Lundi 29 mars 2021
- Présidence de M. Pierre Ouzoulias, président -
La réunion est ouverte à 15 h 20.
Table ronde sur le logement des étudiants
M. Pierre Ouzoulias, président. - Je remercie les intervenants de participer à notre table ronde sur le logement des étudiants.
Le Sénat a mis en place une mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, à l'initiative du groupe de l'Union centriste, pour établir un bilan des conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de vie des étudiants et le déroulement des études, dresser un état des lieux de la situation du monde étudiant indépendamment de la crise et réfléchir aux mesures susceptibles d'être mises en oeuvre pour améliorer la condition étudiante. Nos préoccupations s'inscrivent donc dans la durée, au-delà des conséquences immédiates de la crise.
Nous accueillons M. Tommy Veyrat, délégué national de l'Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes (Cllaj), réseau d'associations de soutien aux jeunes dans leur projet de logement ; Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU), accompagnée de Mme Zoé Chaloin, chargée de mission - la FNAU, en lien avec l'Association des Villes Universitaires de France que nous rencontrerons le 15 avril, a contribué au développement d'observatoires territoriaux du logement étudiant - M. Thierry Bégué, directeur général du Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) de Paris, qui dispose de 7 750 places de logement réparties dans soixante-dix-neuf résidences universitaires ; M. Philippe Campinchi et Mme Anne Gobin, délégué général et secrétaire générale de l'Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires) qui regroupe les principaux acteurs de la profession, accompagnés de M. Amette Dieye, directeur général de Twenty Campus, spécialisé dans la gestion de résidences avec services pour étudiants ; enfin, M. Philippe Lengrand, vice-président, et M. Frédéric Lauprêtre, directeur de la stratégie patrimoniale d'Action Logement groupe, qui attribue 42 % de ses logements à des jeunes de moins de trente ans.
M. Laurent Lafon, rapporteur. - Les sujets auxquels s'intéresse notre mission d'information sont effectivement larges. Pourriez-vous tout d'abord présenter l'offre de logement pour les étudiants et nous indiquer comment elle a évolué ces dernières années, tant en volume qu'en coût pour les résidents ? Le sujet est ancien, mais nous avons le sentiment qu'il ne progresse guère... Comment se répartit la population étudiante selon le type de logement ? Comment l'offre de logement pour les étudiants s'adapte-t-elle à la croissance soutenue de la population étudiante ? Le Gouvernement a lancé un plan de construction de 60 000 logements à échéance 2022 : sa mise en oeuvre est-elle satisfaisante ?
Concernant ensuite les dispositifs d'aides au logement dont peuvent bénéficier les étudiants, quelle appréciation en faites-vous ? Leurs règles d'attribution et leur montant sont-ils adaptés à la situation des étudiants ainsi qu'aux problématiques des territoires sous tension ? Que pensez-vous de la réforme du calcul des aides personnalisées au logement (APL) en temps réel ? Quels effets aura-t-elle pour les étudiants ? Quelle est votre opinion sur la pertinence des autres dispositifs ?
Mon troisième thème concerne les conséquences de la crise sanitaire. Quels en sont les principaux effets pour le logement des étudiants, tant pour les étudiants eux-mêmes que pour les gestionnaires de résidences et les bailleurs de logements ? L'offre et les conditions de logement ont-elles été affectées ? Avez-vous observé une augmentation des impayés ? Quelle appréciation faites-vous des décisions prises par le Gouvernement pour le logement des étudiants dans le cadre de la crise sanitaire ?
Enfin, en matière d'aménagement du territoire, comment convient-il d'orienter la construction : près des campus ou de manière plus diffuse ? Les métropoles, zones tendues, doivent-elles être privilégiées ou faut-il, au contraire, déconcentrer le logement étudiant vers les villes de taille moyenne ?
M. Thierry Bégué, directeur général du Crous de Paris. - Le spectre de vos questions apparaît effectivement très large.
Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) gère, au travers des vingt-six Crous de métropole, 175 000 logements avec l'objectif de loger prioritairement les 750 000 étudiants boursiers et de contribuer à l'attractivité internationale des campus. De fait, l'accueil international représente 20 % à 25 % des effectifs des locataires.
Le Crous de Paris est confronté à un double défi. Le premier est d'ordre qualitatif : nous disposons encore de chambres dont la surface ne correspond plus aux standards. Grâce au plan de relance et aux crédits de contractualisation, nous devrions les avoir intégralement réhabilitées d'ici trois ou quatre ans. Le second défi est quantitatif : la dynamique de mise en oeuvre du plan de 60 000 logements lancé par le Gouvernement est insuffisante. Seuls 6 000 ont été produits depuis 2018.
Nous vous transmettrons plusieurs propositions en faveur du logement des étudiants. Les montages actuels ne sont pas adaptés à la construction de résidences intégrant des lieux de convivialité, dont la crise a prouvé toute l'importance. Il convient de faciliter l'accès au foncier public : les règles de domanialité apparaissent trop complexes et ne favorisent pas un accès à moindre coût. Il paraît également nécessaire de simplifier le dispositif juridique du marché de partenariat avec les bailleurs sociaux créé par l'ordonnance de 2015 relative à la commande publique. En raison de sa complexité, aucun marché de ce type n'a été lancé, ce qui freine la production de logements.
