- Lundi 16 novembre 2020
- Mardi 17 novembre 2020
- Projet de loi de finances pour 2021 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière - Examen des amendements de séance
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » (et articles 54 bis et 54 ter) - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » - Programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » - Examen des rapports spéciaux
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport spécial
- Mercredi 18 novembre 2020
- Projet de loi de finances pour 2021 - Missions « Plan de relance » (et articles 56 à 56 octies) et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie » et « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » - Programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
- Projet de loi de finances pour 2021 - Missions et comptes spéciaux précédemment examinés et réservés « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 54), « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics, « Santé », « Sécurités » (et articles 60 et 61) et « Sport, jeunesse et vie associative » (et articles 64 à 67) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 57 et 58) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
- Jeudi 19 novembre 2020
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Médias, livres et industrie culturelle » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2021 - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie
- Projet de loi de finances pour 2021 - Examen des amendements de séance à l'article liminaire et à l'article 31
- Désignation de rapporteurs
- Vendredi 20 novembre 2020
Lundi 16 novembre 2020
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 14 h 05.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Après avoir changé d'échelle en 2020, le budget de la mission AGTE poursuit sa transformation en 2021. La réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE), engagée par la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019, se poursuivra l'année prochaine avec la création des secrétariats généraux communs (SGC) des préfectures et directions départementales interministérielles dès le 1er janvier 2021 ; la mise en place des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) au 1er avril prochain ; le transfert au ministère de l'éducation nationale des missions « Sport » et « Jeunesse » aujourd'hui exercées par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRSJCS) et les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) ; le transfert aux préfectures des missions effectuées par les services de la main-d'oeuvre étrangère (SMOE) au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).
Le budget de la mission est donc confronté à d'importantes évolutions de périmètre, moindres que l'année dernière, mais qui demeurent importantes. Une fois neutralisées ces évolutions et les dépenses immobilières exceptionnelles prévues en 2020 et portées pour un montant équivalent par la mission « Plan de relance », le budget de la mission doit se stabiliser en 2021 : l'effort se réduit pour les administrations de la mission, et tout particulièrement pour l'administration territoriale.
Ce point me paraît particulièrement important : après plusieurs années de baisse des crédits et des emplois dédiés à l'administration territoriale, l'année 2021 pourrait marquer - il était temps ! - un coup d'arrêt au désengagement de l'État dans les territoires. De ce point de vue, une réforme appuyée sur des mutualisations entre directions, un renforcement de la tutelle des préfets, ainsi qu'une clarification de la répartition des compétences entre les directions départementales est mieux à même d'accompagner la rationalisation de l'action publique qu'une logique de coup de rabot sur les services de l'État dans les territoires.
Les maisons France services (MFS) ne doivent pas constituer un moyen pour l'État de se désengager. Alors que l'État impose à tous, et en particulier aux collectivités territoriales, la présence de deux équivalents temps plein (ETP) dans chacune des maisons pour obtenir le label, il est urgent que l'État se donne les moyens des ambitions qu'il a fixées pour les collectivités. Seulement onze maisons de services au public (MSAP) portées par l'État ont été labellisées France services.
Un autre axe de la rationalisation de la présence de l'État dans les territoires concerne la dématérialisation. À ce titre, je considère que des enseignements doivent également être tirés des difficultés de mise en oeuvre de la dématérialisation des titres sécurisés, en particulier à destination des publics les plus fragiles.
Le Défenseur des droits et la Cour des comptes ont analysé les insuffisances de cette réforme et ont souligné le grand manque d'anticipation, en particulier s'agissant des publics ne maîtrisant pas les outils informatiques. D'après les indications de la directrice générale de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), il semble que ces critiques aient été entendues par l'agence, qui travaille actuellement avec des associations spécialisées pour rendre la nouvelle version du site plus accessible.
Cependant, même plus accessible, le « tout numérique » n'est pas la solution, et il est indispensable de maintenir un accompagnement physique ou téléphonique des personnes. La dématérialisation des demandes de titre s'inscrit dans le cadre de la réforme du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG). À ce jour, les objectifs du plan sont loin d'être atteints.
La mise en oeuvre des centres d'expertise et de ressources titres (CERT) devait initialement permettre de diminuer le nombre d'agents de 1 300 ETP. Cette baisse, qui est loin d'avoir été atteinte, s'est faite au prix d'une nette dégradation de la qualité de services aux usagers. Encore cet été, le service des cartes grises a été engorgé, 15 nouveaux ETP ayant été déployés pour résorber le stock. Alors que les effectifs ont été renforcés avec près de 400 ETP, des difficultés subsistent ; il n'est pas certain que les CERT soient à ce jour en mesure de traiter l'afflux potentiel de demandes de carte d'identité électronique à partir de l'été prochain.
De plus, alors que les économies d'emplois sur les missions réalisées par les CERT prévues initialement devaient se traduire par des redéploiements vers les missions prioritaires, ceux-ci ont ciblé prioritairement les services dédiés aux étrangers dans le contexte de crise migratoire. Le redéploiement vers les autres missions prioritaires des préfectures, notamment le contrôle de légalité, n'a pas eu lieu.
Par ailleurs, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » connaît une hausse importante de ses crédits, essentiellement en prévision des élections départementales et régionales dont le rapport Debré, qui vient d'être rendu, préconise le report au mois de juin 2021 avec des mesures sanitaires renforcées et leur éventuel découplage. Tout cela sera bien évidemment à préciser dans le texte qui sera soumis prochainement au Parlement.
Je souhaite enfin évoquer le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui couvre également des actions relatives à la radicalisation. Alors que le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) devrait voir son rôle renforcé, via l'intégration de nouvelles missions liées à la prévention des dérives sectaires et au « contre-discours républicain », je tiens à relever que les crédits du FIPD ne correspondent pas vraiment aux annonces de la ministre chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa.
En effet, pour 2021, l'action dédiée au FIPD affiche une baisse de plus de 3,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 3,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Afin de confirmer la hausse annoncée par la ministre, je vous proposerai un amendement visant à augmenter les crédits du FIPD à hauteur de 3,84 millions d'euros, afin de porter ceux-ci au niveau annoncé. La prévention de la délinquance et de la radicalisation ne peut en aucun cas constituer une variable d'ajustement budgétaire.
Vous l'aurez compris, j'éprouve certaines réserves concernant le budget proposé. La logique de rabot et de désengagement de l'État des territoires me paraît plus que problématique ; nous voyons bien, chacun, comment cela se traduit dans nos départements. Cependant, alors que la dynamique semble être remise en cause, que les crédits comme les emplois se stabilisent pour la mission en 2021, je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission, modifiés par l'amendement relatif au FIPD. Je considère néanmoins que nous devrons demeurer particulièrement attentifs à l'exécution de ces crédits et à leur évolution lors des prochains exercices budgétaires.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie la rapporteure spéciale de son travail. Ma question porte sur la délivrance des cartes d'identité électroniques. Nous allons devoir respecter une obligation européenne qui doit être mise en oeuvre, au plus tard, le 2 août prochain. À votre connaissance, les services instructeurs et l'ANTS sont-ils prêts pour cette échéance ?
M. Roger Karoutchi. - Dans le rapport, il est indiqué que les élections municipales de 2020, du fait des difficultés, vont coûter 30 millions d'euros supplémentaires. Mais c'est sans compter sur les remboursements ; or, comme le second tour a eu lieu trois mois après le premier, on a accepté un complément de crédits de campagne. Cela signifie qu'en réalité les remboursements vont être beaucoup plus importants qu'ils ne l'ont été lors des précédentes élections. Avons-nous une estimation de ce supplément ? Avec les engagements de remboursements des campagnes électorales, ce chiffre annoncé de 30 millions d'euros ne va-t-il pas doubler, voire tripler ?
Je partage pleinement les réticences de la rapporteure spéciale sur la mise en place du vote par correspondance, dont nous n'avons pas franchement la maîtrise en France ; nous venons de voir, dans un pays pas si mal organisé - les États-Unis -, combien cela pouvait poser des problèmes.
Ma dernière observation porte sur la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). La suppression du rattachement de cet organisme au Premier ministre n'est pas qu'un problème de rattachement de deux ou trois ETP ; cela marque la disparition pure et simple de la mission. La vigilance et la lutte contre les sectes, ce n'est pas la même chose que les dérives religieuses au sens de ce que l'on veut dire par le fanatisme ou par la délinquance. N'a-t-on pas, avec la suppression de ce rattachement, étouffé l'observation du développement des sectes en France ?
M. Dominique de Legge. - Dans les territoires, nous avons aujourd'hui du mal à nous y retrouver parmi les services de l'État, entre lesquels la coordination est pour le moins défaillante. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) échappent à l'autorité des préfets. Et que dire des agences régionales de santé (ARS), de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou encore des services du rectorat, pour ne citer que ceux-là ? Or on nous annonce la mise en place de sous-préfets chargés de la relance. Seront-ils placés auprès de la DGFiP ? Du préfet ? Comment se coordonneront-ils avec les sous-préfets d'arrondissement qui, en règle générale, ont une connaissance assez fine de la vie des entreprises ? Ces décisions, à mes yeux, ne vont pas dans le sens de l'objectif affiché d'une meilleure organisation de l'État.
M. Rémi Féraud. - Mes questions rejoignent celles de Roger Karoutchi. Dans le rapport, il est indiqué que l'État s'est engagé à prendre en charge l'ensemble du surcoût des municipales. Mais les remboursements de campagnes électorales interviendront, pour l'essentiel, en 2021. Est-ce donc un simple report, avec des réserves existantes ? Ou bien, cela relève-t-il d'un budget supplémentaire dédié ? Et comment être certain qu'il y aura assez d'argent pour prendre en compte le report des élections départementales et régionales ?
Sur l'amendement concernant le FIPD, s'agit-il d'une remise à niveau après plusieurs années de sous-consommation des crédits ? Comment le Gouvernement justifie-t-il cette baisse de crédits qui paraît très inopportune en ce moment ? La Miviludes est-elle bien concernée par ce budget ? Ce transfert de la Miviludes marque-t-il la volonté du Gouvernement de faire des économies dans la lutte contre les sectes ?
M. Philippe Dallier. - Je partage les inquiétudes de Roger Karoutchi et de notre rapporteure spéciale concernant l'éventuelle mise en oeuvre du vote par correspondance. Avant de se demander si le secret du vote pourra être garanti - ce dont je doute absolument -, a-t-on une estimation du coût que cela pourrait représenter ? J'imagine qu'il faudra des moyens, en termes d'impressions, d'envois postaux...
M. Stéphane Sautarel. - Je me félicite tout d'abord du renforcement du rôle de pilotage et de coordination des préfets en 2021.
Alors que nous observons une baisse de budget plus faible que les années précédentes, et à l'heure où on l'on demande davantage de liberté et de responsabilité aux collectivités locales, je m'interroge sur les finalités du contrôle de la légalité. En effet, les services préfectoraux sont souvent moins qualifiés que les collectivités elles-mêmes en matière de contrôle de la légalité.
M. Michel Canevet. - Je remercie la rapporteure spéciale pour sa présentation. La création de secrétariats généraux communs dans les préfectures semble être une bonne chose. Dès lors que l'organisation est hiérarchisée autour du préfet, il paraît logique de mutualiser un certain nombre de fonctions générales. Les statuts des personnels qui vont intégrer cette nouvelle structure seront-ils harmonisés ? En effet, au sein de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic) par exemple, on a regroupé des personnels venant de différents ministères et de différentes organisations de l'État, qui travaillent sur des missions analogues avec des statuts différents, donc des conditions différentes, ce qui peut paraître surprenant.
Concernant le FIPD, l'essentiel des crédits sera-t-il bien fléché vers les opérations de vidéosurveillance ? Ou d'autres actions seront-elles financées ?
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Sur la question concernant les nouvelles cartes nationales d'identité, d'après, il semblerait que tout soit prêt. Lors de son audition, la directrice de l'ANTS nous a paru plutôt confiante en vue de l'échéance du 2 août 2021. Je pense cependant qu'on peut avoir quelques inquiétudes sur l'armement des CERT pour répondre à une hausse éventuelle de la demande.
À ce stade, nous n'avons pas d'estimation concernant le surcoût des élections municipales. Le montant final n'est pas encore connu, puisque la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pourra rendre jusqu'à mars prochain ses conclusions sur le deuxième tour. Mais les dépenses seront remboursées en 2021.
En ce qui concerne la Miviludes, je partage vos craintes. À titre personnel, cela me semblait avoir beaucoup plus de sens qu'elle soit rattachée au Premier ministre. Nous devons être vigilants sur le risque d'une dilution dans des fonds dédiés à lutte contre la radicalisation, d'autant que les crédits transférés hors dépenses de personnel s'élèvent à 90 000 euros.
Dominique de Legge, je ne dispose pas d'informations complémentaires concernant les sous-préfets chargés de la relance. Cette décision, qui accompagnait le plan de relance, risque, il est vrai, de ne pas aider à la clarification. Dans les territoires, il va être difficile de s'y retrouver entre tous les interlocuteurs.
Pour répondre à Rémi Féraud, le report de crédits n'est pas envisagé à ce stade. Un budget de 28 millions d'euros est dédié au financement.
Pour répondre à Philippe Dallier, il n'y a pas d'estimation du coût d'un vote par correspondance dans la mesure où le ministère de l'intérieur nous a indiqué ne pas travailler sur cette hypothèse à ce stade.
Stéphane Sautarel, il est effectivement prévu un renforcement du contrôle de légalité, via une plus grande professionnalisation des intervenants, notamment avec des recrutements dans les catégories A et B.
Michel Canevet, sur les secrétariats généraux communs et le statut des personnels, l'harmonisation des statuts et des rémunérations est prévue, les arrêtés à ce sujet ayant d'ores et déjà été pris. Une solution devrait être trouvée, même si, de source syndicale, je sais que cela pose problème.
Dernier point, concernant la part des crédits du FIPD consacrés à la vidéosurveillance, un peu plus de 13 millions d'euros sont fléchés sur le programme de sécurisation, qui finance principalement la vidéoprotection. S'agissant des autres crédits, 31 millions d'euros sont consacrés à la délinquance, 6 millions d'euros à la radicalisation et un peu plus de 3 millions d'euros à la sécurisation des sites sensibles.
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen de l'amendement n °1 présenté par la rapporteure spéciale sur cette mission.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Il s'agit de confirmer la hausse des crédits affectés à la prévention de la délinquance et de la radicalisation, annoncée par la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. En effet, la ministre a évoqué un montant de 69,5 millions d'euros dédié au FIPD, alors que ne figurent dans les crédits de la mission qu'un peu plus de 65 millions d'euros. Le compte n'y est pas ! Il convient que les moyens soient à la hauteur de l'engagement annoncé. Dans le contexte actuel, une baisse des crédits du FIPD n'est pas compréhensible.
L'amendement n° 1 vise donc à augmenter les crédits du FIPD de 3,84 millions d'euros. Cette hausse serait gagée sur l'action n° 06 « Dépenses immobilières de l'administration territoriale » du programme 354, l'engagement des crédits sur certains chantiers pouvant être retardé dans le contexte actuel de crise sanitaire.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Il semblerait que l'on en ait fini avec le rabotage de la présence territoriale de l'État dans les territoires : il faut donc maintenant affirmer cette présence par une réelle mutualisation.
Je propose donc à la commission de voter les crédits de la mission, tout en maintenant une vigilance renforcée sur plusieurs points : réalité de la présence de l'État sur les territoires et conditions de son redéploiement, emplois dans les CERT, évolution des crédits du FIPD.
M. Claude Raynal, président. - Vous apportez un soutien que l'on pourrait qualifier de « modéré » !
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 - Examen des amendements de séance
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements de séance sur le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4) pour 2020.
M. Philippe Dallier. - Pourriez-vous dire un mot sur l'organisation des débats en séance publique ? Vu le nombre important d'amendements à examiner, il semblerait que nous ne puissions pas terminer ce soir et que la discussion soit reportée demain soir après l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
M. Claude Raynal, président. - Quelque 150 amendements sont à examiner. Le rythme ne tiendra qu'à vous. Nous essayerons de terminer ce soir.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement 147 supprime une disposition, retenue dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), selon laquelle l'État bénéficierait d'une fraction du prélèvement sur les ressources de la sécurité sociale prévu par l'affectation du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) à Action Logement Services (ALS). Le régime de sécurité sociale conserverait alors environ 50 millions d'euros.
L'amendement 147 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement 148 vise à modifier les crédits affectés au fond de solidarité, afin de mieux répondre aux carences constatées dans le dispositif. En effet, un certain nombre d'acteurs économiques ne bénéficient d'aucune aide. Il s'agit notamment d'entreprises enregistrant des pertes inférieures au seuil de 10 000 euros, d'activités non retenues dans les listes S1 et S1 bis établies par le Gouvernement, ou encore qui ne font pas l'objet de fermetures administratives. L'idée est d'éviter les injustices dans un climat particulièrement anxiogène et porteur d'inégalités, pour des acteurs économiques ayant mis en oeuvre des restrictions sanitaires.
L'amendement 148 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement 149 vise à opérer le dégel de la réserve restante sur le programme « Sport », pour un montant de 4,7 millions d'euros au titre des crédits de paiement. En effet, les dispositions prises par les associations sportives les ont conduites à arrêter certaines de leurs activités, ce qui a affecté leur équilibre financier. Il s'agit aussi d'un véritable enjeu de cohésion sociale dans nos territoires. Un soutien envers ces associations nous paraît donc important.
L'amendement 149 est adopté.
Article additionnel après l'article 9
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement 150 tend à ouvrir aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) hors Île-de-France le dispositif d'avances remboursables imaginé pour soutenir Île-de-France Mobilités. Une fois que le « retour à meilleure fortune » serait obtenu, le remboursement de ces avances par les collectivités serait étalé sur une période de six ans.
M. Roger Karoutchi. - Ce dispositif avait été prévu après le premier confinement, mais la situation est aujourd'hui encore plus catastrophique, si bien que les comptes réels d'Île-de-France Mobilités seront en réalité très loin de ce qu'ont envisagé l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Les pertes sont considérables : aujourd'hui, le fonctionnement des transports publics en Île-de-France correspond à environ 35 % maximum des perspectives normales. Après le premier confinement, le taux de fonctionnement n'est pas revenu à la normale, et il redescend encore à présent. Si le second confinement s'achève avec le maintien de mesures restrictives, ce qui est fort probable, la situation sera tellement catastrophique que les décomptes devront être totalement recalculés.
M. Claude Raynal, président. - L'objet de l'amendement est de faire en sorte que les autorités organisatrices en province bénéficient de dispositifs similaires, et, par la suite, le sujet des montants se posera probablement partout dans les mêmes termes.
L'amendement 150 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Comme le projet de loi de finances (PLF) sera examiné cet après-midi en séance publique et donnera lieu à des débats nourris, je vous propose de donner brièvement l'avis sur chaque amendement. Si vous souhaitez intervenir sur un sujet, je vous donnerai alors quelques éléments de réponse. Dans ce PLFR4, j'ai souhaité à la fois respecter l'objectif de compte de fin de gestion, mais aussi inscrire ce PLFR dans la démarche de l'urgence, compte tenu de la deuxième vague épidémique.
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 15 h 40.
Mardi 17 novembre 2020
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Projet de loi de finances pour 2021 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Cela fait désormais quatre ans que je relève le défi annuel de vous éclairer sur les crédits du vecteur budgétaire de l'État actionnaire : le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Défi, car le montant de crédits qui nous est proposé et sur lequel il me revient de vous proposer une position de vote n'est qu'indicatif. Le Gouvernement justifie cela par le souci de préserver la confidentialité des opérations que l'État actionnaire pourrait conduire. Autant dire que l'exercice est un petit peu virtuel.
Ce compte d'affectation spéciale présente en effet une particularité : la programmation proposée en loi de finances initiale, tant pour les recettes que pour les dépenses, est fixée de façon conventionnelle. Cette spécificité, qui vise à préserver la confidentialité des opérations de cessions que l'État est susceptible de mener, obère néanmoins les capacités de contrôle du Parlement. À cette caractéristique traditionnelle s'ajoute une complexité supplémentaire cette année, puisque le compte ne porte pas l'intégralité des crédits dédiés aux participations financières de l'État. En effet, les 20 milliards d'euros de crédits exceptionnels ouverts par la deuxième loi de finances rectificative sur le programme 358 de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » n'ont pas fait l'objet d'un versement intégral sur le compte. Un abondement échelonné, au fil des besoins constatés, est prévu.
Pour 2021, le compte est présenté en déficit de 515 millions d'euros, ce qui reflète la forte activité attendue sur le compte pour intervenir en capital au sein d'entreprises en difficulté. Néanmoins, les dépenses prévues seront, pour l'essentiel, neutres pour le solde du compte, puisqu'elles seront financées par un versement du budget général. Si un tel abondement s'impose pour répondre aux besoins de financement identifiés, il relègue le compte à un véhicule budgétaire contingent.
Plusieurs entreprises du portefeuille de l'État actionnaire ont été fortement affectées par la crise sanitaire. De façon agrégée, la valorisation du portefeuille coté géré par l'Agence des participations de l'État (APE) a brutalement chuté depuis le mois de mars, avec un décrochage marqué de dix points par rapport aux indices parisiens de référence. Cette situation soulève des questions, dans la mesure où elle intervient après une année 2019 à rebours de l'évolution exceptionnelle des marchés actions et où le seul facteur sectoriel ne suffit pas à l'expliquer. En effet, la plupart des entreprises cotées sous-performent par rapport au parangonnage sectoriel.
Dans l'immédiat, la crise sanitaire affaiblit la situation financière de plusieurs entreprises du portefeuille, dont les coûts de financement par le marché se sont nettement dégradés depuis le mois de mars. Outre la mobilisation d'outils immédiats de trésorerie, c'est bien la question de la solvabilité de certaines entreprises qui se pose.
En réponse, le Gouvernement a décidé d'infléchir sa doctrine d'intervention, revenant de facto à celle qui prévalait jusqu'en 2017. En 2017, le Gouvernement avait, en effet, entendu en redéfinir les contours : les participations de l'État étaient conçues comme un placement « à la papa », lequel ne saurait échapper à la disruption en vogue à l'époque. Pour cela, un mouvement de « respiration » du portefeuille a été initié, ce qui s'est concrétisé par la cession de La Française des jeux. La privation d'Aéroports de Paris (ADP) devait suivre.
Trois ans plus tard, le « nouveau monde » accuse ses premières rides : à l'aune des évènements exceptionnels que nous traversons, le Gouvernement a infléchi sa doctrine. Derrière cet élément de langage, c'est en réalité au retour de la conception qui prévalait jusqu'alors que nous assistons, avec la mobilisation de la prise de participation publique comme levier de politique économique.
J'approuve ce choix, car je suis convaincu que l'intervention en capital de l'État peut permettre d'apporter une réponse, en soutien de nos entreprises, nos savoir-faire et nos emplois.
C'est pour cela que 20 milliards d'euros de crédits exceptionnels ont été ouverts à l'occasion du deuxième collectif budgétaire sur le programme dédié de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Seulement 20 % des crédits ont été consommés et à peine la moitié pourrait l'être d'ici à la fin de l'année. Il faut donc croire que la sincérité budgétaire fait partie des victimes collatérales de la crise sanitaire.
À ce sujet, je souhaiterais vous alerter sur un point : quelques semaines après avoir sollicité du Parlement l'ouverture de ces crédits exceptionnels, le Gouvernement a retranché près de 2 milliards d'euros du compte pour compléter la dotation du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).
Comme vous le savez, il s'agit du mécanisme de débudgétisation imaginé par le Gouvernement en 2017, qu'il entendait doter du produit des cessions. À défaut d'encaisser les recettes de la vente d'ADP et faute de dividendes suffisants en 2020, le fonds risquait bien de montrer ses limites et de démentir les avantages relevés par le Gouvernement pour justifier son dispositif. Rappelez-vous les critiques que nous avions émises à l'égard du dispositif.
Je ne peux souscrire à ce tour de passe-passe. C'est la raison pour laquelle je vous propose un amendement n°1, consistant à réduire de 1,9 milliard d'euros les recettes du compte. En l'adoptant, le Gouvernement devra reprendre la dotation versée au compte en juillet.
J'en viens au débat sur les conditionnalités.
Compte tenu de l'effort massif consenti par la puissance publique, il importe que ce soutien soit assorti d'exigences. En fixant des conditionnalités aux aides qu'il fournit, l'État répond précisément à sa fonction de prêteur en dernier ressort et de « maître des horloges », selon l'expression chère au Président de la République. À ce propos, l'ouverture de crédits exceptionnels s'est accompagnée de mécanismes, certes timides, d'engagements de la part des entreprises faisant l'objet d'une prise de participation par l'État et de suivi. Il reviendra au Parlement d'en effectuer un contrôle approfondi pour en assurer la pleine effectivité.
Comme me l'a indiqué Martin Vial, commissaire aux participations de l'État, il doit être privilégié autant que possible une intervention directe en fonds propres et non en instruments de dette, assimilables à des fonds propres. En effet, il importe qu'en contrepartie de son investissement, l'État soit en mesure d'exercer une capacité d'influence sur la marche de l'entreprise.
C'est pourquoi, pour une prise de participation, les conditionnalités se justifient plus que pour tout autre type de soutien public. Or le mécanisme en vigueur en la matière me semble bien trop timide : comment qualifier cela d'engagements alors que rien ne vient sanctionner leur non-respect ? L'amendement n° 2 que je vous propose vise à pallier les lacunes du dispositif sur ce point. Laissez-moi vous faire part de ma conviction. Compte tenu de l'effort massif consenti par la puissance publique, je considère que ce soutien doit être assorti d'exigences. C'est ainsi que l'État tiendra tout son rang : en fixant des conditionnalités aux aides qu'il fournit, l'État répond précisément à sa fonction de prêteur en dernier ressort et de maître des horloges.
Le troisième et dernier point de mon intervention concerne le dossier de la rentrée, qui continue de faire grand bruit et inquiète nombre de collectivités territoriales. Je parle bien évidemment de l'acquisition de Suez par Veolia. S'il s'agit d'une affaire entre entreprises à capitaux privés, l'État actionnaire est indirectement concerné au titre de la participation qu'il détient dans Engie. Or, lors du conseil d'administration du 5 octobre dernier, l'État a été mis en minorité sur le vote de la résolution sur l'offre d'acquisition par Veolia de 29,9 % du capital de Suez détenu par Engie.
Dans cette affaire, au-delà des appréciations personnelles que nous pouvons avoir sur l'opportunité de la fusion, c'est bien la façon dont l'État actionnaire a appréhendé le dossier qui m'interroge. En effet, l'État a, sinon suggéré, du moins avalisé dès le premier semestre la décision d'Engie de recentrer ses activités et, partant, de mettre en vente sa participation au capital de Suez.
Aussi, la surprise ne saurait justifier l'attentisme de l'État actionnaire face à l'offre de Veolia. La stratégie consistant à jouer la montre faute d'entente entre les parties était vouée à l'échec. Quand deux des trois acteurs - Veolia et Engie - ont tout intérêt à aller vite, ce n'est pas, à mon sens, une position de neutralité.
Le Gouvernement s'est montré, jusqu'à présent, peu coopératif : le cabinet de M. Bruno Le Maire a ainsi décliné ma demande d'audition, jugeant que tel n'était pas « l'usage ».
Mes chers collègues, soyez-en assurés : je saurai faire usage de mes pouvoirs de rapporteur spécial pour faire toute la lumière sur la façon dont les conséquences du recentrage stratégique d'Engie ont été abordées par l'État actionnaire.
Pour conclure, je vous recommande d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », modifiés de l'amendement de crédits que je vous propose. Je vous présente également un amendement portant article additionnel pour assurer la pleine effectivité du mécanisme de conditionnalités à toute intervention en capital de l'État.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue le travail de notre rapporteur spécial, même si nous n'arriverons sans doute pas aux mêmes conclusions. En avril dernier, nous avons adopté une augmentation exceptionnelle des crédits dédiés aux participations financières de l'État, à hauteur de 20 milliards d'euros. Quelques mois plus tard, seulement 1 milliard d'euros a été effectivement consommé et 3 milliards d'euros mis à disposition d'Air France-KLM par un prêt d'actionnaire, toujours pas décaissés.
Je comprends qu'en avril, au pic de la première vague, il ait fallu agir en urgence. Mais, plus de six mois plus tard, j'ai l'impression que l'État actionnaire navigue toujours à vue.
En savons-nous plus sur les raisons qui vont justifier l'intervention en capital de l'État pour soutenir une entreprise ? Existe-t-il une stratégie formalisée ? Est-elle ajustée pour tenir compte du rebond de l'épidémie ?
M. Philippe Dallier. - Le Gouvernement a défini une liste d'une vingtaine d'entreprises affaiblies susceptibles de nécessiter rapidement un soutien en fonds propres de l'État. Cette liste est-elle publique ? Ensuite, comment l'État définit-il les entreprises stratégiques dans lesquelles il pourrait prendre une part en capital : a-t-il défini une liste ou bien intervient-il en fonction de l'actualité ? On a l'impression qu'il réagit toujours trop tard.
M. Jérôme Bascher. - Je ne peux que partager la surprise de notre rapporteur spécial en apprenant que le cabinet du ministre a refusé tout échange ! Quelle est la stratégie du Gouvernement quant aux participations de l'État dans des entreprises ? On parle de faire respirer le portefeuille. Ne s'agit-il pas plutôt de vendre les bijoux de famille ? La stratégie semble purement financière, et non plus dictée par des considérations économiques ou industrielles. Finalement, on a l'impression qu'il n'y a pas de définition des entreprises stratégiques. Je déplore que le Parlement ne soit pas davantage associé en la matière. La confidentialité n'est pas un motif valable. Il existe ainsi une délégation parlementaire au renseignement. De même, des parlementaires siègent à la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations (CDC) et sont donc informés indirectement de ces opérations.
Je partage l'analyse d'ensemble de notre rapporteur, mais ne voterai pas son amendement sur la conditionnalité. Est-il opportun d'imposer trop de conditions à une grande entreprise que l'on veut sauver ou des exigences accrues de réduction des gaz à effet de serre à un constructeur automobile en difficulté ? Il est probable que dans l'immédiat, il ne pourra pas les respecter. Finalement, la loi sera contournée en passant par la CDC pour intervenir quand même.
M. Marc Laménie. - Comment fonctionne l'APE ? De quels moyens humains dispose-t-elle ? Une recapitalisation à hauteur de plus de 4 milliards d'euros de la SNCF semble prévue, qui s'ajouterait à la reprise de la dette de SNCF Réseau déjà intervenue. Mais notre rapporteur déplore l'opacité autour de ce sujet. Comment l'expliquer ?
M. Michel Canevet. - La baisse de la capitalisation boursière du portefeuille des participations de l'État n'est pas surprenante vu la crise économique que nous traversons. Quelle est la répartition des rôles entre l'APE et Bpifrance ? L'avance d'actionnaire de 3 milliards d'euros consentie à Air-France-KLM sera-t-elle suffisante ? La compagnie est dans une situation difficile et les perspectives ne sont guère réjouissantes. Des efforts supplémentaires lui seront-ils demandés ? Faut-il craindre une restructuration et une disparition des lignes d'aménagement du territoire ?
M. Sébastien Meurant. - Pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont l'État est intervenu dans l'affaire Veolia-Suez ? Il me semble que cela relève de nos prérogatives de contrôle. Or, nous avons le plus grand mal à obtenir des informations. Un des fleurons de notre industrie, dans un secteur d'avenir, est pourtant menacé.
Mme Christine Lavarde. - La vente d'ADP semble suspendue. Le produit de la cession était pourtant destiné à alimenter le fonds pour l'innovation et l'industrie. Celui-ci est-il menacé ?
L'État envisage d'apporter une nouvelle aide à la SNCF sous la forme d'une recapitalisation, après la reprise de la dette de SNCF Réseau. L'entreprise semble victime d'un effet ciseau entre des dépenses non prévues et la baisse des recettes de SNCF Réseau. N'y a-t-il pas d'autres moyens d'aider l'entreprise ? Le plan de relance prévoit ainsi des crédits pour la régénération des voies.
Le groupe Les Républicains votera contre l'adoption des crédits du compte.
M. Claude Raynal, président. - On dit que l'État n'a plus de stratégie industrielle et serait mû uniquement par des considérations financières. Pourtant, il n'a pas profité du creux de la bourse pour acheter. Dès qu'il intervient, il est suspecté de vouloir nationaliser. On a donc un peu l'impression qu'il est perdant sur tous les tableaux et qu'il n'est ni vraiment stratège, ni vraiment financier !
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Les 20 milliards d'euros de crédits exceptionnels au titre du plan d'urgence n'ont pas fait l'objet d'un versement intégral sur le compte. Je le redis : un abondement échelonné, au fil des besoins constatés, est prévu.
Entre 2014 et 2017, il existait une doctrine d'intervention de l'État qui poursuivait quatre objectifs. Il s'agissait d'abord de préserver la souveraineté du pays en visant les entreprises intervenant dans des secteurs stratégiques sensibles, notamment le militaire, le nucléaire etc. Il s'agissait aussi de défendre les entreprises possédant des infrastructures et les opérateurs de services publics afin de répondre aux besoins fondamentaux du pays. Un autre objectif était l'accompagnement des secteurs et filières stratégiques pour la croissance économique nationale. Enfin, le dernier objectif était le sauvetage d'une entreprise présentant un risque systémique.
En 2017, le nouveau Gouvernement a rapidement lancé un programme de cessions, estimant qu'une participation publique n'était justifiée que dans les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays - comme dans la défense ou le nucléaire -, les entreprises participant à des missions de service public ou d'intérêt général, national ou local, pour lesquelles l'État ne détient pas de leviers non actionnariaux suffisants pour préserver les intérêts publics, et enfin les entreprises pour lesquelles il existe un risque systémique. De fait, l'accompagnement des secteurs et filières stratégiques pour la croissance économique nationale n'est plus un motif d'intervention. Il s'avère aujourd'hui que cette nouvelle stratégie est un véritable échec.
La liste de la vingtaine d'entreprises stratégiques en difficulté n'est pas publique, au motif qu'il faut préserver la confidentialité des opérations. En fait, c'est du cas par cas. On a l'impression que l'État revient aujourd'hui à une doctrine plus interventionniste.
On constate bien une gestion « à la papa ». Comme l'a dit Claude Raynal, si l'État recherchait vraiment la rentabilité financière, il aurait acheté en profitant du creux de la bourse. Mais ce n'est pas le rôle de l'État d'être boursicoteur ou spéculateur.
La SNCF est un sujet sensible, pour lequel nous manquons d'informations. Une opération de recapitalisation de 4 milliards d'euros semble prévue, qui succède à la reprise de la dette pour 35 milliards d'euros ; une réforme du réseau ferroviaire devrait avoir lieu. L'État ne nous donne aucune information sur sa stratégie à long terme.
Dans l'affaire Suez-Veolia, je ne pense pas que l'État souhaite intervenir en capital. Il s'agit d'entreprises privées. Reprenons la chronologie. En juillet, Engie a annoncé vouloir procéder à un recentrage stratégique et donc vendre sa participation dans Suez. Comme nous l'a dit clairement Martin Vial, l'État était présent et a donné son aval. Peu après, à la fin août, Veolia a fait une offre à 15,5 euros par action, puis l'a prolongée jusqu'au 5 octobre, tout en la relevant à 18 euros par action. Le 5 octobre, l'État est mis en minorité au conseil d'administration d'Engie. L'État a été, en fait, attentiste, car Veolia, comme Suez et Engie étaient pressés. Le 4 septembre, le Premier ministre a dit que cette opération faisait sens sur le plan industriel. Quinze jours après, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire disait qu'il n'y avait pas d'urgence et que l'État n'accepterait aucune pression ni intimidation. Mais le simple fait de rester sur l'Aventin revenait à avaliser l'opération. Je ne me prononcerai pas sur son opportunité, mais force est de constater que l'État actionnaire n'a pas pesé.
Je ne crois pas que l'État ait l'intention, pour le moment, d'intervenir dans cette affaire. Il aurait déjà pu le faire. Suez, en tout cas, y est opposée, tout comme ses salariés. La direction a mis en place une pilule empoisonnée, en créant une fondation de droit néerlandais, ce qui rend incessible l'entreprise pendant quatre ans. La justice est saisie et les tribulations judiciaires ne font que commencer. Le président de Veolia persiste dans son intention de lancer une opération publique d'achat (OPA). Ils ont acquis 29,9 % du capital auprès d'Engie, car au-delà du seuil de 30 % ils auraient dû lancer automatiquement et obligatoirement une OPA. C'est pourquoi ils ont choisi une opération en deux temps, en achetant d'abord les parts d'Engie, avant de lancer une OPA. Suez objecte qu'il faut consulter le comité social et économique, que le droit boursier n'a pas été respecté, faute de pré-offre publique d'achat et a créé une fondation. Donc l'affaire est partie pour durer et le contentieux pourrait durer au moins douze mois. En attendant la situation est bloquée et rien n'empêche Suez de créer de nouvelles pilules empoisonnées, comme des distributions d'actions aux salariés, par exemple. L'histoire risque donc d'être longue. Cela aurait été le rôle de faire entendre le point de vue de l'intérêt national. En tout cas, nous continuerons à suivre l'affaire. Enfin, il est vrai que le cabinet de Bruno Le Maire a refusé de nous recevoir, arguant que ce n'était pas la tradition...
En ce qui concerne les crédits du compte, le Parlement est bafoué : on ne nous donne pas les informations disponibles. Je ne suis pas opposé à ce que nous ne votions pas ces crédits, même si, par modération, je proposais une autre voie.
Je connais la sensibilité philosophique et idéologique de la question des conditionnalités. Je ne propose pas de corseter les entreprises, de les caporaliser ou de les étatiser. Je note simplement que l'État lui-même a déjà prévu des conditionnalités dans la loi de finances rectificative. Or, en l'occurrence, le Gouvernement nous demande de voter des crédits sans conditions ni sanctions. Il s'agit donc de mettre en oeuvre une réciprocité qui soit soutenable pour les entreprises et qui ne soit pas de nature bureaucratique. Le mécanisme que je vous propose concerne les grands groupes, mais peut aussi concerner d'autres entreprises, selon leur emprise régionale ou leur importance dans l'économie. Je suis surpris par l'inertie de l'État qui, sans doute tenu par une philosophie non-interventionniste, laisse faire, puis, lorsqu'il veut agir, se retrouve démuni, comme à Béthune avec Bridgestone. En Guadeloupe, 350 emplois sont menacés mais, par idéologie, on n'intervient pas et on laisse agir le marché. Tout est question de schèmes mentaux et idéologiques.
L'APE est constituée d'une équipe de 55 personnes. La répartition des rôles entre l'APE et Bpifrance n'est pas nette. Bpifrance gère le fonds pour l'innovation et l'industrie. Ce fonds est une usine à gaz ; nous l'avions dit. Il devait être doté de 10 milliards et devait rapporter 250 millions d'euros chaque année afin de financer l'innovation. Le rendement escompté serait ainsi de 2,5 %. Mais à l'heure actuelle, les taux d'intérêts sont négatifs, donc c'est une affaire ruineuse. En plus, la tuyauterie est complexe et incompréhensible. J'ajoute aussi que l'État ne percevra que très peu de dividendes en 2020. Finalement, le Gouvernement, gêné, doit compléter la dotation du fonds de 1,9 milliard d'euros et prélever d'autant le CAS.
L'État veut aussi créer un pôle financier public autour de la CDC et de la Banque postale, tout en absorbant la Société de financement local, qui est l'un des plus gros émetteurs d'obligations sécurisées pour les collectivités. Cela permettra peut-être des interventions plus éclairées.
En ce qui concerne Air France-KLM, l'État français a financé le groupe à hauteur de 7 milliards d'euros - dont 3 milliards d'euros de prêt d'actionnaire et 4 milliards d'euros de prêt garanti -, tandis que l'État néerlandais a aidé KLM pour plus de 3 milliards d'euros. Au total, la compagnie a reçu plus de 10 milliards d'euros d'aides, mais les problèmes stratégiques demeurent. Des réformes structurelles doivent être réalisées et des discussions ont été engagées avec les syndicats. Une difficulté supplémentaire tient au fait qu'il faut conserver l'équilibre entre l'État français et néerlandais, chacun actionnaire à hauteur de 14 % environ. Or, certaines aides pourraient prendre la forme d'une prise en capital. Les négociations sont complexes et Martin Vial n'a pas été en mesure de nous répondre. L'entreprise est fragilisée avec la crise et il faut aussi la protéger des OPA et des spéculateurs.
La vente d'ADP est suspendue. J'imagine mal que l'État reprenne ce projet ; d'ailleurs, vendre aujourd'hui serait une mauvaise affaire patrimoniale, un crime contre le bon sens, car l'action s'est effondrée. La cession devait financer le FII : c'est ce qui pose des problèmes de présentation du compte et le Gouvernement a dû procéder à quelques ajustements... Il aurait mieux valu qu'il admette qu'il s'était trompé. Mais par orgueil ou pour une question d'image politique, il ne l'a pas fait.
