120 et 130 citoyens sur 150 y ont adhéré - preuve que le citoyen engagé, quand on est allé le chercher par tirage au sort, continue ensuite à s'engager ! Cette association compte douze groupes thématiques, et nous faisons partie du groupe consacré à la Constitution, dont M. Costa et moi sommes les animateurs. Nous avons fonctionné par consensus pour savoir qui serait le plus apte à répondre à vos questions, et nous voici !
Mme Muriel Jourda. - Vous n'êtes donc pas les dirigeants de cette association.
M. Grégoire Fraty. - Non. J'en ai été le coprésident, mais ne le suis plus.
M. Victor Costa. - Je vais vous faire part de mon avis global. Le dérèglement climatique, la perte de biodiversité : on en tient compte, ou pas ? Je n'arrête pas de me battre, sur les réseaux sociaux avec des gens qui ne veulent pas y croire. Or nous sommes à un tournant, et il faut faire des choix sur notre rapport à l'autre et à la politique - dont nos concitoyens commencent à se détourner. Nous-mêmes nous sommes fait avoir : nous avons fait des propositions, il ne devait pas y avoir de filtres, et on sait comment tout s'est passé. Dès le début de la Convention, autour de moi, on me demandait pourquoi je m'échinais à y participer, puisque tout serait démonté à la fin. J'ai voulu y croire, et espéré qu'il n'y aurait pas de filtres. Tout a été filtré. On ne peut pas continuer comme cela, et on ne peut pas continuer à nier que nous avons des problèmes.
Limiter le réchauffement à 2 degrés, c'est maintenant impossible - M. Jancovici, enseignant à Mines ParisTech, le dit clairement. Bien sûr, nous devons continuer à vivre normalement et à développer nos activités. Mais il faut prendre tous les enjeux en compte. Tous les jours, on voit les glaciers fondre et des espèces disparaître. Or le monde ne nous appartient pas, nous en faisons partie : nous sommes composés des mêmes atomes qu'une plante, une pierre, un arbre... Il faut adapter nos modes de vie. On peut continuer à construire, mais avec des matériaux renouvelables ! On sait que le ciment est émetteur de CO2. Bref, il faut prendre en compte tous les paramètres, progressivement, mais assez vite, car nous n'avons pas tout le temps non plus. Sinon, continuons comme à présent, et nous verrons bien à quel moment nous suicider. Mon frère me dit qu'il s'en fiche, que dans un certain nombre d'années il ne sera plus là. On peut voir les choses comme ça. Mais moi, j'ai des enfants, qui auront des enfants. On ne peut pas choisir de n'en faire qu'à sa tête pendant encore 20 ou 30 ans, quoi qu'il arrive ensuite !
Mme Mélanie Blanchetot. - En tant que citoyens tirés au sort, nous n'étions pas là pour écrire les lois : c'est votre travail ! Nous étions là pour dire ce qui nous paraît acceptable par la société. D'ailleurs, nous n'avons pas repris tout ce qui nous a été proposé. Sur la démographie, par exemple, il ne nous a pas paru acceptable de légiférer. Taxer la viande ne nous a pas davantage paru opportun. J'ai découvert l'intelligence collective de citoyens qui venaient de tous horizons. Chacun ayant une vie différente pouvait dire quels seraient pour lui les impacts des mesures envisagées.
Moi qui n'avais pas conscience de l'urgence climatique, comme beaucoup de mes concitoyens, j'ai vraiment pris une claque. Mais j'ai aussi appris que la transition écologique et la lutte contre le dérèglement climatique sont une opportunité ! Elles ne doivent pas être vues comme quelque chose qui va tout bloquer et tout paralyser : c'est une opportunité à saisir, et si la France ne la saisit pas, d'autres pays le feront.
J'entends dire que cela bloquerait les innovations. Oui, les innovations néfastes, mais pas celles dont les conséquences auront été réfléchies. Nous voulons développer des industries d'avenir et protéger nos entreprises pour qu'elles soient plus résilientes, pas paralyser notre économie. Moi-même, je me suis demandé s'il fallait changer la Constitution. On dit aussi que les entreprises vont toutes se délocaliser. Nous en avons beaucoup discuté, et nous nous sommes beaucoup renseignés. En fait, les industries du futur, ce sont les entreprises respectueuses de l'environnement. C'est en protégeant nos terres, nos sols et nos eaux qu'on assurera la survie de nos industries et de notre agriculture. Au sein du groupe « Se nourrir », nous avons eu des débats contradictoires avec Greenpeace, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et le directeur de Système U. Il y avait de l'ambiance ! Ces débats ont alimenté notre réflexion. En tous cas, nous avons bien pris en compte l'économie, et nous n'avons pas voulu mettre l'écologie au-dessus de tout. D'ailleurs, les libertés demeurent égales : le juge devra les concilier. Si nous ne faisons rien, la France s'expose à des condamnations dans quelques années, par l'Europe ou dans le monde.