Les efforts en matière de construction doivent être ciblés sur les zones en tension pour y développer une offre à loyer modéré. La diversification du public logé par les Crous me semble également importante. Nous avons, pendant la crise, obtenu une dérogation pour l'accueil en court séjour qu'il conviendrait de maintenir pour nous permettre d'accueillir des jeunes non étudiants dans des logements vacants.
Nous n'avons pas suffisamment de recul pour juger des conséquences de la réforme des aides au logement. Il y a, effectivement, des étudiants qui y gagnent et des perdants. Quoi qu'il en soit, les aides au logement ne doivent pas être intégrées aux ressources permettant d'accéder à d'autres dispositifs, notamment en matière de formation, au risque de créer des effets pervers.
Le Crous de Paris a été au rendez-vous de la crise sanitaire grâce à la mobilisation de ses équipes et de ses travailleurs sociaux. Nous avons exonéré nos résidents de loyer pendant le premier confinement, puis établi un gel pour les années 2020 et 2021, compensé par l'État. Nous avons également nommé 80 étudiants référents, donc la fonction devrait être pérennisée, pour accompagner les étudiants les plus isolés. Enfin, nous avons mobilisé la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) pour financer des animations virtuelles et, à hauteur de 400 000 euros, un accompagnement psychologique des étudiants.
M. Tommy Veyrat, délégué national de l'Union nationale des Cllaj. - Je vous livrerai un point de vue plus général puisque les Cllaj s'occupent de l'ensemble des jeunes de seize à trente ans, qu'ils soient étudiants ou pas, même si le public étudiant fréquente de plus en plus nos comités. Longtemps, le logement a été vecteur de stabilisation et de protection. Avec la crise, il est également source de fragilisation et se révèle indispensable à l'indépendance des jeunes.
Si près d'un tiers des étudiants bénéficie d'une bourse, le montant moyen apparaît assez faible. De fait, l'échelon 7, dont le montant est proche de celui du revenu de solidarité active (RSA), ne concerne que 7 % des boursiers. La majorité des étudiants boursiers occupe donc un emploi, dont nous savons qu'il représente la principale cause d'échec universitaire. La raréfaction de l'emploi étudiant du fait de la crise sanitaire fait des APL une source de revenus massive : un tiers des bénéficiaires du dispositif est étudiant. Les APL apparaissent particulièrement efficaces en matière de réduction de la pauvreté, mais le dispositif souffre, depuis 2018, d'une sous-indexation chronique qui conduit à une augmentation du reste à charge. La réforme de la contemporanéité a un impact négatif sur les jeunes, mais les étudiants sont épargnés grâce au système de l'abattement forfaitaire.
Le Cnous gère effectivement un parc de 175 000 logements dont, compte tenu du nombre d'étudiants - 2,7 millions - la vocation reste majoritairement très sociale. Toutefois, l'amélioration de la qualité des logements proposés a conduit, malgré le gel appliqué sur le dernier exercice, à une augmentation des loyers.
Sous le quinquennat précédent, un plan de 40 000 logements étudiants a été mis en oeuvre, mais seulement 48 % des nouvelles constructions ont été confiés en gestion aux Crous. L'offre de logement semble donc peu lisible aux étudiants. Un problème similaire se pose avec le plan de 60 000 logements lancé par l'actuel Gouvernement, sans compter que l'effectivité de la production promise demeure incertaine.
Reste donc le parc privé, premier vecteur du logement étudiant, particulièrement dans les zones tendues, où les loyers pour les petites surfaces sont pourtant élevés. Les politiques de régulation, en effet, ne sont pas à la hauteur : l'encadrement des loyers prévu par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, a été rendu inopérant à force de recours administratifs et l'expérimentation locale permise par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) n'est mise en oeuvre que dans quelques métropoles. Quant à la garantie locative « Visale », elle ne présente hélas pas un caractère universel.
La crise sanitaire n'a pas créé celle du logement étudiant ; elle a accru les difficultés existantes en matière d'offre et de demande. Le recul du revenu des étudiants, voire de certains parents, aggrave également la situation. Il convient, à court terme, de mobiliser les APL pour améliorer la solvabilité des étudiants dans le domaine du logement et, à plus long terme, de mieux réguler le parc privé et de renforcer la production de logements sociaux pour tous les publics et dans tous les territoires, y compris les plus excentrés.
M. Philippe Lengrand, vice-président d'Action Logement groupe. - Action Logement intervient pour le logement des jeunes à travers cinq dispositifs : la garantie Visale, l'aide à la mobilité, les attributions locatives, le financement et la production de résidences.