Nos rapporteurs spéciaux devront certainement s'intéresser au plan de réforme de la SNCF, qui comporte bien des sujets, comme la régénération des voies par exemple. Enfin, Claude Raynal, l'État doit intervenir comme un investisseur avisé. Ses opérations n'ont pas d'impact sur le déficit maastrichtien, mais il n'a pas un comportement de financier : on peut le regretter, mais c'est aussi conforme à l'idée que l'on peut se faire de l'État. En tout cas, il serait pertinent d'étudier la manière dont l'APE agit, ses moyens, ses résultats, l'information donnée au Parlement ou ses relations avec ses ministères de tutelle.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Le Gouvernement a souhaité abonder le FII, ponctionnant le solde du compte quelques semaines après nous avoir demandé l'ouverture exceptionnelle de crédits supplémentaires. Avec l'amendement n° 1, je vous propose de retrancher 1,9 milliard d'euros de crédits du compte d'affectation spéciale afin de tirer les conséquences du choix opéré par le Gouvernement de dépenser un montant identique de crédits du compte pour compléter la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie. Or, ce versement est intervenu quelques semaines seulement après que le Gouvernement a sollicité du Parlement l'ouverture exceptionnelle de 20 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour les participations financières de l'État. C'est pourquoi, en plus d'être inopportune, la ponction opérée sur les ressources du compte pour abonder un mécanisme extrabudgétaire contrevient à la demande de crédits supplémentaires lors de la deuxième loi de finances rectificative. Ne pouvant modifier les recettes prévisionnelles du compte pour 2021, je vous propose de retrancher 1,9 milliard d'euros de crédits du compte pour que le Gouvernement s'explique sur la cohérence de son choix.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous voterons cet amendement. En revanche, nous ne voterons pas les crédits du compte. Nous n'avons, en effet, aucune indication sur la doctrine selon laquelle ces crédits sont susceptibles d'être utilisés, ni sur les opérations envisagées. Martin Vial nous avait ainsi indiqué au début du mois que le principal dossier d'ici à la fin de l'exercice serait la recapitalisation de la SNCF. Or, hier, le président de la SNCF a déclaré dans une interview au Figaro qu'une recapitalisation « n'était pas à l'ordre du jour ». Si nous devons lire la presse pour obtenir des informations que le Gouvernement refuse de nous donner au motif du secret des affaires, c'est problématique ! Ensuite, je ne peux que constater l'incohérence du Gouvernement en retranchant, quelques semaines seulement après sollicité l'ouverture de crédits exceptionnels, près de 2 milliards d'euros du compte pour compléter la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie - un mécanisme de débudgétisation que le Sénat avait rejeté lors de l'examen de la loi Pacte.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
Article additionnel avant l'article 74
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - L'amendement n° 2 vise à rendre pleinement effective la conditionnalité introduite par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 en matière d'intervention en capital de l'État.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'émets un avis défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
La réunion est close à 10 h 30.
La réunion est ouverte à 15 h 40.
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière - Examen des amendements de séance
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements de séance déposés sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE).
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement n° 1 du Gouvernement vise à supprimer l'article 4 bis, qui reprend en partie la proposition de loi de la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas. Le Gouvernement ne veut absolument pas en entendre parler, alors que, corrélativement à l'action de l'Allemagne, la France a l'opportunité de réguler l'activité des plateformes numériques. Le Gouvernement affirme que ces dispositions doivent être traitées au niveau de l'Union européenne et non à l'échelle nationale. Je le concède, mais, comme je l'ai déjà souligné, l'Europe, c'est le temps long : elle tarde à publier la directive Digital Services Act, qui plus est le Digital Markets Act. Je le rappelle, il a fallu attendre sept ans pour mettre en place le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Le droit européen étant supérieur au droit national, les dispositions que nous voterions deviendraient caduques. Mais cet article pourrait porter ombrage au travail de Cédric O. Avis défavorable sur cet amendement, car il n'est pas question d'accepter cette approche du Gouvernement.
M. Laurent Duplomb. - Je rejoins l'analyse du rapporteur. Le Gouvernement nous demande d'attendre les décisions européennes, mais les Allemands font exactement ce que nous proposons de faire. Nous ne comprenons pas cette fin de non-recevoir.
M. Patrice Joly. - Je partage également les propos du rapporteur. Je ne comprends pas l'absence de volonté du Gouvernement de faire un pas. Il importe d'avancer sur ce sujet d'actualité.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement n° 2 du Gouvernement prévoit l'extension du champ d'application du recueil des données alimentant le relevé géographique des déploiements d'infrastructures de communications électroniques et l'entrée en vigueur du relevé géographique. Les collectivités locales qui détiendraient des informations utiles à la construction d'un relevé géographique des déploiements télécoms par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) « font leurs meilleurs efforts » pour les lui communiquer. On imagine mal les collectivités ne pas fournir à l'Arcep des informations qui seraient en leur possession dès lors que ces informations feraient avancer la régulation. Même si les associations d'élus ne s'opposent pas à cette disposition, celle-ci les laisse perplexes.
J'émets un avis favorable à cet amendement. Néanmoins, j'interrogerai le ministre sur trois points. Je lui demanderai de nous confirmer que les prévisions fournies par les opérateurs dans le cadre du relevé géographique ne seront en aucun cas considérées comme des engagements de déploiement contraignants ; et que le texte ne pose qu'une obligation de moyens et non de résultat. Enfin, je lui demanderai de nous expliquer pourquoi il n'a pas souhaité reprendre la rédaction de la directive sur la confidentialité et la protection du secret des affaires quant à ces informations.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Vincent Segouin et Patrice Joly sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (Aafar) ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR).
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Permettez-moi de citer en introduction les propos du ministre de l'agriculture et de l'alimentation : le budget ne guide pas la politique, mais c'est la politique qui guide le budget. Comme nous n'avons pas pu auditionner le ministre avant de présenter notre rapport, nous n'avons pas de vision claire de la politique qui sera conduite. Pourtant, nous aurions besoin d'orientations sur le sujet, le budget de la mission pour 2021 n'étant guère rassurant.
Je rapporterai sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », mon collègue Patrice Joly interviendra plus particulièrement sur les crédits relatifs à la forêt et à la pêche, ainsi que sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » et le CAS « Développement agricole et rural ».
Au titre de la politique agricole commune (PAC), 9,5 milliards d'euros sont versés par l'Europe. La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui regroupe les programmes 149 et 206 précités ainsi que le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », a un budget quasiment stable, à hauteur de quelque 3 milliards d'euros, tandis que le CAS-DAR se voit doter de 126 millions d'euros, à destination notamment des chambres d'agriculture. Le plan de relance, qui prévoit des crédits à hauteur de 1,124 milliard au titre des autorisations d'engagement (AE) et de 390 millions au titre des crédits de paiement (CP), met l'accent sur la production végétale, le bien-être animal ainsi que le développement des protéines végétales, un sujet qui nous tient à coeur mais qui demande certainement d'autres initiatives que ce qui est proposé !
La Ferme France connaît une baisse de ses volumes de production. Cette situation tient notamment à la transition écologique. Hors subventions - la moyenne des subventions est de 29 185 euros par exploitation -, la moitié des exploitations agricoles dégage un revenu courant avant impôt négatif. Le nombre d'exploitations est en baisse, de même que les emplois tant pour les chefs d'exploitation, les salariés que les conjoints.
Les concours publics à l'agriculture toutes aides confondues s'élèveraient à 22,1 milliards d'euros en 2021 : 9,5 milliards au titre de la PAC ; 5,3 milliards versés par l'État ; 5,3 milliards au titre des allégements de charges sociales et fiscales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales dont la principale partie sur le gazole non routier (GNR).
Le programme 149 enregistre une baisse de 87 millions d'euros en autorisations d'engagement mais en réalité de près de 130 millions d'euros des crédits d'intervention qui sont au coeur de notre politique agricole et rurale. Or la conjoncture actuelle est plus que difficile, et les besoins alimentaires sont de plus en plus élevés au niveau mondial. Les difficultés liées à la crise de la covid dégradent profondément certaines filières, comme l'horticulture, la production de pommes de terre, etc.
On veut de l'agriculture de qualité, de proximité en recréant un lien social, mais cela demande des salariés et les coûts salariaux sont un obstacle majeur à la réussite de cet objectif. On souhaite développer le bio à hauteur de 15 % de la surface agricole utilisée (SAU), mais la France ne s'en donne pas les moyens. Des engagements avaient été pris par l'État quant au soutien d'installations de méthaniseurs, de l'industrie agroalimentaire, de la filière bois, des entreprises éligibles à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), de la filière sucre. Ils attendent leur concrétisation.
Nous avons relevé des queues de budget opaques, notamment concernant les dépenses imprévisibles : la budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » passe de 300 millions d'euros en 2018 à 190 millions d'euros en 2021, alors que les aléas augmentent, que les dégâts liés à la sécheresse 2019 n'ont pas encore été pris en charge, sans compter ceux de 2020.
Au total, ce budget manque de lisibilité et de cohérence avec les annonces de l'exécutif.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Cette mission est complexe au regard notamment de l'absence de transparence et de transversalité sur l'ensemble des thématiques.
Les crédits dédiés à la pêche sont à peu près constants. Ils s'ajoutent aux crédits européens du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), dont l'objet est de développer la pratique durable et la diversification des activités de pêche. Les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui sont susceptibles d'en subir les préjudices, du moins ne sont-ils pas pris en compte dans le budget de la mission.
La forêt constitue un véritable enjeu en termes de surface, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment de captation du carbone. Les filières aval sont très fragiles et peinent à trouver leur équilibre économique d'année en année.
Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire : la sécheresse fragilise l'ensemble des essences, qu'il s'agisse de parasites ou de dégradation liée au phénomène hydrique.
Le budget global dédié à la forêt n'est pas consolidé, avec une enveloppe globale qui pourrait être de l'ordre de 900 millions d'euros, dont 251,8 millions de crédits de paiement prévus dans le programme 149 de la mission. Cela équivaut à une augmentation de 5,5 millions d'euros, dont 2 millions à destination de l'Office national des forêts (ONF). La dotation dédiée à l'ONF vise à apporter une réponse à une situation difficile depuis plusieurs années. Le contrat d'objectifs et de performance (COP), qui arrive à son terme, est en cours de négociation.
Une partie des difficultés rencontrées par l'ONF concerne les charges liées aux retraites : il supporte les contributions employeurs appliquées pour les fonctionnaires civils de l'État. Pour équilibrer ses comptes, il s'endette à hauteur de 450 millions d'euros. Certes, cette somme peut apparaître modérée au regard de l'actif dont il dispose, mais son activité ne lui permet pas d'y faire face.
La productivité de cet organisme pose régulièrement question. Pour maintenir le niveau d'effectifs prévu dans le COP, l'ONF a recouru à des contractuels. Pour 2021, il devrait subir la perte de 95 équivalents temps plein (ETP).
Ajoutons les 82 millions d'euros de crédits de paiement prévus par le plan de relance, mais on n'en connaît pas les déclinaisons, sauf à très grands traits.
Nous avons peu d'évaluations sur la mise en oeuvre des avantages fiscaux, alors que les enjeux sont importants pour le développement des activités.
Sur le plan de la maîtrise des risques sanitaires, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une hausse de ses crédits à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui représente, pour un budget de 600 millions, une augmentation de 5 %. Ces crédits sont notamment consacrés au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de ses agents de terrain et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La hausse attendue est principalement due à un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires ainsi que des dépenses de personnels supplémentaires dans la perspective du Brexit. Ce programme n'enregistre donc pas de moyens opérationnels supplémentaires alors que de nouveaux sujets font l'objet d'attention, tels que le bien-être animal ou encore la question des produits phyto-sanitaires, avec la réduction de la consommation d'intrants.
Concernant l'engagement de sortie du glyphosate en 2023, nous ne disposons d'aucune évaluation nous permettant de nous assurer que les objectifs pourront être atteints. Les volumes d'utilisation de cette substance commercialisée chaque année ne sont pas mentionnés. L'Anses est chargée de l'accompagnement de cette sortie. L'appel à projets qu'elle a lancé pour apprécier la connaissance de la toxicité de cette substance est en cours, mais l'organisme retenu s'est rétracté. Se pose aussi, dans le même temps, la question de l'accompagnement des exploitations : il semblerait que la disparition de cette substance soit de nature à réduire les rendements et donc à fragiliser leur économie.
S'agissant du financement de plateformes numériques gérant les certificats sanitaires d'exportation, la suppression d'une taxe en première partie du projet de loi de finances a entraîné une ouverture de crédits à hauteur de 2 millions d'euros.
Enfin, les crédits du CAS-DAR seront réduits de 10 millions d'euros. Ce compte est financé par une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dont le rendement serait de 136 millions d'euros en 2020. Au regard de l'évolution du chiffre d'affaires, l'apport de cette taxe devrait diminuer de 10 millions d'euros, entraînant une réduction équivalente des crédits ouverts.
Le CAS-DAR est excédentaire depuis des années ; le montant cumulé de l'excédent s'élève à 80 millions d'euros. Aussi, un abondement des crédits ne met pas en péril la structure de financement d'un compte qui alimente la recherche et favorise la diffusion des innovations notamment en matière d'agriculture biologique ou d'alternatives à certains types de production. Néanmoins, cette diminution de 10 millions d'euros des crédits est un sujet de crispation pour certaines organisations professionnelles et acteurs de la recherche qui, au regard des objectifs fixés, ont l'impression que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux.
D'une manière plus générale, sur l'ensemble de cette mission, on observe une gestion un peu au fil de l'eau. On constate que les crédits dédiés à l'installation des agriculteurs ne sont pas consommés.
Or, la politique, c'est non pas seulement constater, mais se donner les moyens, notamment humains, pour atteindre les objectifs.
Pour conclure, à partir de l'ensemble des éléments dont nous disposons, je propose donc de rejeter ce budget.
M. Claude Raynal, président. - Nous accueillons Laurent Duplomb, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Ce budget m'a véritablement questionné. D'habitude, je n'hésite pas à exprimer un avis négatif, mais, cette fois, je suis partagé.
Je relève plusieurs éléments positifs par rapport aux années précédentes. Le premier, c'est la pérennisation pour deux ans - le Sénat l'a pérennisé au-delà des deux ans - du dispositif TO-DE, que nous avons sauvé, il y a deux ans, au Sénat.
Je me félicite également des efforts déployés par l'agence de services et de paiement afin de retrouver une capacité à aider les agriculteurs en temps et en heure ; aujourd'hui, cette agence n'accuse pas de retard. S'agissant des apurements, ils sont nettement inférieurs à ce que nous avons connu dans les budgets précédents.
Autre élément positif : l'exonération sur le gazole non routier (GNR) qui, de surcroît, entraînera une simplification administrative.
Par ailleurs, je retiens le maintien - pour une fois ! - des budgets des chambres d'agriculture.
Enfin, le cinquième et dernier élément positif - reste à savoir s'il survivra aux annonces - concerne le plan de relance agricole, avec un budget de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, soit 1 milliard d'euros pour l'agriculture et 200 millions d'euros pour la forêt. Dans le budget dédié à l'agriculture, 465 millions d'euros sont prévus pour soutenir trois efforts que j'avais appelés de mes voeux : l'aide à l'investissement concernant l'agroéquipement, qui permettra à mon sens de répondre à la diminution des produits phytosanitaires ; le bien-être animal, plus particulièrement dans les abattoirs ; et, enfin, les risques climatiques, car nous ne pouvons pas continuer de constater l'augmentation de ces risques sans jamais y apporter de réponses.
Dans ce budget ressortent également des éléments négatifs qui sont loin d'être anodins. Les points nous ayant fait basculer du côté du rejet des crédits de la mission sont de trois ordres - je salue à cet égard le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux.
Le premier, c'est la diminution - ou la spoliation - de 10 millions d'euros du CAS-DAR dans le budget de l'État, alors que jamais, dans notre pays, les injonctions sociétales n'ont été aussi fortes pour favoriser la recherche et trouver des solutions palliatives, soit à la diminution des produits phytosanitaires, soit à leur interdiction. Pour rappel, le CAS-DAR a trois grandes vertus : il s'agit d'un financement purement agricole, payé dans sa totalité par les agriculteurs ; son principe est mutualiste, c'est-à-dire que les filières les plus riches cotisent pour que les filières les plus pauvres puissent en bénéficier ; enfin, il est financé à 80 % par les subventions européennes, d'où un effet de levier non négligeable.
Le deuxième élément a trait au manque de réalisme du ministre de l'agriculture - ou du moins, de son prédécesseur - et, surtout, la différence entre les promesses et les actes. Didier Guillaume avait beaucoup promis, il a peu fait. Sur les aides liées à la pandémie, j'ai des exemples précis en tête, sans parti pris politique, qui s'appuient sur des faits objectifs.
Je pense, notamment, à la situation de l'horticulture. Le ministre avait promis 25 millions d'euros ; pas un centime n'a été versé à ce jour. De son côté, notre premier concurrent - les Pays-Bas - avait promis 600 millions d'euros pour l'horticulture, et 150 millions d'euros ont été versés à leurs entreprises. Naturellement, je vous laisse supposer les résultats à la fin de l'année et l'écart de compétitivité qui risque de se créer pour les années futures.
Autre exemple : la pomme de terre. En France, 450 millions de tonnes de pommes de terre ont été jetés ou méthanisés lors du premier confinement. L'aide promise s'établissait à 50 euros la tonne, soit 20 millions d'euros ; elle s'est traduite ensuite par une promesse du ministre s'élevant à 10 millions d'euros qui, dans la réalité, sont devenus 4 millions d'euros.
On ne peut pas accepter de voter un budget quand on sait que les promesses ne sont pas tenues.
Dernier élément décisif dans ma réflexion, le nouveau ministre a annoncé dernièrement, dans la loi sur les néonicotinoïdes ou à l'occasion de certaines interventions, qu'il était prêt à financer à hauteur de 7 millions d'euros la transition concernant le glyphosate. Pour la même somme, il s'engageait également à financer la transition et la recherche concernant les betteraves. Pour rappel, nous avons voté une loi dérogatoire pour la réintroduction des néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Ces 14 millions d'euros, nous avons beau les chercher dans le budget, nous ne les trouvons pas. Là encore, les actes ne suivent pas les promesses.
Je me rallierai donc à la position des deux rapporteurs de la commission des finances pour rejeter les budgets de la mission et du CAS-DAR.
M. Claude Raynal, président. - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du rapporteur général, Jean-François Husson, qui prépare la réunion de la commission mixte paritaire sur le quatrième projet de loi de finances rectificative et nous rejoindra plus tard.
M. Antoine Lefèvre. - La Cour des comptes vient de publier un référé concernant l'artificialisation des sols. Dans cette affaire, le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) est quelque peu détourné, ce qui empêche les pouvoirs publics d'avoir une bonne connaissance des structures souhaitables pour nos exploitations ; c'est toute la problématique de l'accaparement, évoquée par nos deux rapporteurs. Ont-ils, à la suite de la publication de ce référé, connaissance d'une réforme des Safer ?
La situation de l'ONF est effectivement critique depuis maintenant plusieurs années. Sans doute faut-il davantage encourager la gestion durable de nos forêts. Dans la mesure où 75 % de la surface forestière de notre pays sont détenus par la forêt privée, il est important de rappeler le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI). Avez-vous des précisions sur la reconduction de ce dispositif ?
M. Jérôme Bascher. - Les remarques de Patrice Joly concernant l'ONF ne laissent pas de m'étonner. Cet organisme, qui gère les forêts publiques par le droit, est structurellement déficitaire, alors que, pour la forêt privée, la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est bénéficiaire. Au regard de la loi qui impose au domaine public d'être géré par l'ONF, le modèle me semble poser question. Quelles sont les missions de l'ONF ? De même, quelles sont les missions du ministère ? On dit que le ministère de l'agriculture compte plus de fonctionnaires qu'il n'y a d'agriculteurs ; ce n'est pas vrai, évidemment, mais une réforme du ministère et des agences n'est-elle pas envisageable ?
Enfin, avec la covid-19, on a constaté l'impréparation du ministère chargé de la santé. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau, dans le domaine de l'élevage, en crise sanitaire. Le ministère est-il, cette fois, mieux armé ?
M. Marc Laménie. - Je félicite les rapporteurs spéciaux pour leur rapport, qui est dense. Au niveau du fonctionnement de l'administration, il existait autrefois les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ; désormais, il y a les directions départementales des territoires (DDT). Vous avez évoqué également la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE). Pouvez-vous m'éclairer sur la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et nos départements ?
Dans le rapport, sont cités un certain nombre d'agences ou d'opérateurs de l'État. Avons-nous une idée de ce que cela représente sur le terrain ?
Le nombre des agriculteurs diminue malheureusement, alors qu'ils ont pourtant un rôle important.
S'agissant de la filière bois - que l'on dit peu mise en valeur - quelles sont les perspectives d'évolution ?
Enfin, concernant l'enseignement agricole, les lycées agricoles ont un rôle important à jouer. Des jeunes sont réellement intéressés et passionnés : les moyens consacrés sont-ils à la hauteur ?
M. Stéphane Sautarel. - Sur le volet agricole, on observe la baisse des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Pourrais-je avoir des précisions, car il s'agit d'un levier essentiel de financement sur nos territoires ruraux de montagne ?
Les moyens consacrés à l'installation diminuent en même temps que le nombre d'agriculteurs. Je voudrais savoir si des mesures spécifiques sont prévues pour les installations hors cadre familial, qui représentent aujourd'hui une alternative à l'installation et ne bénéficient pas d'un soutien à la hauteur des enjeux.
J'aurais également une question liée à la question sanitaire et au risque de zoonoses. Les moyens et la reconnaissance de notre réseau de laboratoires publics sont-ils à la hauteur ?
Enfin, concernant l'ONF, on peut bien sûr s'inquiéter de ses moyens, de sa performance. Peut-être faute de moyens, dans les négociations pour accompagner les communes dans la valorisation des bois notamment, les conditions d'intervention posent aujourd'hui une vraie difficulté. Avez-vous des informations sur ce volet particulier ?
M. Sébastien Meurant. - Avez-vous pu échanger sur les traités internationaux ? Dans le rapport est mentionné le souhait de maintenir un commerce international « ouvert, transparent et prévisible » ; j'aimerais en savoir davantage.
Pour la première fois cette année, l'agriculture française est déficitaire par rapport à l'agriculture européenne. Le souhait de maintenir la migration à des périodes de récoltes est également précisé dans le rapport. Existe-t-il des dispositifs qui permettent de trouver de la main-d'oeuvre sur le territoire national - je pense aux personnes en recherche d'emploi ou qui bénéficient du revenu de solidarité active (RSA).
M. Claude Raynal, président. - Vous avez peu parlé de la PAC. Cela signifie-t-il que les problèmes sont résolus ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - L'année dernière, la Commission européenne avait prévu que le budget de la PAC baisse considérablement. En l'état des négociations européennes, on dit que le budget serait stabilisé. Cela donne le sentiment que les inquiétudes ont disparu, alors que beaucoup de sujets restent en discussion et que les moyens réservés à la PAC seront en fait réduits hors plan de relance européen.
Entre le premier et le deuxième pilier géré par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), quels nouveaux transferts faudra-t-il constater ?
Concernant le rôle détourné des Safer, on crée aujourd'hui des sociétés pour racheter des terres, et les Safer n'ont plus leur mot à dire. Le ministre doit préciser la manière dont il compte gérer le foncier à l'avenir. Cela pose de vrais problèmes, notamment pour ce qui concerne les agrandissements de surface.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - La question de la gestion du foncier est un enjeu majeur, en termes de production, de captation de carbone. Des nouveaux sujets sont en train d'émerger. Une loi avait été annoncée par le Gouvernement ; pour l'instant, nous n'avons pas d'échéance.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - S'agissant de l'impréparation du ministère en cas de crise sanitaire, c'est un véritable sujet. Avec la crise porcine qui se profile, on n'anticipe pas assez sur la protection des exploitations, sur celle des filières. Il en va de même pour l'influenza aviaire. Pour les calamités agricoles, un fonds existe, qui est un peu la variable d'ajustement et qu'il faudrait réformer : doit-on faire de l'assurance ? De l'épargne de précaution ? Abonde-t-on ce fonds chaque année ? Sur ces questions, j'attends des réponses. La crise de la covid-19, nous pouvons la vivre dans le domaine de l'agriculture.
Pour répondre à Marc Laménie, l'Agence de services et de paiement (ASP) a fait beaucoup d'efforts en consommant beaucoup d'argent. Après avoir connu des affres dans la gestion des subventions, l'agence serait désormais plus à jour mais le poids des apurements reste élevé (79 millions d'euros pour 2020) et il existe des inquiétudes pour l'avenir compte tenu des conditions d'engagement de l'année 2020.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Sur les moyens déconcentrés du ministère de l'agriculture, une baisse des effectifs est prévue pour 2021.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Oui, la baisse sera de 126 équivalents temps plein (ETPT).
Les installations hors cadre familial sont, en effet, comme l'a évoqué Stéphane Sautarel, un fort enjeu. Beaucoup de personnes sont prêtes à venir vers le monde de l'agriculture. Il faut les accompagner.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - La diminution de l'ICHN et celle de la dotation Jeunes agriculteurs (DJA) n'ont pas d'incidence sur le budget.
Concernant l'ICHN, la nouvelle modification de son périmètre avait entraîné une levée de boucliers. Le ministre avait alors décidé un accompagnement pendant quelques années supplémentaires, avant la disparition du dispositif. C'est chose faite aujourd'hui, avec la suppression des 2 millions d'euros restants. Il est en de même pour la DJA, avec la fin des prêts bonifiés.
Concernant le rôle des Safer, la réalité est simple : aujourd'hui, on leur a supprimé tous les moyens. Pour éviter de disparaître, elles sont devenues, dans la plupart des départements, des formes d'agences immobilières qui achètent des terrains et les revendent pour faire une plus-value. Donnons-leur les moyens d'acquérir des terrains, de les stocker et de les redonner aux agriculteurs qui le désirent.
Est-ce que le ministère est plus armé ? En 2010, l'excédent commercial de la France s'élevait à 12 milliards d'euros. Nous étions autosuffisants sur toutes les productions : viande bovine, volaille... On exportait notre richesse, le vin, les céréales, tous les produits de très haute qualité et les produits laitiers. En septembre 2020 - alors que nous ne cessons d'entendre tous ces discours d'enfants gâtés réclamant une alimentation toujours plus durable, plus locale... -, nous sommes à 3,98 milliards d'euros d'excédent, avec une estimation à un peu moins de 5 milliards d'euros à la fin de l'année. En dix ans, notre excédent a fondu. Ce que j'avais prédit en 2019, à savoir la fin de l'excédent commercial français, pourrait être constaté en 2023.
Est-ce que l'on accepte que la France ne soit plus autosuffisante demain pour se nourrir ? Au regard de notre dette, est-ce le moment de se dire que notre alimentation passera par l'achat à des pays extérieurs ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - D'autant que le ministre souhaite s'engager sur le fait que nous soyons autonomes d'un point de vue alimentaire.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Quelle est la part, dans cette dégradation de la balance commerciale, des enjeux géopolitiques ? Je pense notamment à la taxation du vin par les États-Unis... Tous nos produits haut de gamme, qui sont de nature à créer des chiffres d'affaires importants, sont impactés par ces problématiques géopolitiques.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Pour ce qui concerne les traités internationaux, l'important est de connaître les objectifs et la vision pour notre agriculture de demain.
Enfin, concernant la main d'oeuvre, je crois que la migration est nécessaire. Je ne suis pas sûr que les Français veuillent faire les travaux qui sont proposés...
M. Claude Raynal, président. - Pendant la pandémie, le besoin de main-d'oeuvre étrangère a posé des difficultés importantes, au point d'ailleurs qu'un ministre a lancé un appel pour aller aux champs...
Sur la question des Safer, les villes - notamment par le biais des établissements publics fonciers (EPF) et, quelquefois, des EPF locaux - se sont saisies des questions que les Safer ne traitaient plus. Des préemptions de terrains ont été effectuées, avec accord de la Safer, mais portage financier par les établissements publics, ce qui est quand même assez curieux.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Sur la question des crédits à l'installation non consommés, peut-être faudrait-il revoir les modalités d'attribution de ces aides. On doit adapter les accompagnements aux diversités de projets personnels et professionnels.
Concernant les DEFI, les allégements fiscaux ont fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale ; nous aurons donc à nous prononcer sur le sujet.
La structure de l'ONF, notamment en matière de personnel, n'est pas la même que celle de la filiale de la CDC. De plus, l'ONF a des missions de service public que n'a pas la Société Forestière. Cela dit, la question de la productivité de l'ONF se pose toujours. L'organisation est en grande difficulté, à la fois économique et sociale, alors que la gestion de la forêt est un enjeu majeur.
Pour répondre à Marc Laménie, l'enseignement agricole ne relève pas de notre mission.
Concernant le sujet des laboratoires, ils ont eu des difficultés, dans le cadre d'appels d'offres, à obtenir des marchés. Au regard des risques qui nous attendent, on déplore parfois des longs délais, du fait d'un maillage territorial aléatoire. Aujourd'hui, la restructuration des laboratoires départementaux est en train de s'achever ; cela donne des fermetures, des rachats par des groupes et aussi des groupements d'intérêt public (GIP) constitués par les départements pour mutualiser des moyens et, surtout, disposer d'une large gamme de prestations et de services.
M. Claude Raynal, président. - Nous devons passer au vote.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » (et articles 54 bis et 54 ter) - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » - Programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » - Examen des rapports spéciaux
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville » - Nous présenterons, avec mon collègue Bernard Delcros, les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cette mission est dotée, dans le projet de loi de finances (PLF) 2021, d'un budget de 16 milliards d'euros, soit une hausse de 833 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Les crédits pour 2021 sont toutefois en baisse par rapport à la totalité des crédits ouverts en 2020, puisque, au fil des lois de finances rectificatives (LFR), dont la quatrième a été votée hier soir, ces derniers s'élèvent à 17,5 milliards d'euros - j'y reviendrai.
Les dépenses fiscales atteignent un montant de 10,1 milliards d'euros, ce qui montre l'importance des dépenses extrabudgétaires pour les politiques du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
En cette année de crise sanitaire, la situation du logement va au-delà des seuls crédits budgétaires de la mission, puisque beaucoup d'éléments se retrouvent à l'extérieur de celle-ci au fil du temps. Le logement a été impacté par la crise, mais moins que les autres secteurs. En effet, les chantiers ont pu reprendre dès la mise en oeuvre de précautions sanitaires. Pour autant, les chiffres de la construction ne seront pas bons en 2020, qu'il s'agisse de l'accession ou du logement social, selon une tendance qui se poursuit depuis 2017. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.
Le premier est le resserrement du crédit bancaire : les banques demandent aujourd'hui un minimum d'apport, et les autorités de contrôle leur ont demandé de ne plus prêter au-delà d'un seuil d'endettement de 33 % pour les ménages.
Ensuite, les bailleurs sociaux subissent les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui a certes été suivie de mesures de compensation, mais qui reste porteuse d'inquiétude pour ces derniers.
Par ailleurs, les incertitudes sur l'avenir d'Action Logement animeront les débats en loi de finances. Action Logement collecte la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), mais dispose aussi d'un patrimoine important, s'élevant à 80 milliards d'euros. Or, les intentions du Gouvernement sur le patrimoine d'Action Logement posent question : on observe une volonté de réorienter les crédits ou d'en récupérer une partie pour les utiliser. Le résultat de l'étude demandée à l'inspection générale des finances (IGF) laisse même penser que le démantèlement d'Action Logement pourrait être une solution envisagée. L'association finance pourtant 40 000 logements sociaux par an. De plus, sur les 10 milliards d'euros destinées au renouvellement urbain, quasiment 7 seront apportés par Action Logement. Cette incertitude s'observe d'autant plus que la première partie du PLF supprime la compensation de la remontée du seuil à 50 salariés pour les entreprises exonérées de cotisations sur la PEEC, soit 300 millions d'euros de compensations, et qu'un article non rattaché à la mission lui ponctionne 1 milliard d'euros supplémentaire. Tout cela pose question sur l'avenir d'Action Logement, et rejaillit sur l'ensemble des acteurs du secteur.
De plus, le report des élections municipales a pesé sur un certain nombre de projets de construction. Les changements de municipalités ont également pu avoir un impact, puisque certaines grandes métropoles, comme Bordeaux, ont décidé de geler les projets pour une durée indéterminée.
Si le chiffre de 500 000 logements par an est souvent évoqué comme objectif pour répondre à la demande, nous serons cette année plutôt aux alentours de 400 000. En matière de logements sociaux, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), que nous avons auditionnée, est confiante et prévoit 100 000 logements supplémentaires. Mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) et les autres acteurs du secteur évoquent plutôt le chiffre de 90 000. La situation est donc critique, à la fois pour le secteur privé et pour les logements sociaux.
Enfin, n'oublions pas que le problème de la suppression de la taxe d'habitation va se poser, puisque celle-ci doit être compensée par la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire sont exonérés. Il en résulte une mauvaise visibilité pour les acteurs du secteur.
Le plan de relance est assez décevant, car les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer le secteur, malgré des crédits sur la rénovation énergétique. Lorsque l'on compare ces derniers aux crédits de 2019, qui étaient essentiellement basés sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), on retrouve finalement les mêmes montants. On ne peut donc pas parler d'effort budgétaire particulier.
Le tableau d'ensemble du secteur du logement n'est donc pas satisfaisant, même si les crédits de la mission ne permettent pas de se faire une idée globale du sujet.
S'agissant du programme 177, qui porte sur la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, les crédits en 2021 sont de 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 209 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Ceux-ci sont toutefois inférieurs au total des crédits ouverts en 2020, s'élevant à 2,44 milliards d'euros. En effet, la crise sanitaire a conduit à ouvrir 450 millions d'euros supplémentaires en cours d'année. Je salue l'action du Gouvernement sur ce point. Cette crise aurait pu être dramatique pour les personnes privées de logement, et la réaction a été très forte, avec 34 000 places d'hébergement supplémentaires ouvertes. Le recours aux nuitées hôtelières a également été utile, et le fait que les hôtels soient vides a aidé le Gouvernement dans la mise en place de ce dispositif : 12 000 nuitées supplémentaires ont ainsi été mobilisées. Des centres d'hébergement spécialisés (CHS) ont également été ouverts pour les personnes sans domicile atteintes de covid sans gravité, mais ont finalement été assez peu utilisés. Cependant, la question de l'avenir de ces personnes temporairement logées se posera en sortie de crise, malgré l'existence du plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, qui n'est pas une grande réussite.
Les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO), qui gèrent le 115, ont d'abord été surchargés, mais ont ponctuellement réussi à répondre à la demande. Par ailleurs, un projet de convergence informatique des systèmes d'accueil était prévu depuis longtemps, pour permettre d'avoir une plus grande vue d'ensemble sur les places disponibles. Sa mise en oeuvre à l'automne s'est soldée par un « plantage », qui a abouti à un blocage du système pendant trois semaines.
S'agissant du logement adapté, il faut saluer le relèvement du forfait journalier pour les pensions de famille. Toutefois, l'objectif du quinquennat de créer de 40 000 places en intermédiation locative et 10 000 places en pension de famille nécessitera un effort important dans les deux années à venir. Le budget est d'ailleurs en hausse de 18 % en 2021. Cependant, le problème ne provient pas nécessairement des crédits manquants, mais plutôt d'un nombre insuffisant de projets.
Le programme 109, relatif aux aides personnalisées au logement (APL), est à l'origine de la majeure partie du dépassement du budget en 2020, puisqu'il nécessite l'ouverture de près de 1,9 milliard d'euros de crédits dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). D'une part, la réforme des APL, visant à prendre en compte les revenus actualisés des allocataires, a été repoussée : d'abord au 1er avril de l'année en cours pour des raisons techniques, et ensuite, parce que le confinement en aurait compliqué considérablement la gestion, au 1er janvier de l'année 2021, créant un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros pour l'année 2020. D'autre part, la crise augmente le nombre de personnes éligibles à l'aide. Dans le même temps, la contribution des entreprises serait moins importante que prévu en 2020, via une probable diminution de la masse salariale.
Pour 2021, le Gouvernement a limité le coût des APL pour l'État par une ponction de 1 milliard d'euros sur le budget d'Action Logement. La même solution avait été trouvée l'an dernier, mais pour 500 millions d'euros. Cela s'ajoute à la suppression des 300 millions de la compensation du relèvement du seuil à 50 salariés pour les entreprises cotisantes à la PEEC. Comme je l'ai évoqué précédemment, le sujet d'Action Logement est très important pour le secteur, et le Gouvernement devrait jouer cartes sur table. Au total, les crédits budgétaires demandés pour les APL sont inférieurs de 1,4 milliard d'euros à ceux qui ont été effectivement ouverts en 2020, ce qui représente une diminution de 900 millions d'euros pour les aides versées aux bénéficiaires, si l'on prend en compte l'accroissement de la contribution d'Action Logement. Selon le Gouvernement, la réforme du mode de versement devrait apporter 750 millions d'euros d'économies, à mettre en relation avec les 1,2 milliard d'économies initialement prévus par la réforme des APL. Mais en fonction de l'évolution de la situation sanitaire, le Gouvernement sera probablement amené à abonder de nouveau les crédits destinés à couvrir les APL en cours d'année.
Le programme 135 concerne différentes actions liées à la construction et à l'habitat. Le coût de ces politiques est surtout porté par des dépenses fiscales. La politique privilégiée cette année est la rénovation énergétique. En effet, le plan de relance apporte 2 milliards d'euros à la rénovation des logements privés. Toutefois, l'année 2020 a connu un nouvel exercice de régulation budgétaire au sein de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), avec le programme « MaPrimeRénov' ». Ce programme fonctionnait très bien, voire trop bien : les professionnels ont eu tendance à augmenter leurs prix en conséquence, et certaines entreprises ont démarché des particuliers pour des chantiers de rénovation peu pertinents. La révision soudaine des subventions à l'isolation thermique par l'ANAH, le 14 juillet dernier, a abouti à une réduction des surfaces extérieures éligibles et du nombre de demandes. Les effets sur le secteur ont été considérables, et je dénonce cette politique permanente de « stop and go » de l'ANAH. Par ailleurs, la fin des restrictions sur les derniers déciles de l'impôt sur le revenu l'année prochaine permettra de rendre éligible l'ensemble des ménages.
En résumé, si ces crédits supplémentaires pour 2021 sont les bienvenus, ils sont comparables aux coûts vers 2019, si on inclut le crédit d'impôt transition énergétique. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement pourrait donc faire un effort supplémentaire.
Il y a quelques années, l'aide aux maires bâtisseurs s'était finalement traduite par des montants peu élevés. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement propose une nouvelle aide de 350 millions d'euros sur deux ans, et dont les conditions de versement sont contestables. En effet, elle sera accessible à toutes les communes, sans condition de potentiel financier. De plus, le système d'attribution découpe la France en cinq zones. Le nombre de mètres carrés à construire serait ensuite comparé à la moyenne dans la zone sur les années antérieures. Si la commune a des projets plus denses que la moyenne, 100 euros d'aide seraient attribués par mètre carré supplémentaire. Mais dans les faits, pour une année donnée, tous les permis de construire accordés seront pris en compte pour le calcul de l'aide, et si celle-ci dépasse l'enveloppe budgétaire, un coefficient réduira finalement l'aide au mètre carré.
Je terminerai par le programme 147, consacré à la politique de la ville. La crise sanitaire a conduit le Gouvernement au dégel de la réserve de précaution, mais aussi à une ouverture de crédits de 86,5 millions d'euros dans la troisième loi de finances rectificative, qui a créé l'opération « Vacances apprenantes » en lien avec plusieurs ministères, dont celui de l'éducation nationale. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est en phase de lancement : les chantiers ont commencé dans la moitié des 450 quartiers concernés. Toutefois, les crédits consommés concernent encore très largement l'achèvement du programme de rénovation urbaine précédent. La contribution de l'État en 2021 au NPNRU étant de 80 millions sur 1 milliard promis, ce sont donc les prochains quinquennats qui en assumeront la charge.
L'an dernier, nous avions proposé le rejet des crédits. Cette année, considérant que les crédits budgétaires sont plus conformes à la réalité que par le passé et ne dénotent pas de sous-estimations, mais aussi qu'ils prennent également en compte l'hébergement d'urgence, nous vous proposons l'adoption des crédits. Cela ne nous empêche aucunement de porter un regard critique sur la politique du logement dans son ensemble.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » - Les programmes 112 et 162 concernent plutôt les questions de ruralité. Il s'agit de montants assez faibles : 300 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 600 millions d'euros de dépenses fiscales adossées à des zonages. Toutefois, ces programmes traitent de sujets essentiels pour les territoires, comme les politiques contractuelles État-territoires, les maisons France Services, le portage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avec notamment le nouveau programme « Petites villes de demain », le programme des interventions territoriales de l'État, ou encore les dépenses fiscales attachées au zones de revitalisation rurales (ZRR), aux zones d'aide à finalité régionale (AFR) et aux autres zonages pour la ruralité.