Le terme « garantir » figure déjà dans la Constitution, où il est écrit que la République garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et le loisir. J'ai donc un peu de mal à comprendre pourquoi il y a un tel blocage sur ce point. Vous évoquez la liberté d'entreprendre. La liberté, c'est faire ce qui ne nuit pas à autrui. La liberté d'entreprendre, cela n'a jamais été de polluer et de porter atteinte à l'environnement. Pour autant, il n'est pas question d'arrêter toute industrie.
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Allez-vous, au moins, nous laisser rêver ? Je dis cela en plaisantant, car je partage une grande partie de tout ce que vous dites. Mais les enjeux environnementaux ne doivent pas devenir bloquants pour le développement. En fait, il s'agit plus d'une clarification que d'une véritable opposition : les enjeux que vous exposez tous les trois, je suis intimement convaincu que nous les partageons tous ici. Mais en tant que législateurs et constituants, nous devons faire du droit. Lorsque vous dites que tout ce qui est dans la Constitution est d'égale valeur, vous avez raison. Le terme « garantit », pour vous, impliquerait une obligation de résultat. Ailleurs dans la Constitution, il désignerait comme une obligation de moyens. La question est de savoir comment, lorsqu'il se prononcera, le Conseil constitutionnel interprétera la notion de garantie. Les notions d'obligation de moyens ou de résultat n'ont guère de place dans sa jurisprudence, car il n'a pas une vision civiliste des choses.
M. Grégoire Fraty. - Ne vous inquiétez pas, nous allons bien vous laisser rêver ! Même, on peut rêver de voler dans des avions verts : je crois qu'Airbus et Safran travaillent sur le sujet.
Sur ces notions juridiques, nous sommes tout à fait d'accord avec vous, et nous avons eu ce débat. Pour ma part, j'étais partisan au départ d'un terme comme « agir », par exemple, sans doute moins malléable juridiquement. Nous avons choisi le terme « garantit » parce que, selon nous, il crée une obligation de moyens et une quasi-obligation de résultat, pour reprendre les termes du Conseil d'État. Pour nous, il n'y a pas de quasi-dérèglement climatique, on ne va pas vivre sur une planète quasi-polluée ! Il va falloir agir, mettre les moyens. Pour cela, il faut que l'État s'engage. Nous voulons créer une obligation d'avancer, d'aller vers le mieux, vers le meilleur. Nous pensons que cette proposition n'a de sens que si elle est proclamée par 47 millions d'électeurs français. D'où l'idée d'un référendum, car cela donnera un poids politique à ce changement. On a vu beaucoup d'écologie d'incantation, et l'on constate que cela ne mène guère à des améliorations - ou alors, trop lentes. Un tel coup de pied aux fesses démocratique permettrait de signifier que les Français veulent aller vers des résolutions fortes, avec une obligation de moyens et une quasi-obligation de résultat, parce qu'ils ont pris conscience qu'il y a urgence.
Mme Catherine Di Folco. - Je souhaite réagir aux propos de M. Costa sur les élus, qui me chagrinent beaucoup, d'autant qu'ils reflètent sans doute ce que pensent beaucoup de gens. Il y a des milliers et des milliers d'élus, notamment locaux, qui se démènent au quotidien pour assurer la qualité de vie de leurs concitoyens. Ce sont des gens honnêtes, vraiment très honnêtes, et ils se heurtent aussi, parfois, à des difficultés administratives, ou se voient opposer des refus comparables à ceux que vous avez essuyés avec vos propositions. Nous aussi, d'ailleurs, nous sommes des citoyens, comme vous, nous venons aussi de la société civile, pas de Mars ! Nous avons presque tous été maires - c'est comme cela qu'on prend connaissance des affaires - et nous mettons du coeur à ce que nous faisons, comme les milliers d'élus locaux qui se lèvent tous les matins pour faire tourner leur commune : ils y vont avec les tripes ! Il serait donc bon que le regard change un peu, car nous en souffrons tous, alors que nous nous engageons et prenons des responsabilités, au quotidien, pour le bien-être des autres - pas le nôtre.
M. Victor Costa. - Lorsque nous avons commencé à travailler sur l'article 1er, les journaux disaient que le texte ne passerait jamais et qu'il serait bloqué au Sénat, le Sénat étant de droite. Évidemment, quand on lit des choses pareilles, on se dit que rien ne sert à rien, que tout est joué. Mais ce ne sont pas les journaux qui font les lois ! C'est bien à vous de décider !
M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - C'est pour cela que vous êtes venus ici ce matin, et je vous en remercie. L'examen du projet de loi en commission est prévu le 5 mai, et le texte sera débattu en séance publique la semaine suivante.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 30.