En 2019, 45 000 attributions locatives ont bénéficié à des jeunes de moins de trente ans, étudiants, alternants et apprentis. Quelque 72 000 alternants reçoivent une aide à la mobilité de dix à cent euros par mois dans la limite d'un plafond de ressources correspondant au SMIC. La garantie Visale est accordée à des jeunes de dix-huit à trente ans pour couvrir, auprès de leur bailleur, le risque d'impayé et de dégradation. Elle concerne des étudiants et des alternants logés dans le parc privé ou dans le parc public, y compris dans un logement géré par un Crous, dans la limite d'un loyer de 800 euros en Île-de-France - 600 euros ailleurs - et de neuf mensualités. Elle s'est révélée plus essentielle encore avec la crise : après des débuts timides, le dispositif a explosé en 2020. Depuis 2016, la garantie Visale a bénéficié à 400 000 ménages, dont 55 % d'étudiants. Parmi ces derniers, 17 % occupent un emploi salarié et 7 % travaillent en alternance : un quart des jeunes bénéficiaires du dispositif de garantie ont un lien avec l'emploi, contre 40 % en moyenne nationale. Action Logement répond donc aux difficultés de logement rencontrées par les étudiants les plus modestes.
Les grands pôles universitaires et d'emploi concentrent très fortement l'activité de Visale : l'Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et l'Occitanie représentent à elles seules la moitié du dispositif.
Deuxième point : la production de logements étudiants sociaux. L'État s'est fixé l'objectif de créer 10 000 logements étudiants sociaux pour l'année 2021, 60 000 logements étudiants et 20 000 logements destinés aux jeunes actifs sur l'ensemble du quinquennat. Action Logement est au coeur de cette opération : dans le cadre de la négociation entre partenaires sociaux et État qui s'est conclue au mois de février par la signature d'un avenant, de nouvelles lignes de financement exceptionnelles sont prévues. L'objectif de production de 10 000 logements locatifs sociaux étudiants se traduit par l'attribution de 75 millions d'euros de subventions et de 145 millions d'euros de prêts.
Troisième axe : nous développons une offre de logement étudiant via notre filiale Action Logement immobilier. Nous détenons 200 structures destinées aux jeunes en formation, soit plus de 22 000 logements, et nous sommes présents sur de nombreux campus universitaires, par exemple à l'Essec.
Nous essayons d'innover, sachant que les besoins et les usages en matière de logement étudiant évoluent fortement. Action Logement travaille avec des écoles de design ou d'architecture pour imaginer le logement étudiant de demain.
Deux types d'action, donc : une action de services via notre filiale Action Logement services, qui met en oeuvre des dispositifs d'aide autour des impayés notamment ; une politique immobilière gérée par notre filiale Action Logement immobilier, qui finance la production de logements à l'adresse des étudiants.
M. Frédéric Lauprêtre, directeur de la stratégie patrimoniale d'Action Logement groupe. - On observe quelques freins techniques à la production de logements sociaux destinés aux jeunes. Il existe tout d'abord une concurrence entre les différents programmes de logement social : pour l'emporter sur d'autres programmes, la production de résidences universitaires financées en PLS ou PLUS doit convaincre les collectivités locales. En particulier, il faut rappeler qu'au regard du quota SRU, ces résidences universitaires PLS ou PLUS sont bien décomptées comme les logements sociaux ordinaires. Ce sont seulement quelques rares résidences universitaires, qui ne sont pas financées en PLS et qui ne sont pas conventionnées à l'APL, dont les CROUS sont maître d'ouvrage, qui échappent au décompte SRU et peuvent rencontrer des difficultés.
On observe également des traitements différenciés en fonction des gestionnaires de logements étudiants pour ce qui est de la réduction de loyer de solidarité (RLS).
Par ailleurs, le PLS octroyé par la Caisse des dépôts s'avère extrêmement cher comparé aux autres modes de financement proposés par les banques commerciales.
M. Pierre Ouzoulias, président. - Je rappelle que cette mission d'information comprend des membres de toutes les commissions du Sénat ; nos collègues de la commission des affaires économiques auront entendu vos observations.
Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU). - Notre réseau s'intéresse à la question du logement des étudiants et nous travaillons sur ce sujet en lien notamment avec des associations de collectivités, la Conférence des présidents d'université (CPU) et avec l'Association des villes universitaires de France (AVUF).
Commençant à travailler sur ce sujet voilà cinq ans environ, nous nous étions aperçus qu'il était souvent périphérique pour les collectivités et pour les établissements ; les choses ont beaucoup évolué depuis. Notre objectif était de mettre autour de la table au niveau local les collectivités, les établissements et les acteurs du logement dans leur diversité. Nous avons accompagné l'émergence d'observatoires locaux ; il en existe maintenant trente-cinq. Nous avons publié un guide leur donnant des indicateurs communs.
Première chose à retenir : les modes de logement sont très diversifiés. Les résidences dédiées, qu'elles soient sociales ou privées, représentent seulement 12 % des logements des étudiants. Il faut donc s'intéresser à tous les segments du logement étudiant. Beaucoup d'étudiants sont dans le parc social classique et, plus encore, dans le parc diffus ; il faut travailler sur leur parcours résidentiel. À ce titre, la garantie Visale est une avancée significative.