Concernant les politiques contractuelles, une nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER) voit le jour, avec une enveloppe plus que doublée par rapport à 2020, passant de 108 millions à 222 millions d'euros. Cependant, les crédits attachés à ces nouveaux CPER sont répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ». Si cette répartition est compréhensible, les politiques contractuelles ne gagnent pas en lisibilité.
La première génération des contrats de ruralité a été mise en place en 2017 avec des crédits dédiés, qui ont ensuite glissé vers le programme 119, jusqu'à se retrouver dans des crédits de droit commun. Dans mon rapport présenté l'année passée sur les contrats de ruralité, j'avais souligné l'intérêt d'une deuxième génération de contrats. Celle-ci sera finalement mise en place à partir de 2021, probablement sous le nom de contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Mais, là encore, les financements pourraient porter sur le programme 112, mais aussi sur des crédits de droit commun du programme 119.
En 2021, un nouvel outil de contractualisation avec les territoires, le programme « Petites villes de demain » verra le jour. Il s'agit d'apporter une réponse positive à ces territoires ruraux constitués de petits bourgs qui ne remplissaient pas, notamment en termes de nombre d'habitants, les conditions d'accès au programme Action coeur de ville. Ce nouvel outil comporte deux avancées majeures. Tout d'abord, il concerne toutes les petites villes en dessous de 20 000 habitants, sans plancher de nombre d'habitants. Cela permet à des petits bourgs peu peuplés, mais jouant un vrai rôle de centralité dans un territoire, d'en bénéficier. Ensuite, les candidatures groupées à l'échelle des intercommunalités sont désormais possibles. Dans le cadre de ce programme, l'ANCT pourra notamment financer l'ingénierie.
Les onze pactes territoriaux continuent, mais également, avec des crédits répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ».
Les politiques contractuelles affichent de véritables avancées, que je viens de citer. En revanche, la manière dont les crédits sont répartis accentue le manque de lisibilité et de cohérence, avec une dispersion sur plusieurs missions. On a également pu constater des changements de règles du jeu en cours d'exécution de ces contrats, qui privent les acteurs locaux d'une stabilité dont ils auraient pourtant besoin. Il y aurait donc un réel intérêt à rassembler toutes les politiques contractuelles au sein d'une même mission, pour plus de lisibilité et d'efficacité.
L'ANCT est financée sur le programme 112 par une subvention pour charge de service public, qui progressera cette année de 52 à 61 millions d'euros, notamment du fait du doublement des crédits dédiés à l'ingénierie des territoires, qui augmentent de 10 à 20 millions d'euros. Il est aujourd'hui trop tôt pour juger de l'efficacité du travail conduit par l'agence, mais il faudra à terme examiner la plus-value qu'elle apporte sur les territoires. Quoi qu'il en soit, elle répond à un véritable besoin en termes d'ingénierie.
Les crédits des maisons France Services augmenteront en 2021, pour accompagner leur montée en puissance - elles sont aujourd'hui au nombre de 856, l'objectif étant d'en avoir une par canton - : 543 d'entre elles sont portées par les collectivités territoriales, 156 par des associations, 131 par La Poste, 19 par la Mutualité sociale agricole (MSA) et 11 par l'État. Je porte un regard positif sur ces maisons, qui améliorent les services dans les territoires, les rassemblent dans un même lieu et les rapprochent des habitants. Elles mobilisent une dizaine d'opérateurs. Aujourd'hui, le financement du fonctionnement et de l'accueil est assuré au travers d'un forfait de 30 000 euros par maison, alimenté à la fois par les opérateurs et par l'État via du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Toutefois, le passage d'une maison de service au public à une maison France services implique une montée en gamme et en nombre des services apportés. La question se pose donc de l'adéquation entre cet accompagnement financier et les critères requis pour pouvoir être labellisées.
Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un montant avoisinant les 600 millions d'euros, et correspondent à des zonages. Ces derniers sont en faveur des territoires ruraux, à l'image des ZRR et les AFR. Contrairement au rapport rendu par l'Assemblée nationale, je pense que ces exonérations fiscales ont un effet levier important, comme nous l'avions mis en lumière dans notre rapport d'information sur les ZRR, réalisé avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. La fin de ces dispositifs était prévue pour le 31 décembre 2020, mais un amendement du Gouvernement à l'Assemblée vient de proroger de deux ans sept d'entre eux, dont cinq concernent le programme 112 au travers de l'article rattaché 54 ter, sur lequel je vous proposerai de donner un avis favorable. Aujourd'hui, un chantier est ouvert pour réformer ces zonages. Nous y sommes favorables, et nous souhaitons qu'une véritable démarche de concertation soit mise en oeuvre. Nous suivrons donc ce sujet avec attention. Dans l'attente de cet éventuel futur zonage, il est important de proroger ceux qui sont existants : comme le Gouvernement a accepté de proroger les zones AFR pour deux ans, je vous propose de maintenir sur cette même période la prime d'aménagement du territoire (PAT) adossée à ce zonage.
Au sein du programme 162 « Interventions territoriales de l'État », six actions se poursuivent : l'action n° 2, Eau-Agriculture en Bretagne ; l'action no 4, Programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse - qui sera complété par le plan de relance ; l'action no 8, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ; l'action no 9, Plan littoral 21 ; l'action no 10, Fonds interministériel de transformation de la Guyane ; et enfin l'action no 11, Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de Loire. L'action no 6, Plan gouvernemental sur le marais poitevin, est définitivement abandonnée, et l'action no 12, Service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, est créée dans le PLF 2021. Ces services sont aujourd'hui gérés par l'État, dans l'attente de la révision du statut de l'assemblée territoriale.
Je vous propose d'adopter les crédits du volet politique des territoires de la mission « Cohésion des territoires ». Nous aurons également à nous prononcer sur l'amendement que je vous propose, qui vise à rétablir les crédits de la PAT pour un montant de 10 millions d'euros en AE et de 15 millions en CP, que nous prélèverions sur le programme 135. Enfin, nous nous prononcerons sur l'article 54 ter ajouté à l'Assemblée nationale.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». - Le budget pour 2021 est contrasté, avec des crédits en hausse grâce au plan de relance, le passage des crédits d'ingénierie de l'ANCT de 10 à 20 millions d'euros, le déploiement des crédits pour les maisons France Services, et enfin la prolongation de deux ans des zones AFR. Il reste toutefois quelques motifs d'inquiétude. D'abord, la suppression de la PAT est regrettée, elle était déjà passée de 20 à 6 millions d'euros. Selon le Gouvernement, les nouvelles politiques relatives aux territoires d'industries suffisent à encourager l'installation d'entreprises, bien que ces derniers ne concernent que 145 communes contre un total de 35 000 sur l'ensemble du territoire.
Ensuite, les crédits du programme 112 baissent de 15 % en AE et de 5 % en CP, bien que le Gouvernement indique que cette diminution sera compensée par le plan de relance. Il faudra donc s'assurer que le programme retrouve le niveau qui était le sien, afin d'éviter cette confusion entre les crédits du plan de relance et les crédits véritablement affectés au programme. Il y a ici un risque pour la visibilité des politiques d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, l'articulation des nouvelles instances prévues par la circulaire du Premier ministre sur la mise en oeuvre territorialisée du plan de relance, avec à la fois des comités existants comme l'ANCT et des comités locaux, de cohésion territoriale ou encore régionaux, présente un risque de perte d'efficacité pour les territoires. Néanmoins, la commission émettra un avis favorable, compte tenu des crédits alloués aux territoires dans le plan de relance.
M. Olivier Henno, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». - Un réel effort a été consenti pour la budgétisation de ce programme pour 2021, avec une enveloppe de crédits portée à 2,2 milliards d'euros. Trois enjeux se présentent néanmoins : le maintien - voire la hausse - des capacités d'accueil pour cet hiver compte tenu du rebond épidémique ; le maintien de l'accompagnement social, alors que le secteur peine à recruter des bénévoles ; enfin, la poursuite des évolutions structurelles du secteur de l'hébergement et de l'insertion pour le logement, avec le ralentissement de nombreux chantiers et l'incertitude persistante sur la capacité du secteur à rebondir en 2021. L'avis de la commission des affaires sociales sera sans doute favorable.
M. Claude Raynal, président. - Permettez-moi de poser deux questions au nom du rapporteur général.
Philippe Dallier, l'Assemblée nationale a prolongé jusqu'en 2024 le dispositif Pinel de réduction d'impôt pour l'investissement locatif intermédiaire, tout en prévoyant sa réduction progressive. Compte tenu des critiques souvent faites envers ce dispositif, parmi lesquelles sa rentabilité difficile à calculer pour le particulier qui investit, ou encore son coût élevé pour l'État par rapport aux effets, ne serait-ce pas une bonne chose d'explorer d'autres voies, d'autant que l'effort public devrait surtout porter aujourd'hui sur la rénovation du parc existant, qui est déjà une tâche considérable et difficilement rentable ?
Bernard Delcros, concernant le programme 162 et le plan chlordécone, le Sénat avait voté l'année passée une hausse de 1 million d'euros pour la réalisation de tests aux Antilles. Qu'en est-il cette année ? Les propositions du Gouvernement paraissent-elles assez ambitieuses ?
M. Patrice Joly. - Sur la question du logement, cela m'évoque un problème survenu dans mon territoire à la fin des années 1990, à savoir un effet d'éviction de la population locale par une population d'Europe du Nord arrivante. La question était de pouvoir loger la population locale, qui, au regard de ses moyens financiers, n'était plus en mesure d'acheter des biens immobiliers. Aujourd'hui, on constate le même type de phénomène. Quelle réflexion pourrions-nous avoir sur les moyens financiers apportés à la population locale pour construire et rénover sur les territoires ruraux ? La question de la rénovation fait en effet souvent l'objet d'une approche urbaine.
Les contrats de ruralité ont changé de nom, et je pense que c'est heureux. Mais la symbolique des dénominations témoigne de la considération portée à ces sujets. Cela vaut aussi pour le programme « Petites villes de demain » et les bourgs qui revendiquent des rôles de centralité. Je proposerai, par le biais d'un amendement, l'instauration d'une déclinaison particulière appelée « Villages du futur » pour les communes de moins de 2 000 habitants, qui ne sont pas des villes. Cela témoignera de l'attention portée à ces villages.
Les maisons France Services fonctionnent et constituent une véritable offre de services. Mais il ne faudrait pas les laisser devenir des sortes de « maisons administratives fourre-tout » ! Par exemple, on a pu me justifier la compensation de la fermeture d'une gendarmerie par l'instauration de permanences dans une maison de service public. Soyons attentifs !
Sait-on comment l'ingénierie des crédits dédiés à l'ANCT va fonctionner ? S'agit-il de financements, ou plutôt de prestations offertes par des tiers avec lesquels l'ANCT aura contractualisé ?
M. Vincent Segouin. - Existe-t-il une estimation de la fraude sur l'aide à la rénovation énergétique, et des moyens pour la contrer ?
Peut-on avoir une visibilité durable sur les ZRR ? En effet, je suis sidéré qu'aucune promotion de ce dispositif ne soit faite dans les campagnes, et qu'il soit sous-exploité.
M. Jean-Marie Mizzon. - Les nouveaux crédits affectés à l'ANCT sur l'ingénierie des territoires bénéficieront-ils à l'agence en tant que structure, ou plutôt aux territoires qui travaillent avec elle ? Si tel est le cas, quid des territoires qui se sont organisés avant l'émergence de l'ANCT ? Bénéficieront-ils également d'un soutien de l'État ?
M. Sébastien Meurant. - Le prix des logements augmente sur une partie du territoire français, qu'il s'agisse du territoire côtier ou des métropoles. La décorrélation du foncier et du bâti est-elle une piste à envisager ?
Le logement social est devenu un luxe pour une partie de la population. Les dispositifs d'aide d'urgence ne cessent de se développer, et ne sont pas une solution durable. Que préconisez-vous ?
L'État va-t-il prendre en compte l'épisode de la covid pour reporter les engagements triennaux sur l'obligation de construire 25 % de logements sociaux dans les communes en zone tendue de plus de 3 500 habitants ?
Dans le cadre des mesures sur les économies d'énergie, avez-vous des informations sur la situation difficile de certaines copropriétés en raison des travaux qu'elles ont engagés, qui contraignent les propriétaires à prendre des crédits importants qui les fragilisent financièrement ?
M. Jérôme Bascher. - Un vrai bilan de la fraude sur ce sujet est nécessaire, car les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique nous révèlent qu'il n'y a pas véritablement de rénovation à un euro.
À quels territoires profitera la hausse de 10 à 20 millions des crédits de l'ANCT ? Aux petites communes, aux intercommunalités, aux départements ? On s'est beaucoup plaint de l'absence d'ingénierie sur les territoires, pour finalement créer une agence centralisée à Paris. N'a-t-on pas inventé-là un nouveau comité Théodule pour départementaliser et distribuer ce soutien en ingénierie ?
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Le rapporteur pour avis a posé une question sur laquelle je veux revenir, celle de la gouvernance au niveau régional entre les CPER et le plan de relance. Sur cette question, les acteurs interrogés ont bien confirmé que seul le comité de programmation des crédits du CPER était décisionnaire.
Au sujet du plan Chlordécone, on passe effectivement de 5 millions d'euros l'année dernière à 3 millions aujourd'hui. En réalité, le PLF initial pour 2020 présenté par le Gouvernement prévoyait 3 millions, mais le débat budgétaire a conduit à porter les crédits à 5 millions. Cette année, le Gouvernement propose de nouveau 3 millions. Avec les reports des crédits autorisés et les transferts en gestion, on arriverait finalement à 5,2 millions, soit à peu près la même somme que l'an dernier. Toutefois, l'inspection générale des affaires sociales a conduit une mission d'information assez critique, qui a conclu que nous étions en réalité loin des niveaux de financements nécessaires, qu'ils estiment à 30 millions d'euros pour la seule dépollution des sols.
Je partage les propos de Patrice Joly sur la symbolique des noms, qui est très importante. Il serait dommage d'abandonner l'appellation « contrats de ruralité », car cela pourrait avoir pour effet de diluer les problématiques propres à la ruralité dans des enjeux nationaux qui pourraient être différents. Aujourd'hui, le terme CRTE est plutôt privilégié. La question de l'avenir de la ruralité s'est installée dans le débat public, et il convient d'attacher de l'importance aux termes.
Si un amendement vise à instaurer un programme spécifique « Villages du futur » pour les bourgs dont la population est inférieure à 2 000 habitants, je le soutiendrai.
Patrice Joly a relevé qu'un certain nombre de services d'État étaient dirigés vers les maisons France Services et a cité le cas des gendarmeries, je le découvre ! Nous devons être attentifs sur ce point : le transfert de services peut être envisagé, mais il doit être concerté et organisé. Et si l'on transfère des services de l'État, quid des financements ?
Pour répondre à Jérôme Bascher et Jean-Marie Mizzon, les crédits d'ingénierie de l'ANCT passent de 10 à 20 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros de crédits prévus dans le plan de relance. Ces crédits se déploieront sous deux formes principales : les territoires peuvent se doter d'ingénierie en interne, au travers de chefs de projet, financés en partie par l'ANCT, dans le cadre du programme Petites villes de demain ; ou l'ANCT peut, au travers d'un marché passé avec des bureaux d'études qu'elle finance intégralement apporter des prestations d'études thématiques.
Le dispositif des ZRR, sur lequel j'ai fait un rapport l'année dernière avec deux collègues, est très utile. Nous avions proposé une évolution des critères pour une plus grande efficience du dispositif et plaidé en faveur de la prorogation des ZRR en attendant. Une réflexion est actuellement menée pour les faire évoluer, ainsi que d'autres dispositifs de zonage. Le Gouvernement, par un amendement déposé à l'Assemblée nationale, a décidé de proroger les ZRR pour une durée de deux ans.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Pour répondre au rapporteur général sur le dispositif Pinel, je lui confirme qu'il a un certain coût, raison pour laquelle le Gouvernement souhaitait lui faire un mauvais sort ! Souvenons-nous qu'Emmanuelle Cosse avait choisi de mettre un terme au précédent dispositif de soutien : le rythme des constructions avait plongé ! Le Gouvernement a compris qu'il fallait un dispositif pour l'investissement locatif. Est-il trop généreux ? Des points pourraient être revus, mais l'année 2021 n'est pas la bonne pour décider de modifier les règles du jeu... Quand nous aurons retrouvé un rythme soutenu de construction, nous pourrons étudier des adaptations du dispositif. Le rapporteur général se demandait s'il ne fallait pas préférer la rénovation du parc existant. Mais il faut faire les deux : rénover le parc et construire 500 000 logements par an.
Patrice Joly, le phénomène que vous avez évoqué va s'amplifier. Après le confinement et avec le développement du télétravail, des Parisiens et des habitants des grandes villes ont décidé d'aller construire leur vie ailleurs. Dans le Berry, par exemple, des maisons en vente depuis des mois ont rapidement trouvé acquéreur. Cela pose problème pour les habitants du cru qui n'ont pas forcément les moyens de devenir propriétaires, surtout si les prix augmentent. Je n'ai pas de solution à proposer.
Vincent Segouin et Jérôme Bascher m'ont interrogé sur la fraude au dispositif « MaPrimeRénov' ». Des travaux réalisés dans des conditions épouvantables par des entreprises qualifiées, c'est à la limite de la fraude et de la malfaçon. L'ANAH dit être capable de contrôler 10 % des dossiers, travaux faits. Ce taux peut sembler faible, mais c'est beaucoup mieux qu'avant ! L'aide de 150 euros à l'assistance à maîtrise d'ouvrage me paraît faible. Cette aide ne suffira pas à rémunérer le professionnel dont vous aimeriez solliciter l'avis pour juger de la qualité du devis d'une entreprise. Des contrôles et un dialogue constant entre le ministère et les professionnels seront nécessaires. À l'époque de l'opération « La chaudière à 1 euro », le prix des chaudières avait flambé : les professionnels, réunis par le Gouvernement, avaient pris des engagements, dont je ne suis pas certain qu'ils se soient traduits par une atténuation des prix. Les subventions entraînent un effet d'aubaine, qui ne peut être qualifié de fraude.
Sébastien Meurant, la décorrélation du foncier et du bâti existe déjà. Cela permet à des familles d'accéder à la propriété. Ce mécanisme, qui est beaucoup plus développé dans d'autres pays comme les Pays-Bas, n'est toutefois pas la solution miracle.
Les loyers des logements sociaux sont-ils trop élevés ? Pour le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), non ; pour le prêt locatif social (PLS), oui ! Dans certains territoires, il est parfois difficile de trouver des familles correspondant aux critères pour les logements financés en PLS.
En ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), j'ose espérer que, eu égard aux circonstances, pour la période triennale en cours, des consignes seront données pour tenir compte de la crise. Une réflexion va s'ouvrir au sein du Gouvernement sur la « barrière » de 2025. Il est clair que toutes les communes n'auront pas 20 % ou 25 % de logements sociaux à cette date. L'idée est de reporter l'échéance de six ans. Jusqu'à présent, les modifications apportées n'étaient pas très importantes, mais nous avons maintenant une perspective que le débat soit rouvert.
Pour éviter la fragilisation de certains propriétaires en cas de travaux dans une copropriété, des aides existent. Des personnes obligées de contracter un emprunt parce que des travaux ont été votés peuvent, en effet, se retrouver dans des situations difficiles. Mais le phénomène des copropriétés dégradées a pris une ampleur catastrophique dans certains territoires, comme au Chêne pointu à Clichy, en Seine-Saint-Denis. Il faut trouver un équilibre. La problématique est en tout cas mieux appréhendée aujourd'hui qu'elle n'a pu l'être par le passé.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - L'amendement n° II-4 vise à rétablir les crédits de la prime d'aménagement du territoire (PAT), ce qui est cohérent avec la décision du Gouvernement de prolonger les zones AFR de deux ans. La PAT est accordée aux entreprises qui s'installent dans les zones situées en AFR.
Aucun crédit n'était prévu en autorisations d'engagement : je propose de rétablir 10 millions d'euros de crédits. En crédits de paiement, je souhaiter relever à 10 millions d'euros le montant actuellement fixé à 6 millions d'euros.
L'amendement n° II-4 est adopté.
M. Patrice Joly. - Compte tenu de la ponction sur Action Logement, nous sommes, pour notre part, défavorables à l'adoption des crédits de la mission.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - L'article 54 bis vise au report d'un an de la mise en place des aides personnelles au logement à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Conseil d'État ayant prévu que l'État était compétent la matière, la loi Élan a prévu l'instauration de ces aides, dont la mise en place a pris du retard en raison de problèmes informatiques. Le report de la date d'entrée en vigueur permet d'éviter des indus très importants.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 bis.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - L'article 54 ter, qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, prévoit de proroger jusqu'au 31 décembre 2022 un certain nombre de zonages, comme les ZRR et les AFR. Nous y sommes bien évidemment favorables.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 ter.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport spécial
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Conformément à la loi de programmation pour la recherche (LPR), le budget alloué à l'enseignement supérieur connaît cette année une progression substantielle, de l'ordre de 375 millions pour les deux programmes de la mission, soit une hausse de 2,3 % contre 1,5 % l'année dernière.
Les établissements d'enseignement supérieur bénéficieront ainsi de 242 millions d'euros supplémentaires, dont 164 millions d'euros pour la mise en oeuvre des mesures issues de la LPR, à savoir principalement des revalorisations indemnitaires et des mesures statutaires, mais également de la création de 385 emplois.
Le budget pour 2021 entend ainsi redonner des marges de manoeuvre budgétaires aux universités, jusqu'à présent confrontées à des tensions très importantes sur leur masse salariale, en raison du dynamisme de cette dernière à budget constant.
Je voudrais en effet rappeler que, ces dernières années, la plupart des établissements ont été contraints de geler des postes ou de supprimer des emplois pour équilibrer leur budget.
Cette situation n'était pas tenable, alors que les universités doivent accueillir chaque année un nombre plus élevé d'étudiants. L'année 2021 ne dérogera pas à cette règle, bien au contraire, puisque la crise sanitaire a entraîné un taux de réussite très élevé au baccalauréat. Les établissements d'enseignement supérieur comptent ainsi près de 28 700 nouveaux étudiants, ce qui représente une hausse de 1,9 % de la population étudiante, contre 1 % l'année dernière.
Pour absorber ce flux exceptionnel, le budget pour 2021 prévoit la création de 20 000 places supplémentaires dans les universités : 10 000 au titre du plan Étudiants et 10 000 au titre du plan de relance. En parallèle, la subvention versée aux établissements d'enseignement privé progresse de 9 millions d'euros, le ministère ayant demandé à ces établissements de faire un effort exceptionnel pour accueillir de nouveaux étudiants.
Je voudrais néanmoins souligner que cette augmentation ne permet pas de compenser le différentiel avec la dynamique des subventions au secteur public. Ainsi, entre 2008 et 2020, les effectifs étudiants accueillis dans les établissements privés ont progressé de 121,6 %, tandis que l'effort budgétaire consenti par l'État n'a augmenté que de 10,6 %. Mécaniquement, la part du soutien de l'État par étudiant a donc diminué de 48 % sur cette période : le financement moyen d'un étudiant s'élève désormais à 11 500 euros dans l'enseignement supérieur public contre 588 euros dans l'enseignement privé.
De manière plus générale, face à la hausse continue du nombre d'étudiants, le mode de financement des universités paraît au mieux fragile, au pire obsolète ; chaque année, le Gouvernement crée ainsi des places supplémentaires pour absorber le flux à court terme, sans s'interroger sur les raisons de ce dynamisme ni adopter de vision plus prospective, à moyen et long termes.
À cet égard, la crise sanitaire a agi comme un révélateur, mettant en exergue la nécessité de procéder à des investissements massifs dans l'enseignement supérieur.
La vétusté de l'immobilier universitaire est ainsi, chaque année, plus problématique, et constitue un défi de taille pour les années à venir.
Je me félicite, dans ce contexte, que le plan de relance prévoie de consacrer près 4 milliards d'euros à la rénovation thermique de l'immobilier de l'État. Il s'agit là d'une occasion unique de remettre à niveau le bâti universitaire, tout en participant d'un cercle vertueux, avec l'accélération de la transition écologique, mais aussi la diminution des coûts de fonctionnement des universités. J'invite donc les établissements d'enseignement supérieur à saisir cette opportunité, en candidatant massivement aux appels à projets lancés dans le cadre du plan de relance.
L'année 2021 sera également marquée par une extension du dialogue stratégique et de gestion qui concernera plus de 20 nouveaux établissements. Ce dialogue sera également étendu à la répartition des hausses de crédits résultant de la LPR et du plan de relance. Si cette démarche est initialement vertueuse, elle s'accompagne, à mes yeux, d'une moindre lisibilité des montants alloués à la mise en oeuvre des politiques publiques, rendant plus difficile le suivi des crédits.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la vie étudiante. Ces derniers enregistrent en 2021 une hausse deux fois plus importante qu'en 2020, puisqu'ils progressent de 133,5 millions d'euros, soit une hausse de 4,8 %.
Cette augmentation résulte principalement de la revalorisation des bourses sur critères sociaux versées aux étudiants, de la mise en place du ticket restaurant à 1 euro pour les étudiants boursiers et du gel de l'augmentation des loyers des résidences universitaires.
Après une exécution budgétaire 2020 marquée par la mise en oeuvre, dans des conditions parfois difficiles, de mesures de soutien ponctuelles aux étudiants, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) seront à nouveau pleinement mobilisés pour lutter contre la précarité étudiante en 2021.
Je voudrais souligner que ces derniers ont subi des pertes d'exploitation considérables au titre de leurs activités de restauration et d'hébergement, si bien que leur situation demeure fragilisée et devra faire l'objet d'un suivi attentif.
La mission « Enseignement supérieur » bénéficiant de hausses importantes de crédits, je vous proposer d'adopter les crédits.
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Je salue ma collègue Vanina Paoli-Gagin, qui présentait aujourd'hui son premier rapport spécial.
Pour le monde de la recherche, le budget pour 2021 revêt une dimension symbolique, puisqu'il s'agit de la première année de mise en oeuvre de la LPR, que nous venons de voter. Je ne reviendrai pas sur le contenu de cette loi de programmation, que j'ai déjà eu l'occasion de détailler devant notre commission. Je m'attacherai uniquement à vous présenter la déclinaison qui en est faite dans le projet de loi de finances pour 2021, en retenant quatre points saillants.
D'abord, je voudrais souligner que le budget de la recherche est conforme à la trajectoire votée pour 2021, avec une hausse de 225 millions d'euros des crédits alloués au programme 172 et de 41 millions d'euros des crédits dévolus à la recherche spatiale.
Cependant, ces augmentations de crédit sont très peu lisibles. En effet, la maquette budgétaire de la mission « Recherche » est profondément modifiée cette année, notamment dans le contexte du plan de relance. Les mesures de périmètre représentent ainsi une diminution de 756 millions d'euros du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). Certaines de ces mesures semblent pertinentes, d'autres nettement moins - je pense notamment à l'inscription des crédits dédiés à la recherche duale sur la mission « Plan de relance ». Il s'agit à mes yeux d'un tour de passe-passe budgétaire, que personne n'a été en mesure de justifier de manière crédible, et qui jette un doute quant à la pérennité de cette enveloppe.
De manière plus générale, le budget de la recherche sera cette année complété de manière très substantielle par des abondements en provenance du plan de relance et du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 4), qui comporte un volet entièrement dédié à la pérennisation des financements de l'écosystème de recherche et d'innovation. Au total, les 11,75 milliards d'euros des programmes de recherche bénéficieront d'un abondement de 2,055 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, près de 18 % des crédits dédiés à la recherche ne seront pas inscrits au sein de la Mires.
Ces moyens additionnels sont bien évidemment appréciables. Cependant, l'émiettement des crédits sur plusieurs actions et programmes contribue à aggraver le déficit de lisibilité dont souffre depuis plusieurs années le budget de la recherche et nous oblige à effectuer un travail de consolidation particulièrement complexe.
Je regrette, dans ce contexte, que le vote de la LPR ne se soit pas accompagné d'une simplification de l'architecture du soutien public à la recherche.
Deuxième point, si le budget pour 2021 est conforme à la programmation, les hausses budgétaires qui nous sont présentées sont partiellement factices. Une partie de ces crédits supplémentaires sont en réalité dévoyés de leur finalité première, pour venir combler des « trous budgétaires » identifiés de longue date. Tel est notamment le cas de l'enveloppe de 68 millions d'euros destinée au rebasage de la subvention versée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le sujet du « mur du CNRS » était en effet identifié depuis au moins trois ans, et rien ne justifie à mes yeux l'utilisation des crédits nouveaux issus de la LPR pour mettre un terme à cette situation.
Dans le même esprit, 38 millions d'euros de crédits supplémentaires seront mobilisés pour financer la contribution de la France aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et organisations internationales, alors même qu'il s'agit d'engagements pluriannuels contraignants pour notre pays.
J'estime ainsi que sur l'enveloppe de 225 millions d'euros de crédits supplémentaires, seuls 124 millions d'euros constituent des moyens réellement nouveaux, soit un peu plus de la moitié. Les choix budgétaires ainsi réalisés me semblent préoccupants, dans la mesure où ils laissent augurer d'une interprétation extrêmement restrictive de la programmation budgétaire, qui constituera un plafond davantage qu'un plancher.
Ma troisième remarque concernera la situation financière des organismes de recherche. Si l'on exclut le rebasage de la subvention du CNRS, ces derniers devraient bénéficier de 67,8 millions d'euros supplémentaires pour la mise en oeuvre de mesures issues de la LPR - à savoir les revalorisations indemnitaires et mesures statutaires, ainsi que la création de 315 emplois supplémentaires.
Il est indéniable que ces moyens nouveaux vont redonner des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Depuis plusieurs années, en effet, ces opérateurs ne sont pas en mesure d'exécuter leur plafond d'emploi, étant donné le dynamisme des mesures salariales et la stagnation des moyens qui leur sont alloués. Le budget pour 2021 devrait ainsi mettre un terme à l'érosion du nombre de chercheurs rémunérés par les organismes, ce qui constitue une avancée notable.
Je note cependant que sur ces 67,8 millions d'euros seuls 16,4 millions d'euros ont été répartis entre les organismes. Ces derniers ne connaissent donc toujours pas le montant des crédits qui leur seront alloués en 2021, et cette source d'incertitude est très préjudiciable.
Par ailleurs, la situation financière des opérateurs est assez contrastée, et demeure tendue pour certains - je pense notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il faudra donc se montrer très vigilant dans les mois qui viennent, afin que ne se reconstituent pas des « murs budgétaires ».
Je voudrais conclure, et ce sera mon dernier point, sur le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Conformément à la LPR, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse de 117 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE), des moyens dévolus à l'ANR. Ces crédits seront complétés par une enveloppe de 286 millions d'euros, en AE et crédits de paiement (CP), en provenance du plan de relance, si bien que, au total, l'ANR devrait bénéficier de 403 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre 1 169 millions d'euros. Cette hausse substantielle devrait permettre d'obtenir un taux de succès sur les appels à projets de 23 % dès 2021, contre 17 % en 2019.
Je me suis prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre de 1 milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès de l'ordre de 25 %. Je me félicite donc que l'impact conjoint de la LPR et du plan de relance permette d'atteindre ces objectifs dès 2021.
Au vu de toutes les réserves que j'ai évoquées, je réfléchis à un amendement de crédits permettant de rendre le budget pour 2021 plus sincère et plus conforme à la trajectoire votée, mais j'attends encore des informations du ministère.
Je souhaite donc que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission, sous réserve du vote de l'amendement que je devrais présenter dans les jours qui viennent.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Mon analyse est très proche de celle des rapporteurs spéciaux. Ce budget s'inscrit dans le droit fil des travaux de la LPR. Si l'on annule les évolutions de périmètre qui rendent particulièrement délicate la lecture du budget cette année, la hausse constatée est de l'ordre de 2 %, comme pour 2020. L'année dernière, j'avais estimé qu'il s'agissait d'un budget sans grande ambition. Je pourrais faire la même remarque cette année s'il n'avait pas été sauvé par le plan de relance.
Sur la forme, il a été difficile de reconstituer les différents crédits entre l'enveloppe de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », celle du plan de relance et celle du PIA 4.
Sur le fond, je regrette qu'il ait fallu attendre la plus importante crise de notre histoire économique pour que le Gouvernement applique nos recommandations. Deux mesures étaient demandées par le Sénat depuis plusieurs années : une hausse importante du budget d'intervention de l'ANR afin de revenir à un taux de succès décent et l'augmentation des crédits affectés aux aides à l'innovation de Bpifrance.
Néanmoins, certains points de vigilance perdurent.
D'abord, les organismes de recherche non rattachés au ministère de la recherche ne bénéficient pas de la dynamique de la LPR. C'est notamment le cas de l'IFP Énergies nouvelles (Ifpen), le successeur de l'Institut français du pétrole (IFP), qui travaille sur l'hydrogène.
Ensuite, le glissement vieillesse-technicité ampute chaque année les budgets. Un effort est fait, mais les organismes auraient besoin d'au moins 28 millions d'euros.
Enfin, les documents budgétaires ne renseignent pas sur les moyens précis à mettre en oeuvre concernant les objectifs opérationnels de la LPR. Quid des financements pour que les jeunes scientifiques ne perçoivent pas une rémunération inférieure à 2 SMIC ? Nous n'avons pas obtenu de réponse précise sur ce point : cet objectif ne sera donc vraisemblablement pas atteint en 2021.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire de mettre rapidement en oeuvre deux actions.
Les opérateurs ont des trésoreries très importantes, mais celles-ci sont bloquées pour des raisons liées à l'application d'une norme. Il faudrait faire évoluer cette norme pour que ces fonds puissent servir à la recherche.
Le projet de loi de finances pour 2021 supprime un dispositif essentiel, le doublement d'assiette pour les dépenses externalisées auprès d'organismes publics de recherche, dans le cadre du crédit d'impôt recherche (CIR), qui permet de renforcer les liens entre la recherche publique et les entreprises. Il faudrait reporter l'application de cette mesure à 2022 ou 2023.
Le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) est une poche budgétaire qui prolonge les actions de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Néanmoins, il constitue une débudgétisation contestable qui prive les parlementaires d'informations précises.
Une anecdote est révélatrice de la stratégie particulièrement brouillonne en ce domaine. Parmi les actions financées devait figurer un fonds de 70 millions d'euros par an pour l'émergence de l'innovation de rupture. À ce jour, seuls deux grands défis ont été lancés ; le troisième, qui portait sur un projet de stockage de l'énergie, a été arrêté en raison de la démission du directeur du programme. En matière d'innovations de rupture, l'État cherche encore son chemin...
Je proposerai donc à la commission des affaires économiques un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement que le rapporteur spécial présentera dans quelques jours.
M. Claude Raynal, président. - Le rapporteur général m'a demandé de vous poser les questions suivantes.
Sur la partie « Enseignement supérieur », vous avez souligné que les crédits du plan de relance consacrés à la rénovation thermique des bâtiments de l'État constituaient une opportunité pour le bâti universitaire. Concrètement, les universités sont-elles mobilisées sur ce sujet ? Ont-elles candidaté aux appels à projets ouverts dans ce cadre ? Envisagent-elles de le faire ?
Sur la partie « Recherche », le rapporteur spécial pourrait-il nous donner quelques éléments sur le nouveau programme de recherche « Horizon Europe » ? Le budget alloué à ce programme lui semble-t-il satisfaisant ?
M. Marc Laménie. - Ces sujets sont importants et mobilisent de larges moyens financiers. Quelle est l'évolution des effectifs alloués à l'enseignement supérieur ? Comment sont-ils répartis, d'un point de vue administratif et entre les territoires ? Le plan de relance prévoit 4 milliards d'euros pour l'immobilier universitaire. Comment ces sommes seront-elles engagées ? Les universités ont souvent des partenariats, en la matière, avec les collectivités territoriales. En ce qui concerne la recherche, quel est le nombre des opérateurs ? Quels sont leurs effectifs ? Les crédits de l'ANR augmentent fortement. Pouvez-vous nous expliquer son rôle, nous préciser sa gouvernance et nous décrire sa présence territoriale ?
M. Jérôme Bascher. - Si l'on consacre des moyens à l'enseignement supérieur et à la recherche, est-ce pour préparer les filières de demain, parce qu'il y a plus d'étudiants, ou pour alimenter la recherche de demain ?
Le rapporteur spécial a évoqué la recherche duale. Je sais comment ce programme a été créé. Il manquait 200 millions d'euros à la recherche au moment de la création de la Mires, lors du projet de loi de finances pour 2003. Nous avons donc pris 200 millions d'euros aux militaires, qui avaient suffisamment d'argent, pour créer ce programme dual, qui a été doté pendant très longtemps de 200 millions d'euros, fléchés principalement sur les dépenses du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour sa direction des applications militaires. A-t-on pu en faire autre chose ? La recherche duale est un vrai sujet, depuis longtemps. Ou est-ce toujours un programme d'ajustement budgétaire ?
Mme Christine Lavarde. - Le rapporteur spécial des crédits de la recherche a parlé à plusieurs reprises de la revalorisation en faveur des chercheurs qui était prévue dans la LPR. Il a même évoqué une sorte de flou, puisqu'on ne sait pas exactement comment ces crédits, qui sont prévus pour le programme « Recherche », seront répartis entre les différents opérateurs. L'annexe du projet de loi sur la recherche indique à plusieurs reprises que cette revalorisation s'étendra à l'ensemble des chercheurs du périmètre de la sphère publique. Mais tous les chercheurs du périmètre de la sphère publique n'appartiennent pas nécessairement à un établissement relevant de la Mires. Je pense, par exemple, aux écoles d'ingénieurs qui sont rattachées au programme 217 dont j'ai la charge, pour lesquelles il n'y a pas de crédits prévus, et qui ne bénéficient pas non plus d'une augmentation de la subvention pour charges de service public. Faut-il conclure que ces établissements d'enseignement, qui ont une activité de recherche, vont devoir financer sur leurs ressources propres la revalorisation des chercheurs inscrite dans la LPR ?
M. Thierry Cozic. - Le rapporteur spécial évoque une hausse peu lisible des moyens apportés à la recherche. De fait, les crédits qui nous sont proposés me semblent insincères financièrement, et ils n'apportent pas les moyens indispensables à la recherche et à l'Université, comme cela a été souligné dernièrement par le Conseil d'État. L'objectif de porter le budget à 1 % du PIB ne sera pas atteint. Pourtant, cela aurait permis d'accroître les moyens des laboratoires, de recruter et d'augmenter les salaires. Aucune solution n'est proposée aux universités, dont on connaît la situation financière catastrophique, ni à la précarité étudiante, que la crise sanitaire est venue révéler avec force. C'est pourquoi mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Des appels à projets ont été lancés le 9 octobre pour la rénovation du bâti universitaire, et ont suscité un très fort engouement, reflété par un communiqué récent de la Conférence des présidents d'université (CPU). Beaucoup d'établissements ont candidaté, ce qui laisse présager un résultat assez positif, au moins sur ce volet. Les résultats des premiers appels à projets devraient être rendus au cours du mois de décembre.
Pour répondre à Jérôme Bascher, il n'y a pas de fléchage direct des nouveaux moyens sur des filières d'avenir. Il y a un fléchage indirect via le dispositif de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), avec l'adaptation à la demande permise par le dispositif « Orientation et réussite des étudiants ».
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Budgétairement parlant, le cadre « Horizon Europe » a été bousculé depuis février 2018, puisqu'il est directement lié au cadre financier pluriannuel (CFP), ce qui fait que tous les crédits de la recherche ont été remodelés au fil des conseils européens. La dernière mouture voit arriver, sur l'ensemble du CFP, 15 milliards d'euros supplémentaires qui ont été demandés par le Parlement européen. Je crois que 5 milliards d'euros complémentaires ont été alloués au programme « Horizon Europe ». Sur l'architecture globale de ce programme, si l'architecture en piliers demeure, il faut souligner la création d'un nouveau pilier intitulé « Innovation ouverte », doté d'un volet « Éclaireur » et d'un volet « Accélérateur », ce qui est assez innovant. Nous verrons à l'expérience comment ceci fonctionne. Budgétairement, le chahut de ces deux dernières années semble aboutir à une solution stabilisatrice, qui sauve les meubles. L'avant-dernier CFP avait vraiment été passé au sécateur, notamment sur les crédits de la recherche et les crédits de la santé, et les crédits du programme Erasmus avaient été réduits au strict minimum. Il faudra coordonner les programmes de recherche français, c'est-à-dire ceux de l'ANR et ceux de « Horizon Europe ».
Jean-Pierre Moga parle du crédit d'impôt recherche dans son rapport. Le rapporteur général présentera au nom de la commission des finances un amendement à l'article 8 du projet de loi de finances pour 2021, pour demander de prolonger d'un an le dispositif de doublement d'assiette en cas de sous-traitance d'activités de recherche auprès d'organismes publics, tel qu'il existe aujourd'hui. En effet, l'article 8 prévoit de supprimer ce doublement d'assiette, afin de mettre nos règles en conformité avec le droit européen. Les auditions, notamment de représentants du CEA, nous ont montré qu'une prolongation de ce dispositif était nécessaire. Ce ne sont pas les grosses entreprises qui sont concernées, mais principalement les PME et les start-up. Il faudra trouver un dispositif de remplacement, raison pour laquelle nous avons besoin d'une année supplémentaire.
L'ANR est l'agence par laquelle passent les appels à projets pour la recherche nationale. Après quelques belles années au moment de sa création, en 2005, son budget a diminué. Du coup, elle ne peut plus allouer, dans ses appels à projets, suffisamment de fonds. Nous étions donc tombés à 11 ou 12 % de projets retenus. L'objectif est de revenir, comme je le préconise depuis deux ou trois ans, à 1 milliard d'euros de budget pour l'ANR, qu'elle pourrait redistribuer dans ses appels à projets pour atteindre un taux de 25 à 30 % de projets retenus par rapport aux projets déposés. Avec « Horizon Europe », on arriverait globalement à un taux de 40 % de projets retenus en France.
Dans le cadre de la LPR, l'ANR prend une dimension assez importante, qui a d'ailleurs été critiquée, puisqu'on a craint que tout ne passe par elle..
Sur la recherche duale, les explications données m'intéressent, mais nous avons le pressentiment qu'on repart dans l'autre sens, c'est-à-dire qu'on va faire disparaître cette ligne, à terme, des programmes de recherche.
Pour répondre à Christine Lavarde, nous avons a retrouvé 2,21 millions d'euros destinés aux établissements publics à caractère scientifique et technologique non rattachés au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur l'action n° 01, « Pilotage et animation » du programme 172 ; ces crédits sont inscrits au sein de la catégorie « actions de diffusion de la culture scientifique et technique », afin de mettre en oeuvre les mesures salariales issues de la LPR. Je suis convaincu que cela ne suffira pas ... Peut-être faudra-t-il abonder cette ligne par amendement.
Il y a vingt-trois opérateurs rattachés à la mission, Marc Laménie. Enfin, je peux comprendre les réticences de Thierry Cozic, sur quelque chose qui semble inachevé. C'est le projet de loi de finances pour 2022 qui sera intéressant : c'est alors qu'on verra si les premiers éléments de la LPR se mettront vraiment en place. Mais on ne peut pas dire que le budget de la recherche a baissé de 756 millions d'euros. Il faut prendre en compte la modification du périmètre, comme je l'ai dit à un journaliste, qui déplorait devant moi que le budget de la recherche perde quasiment un milliard. On peut faire de la politique, mais il faut rester objectif... Il est vrai qu'avec une répartition des crédits sensiblement différente, l'exercice, cette année, est très difficile.
M. Claude Raynal, président. - Vous recommandez donc l'adoption à ce stade de ces crédits sans modification, mais vous présenterez pour la séance publique un amendement en vue de les modifier.
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Nous avons contribué à la LPR : nous n'allons pas, ensuite, couper les crédits ! Mais il y a des pistes d'amélioration, et je voudrais que le ministère l'entende.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La réunion est close à 18 h 50.
Mercredi 18 novembre 2020
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Projet de loi de finances pour 2021 - Missions « Plan de relance » (et articles 56 à 56 octies) et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons par l'examen du rapport de Jean-François Husson sur les missions « Plan de relance », ainsi que les articles 56 à 56 octies rattachés, et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Mon propos concernera toutefois exclusivement le plan de relance, dans la mesure où nous avons déjà abondamment parlé des mesures d'urgence, comme le chômage partiel ou le fonds de solidarité. De plus, la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » ne comporte pour le moment aucun crédit : c'est une coquille vide qui récupèrera les crédits reportés de 2020 sur les différents dispositifs d'urgence. Il n'est pas non plus exclu que ces derniers soient encore « rechargés » en fonction de l'évolution de l'épidémie et de ses conséquences sur l'économie.
La mission « Plan de relance » ne respecte guère le principe de spécialité des crédits et aurait pu être qualifiée de « générale », tant elle abonde des politiques relevant traditionnellement des autres missions du budget général. En outre, elle est structurée en trois programmes tellement vastes que, par application du principe de fongibilité, l'autorisation parlementaire laissera en fait une grande liberté d'action aux gestionnaires de programme.
Je n'énumérerai pas ici tous les dispositifs, que beaucoup d'entre vous ont évoqués dans les rapports spéciaux, mais je rappellerai plutôt comment ces crédits se placent dans l'ensemble du plan de relance.
La mission « Plan de relance » représente 36,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 22 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), répartis entre trois programmes : le programme 362 « Écologie » avec 18,4 milliards d'euros en AE, mais seulement 6,6 milliards d'euros en CP ; le programme 363 « Compétitivité », avec 6 milliards d'euros en AE et 4 milliards d'euros en CP ; et le programme 364 « Cohésion », avec 12 milliards d'euros en AE et 11,4 milliards en CP dès 2021. Il faut y ajouter le coût des impôts de production, qui s'élève à 20 milliards d'euros sur deux ans, mais aussi les crédits déjà engagés en 2020, à hauteur de 15 milliards d'euros. Sans oublier les crédits engagés sur d'autres missions budgétaires, qui correspondent à 13 milliards d'euros, ainsi que les crédits mis en oeuvre par les administrations de sécurité sociale, à hauteur de 9 milliards d'euros, mais aussi par Bpifrance ou la Banque des territoires, pour 5 milliards d'euros.
Je répondrai à trois questions : est-ce vraiment un plan de relance ? Quels sont les objectifs ? Comment sera-t-il mis en oeuvre ?
Lorsqu'on l'observe dans le détail, force est de constater que le plan de relance est d'abord un vaste catalogue de mesures variées. Même si certaines présentent une véritable dimension de relance de l'économie, dans la mesure où elles auront un effet d'impulsion sur des filières, elles n'atteignent pas, à elles seules, le chiffre symbolique de 100 milliards d'euros.
Au fond, un grand nombre de dépenses inscrites dans cette mission auraient pu, voire auraient dû être portées par les programmes budgétaires traditionnels des ministères, qui seront d'ailleurs chargés de leur mise en oeuvre opérationnelle. Ce plan de relance constitue donc avant tout une sorte de « plan de rattrapage » pour des actions que les ministères auraient dû déjà conduire, et qui trouvent ici un véhicule budgétaire bienvenu. Certaines de ces dépenses portent sur le fonctionnement, sur des achats courants, voire sur la contribution à une organisation internationale : leur impact en termes de relance de l'économie est pour le moins douteux. Le Gouvernement a ainsi fait le choix d'inclure dans cette mission de nombreux dispositifs qui auraient dû relever des missions budgétaires traditionnelles, et ce au détriment de la lisibilité de l'action publique, manifestement dans l'objectif d'atteindre le montant de 100 milliards d'euros.
Quel est l'objectif du plan de relance ? Un catalogue de mesures aussi variées, voire hétéroclites, peut difficilement avoir un objet clair. Les objectifs et indicateurs issus du projet annuel de performance (PAP) couvrent un nombre limité de dispositifs. L'objectif de relance de l'économie est donc limité par un trop grand nombre de mesures qui, on l'a vu, sont en fait d'une autre nature.
En réalité, un seul objectif ressort clairement du plan de relance, constamment invoqué par le Gouvernement : la volonté de consommer les crédits rapidement, qui est intimée aux responsables de programmes, c'est-à-dire aux préfets et aux porteurs de projets - en d'autres termes, l'État dans toute sa puissance. Le Gouvernement a construit trois programmes budgétaires de très grande taille, pour pouvoir faciliter les réallocations d'enveloppes budgétaires à mi-parcours - au moins en théorie, car l'exécution pourrait s'en trouver plus complexe.
Or le Gouvernement confond la rapidité de consommation du budget et l'efficacité de mise en oeuvre concrète des projets. Pour être vraiment dans les temps de la relance, il aurait fallu agir plus tôt, comme le Sénat l'avait préconisé l'été dernier par la voix d'Albéric de Montgolfier. En imposant aujourd'hui une consommation des crédits comme unique critère d'efficacité, on risque de favoriser des projets faciles à mettre en place, au détriment de projets plus structurants et plus durables.
Comment ce plan sera-t-il mis en oeuvre ? C'est sans doute le point essentiel.
Le Gouvernement multiplie en ce moment des appels à projets ou à manifestation d'intérêt, qui permettent de présélectionner des projets. Une telle stratégie porte le risque d'être soit trop longue jusqu'à la passation effective des marchés et la création d'activité dans les territoires, soit trop courte par des procédures confondant vitesse et précipitation. Les ministères devront d'abord s'entendre sur le mode de gestion des crédits, par transfert ou par délégation entre le ministère de l'économie et les autres ministères.
Surtout - et c'est pour moi le principal point aveugle du processus -, quelle sera la territorialisation du plan de relance ?
Le Gouvernement en parle beaucoup, mais il faut voir comment il l'explique à son administration dans sa circulaire du 23 octobre. En effet, une organisation très verticalisée du plan se dessine. Les dispositifs les plus importants sont élaborés de manière uniforme au niveau national, à l'image de la baisse des impôts de production, des aides à la rénovation énergétique des logements privés, ou encore des grands appels d'offres nationaux. Ils sont mis en oeuvre par l'État ou par des opérateurs qui rendent des comptes à l'administration centrale. Les autres dispositifs ne seront pas territorialisés, comme le dit le Gouvernement, mais déconcentrés. C'est le préfet de région qui attribuera les enveloppes en fonction des critères fixés au niveau national. Certes, il s'appuiera sur le président du conseil régional ou sur les préfets de département, mais les collectivités territoriales seront surtout sollicitées pour cofinancer les projets. Si l'objectif est, selon la circulaire, d'accroître l'effet de levier des crédits de l'État, il s'agit en réalité plutôt de forcer la main.
Je regrette cette occasion manquée, alors que les régions, en particulier, ont aujourd'hui la compétence économique, l'expérience nécessaire et les capacités pour définir et mettre en oeuvre des politiques de relance, qui pourraient se placer dans le cadre des objectifs nationaux du plan. Mais cette vision verticalisée aura au moins une vertu : par la multiplication des comités de suivi, elle assurera certainement - comme cela a été le cas avec le comité de suivi du plan d'urgence - une information efficace sur les données quantitatives et budgétaires de l'exécution des principales mesures. Mais en oubliant d'associer les territoires, on rate une perception plus qualitative de ce qui fonctionne et des initiatives que l'on pourrait favoriser, et ce parfois au détriment de l'efficacité de la dépense publique.
En outre, nous devrons être capables de déterminer dans quelques années si ce plan de relance a réussi ou échoué, et d'en tirer des enseignements pour l'avenir. En effet, tout cela n'est pas écrit dans les taux de consommation des crédits. C'est pourquoi je vous proposerai, par un amendement, de compléter le comité de suivi déjà prévu par un dispositif d'évaluation. Celui-ci ne sera conclusif que s'il est d'ores et déjà défini.
Je vous propose également trois amendements de crédits, qui constituent, selon moi, des dispositifs manquants dans le plan de relance. Tout d'abord, il faut renforcer les politiques de l'emploi, alors que de nombreux travailleurs jeunes ou peu qualifiés pourraient se retrouver en situation difficile. Ainsi, en m'inspirant de ce que la commission des finances avait déjà préconisé l'été dernier, mon amendement visera à proposer une prime à l'embauche sur six mois. Selon des paramètres différents, elle prendrait le relai de celle du Gouvernement, laquelle n'a probablement pas rencontré le succès escompté face au retour de l'épidémie. Ensuite, le Gouvernement doit faire évoluer le fonds de solidarité, tant dans sa mécanique même que dans ses modalités d'attribution. En effet, des travailleurs indépendants et des petites entreprises, même si elles ne sont pas fermées, rencontrent une telle baisse de chiffre d'affaires qu'ils ne parviennent pas à couvrir leurs charges fixes ou qu'ils n'y parviennent plus. Les aides dont ils bénéficient sont trop faibles. Il faut tenir compte des loyers versés et des coûts fixes qui s'imposent à eux pour déterminer le montant de l'aide qui leur est apportée. J'en ai déjà parlé lors de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). Enfin, parallèlement à l'étalement sur cinq ans du malus auto que je propose à l'article 14 du PLF, je préconise d'augmenter le budget de la prime à la conversion, afin d'accompagner les ménages dans la transition écologique et le renouvellement du parc automobile. Il faut qu'il y ait davantage de primes versées, selon des critères aussi larges que ceux du printemps dernier.
Je vous propose enfin deux aménagements à l'article 56 sexies, à propos des contreparties, introduites par l'Assemblée nationale, qui seraient exigées à toutes les entreprises bénéficiaires de ces aides. Il s'agit notamment de réserver ces exigences aux entreprises de plus de 250 salariés. Les PME rencontrent des difficultés supplémentaires avec la crise, et sont souvent moins bien armées pour y répondre.
Compte tenu de ces éléments et des amendements que je vous propose, je préconise donc l'adoption des crédits des deux missions et des articles rattachés.
M. Jean-François Rapin. - Il semble qu'on mette un peu la charrue avant les boeufs. Sur les 100 milliards d'euros annoncés par le plan, 40 milliards sont issus du cadre financier pluriannuel européen (CFP), qui est déjà en discussion depuis plus de deux ans. Cette semaine justement, la Hongrie et la Pologne ont émis un veto assez ferme sur ces crédits. Quelles seraient les conséquences du non-aboutissement du CFP sur le plan de relance ?
M. Vincent Delahaye. - Je partage l'analyse du rapporteur concernant l'effet d'affichage de ces 100 milliards, bien que sa proposition d'approuver les crédits de la mission, que je ne partage pas, entre en contradiction avec son argumentation. Le processus de rattrapage des dépenses des ministères est assez flagrant. J'aurais toutefois souhaité un chiffrage de ce dernier. Les ministères bénéficieront d'une augmentation de 10,3 milliards d'euros de leurs crédits en 2021. À combien de milliards supplémentaires s'élèverait cette augmentation des moyens des ministères centraux en y ajoutant le plan de relance ?
Les dépenses au titre du programme « Cohésion » seront les plus consommées en 2021, puisqu'elles participent au soutien à l'emploi, aux jeunes, aux handicapés, etc. Toutefois, cette partie cohésion n'aurait-elle pas dû s'insérer dans une autre mission, plutôt que dans les mesures de relance proprement dites ?
Instaurer une prime à l'embauche sur six mois, pourquoi pas. Mais comment la financer ? Que supprime-t-on en retour ? Je préfère une dépense de substitution à une dépense supplémentaire.
M. Roger Karoutchi. - Qu'est devenue la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ?
M. Jérôme Bascher. - La quoi ?
M. Roger Karoutchi. - Eh oui, elle semble être rangée au service des antiquités. Les différents PLFR tendent à effacer l'aspect purement démocratique, le rôle essentiel du Parlement qu'est le vote de l'impôt et le contrôle du budget. Aujourd'hui, le Parlement est mis dans une situation qui ne lui permet plus d'exercer un véritable pouvoir de contrôle sur l'évolution budgétaire. Quatre PLFR, auxquels s'ajoute une mission de relance qui intervient au même moment que le vote du budget, le tout en quelques mois, cela n'a pas beaucoup de sens.
En réalité, cette mission ne se limite pas à la relance, ou à quelques fondements forts qui auraient pu être pertinents. Il s'agit plutôt d'un éparpillement considérable des finances publiques sur tous les secteurs. Lorsqu'on accorde 70 millions d'euros à France Télévisions, que relance-t-on ? « Halte au feu » ! Nous perdons le contrôle démocratique, et on nous répond : « ne vous inquiétez pas, tout est dans le plan de relance ! » Beaucoup de crédits de la mission sont accordés, au titre du fonctionnement, à des activités normales n'ayant rien à voir avec la relance économique. Il s'agit d'une confusion totale des genres, avec une absence quasiment programmée du Parlement et des sommes considérables qui n'apparaîtront pas dans les bleus budgétaires de chacun des missions. Il n'y a pas là d'appels à grands projets pour relancer l'activité.
Par discipline et loyauté, je suivrai le rapporteur, mais la crise sanitaire ne doit pas être prétexte à tout.
M. Vincent Segouin. - Hier, à l'occasion du rapport spécial sur la mission relative à l'agriculture, un plan de relance spécifique a été évoqué. Après avoir établi le constat que la « Ferme France » n'était pas assez compétitive, on décide pourtant d'alimenter ce plan. De la même manière, je me demande si le plan de relance ne se résume pas à du saupoudrage. Deux phases se profilent : avant 2022, tous les projets qui dorment dans les tiroirs seront financés, y compris ceux des collectivités, qu'ils soient utiles ou non. Puis, en seconde phase, on ne sait pas où on investira. J'entendais, par exemple, ce matin qu'Ariane n'était plus dans la compétition face à SpaceX, mais rien de tout cela n'est évoqué dans le plan. Il y a un manque de projets d'envergure, et donc un manque de réflexion.
M. Vincent Capo-Canellas. - Ce plan a été conçu à l'été, mais la crise et son rebond ont été tellement violents qu'on pourrait se demander s'il est bien urgent de parler de rénovation énergétique, ou de politiques structurelles de moyen terme. Ne serait-ce pas encore le moment de soutenir les entreprises qui s'effondrent ? Ne passe-t-on pas à côté du « tempo » de l'économie réelle ? Avant-hier, une étude publiée par l'Institut des politiques publiques (IPP) mettait en cause ce plan, arguant qu'il bénéficierait surtout aux grandes entreprises et aux industriels, et non pas aux secteurs les plus touchés par la crise. Qu'en pensez-vous ?
M. Didier Rambaud. - Le plan de relance, c'est maintenant...
M. Jérôme Bascher. - À l'époque, la formule avait fonctionné !
M. Didier Rambaud. - Ne perdons pas de temps ! Je ne suis pas dupe du fait que certains ministères profitent de ce plan, comme Roger Karoutchi le souligne. Mais l'essentiel est que l'on puisse relancer un grand nombre de secteurs d'activité. Nous sommes aujourd'hui face à un double enjeu : relancer la consommation, mais aussi mettre en oeuvre cette relance au plus près des territoires. Ce point nécessitera un reporting quotidien. Dans le territoire que je représente, l'Isère, le préfet a réuni dès lundi dernier tous les acteurs économiques. En tant que parlementaires, il relève de notre rôle de suivre avec attention la mise en oeuvre de la mission dans nos départements.
M. Jean Bizet. - Je rejoins les propos du rapporteur : le plan de relance oublie de s'appuyer sur les territoires. Les régions, qui sont pourtant les acteurs territoriaux du développement économique dans l'architecture institutionnelle actuelle, sont très peu évoquées. De la même manière, l'État programme, et les collectivités payeront ensuite. On peut voir dans ce plan une pâle copie du plan Juncker au niveau communautaire, à la différence que ce dernier avait été suffisamment maturé pour permettre d'injecter des fonds privés, au travers de partenariats public-privé (PPP). En conséquence, l'effet de levier était monté jusqu'à quatorze ou quinze. Je souligne donc, d'une part, l'absence de partenariat avec les régions, et d'autre part, la réflexion nécessaire pour drainer l'épargne des Français, qui s'élève à 100 milliards d'euros, et qui pourrait être mobilisée dans le cadre de PPP. Mais tout cela ne pourra fonctionner qu'avec de la confiance. Or, elle est absente pour le moment. Quid du partenariat public-privé dans le plan de relance ?
M. Hervé Maurey. - L'ampleur de ce plan de relance, qui avoisine 6,5 % du PIB, paraît relativement limitée par rapport aux moyens consacrés dans les pays voisins. En outre, beaucoup de crédits auraient pu être inscrits dans d'autres missions. Cela aurait permis, au mieux, d'atteindre des objectifs fixés précédemment. De plus, il persiste un doute sur la capacité de mise en oeuvre de ce plan dans des délais raisonnables. En 2008, par exemple, les mesures de relance avaient permis à de nombreux projets de voir le jour. Or, lorsqu'on voit que les crédits se projettent sur la création pour 2022 de bateaux à hydrogène sur lesquels les études sont encore limitées, il y a de véritables raisons de douter !
En revanche, dans nos territoires, de nombreuses communes, communautés de communes ou d'agglomération ont des projets finalisés, mais dont la mise en oeuvre est freinée par la faiblesse des crédits éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) 2020 et le manque de visibilité sur les crédits DETR 2021. Et ce, pour une raison très administrative : les commissions DETR ne peuvent être réunies, car le Sénat n'a pas nommé ses représentants dans ces commissions, nous disent les préfets. Mais le Sénat attend que le secrétariat général du Gouvernement (SGG) effectue sa demande auprès de sa présidence ! Voyez comme un petit grain de sable administratif peut retarder la mise en oeuvre de projets d'investissements concrets.
Mme Christine Lavarde. - Ne craignez-vous pas un phénomène de « stop and go » pour certaines dépenses du plan de relance ? J'entends bien que certaines dépenses relèvent du rattrapage, et, dans ce cas, les crédits viendront juste accélérer les projets. Mais d'autres éléments plus engageants nécessiteront des investissements des entreprises sur le plus long terme. Je pense notamment aux milliards alloués à la rénovation thermique des bâtiments, qui nécessiteront un peu de recherche et développement. Je ne suis pas certaine que les grands groupes mettront en place ces investissements pour une période courte de deux ans, comme le plan le prévoit.
M. Pascal Savoldelli. -Pourriez-vous m'éclairer sur les différences entre les PLFR1, PLFR2, PLFR3, PLFR4 et le plan de relance ? La seule différence relève peut-être de ces 40 milliards d'euros qui dépendent d'une décision politique communautaire.
Je reste néanmoins enthousiaste sur le principe de rapidité d'exécution, même si je ne partage pas la plupart des mesures évoquées.
Comment ce plan a-t-il été construit avec les acteurs concernés par la relance ? Au-delà du vote de l'impôt et de notre pouvoir de contrôle, nous sommes les élus de la Nation. Nous sommes en droit de demander à l'exécutif comment il a élaboré ces mesures, et avec qui.
Nous aurions besoin d'une loi de finances qui, de manière inédite, aurait porté sur plusieurs années. Face à de tels enjeux, il faut amorcer les choses sur les prochaines décennies, pour répondre aux problèmes sanitaires, économiques, sociaux et démocratiques. C'est une véritable réflexion à avoir.
M. Philippe Dallier. - Je suis inquiet de la teneur de nos débats de ce matin, même si je pense que nous voterons tout de même ces crédits. On peut considérer que ces 100 milliards ne sont pas assez, mais je rappelle que, fin 2021, la dette publique s'élèvera à 2 800 milliards d'euros. La question est : jusqu'où aller, et à partir de quel moment cela aura un impact sur les taux d'intérêt ?
Il est vrai que, en termes de lisibilité, ce plan de relance n'est pas adapté. Je suis également d'accord sur le fait que le Gouvernement y insère des éléments non rattachables directement à la relance. Pour autant, une somme importante est sur la table.
Pour rebondir sur la question de Vincent Capo-Canellas, nous ne sommes pas dans un plan de soutien aux entreprises en difficulté. L'objectif est plutôt de faire en sorte que l'activité rebondisse en 2021 ! La rénovation énergétique renvoie certes à des objectifs fixés depuis longtemps, et que l'on sait difficiles à atteindre. Pour autant, les crédits sont disponibles, nous avons la possibilité de donner un coup de booster : allons-y ! Nous pouvons toujours proposer des amendements pour abonder les crédits, mais encore une fois, jusqu'à quelle limite ? Il n'en reste pas moins qu'un rejet du plan de relance serait difficile à justifier pour le Sénat.
M. Sébastien Meurant. - En termes d'efficacité, à quoi va servir le plan ? Est-ce juste un outil de communication ? Un réducteur d'incertitudes ? En outre, il est dramatique de parler de plan de relance dans une période où la plupart des acteurs économiques sont à l'arrêt et n'ont même pas le droit de travailler. Comment, dans ces conditions, pourraient-ils reprendre confiance ? Dans le même temps, cette dépense est financée par moitié par la dette : jusqu'où irons-nous ? Ce plan va-t-il créer de la richesse, des emplois, redistribuer le pouvoir d'achat ? Il ne peut pas y avoir aujourd'hui de choc de confiance dès lors que l'État a une politique de la peur. La question de grands projets identifiés, région par région, aurait plus de sens pour les Français qu'une opération de communication et de saupoudrage. Il faudrait penser à une action décentralisée, sur le terrain.
M. Albéric de Montgolfier. -La principale critique de ce plan ne vient-elle pas du mélange des genres entre court et moyen termes ? Entre ce qui relève de l'investissement et du fonctionnement ? Par exemple, la gendarmerie a obtenu l'achat de 10 hélicoptères - en parallèle des objectifs écologiques -, alors que les douanes n'ont obtenu aucun moyen aérien. On nous parle du plan de relance aéronautique. Les douanes ne font-elles pas partie du plan de relance ?
Le rapporteur spécial ne regrette-t-il pas l'absence de mesures ciblées sur la consommation, comme dans les secteurs de l'événementiel et du tourisme, qui souffrent énormément ? D'autres pays ont mis en place des chèques spécifiques pour soutenir ces secteurs.
M. Rémi Féraud. - Si nous avons des points de vue si convergents, cela démontre que le plan est mal calé. En effet, il s'agirait plutôt d'un plan de rattrapage transformé en plan de communication. On ne sait plus vraiment de quoi on parle. Les éléments se rapportant à la relance de court terme, c'est-à-dire au soutien à la demande, sont insuffisants et présentent des angles morts, notamment en direction des plus pauvres. Les mesures de relance par l'offre sont trop étalées dans le temps et manquent leur cible.
En réalité, le Gouvernement ne fait pas vraiment de choix. Soit il s'agit de revenir à la situation précédente, soit on table sur un temps plus long, mais avec d'autres conditionnalités qui permettent un véritable changement. Par exemple, monsieur le rapporteur, avec la sensibilité écologique qui est la vôtre, vous proposez des contreparties modestes sur la prime à la conversion, notamment sur la taille des entreprises et le modèle de développement pour l'avenir. Nos avis convergent donc vers l'idée d'un véritable manque de choix. Celui-ci est-il dû à un manque de volonté, ou au fait que notre pays aurait tellement perdu en compétences au niveau de l'offre qu'il lui serait impossible de faire autrement ?
Auriez-vous des éléments de comparaison internationale intéressants sur la question, aussi bien en termes de volume que de nature des plans de relance ?
M. Jérôme Bascher. - Que Pascal Savoldelli se rassure, grâce au déficit et à la dette publique en 2020 et en 2021, nous sommes pieds et poings liés pour les années à venir ! Avec 66 % du PIB en dépenses publiques, nous sommes dans un pays communiste. Ce n'est pas qu'une blague...
M. Pascal Savoldelli. - La crise mérite mieux, tout de même !
M. Jérôme Bascher. - Relancer une économie face à un tel niveau de dépenses publiques exige des dizaines de milliards d'euros ! Notre pays dépense structurellement 55 % de son PIB en dépenses publiques. Or, on ne peut pas faire effet levier avec des petites sommes. Quelle autre mission se voit doter de crédits à hauteur de 36 milliards d'euros ? Et 36 milliards d'euros de politiques publiques qui se retrouvent sans contrôle du Parlement. Je rejoins Roger Karoutchi, c'est se moquer du Parlement et du vote budgétaire, c'est fouler aux pieds la LOLF ! En cas de recours, je ne serais pas étonné que le Conseil constitutionnel s'interrogeât sur le sujet.
Les crédits de rattrapage devraient se répartir entre les différentes missions. Il y a peut-être des mesures d'avenir, mais dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser le programme d'investissements d'avenir ? Il reste finalement quelques mesures de soutien conjoncturel qui auraient pu être intégrées dans une mission ad hoc. Au nom du contrôle du Parlement sur le budget, je demande la suppression de cette mission.
M. Christian Bilhac. - Il s'agit du plan de relance de Mr Bricolage. Notre pays est malade, économiquement et socialement. L'une des causes est conjoncturelle, avec la crise de la covid, mais d'autres sont structurelles. Or il aurait été intéressant de se projeter vers l'avenir pour rétablir la compétitivité. On a l'impression d'une parenthèse liée à la crise sanitaire, et que, dès demain, nous repartirons dans la même situation.
M. Marc Laménie. -Lorsqu'on lit le détail des mesures, il semble très compliqué de se retrouver dans les chiffres. Le plan relance théoriquement le bâtiment et les travaux publics, mais on s'aperçoit sur le terrain des difficultés qu'il y a à trouver des artisans, débordés de travail et souffrant du manque de personnel. Concrètement, comment les entreprises pourraient-elles exécuter les masses de travaux considérables décrites dans le document ? Dans le rapport de Jean-François Husson, la phrase « le plan oublie de s'appuyer sur les territoires » résume malheureusement parfaitement la situation.
Quel est l'avis du rapporteur sur la création de postes de sous-préfets à la relance ? Je respecte l'administration préfectorale, mais cela pourrait servir des intérêts carriéristes. Le terme de « relance administrée » dénote d'une véritable justesse rédactionnelle, puisque l'on se trouve effectivement au coeur de ces problématiques.
M. Claude Raynal, président. - Merci pour ce riche débat. On a tendance à l'oublier, mais je voudrais rappeler que nous avons déjà approuvé un premier plan massif l'été dernier, d'un montant de 470 milliards d'euros, un montant qui avait effrayé les Français, et les avait conduit à épargner, pressentant des lendemains difficiles. Dans la réalité budgétaire, le plan n'a finalement été que de 65 milliards d'euros. Nous devons nous montrer raisonnables, et mettre les choses en perspective. Le plan de relance que nous examinons aujourd'hui est de 100 milliards d'euros, et il faut communiquer. Il est certainement préférable de parler de « plan de relance » plutôt que de « plan de rattrapage » ; le politique doit porter un message dynamique.
Certains évoquent un manque de respect de la LOLF, mais je pense que la contourner était clairement l'objectif. L'idée du Gouvernement est bien de ne pas procéder au rattrapage à travers les missions, pour montrer que le budget ne bouge pas et que, pour un an ou deux, on prévoit une somme supplémentaire de 100 milliards d'euros. Ainsi, le référentiel reste celui de 2019 ou du PLF 2020.
Nous sommes face à un ensemble de mesures très variées, parmi lesquelles beaucoup concernent des projets déjà existants, dont il s'agit d'accélérer la mise en oeuvre.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Je l'ai déjà dit : tout est dans tout, et inversement. Nous avons le PLF, le plan d'urgence, le plan de soutien, le plan de relance ; c'est la valse des milliards ! Les parlementaires, les élus et les Français ont la tête qui tourne, dans cette période de crise sanitaire pendant laquelle ils ont été en proie à la peur et la nécessité de s'adapter, tout en observant un affranchissement par rapport aux règles de bonne gestion de l'argent public. On avait l'habitude de se battre pour quelques millions d'euros sur des programmes, et aujourd'hui on affiche des milliards en autorisations d'engagement (AE) ou en crédits de paiement (CP). Il faut faire attention à l'image que nous renvoyons à nos concitoyens, en cette période de deuxième confinement. Beaucoup l'ont dit et je souscris à ces propos, un facteur est aujourd'hui ébranlé : la confiance. Par ailleurs, Claude Raynal vient de le dire : nous déversons des milliards, mais les Français épargnent et, surtout, ils ne dépensent pas.
Jean Bizet, sur la nécessité de définir de nouvelles modalités pour le partenariat public-privé, il me semble qu'il faudrait en fait inventer un nouveau modèle. Nous pourrions ainsi redonner confiance aux Français, et les appeler à mobiliser leur épargne, dont une partie vient de ce que l'État a donné, notamment à travers l'activité partielle. En fait, nous sommes deux fois perdants puisque l'État offre un soutien financier inédit et les Français, parce qu'ils n'ont pas confiance, conservent cet argent et ne le réinjectent pas dans l'économie. C'est une forme de « en même temps », prise dans une spirale dépressive.
Jean-François Rapin, vous l'avez dit, nous mettons la charrue avant les boeufs puisque, sur ces 100 milliards d'euros, 40 milliards sont effectivement des crédits européens espérés. Cela nous permettra de mesurer la solidité véritable de l'Europe. En effet, il n'y aurait rien de pire que de voir l'Europe hésiter au moment où l'on a plus que jamais besoin d'elle, et où elle pourrait donner une image un peu identique à celle qu'elle a donnée, dans des circonstances tout à fait différentes, après la Seconde Guerre mondiale. L'idée du dessein européen pourrait reprendre plus de place dans le coeur des Français et des Européens ; c'est l'une des noblesses de l'engagement de politique que de croire aux idées fortes, qui nous aident à dépasser nos égoïsmes et particularismes.
Je partage avec Vincent Delahaye le constat, sans aboutir à la même conclusion. Nous avons le devoir d'être mobilisés pour trouver des solutions et, dans le concert politique, une assemblée comme la nôtre doit peser pour orienter les moyens proposés. Et, si nous n'avons pas la capacité de réorganiser complètement l'attribution des crédits, nous devons faire entendre la voix d'un Sénat ayant des convictions, et souhaitant orienter le plan de relance pour gagner en efficacité.
Vous l'avez dit, Philippe Dallier, ce plan de relance doit entraîner un rebond. En termes de consommation, d'emploi et de recettes fiscales, le rebond observé à l'issue du premier confinement a été intéressant, meilleur que prévu, ce qui doit nous inciter à l'optimisme. Il ne faut pas encourager les peurs. Mais nous devons faire entendre nos différences en ayant l'objectif supérieur de faire bouger les lignes de l'exécutif. Il s'agit de faire entendre la volonté de nos territoires, car nous ne sommes pas suffisamment entendus. D'ailleurs, certaines mesures balayées par l'exécutif d'un revers de main hier se retrouvent aujourd'hui proposées par le Gouvernement dans le plan de relance.
Sur les dépenses de cohésion, Vincent Delahaye, il y a manifestement un effet de rattrapage. Cependant, nous avons chiffré à 7 milliards d'euros les actions sur la cohésion relevant des ministères.
Roger Karoutchi, je pense que la LOLF est notre prochain chantier, et la Cour des comptes fait aujourd'hui des propositions sur les finances publiques et la manière dont nous devrions assurer leur maîtrise à court terme. C'est l'un des enjeux, quand on considère la dérive du déficit public et de la dette, même si la dette est financée dans des conditions avantageuses.
En effet, Vincent Segouin, la dette, qu'elle soit celle de l'État, d'une entreprise, d'une collectivité ou d'un particulier, répond toujours à une même logique. Par ailleurs, le plan de relance contient effectivement des crédits pour l'aérospatiale, qui sont orientés, peut-être encore trop modestement, vers des applications civiles et militaires. Vous vous inquiétiez aussi d'un trop grand saupoudrage, mais la relance nécessite la mobilisation de crédits temporaires pour muscler tous les secteurs d'activité pouvant être encouragés quand ils ont la faculté d'intervenir vite. C'est ce qui permettra de traverser la crise dans les meilleures conditions, et d'éviter la dépression.
Vincent Capo-Canellas, la volonté de soutenir massivement la rénovation thermique pour accélérer le processus en cours me semble importante. Cela permettra, en même temps que nous améliorons la qualité de vie de nos concitoyens, de répondre aux enjeux écologiques et de réduire le déficit de notre facture énergétique, facture qui représente deux tiers du déficit de la France. Enfin, l'étude de l'IPP sur le plan de relance confirme l'analyse que nous avions faite d'un plan mal calibré.
Didier Rambaud forme des espoirs sur le rôle des territoires. En effet, les territoires ne sont pas associés alors qu'il nous faudrait travailler de façon articulée, dans une démarche collaborative. Je ne comprends pas l'entêtement de l'État à faire descendre de Paris de grandes idées, jusque dans les régions où a lieu un dialogue et puis, au niveau du département, ce sont les comités consultatifs qui entrent en jeu. En tant qu'élu local, je ne souhaite pas être « consulté ». Les collectivités, dans une République décentralisée, devraient avoir la capacité de proposer des projets. Nous aurions alors un dialogue nourri qui permettrait de considérer les projets émanant des départements, des intercommunalités, des métropoles, des régions, et de décider sur cette base. Aujourd'hui, cela ne se passe jamais ainsi. Les élus ne se sentent donc pas représentés, sont désabusés, et quand 500 000 élus rentrent chez eux désabusés, cela n'est pas bon pour le moral des Français.
J'ai répondu à Jean Bizet dans mon propos introductif, et en évoquant la question de la confiance.
Hervé Maurey mentionne aussi la logique d'accélération des projets, et notamment de la DETR. On ne devrait pas se retrouver dans des querelles d'un autre temps, cela n'est pas à la hauteur de notre responsabilité. Pour les crédits DETR, je trouverais normal qu'il y ait, dans un premier temps, une accélération sur des dossiers qui sont prêts et, dans un second temps, l'abondement de projets plus structurants.
Sur les milliards d'euros consacrés à la rénovation thermique, Christine Lavarde, je pense y avoir répondu et je sais que nous partageons les mêmes ambitions. Nous devons être vigilants sur les angles morts, et être vigilants quant à un possible effet « stop and go ». Les entreprises vont effectivement mobiliser de la ressource, former des personnels et acquérir de la compétence, mais si les montants alloués venaient à baisser dans deux ans, il faudrait éviter un effet de ressac. Cependant, il me semble que l'ambition qui est la nôtre permettra aux chantiers engagés de continuer.
Pascal Savoldelli, le plan de relance est effectivement construit par l'administration, qui a lancé bien des appels à projets avant même le dépôt du PLF. La concertation avec les territoires aura lieu après, ce que je regrette. Je vous accorde le mélange des genres, mais ce qui me semble plus important, et sur quoi nous devons mettre l'accent, c'est l'accélération de mesures temporaires dans le cadre de ce plan de relance, dont on doit assurer le succès. Je ne sais pas si nous aurions pu avoir un PLF à la fois visionnaire et structurant, tout en répondant au contexte de la crise. Quelle que soit la formule, l'essentiel reste de pouvoir contribuer à la réflexion et de pouvoir infléchir certains choix.
Philippe Dallier, le sujet des déficits reste entier. Il nous faudra y travailler. C'est le rôle d'une commission des finances, surtout au Sénat, pour que nous ne soyons pas accusés d'une forme de passivité ou d'immobilisme, quand nous avons plutôt tendance à tirer la sonnette d'alarme.
Albéric de Montgolfier, nos préoccupations quant au mélange des genres entre investissement et fonctionnement, court et long terme, sont similaires. Je partage aussi vos questionnements sur les mesures de soutien à la consommation, insuffisamment présentes. En effet, elles devraient viser des populations épargnant peu et capables de mobiliser des moyens rapidement. Il nous faudra sûrement déposer un amendement sur le sujet.
Rémi Féraud a attiré notre attention sur un certain nombre d'angles morts. Sur la relance et l'ambition, j'essaie d'être pragmatique et de faire en sorte de privilégier l'atteinte des objectifs, sans ajouter trop de contraintes. Les orientations, sur le glissement de trois à cinq ans sur la taxe CO2, sur le plan de conversion ou les mesures dites de contrepartie, ont pour objectif de réussir là où c'est possible plutôt que d'imposer des contraintes qui seront mal vécues, rejetées, et participeront à la colère d'un certain nombre des acteurs de notre économie. Avant tout, nous devons redonner confiance et moral.
Sur les principes budgétaires, il est vrai, Jérôme Bascher, que cette mission de relance est un peu étrange parce qu'elle prévoit aussi la fongibilité des crédits qui permettra à Bercy de les déplacer, comme c'est le cas pour les crédits du plan d'urgence. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans les jours qui viennent.
Christian Bilhac, vous avez évoqué le plan de relance de Mr Bricolage. Je regrette aussi ce déficit d'organisation, d'orientation et de ligne directrice. L'horizon est assez mal dessiné et nous avançons dans un certain brouillard.
Enfin, sur la création des postes de sous-préfets, Marc Laménie, je me demande si le déploiement de fonctionnaires supplémentaires est la solution. Ce n'est pas l'attente des territoires pour gagner en efficacité et les choses auraient dû être décidées autrement. Treize ont été désignés, mais je ne suis pas certain qu'il y en aura dans toutes les régions. Là où ils seront, si leur présence est un échec, il y aura du mécontentement, et les territoires qui n'en accueilleront pas auront le sentiment d'être oubliés. À l'échelle du territoire, c'est une façon de créer plus de mécontentement que de satisfaction.