Les situations sont très diversifiées également d'un contexte géographique à un autre : en Île-de-France, où la décohabitation est très tardive, les problématiques diffèrent largement de celles que l'on rencontre dans des agglomérations moyennes - Villes de France, qui les représente, est associée à nos travaux. Nous constatons par ailleurs que la frontière est de plus en plus ténue entre logement des étudiants et logement des jeunes actifs.
L'essentiel pour nous est de mettre à l'agenda des collectivités, des établissements et des acteurs du logement cette question du logement étudiant afin de promouvoir des solutions adaptées à la diversité des contextes locaux et de rapprocher l'offre et la demande.
Mme Zoé Chaloin, chargée de mission à la Fédération nationale des agences d'urbanisme. - Selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), au niveau national, 12 % des étudiants vivent en résidences dédiées, 33 % d'entre eux sont cohabitants, le reste se logeant dans le parc diffus.
Nous constatons une disparité territoriale qui dépend de nombreux facteurs : stratégie des bailleurs sociaux et des opérateurs privés, caractère tendu ou détendu du marché du logement. Le regard global que nous adoptons nous permet d'observer les choix des étudiants en tenant compte des types de formation. Un étudiant qui suit une formation courte ou étudie dans une université de proximité aura ainsi tendance à rester chez ses parents les premières années ; si le bassin de recrutement est plus large, les étudiants seront moins fréquemment cohabitants. Il y a donc une vraie réflexion à avoir sur les périmètres de recrutement, qui sont liés aux offres de formation.
Le logement étudiant dépend aussi des stratégies des collectivités territoriales, qui décident ou non de construire des résidences étudiantes et choisissent de recourir à tel ou tel type d'opérateurs en fonction des réalités locales.
Un autre élément doit être pris en compte : le profil sociologique des étudiants, et notamment le taux de boursiers ou d'étudiants internationaux, ces publics étant confrontés à des problématiques spécifiques.
Nous avons pu observer que les collectivités préféraient en général la mixité urbaine, sociale et générationnelle à la concentration de l'habitat étudiant « à l'américaine », sur ou en bordure des campus.
Nous nous sommes rendu compte également que les difficultés de logement touchaient en particulier les étudiants internationaux qui viennent en France hors contrat. Ils représentent le public le plus vulnérable - ils arrivent à la rentrée, au moment où l'offre n'est plus très abondante, et n'ont pas toutes les clés pour se repérer dans la très grande diversité de l'offre. Je citerai un autre public qui intéresse beaucoup les territoires : les étudiants alternants en stage ou dans les filières de santé, dont le parcours demande souvent, sur une année, d'enchaîner ou de cumuler plusieurs logements.
Sur la crise sanitaire, nous n'avons pas encore assez de recul pour vous donner des éléments spécifiques ; nous avons néanmoins constaté que les étudiants qui en avaient la possibilité étaient rentrés chez leurs parents pendant les différents confinements ; ce sont les étudiants internationaux ou ceux qui n'ont pas pu retourner au domicile de leurs parents qui ont eu le plus de difficultés à payer leur loyer.
Nous envisageons de travailler, dans un avenir proche, autour de trois chantiers : la promotion d'un nouveau modèle plus modulable permettant la mixité des publics ; l'intégration du logement étudiant dans les projets structurants des espaces en reconversion ou en renouvellement urbain ; la construction de nouveaux modèles de résidences portés par les offices fonciers solidaires.
L'observation est l'outil qui nous permet d'anticiper sur les pratiques et les besoins de demain - je ne prendrai qu'un exemple : l'offre de formation à distance aura-t-elle un impact sur le logement ?
M. Philippe Campinchi, délégué général de l'Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires). - Le segment du secteur du logement étudiant que représente l'Aires repose sur des offres en résidences dédiées d'habitat social et/ou privé - aujourd'hui, l'exigence de mixité répond à une demande des territoires et des établissements visant à renforcer leur attractivité.
L'offre disponible dans le parc des résidences dédiées est de 375 000 logements, soit 14 % du logement étudiant. Selon des chiffres gouvernementaux, 896 des 3 358 résidences existantes sont exploitées par les Crous, 2 490 par les autres exploitants ; autrement dit, 6 % des étudiants sont logés dans les 175 000 logements des Crous, 2,2 % dans les 60 000 logements du parc social et 5,1 % dans les 140 000 logements du parc privé des résidences dédiées. Les offres de logement étudiant en habitat social se sont particulièrement développées ces dix dernières années, 58 % des logements étant exploités hors Crous. L'habitat étudiant privé se répartit entre des logements construits par des investisseurs particuliers, qui ont mobilisé leur épargne populaire via des dispositifs fiscaux, et des investisseurs « en bloc ».
Trois remarques sur l'habitat privé. Premièrement, la présence d'étudiants boursiers dans les résidences privées est trop souvent occultée. Deuxièmement, le profil type des 100 000 Français qui investissent dans les résidences pour étudiants ne correspond pas à la France des grandes fortunes, mais à celle des classes moyennes. Troisièmement, les résidences pour étudiants ne sont pas produites en Corée et les 10 000 emplois du secteur ne sont pas délocalisables au Maroc.