M. Claude Raynal, président. -Nous allons à présent voter sur les amendements de crédits que vous allez nous présenter.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - L'amendement II-6 consiste à mettre en place un dispositif temporaire de prime à l'embauche, qui serait bonifié pour tout recrutement de jeunes de moins de vingt-six ans. Comme vous le savez, les jeunes, quelles que soient leurs qualifications, se retrouvent souvent à des niveaux de salaires trop modestes. On a veillé aussi à ce qu'il n'y ait pas d'exclusion, et à favoriser l'employabilité par les entreprises. Il s'agit d'aider là où le risque de tension sur l'emploi est le plus important. Notre attention doit se concentrer de façon prioritaire sur ces Français, nombreux, dont les revenus sont peu élevés. Il s'agit de mobiliser 2 milliards d'euros d'AE et 800 millions d'euros de CP sur le programme « Cohésion ». L'ouverture de crédits sera gagée sur les crédits de l'action n° 08, Énergies et technologies vertes, affectés d'un fort risque de sous-consommation au titre du plan Hydrogène. Nous avons bien compris que la mobilisation des crédits ne serait pas immédiate.
L'amendement II-7 vise à compléter le fonds de solidarité pour les travailleurs indépendants et les très petites entreprises. Il s'agit d'aider à compenser les charges fixes de façon temporaire, en cas de pertes importantes. C'est un message très fort que nous voulons faire passer. Le Gouvernement envisage de présenter très prochainement des éléments dans ce domaine quand hier encore, officiellement, on nous expliquait que c'était très compliqué. Il va falloir être vigilants.
L'amendement II-9 tend à accompagner les Français dans leurs choix de motorisation individuelle et collective. Il s'agit de faciliter l'achat de véhicules propres avec une prime à la conversion plus ambitieuse, d'un point de vue écologique et économique.
M. Vincent Capo-Canellas. - J'aurais juste un commentaire sur l'amendement II-6. Si je comprends les problèmes de recevabilité financière, je m'interroge sur l'opportunité de prendre des crédits sur le plan Hydrogène. Cela pourrait faire l'objet de commentaires peu favorables.
M. Claude Raynal, président. - Il s'agit d'assurer la recevabilité financière de l'amendement, cela s'accompagne d'une demande de levée de gage par le Gouvernement, c'est l'application de la règle habituelle.
M. Charles Guené. - L'amendement II-7 démontre un intérêt et une compréhension des comptes d'exploitation des entreprises, ce que je salue. Nous avons l'habitude de nous préoccuper beaucoup de la trésorerie, mais pas toujours de la perte lorsqu'elle se situe à un certain niveau. Il est important de prendre ces dispositions et, dans un deuxième temps, il sera peut-être intéressant de se pencher aussi sur la recapitalisation de ces entreprises.
M. Claude Raynal, président. - Sur cet amendement, nous avons une proposition qui chemine doucement et débouchera sans doute, comme l'a signalé le rapporteur général, sur une proposition gouvernementale.
Les amendements II-6, II-7 et II-9 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits des missions « Plan de relance » sous réserve de l'adoption de ses amendements et de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » sans modification.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 56
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56.
Article 56 bis
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 bis.
Article 56 ter
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 ter.
Article 56 quater
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 quater.
Article 56 quinquies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 quinquies.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - L'amendement II-22 concerne les crédits de soutien labellisés « France relance », notamment pour la Banque publique d'investissement (Bpifrance). Il s'agit d'assurer une logique dans la mobilisation des crédits et leur bonne identification.
L'amendement II-22 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - L'amendement II-23 vise à exclure les PME employant moins de 250 salariés du champ des contreparties exigibles des bénéficiaires des crédits de relance. Il s'agit de contribuer à ce que les chefs d'entreprise gardent moral et confiance alors que le texte de l'Assemblée nationale exclut seulement les entreprises de moins de 50 salariés.
L'amendement II-23 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - L'obligation de renouvellement pour les entreprises de plus de 500 salariés de leur bilan d'émissions de gaz à effets de serre est limitée à quatre ans. Or, dans le texte de l'Assemblée nationale, l'article prévoit un délai de trois ans pour les entreprises de moins de 50 salariés. L'amendement II-24 vise à rallonger le délai à quatre ans, par souci d'un parallélisme des formes.
M. Claude Raynal, président. - Pour le parallélisme des formes, nous aurions pu faire descendre l'obligation de quatre à trois ans !
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - J'ai choisi de monter la marche...
L'amendement II-24 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 56 sexies, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Article 56 septies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 septies.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - L'amendement II-25 propose, dans le cadre du comité de suivi du plan de relance, de développer un dispositif d'évaluation du plan, qui me semble indispensable et dans lequel le Parlement tiendra son rôle.
L'amendement II-25 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 56 octies, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie » et « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » - Programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
M. Claude Raynal, président. - Je vous propose d'entendre d'abord les rapporteurs présenter les trois rapports spéciaux que nous devons examiner. Nous aurons ainsi une vision globale pour entamer notre discussion. Nous commençons par l'examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie » et « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ». - Je ne pourrai malheureusement pas aborder le rapport dans le détail et je me concentrerai sur ses points saillants, afin de susciter le débat et d'éventuelles questions.
Tout d'abord, il me semble important de souligner que, si les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sont en hausse, celle-ci s'opère en trompe-l'oeil, sous l'effet de plusieurs changements de périmètre. Les crédits augmentent de 7,08 milliards d'euros, ce qui est significatif, notamment en raison de la budgétisation des charges de service public de l'énergie, auparavant retracées sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », ce qui apporte 6,6 milliards d'euros aux crédits de la mission. Par ailleurs, la budgétisation sur le programme 181 de l'ancien fonds « Barnier » augmente les crédits de 205 millions d'euros. Je vois plutôt d'un oeil positif cette budgétisation puisque, d'une part, cela donnera au Parlement les moyens de se prononcer sur les dépenses et plus seulement sur les recettes et, d'autre part, la dépense ne sera plus limitée, car il sera toujours possible de procéder à des ajustements en cours d'année. Enfin, la bascule du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) vers la prime de rénovation énergétique pour les ménages aux revenus intermédiaires financée par le programme 174, rapporte 350 millions d'euros à la mission. Une fois traités ces effets de périmètre, on constate que les crédits de paiement, hors transports, diminuent de 6 %, soit de 500 millions d'euros.
Ils diminuent notamment de 290 millions d'euros sur le programme 174, à la suite d'un durcissement des dispositifs de prime à la conversion et de bonus électrique. On observe aussi une baisse de 30 millions d'euros des prestations versées pour la suite de l'après-mines. Par ailleurs, les crédits diminuent au niveau du chèque énergie pour tenir compte d'une absence d'encaissement des chèques émis l'an dernier, alors que la précarité énergétique n'a sans doute pas diminué dans la période que nous venons de vivre. Les crédits du programme 345 sont aussi en baisse, au titre de la révision des conditions d'achat des contrats photovoltaïques, une question sur laquelle nous reviendrons, car un article a été ajouté à l'Assemblée nationale. Enfin, on observe une diminution de 37 millions d'euros sur le programme 181, avec une baisse de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), ce qui interroge, notamment sur la question des ressources humaines.
En effet, les ressources humaines du ministère sont en diminution, ce qui pourrait entraîner des difficultés, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de relance. Plusieurs opérateurs - dont l'Ademe et l'Office français de la biodiversité (OFB) - nous ont signalé qu'il leur serait difficile de mettre en oeuvre les appels d'offres et de dépenser les crédits.
Je note que le programme « Paysages, eau et biodiversité » est le seul dont les crédits augmentent.
Je tiens à souligner que le Parlement a peu de prise sur la politique de l'énergie et je déplore notamment le fait que la programmation pluriannuelle de l'énergie, validée par un décret publié en avril 2020, n'ait toujours pas fait l'objet d'un débat devant le Parlement, comme cela est prévu par le code de l'énergie. Concernant cette politique, je souhaite attirer votre attention sur plusieurs points qui pourraient créer des difficultés dans les années à venir.
Tout d'abord, je tiens à signaler l'apparition d'une sorte de bulle sur la filière biométhane, dont les charges évoluent de manière très significative puisqu'elles ont été multipliées par cinq entre 2019 et 2021, par deux entre 2020 et 2021. Par ailleurs, je note que les charges du photovoltaïque représentent 50 % des charges des énergies renouvelables (EnR) en 2021. Enfin, d'importants moyens sont consacrés au développement de l'hydrogène. En effet, en plus des 7 milliards d'euros prévus par le plan de relance, des dispositifs soutiennent le développement des filières EnR. En 2018, 100 millions d'euros seulement étaient consacrés à l'hydrogène et, dans la presse, certains se demandent s'il s'agit vraiment de l'Eldorado de demain. Il ne faudrait pas mettre trop de moyens et créer encore une nouvelle bulle, sur laquelle nous aurions à revenir dans quelques années.
Au sujet du soutien à la décarbonation de l'économie, je tiens à rappeler qu'il est perfectible. Certes, le chèque énergie est un bien meilleur dispositif que les anciens tarifs de première nécessité pour l'électricité et tarif spécial solidarité gaz, mais nous devons faire davantage. En effet, si l'on envoie des chèques et que le taux d'encaissement n'est toujours pas de 100 %, cela démontre un déficit certain de communication.
Sur la disparition du CITE qui interviendra au 31 décembre 2020, mon avis est partagé puisque cela entraîne à la fois une baisse des niveaux des aides et une dotation supplémentaire dans le cadre du plan de relance pour l'élargissement des bénéficiaires de la prime.
Enfin, concernant l'acquisition des véhicules propres, deux dispositifs sont en place dans le cadre du programme 174 : le bonus et la prime à la conversion, pour lesquels 507 millions d'euros sont prévus et auxquels viendront s'ajouter 732 millions d'euros du plan de relance. Si les critères du bonus se sont assouplis, ceux de la prime à la conversion restent trop restrictifs. Ainsi, les ménages les plus modestes, même en cumulant les dispositifs à leurs taux maximum, auront un reste à charge représentant une année de revenu fiscal de référence par part. Cela n'encouragera pas au verdissement du parc automobile, et je plaide pour une plus grande souplesse des dispositifs.
Sur cette mission, l'articulation sera complexe avec le plan de relance qui prévoit 33 milliards d'euros pour l'écologie. L'Ademe sera chargée d'une partie de la mise en oeuvre, avec des effectifs en diminution. Elle devra donc recruter des contractuels, qui ne resteront que dix-huit mois, quand le plan de relance s'étend sur deux ans. Il y aura donc un moment où l'on aura de l'argent, mais personne pour suivre les dossiers.
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à présent à l'examen des programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », présentés par Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Le budget que l'État consacrera aux transports terrestres en 2021 est exceptionnel à bien des égards. En effet, ce secteur a été parmi les plus sévèrement affectés par la crise sanitaire et économique provoquée par la covid, en particulier lors du confinement du printemps 2020, qui a entraîné une chute inédite des déplacements sur le territoire.
Les effets économiques sur les opérateurs sont très sévères. Ainsi, le groupe SNCF a accusé une perte de chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros à la fin de l'été 2020, les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) affichent 2 milliards d'euros de pertes, et Île-de-France Mobilités (IDFM) déplore 2,6 milliards d'euros de moindres recettes à l'issue du premier confinement.
Cette crise sans précédent est intervenue quelques mois à peine après la promulgation de la loi d'orientation des mobilités (LOM), laquelle prévoyait pour la première fois une programmation financière pluriannuelle pour les infrastructures de transport, portant sur la période 2018-2027. Cette programmation nous permettait enfin de disposer d'une feuille de route validée par le Parlement dans un domaine stratégique pour notre avenir.
Au coeur de cette programmation figurait la nécessité absolue de régénérer et de moderniser nos grands réseaux structurants - routier, ferré et fluvial -, indispensables aux transports du quotidien et depuis trop longtemps victimes de sous-investissement chronique.
La LOM prévoit en effet que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), par laquelle transite la majeure partie des crédits destinés aux infrastructures de transport dans notre pays, soit dotée de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022, pour investir dans les infrastructures de transport.
Nous avons la conviction que la crise sanitaire et économique actuelle ne doit surtout pas conduire à renoncer à cette feuille de route, mais au contraire en accélérer la mise en oeuvre. Nous comptons à cet égard sur le plan de relance pour permettre la réalisation effective des objectifs de la LOM.
Les recettes de l'Afitf ont été très sévèrement touchées par les effets de la crise sanitaire, les recettes d'écocontribution du transport aérien ayant notamment été réduites à néant. Cependant, ses dépenses devraient atteindre 2,9 milliards d'euros en 2020, soit un montant quasi conforme à ce que prévoit la LOM, grâce à une subvention de 250 millions d'euros votée lors du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, ainsi qu'à une plus grande mobilisation du produit des amendes radar prévue dans le quatrième PLFR pour 2020.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Nous devions recevoir, au plus tard le 1er octobre, un rapport sur les recettes de l'Afitf en 2020, prévu par l'article 60 de la troisième loi de finances rectificative (LFR3) pour 2020. Ce rapport nous aurait permis de faire un point exhaustif sur la situation de cet opérateur, mais il ne nous a toujours pas été transmis, bien que nous l'ayons demandé à plusieurs reprises à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Nous tenons à dire ici que cette situation n'est pas admissible et qu'elle nuit gravement à la qualité du contrôle que nous sommes en mesure d'exercer sur cette agence.
Malheureusement, et pour les mêmes raisons, le budget de l'Afitf pour 2021 nous est également largement inconnu. Les éléments très parcellaires qui nous ont été transmis à ce stade laissent à penser que le Gouvernement a bien l'intention de respecter la trajectoire fixée par la LOM, avec 2 782 millions d'euros de dépenses. Nous avons bien noté que le ministre chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, s'y est engagé la semaine dernière lors de son audition par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Toutefois, il paraît déjà clair que les recettes destinées à financer ces dépenses - elles prévoient toujours, par exemple, 230 millions d'euros d'éco-contribution du transport aérien - ne sont pas crédibles, compte tenu de la poursuite de la crise sanitaire.
C'est la raison pour laquelle nous proposerons au Sénat d'adopter un amendement à l'article 24 du projet de loi de finances, visant à relever de 1 285 millions d'euros à 1 685 millions d'euros, soit 400 millions d'euros supplémentaires, le plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affecté à l'Afitf en 2021.
La TICPE est, en effet, une recette fiable sur laquelle l'Agence pourra compter de façon certaine. Si la situation est meilleure que ce que nous craignons, et que les autres recettes de l'Afitf sont perçues en tout ou partie, il sera toujours possible de réajuster à un niveau plus bas le plafond de la TICPE dans le collectif budgétaire de fin de gestion 2021.
À périmètre constant, les crédits du programme 203, qui financent principalement les services de transport, augmenteront fortement en 2021, de 18,8 % en autorisations d'engagement (AE), et de 7,9 % en crédits de paiement (CP), pour atteindre 3 722,8 millions d'euros. La subvention allouée à SNCF Réseau augmentera de 80 millions d'euros, et 170 millions d'euros pérennes sont prévus pour relancer durablement le fret ferroviaire.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Les crédits de l'ancien compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », destinés au financement des trains d'équilibre du territoire (TET), sont rebudgétisés au sein du programme 203, à compter du présent projet de loi de finances pour 2021. Leur montant diminue de 6,3 %, pour s'établir à 293 millions d'euros, ce qui s'explique en partie par le transfert de certaines de ces lignes aux régions.
Le plan de relance prévoit une mobilisation financière sans précédent en faveur des infrastructures et mobilités vertes, avec notamment 650 millions d'euros pour le ferroviaire - petites lignes, trains de nuit, infrastructures multimodales de fret -, 900 millions d'euros pour les mobilités alternatives à la voiture - vélos, transports en commun -, 550 millions d'euros pour compléter les crédits de l'Afitf en faveur des infrastructures, 250 millions d'euros pour la modernisation du réseau routier national (RRN), 100 millions d'euros pour les ponts ou encore 175 millions d'euros pour le verdissement des ports.
Ces sommes sont considérables, encore faudra-t-il qu'elles puissent effectivement être dépensées en 2021 et 2022 pour avoir un véritable effet contracyclique et que les effectifs des opérateurs chargés des travaux soient suffisants.
En outre, nous serons très attentifs à ce que ces crédits du plan de relance viennent bien s'ajouter et non pas se substituer aux montants déjà prévus par la LOM.
Quelques mots précisément sur les trois grands opérateurs qui relèvent du programme 203 : SNCF Réseau, la Société du Grand Paris (SGP) et Voies navigables de France (VNF).
Le groupe SNCF, considérablement fragilisé par la crise sanitaire, devrait bénéficier d'une recapitalisation de 4,05 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2020 ou début 2021, dont le montant sera immédiatement transféré à SNCF Réseau. Sur cette somme, 2,3 milliards d'euros devraient être directement dévolus au rétablissement de l'investissement annuel de régénération des voies, 1,5 milliard d'euros correspondent aux investissements relatifs à la fin de l'utilisation du glyphosate sur les voies, la sécurisation des ponts et les investissements de sécurité nécessaires et 300 millions d'euros devraient être dédiés aux petites lignes.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Nous serons très attentifs à ce que SNCF Réseau reçoive bien tous les financements dont l'entreprise a besoin pour poursuivre la modernisation du réseau structurant. Il s'agit là, en effet, d'une des principales priorités décidées par le Parlement dans le cadre de la LOM.
En ce qui concerne la dette de l'opérateur, l'État a repris, en 2020, 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau, afin d'améliorer la situation financière de l'entreprise, et 1,7 milliard d'euros de principal devrait avoir été amorti d'ici à la fin de l'année 2020.
En 2021, l'État devrait amortir 1,3 milliard d'euros de principal et s'acquitter de 692 millions d'euros de charge d'intérêt, cette dernière somme étant retracée par le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ». De plus, 10 milliards d'euros de dette supplémentaire de SNCF Réseau seront transférés à l'État en 2022.
La Société du Grand Paris, chargée de construire pour 35,6 milliards d'euros le Grand Paris Express, a vu ses chantiers ralentis par la crise sanitaire, si bien que, compte tenu des retards préexistants, il paraît désormais impossible de mettre en service le système complet composé des tronçons des deux lignes 16 et 17 pour les jeux Olympiques (JO) et les jeux Paralympiques (JOP) de 2024, contrairement à l'objectif fixé par le Premier ministre, le 22 février 2018.
Une expertise indépendante doit venir confirmer dans le détail ce qui pourra ou non être réalisé à cette date. Nous serons très attentifs à ce que la SGP réalise dans les temps tout ce qui pourra l'être, sans dérives de coûts supplémentaires.
Comme l'ont montré nos collègues, membres du groupe de travail sur les coûts et le financement du Grand Paris Express, dans leur communication du 14 octobre dernier, les entreprises franciliennes, elles aussi durement touchées par la crise économique, expriment aujourd'hui un véritable ras-le-bol fiscal, à la suite des diverses hausses de taxes affectées à la SGP en 2019 et en 2020.
Dans ce contexte, l'objectif prioritaire de l'opérateur doit être de sécuriser ses financements de long terme en souscrivant des Green bonds sur les marchés pour bénéficier des taux exceptionnellement bas. Il y là, selon le président du directoire que nous avons entendu, des gisements d'économie potentiels très significatifs pour le projet.
Par ailleurs, la poursuite de la hausse des effectifs de la SGP, qui passeront de 585 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en 2020, à 875 ETPT en 2021, va incontestablement dans le bon sens, compte tenu de l'ampleur des enjeux techniques et financiers à maîtriser.
L'établissement Voies navigables de France (VNF) continue à consentir d'importants efforts de réduction de ses personnels, avec 99 ETPT en moins en 2021, ce qui suscite des inquiétudes, de nombreuses installations nécessitant des interventions humaines.
Grâce aux crédits du plan de relance et de l'Afitf, VNF va pouvoir investir massivement pour remettre à niveau le réseau dont il a la charge. Selon nos informations, 160 projets ont déjà été identifiés. Tout l'enjeu va résider dans la capacité de l'établissement à les mener de front sur les seules années 2021 et 2022.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Nous en venons enfin au programme 205 « Affaires maritimes » qui joue un rôle économique et social important et porte des fonctions régaliennes essentielles, la France disposant du deuxième domaine maritime le plus vaste du monde, avec plus de 5 000 kilomètres de côtes et 10 millions de kilomètres carrés de zones économiques exclusives (ZEE), dont 97 % en outre-mer.
La création d'un ministère spécifiquement chargé de la mer vise à montrer que l'État entend enfin consacrer davantage d'attention à ce domaine stratégique pour l'avenir de notre pays.
La dotation du programme, en 2021, s'établit à 155,2 millions d'euros en AE et 159,4 millions d'euros en CP, en baisse de 2,9 % en AE et de 1 % en CP. Comme les années précédentes, le poste budgétaire essentiel de ce programme concerne les exonérations de cotisations sociales patronales pour la marine marchande, vitales pour le pavillon français dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.
Toutefois, la sécurité et la sûreté maritime bénéficieront de crédits importants dans le plan de relance, puisque 25 millions d'euros sont prévus pour moderniser les infrastructures des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross), ainsi que 25 millions d'euros pour renouveler la flotte de baliseurs, avec un projet de navire à hydrogène qui nous laisse, pour le coup, un peu sceptiques quant à sa rapide réalisation.
En conclusion, et en dépit des critiques que nous avons émises sur l'opacité de l'Afitf et sur les incertitudes qui pèsent sur ses recettes, nous sommes favorables aux crédits des programmes 203, 205 et 355 que nous vous avons présentés, et nous appelons par conséquent à adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
M. Claude Raynal, président. - Vincent Capo-Canellas va nous présenter le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vient de le préciser le président, je vous présenterai pour ma part le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Le programme 159 regroupe, depuis 2017, les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Si les trois opérateurs du programme se sont vu signifier, par le Gouvernement, des trajectoires financières très exigeantes d'ici à 2022, elles ont le mérite de rompre avec le manque de visibilité pluriannuelle dont ils souffraient jusqu'ici. Elles sont cependant difficiles à tenir.
Concernant Météo-France, qui joue un rôle essentiel pour la sécurité des personnes et des biens face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, comme nous l'avons encore vu récemment avec les inondations de la vallée de la Roya, la subvention pour charges de service public portée par le programme 159 va diminuer, en 2021, pour s'établir à 185,1 millions d'euros. Dans le même temps, ses effectifs baisseront de 95 ETPT, un mouvement qui se poursuivra l'année prochaine.
Le réseau territorial évolue fortement dans le cadre du programme Action publique 2022. Ses effectifs vont diminuer de 40 %, de nombreuses activités étant regroupées dans la Métropole de Toulouse. Cette centralisation est rendue possible par les évolutions scientifiques et technologiques, qui permettent désormais de conduire un certain nombre de tâches météorologiques à distance. Une centralisation diversement vécue dans les territoires.
Pour rester un opérateur météorologique de rang mondial, Météo-France se procure actuellement un nouveau supercalculateur qui permettra de multiplier par 5,45 sa capacité de calcul. Un investissement important, qu'il conviendra de renouveler régulièrement. Ce nouveau matériel nécessite un investissement total de 144 millions d'euros sur la période 2019-2025. L'État versera, à ce titre, 8,3 millions d'euros de subvention à l'opérateur en 2021.
Si l'IGN voit sa subvention pour charges de service public augmenter légèrement en 2021, passant à 89,2 millions d'euros, ses effectifs seront en baisse, avec une suppression de 36 ETPT. Alors que son modèle économique est sévèrement fragilisé par l'avènement de l'open data, l'objectif de cet établissement, dans le cadre du programme Action publique 2022, est de devenir l'opérateur interministériel unique en matière de données géographiques souveraines.
Le Cerema, pour sa part, cherche à se réinventer dans un contexte où ses moyens diminuent fortement depuis sa création en 2014 et diminueront encore jusqu'en 2022, au rythme d'une réduction annuelle de 5 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public - qui atteindra 195,1 millions d'euros en 2021 - et de 87 ETPT, le plafond d'emplois de l'opérateur sera de 2 507 ETPT en 2021.
Le principal enjeu pour cet opérateur consiste à mettre en oeuvre une collaboration beaucoup plus étroite avec les collectivités territoriales, ainsi qu'avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en cours de création. Le projet stratégique que porte son directeur général devrait lui permettre d'y parvenir, si nous veillons à lui laisser les marges de manoeuvre financières dont il aura besoin en 2022 pour ne pas être confronté à de sévères difficultés.
J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea), qui porte les 2,3 milliards d'euros de crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. En conséquence, l'effondrement du trafic aérien provoqué, à partir de mars 2020, par la pandémie de la covid-19, a bouleversé son équilibre financier.
La crise sanitaire a en effet entraîné une quasi mise à l'arrêt du trafic aérien en Europe au printemps 2020. En dépit d'une légère reprise pendant l'été, la situation s'est rapidement dégradée à l'automne, avant de redevenir catastrophique avec l'instauration de nouveaux confinements, en fin d'année. Au total, la DGAC anticipait un recul du trafic de 65 % par rapport à 2019, mais les chiffres finaux devraient être encore plus négatifs ; au mois de novembre, les estimations évoquent 15 % de trafic. Le retour du trafic à son niveau d'avant-crise est désormais attendu pour 2024, au mieux, certaines hypothèses évoquant même la date de 2029. Les variables étant l'évolution de la pandémie et la création d'un vaccin.
La mise en place de tests a commencé. Mais ils doivent être validés par les pays de départ et d'arrivée, et permettre l'entrée sur les territoires - cela existe déjà avec les États-Unis. Une possibilité que les aéroports ont tenté de promouvoir avec les compagnies, dont la mise en place suppose des corridors sanitaires. Ces tentatives doivent être soutenues, même si elles n'auront que très peu d'impact sur le trafic.
Les compagnies aériennes françaises, déjà fragiles avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d'euros de pertes en 2020. Après avoir apporté une aide massive à Air France-KLM de 7 milliards d'euros au printemps, l'État va probablement devoir intervenir d'ici à la fin de l'année, l'hypothèse d'une recapitalisation étant désormais largement évoquée pour sauver la compagnie nationale. Ce chiffre de 7 milliards d'euros se décompose comme suit : un prêt bancaire garanti par l'État, à hauteur de 90 %, pour 4 milliards d'euros et un prêt d'actionnaires réalisé par l'État, pour 3 milliards d'euros. La presse d'hier, notamment Le Monde, a diffusé d'autres informations, qui ne sont pas toujours communiquées spontanément.
Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la DGAC devraient s'effondrer de 80 %, en 2020. Pour construire son budget 2021, la direction s'est fondée sur un trafic inférieur de moins 30 % à celui de 2019, mais cette prévision paraît déjà caduque, et les 1 509,7 millions d'euros espérés hors de portée. Les recettes des diverses taxes perçues par la DGAC pour le compte de tiers - taxe de solidarité, taxe d'aéroport, taxe sur les nuisances sonores aériennes - ont également drastiquement diminué.
Si nous analysons le rebond du trafic en Asie, nous pouvons avoir quelques lueurs d'espoir, même si les prévisions restent aléatoires. Bien malin, celui qui peut parier sur l'ampleur du rebond attendu en matière de recettes. La prudence s'impose donc.
Les performances de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), encadrées par le droit européen dans le cadre du plan de performance RP2, restent insuffisantes, alors que va débuter, dans un contexte profondément altéré par la pandémie de la covid-19, la nouvelle période RP3.
Si le taux de la redevance de route est compétitif, les retards dus au contrôle aérien demeuraient trop élevés en 2019, en raison de l'obsolescence des équipements et de l'inadéquation de l'organisation du travail des contrôleurs aériens aux nouvelles caractéristiques du trafic. Cette année, bien évidemment, le retard sera considérablement réduit.
Pour mobiliser les équipes de la DSNA autour d'un projet ambitieux, il pourrait être utile de prévoir la conclusion d'une forme de contrat, analogue aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des établissements publics, qui viendrait formaliser des objectifs précis et chiffrés pour que la direction soit à même de pleinement accompagner le trafic le jour où il repartira.
Comme en 2020, le schéma d'emplois 2021 de la DGAC ne prévoit aucune suppression d'emploi, ce qui est logique, sachant que le nombre de contrôleurs est insuffisant et qu'il faut cinq ans pour les former. Sa masse salariale diminuera légèrement de 6,2 millions d'euros, pour atteindre 932,6 millions d'euros. Compte tenu du contexte économique, les négociations du protocole 2020-2024 ont été suspendues, si bien que 1,6 million d'euros est prévu au titre des mesures catégorielles.
Pour accélérer la réalisation de ses grands programmes de modernisation des outils de la navigation aérienne, dont elle a profondément revu la gouvernance cette année, suite à la publication de mon rapport, la DGAC augmentera de nouveau, en 2020, son effort d'investissement pour le porter à 317 millions d'euros. Sur cette somme, 140,6 millions d'euros sont consacrés aux grands programmes de modernisation précédemment cités, dont le coût total, régulièrement revu à la hausse, représente 2 140,9 millions d'euros. L'échéance est comme l'horizon, toujours plus lointaine.
Faire enfin aboutir ces programmes doit constituer une priorité pour la DSNA, car, avant la crise, elle manquait chaque année un peu plus de capacités pour faire passer le trafic.
Compte tenu de l'effondrement de ses recettes, l'endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1,4 milliard d'euros en 2020, pour atteindre l'encours sans précédent de 2,1 milliards d'euros, contre un maximum historique de 1,3 milliard d'euros atteint en 2014.
À ce stade, la DGAC estime qu'elle devra emprunter 761 millions d'euros supplémentaires en 2021, et 463 millions d'euros en 2022. Sur la base de ces hypothèses, le niveau de dette pourrait atteindre un pic à 2,8 milliards d'euros, au 31 décembre 2022.
Si je ne peux que saluer la volonté de la DGAC de désendetter le plus rapidement possible le Bacea, je suis très sceptique quant à sa réalisation effective, tant la soutenabilité de ce budget me paraît désormais menacée.
Ses recettes étant entièrement indexées sur le trafic aérien, la crise sans précédent de ce secteur - mais aussi l'instauration du travail à distance -, susceptible de se poursuivre pendant de longues années, pourraient durablement bouleverser le modèle économique sur lequel était fondé le financement de la DGAC. Par ailleurs, le bashing de la France sur le secteur aérien risque de lui coûter cher. Et lorsqu'un État ne soutient plus une industrie, celle-ci part s'installer à l'étranger.
C'est la raison pour laquelle il m'apparaît indispensable de réfléchir dès à présent aux solutions qui pourraient être envisagées pour éviter que ne s'installe une situation problématique qui verrait un budget annexe porter une dette toujours plus importante, qu'il deviendrait incapable de rembourser grâce aux recettes d'un secteur du transport aérien trop durablement affaibli.
En dépit de ces inquiétudes pour l'avenir, et de la quasi-certitude qu'il faudra autoriser à nouveau le Bacea à souscrire des emprunts complémentaires en 2021, à l'occasion de collectifs budgétaires, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.
Les opérateurs du programme 159 font l'objet de baisses de leurs subventions pour charges de service public et d'effectifs exigeantes, mais j'ai le sentiment que les stratégies mises en place par leurs directions respectives sont robustes.
Je suis donc favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Je conclurai en évoquant l'article 54 septies rattaché au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qu'il me revient de vous présenter et que je vous propose d'adopter.
D'abord, j'insisterai sur l'importance qu'il y a soutenir les aéroports, qui vont avoir besoin de mesures financières complémentaires.
Ensuite, cet article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la baisse des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) induite par la crise liée à l'épidémie, ainsi que sur ses conséquences sur le financement des aides à l'insonorisation des bâtiments situés à proximité de chaque aéroport concerné.
Les recettes de cette taxe sont en effet très affectées par la crise sanitaire provoquée par la covid-19, puisqu'elles sont estimées, en 2020, à moins de 20 millions d'euros seulement, contre 54,3 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 65 % - , à 37,6 millions d'euros en 2021, contre 54,6 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 31 %.
Sur la seule période 2020-2021, la perte de financement pour le dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains est ainsi estimée à l'équivalent d'une année de recettes de la TNSA. En conséquence, 35 millions d'euros devraient faire défaut pour mener à bien la politique d'insonorisation prévue pour l'année 2020 et 17 millions d'euros devraient manquer en 2021.
Le rapport prévu par l'article 54 septies, qui sera remis quatre mois après la promulgation du présent projet de loi de finances pour 2021, doit permettre de faire le point sur les difficultés engendrées par cette baisse sans précédent des recettes de la TNSA sur l'insonorisation des logements des riverains des aéroports et proposer des solutions directement opérationnelles.
Ce n'est pas la mesure idéale, mais ne pouvant nier qu'il existe bien un sujet, l'Assemblée nationale a trouvé cette formule afin de le maintenir en discussion. Nous devrons ensuite nous interroger sur les suites que nous pourrons proposer demain.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je saluerai tout d'abord les interventions des rapporteurs spéciaux, qui nous permettent de mesurer les enjeux de la mission, et le travail qu'ils ont d'ores et déjà accompli.
Christine Lavarde, comment interprétez-vous la baisse des crédits de la mission, à périmètre constant ? Je m'inquiète de voir ces crédits diminués, dans un domaine pour lequel le Gouvernement affiche de grandes ambitions.
Par ailleurs, s'agissant de VNF, le retard pris dans la modernisation du réseau est considérable. J'ai bien entendu la volonté du Gouvernement de développer, notamment dans le cadre du plan de relance, les voies navigables et d'élaborer un grand projet structurant.
Vous avez par ailleurs indiqué que 160 projets avaient été identifiés. L'ambition de les conduire dans un temps court vous paraît-elle à portée de budget et donc susceptible d'être réalisée ?
Enfin, concernant le Cerema - un outil souvent méconnu, alors que très utile dans l'aide à la décision, notamment des collectivités locales -, où en sommes-nous, par rapport au schéma d'emplois, quant à sa capacité de continuer à produire avec efficacité rapports et études ? Comment se passe l'articulation, par exemple, avec l'ANCT ?
M. Antoine Lefèvre. - Je voudrais également remercier nos rapporteurs spéciaux pour leur travail.
Je suis inquiet du constat établi par Vincent Capo-Canellas concernant notamment l'obsolescence des équipements de la navigation aérienne ; nous parlons là de la sécurité aérienne. Pouvons-nous évaluer à partir de quelle date, ou de quel niveau de sous-équipement ou non-renouvellement d'équipements, les problèmes de sécurité deviendront inquiétants ?
Compte tenu des perspectives financières indiquées dans le rapport, si un plan d'urgence sur la sécurité aérienne n'est pas mis en place, nous pourrons être sérieusement inquiets quant aux respects des règles de sécurité.
S'agissant de l'urgence qu'il y a à moderniser notre réseau routier non concédé - pour beaucoup l'utiliser, je sais à quel point il est fortement dégradé -, une application, dont je ne citerai pas le nom, nous permet de signaler les dégradations de voiries. D'après l'une de leurs études, nous connaissons aujourd'hui l'état du réseau national, qui est assez édifiant, de sorte que nous pouvons également nous inquiéter des problèmes de sécurité que posent ces dégradations, notamment lorsque nous connaissons les sommes prévues en matière d'investissement.
Enfin, concernant le projet du Grand Paris Express, j'ai bien entendu que les objectifs de mises en service ne seront pas atteints pour les Jeux Olympiques et paralympiques de 2024. Cependant, une partie de ces liaisons seront-t-elles finalisées pour 2024 ? Je rappelle qu'il s'agissait d'un élément essentiel dans le dossier présenté par la France.
M. Sébastien Meurant. - Je regrette une fois encore la difficulté que nous avons, notamment en tant que rapporteurs spéciaux, à obtenir des informations que le Gouvernement et l'administration sont pourtant tenus de nous livrer.
Concernant le canal Seine-Nord Europe, un chantier à plusieurs milliards d'euros, qu'il a fallu défendre devant la Cour des comptes européenne, avez-vous de nouvelles informations à nous livrer ?
Enfin, qu'en est-il, concernant le fret ferroviaire, de cette fameuse ligne qui devrait relier Perpignan à Rungis en train de nuit ?
M. Jean-François Rapin. - Ma question concerne l'article 54 sexies résultant d'un amendement du Gouvernement relatif au photovoltaïque. N'y a-t-il pas là un sujet particulier, de fond, qui n'est pas forcément financier ?
Que l'État puisse revenir sur des contrats signés il y a une vingtaine d'années n'est pas, selon moi, un message sympathique et incitatif envoyé à tous ceux qui pourraient, dans le futur, vouloir investir dans les énergies renouvelables. C'est aussi choquant que la possibilité qui existerait, pour une société d'assurance ou une banque, de revenir sur un contrat d'assurance ou un prêt bancaire. Lorsque ces contrats ont été établis, des études ont été réalisées et nous savions tous que le prix serait élevé. Mais il s'agissait d'une volonté de rendre ces engagements incitatifs.
Le rapport précise que les petits contrats, les contrats précaires, ne sont pas concernés ; mais pourquoi ne le seraient-ils pas demain, une fois cette jurisprudence appliquée aux contrats plus importants ?
M. Claude Raynal, président. - Il s'agit en effet d'une question importante, et nous avons été nombreux à être sollicités. Il s'agit d'un vrai enjeu de confiance dans la signature de l'État.
M. Marc Laménie. - Je remercie nos rapporteurs spéciaux pour leur travail, il est vrai que nous pourrions consacrer deux ou trois jours à l'ensemble de ces rapports.
Concernant les agences de l'eau, quelles sont leurs perspectives ? De nombreux projets sont identifiés au niveau des communes en termes d'amélioration du réseau d'eau potable et d'assainissement - les stations d'épuration, notamment. Or nous constatons un désengagement financier de la part des agences ; qu'en est-il ?
L'État a repris, en 2020, 25 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau. Le programme 355 précise les taux d'intérêt ; l'un d'eux est de 3,17 %. Je suis surpris, car les taux ont largement baissé depuis quelque temps. Ces emprunts sont-ils anciens ?
Toujours concernant la SNCF, la suppression du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés » entraînera-t-elle des économies ou un soutien actif, toutes les collectivités territoriales étant sollicitées pour financer les infrastructures ferroviaires, notamment les petites lignes ? Et quid des lignes capillaires du fret ?
S'agissant de VNF, je note une baisse permanente des effectifs, alors que le rapport précise bien que beaucoup d'installations sont tributaires des moyens humains.
M. Éric Bocquet. - L'Afitf est en partie financée par la taxe d'aménagement du territoire versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui versent également une redevance domaniale ainsi qu'une contribution dite « volontaire ». Entre 2010 et 2019, leurs résultats ont augmenté, passant de 2,1 milliards d'euros à 2,6 milliards d'euros - avec des baisses certaines années, que je ne m'explique pas.
Avez-vous déjà une estimation de leurs résultats en 2020, le trafic autoroutier s'étant effondré depuis le premier confinement ? Les concessionnaires vous ont-ils informés du montant de leur participation financière au budget de l'Afitf ?
Je conclurai sur une citation du philosophe Alain : « Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. »
M. Michel Canevet. - Mes questions s'adressent à Christine Lavarde.
À la lecture de son rapport, j'ai eu le sentiment qu'elle remettait en cause les baisses d'effectifs dans les agences - Agence de l'eau, Ademe, OFB. Des agences souvent décriées, notamment pour leur manque d'opérationnalité. Mais finalement, ne pensez-vous pas qu'elles ne font que s'adapter à la politique de réduction de la dépense publique ?
Le rapport évoque également la question des zones non interconnectées (ZNI), en précisant qu'il va être procédé à une évaluation de la rentabilité des capitaux investis dans les actifs productifs. Cela veut-il dire que tout ce qui concerne la production d'énergie renouvelable sera analysé ? De fait, ces territoires ne seraient plus des espaces d'expérimentation du développement d'énergies renouvelables ? Si tel est le cas, est-ce à dire que les inquiétudes sont focalisées sur les nouvelles installations de production d'énergies renouvelables ?
Concernant la SNCF, des investissements importants sont prévus dans le plan de relance. Est-elle est en capacité de mettre en oeuvre rapidement les actions prévues dans ce plan - la réouverture d'un certain nombre de lignes, des remises aux normes, l'amélioration du système de signalisation, etc. ?
S'agissant des questions maritimes, j'ai le sentiment que, dans les budgets qui nous sont proposés, l'effort sur la formation des marins, qu'ils soient destinés à la marine marchande ou à la pêche, est insuffisant, les crédits n'augmentant pas. Ai-je la bonne analyse ?
Ce manque de formation est préjudiciable pour le grand pays maritime qu'est la France, d'autant que ce secteur recèle des potentiels de développement importants. En ce qui concerne les ressources halieutiques, il est clair que si nous importons plus de la moitié des poissons que nous consommons, c'est bien parce que nous ne disposons plus de marins-pêcheurs.
Concernant le trafic transmanche, je n'ai pas le sentiment qu'il y ait, dans les budgets, de visibilité à long terme. Or aujourd'hui, le premier employeur de marins français est Brittany Ferries. Une compagnie importante pour les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, pour le désenclavement de la France, en général.
Cependant, comme dans le secteur aérien, les compagnies maritimes sont confrontées à la pandémie. Pouvons-nous entrevoir, dans les perspectives de crédits, des dispositifs qui leur permettraient de surmonter la crise ? Elles ont notamment contracté des prêts garantis par l'État (PGE) qu'elles devront rembourser.
Avec la création de l'ANCT, l'organisation actuelle du Cerema est-elle la bonne ou aurait-il fallu regrouper sous l'autorité de l'Agence un certain nombre de services d'État dont la mission est d'accompagner les collectivités dans l'ingénierie ?
Enfin, concernant le contrôle aérien, dont les difficultés ont été précisées, la DGAC profite-t-elle de l'atonie du trafic actuel pour engager les réformes qui sont indispensables et que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer à travers les différents rapports de Vincent Capo-Canellas, au fil des ans ?
Mme Isabelle Briquet. - Concernant la budgétisation du fonds Barnier, dont il convient de saluer la hausse des moyens, n'existe-t-il pas un risque que ce dispositif devienne plus opaque, puisqu'il ne serait plus qu'une petite ligne dans une mission pesant plusieurs milliards d'euros ?
Quand bien même les crédits seraient stables, nous constatons, année après année, un affaiblissement des divers opérateurs, avec la poursuite des diminutions drastiques des effectifs du ministère de l'écologie. De sorte que nous imaginons mal comment mener une politique ambitieuse et efficace, pourtant clairement affichée.
M. Arnaud Bazin. - Je reviendrai sur la question de la régulation du transport aérien, puisque notre collègue Vincent Capo-Canellas nous a présenté un rapport, il y a quelques mois, indiquant que d'importants investissements avaient été réalisés dans l'outil informatique, mais que la production n'était pas à la hauteur, puisqu'aucun nouvel outil efficace n'est actuellement en service.
Quels sont les montants des crédits prévus pour 2021 pour poursuivre ces projets de modernisation des outils du contrôle aérien ?
Par ailleurs, des perspectives plus favorables pour aboutir à des outils réellement efficaces, lesquelles viendraient enfin couronner des années de travail et des centaines de millions d'euros investis, se dessinent-elles ?
M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercierai tout d'abord les rapporteurs spéciaux pour le travail important qu'ils ont réalisé.
Concernant les infrastructures routières, le Premier ministre, par un décret du 14 août dernier, rend possible la privatisation de portions de routes nationales, afin notamment, dans le cadre d'accords avec des concessionnaires d'autoroutes, de réaliser des travaux que l'État n'est plus en capacité de financer.
Pouvez-vous nous donner plus d'informations sur cette question ? Avez-vous par ailleurs recueilli des éléments d'observation qui permettraient, dans les années à venir, de constater des mouvements financiers en ce sens ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Le rapporteur général a raison : c'est un débat beaucoup plus philosophique. Les crédits du ministère baissent. Nous aurons certainement le débat en séance sur l'articulation entre le plan de relance et l'ensemble des missions.
Marc Laménie, concernant les agences de l'eau, si l'on observe un relèvement du plafond de recettes, c'est uniquement en raison de transferts, mais les moyens alloués restent les mêmes. Je n'ai pas entendu parler de tension. Par ailleurs, les agences se verront attribuer 300 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, dont 250 millions d'euros en métropole, notamment pour les réseaux d'eau et la modernisation des stations d'assainissement.
Michel Canevet, sur la baisse des effectifs, les opérateurs participent déjà à l'effort. Par exemple, un onzième parc naturel a vu le jour l'année dernière sans faire l'objet d'une attribution d'effectifs ; une dotation de 1,5 million d'euros a été allouée au parc national de Forêts, créé en novembre 2019, permettant de financer ses dépenses de masse salariale (10 ETP/ETPT), de fonctionnement, d'intervention et d'investissement. Dans les agences de l'eau et au sein de l'OFB, un certain nombre de fonctionnaires exercent des missions de police - je pense aux agents de la police de l'eau, aux garde-chasses et autres. Si l'on excepte les agents de ces indispensables missions de contrôle, comme le contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), il reste les agents du ministère pour faire fonctionner les dispositifs.
J'ai également entendu certaines critiques venant du monde économique. Des entreprises, par exemple, ont avancé que la trésorerie pour les certificats d'économie d'énergie (CEE) et les remboursements effectués par le pôle CEE ont connu beaucoup de retard. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec des opérateurs du bâtiment moins enclins à réaliser de nouvelles opérations, alors que tel est l'objet du plan de relance. Mon message est donc le suivant : on ne peut pas à la fois communiquer sur l'écologie, mettre des milliards partout, et ensuite ne pas déployer les moyens humains, avec les conséquences sur le tissu économique.
Par ailleurs, certains ministères sont très en retard par rapport au monde de l'entreprise. Quand Élisabeth Borne dit que tout le monde doit faire du télétravail, sachez que, au ministère de la transition écologique, à la fin de l'année 2019, 20 % seulement des agents disposaient d'un ordinateur portable ; en 2020, des progrès énormes ont été effectués, puisqu'ils sont désormais 75 %. Dans d'autres ministères, les agents ne peuvent pas raccorder leur imprimante personnelle à leur ordinateur. Nous voyons bien, dans ce domaine, tous les efforts qu'il reste encore à accomplir au sein de la fonction publique. Mais, dans ce rapport, mon sujet était la correspondance entre les moyens humains et les actions que nous souhaitons mettre en oeuvre.
Concernant l'outre-mer, un arrêté, publié l'année dernière, précise que le taux de rémunération des capitaux investis dans les projets spécifiques à l'outre-mer doit s'établir en fonction du lieu d'implantation et de la technologie utilisée. Jusqu'alors, le taux s'élevait à 11 %. Sauf que, dans ces projets, on trouvait des installation de natures très différentes. Par exemple, des installations de géothermie en Guadeloupe et des opérations de brûlage de déchets à La Réunion génèrent des risques très différents. Les zones d'implantation ne sont pas les mêmes non plus, avec des risques cycloniques à La Réunion, que l'on ne trouve pas à Mayotte. L'idée de cet arrêté est de permettre une rémunération plus juste.
Isabelle Briquet, sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), budgeté sur la nouvelle action n° 14 du programme 181, la gestion sera, à mon sens, plus lisible pour le Parlement. Nous aurons désormais la main à la fois sur les recettes et les dépenses, alors que, auparavant, un montant de recettes était affecté, inférieur au montant collecté au titre des polices d'assurance puisqu'il était plafonné. Depuis 2016, les dépenses du fonds sont supérieures au montant de ses recettes. Sans un relèvement du niveau des recettes, le fonds n'aurait pas pu passer l'année. Une contribution entre désormais dans le budget de l'État, qu'il reverse chaque année au fonds ; cette année, le montant affecté est plus élevé. L'année prochaine, en loi de règlement, nous saurons précisément ce qui a été dépensé, nous gagnerons en lisibilité.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Pour ce qui concerne Voies navigables de France (VNF) et sa capacité à réaliser les investissements, on peut en effet s'interroger sur la réalisation effective des travaux en 2021-2022. Pour rappel, après 175 millions d'euros en 2019 et 214 millions d'euros en 2020, 268 millions d'euros d'investissement sont prévus en 2021.
Un certain nombre de besoins paraissent évidents, notamment l'obsolescence de certains équipements sur des écluses ou des barrages. Des projets sont identifiés, mais la capacité à les mettre en oeuvre au cours de l'année 2021 reste encore clairement à démontrer.
Marc Laménie, la question de la baisse des effectifs de VNF s'inscrit dans le cadre d'une mutation assez profonde de cet établissement, notamment avec l'automatisation de certains dispositifs. Dans le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP), le sujet devrait être abordé.
Antoine Lefèvre, concernant le Grand Paris Express, les lignes 16 et 17 ne seront pas livrées avant les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En revanche, les lignes 15 Sud, 14 Nord et 14 Sud ne devraient pas voir leur calendrier bouleversé.
On recense aujourd'hui 130 chantiers actifs dans le cadre du Grand Paris Express. Les marchés de conception-réalisation ont permis, malgré les contraintes que nous connaissons, d'accélérer un certain nombre de ces travaux.
Michel Canevet, s'agissant de la formation maritime, les crédits sont stabilisés. Les lycées, notamment, conservent les mêmes moyens. Une réforme est engagée pour l'enseignement supérieur, avec un regroupement de sites et un siège basé au Havre, même si le plus important de ces établissements se situe à Marseille.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Antoine Lefèvre évoquait son inquiétude par rapport au non-renouvellement des investissements dans le domaine aérien ; il peut étendre son inquiétude à l'ensemble de nos infrastructures, aussi bien dans les domaines ferroviaire, fluvial que routier. Concernant le domaine routier, on peut se réjouir de l'augmentation des crédits, notamment dans le cadre de la LOM, témoignant d'une volonté de régénérer les réseaux à laquelle on ne peut que souscrire. J'ajouterai aussi la question des ponts, d'autant plus en ce jour du triste anniversaire de l'effondrement du pont de Mirepoix.
Concernant le manque d'informations fournies par les services de l'État, je partage le mécontentement de Sébastien Meurant. Je souhaite insister en particulier sur l'attitude scandaleuse de l'Afitf. Lors de son audition, son secrétaire général a été incapable de répondre à nos questions. Même en remontant au niveau du ministère et du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) nous n'avons pas obtenu davantage d'informations sur le budget de l'agence. Je le redis avec beaucoup de force et de véhémence : je suis scandalisé par ce manque de considération de l'État à l'égard du Parlement.
Marc Laménie, la suppression du compte d'affectation spéciale, quant à elle, tient à l'ouverture à la concurrence, qui ne permettait pas de conclure des contrats pluriannuels. Il s'agit donc d'une rebudgétisation et non d'une baisse des crédits conscacrés aux lignes d'aménagement du territoire.
S'agissant du taux des emprunts repris à SNCF Réseau, le dispositif est assez compliqué. Cela s'explique par le fait que, dans la dette reprise, se trouvent des emprunts historiques avec des taux élevés.
En ce qui concerne l'impact de la crise sur la fiscalité spécifique des sociétés concessionnaires d'autoroute, évoqué par Éric Bocquet, la perte s'élève à 90 millions d'euros sur les 560 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire. Par ailleurs, les sociétés concessionnaires d'autoroute auront à faire face à 2 milliards d'euros de recettes en moins.
Michel Canevet, concernant Brittany Ferries, l'aide de l'État est relativement modeste, de l'ordre de 30 millions d'euros, dont 15 cette année ; ce montant est complété par des garanties d'emprunts à hauteur de 117 millions d'euros. Par ailleurs, les régions Normandie et Bretagne ont apporté à Brittany Ferries un soutien complémentaire plus important que celui de l'État.
Au sujet de la privatisation des routes nationales, nous manquons d'informations. Je rappellerai ma position : je ne suis pas du tout favorable à la privatisation de voiries supplémentaires tant que les concessions seront aussi déséquilibrées. Les concessionnaires sont aujourd'hui dans une position très avantageuse, aussi bien sur le plan financier de la rentabilité que sur le plan juridique, où l'État a finalement assez peu de marges de manoeuvre - nous avons pu le constater en 2015 avec la suppression de l'augmentation des péages, dont le « rattrapage » a finalement coûté beaucoup plus cher aux automobilistes.
Un mot sur la ligne Perpignan-Rungis : le Premier ministre a annoncé une réouverture à l'été 2021.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Au-delà de la question de la privatisation, nous avons senti une écoute attentive sur les offres des collectivités faisant acte de candidature pour intégrer, dans leurs réseaux, les routes nationales.
Sur l'Afitf, nous avons proposé un amendement montrant notre volonté - malgré le manque d'informations - d'équilibrer les risques de pertes de recettes qui existeront encore en 2021. Au-delà des 90 millions d'euros de la taxe d'aménagement du territoire, il y a surtout les 230 millions d'euros d'écocontribution du transport aérien perdus en 2020 et qui ne seront sans doute pas rétablis en 2021 ; d'où cet amendement, afin de proposer une augmentation de TICPE de 400 millions d'euros au profit de l'Afitf, de manière à garantir l'exécution des engagements et des travaux sur le ferroviaire ou le routier.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - S'agissant du Cerema, il est écrit dans le rapport : « La réduction des moyens du Cerema va se poursuivre au risque de menacer la soutenabilité financière de l'établissement. » Je pense que les choses sont clairement posées. Depuis 2018, la baisse du plafond d'emplois représente 100 ETPT par an pendant cinq ans, soit une chute de 17 % des effectifs sur la période et de 25 % entre 2015 et 2022.
Nous avons donc affaire à une saignée. Il y a des raisons budgétaires à cela, une volonté de rationalisation. Mais nous arrivons à l'os, c'est-à-dire au moment où l'outil lui-même est menacé. La baisse de la subvention, de l'ordre de 5 millions d'euros par an, va devenir difficile à supporter. On observe une fragilisation des compétences et une inquiétude sur l'investissement. En 2022, la subvention pour charge de service public sera inférieure de 9 millions d'euros aux charges de personnels. Il s'agit maintenant de stabiliser cette trajectoire.
Michel Canevet, concernant la relation entre le Cerema et l'ANCT, un projet de convention est actuellement en discussion. Une fusion n'est pas concevable, elle entraînerait de nouveaux traumatismes pour le Cerema qui, je le rappelle, est lui-même le résultat de la fusion de 11 entités. Un modèle économique est à construire, avec des flux financiers positifs vers le Cerema.
Au sujet de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), s'agissant de l'obsolescence des équipements et de l'impact potentiel sur la sécurité, je veux, autant que possible, tranquilliser Antoine Lefèvre. Cette confiance se justifie par des personnels de très bon niveau et par la robustesse des matériels qui, à ce jour, n'est pas mise en cause. Cela dit, nous risquons de devenir les derniers d'Europe en termes de capacités si nous ne modernisons pas nos matériels. Des questions se posent quant à notre capacité à avoir des routes plus directes, ce qui permet de réduire la pollution. Le Gouvernement fustige le transport aérien pour son impact écologique, mais il fait peu de choses pour améliorer les trajectoires des avions, alors qu'elles dépendent de lui.
Arnaud Bazin, en 2021, sur un investissement total de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) de l'ordre 317 millions d'euros pour la DSNA, 140 millions d'euros seront consacrés aux grands programmes. Ces derniers se poursuivent, mais à un rythme trop lent, avec une garantie d'efficacité qui n'est pas apportée et une garantie de délais qui a volé en éclats depuis très longtemps. On pouvait espérer que les contrôleurs, profitant de cette période de moindre activité, seraient mobilisés pour des formations ; ce n'est pas le cas.
Un nouveau directeur général a été nommé à la DGAC ; le précédent, bible de l'aéronautique, avait dirigé cette maison pendant 12 ans. Aujourd'hui, il faut se poser la question de réformer la DGAC. Le nouveau directeur général a-t-il reçu un mandat pour le faire ? Cela reste un point d'interrogation. La réforme est difficile, car, singularité française, c'est une maison qui fait tout ; elle régule le contrôle aérien, vérifie, produit des normes, des services pour les compagnies... Est-ce le bon moment pour réformer ? Sans doute, car le trafic est moindre aujourd'hui ; en même temps, nous traversons une grave crise financière...
M. Claude Raynal, président. - Nous devons nous prononcer sur un amendement de crédit qui porte sur 20 millions d'euros, au sujet des ponts.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - L'État lui-même a considéré que l'entretien des ponts nécessitait un budget de 120 millions d'euros. Avec les crédits supplémentaires du plan de relance, nous arrivons à peine à 100 millions d'euros ; d'où ce complément de 20 millions d'euros, déjà voté l'an dernier par le Sénat, sans résultat à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement, à l'époque, considérait que nous étions à quelques dizaines de millions d'euros près ; aujourd'hui, comme nous ne semblons plus être à quelques centaines de milliards d'euros près, je suis certain que nous recevrons un avis favorable.
L'amendement no II-3 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Dans l'article 54 quinquies, l'Assemblée nationale a introduit une rationalisation de l'ensemble des dispositifs législatifs ayant trait au fonds Barnier, désormais rassemblés au sein d'un article unique du code de l'environnement. A également été introduite la possibilité de financer une expérimentation, visant le département des Alpes-Maritimes, pour laquelle un rapport est prévu dans trois ans. Ignorant si d'autres événements de ce type ne nécessiteront pas une mobilisation des crédits du fonds, je pense que l'on devrait commander un rapport d'étape plus tôt, pour le prochain PLF ; tel est le sens de cet amendement no II-12.
L'amendement n° II-12 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54 quinquies, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'article 54 sexies prévoit la remise en cause des contrats d'achat de l'électricité photovoltaïque signés sur la base des tarifs de 2006 et 2010 pour les installations de plus de 250 kilowatts. Il est indiqué un niveau de charge de services publics économisés de 2 milliards ; sauf qu'il s'agit d'un leurre, puisque les 2 milliards concernent l'ensemble des contrats.
Seuls 850 contrats seraient en fait visés par cette mesure : des contrats signés en métropole, entraînant des charges de services publics annuels de l'ordre de 737 millions d'euros. Quid, dès lors, des 200 contrats se trouvant en zones non interconnectées (ZNI) avec le territoire métropolitain et possédant les mêmes critères, à savoir plus de 250 kilowatts ? On croit également comprendre qu'un traitement individuel sera réservé pour chacun de ces 850 contrats, si les producteurs en font la demande. Aujourd'hui, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) prétend avoir besoin de huit équivalents temps plein (ETP) pour procéder à cet examen ; à titre personnel, je pense que deux peuvent largement suffire.
Par ailleurs, chacun pourra faire état de difficultés particulières, car, dans ce secteur économique, les contrats sont cédés aux exploitants. La personne ayant investi au moment de la signature n'est pas forcément celle qui est aujourd'hui l'exploitant. Les exploitants actuels ont acheté sur la base d'une perspective de rendement qui, sauf à imaginer une tempête qui emporterait les toits de France, était certaine ; on les pénaliserait donc aujourd'hui, alors que ceux qui ont empoché la rente ne seraient pas atteints.
Il y a donc un sujet financier - avec ces 2 milliards d'euros pour les seuls contrats signés avant 2011, qui représentent 0,5 % de la production - et aussi un problème de respect de la signature de l'État. On ne peut pas déposer un amendement à la dernière minute, de manière à éviter des sous-amendements, sans débat, sans analyse du Conseil d'État, sans étude d'impact, sur un sujet aussi important. Pour toutes ces raisons, je vous propose cet amendement no 3 visant à supprimer l'article.
L'amendement n° II-28 est adopté.
La commission propose au Sénat de supprimer l'article 54 sexies.
Article 54 septies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54 septies sans modification.
La commission décide également de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) », ainsi que les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
La réunion est close à 12 h 35.
Projet de loi de finances pour 2021 - Missions et comptes spéciaux précédemment examinés et réservés « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 54), « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics, « Santé », « Sécurités » (et articles 60 et 61) et « Sport, jeunesse et vie associative » (et articles 64 à 67) - Examen du rapport spécial
ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIEN AVEC LA NATION
M. Claude Raynal, président. - Nous débutons cette réunion par l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », précédemment réservés, et de l'article rattaché 54.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Je confirme mon avis favorable.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation ».
La commission décide également de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » sans modification.
AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS
M. Claude Raynal, président. - Nous passons au compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. - Ma préoccupation portait sur les avances prévues pour aider les aéroports, car le système de comptes d'avances ne me semblait pas totalement pertinent du point de vue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C'était donc plus un problème de forme que de fond et, après le court et brillant exposé de Vincent Capo-Canellas ce matin démontrant combien ces aides sont vitales pour le secteur aérien, j'émets un avis favorable.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à la mission « Santé ».
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Santé ».
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Après concertation avec Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je vous propose l'amendement II-15, remplaçant l'aide médicale d'État par une aide médicale de santé publique. Il s'agit d'un dispositif reprenant les contours de l'amendement déposé par notre collègue Roger Karoutchi en juin 2018 et repris par Alain Joyandet en 2020 dans un amendement adopté par le Sénat avant d'être supprimé par l'Assemblée nationale. Il s'agit, tout simplement, de réduire le panier de soins à un certain nombre de soins d'urgence.
M. Claude Raynal, président. - Vous ne serez pas étonné que mon groupe ne vote pas cet amendement - en m'excusant auprès de Roger Karoutchi, qui est la tête pensante de ce projet.
L'amendement II-15 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption d'un article additionnel après l'article 65.
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à la mission « Sécurités » et aux articles rattachés 66 et 67.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Après avoir eu confirmation que de nombreux crédits figureront dans la mission « Plan de relance », notamment en matière d'investissement, je propose un avis favorable.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités ».
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - L'article 66, ajouté à l'Assemblée nationale, réécrit le dispositif permettant des cofinancements de l'État et des collectivités locales pour construire des casernes de gendarmerie et de pompiers, ou des commissariats. Cette réécriture emporte trois modifications : la pérennisation, bienvenue, de ce dispositif, qui devait s'arrêter fin décembre 2020 ; son élargissement aux besoins de la sécurité civile, qui est une bonne chose aussi ; et l'exclusion explicite du champ des baux emphytéotiques administratifs, également bienvenue. Sur le fond, je n'ai pas d'opposition particulière. Sur la forme, sa rédaction mérite d'être clarifiée. Je vous propose donc l'amendement II-16, qui garantit que les bâtiments construits pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) à l'aide de ce dispositif soient bien mis à la disposition des SDIS, et non pas à celle de l'État.
L'amendement II-16 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 66, ainsi modifié.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - L'article 67, ajouté à l'Assemblée nationale, demande un rapport sur les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (Sgami). Le Sénat n'est généralement pas favorable aux rapports. En l'occurrence, c'est un député de la majorité qui le demande, avec un avis favorable du Gouvernement. C'est un peu une surprise, puisqu'il s'agit d'une mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie, qui crée des inquiétudes depuis trois ans. Si le Gouvernement a du temps à consacrer à un rapport sur ce sujet, je laisse faire, et nous verrons bien ce qu'il en ressortira ! Ce n'est pas une demande de notre part, et je trouve même que c'est inutile, mais ce n'est pas au Sénat de corriger les bonnes manières que le Gouvernement a pour sa majorité à l'Assemblée nationale...
M. Claude Raynal, président. - On peut toujours compter sur Philippe Dominati pour trouver les bonnes formules ! Nous allons donc être d'accord avec un article qui commande un rapport que nous ne souhaitons pas...
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 67, sans modification.
SPORTS, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à la mission « Sports, jeunesse et vie associative » et aux articles rattachés 70 à 73.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification sur les crédits de la mission. Nos points d'inquiétude, relevés lors de l'examen en commission, subsistent. Pour autant, une vision plus globale du soutien au mouvement sportif et associatif doit conduire à envisager les crédits prévus par le quatrième projet de loi de finances rectificative. De plus, de nouvelles annonces ont été faites par le Président de la République hier et confirmées tout à l'heure lors des questions au Gouvernement par la ministre des sports. Une réunion a été organisée avec les acteurs du sport professionnel et du sport amateur. Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission. Après avoir fait le point sur les dernières annonces, je proposerai certainement des amendements de crédits en amont de l'examen en séance publique.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sports, jeunesse et vie associative ».
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'article 70, ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des associations, sous le nom de groupements de compétences locaux, pour faciliter leurs démarches. Je vous propose de l'adopter.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 70.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'article 71, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur les effets du Fonds pour le développement de la vie associative, pour ce qui concerne les nouvelles missions de soutien aux associations, en remplacement de l'ancienne dotation d'action parlementaire. Nous avons déjà adopté une demande analogue dans les deux précédentes lois de finances. Mon amendement II-27 en propose une nouvelle rédaction : plutôt que d'adopter, chaque année, une demande de rapport, nous complèterions le contenu du jaune budgétaire consacré à l'effort financier de l'État en faveur de la vie associative.
M. Claude Raynal, président. - Vous ne suivez donc pas la jurisprudence Dominati !
L'amendement II-27 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 71, ainsi modifié.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'article 72, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur l'emploi associatif et les conséquences de la réduction du nombre d'emplois aidés. Je vous propose un amendement II-26 de suppression, car il s'agit d'un cavalier budgétaire : le rapport demandé ne relève pas du domaine des lois de finances.
M. Jérôme Bascher. - Très bien !
L'amendement II-26 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 72.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'article 73, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur les moyens alloués à la lutte contre la radicalisation dans les associations sportives. Je vous propose de l'adopter.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 73, sans modification.
- Présidence de Mme Christine Lavarde, vice-présidente -
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 57 et 58) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial
M. Charles Guené, rapporteur spécial des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». - Pour 2021, les crédits demandés au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) s'élèveraient à 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits de la mission ne représentent en effet qu'une très faible part des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales, qui s'élèveraient à 104,4 milliards d'euros en 2021.
La première caractéristique du budget qui nous est proposé est, une fois n'est pas coutume, sa stabilité. En effet, les hausses de crédits constatées tiennent, pour l'essentiel, à des mesures de périmètre.
La principale action de la mission concerne les dotations d'investissement au bloc communal, au premier rang desquelles la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Comme les années précédentes, les crédits alloués à ces dotations s'élèvent à 1,8 milliard d'euros.
La mission porte une partie du plan de relance, puisqu'elle permet de couvrir à hauteur de 100 millions d'euros les crédits de paiement afférents au milliard d'euros d'autorisations d'engagement consommées en 2020 au titre de la DSIL exceptionnelle votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative.
Cette DSIL exceptionnelle devait financer des projets s'inscrivant dans trois priorités : la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Au 15 octobre, 1 749 projets ont été programmés, pour un montant de 320 millions d'euros.
Je rappelle que, sur l'initiative du Sénat, il avait été prévu qu'à titre exceptionnel ces crédits puissent également financer des projets éligibles à la DETR. Ces derniers représentent à date environ 14 % des projets subventionnés.
Nous regrettons néanmoins que, malgré son caractère présenté comme exceptionnel, ce dispositif ne fasse l'objet d'aucun indicateur de performance spécifique, qui aurait pu retracer la rapidité de consommation des crédits, la typologie des projets financés ou encore son effet de levier sur l'investissement local, qui doit être un pilier de la réponse à la crise économique.
Comme les années précédentes, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». - Nous examinons également le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », qui voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales : 111,5 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2021.
On constate une baisse de 1,3 % du montant de ces avances en 2021, qui traduit l'impact de la crise sur les impôts locaux, après plusieurs années de dynamisme.
Le compte de concours financiers comporte également en 2020 un nouveau programme retraçant les avances remboursables versées aux départements sur leurs recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en application de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le montant total provisionné pour 2020 et 2021 s'élève à 2,7 milliards d'euros. Mais le montant total avancé pourrait être bien inférieur puisque seuls 40 départements ont décidé de faire appel à ces avances à ce jour. Je rappelle à ce titre que, sur l'initiative du Sénat, une clause de retour à bonne fortune a été introduite : la période de remboursement prendra effet à compter de l'année suivant celle au cours de laquelle le montant des recettes fiscales de DMTO sera égal ou supérieur à celui constaté en 2019.
Nous vous proposons également de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 57 procède à la mise en oeuvre de l'automatisation du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA). Celle-ci était prévue pour le 1er janvier 2019 mais avait été repoussée par deux fois.
Au-delà de l'automatisation elle-même, la réforme redéfinit l'assiette des dépenses éligibles.
En effet, l'automatisation repose sur le traitement des dépenses imputées sur certains comptes ou subdivisions définis du plan comptable des collectivités locales.
Cette nouvelle approche conduit à exclure ou au contraire à inclure certains comptes et donc certaines dépenses dans le champ du FCVTA.
Par exemple, les dépenses retracées au compte 202 « Frais liés à la réalisation des documents d'urbanisme et à la numérisation du cadastre » ne seront plus éligibles. À l'inverse, celles du compte 2181 « Agencements et aménagements divers » le deviendront.
Au bilan, les collectivités locales pourraient bénéficier d'un peu plus de FCTVA qu'auparavant. Par exemple, en 2019, la réforme aurait conduit à un FCTVA supérieur de 170 millions à ce qu'il a été.
Nous vous proposons d'adopter sur cet article un l'amendement rédactionnel n° II-14.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 58 contient plusieurs dispositions que je vais présenter succinctement. En premier lieu, il augmente la part « péréquation » de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 190 millions d'euros comme l'année dernière. Nous y sommes favorables. Chaque année, nous avons un débat sur cette augmentation, toujours à peu près du même montant.
En second lieu, il poursuit le rattrapage des montants versés aux communes d'outre-mer au titre de la péréquation. Le régime dérogatoire qui leur est appliqué leur était défavorable. Nous sommes favorables à cette mesure, même si nous aurions préféré que l'État assume le coût de ce rattrapage.
Nul doute que des amendements en première partie proposeront de majorer la DGF en ce sens - et nul doute qu'ils remporteront un succès d'estime...
En troisième lieu, l'article ajuste le montant de la DGF revenant à plusieurs départements pour tenir compte de la recentralisation de certaines compétences.
En quatrième lieu, il institue un mécanisme concernant la prise en compte de la population de Mayotte dans le calcul des dotations dans l'attente d'un recensement.
En cinquième lieu, il prévoit des modalités de neutralisation des effets de la réforme de la taxe d'habitation et des impôts de production sur les indicateurs de péréquation. Il est proposé d'introduire une formule de calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière qui tient compte de l'effet du coefficient correcteur, et de majorer pendant cinq ans les indicateurs de péréquation d'une fraction de correction.
Ces propositions rejoignent les conclusions des simulations proposées au comité des finances locales et ne s'appliqueront, en définitive, qu'à compter de 2022. Nous sommes favorables à leur adoption considérant que nous bénéficieront du temps nécessaire pour prévoir des ajustements.
En sixième lieu, l'article tend à suspendre pour 2021 la mise en oeuvre du fonds national de péréquation des ressources de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui ne pourra pas fonctionner en raison de la crise. De plus, il ajuste le plafonnement du prélèvement au titre du fonds de solidarité des départements de la région Île-de-France (FSDRIF) pour tenir compte de la mise en oeuvre du nouveau fonds de péréquation des DMTO. Nous en prenons acte.
Enfin, à la suite d'un amendement de M. Jean-René Cazeneuve adopté par l'Assemblée nationale, l'article 58 propose un ajustement de la péréquation régionale en 2021 dans le cadre de l'année de transition liée à la bascule entre CVAE et TVA. L'amendement dessine également les contours d'un nouveau système de péréquation à compter de 2022.
Même si nous partageons l'objectif d'un renforcement de la péréquation régionale, nous ne sommes pas favorables à ces dispositions, dont nous jugeons qu'elles ne respectent pas les termes de l'accord conclu entre l'État et les régions à cet égard. En outre, la préfiguration du futur système de péréquation préempte les négociations qui doivent être menées sur ce point. L'article opère en outre un renvoi très large au décret pour la définition des modalités de répartition du futur fonds, ce qui ne saurait nous satisfaire. C'est à ces problématiques que répond l'amendement de suppression n° II-13 que nous vous proposons.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 59 modifie les règles de calcul des montants de DETR accordés aux départements pour rediriger la dotation vers les départements les plus ruraux. Ce changement fait suite à la mission de l'Assemblée nationale, qui vient de terminer ses travaux. La mission a notamment établi que plus de 3 300 communes urbaines bénéficiaient d'une subvention au titre de la DETR, alors que 151 communes rurales y étaient inéligibles.
Il semble indispensable de revenir à l'objectif de la DETR, c'est-à-dire préserver et soutenir l'investissement dans les territoires ruraux. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet article, en attendant une réforme de grande ampleur, qui ne peut être mise en place qu'après une concertation approfondie.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 60, introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, prolonge pour cinq années supplémentaires le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU).
Doté d'un peu plus d'un million d'euros, il permet d'accompagner les collectivités locales qui proposent des solutions d'hébergement d'urgence. Il a été créé en 2006 et était censé s'éteindre en 2016. Son existence a déjà été prolongée jusqu'en 2020 et il est demandé, cette année, de le prolonger de cinq ans encore, ce qui nous semble pertinent.
Néanmoins, nous nous demandons si un fonds qui remplit une fonction aussi évidente, et qui est prolongé pour la seconde fois, ne devrait pas, tout simplement, être pérennisé.
Nous interrogerons le ministre sur ce point, mais vous invitons à adopter cet article sans modification.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 61, introduit à l'Assemblée nationale, stabilise le schéma de flux financiers applicable au sein de la Métropole du Grand Paris (MGP). Par ailleurs, il prévoit d'instituer un versement exceptionnel de la dynamique de la cotisation foncière des entreprises perçue par les établissements publics territoriaux à la MGP afin de compenser les pertes de CVAE qu'elle subira en 2021. Bien que nous ayons quelques doutes sur la nécessité de cette contribution, nous vous proposons d'adopter l'article à ce stade et de renvoyer le débat à la séance.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 62 a été introduit à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, afin de répondre à l'abrogation, par le Conseil constitutionnel, du dispositif de prélèvement spécifique opéré sur certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) depuis 2019.
Pour mémoire, entre 2013 et 2018, les EPCI participaient à l'effort de redressement des finances publiques au travers d'une diminution du montant de la dotation d'intercommunalité qu'ils percevaient. Ceux qui n'en percevaient pas contribuaient tout de même par ce que l'on a appelé la DGF négative.
En 2019, la dotation d'intercommunalité a été réformée et son montant global a été diminué de celui de la dernière contribution des EPCI au redressement des comptes.
Afin que les EPCI qui subissaient une DGF négative continuent de participer, ce prélèvement a été figé dans son montant et maintenu pour l'avenir.
Le législateur avait limité la possibilité de revoir le montant de ce prélèvement au seul cas d'une restructuration territoriale.
À l'occasion d'une récente question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a estimé que ce dispositif était contraire au principe d'égalité et l'a donc abrogé.
L'article 62 est donc une réponse d'urgence à cette situation. Il prévoit que le montant du prélèvement spécifique pourra être réévalué si les recettes de fonctionnement par habitant de l'EPCI diminuent au-delà d'un pourcentage fixé par décret.
Nous sommes favorables à cette réponse, qui vise à trouver une issue à l'abrogation décidée par le Conseil constitutionnel et qui offre, il est vrai, de plus grandes garanties aux EPCI.
Nous vous invitons à adopter cet article sans modification.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 63 a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative de notre collègue Jean-René Cazeneuve.
Il consiste à prolonger en 2021 le fonds de stabilisation des départements, dont l'objet est de soutenir les territoires confrontés à d'importants restes à charge d'allocation individuelle de solidarité.
En 2020, les crédits du fonds ont été portés à 200 millions d'euros. Il s'agit d'un dispositif qui intervient en complément de la fraction de 250 millions d'euros de TVA instituée en loi de finances pour 2020 au titre de 2021 et du fonds de péréquation des DMTO, qui met en répartition 1,6 milliard d'euros au profit des départements fragiles.
Nous sommes favorables à cet article, et vous invitons à l'adopter sans modification.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Depuis les dernières élections municipales, les communes nouvelles ne peuvent plus bénéficier des aides apportées par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACé), dès lors que la fusion a entraîné un dépassement du seuil de 5 000 habitants. L'article 64 prolonge jusqu'en 2026 l'accès au FACé pour la partie du territoire des communes nouvelles qui y étaient éligibles avant leur création.
Je crois qu'il est indispensable, à terme, de trouver une solution pérenne à ce problème qui revient régulièrement : la marge laissée par cet article laisse le temps d'y réfléchir. Nous vous proposons dans l'intermédiaire de l'adopter sans modification.
Nous vous proposons l'amendement n° II-13 à l'article 58, qui vise à respecter pleinement les termes de l'accord de partenariat conclu entre l'État et les régions le 28 septembre 2020. Il reconduit les montants des attributions et prélèvements au titre de la péréquation pour assurer une stricte équivalence des montants entre CVAE et TVA. Il supprime aussi le dispositif transitoire prévu à l'article 58. L'idée est de laisser le temps à l'État et aux régions de se mettre d'accord sur leur dispositif de péréquation.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Cette mission sera examinée par la commission des lois mercredi prochain. Le contexte est connu de tous : c'est celui de la crise sanitaire que le pays traverse depuis le mois de mars. Je vais relayer le sentiment des collectivités territoriales, qui s'est exprimé lors des auditions que nous avons pu mener la semaine dernière, notamment en recevant l'essentiel des associations d'élus. Même s'il doit être salué, le soutien de l'État a paru générateur d'inégalités de traitement entre collectivités, comme l'a montré le soutien financier à l'achat des masques. De même, des incertitudes pèsent sur le montant réel des compensations proposées aux collectivités, qui sera inférieur aux annonces du mois de juillet, ce qui est compréhensible, le Gouvernement n'ayant pas de franche visibilité sur les évolutions du contexte financier. Elles n'en donnent pas moins l'impression d'un soutien faillible, au moment même où les collectivités formulent des inquiétudes légitimes sur l'évolution de leurs finances.
Dans ce contexte troublé, l'évolution des crédits alloués à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se caractérise néanmoins par une forme de stabilité haussière. D'abord, les crédits alloués aux programmes 119 et 122 s'établissent dans leur ensemble à un niveau équivalent à celui de 2020. Les principales dotations d'investissement voient leur niveau maintenu. Comme l'année dernière, je rappelle que, si cette stabilité est toujours préférable à une diminution, elle s'érode progressivement sous l'effet de l'inflation, qui demeure heureusement faible dans notre pays.
Les crédits de la mission augmentent, en autorisations d'engagement, de 6,82 %, essentiellement en raison de la hausse de la dotation générale de décentralisation des régions, et en crédits de paiement, de 12,88 %, principalement en raison de l'abondement de la DSIL exceptionnelle à hauteur de 100 millions d'euros pour 2021.
C'est ainsi par un abondement de cette part exceptionnelle de la DSIL que l'État a apporté l'un de ses principaux soutiens à l'investissement des collectivités territoriales. Mais cet abondement appelle deux interrogations. D'abord, sur les modalités de son décaissement, puisque seuls 100 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés pour 2021. La clé de décaissement choisie concentrera donc la consommation des crédits sur les deux exercices 2022 et 2023. On peut se demander pourquoi seuls 10 % des crédits ont été demandés pour l'année prochaine. Les modalités de sa répartition, ensuite, font apparaître trois priorités : la préservation du patrimoine, la transition écologique et la résilience sanitaire. L'articulation avec les objectifs déjà poursuivis par la DSIL ordinaire pose question.
Enfin, l'examen de la mission est une occasion renouvelée de réfléchir aux modalités de répartition des dotations, en particulier de la DETR et de la DSIL. En ce qui concerne la DETR, les difficultés posées par sa répartition sont bien connues. Elles sont de deux ordres : la mission de notre collègue Christine Pires Beaune sur la répartition des enveloppes départementales de DETR a rendu ses premières conclusions, et l'amendement adopté à l'Assemblée nationale en ce sens est un premier pas, mais il ne semble pas que la question du ciblage de la dotation sur les territoires ruraux en soit pour autant résolue. Ce travail a donc vocation à se poursuivre.
Ensuite, la répartition par le préfet de département de l'enveloppe de DETR entre les différents projets portés par les communes et les EPCI, a fait l'objet de propositions de modifications lors de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Hervé Maurey, et adoptée par le Sénat le 22 octobre dernier.
Certaines de ces propositions rejoignent celles que j'ai pu formuler lors de mes précédents rapports pour avis, ces trois dernières années. Après consultation de Hervé Maurey et du rapporteur de la proposition de loi, Bernard Delcros, il est certain que nous aurons l'occasion de revenir en séance sur cette question.
En ce qui concerne la DSIL, je ne peux que déplorer que les critiques formulées, année après année, sur le mode de répartition de cette dotation - qui offre, certes, une souplesse de gestion aux services de l'État, mais au détriment de l'association des élus locaux - n'aient donné lieu à aucune évolution significative. Les mêmes causes entraînant toujours les mêmes effets, je proposerai donc à la commission des lois d'adopter les mêmes amendements que l'année dernière, qui visent à garantir l'association des collectivités locales aux décisions d'attribution.
Enfin, madame la présidente, sous réserve de ces propositions, au regard de l'augmentation des crédits, je proposerai à la commission des lois d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Mme Christine Lavarde, présidente. - Je note la prudence de nos rapporteurs spéciaux. La stabilité que vous avez évoquée dans les relations entre la métropole et les établissements publics territoriaux (EPT) n'a pas manqué de faire sursauter les élus de la petite couronne. Effectivement, nous aurons un débat très intéressant en séance publique, puisque nous déposerons un amendement visant à instaurer une vraie stabilité dans les relations entre la métropole et les EPT, dans l'attente d'une véritable réforme sur l'organisation de la région Île-de-France.