Il n'existe aucune base de données nationale sur les loyers étudiants. Nous pouvons simplement dégager des tendances générales. J'en citerai quatre. Premièrement, le montant maximal de la garantie Visale agit positivement sur le montant des loyers. Deuxièmement, les résidences conventionnées appliquent la réglementation du logement social. Troisièmement, la crise du covid-19, freinant l'arrivée d'étudiants internationaux, a entraîné, dans les résidences qui accueillaient principalement des étudiants américains ou chinois, une baisse des loyers. Quatrièmement, dans le parc privé, lorsque l'offre augmente, les loyers suivent une tendance à la baisse.
L'offre de logements pour étudiants est structurellement insuffisante. Elle ne permet ni d'accompagner la démocratisation de l'enseignement supérieur ni de développer de nouvelles mobilités, qu'elles soient liées au succès d'Erasmus ou à celui de l'apprentissage dans le supérieur. En quinze ans, le rythme universitaire a profondément évolué. Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les parlementaires avaient inventé, en 2017, un dispositif dérogatoire et expérimental autorisant le court séjour. Un rapport devait être remis au Parlement en janvier 2020, ce qui n'a toujours pas été fait. Cette situation incompréhensible agit comme un facteur d'insécurité juridique et économique pour les exploitants.
C'est le nombre de logements plus que l'accès à l'information qui manque aujourd'hui ; certains spécialistes évoquent un manque de 250 000 logements. L'Aires sera toujours aux côtés des étudiants et de leurs organisations, dont la première d'entre elles, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), pour dire que les APL sont insuffisantes.
Deux questions cruciales devraient faire l'objet de mesures simples : celle du mois de carence et celle de l'égalité de traitement entre les résidences conventionnées. Les règles ne sont ni transparentes ni justes. À loyer égal, un étudiant ne reçoit pas le même montant selon qu'il fait une demande d'APL pour une résidence conventionnée gérée par le Crous ou pour une résidence conventionnée gérée par une association.
L'impact positif des aides fiscales de l'État contribue à l'égalité territoriale des conditions d'étude des étudiants, sachant que les investisseurs en bloc, institutionnels ou non, hésitent à aller à Nevers ou Limoges ; ce sont donc les particuliers qui se mobilisent pour nos villes moyennes.
Pour les exploitants, la situation est préoccupante sans être dramatique. En mars 2020, nous nous étions insurgés contre les propos de Mme Frédérique Vidal qui avait suggéré aux étudiants de quitter leur résidence universitaire, laissant croire que les résidences, qui sont leur habitat principal, n'étaient pas des lieux sécurisés. Cette crise a révélé que les étudiants apprécient les résidences, qui sont pour eux un écran de protection.
Le niveau des impayés s'est stabilisé, mais certaines situations ne trouvent aucune solution. Le Gouvernement n'a pris, pour amortir ce choc, aucune mesure de portée générale à destination des étudiants : en matière de logement, de simples mesures partielles, qui ne concernent que les Crous. L'Aires a décidé de travailler à la création d'un fonds de dotation pour aider les étudiants hébergés dans le parc des résidences hors Crous.
Aujourd'hui, la détresse sociale étudiante constitue une urgence vitale. La crise étudiante ne touche pas seulement les 6 % de jeunes logés au sein du parc des Crous. C'est la nation étudiante tout entière qui a besoin du soutien de la République. Or le pilotage du logement étudiant est en panne ; il a perdu en 2019 toute dimension interministérielle, et nous sommes confrontés à un fonctionnement en roue libre sans impulsion ni régulation. Chaque année, des objectifs sont fixés, des crédits réservés ; les objectifs ne sont pas atteints et les crédits ne sont pas tous consommés. Année après année, on recommence en appelant à la mobilisation... Pour avancer, il serait opportun d'instaurer une médiation comme outil de recours entre l'État et les parties prenantes. L'Aires a donc demandé qu'une mission d'urgence sur ce sujet soit confiée à des parlementaires.
Vous nous interrogez sur le foncier universitaire. Un protocole d'accord a été signé en octobre dernier entre la CPU, l'Union sociale pour l'habitat (USH) et le Cnous ; ni Action Logement, ni l'Aires, ni la Conférence des grandes écoles, ni l'AVUF n'ont été sollicités. Qui peut croire que la gestion du logement étudiant puisse reposer sur le seul opérateur public ? Il faut une mixité de solutions d'hébergement pour répondre à des besoins divers. Refuser de le comprendre, c'est l'échec assuré.
Enfin, il est temps de reconnaître les spécificités des résidences pour étudiants, et nous espérons que votre rapport apportera une pierre à l'édifice. La crise du covid-19 est une invitation à moderniser certaines règles. Ainsi faudrait-il ériger internet et les espaces de coworking au rang de services fondamentaux ; ainsi faudrait-il traiter enfin la question des charges et des prestations - je fais référence au III de l'article L. 442-8-1 du code de la construction et de l'habitation -, dont les dénominations varient en fonction des exploitants.
L'Aires a retenu quatre propositions majeures : création d'un foncier dotationnel ; financement des espaces collectifs ; établissement d'un plan global de déploiement de réseaux de fibre optique dans les résidences ; développement de la construction industrielle comme réponse à la crise. Il nous paraît impératif également de renforcer le pouvoir d'achat des étudiants en valorisant l'engagement ou l'emploi étudiants dans les résidences et en impliquant le service civique dans l'accompagnement au logement.