Par ailleurs, s'agissant de la péréquation tarifaire de la DGF, je ferai, comme chaque année, le même commentaire : quand nous modifions les parts d'un gâteau qui, lui, ne change pas de taille, certaines sont toujours plus petites. Et la DGF négative que vous avez évoquée pour les EPCI existe aussi pour les communes. Je vous propose donc de ne plus parler de DGF, car elle ne contribue pas, me semble-t-il, au bon fonctionnement des collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Des remarques préconclusives, madame la présidente, puisque vous évoquez également vos orientations.
Je vois que le monde des collectivités est parfaitement représenté au Sénat, avec des propos tout à la fois en sagesse et en savoir-faire - il y a même un peu d'esquive pour en laisser pour la séance publique. Soyez nombreux et préparez-vous, le débat pourrait durer un certain temps !
Vous avez évoqué la DSIL exceptionnelle votée dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3), de 1 milliard d'euros, ainsi que les trois priorités définies : la transition énergétique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Avez-vous réussi à en savoir plus sur la répartition présupposée de ces différentes thématiques ?
S'agissant de l'article 59, relatif à la DETR, quels en seront les effets sur les EPCI et les communes ?
M. Marc Laménie. - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux pour leur intervention et leur soutien aux collectivités locales.
Concernant la péréquation, des modifications positives sont-elles à noter dans l'évolution des FPIC ?
S'agissant du soutien à l'investissement des collectivités locales, j'ai noté quelques changements relatifs à la répartition de la DETR ; un certain nombre de communes ne sont pas éligibles, alors que d'autres le sont. Quelles sont les conséquences de ce changement de bénéficiaires à la DETR ?
Par ailleurs, nous ne sommes pas forcément associés à la répartition de la DSIL ; qu'en sera-t-il à l'avenir ?
M. Bernard Delcros. - Je salue à mon tour les deux rapporteurs, qui maîtrisent parfaitement ces sujets.
Ma première question porte sur l'automatisation du FCTVA. J'avais cru comprendre qu'elle concernait uniquement, dans un premier temps, les communes qui bénéficiaient du FCTVA en année N ; est-ce bien le cas ? Si oui, quelles sont les collectivités concernées - les EPCI et les communes nouvelles, j'imagine ? Et quel est le calendrier pour les autres collectivités ?
Ma deuxième question est relative à la neutralisation de la réforme fiscale, à la suppression de la taxe d'habitation et maintenant à la baisse des impôts de production, sur le potentiel financier des collectivités. Le mécanisme proposé cette année est-il définitif ? J'ai cru comprendre qu'il y avait un glissement sur cinq ans.
Ma troisième question concerne la DSIL - dotée de 1 milliard d'euros affecté à la relance. Disposez-vous d'informations sur la répartition de cette DSIL, au fil des ans, entre les départements ? Par ailleurs, pensez-vous qu'une départementalisation de l'enveloppe DSIL serait utile ? Existe-t-il déjà des critères d'éligibilité des collectivités ? Sinon, conviendrait-il d'en définir ?
Enfin, je me réjouis pour notre collègue Loïc Hervé, élu d'un département contributeur, de l'augmentation de 180 millions d'euros de la péréquation au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
M. Philippe Dallier. - J'ai la même interrogation que Bernard Delcros sur l'impact de la suppression de la taxe d'habitation sur le calcul des dotations de péréquation. Dans un premier temps, j'ai cru comprendre que vous aviez trouvé la formule magique qui réglait le problème mais, dans un second temps, j'ai également compris qu'il y avait un lissage sur cinq ans. Or, à chaque fois que ce mécanisme est mis en oeuvre, c'est en raison des effets de bord ; nous n'avons donc pas trouvé la martingale. J'aimerais comprendre le mécanisme !
M. Didier Rambaud. - Je souhaiterais revenir sur la péréquation horizontale, notamment des FPIC, des communautés d'agglomération, issues des ex-syndicats d'agglomération nouvelle (SAN). Chacun sait que les ex-SAN ont bénéficié de largesses ces trente dernières années, notamment pour construire des logements et procéder à des aménagements.
Un régime dérogatoire a été instauré lorsque les SAN sont devenus des communautés d'agglomération, qui devrait prendre fin en 2021, me semble-t-il.
J'ai un regard particulier sur un ex-SAN en Isère, celui de L'Isle-d'Abeau, qui est devenu la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI). Avez-vous mené une réflexion sur la possibilité de lisser cette sortie du régime dérogatoire ?
M. Pascal Savoldelli. - Je remercie les deux rapporteurs pour, une fois de plus, leur esprit de responsabilité et leur prudence.
Pensez-vous que les propositions tiennent compte des évolutions démographiques ? De même, l'inflation a-t-elle était prise en compte dans les projections qui nous sont proposées ? Enfin, comment appréciez-vous cette « stabilité » ?
Je dois vous avouer que je fais partie de ceux qui sont très préoccupés par le recul de l'investissement public. Ressentez-vous une réelle présence de l'État aux côtés des collectivités territoriales pour se projeter dans de grandes ambitions d'investissements publics dans les mois et années à venir ?
M. Michel Canevet. - Tout comme mon collègue Pascal Savoldelli, je suis inquiet du niveau de l'investissement public, notamment lorsque je vois que la DSIL est revenue au niveau des années précédentes. De fait, les collectivités ne bénéficieront pas du milliard d'euros alloué dans le cadre du plan de relance, qui aurait permis de concrétiser un certain nombre d'investissements. La relance tant attendue risque vraiment d'être compliquée pour les collectivités.
Avec Bernard Delcros, et nos collègues du groupe de l'Union centriste, nous tentons de rendre contemporain le FCTVA, considérant qu'il est discriminatoire que ce dispositif contienne trois systèmes : la récupération de l'année de l'investissement, l'année N, puis l'année N+1 et enfin l'année N+2.
Avez-vous une idée de la répartition des 6 milliards d'euros du FCTVA, entre les années N, N+1 et N+2 ? Instaurer un régime analogue pour toutes les collectivités ne vous semble-t-il pas plus légitime ? Pourquoi existe-t-il encore trois régimes, pénalisant ainsi les collectivités qui n'avaient pas pu réaliser les investissements en 2009 ?
Avez-vous d'autres informations à nous communiquer, sachant que le ministre a indiqué, lundi soir, en séance publique, qu'un régime identique était difficile à mettre en oeuvre, compte tenu du dispositif d'automatisation en cours ?
Enfin, si la taxe d'habitation a été supprimée, la taxe foncière a été conservée pour les communes. Les collectivités peuvent-elles encore lever cette taxe foncière ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, au 15 octobre 2020 et d'après les informations qui nous ont été transmises, 320 millions d'euros de crédits étaient engagés et concernaient 1 749 projets - formellement programmés par les préfectures : 87,6 millions d'euros pour 694 projets relatifs à la transition écologique ; 50,7 millions d'euros pour 271 projets relatifs à la résilience sanitaire ; et 27 millions d'euros pour 263 projets de rénovation du patrimoine. Le montant total des projets s'élève à 1,3 milliard d'euros, et le taux de subvention est de 26 % en moyenne.
Cela m'amène à la question de M. Loïc Hervé qui demandait pourquoi 100 millions d'euros étaient inscrits. Les investissements pouvant s'étaler sur plusieurs années et les décaissements intervenant au fil des réalisations, il n'est pas étonnant que la consommation des crédits de paiement soit progressive.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'amendement de Mme Pires Beaune sur la DETR nous interpelle, effectivement, mais sachez qu'il ne vise pas à modifier l'éligibilité des collectivités à cette dotation. Aucune commune ou aucun EPCI actuellement éligible ne sortira du dispositif. L'article modifie simplement des modalités de calcul de l'enveloppe globale par département, en tenant compte, essentiellement, des communes rurales, alors qu'auparavant étaient intégrées dans le calcul des communes urbaines, ce qui n'était pas normal. La DETR est par ailleurs bordée par un mécanisme de lissage.
Le montant de l'enveloppe ne peut, dans chaque département, excéder 105 % du montant de l'enveloppe versée au département l'année précédente, ni être inférieur à 95 %. L'amendement modifie simplement les pourcentages - 97 % et 103 %. Voici quelques exemples : la Haute-Marne et la Meurthe-et-Moselle vont perdre 1,5 euro par habitant ; et le Pas-de-Calais va en gagner 1. Il s'agit donc, non pas d'une opposition entre les collectivités rurales et urbaines, mais de tenir compte des communes rurales dans le calcul de l'enveloppe de la DETR par département.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La réforme de la péréquation est un sujet extrêmement fort. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, nous savons qu'il y aura un problème sur le calcul du potentiel fiscal et sur les conséquences de la péréquation.
Plusieurs lectures sont possibles. La direction générale des collectivités locales (DGCL) et le Comité des finances locales sont favorables à la formule qui est proposée aujourd'hui. Celle-ci amène, effectivement, à une prise en compte d'un facteur de correction qui se modifie dans le temps et d'une nouvelle formule, pérenne, de calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière. Dès l'instant où les critères sont modifiés, il y a des perdants et des gagnants ; c'est écrit. Or il n'existe pas de solution de correction, à l'euro près. Ce système prend en compte le mieux possible la suppression de la taxe d'habitation dans le calcul. Cela étant dit, certains acteurs ont effectué des simulations qui montreraient certains écarts significatifs.
C'est la raison pour laquelle, j'ai ajouté que nous disposions encore d'un an pour tenter de réduire les écarts les plus importants. Nous avons bien évidemment éliminé les écarts les plus grands, dont les impacts étaient considérables. Les écarts sont aujourd'hui plus réduits, mais il nous reste une marge de manoeuvre pour tenter d'améliorer le dispositif, notamment d'ici au projet de loi de finances pour 2022.
La départementalisation de l'enveloppe DSIL est un sujet qui revient chaque année. Nous avons d'ailleurs, avec la commission des lois, un débat sur cette question ; parfois elle perd, parfois, elle gagne, mais en définitive, la départementalisation n'est jamais adoptée. Personnellement, je n'y suis pas favorable.
L'enveloppe DSIL a vocation à traiter une certaine taille de projets, et vient parfois en complément de l'enveloppe DETR. Mais il me semble qu'une certaine souplesse dans la répartition des enveloppes est nécessaire. Si une départementalisation peut paraître équitable, ce n'est pas forcément vrai en fonction de la qualité des projets. Je suis donc favorable au statu quo sur cette question.
S'agissant des projets subventionnés au titre de la DSIL, nous ne les avons pas ici, mais vous pouvez les trouver sur le site du ministère. Nous disposons des outils pour définir la répartition par département.
Concernant la prise en compte des évolutions démographiques, Pascal Savoldelli, aucune modification des règles régissant leur mesure n'est à noter, excepté à Mayotte comme évoqué précédemment.
La chute de l'investissement public, est la conséquence du rétrécissement des marges de manoeuvre financières des collectivités. Lorsqu'une collectivité dispose de moins de capacité d'autofinancement, l'investissement s'en ressent. Or, l'année 2020 étant marquée par une perte très significative de recettes, les craintes sur la capacité d'autofinancement des collectivités sont bien réelles.
Cependant, des améliorations peuvent encore être apportées. Certaines ont été effectuées lors de la troisième loi de finances rectificative : des pertes de recettes fiscales et domaniales ont fait l'objet de mesures de compensation. Il reste encore des problèmes sur les pertes de recettes subies par les régies, nous devons donc avancer sur cette question. Nous en avons débattu en commission mixte paritaire (CMP) hier, et nous avons senti que l'Assemblée nationale était prête à avancer sur un certain nombre de dossiers.
La question des transports est également très présente dans de nombreux EPCI, à savoir la capacité à compenser des pertes de recettes sur le versement mobilité d'un côté et les recettes tarifaires de l'autre.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens : elles visent à redonner une marge d'appréciation aux collectivités, leur permettant éventuellement de redéployer de l'investissement.
Cela étant dit, la crise n'est pas terminée. Nous ne sommes pas dans un système en V qui revient, tout d'un coup, à un système en T. De nombreux présidents d'intercommunalité, de département et de région seront donc attentifs et prudents pour 2021.
La question de savoir s'il est prudent d'investir à nouveau est une question qui touche l'économie du pays, mais aussi les collectivités. Il me semble néanmoins que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont compris la nécessité de restaurer au mieux les comptes de résultat des collectivités, afin qu'elles puissent conserver une capacité d'autofinancement la meilleure possible.
Didier Rambaud, concernant les ex-SAN vous savez que certains bénéficient encore d'une décote appliquée à leur potentiel fiscal ce qui leur est favorable en matière de péréquation. Cette décote doit s'éteindre d'ici 2024 d'où une certaine inquiétude de leur part qui, pour l'instant, n'a pas donné lieu à des mesures en loi de finances.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Je souhaiterais remercier notre collègue Loïc Hervé pour son intervention.
Pour ce qui est des amendements récurrents sur la DETR et de la DSIL, nous aurons le débat en séance. Sachant que, personnellement, je reste dubitatif sur l'idée de rigidifier les règles ; cela ne nous donnera pas, à nous parlementaires, nécessairement plus de pouvoirs sur nos préfets.
Concernant l'évolution du FPIC, je fais partie de ceux qui souhaitent le réformer - nous pourrions le faire en parallèle. Cependant, nous ne devons pas nous focaliser sur cette question. Nous savons que cette péréquation, est bloquée à 1 milliard d'euros. Par le biais de la DETR, de la DSU, de la DSR, de la dotation nationale de péréquation (DNP) et autres dotations, nous allons parvenir à 6 milliards d'euros de péréquation, soi-disant verticale, mais qui, en réalité, est très horizontale puisque nous sommes à enveloppe constante même si la DSR et la DSU possèdent des qualités reconnues.
S'agissant de la FCTVA, les 6,5 milliards d'euros se partagent comme suit : 18 % sont attribués la première année, l'année N, 67 % l'année N+1, et 18 % l'année N+2. Ce qui vous donne une idée des masses concernées.
Par ailleurs, l'État avance une difficulté technique liée à l'automatisation pour justifier son refus de contemporanéiser les versements, l'argument le plus important semble plutôt être celui du coût d'une telle mesure. En effet, 80 % de cette somme sont attribués en N+1 et N+2 soit 5,2 milliards d'euros.
Y aura-t-il un jour une harmonisation ? Je ne sais vraiment pas. Mais il s'agit d'une question récurrente, nous devrions donc certainement y porter plus d'attention, les collectivités n'étant pas traitées de façon égalitaire.
Il est effectivement prévu d'instituer une fraction de correction des indicateurs de péréquation dégressive sur cinq ans. Cependant, d'ici là, nous espérons avoir trouvé d'autres solutions pour réformer le système. Les plus audacieux estiment que, pour l'instant, les collectivités sont relativement « tranquilles » par rapport à la crise que nous traversons, l'État devant nécessairement maintenir le niveau d'attribution - il me semble par ailleurs que des élections approchent, mais c'est un détail.
L'État essaie de contrebalancer les pertes de marges brutes que nous évoquions s'agissant de l'investissement, à grand renfort de DETR et de DSIL. Il me semble que c'est à partir de 2023 que nous devrons nous inquiéter, si un nouveau mécanisme de contractualisation ou de limitation de l'évolution des dépenses devait être instauré. Pour l'instant, l'État est conscient que les mesures prises par les collectivités locales pour la relance sont nécessaires pour le pays.
Concernant la question des ex-SAN, je confirme les éléments apportés par Claude Raynal.
M. Bernard Delcros. - L'automatisation du FCTVA en 2021 s'applique donc, si j'ai bien compris, uniquement aux collectivités qui sont soumises au régime de versement des attributions du fonds l'année du paiement de la dépense éligible ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Oui tout à fait. À partir de 2022, ce sont les collectivités locales qui sont soumises au régime de versement des attributions l'année qui suit la dépense qui seront concernée. À compter de 2023 ce seront celles qui perçoivent les attributions deux ans après la dépense. Enfin, notre collègue Pascal Savoldelli évoquait l'inflation, mais il n'y en a pas en ce moment. Il n'y a donc pas de sujet.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 57
L'amendement rédactionnel n° II-14 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 57 ainsi modifié.
Article 58
L'amendement n° II-13 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 58 ainsi modifié.
Article 59 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 59.
Article 60 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous aurons un débat sur cet article en séance.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 61.
Article 62 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62.
Article 63 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 63.
Article 64 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 64.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi que du compte de concours financiers « Avance aux collectivités territoriales ».
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial des crédits de la mission « Défense ». - Le document de référence que constitue la loi de programmation militaire (LPM) est respecté, puisque les crédits passent de 46,1 milliards d'euros à 47,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,6 milliard d'euros.
Je souhaiterais tout d'abord faire un focus sur un sujet qui tient à coeur, à la fois, à la ministre et à la commission, celui de la fidélisation des personnels.
Une réforme de la rémunération a été engagée, avec la mise en place, entre autres, de la prime de lien au service (PLS), qui semble porter ses fruits. Malgré le contexte sanitaire, les recrutements se sont effectués dans des conditions correctes, les objectifs étant atteints. Les dispositifs d'accompagnement aux familles se mettent progressivement en place.
Je souhaiterais cependant partager avec vous une inquiétude, qui m'a été exprimée très clairement par le chef d'état-major de l'armée de terre : « Nous risquons de perdre la bataille de la fidélisation, compte tenu de notre incapacité à offrir des conditions d'hébergement convenables à nos militaires. »
J'ai bien entendu regardé les choses de plus près, mais je dois avouer que je n'ai pas été aidé par le secrétariat général pour l'administration du ministère des armées. J'ai cependant compris que nous étions dans un dispositif kafkaïen, qui consiste, dans la rénovation ou la création de bâtiments, à ne pas tenir compte de la spécificité du personnel des armées.
En effet, lorsqu'un bâtiment de trois étages est rénové, des études sont réalisées pour déterminer comment sera installé l'ascenseur, assurer la signalétique en braille, et comment vont être disposées les places de parking réservées aux personnes à mobilité réduite. Tout cela part d'un très bon sentiment, mais ne tient pas compte de la spécificité de nos personnels, qui devrait nous permettre de nous affranchir de ces règles, lesquelles expliquent l'enchérissement des coûts et l'allongement des délais.
Ensuite, ce qui m'inquiète dans le projet de budget pour 2021, ce n'est pas tant ce qu'il contient que ce qu'il ne contient pas.
Le premier point que je soulèverai est sans doute un marronnier, mais nous y sommes attachés : ce sont les modalités de gestion du surcoût entraîné par les opérations extérieures (OPEX). Je prends acte que la provision pour les OPEX est davantage conforme à ce que nous avons pu connaître par le passé.
Nous avions pris le soin, au Sénat, d'introduire un article 4 à la LPM, indiquant que le surcoût lié aux OPEX non prévu par la dotation initiale devrait faire l'objet d'un abondement de crédits interministériels en cours de gestion. Nous ne l'avons pas obtenu l'année dernière, nous ne l'aurons pas non plus cette année. Il s'agit là d'un manque de respect à l'égard du Parlement - et de 200 millions d'euros de moins au budget des armées ou, plus exactement, de 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires qui devront être prélevés sur l'enveloppe. Des choix opérationnels devront donc être effectués.
Le deuxième point qui me préoccupe, et qui n'est pas évoqué dans la loi, concerne les avions que nous devons fournir à la Grèce.
Chacun a bien compris que l'équilibre de la LPM repose, en partie, sur la vente d'un certain nombre de Rafale. Or, comme nous avons quelques difficultés à les vendre - ou que nous avons placé trop haut notre ambition -, il a été décidé de vendre à la Grèce des avions d'occasion et d'en acheter des neufs. Ainsi, 12 avions de l'armée de l'air sont vendus dans l'optique d'en acheter 12 neufs.
Cependant, il ne vous aura pas échappé qu'un avion d'occasion vaut moins cher qu'un avion neuf. De sorte que nous sommes en train d'affaiblir notre capacité opérationnelle, sans la reconstituer, sauf à la prendre sur d'autres équipements. Cette opération risque de laisser subsister un surcoût d'au moins 600 millions d'euros pour les armées. Personnellement, je pense que nous serons plus proches du milliard d'euros.
L'autre conséquence, c'est qu'en attendant la livraison des avions neufs, d'ici à deux ou trois ans, nous perdons une capacité opérationnelle - nous avons toutes les peines du monde à ce que l'on nous fournisse un calendrier sur le retrait des avions actuellement opérationnels vendus à la Grèce, mais les livraisons devraient être réalisées en 2021. Et pas seulement une capacité d'intervention, mais aussi notre capacité à former et à entraîner nos personnels. Pour vous donner un ordre de grandeur, retirer 12 avions Rafale sur les 102 que compte l'armée de l'air revient à diminuer sa flotte de plus de 10 %.
Il nous a été alors expliqué que tout cela n'était pas grave, qu'il existait une clause de revoyure à la LPM, et que nous étudierons cette question dans ce cadre-là. Effectivement, il y a une clause de revoyure - normalement pour 2021 -, mais sans nouveaux crédits. Cela signifie que si nous voulons remplacer nos Rafale par des neufs, ce sera forcément au détriment d'autres équipements - et personne n'est capable de nous dire lesquels.
J'entends déjà une petite musique nous dire : ce n'est pas grave, parce que les Rafale neufs sont des avions d'une autre génération, qui disposent d'une meilleure capacité que les anciens. De fait, nous allons compenser, potentiellement, notre manque à gagner opérationnel par une amélioration de chacune des unités.
Par ailleurs, il nous a été également dit, que nous allions améliorer le maintien en conditions opérationnelles, ce qui est vrai. Cependant, le niveau du maintien était financé dans la LPM. Or je n'avais pas noté que l'objectif était de se défaire de moyens potentiels, en améliorant le maintien en conditions opérationnelles. Au contraire, nous avions la volonté d'être plus performants.
Troisième point préoccupant : la question du choix de la propulsion du porte-avions de nouvelle génération, le successeur du Charles-de-Gaulle.
Cette décision devrait intervenir, si nous voulons respecter l'échéance de 2038, avant la fin de l'année. Une décision importante : nucléaire ou pas nucléaire ? Derrière ce choix, il ne s'agit pas uniquement de la question de l'autonomie du futur porte-avions, c'est toute la filière nucléaire et, in fine, la dissuasion nucléaire, qui sont en cause.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous aimerions connaître le choix qui sera fait et ses conséquences pratiques et opérationnelles dans la révision de la LPM. Certes, quelques crédits d'études ont été inscrits, mais selon le choix qui sera fait, les conséquences financières ne seront pas du tout les mêmes.
Je terminerai en vous exposant une dernière préoccupation. Nous devons revoir la LPM, certes, mais son objectif était d'atteindre 2 % du produit intérieur brut (PIB). Or je crains que nous arrivions à cet objectif malgré nous, par une diminution mécanique du PIB.
J'entends là aussi une petite musique, consistant à dire : de quoi vous plaignez-vous, le taux d'effort est respecté ! Mais depuis quand mesure-t-on le degré d'une menace en pourcentage de PIB ?
La question qui se pose est donc la suivante : dans le cadre de la révision de la LPM, devons-nous rester sur le taux de 2 % du PIB, ou devons-nous garantir en valeur absolue les sommes qui avaient été envisagées lors de son vote initial ?
Mes chers collègues, à ce stade, je serai tenté de conclure de la façon suivante : nous n'avons pas de raison budgétaire de considérer que le budget pour 2021 n'est pas respectueux, à ce stade, de la LPM. Cependant, je vous propose de conditionner notre vote favorable à une réponse claire, nette, précise et sans ambiguïté, à cinq questions.
Premièrement, la LPM sera-t-elle bien actualisée en 2021 ? Cette actualisation se fera-t-elle par la loi, et non par un décret ou, pire encore, par une décision d'un de ces nombreux conseils de défense ?
Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale d'occasion reviendra-t-il au budget de la défense ? Il devrait être considéré comme une recette exceptionnelle, mais il serait préférable d'en avoir la confirmation.
Troisièmement, quelles vont être les conséquences opérationnelles d'une enveloppe inchangée, notamment pour l'armée de l'air ? J'aimerais obtenir des précisions de la ministre, qui ne soient pas la promesse qu'avec une diminution du nombre d'avions opérants, l'objectif du nombre de Rafale disponibles pour l'Armée de l'air fixés par la LPM à fin 2021 sera atteint en 2025 ou 2026. Après 2022, la marche à franchir chaque année sera non plus de 1,7 milliard d'euros, mais de 3 milliards.
Quatrièmement, je souhaiterais que la ministre nous confirme que la décision relative à la propulsion du Charles-de-Gaulle sera prise conformément au calendrier annoncé, c'est-à-dire pour la fin de l'année.
Cinquièmement, enfin, nous aimerions être rassurés sur le fait qu'une potentielle baisse du PIB ne se traduirait pas par une diminution, à due concurrence, des crédits alloués au ministère des armées.
M. Claude Raynal, président. - Je salue Michelle Gréaume, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui assiste à notre réunion en visioconférence.
M. Antoine Lefèvre. - Nous serons attentifs aux réponses de la ministre aux questions soulevées par le rapporteur spécial, que je remercie.
Je voudrais revenir sur un incident survenu le 13 juin dernier : l'incendie sur le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) la Perle, qui était en réparation au chantier naval de Toulon auprès de l'armateur Naval Group. Alors que les causes de l'incendie sont imputables à l'armateur, j'ai été surpris de découvrir, dans l'arbitrage qui a été fait avec les assurances, que le coût de la réparation serait à la charge de l'État à hauteur de 60 %.
Sur les recrutements, les centres d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa) ont été fermés pendant la crise sanitaire et le sont encore partiellement aujourd'hui. Quelles sont les options du ministère pour se préparer à la reprise des recrutements ? Une dynamique devra être assez rapidement mise en place pour rendre les carrières militaires de nouveau attractives auprès de nos jeunes concitoyens.
M. Michel Canevet. - Ma question concerne l'hébergement des personnels militaires, sur lequel le rapporteur spécial a attiré notre attention. Ont été prévus 230 millions d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 100 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui est notoirement insuffisant. Le plan de relance prévoit 4 milliards d'euros pour les bâtiments publics : les services de l'armée ont-ils prévu de solliciter une partie des financements de ce plan pour lancer rapidement un certain nombre d'opérations urgentes ?
Le rapport établit un lien entre l'évolution des infrastructures et l'augmentation des personnels. Faut-il systématiquement accroître les personnels des services d'infrastructures pour mener ces opérations ? Ne peut-on faire appel à des opérateurs privés qui pourraient concevoir et réaliser des opérations pour le compte de l'armée ?
M. Marc Laménie. - Je remercie le rapporteur spécial de son travail sur l'un des budgets les plus importants. On constate une augmentation d'un peu plus de 1 milliard d'euros en crédits de paiement, mais Dominique de Legge nous a fait part d'inquiétudes que nous pouvons partager.
En termes d'effectifs, quelle est la répartition entre l'état-major et les régiments présents sur le terrain ? Malheureusement, au fil des années, des régiments ont été dissous, et d'autres sont contraints d'effectuer des missions comme les OPEX et, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'opération Sentinelle.
En termes de recrutement, quelles sont les perspectives ? Nous avons un état-major important, mais il faut aussi des fantassins.
M. Gérard Longuet. - Je tiens à remercier notre excellent collègue pour son rapport d'une très grande honnêteté sur l'effort gouvernemental, qui, en apparence, correspond à nos attentes mais pose en réalité des problèmes majeurs. En effet, la défense est confrontée à des rendez-vous qui n'avaient pas été prévus, en premier lieu desquels la fidélisation des engagés. Les carrières doivent être ni trop courtes ni trop longues. L'exercice est difficile, puisque, pour rebondir sur la question de Marc Laménie, il faut en effet des soldats, mais ceux-ci ne peuvent pas crapahuter jusqu'à un âge avancé !
La politique de fidélisation passe par le logement, tout particulièrement en Île-de-France. Dans les villes moyennes, la situation est plus facile que dans le sud-ouest et le sud-est, où sont concentrées des unités importantes destinées aux OPEX. Reste le problème lancinant du casernement des opérations Sentinelle en Île-de-France. Il faut interroger le ministre sur l'évolution de l'immense patrimoine foncier militaire, y compris en Île-de-France, qui est sous-utilisé, mal valorisé et souvent paralysé par des considérations extérieures aux besoins spécifiques de nos armées.
Le choix du mode de propulsion pour le successeur du Charles-de-Gaulle pose la question de la compétence de la France dans les SMR (small modular reactors), c'est-à-dire les petits réacteurs de 50 à 300 mégawatts. Il existe une continuité de compétences entre le savoir-faire militaire et le savoir-faire civil. Dans le domaine de l'énergie nucléaire, la demande mondiale porte sur des réacteurs de petite et moyenne dimensions. Notre compétence est excellente - je pense notamment à TechnicAtome -, et il serait insensé de l'abandonner, même si un porte-avions peut parfaitement fonctionner avec une énergie délivrant du CO2.
S'agissant du Rafale, il émet beaucoup de CO2, mais, pour l'instant, c'est le seul vecteur capable de porter une série d'armes utiles, d'observer et d'intercepter. L'affaire grecque pose en réalité le problème de l'OTAN. Nous avons le système qui va avec les Rafale français, ce qui ne sera pas le cas de la Grèce dans l'immédiat, ni même rapidement. Nous risquons de faire face à une diminution de nos moyens immédiats en attendant le remplacement de ces équipements sans que, pour autant, les moyens accordés à la Grèce puissent être tout de suite utilisables.
Il est tout à fait pertinent que le Sénat ait une seule commission des affaires étrangères et de la défense, car les armes ne sont utiles qu'à condition de ne pas servir : elles doivent jouer un rôle de dissuasion, qui n'est pas simplement nucléaire mais qui peut être aussi dans les moyens immédiats opposables à celui qui aurait la tentation de nous provoquer.
Mme Sylvie Vermeillet. - Je félicite le rapporteur spécial pour son exposé passionnant. La fidélisation des engagés, qui est peu ou prou en passe d'être atteinte, pose la question de l'hébergement. Quel est votre sentiment sur l'état d'esprit des personnels actuels ? Sont-ils apaisés, voire rassurés, quant à la réforme des retraites à venir ?
M. Rémi Féraud. - Je remercie Dominique de Legge pour la qualité de son rapport. Nous avons les mêmes points de vigilance.
De manière faciale, les objectifs du Gouvernement sont respectés. On sait à quel point, en matière d'équipements, il faut beaucoup d'argent. Les efforts paraissent toujours insuffisants par rapport aux objectifs.
Néanmoins, certaines mesures peuvent n'être qu'apparentes. Cela vaut pour le financement du surcoût des OPEX, pour la fidélisation des recrutements, pour le fléchage des recettes de la vente des Rafale à la Grèce. La LPM n'a pas été conçue sur la base d'un effondrement du PIB de 11 %...
Quels engagements chiffrés le rapporteur compte-t-il demander au Gouvernement sur la révision de la LPM en 2021 ? Le Gouvernement sera-t-il à même d'y répondre dans le cadre du débat budgétaire au Parlement de cet automne ? Ne voudra-t-il pas se donner davantage de temps ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Antoine Lefèvre, l'idée est de greffer la partie avant d'un sous-marin retiré, le Saphir, sur la partie arrière de la Perle.
Sur l'aspect budgétaire, je me suis effectivement enquis de savoir qui allait payer : le contrat d'assurance de Naval Group est plafonné à 50 millions d'euros, ce qui explique que le budget des armées devra abonder le différentiel, estimé aux alentours de 60 millions d'euros.
Michel Canevet, le ministère des armées est exclu du plan de relance.
Sur la proposition de faire appel à des opérateurs privés pour l'amélioration de l'hébergement, je vous rappelle que la défense dispose d'un organisme HLM. Des marchés ont déjà été passés pour la rénovation des bâtiments. Ce que nos militaires ne supportent plus, c'est qu'il faille trois mois pour changer un chauffe-eau ! Il y a une dizaine d'années, nous avons fait le choix d'externaliser un certain nombre de prestations pour recentrer nos efforts. Quand il n'y a plus de personnel sur place, il faut faire appel à une entreprise ; or, dans certains endroits, il n'y en a pas ! Quel artisan acceptera de passer un marché pour changer les chauffe-eau d'un casernement sachant qu'il interviendra peut-être une fois tous les deux ans ? Face à la demande de montée en gamme et de confort, nous sommes tellement soucieux de faire les choses parfaitement que nous sommes incapables de gérer le quotidien.
Marc Laménie, sur la fidélisation des effectifs, on assiste incontestablement à une amélioration : le nombre de contrats renouvelés est plutôt satisfaisant. Nous avons dépensé en 2020 pratiquement toute l'enveloppe allouée à la rémunération des personnels, ce qui n'était pas le cas en 2019.
S'agissant de l'opération Sentinelle, le Président de la République a annoncé que les effectifs seraient portés de 5 000 à 7 000, avec un objectif potentiel de 10 000.
Je suis toujours gêné de répondre à Gérard Longuet, qui connaît mieux que moi, pour l'avoir vécu de l'intérieur, ces questions. Je partage son analyse sur la question du choix de la propulsion nucléaire. J'étais étonné que la question se pose, mais j'ai bien compris que c'était pour gagner du temps. Il est moins coûteux sur le papier d'avoir une propulsion « traditionnelle », mais, en termes de coût de fonctionnement, je n'en suis pas du tout certain : deux bateaux ravitailleurs sont en effet nécessaires.
Je rejoins Gérard Longuet pour considérer que si, par malheur, un autre choix était fait, il pourrait en aller demain de même pour les sous-marins. La dissuasion nucléaire a du plomb dans l'aile ! Selon moi, il faut conserver le nucléaire.
Sur la vente d'avions à la Grèce, je partage aussi ses propos. J'ajoute un point positif : les Grecs achètent des Rafale, et c'est tout de même mieux que des F15 ! Je me réjouis que des pays européens recourent enfin à du matériel français.
Sylvie Vermeillet m'a interrogé sur l'état d'esprit des personnels. J'ai répondu sur la fidélisation. En ce qui concerne les retraites, je les sens légèrement apaisés après les déclarations de la ministre et du Président de la République.
Rémi Féraud, je vous renvoie aux cinq points que j'ai développés dans mon propos liminaire. La ministre peut répondre à mes questions sur l'actualisation de la LPM et sur la saisine du Parlement. Une réponse dilatoire cacherait quelque chose !
Sur le retour de la recette de la vente des Rafale au budget du ministère, je devine que Bercy a une vision peut-être quelque peu différente, mais le Gouvernement peut prendre l'engagement de reverser cette recette exceptionnelle pour les armées.
Sujet plus compliqué sur lequel il sera intéressant d'entendre la réponse de la ministre, comment conjuguer une enveloppe inchangée et la nécessité de financer des Rafale neufs ?
Je ne vois pas ce qui retarde la décision concernant la propulsion du porte-avions. D'après mes contacts, cette décision serait imminente. La ministre pourrait donc également nous donner des informations sur ce point.
Sur l'indexation de la LPM sur le PIB, la réponse sera purement politique. Rien n'interdit à un ministre de prendre, au nom du Président de la République, un engagement sur ce point éminemment sensible.
Reste un point de discussion : comment revoir le contrat opérationnel compte tenu de la vente des Rafale ? C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que le Parlement soit saisi de la révision de la LPM.
M. Claude Raynal, président. - Je remercie à mon tour le rapporteur spécial. L'examen de la mission « Défense » permet à ceux qui ne sont pas spécialistes de ces questions de se tenir au courant des grands enjeux dans ce domaine stratégique.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Défense ».
La réunion est close à 18 h 35.
Jeudi 19 novembre 2020
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux avec l'examen de la mission « Culture ».
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) au titre de la mission « Culture » s'élève à 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l'écart entre les deux textes s'élevant à 8,38 % en CP ; corrigée des mesures de périmètre, cette progression atteint 4,65 %.
La mission « Culture » ne résume pas, pour autant, le financement public de la culture et de la communication. L'agrégation des crédits budgétaires et des dépenses fiscales destinés directement et indirectement à la culture et à la communication devrait ainsi atteindre 14,6 milliards d'euros en 2021. Ce montant n'intègre pas les crédits de paiement dédiés au sein de la mission « Plan de relance », soit 1,094 milliard d'euros.
La maquette budgétaire a évolué cette année avec la création du programme 361. Celle-ci s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Les crédits couverts par ce nouveau programme étaient jusqu'alors affectés au programme 224. Le nouveau programme reprend également les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Nous saluons la création de cette délégation, effective au 1er janvier 2021, et d'un nouveau programme qui permet de scinder distinctement ce qui relève de politiques publiques - enseignement, transmission, promotion de la langue - de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu'alors fondus au sein du même programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique.
Ainsi, chaque année, 12 millions d'euros étaient transférés de l'action n° 02 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » vers l'action n° 07, « Fonctions de soutien du ministère » aux fins de financement des fonctions de soutien du ministère, sans que ce mouvement soit autorisé par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va donc, dans ces conditions, dans le bon sens et respecte de façon plus affirmée le principe de sincérité budgétaire.
Le programme 361 couvre les crédits dédiés aux établissements d'enseignement supérieur culturel et à l'insertion professionnelle. Ceux-ci devraient progresser de 3,56 % en 2021. Ils seront complétés par le plan de relance qui prévoit, pour 2021, 50 millions d'euros en CP pour la rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs outils informatiques.
L'insertion des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur culturel est érigée au rang de priorité par le ministère. Nous serons particulièrement vigilants à la situation des diplômés des écoles d'art plastique, la cible retenue pour 2019 n'ayant pas été atteinte. La crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l'année à venir, le ralentissement de l'activité culturelle fragilisant l'entrée sur le marché du travail.
Le programme 361 vise également les crédits affectés au Pass culture, expérimenté depuis juin 2019 dans quatorze départements. Ce pass consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. Chaque jeune de dix-huit ans résidant dans ces territoires peut demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser, durant vingt-quatre mois, sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques... Au 10 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts, sur 135 000 personnes éligibles environ. L'ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l'horizon de 2022.
Le PLF pour 2021 table sur une majoration des crédits dédiés au Pass de 20 millions d'euros, pour atteindre 59 millions d'euros. Sans remettre en cause l'utilité du dispositif, qui peut s'avérer être un véritable outil d'émancipation culturelle, il convient de s'interroger sur l'augmentation importante des crédits dédiés depuis la loi de finances pour 2019, alors même que les crédits ont été sous-exécutés d'année en année. Afin de répondre au défi de la sous-consommation, il nous semble nécessaire d'accélérer le déploiement de l'application sur tout le territoire dès 2021. Le Pass est pour l'heure mal connu, principalement en raison d'une expérimentation limitée. Il conviendra, dans un second temps, de procéder à une évaluation du niveau qualitatif de l'application, du point de vue des jeunes, mais aussi de celui des offreurs.
Compte tenu de la création du programme 361, le programme 224 recense désormais les crédits dédiés aux fonctions de soutien et ceux qui sont affectés à l'action culturelle internationale. Il devrait être doté de 752,4 millions d'euros en CP en 2021, et 99 % des crédits sont fléchés vers les fonctions de soutien.
Ainsi, 7 millions d'euros de crédits supplémentaires devraient être dédiés à la mise en oeuvre du plan pluriannuel de transformation numérique du ministère, qui a débuté en 2019 et devrait se terminer en 2022. Cette majoration des crédits permet de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire, mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l'écart observé avec d'autres administrations.
En dépit d'une diminution du nombre d'agents, la masse salariale devrait croître de 3 % en 2021, pour atteindre 479,15 millions d'euros. Sur ce budget, 8,06 millions d'euros devraient être fléchés vers le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel destiné à combler le retard indemnitaire des agents du ministère sur leurs homologues des autres administrations. Cette revalorisation de la grille nous apparaît essentielle si l'on souhaite maintenir l'attractivité du ministère et éviter des vacances de postes prolongées. Le ministère fait des économies par ailleurs, comme en témoigne son projet immobilier Camus.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Je concentrerai mon intervention sur le programme 175, dédié à la protection des patrimoines, et le programme 131, dédié à la création.
Le programme 175 « Patrimoines » devrait être doté en 2021 de 1,016 milliard d'euros en CP, soit une progression de 44,3 millions d'euros, correspondant à une hausse de 4,6 %, par rapport à la loi de finances pour 2020. Le plan de relance vient largement compléter ces crédits, puisqu'il comprend en effet un plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l'emploi, appelé à être abondé de 344,7 millions d'euros en CP en 2021 ; cette dotation complémentaire représente près de 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.
Les deux tiers restants des crédits de paiement du plan d'investissement - 231,7 millions d'euros - sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux, afin de relancer leur activité, fortement fragilisée par la crise. Cette aide répond à une double logique : renflouer les opérateurs en effaçant leurs pertes et permettre un rebond de leurs investissements, créant ainsi de l'activité chez leurs prestataires.