Peut-on rêver de résidences satellites de l'université ou de grandes écoles ? Ne pourrait-on pas imaginer que les résidences deviennent partie intégrante de « campus augmentés » ? Cette hypothèse ne paraît pas aussi fantaisiste qu'on pourrait le croire. Si les exploitants de résidences n'ont pas vocation à pallier tous les manquements des établissements d'enseignement supérieur, ils sont les mieux placés pour offrir des lieux et des espaces complémentaires - ceux qui le souhaitent pourraient même développer des ressources propres afin d'augmenter leur attractivité.
M. Pierre Ouzoulias, président. - Merci, monsieur Campinchi, pour vos propos.
M. Laurent Lafon, rapporteur. - J'ai été maire d'une ville moyenne d'Île-de-France ; je me souviens très bien d'une réunion organisée voilà vingt ans en préfecture du Val-de-Marne et du message très fort lancé alors par le représentant de l'État : « Il faut construire du logement étudiant ! ». Vingt ans plus tard, les constats et les problèmes sont les mêmes ; on a vraiment l'impression, avec cette question du logement étudiant, d'être face à un mur.
M. Pierre Ouzoulias, président. - Je donne la parole à notre collègue Laure Darcos, sénatrice de l'Essonne.
Mme Laure Darcos. - Dans mon département se trouve le plateau de Saclay. C'est un projet de très grande envergure : il ne s'agit pas simplement de logements étudiants, mais d'un ensemble de lieux de vie, qu'on essaie de construire. Vous n'avez pas beaucoup parlé des infrastructures sportives. Il faudrait que ceux qui s'occupent des logements étudiants gèrent également les structures annexes, qui font aussi partie de la vie des étudiants. Et la ligne 18 aurait dû être prioritaire sur l'ensemble de la région parisienne, pour amener les étudiants le plus facilement possible sur le plateau. Je voulais aussi vous interroger sur le logement chez l'habitant. Quelle proportion représente-t-il ? On dit qu'il est plus fréquent en province. J'ai été contactée par des associations qui mettent en relation propriétaires et locataires potentiels. Ces associations sont-elles isolées, ou le logement chez l'habitant est-il une véritable offre structurée ? Ce sont souvent des personnes du troisième âge qui veulent être maintenues à domicile et qui, pour accroître leurs ressources, ou simplement avoir de la compagnie, prêtent une chambre à un étudiant. Est-ce de la cohabitation ? De la colocation ? Cela se fait aussi entre étudiants. Mme Vidal encourage les étudiants à postuler dans les universités des villes moyennes, mais on sait que ce sont surtout les métropoles qui sont attirantes. Comment faire pour que ces villes moyennes soient plus attractives sur le plan des logements étudiants ? Faut-il pour cela développer le logement chez l'habitant ?
Mme Victoire Jasmin. - Je vais vous parler, depuis la Guadeloupe, des problématiques spécifiques aux outre-mer. Au début de la pandémie, on a demandé d'évacuer les résidences des Crous, mais beaucoup de nos compatriotes ultramarins n'ont pas forcément de la famille dans l'Hexagone ! J'ai interpellé à l'époque la ministre des outre-mer, qui a très vite réagi et a trouvé des solutions pour certains étudiants. Je constate chez vous tous une véritable prise de conscience de la situation des étudiants en général. Outre-mer, leur parcours est émaillé de difficultés, pour eux et pour leurs familles. Au moment où ils décident de partir en métropole poursuivre leurs études, il n'est pas évident pour eux de se loger. S'il n'y a pas de places en résidence universitaire, ils ont recours au parc privé : résidences étudiantes privées ou bailleurs privés. Là, un problème récurrent se pose : les documents de caution que transmettent les parents sont souvent rejetés, parce qu'on demande une caution d'une personne résidant sur le territoire hexagonal. Pourtant, les outre-mer sont sur le territoire français ! C'est anormal et inégalitaire. On ne doit pas faire de différence entre les documents qui sont demandés à des étudiants venant de différentes parties du territoire national.
Les étudiants venant des Antilles peuvent regagner dans la journée la Guadeloupe, la Martinique, ou la Guyane. Ce n'est pas le cas de tous les territoires, car il faut parfois à certains étudiants originaires des outre-mer deux jours et plusieurs correspondances pour rentrer chez eux, et c'est excessivement cher : certaines familles ne peuvent pas permettre à leurs enfants de faire des allées et venues régulières. Il y a là un véritable sujet à prendre en compte. Les difficultés sociales que rencontrent certains étudiants en sont amplifiées. Certes, ceux qui arrivent de l'étranger en Erasmus ont des problématiques comparables. Mais quand on vient d'outre-mer, il est particulièrement difficile de se rendre rapidement dans sa famille en cas de problème. Il est vrai que l'offre Visale est bienvenue. Mais il reste beaucoup à faire ! En tous cas, les étudiants venus des outre-mer rencontrent des difficultés spécifiques.
Mme Monique de Marco. - Dans l'agglomération bordelaise, il est très difficile pour les étudiants de trouver des logements décents, avec un loyer raisonnable, car nous souffrons d'un manque cruel d'hébergements. Cela pèse sur leur budget de manière conséquente. Les APL les soulagent, mais les charges sont quelquefois très importantes. Sur l'accès au foncier public, vous avez appelé à la simplification des montages juridiques avec les bailleurs sociaux. Vous avez également dit que les modalités de financement des PLS étaient devenues trop complexes. Pouvez-vous nous donner des précisions ? Enfin, aucun d'entre vous n'a répondu à cette question : où en est-on de la programmation des 60 000 logements étudiants prévus, et des 10 000 qui devaient être en cours cette année ?
M. Pierre Ouzoulias, président. - Je crois que, sur la dernière question, il y a eu un début de réponse, qui évoquait une forme de ralentissement du ralentissement...
M. Thierry Bégué. - Les Crous avaient recours à la maîtrise d'ouvrage directe ou, sur le foncier de l'État, avec des autorisations d'occupation temporaire (AOT) du domaine public, à un bailleur qui construisait pour leur compte - mais il s'agissait d'un aller-retour puisqu'à la fin, tout revenait dans le patrimoine de l'État. L'ordonnance de 2015 sur les marchés publics et les règles européennes de la commande publique ont mis fin à ce type de montage, remplacé par ce qu'on appelle des marchés de partenariat, qui reprennent l'économie générale de l'AOT, mais en beaucoup plus compliqué ! Désormais, il faut deux autorisations, des études de soutenabilité budgétaire, des études justifiant le recours à ce dispositif... De ce fait, ces structures ne conviennent qu'à des opérations lourdes et complexes - à partir de 350 logements. Nous disposions d'un véhicule juridique efficace avec les bailleurs sociaux ; on l'a remplacé par un véhicule nettement plus complexe. Évidemment, cela ne peut qu'alourdir la relation partenariale de production de logement.
L'accès au foncier publie, et notamment universitaire, est aussi un sujet. La construction de logements est une activité économique. L'université doit donc obligatoirement mettre en concurrence les opérateurs. Le réseau des Crous souhaite bénéficier d'une dérogation pour procéder de gré à gré sur les campus universitaires. Cela simplifierait la dynamique de production.
M. Tommy Veyrat. - Vous évoquez le logement chez l'habitant. Nous employons le terme générique de logements partagés, qui regroupe plusieurs cas de figure, comme la colocation, la chambre chez l'habitant, la cohabitation intergénérationnelle solidaire... Ces solutions ont le vent en poupe depuis quelques années, et un certain nombre de mesures ont été prises en 2017 dans la loi ELAN pour les simplifier. La colocation sous différentes formes se développe, y compris avec de l'intermédiation locative, pour les étudiants comme pour d'autres publics, tout comme la cohabitation intergénérationnelle solidaire. Pour plus de détails, vous pouvez contacter le réseau Cohabilis. Pour autant, je ne pense pas qu'on puisse apporter une réponse générale à la problématique du logement des étudiants uniquement avec cette solution. Certes, elle aide à mobiliser du logement dans des zones très tendues, mais elle ne peut pas être une réponse miracle à l'ensemble des problématiques.
Dans les villes moyennes, il y a un double enjeu. Il ne faut pas que la mobilité géographique soit subie, et qu'un jeune aille faire ses études là où il le peut plutôt que là où il a l'ambition de le faire. Cela renvoie à la répartition de l'offre de formation, de stages et d'alternance. En termes de logement, un bon exemple se trouve à Auch, dans le Gers. Des logements sont captés par les associations, qui les gèrent tout en restant dans le parc privé. Cela permet de loger de jeunes internes en médecine. C'est de la dentelle, reposant sur des solutions au cas par cas.
La caution demandée aux jeunes qui viennent des outre-mer est un vrai sujet, en effet. Le système classique qui veut que les parents se portent garants pour un jeune est source de très nombreuses discriminations, et pas seulement outre-mer : c'est vrai aussi pour les jeunes qui ont des parents étrangers, et bien sûr, cela introduit des différences, à revenu égal, entre les jeunes en fonction du statut professionnel de leurs parents. Le dispositif Visale est censé répondre à cette problématique, mais il est trop peu sollicité : la force de l'habitude... Nous travaillons avec Action Logement groupe pour faire en sorte que la garantie Visale devienne majoritaire. La garantie universelle sur les loyers fixait pour règle une garantie pour tout le monde, et non un système où tout repose sur une poignée de main ou la relation avec les parents.
M. Philippe Lengrand. - Vous avez évoqué la garantie Visale. Nous cherchons comment améliorer encore ce dispositif, notamment pour le logement des étudiants. Nous avons commandé une étude au Crédoc sur la question. Celle-ci met en évidence deux freins : la méconnaissance par le grand public, et le manque de lisibilité des règles d'éligibilité. Quelque 67 % des bailleurs particuliers pensent que ce dispositif est réservé aux publics en difficulté.
M. Frédéric Lauprêtre. - Vous avez évoqué le financement des opérations de construction de résidences universitaires. La très grande majorité des résidences sont financées en PLS. Il n'y a pas de subventions d'État pour ces programmes. Et il faut avoir recours au minimum à 50 % à des prêts PLS. Ceux-ci sont accordés au taux du Livret A plus 111 points de base : c'est dire que c'est cher par rapport à la concurrence ! Et la quotité de 50 % est stricte, à la différence des PLAS et des PLAI. Il faudrait faire baisser cette quotité de 50 % pour que les bailleurs se financent à meilleur prix auprès de banques commerciales.
Mme Zoé Chaloin. - Le logement chez l'habitant constitue un dispositif très intéressant pour certaines collectivités, mais qui relève d'actions ponctuelles. Certaines collectivités soutiennent les associations ou mettent elles-mêmes en place ce type de lien entre habitants et étudiants.
Quand on a créé le dispositif des observatoires territoriaux du logement étudiant, un des objectifs était d'accompagner le plan en territorialisant l'objectif national de 60 000 logements, et en identifiant les territoires où il y avait un véritable besoin. Nous avons travaillé pendant deux ans à ce diagnostic. Toutes les collectivités présentes sur la cartographie dressée ont fait le diagnostic initial et savent exactement quelle est l'offre de logements sur leur territoire, et quels sont les besoins. Nous passons à la deuxième phase, de concertation avec les acteurs, et de réflexion sur la stratégie à adopter pour les prochaines années. Nous avons demandé à ce que l'ensemble des acteurs du logement, publics, privés et de l'enseignement supérieur, soient intégrés. En 2021, il faudra débuter la construction et la mobilisation du foncier.
M. Philippe Campinchi. - Dans les villes moyennes, ce qui est décrit est la situation qui prévalait avant la crise de la covid-19. On ne sait pas encore quels seront les comportements sociaux en France après la crise. Il peut y avoir un mouvement de réoccupation et de recherche du confort de vie dont nos villes moyennes profiteraient. Le télé-enseignement y aiderait. Dans des villes comme Bastia, où le Crous ne voulait pas aller, des résidences privées ont été amenées à s'implanter. Dans une ville comme Limoges, personne ne veut investir, si ce n'est les particuliers. Les dispositifs dits Censi-Bouvard permettent de les accompagner et de sortir des produits, pour que nos territoires et nos villes moyennes ne soient pas désertés.
Nous n'avons parlé que du parc de résidences dédiées. Le diffus est un sujet complexe, et qui pose de vrais problèmes. Lorsque les appartements familiaux sont pris par des étudiants, les villes découvrent que le centre-ville est complètement occupé ainsi... Or la présence de résidences publiques, privées, sociales, est un facteur de régulation urbaine.
Sur le plan 60 000, les chiffres ont été communiqués lors du dernier comité de pilotage. Entre 2017 et 2020, 23 378 logements ont été construits. Reste la question du périmètre de ce plan. L'université de Paris-Dauphine, par exemple, gère environ 500 logements dans le cadre de partenariats avec le Crous ou d'autres acteurs. Si elle décide de construire une résidence pour étudiants à Saint-Ouen, les quelque 150 logements ne comptent pas dans le périmètre du plan 60 000 ! On marche sur la tête... Il faut comprendre pourquoi, à chaque fois, on vote 10 000 PLS, et, à chaque fois, on n'en sort que 5 000 ou 7 000. C'est flagrant en région parisienne, où des projets de résidence en logements conventionnés, refusés, sortent finalement en privé. C'est incompréhensible !
Vous avez évoqué les étudiants ultramarins. Je suis très sensible à cette question. Pour moi, les Crous ont pour mission prioritaire d'accueillir les étudiants boursiers. Or seuls 60 % des étudiants logés dans des résidences de Crous sont boursiers. Il y a 25 % d'étudiants étrangers, et 15 % d'étudiants non boursiers. Cela ne peut pas fonctionner. Il faut redonner aux Crous la mission d'accueillir d'abord les étudiants qui sont dans les situations les plus compliquées.
M. Bégué a évoqué le gré à gré dans les universités. Un établissement d'enseignement supérieur ne veut pas mettre tous ces logements dans le Crous, pour de multiples raisons. En particulier, l'attractivité internationale - qui est un élément fondamental du classement de Shanghai - prescrit d'organiser une offre diversifiée, pour avoir plus de chances de répondre aux besoins des étudiants. Dès lors, le gré à gré ne me paraît pas une bonne idée.
Visale, enfin, est une véritable réussite, mais il faut parfois donner du temps au temps. Au départ, tout le monde était méfiant à l'égard de ce dispositif. Petit à petit, les acteurs sont de plus en plus convaincus, et le privé commence à suivre. C'est une véritable avancée.
M. Pierre Ouzoulias, président. - Merci beaucoup pour vos interventions qui nous aident à comprendre les problématiques en jeu. Nous reviendrons vers vous pour obtenir des compléments d'information par écrit, et pour recueillir vos propositions, dans le cadre de cette mission d'information puis dans celui de l'examen du prochain budget.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 50.