Une première estimation, réalisée en mai 2020 à notre demande, faisait état d'une perte cumulée pour ces établissements de 252 millions d'euros. Ce chiffre est aujourd'hui à réévaluer compte tenu des incidences des mesures de contraintes sanitaires mises en oeuvre lors du déconfinement, de l'instauration d'un couvre-feu à partir du 16 octobre, puis de la mise en place, le 30 octobre, d'un deuxième confinement. Le château de Versailles tablait ainsi sur une perte de 35 millions d'euros avant le reconfinement et le musée du Louvre, plus impacté encore, sur 85 millions d'euros.
De fait, la crise remet en cause le choix effectué par le ministère ces dernières années de diminuer les subventions de certains opérateurs pour les inciter à développer leurs ressources propres. Parmi celles-ci, les recettes tirées du mécénat suscitent également une inquiétude, au regard des baisses attendues des budgets dédiés au sein des grandes entreprises et d'une possible réorientation des dons vers des causes sanitaires.
Si l'initiative du Gouvernement doit être saluée, elle pourrait s'avérer d'ores et déjà insuffisante pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d'avant la crise. La direction générale des patrimoines (DGP) nous a confié qu'elle n'attendait pas un retour à la normale avant l'exercice 2023, l'impact du deuxième confinement exacerbant les difficultés rencontrées. Le musée du Louvre, quant à lui, nous a indiqué craindre de se retrouver en cessation de paiement au cours de l'exercice 2022.
S'agissant des autres monuments, le PLF témoigne d'un réel souci pour les collectivités territoriales. Les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration des monuments n'appartenant pas à l'État - mais aux collectivités territoriales et propriétaires privés - devraient progresser de 5 millions d'euros. Les musées territoriaux devraient bénéficier d'une augmentation de leur dotation de 10 millions d'euros supplémentaires et les archives territoriales d'une majoration de crédits de 3 millions d'euros
Ce soutien réaffirmé doit être salué. Il aurait pu être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés, dont le soutien essentiel à la préservation du patrimoine est fragilisé par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 ou l'absence de révision du dispositif Malraux, en faveur des centres-villes.
Nous saluons également la montée en puissance du plan Cathédrale, avec une hausse de 5 millions d'euros en CP au titre du programme 175 et de 30 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Elle ne saurait cependant occulter l'absence de financement public pour les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les donateurs privés contribuent aujourd'hui seuls au financement de l'établissement public chargé des travaux, ce qui peut apparaître en contradiction avec la loi du 29 juillet 2019 et semble trahir l'intention des donateurs.
La mission « Culture » et la mission « Plan de relance » insistent également sur une accélération des grands chantiers culturels, avec 120 millions d'euros de nouveaux crédits dégagés. Cette ambition louable appelle dans le même temps à une grande vigilance quant à l'exécution des dépenses. La mission « Culture » connaît une progression des restes à payer conséquente depuis 2016 - avec une hausse de 41 %, soit 286 millions d'euros -, alors que le contexte de la crise sanitaire s'avère propice à un allongement de la durée des chantiers.
S'agissant du programme 131 « Création », ses crédits progressent également de 4,5 %, pour atteindre 862,3 millions d'euros. Ils sont largement complétés par ceux du plan de relance : 177,9 millions d'euros sont ainsi prévus en faveur de la création. Une large partie de cette somme, à hauteur de 81,9 millions d'euros, sera également dédiée au renflouement des opérateurs du programme « Création », avec, là encore, le risque qu'elle soit insuffisante au regard des incertitudes entourant la poursuite de la saison culturelle.
La progression de la dotation de ce programme doit, par ailleurs, permettre de mieux soutenir les résidences et les structures labellisées dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels. Ces aides sont également complétées par le plan de relance. L'ensemble est détaillé dans le rapport.
Le soutien à l'emploi en cette période de crise est également réaffirmé via une majoration du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et la mise en place d'un plan artistes-auteurs destiné à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs droits sociaux. Ce plan a été, compte tenu de la crise sanitaire, réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.
Sous réserve de ces observations, nous vous proposons donc d'adopter les crédits de la mission « Culture ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci pour la qualité de la synthèse présentée par nos deux collègues. Je souhaiterais avoir votre point de vue concernant la mise en oeuvre possible des crédits dédiés au « grand » et surtout au « petit » patrimoine, celui pour lequel Stéphane Bern s'est mobilisé et a réussi à obtenir du soutien, de manière un peu surprenante puisqu'il s'agit d'un budget complémentaire - on pourrait presque l'appeler le « budget Bern ». L'État, de son côté, peut-il engager davantage de moyens ? Et, dans le même temps, est-il en mesure, par le biais de cet accompagnement financier, de trouver les opérateurs disposant d'un personnel suffisant pour effectuer les travaux ? Car, s'agissant des opérations de restauration du patrimoine, les forces vives manquent souvent...
M. Roger Karoutchi. - Ma première interrogation concerne la réduction du nombre de lieux du ministère de la culture. On nous parle, désormais, de l'horizon de 2023. Cela fait dix ans que l'on parle de réduction, de relocalisation, du fait que la rue de Valois et la rue Beaubourg coûtent assez cher. Les ministres successifs - quelle que soit leur appartenance politique - sont très attachés à la symbolique des lieux et peu disposés à en partir. La décision est-elle prise définitivement cette fois ? Ou y a-t-il encore des blocages ? Pour le moment, le ministère de la culture ne fait pas beaucoup d'efforts pour aller dans des endroits moins attractifs.
Par ailleurs, le ministère, depuis toujours, s'intéresse aux grands chantiers, aux « paquebots » très symboliques : le château de Versailles, les grands châteaux royaux ; en revanche, des oeuvres parfois considérables - des châteaux, des musées -, mais plus excentrés, moins visités, moins symboliques, ont beaucoup de mal à obtenir des crédits. Ne faudrait-il pas envisager un système de quotas, afin que les collectivités territoriales obtiennent une partie des crédits dédiés au patrimoine ? Il est évident, en effet, que la rénovation du domaine Trianon ou de certaines ailes du château de Versailles coûte tellement cher qu'il ne reste plus un centime pour les autres.
M. Antoine Lefèvre. - La future Cité internationale de la francophonie, au château de Villers-Cotterêts, est peut-être un « paquebot » en devenir. Dans le département de l'Aisne, on se réjouit de la rénovation de ce château érigé par François 1er qui était dans un état d'abandon total. Une somme importante, de l'ordre de 100 millions d'euros, a été ajoutée au budget initial. Un certain nombre de financements privés, avec des partenariats, devaient être impulsés ; les rapporteurs ont-ils des informations sur ce plan de financement ?
Concernant le Pass culture, un bilan sur les quatorze départements en expérimentation devait être présenté en juillet dernier ; la crise sanitaire a sans doute bouleversé le calendrier. Malgré cela, a-t-on des informations sur le sujet ? Un budget de 59 millions d'euros est prévu pour ce pass en 2021. Intègre-t-il un reliquat de 2020. Une sous-consommation est-elle envisagée ? Ces crédits sont-ils bien calibrés ?
M. Gérard Longuet. - L'archéologie préventive, dont on aimerait mieux connaître les finalités, relève-t-elle du ministère ? Si tel est le cas, connaît-on l'évolution du montant des sommes dédiées à celle-ci par rapport à l'ensemble des chantiers qui, souvent, en pâtissent ?
M. Marc Laménie. - Ma question concerne la répartition des crédits entre l'administration centrale, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les opérateurs. S'agissant des architectes des bâtiments de France (ABF) par exemple, d'un département à l'autre, les effectifs sont très variables, ce qui pose de réels problèmes pour les élus de proximité. Les crédits dédiés à l'administration centrale et aux DRAC ont sensiblement augmenté. Dans quelle part de crédits se situent les ABF ?
M. Rémi Féraud. - Le budget de la mission augmente pour 2021, et nous savons à quel point cette hausse est nécessaire pour l'un des secteurs les plus impactés par la crise actuelle. Tout, maintenant, est affaire de mise en oeuvre.
Mon interrogation porte sur le patrimoine. Une partie du plan de relance vient s'ajouter aux crédits de la mission, avec des commentaires qui semblent paradoxaux : d'un côté, Vincent Éblé nous informe que le musée du Louvre risque d'être en cessation de paiement l'année prochaine ; de l'autre, il semblerait que les crédits - notamment ceux du plan de relance - soient particulièrement orientés vers les grands opérateurs. Est-ce un problème de fléchage ? Ou alors, les crédits destinés à ces grands opérateurs ne suffiront-ils pas à leur éviter la cessation de paiement ?
Par ailleurs, les crédits inscrits permettront-ils de soutenir les rénovations du Grand Palais et du château de Villers-Cotterêts, dont parlait Antoine Lefèvre et pour lequel Emmanuel Macron s'est engagé à aboutir les travaux avant la fin du quinquennat ?
Enfin, j'avoue mon étonnement devant l'absence de crédits, dans ce PLF, pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Certes, les dons privés abondent, mais ils restent insuffisants. Le Président de la République a pris des engagements, avec une rénovation promise en cinq ans. Le conseil des ministres a validé une dérogation sur les exploitations de carrières spécifiquement pour la rénovation de Notre-Dame de Paris. Nous nous sommes souvent plaints ici de l'argent excessif fléché vers Notre-Dame ; or, dans la réalité du PLF pour 2021, c'est zéro.
Mme Christine Lavarde. - Vous avez évoqué le plan Cathédrale, doté de sommes significatives. J'ai échangé avec un architecte du ministère de la culture qui émettait des doutes sur les capacités à trouver les ressources pour dépenser ces crédits dans le délai imparti. Avez-vous des informations sur ce point ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Un sentiment personnel sur la mission de Stéphane Bern : la création d'un loto en faveur du patrimoine est une idée originale. Avant cela, je n'avais jamais joué au loto de ma vie !
Pour répondre à Roger Karoutchi, le projet Camus vise à rationaliser l'implantation immobilière du ministère, actuellement répartie sur sept sites, afin de la regrouper sur trois sites d'ici à 2023. En raison du covid-19, les travaux ont pris du retard, mais la ministre a confirmé son intention d'aller au bout du projet.
Concernant le Pass culture, il s'agit d'une expérience inédite, lancée en 2018. Pour mener ce projet expérimenté sur quatorze départements, une société par actions simplifiée (SAS) a été créée. Sur un potentiel de 135 000 jeunes concernés, 115 000 d'entre eux ont bénéficié du dispositif. Chaque jeune pouvait disposer d'une somme de 500 euros ; la ministre souhaite ramener ce seuil à 300 euros, sachant que les utilisateurs, dans le cadre de l'expérimentation, n'ont consommé l'enveloppe qu'à hauteur de 115 euros en 9 mois. Le dispositif est donc très perfectible, mais la ministre a confirmé son souhait de le généraliser à l'ensemble du territoire.
Pour répondre à Marc Laménie, j'ai eu l'occasion d'interpeller la ministre sur le fonctionnement des DRAC. Nous sommes déçus, en effet, par leur manque de proximité. Au regard de la diversité des acteurs culturels, il est vrai qu'il est difficile de demander un cadre. Néanmoins, nous avons demandé une plus forte implication des DRAC dans les départements, surtout en ce moment. Dans le comité de suivi de la crise de mon département qui se réunit actuellement tous les quinze jours, la DRAC n'est pas représentée, alors que beaucoup d'acteurs culturels attendent des réponses.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - S'agissant du loto du patrimoine, excusez-moi, mais c'est l'arbuste qui cache la forêt ! Les montants, en effet, sont assez limités au regard des enjeux et de l'ensemble des financements liés au patrimoine. Cela dit, avec ce loto, la Française des jeux (FDJ) a découvert un nouveau segment de clientèle, très mobilisé autour de la problématique ; de ce point de vue, on peut observer un effet d'image et d'entraînement qui n'est pas inutile. Pour rappel, la mission de Stéphane Bern est adossée à la Fondation du patrimoine qui, de façon systématique, fait appel à des initiatives de proximité pour accompagner les financements publics.
Concernant ce que Roger Karoutchi appelle les « paquebots » du patrimoine, prenons l'exemple du château de Versailles : au moment du premier confinement, le site employait 69 sous-traitants. Ces « paquebots » n'ont pas pour vocation de thésauriser un pactole dans leurs caves ou greniers, il s'agit bien de dépenser l'argent au bénéfice d'entreprises. Si vous interrogez, par exemple, les entreprises membres du groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH), elles attendent toujours avec impatience les crédits de l'État pour les travaux.
Dans le budget 2021, on observe également une meilleure prise en compte des dépenses des collectivités territoriales, avec un fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d'euros. Le montant ne semble pas élevé ; il a vocation à trouver son facteur multiplicateur dans la mobilisation des financements territoriaux sur certains chantiers.
Antoine Lefèvre nous a interrogés sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts. Des sommes très importantes - et justifiées sur le plan patrimonial - sont engagées sur ce chantier. Au-delà des financements propres aux travaux - 43 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, 10,6 millions issus du budget et 30 millions du programme d'investissements d'avenir (PIA) -, on peut se poser la question du fonctionnement d'un tel équipement compte tenu de la géographie particulière du département de l'Aisne et de son éloignement de Paris. Attirer du public sur un sujet aussi important, mais peu attractif que la promotion de la langue française ne sera pas chose aisée. Nous sommes actuellement dans la phase de travaux, mais peut-être faudra-t-il songer, à terme, à des charges de fonctionnement et de programmes culturels pour soutenir la langue française et le développement de ce lieu nouveau dédié à la francophonie.
Pour répondre à Gérard Longuet, nous n'avons pas d'estimation de la recette de la taxe, payée par les opérateurs immobiliers, sur l'archéologie préventive. On observe, en revanche, une augmentation de 7 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, soit une légère montée en charge de la contribution publique. Mais l'esprit de la loi sur l'archéologie préventive vise à trouver l'essentiel des ressources à partir des opérations immobilières. L'idée est donc de modérer, autant que possible, la contribution publique directe. Cette politique n'a de sens que si elle est suivie d'un engagement patrimonial, scientifique et éventuellement d'une valorisation touristique pour les sites les plus importants. La France, leader dans ce domaine de l'archéologie préventive, vend son savoir-faire à l'étranger, ce qui complique la relation entre les opérateurs publics et privés, engagés dans des logiques de concurrence.
Pour répondre à Rémi Féraud, le chantier du Grand Palais a connu une révision complète de son programme, afin de répondre aux critiques sur le montant global du chantier qui s'élevait initialement à 466 millions d'euros. Et pourtant, même en ayant réduit sensiblement la voilure, nous arrivons exactement au même montant. Comment est-ce possible ? Comme toujours sur les grands chantiers, tout n'avait pas été budgété ; on avait, par exemple, omis de compter la rénovation, sur la partie haute de l'édifice, des corniches et des sculptures monumentales.
Dans le détail, ce chantier de rénovation est financé à hauteur de 123 millions par la mission « Culture », auxquels s'ajoutent 160 millions d'euros issus du troisième PIA ; 150 millions liés à un emprunt, qui devra être amorti par l'établissement public ; et 33 millions d'euros de mécénat, dont 25 millions par Chanel. L'enveloppe est conséquente. Le souci est maintenant de lancer le chantier, sachant à la fois les exigences de date - je pense à l'accueil de manifestations sportives durant les jeux Olympiques de 2024 - et l'impossibilité de laisser à l'abandon un monument aussi important et symbolique. Il faudra donc bien - quoi qu'il en coûte ! - en passer par ce chantier. Naturellement, cela ne signifie pas de méconnaître l'importance des charges et de ne pas s'évertuer à les limiter.
Concernant la restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, la vérité est que l'État ne met pas un centime. Or, il s'agit bien d'une mission de l'État. Je suis profondément choqué, d'autant que, sur le milliard d'euros de travaux prévus, il faut compter les 20 % de recettes de TVA, soit 200 millions d'euros qui vont tomber dans les caisses de l'État ! J'ai interrogé la ministre sur ce point : elle s'en tient aux strictes limites de son portefeuille ministériel, en ajoutant que, si elle devait dégager un budget, ce serait au détriment d'autre chose. La totalité du chantier de restauration sera donc financée par les généreux donateurs, avec des paiements échelonnés au fur et à mesure de l'avancement des travaux.
Se pose également la question particulière du financement de l'établissement public créé pour cette restauration. Le ministre, à l'époque, nous avait assuré que l'État paierait sa part et que l'argent ne serait pas pris aux donateurs : cela n'a pas été suivi d'effets. Aujourd'hui, seul le loyer de 213 000 euros est financé par l'État. L'établissement public étant logé au sein d'un immeuble appartenant aux services du Premier ministre, ce loyer est versé à France Domaines, l'État paye d'une main et récupère de l'autre ! Je le redis, parce que, bien sûr, il s'agit de le taire : zéro contribution de l'État pour cette restauration, pas plus dans ce budget que dans les précédents...
M. Michel Canevet. - Sauf les déductions fiscales.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Oui, bien entendu. Ces déductions ne sont d'ailleurs pas si exceptionnelles, puisque la majoration est limitée.
Concernant le plan Cathédrale, certaines opérations sont déjà engagées et se poursuivent : la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence ; la basilique-cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Soissons ; la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. Ces trois opérations bénéficient de 5 millions d'euros de CP. Au total, le budget du plan Cathédrale s'élève à 40 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 80 millions d'euros en AE et les 30 millions d'euros de crédits de paiement issus du plan de relance ; nous verrons bien si nous arrivons à consommer ces crédits. Pour les opérations nouvelles, je n'ai pas d'inquiétude particulière, les cathédrales sont suivies par des architectes en chef et les programmes de travaux peuvent être engagés.
Pour répondre à Roger Karoutchi, il reste des réticences syndicales concernant le projet Camus. L'affaire prend un certain temps, car des chantiers sont aussi en jeu ; par exemple, celui de l'hôtel de Soubise, au sein du Quadrilatère des Archives, où des bâtiments seront bientôt accessibles au public, avec notamment une présentation de boiserie exceptionnelle.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Médias, livres et industrie culturelle » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Médias, livres et industrie culturelle » et du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public ».
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Notre rapport couvre deux secteurs : d'un côté les médias, le livre et les industries culturelles et, de l'autre, l'audiovisuel public.
Le budget du premier secteur s'élève à 600 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Par ailleurs, le plan de relance lui consacre pratiquement 500 millions en CP, presque autant que la totalité de la mission. Cela donne le sentiment que l'on consacre beaucoup plus de moyens à ce secteur que d'ordinaire, mais, en réalité, l'augmentation du budget de la mission n'est que de 3 %.
Je parlerai dans un deuxième temps de l'audiovisuel public, sur lequel le désespoir l'emporte, pas seulement quant à la qualité de ses programmes - sur lesquels les Français se sont fait leur opinion depuis longtemps -, mais aussi par rapport à la réforme promise depuis des années, qui a été retardée et semble à présent perdue dans les limbes. Le résultat est un audiovisuel public qui ne se réforme pas et semble en roue libre ; j'y reviendrai. Sera-t-il à nouveau question de cette réforme ? On peut en douter et ce ne sera sûrement pas le cas avant l'élection présidentielle, ni même peut-être après. Les bastions de l'audiovisuel public n'en veulent pas et ils semblent avoir obtenu la mise à mort de cette réforme pourtant annoncée à grands cris par le Président de la République.
Sur la question de la presse, des réformes des aides avaient été imaginées pour 2020 et 2021. Fallait-il en rester au système d'après-guerre, qui subventionnait les journaux issus de la résistance et une presse plus politique que spécialisée ? Cette façon classique de concevoir les choses est remise en cause par beaucoup, les temps ayant changé. Une partie du chemin seulement a été faite, notamment à cause du désastre qu'a été Presstalis. Les responsables de presse ont en effet utilisé l'argument des pertes liées à ce système de diffusion pour remettre à plus tard une réforme pourtant nécessaire. Le Canard enchaîné - dont je ne suis pas un lecteur assidu - a notamment annoncé il y a quelques jours un budget déficitaire pour la première fois de son histoire, à cause de pertes liées à Presstalis. Malgré plus de 150 millions euros d'aide et 80 millions d'euros d'abandon de dettes pour la seule année 2020, et un certain nombre de plans visant à son soutien et à sa rénovation, Presstalis a fini par être remplacé, tardivement et en partie, par France Messagerie.
À cela s'ajoute la crise sanitaire. De nombreux kiosques ont fermé, les transports assurés par La Poste et la SNCF ont été perturbés et les abonnements n'ont pas été tenus. Quand on explique aux responsables de la presse écrite qu'on ne peut continuer à entretenir un système d'aide qui n'en finit pas de soutenir des titres qui ne sont pas assez lus, ils répondent, de façon légitime, qu'on ne peut lancer une réforme et prendre des décisions définitives en ces temps de crise. La réforme a donc été reportée à des temps meilleurs. Le Gouvernement a tout de même mis en place un certain nombre d'aides pour moderniser la presse, notamment pour soutenir les efforts nécessaires à la numérisation.
Les crédits du Centre national du livre (CNL) n'ont pas vraiment augmenté, mais le plan de relance consacre 30 millions d'euros au soutien des libraires et des bibliothèques.
En revanche, le Centre national de la musique (CNM), entré en fonction le 1er janvier 2020, n'a pas eu de chance. Ce centre, résultat d'une fusion de différents organismes, avait prévu de nombreux efforts en matière de modernisation, de regroupement et de rationalisation, mais les ressources sont à présent consacrées à éviter faillites et fermetures de salles. Le budget du CNM pour 2021 est en augmentation de 7,8 millions d'euros, mais, ici aussi, le plan de relance joue un rôle majeur puisqu'il prévoit une aide de 175 millions d'euros. Sans ce soutien, logique et légitime, la plupart de nos salles de concert auraient fermé. Le CNM attend la réouverture des salles pour début 2021 et espère pouvoir accompagner financièrement cette reprise. La situation de cette filière est sans doute la plus difficile, car elle ne reçoit pas d'autres soutiens que celui de l'État.
Pour le financement du cinéma, plus de 140 millions d'euros ont déjà été dégagés en 2020 pour aider l'industrie à faire face aux effets de la crise, et 165 millions ont été prévus par le plan de relance. Les responsables du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont tout de même réussi un exploit. En effet, malgré une situation calamiteuse - très peu de tournages, salles fermées -, ils sont parvenus à faire en sorte qu'aucune grande société de production ni aucun site de l'industrie cinématographique française ne ferme. Le secteur était pourtant déjà en difficulté, souffrant de la concurrence des studios d'Europe de l'Est et des tournages réalisés à l'étranger. Mais le système tient, et le plan de relance renforce aussi la capacité de financement de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). J'ai le sentiment qu'on a mis les moyens, que le monde du cinéma a résisté et que nous serons prêts à une phase de modernisation en 2021. Je rappelle que des parts de marché ont été reprises avec difficulté dans la création cinématographique depuis quatre ou cinq ans, à la suite d'un effondrement progressif, à l'oeuvre depuis le début des années 1990. La crise sanitaire gèle les choses, mais on peut imaginer que le soutien à ce secteur permettra de continuer à avancer. Les responsables des secteurs de la musique et du cinéma sont extrêmement dynamiques, passionnés, et ont plutôt réussi à mobiliser leurs secteurs dans de bonnes conditions.
Après ces quelques flatteries, passons à moins flatteur... Le budget de l'audiovisuel public... Je ne sais même pas s'il faut en dire quelque chose, monsieur le président ! On nous dit, d'un air de triomphe, que la redevance est maintenue à 138 euros, et que l'audiovisuel va donc recevoir 3,6 milliards d'euros. Mais depuis déjà trois ou quatre ans, des contrats d'objectifs devaient réduire les frais de fonctionnement des grands médias et notamment de France Télévisions et de Radio France - ARTE et France Médias Monde (FMM) pouvant difficilement réduire davantage.
On avait eu, ici même, un débat sur la redevance pour se demander sur quoi pourrait s'appuyer cette contribution à l'audiovisuel public (CAP), après la disparition annoncée de la taxe d'habitation. Le ministre Darmanin, alors responsable du budget, avait évoqué une possible suppression de la redevance au profit de dotations d'État. Ce débat a été enterré, notamment parce que les acteurs de l'audiovisuel public ne veulent pas dépendre de ces dotations, qui risquent de fluctuer dans le futur, et d'être conditionnées à des exigences d'efficacité. Ainsi, ils continuent de profiter de la manne de la redevance, et l'État ne se montre pas aussi exigeant qu'avec d'autres secteurs. Il n'y a plus de réflexion véritable sur la redevance, ou seulement à la marge, notamment sur la possibilité de l'augmenter d'un euro par an pour assurer une régularité des recettes. Les ressources de l'audiovisuel sont donc garanties, sans exigence de contrepartie, et cela me semble être une aberration.
France Télévisions a tout de même fait quelques efforts, notamment en matière de personnel, et le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) et d'opérateurs extérieurs a légèrement diminué. Mais ces efforts n'ont pas porté sur tout, et représentent des sommes loin d'être extravagantes. On avait demandé une baisse des dépenses de 80 millions d'euros en 2021 aux sociétés de l'audiovisuel public, en ciblant principalement France Télévisions et Radio France dans une moindre mesure. Cette somme a finalement été ramenée à 70 millions d'euros en raison de la crise, mais ces efforts de réduction des dépenses ont été compensés par le plan de relance. Or ces entreprises ne me semblent pas avoir enregistré de pertes majeures en raison de la crise.
La seule nouveauté de 2020 a été la création de la plateforme de diffusion Salto, dont le démarrage a été pour le moins lent et dont l'avenir ne sera sans doute pas radieux. De plus, France Télévisions prend des risques financiers pour la plateforme ; à laquelle sont associés TF1 et M6. Enfin, l'objectif des 40 000 abonnés pour 2020, pourtant très limité, ne sera peut-être même pas atteint.
Il nous faut entamer une réflexion sur le périmètre de France Télévisions et sur sa mission de service public. France 4, avec la diffusion de programmes jeunesse pendant le confinement, a repoussé sa disparition, à présent prévue pour l'été 2021, et a assuré sa mission de service public. Il me semble que c'est le cas aussi de France 3 dans ses phases régionales, de France 5, voire d'ARTE. Mais les jeux, émissions et films diffusés par France 2, et France 3 dans sa phase nationale, ne sont pas différents de ceux que propose le secteur privé. Et il n'est pas rare que des responsables de chaînes publiques achètent à prix d'or des films américains pour s'assurer certains soirs un meilleur audimat que les chaines privées. Si c'est pour faire la même chose que le privé, quelle est l'utilité d'avoir autant de chaines ?
Je suis donc confiant pour les secteurs du cinéma, de la musique et du livre, et sur le soutien à la modernisation, avec une petite inquiétude pour la presse écrite dont les réformes ont été ajournées par la crise sanitaire. Mais sur l'audiovisuel public, mes réserves sont grandes et je vois bien comment on a profité de la crise pour ne pas redéfinir le périmètre, les missions et les vrais enjeux. Néanmoins, ces secteurs faisant ensemble une moyenne, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
M. Claude Raynal, président. - Je vais donner la parole à Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur les crédits de l'audiovisuel public.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis. -Votre partition, Roger Karoutchi, ne demande pas à être réarrangée, mais le musicien que je suis y posera quelques dièses. Vous avez parfaitement résumé la situation, et celle-ci me semble relever d'un manque de décision de la part du Président de la République et du Gouvernement, et d'une absence de stratégie nationale pour l'audiovisuel public. Malgré la crise sanitaire, on aurait pu réformer au moins la CAP, et c'est une grave erreur de ne pas l'avoir fait.
Je poserais un dièse, notamment en tant que membre du conseil d'administration de Radio France, car on ne peut pas dire qu'aucun effort n'a été fait en matière de réduction du personnel. Les deux entreprises les plus touchées par la crise sanitaire sont France Télévisions et Radio France, car elles ont des ressources propres, liées à la publicité pour l'une et à la billetterie pour l'autre. Elles ont néanmoins procédé à des plans de départs volontaires et, aujourd'hui, le corps social de ces entreprises est sous tension et les risques psychosociaux sont réels. Ces entreprises éprouvent des difficultés à se réformer parce qu'elles souffrent d'une absence de stratégie et d'une diminution de leurs moyens. De plus, elles doivent passer au numérique et se réformer de l'intérieur, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire.
La triple tutelle, exercée sur l'audiovisuel public par la rue de Valois, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et Bercy, est un désastre. Et c'est la raison pour laquelle les acteurs du secteur veulent échapper à la budgétisation de leurs ressources, à la prise en main par l'État, et au risque notamment de voir le ministère de la culture se retirer peu à peu du jeu.
Je finirai en rappelant que notre audiovisuel extérieur - FMM et TV5 Monde - représente un important argument de diplomatie pour notre pays qui répète à l'envi son souhait de rayonner dans le monde. Ces médias le permettent, et avec des financements marginaux. Mais là aussi les moyens sont en baisse et il me semble que, particulièrement dans le contexte actuel de nos relations tendues avec le monde arabe, nous ratons une occasion.
M. Claude Raynal, président. - Je précise que les années précédentes, Roger Karoutchi consacrait la moitié de son intervention aux questions de l'audiovisuel extérieur.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Je ne l'ai pas fait cette année parce je n'ai pas déposé d'amendement pour le financement de FMM. Je suis consterné par ce sujet depuis des années, et je me lasse. Tous les grands pays offrent un soutien total à leurs audiovisuels extérieurs, et le Royaume-Uni y consacre même l'équivalent du budget de l'Agence française de développement ! Quand on demande des moyens supplémentaires, on nous répond que c'est un élément important pour le rayonnement de la francophonie et de la France, mais on y consacre des crédits extrêmement limités, et quand je présente un amendement demandant 2 millions d'euros, c'est à peine si l'on me traite de voleur... S'il y a bien une mission de service public, c'est celle de faire rayonner la langue et l'influence françaises partout dans le monde !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci, Roger Karoutchi, pour ce propos concis, qui nous a offert un large tour d'horizon des crédits de la mission. Votre enthousiasme a été à géométrie variable, même si vous avez finalement proposé l'adoption des crédits. Une seule question : savez-vous quelles sont les pistes de réforme avancées par le Gouvernement, compte tenu de la disparition progressive de la taxe d'habitation à laquelle est adossée la CAP ?
M. Vincent Éblé. - Si je partage beaucoup des éléments présentés par notre rapporteur, je ne voterai pas ces crédits. La situation est assez préoccupante et, sur l'ensemble des missions du ministère de la culture, le budget de l'audiovisuel public est le seul à baisser, une diminution qui n'est pas compensée par les 65 millions d'euros prévus par le plan de relance. Je n'ai jamais été fasciné par la baisse d'un euro de la redevance, baisse qui relève d'un effet de communication et reste symbolique pour celui qui y est assujetti. Mais les ressources dont on s'est ainsi privé auraient pu sauver France 4, seule chaîne à avoir diffusé des émissions éducatives pendant le confinement, ce que les Français ont apprécié. On s'interdit pourtant de revenir sur cette baisse alors que cela aurait pu éviter de voir baisser les crédits de toutes les entreprises du secteur, à part l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde, dont les crédits stagnent. Je souhaitais juste exposer ce point de vue, et partager mon sentiment de circonspection.
M. Vincent Delahaye. - Pour certains, un budget qui baisse est nécessairement un mauvais budget ! Ce n'est pas du tout ma conception de la gestion de l'argent public. On laisse dériver depuis des années le secteur de l'audiovisuel, et je partage le ton désabusé du rapporteur spécial, qui finit cependant par proposer l'adoption des crédits. Je ne conclurai pas de la même façon. On a raté la privatisation de France 2 quand la chaîne valait encore quelque chose. L'audiovisuel public compte sept ou huit chaînes, ce qui est énorme et, comme le rapporteur, j'estime que l'on pourrait se concentrer sur France 5, France 3 et ARTE. Le budget de 3,6 milliards d'euros est largement supérieur à celui de la mission « Action extérieure de l'État », dont je suis le rapporteur spécial. Est-ce une bonne chose ? C'est une question dont nous devrions débattre et, pour ma part, je suis loin d'être convaincu. Les petits efforts demandés aux entreprises de l'audiovisuel public ont été compensés par le plan de relance, ce que je trouve surprenant et qui n'est pas vraiment acceptable sur le fond.
Dans le cadre de l'un des projets de loi de finances rectificative (PLFR) de cette année, j'avais déposé un amendement demandant la suppression d'un financement supplémentaire de 200 millions d'euros pour Presstalis. Cet amendement n'a pas été adopté et le rapport de M. Karoutchi mentionne la disparition de Presstalis. On a donc dépensé 200 millions pour un système qui a disparu. J'ai écrit au ministre à ce sujet, mais je n'ai pas reçu de réponse, et je ne sais toujours pas si ces 200 millions d'euros sont effectivement partis en fumée.
M. Jérôme Bascher. - Je vais continuer de filer la métaphore musicale de Jean-Raymond Hugonet, ayant entendu le « soupir » de Roger Karoutchi devant la « pause » dans la réforme de France Télévisions. Il me semble que cette pause est aussi liée à des questions de calendrier dans la mesure où une nouvelle direction devait être nommée à la tête de l'entreprise ; peut-on réformer sans patron ?
Par ailleurs, les suppressions annoncées de France 4 et de France O, une chaîne que je ne regarde pas souvent, mais que je trouve importante pour la France ultramarine, vont-elles permettre de faire des économies et de procéder aux réformes nécessaires pour notre audiovisuel public ?
Enfin, Radio France n'embrasse-t-elle pas trop large ? On pourrait se demander si certaines radios musicales relèvent vraiment du service public ; cette question du périmètre, que l'on pose pour la télévision, doit se poser aussi pour la radio afin qu'elle puisse procéder aux réformes dont elle a besoin.
M. Michel Canevet. - Je voudrais remercier le rapporteur pour ses analyses passionnées et passionnantes. Comme il l'a évoqué, la vraie question est celle de la redevance, et comme Vincent Delahaye je suis de ceux qui pensent que l'on doit continuer à faire des efforts de gestion pour réduire les dépenses. Il est possible de faire des économies et on l'a bien vu à l'occasion de différentes affaires médiatisées impliquant des présidents de chaînes ou de stations. La suppression de la taxe d'habitation doit nous encourager à mener une réflexion approfondie sur la perception de la CAP. Des économies d'échelle étaient réalisées en envoyant en même temps que la taxe la demande de redevance, et les coûts de gestion risquent de devenir plus lourds. Pour revenir à la question de la redevance, peut-être faudrait-il prendre en considération d'autres critères, tels que la taille du téléviseur, ou taxer les appareils de communication.
Je fais partie de ceux qui pensent que l'on doit porter l'effort sur l'audiovisuel extérieur, mais aussi sur France 3, car c'est là un élément de différenciation du secteur public. Même si de nouvelles chaînes locales ont été créées, l'offre reste très incomplète et France 3 fait face à peu de concurrence, contrairement aux autres chaînes de France Télévisions. La mission de service public, en matière radiophonique et télévisuelle, a vraiment sa place dans les régions.
M. Vincent Segouin. - Je lis dans le document de présentation du rapport : « budget de l'audiovisuel public entre crise et absence de réforme », « une contribution à l'audiovisuel public gelée alors que son avenir reste incertain », « chronique d'une mort annoncée : la réforme de l'audiovisuel public », et on nous propose de voter le budget ! Ma question est simple : que faut-il de plus pour qu'on le rejette ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Je voudrais poser une question sur la problématique de la diffusion via l'opérateur principal TDF pour ce qui concerne la télévision numérique terrestre (TNT), qu'on oublie un peu alors qu'une étude du CSA montre qu'elle reste le mode de réception exclusif pour un foyer sur cinq, notamment en zone rurale. Les coûts de diffusion de TDF ont parfois tendance à augmenter fortement. Le CSA semble vouloir moderniser la TNT avec une expérimentation sur la ultra haute définition notamment pour les grands événements sportifs. Il est important de maintenir cette diffusion de TNT qui couvre le territoire et garantit une réception gratuite et sans collecte de données. L'opérateur doit maintenir des coûts raisonnables si l'on veut préserver ce réseau. Avez-vous été alertés à ce sujet et pourrait-on introduire des éléments de vigilance ?
M. Claude Raynal, président. -Je m'étonne toujours, quand je suis à l'étranger et que je regarde TV5 Monde, de tomber régulièrement sur des émissions en anglais.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Je vais d'abord répondre à la seule question qui ne concerne pas l'audiovisuel. Vincent Delahaye, les 200 millions d'euros consacrés à Presstalis ont servi, sans illusion et dans la perspective de sa disparition, à apurer les comptes et à payer les dettes, à faire en sorte que les débiteurs reçoivent un minimum d'indemnisations, pour éviter des procès. J'ajoute que, au fil des années, nous avions déjà couvert les dettes de Presstalis, qui a été un puits sans fond.
Quelles sont les pistes de réflexion par rapport au gel ou à la suppression de la CAP ? Monsieur le rapporteur général, les pistes sont toujours les mêmes. Ceux qui souhaitent conserver la contribution envisagent de l'étendre aux tablettes et téléphones portables pour en baisser son montant ; c'était, par exemple, l'idée de Franck Riester. Les associations qui défendaient les utilisateurs de tablettes et téléphones ont poussé des hurlements, affirmant qu'on ne regardait pas forcément la télévision sur ces outils. On parle aussi d'une augmentation de la taxe sur certains biens et services télécom, les objets connectés, les abonnements. On envisage enfin dans certaines études une augmentation de la TVA liée au financement de l'audiovisuel public. Mais, pour être franc, alors que nous savons que la taxe d'habitation est vouée à disparaître, les réflexions sur le substitut sont embryonnaires. Le seul qui avait commencé à travailler sur le sujet, c'était M. Darmanin, mais j'ai cru comprendre qu'Olivier Dussopt avait d'autres priorités.
J'entends les propos de Vincent Éblé, mais on aura un audiovisuel public quand son périmètre sera réellement clarifié et que les missions de service public seront réellement prédéterminées. Un certain nombre d'émissions, de jeux ou de films ne correspondent pas à des missions de service public. Je ne souhaite pas que les chaînes privées deviennent les maîtres du jeu audiovisuel, mais pour autant, il faut donner à l'audiovisuel public des missions strictes. C'est une erreur de le soumettre au même système d'audimat que les chaînes privées. Avec 3,6 milliards d'euros, le service public a les moyens de faire des émissions éducatives, pour la jeunesse, concernant la vie publique, la diversité, même si celles-ci sont moins attractives que les émissions de variétés. Il faut qu'on retrouve le « génie » de la création française. Lorsque je vois les séries proposées par Salto, la plateforme mise en place par France Télévisions, celles-ci ressemblent en tout point à celles que l'on retrouve sur les chaînes privées. Par ailleurs, les chaînes publiques n'ont pas les moyens financiers d'entrer dans un système de concurrence.
Je suis peu favorable à la disparition de France 4. La chaîne a eu un rôle essentiel, notamment pendant les périodes de confinement. De plus, les crédits qui lui sont consacrés sont tellement marginaux. Mais si France 4 est la seule chaîne du groupe France Télévisions à incarner le service public, une refonte du périmètre du groupe apparaît indispensable. Il faut un vrai débat au Parlement. On évoque d'ailleurs souvent le CSA, mais celui-ci reste constamment en retrait sur les missions de service public. De la même manière, France Télévisions a justifié le remplacement de France O par plus de visibilité de l'outre-mer sur France 3. Je ne suis pas convaincu. Je suis agacé par la volonté de vouloir fermer des chaînes qui finalement coûtent peu, et qui ne sont pas celles pour lesquelles on attendait une rationalisation.
Le sujet de la diversification des radios musicales de Radio France n'est pas le principal problème. Radio France a fait beaucoup d'efforts. Par ailleurs, le groupe a eu à faire face à des dépenses liées au chantier de la Maison de la radio.
Pourquoi voter pour ces crédits ? D'abord parce que la partie relative au livre, au cinéma et à la musique, bénéficie de moyens conséquents pour faire face à la crise sanitaire, même si c'est au travers de la mission « Plan de relance ». Sur la partie relative à l'audiovisuel public, ma critique porte surtout sur « l'enterrement » de la réforme de l'audiovisuel. Je fais crédit aux responsables de l'audiovisuel public d'avoir l'ambition de se réformer, mais tant qu'aucune réflexion ne sera engagée au travers d'une loi, le changement restera lettre morte. Ils ne sont toutefois pas les seuls responsables, et on peut noter quelques efforts. Ainsi, encore cette année, nous pouvons imaginer un vote positif, quitte à indiquer à la ministre, lors du débat dans l'hémicycle, que c'est la dernière fois. Si la réforme de l'audiovisuel ne parvient pas à être mise en place, nous ne pourrons pas voter éternellement ces crédits.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Projet de loi de finances pour 2021 - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie
M. Claude Raynal. - Passons maintenant à l'examen de l'équilibre des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie de la loi de finances pour 2021.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 a été adopté par l'Assemblée nationale mardi dernier, et a été transmis ce matin au Sénat. Nous voici donc réunis pour la traditionnelle « réunion balai » qui nous permet de confronter les votes que notre commission des finances a émis, par anticipation, avec ceux de l'Assemblée nationale. En effet, nous n'avons pas encore eu l'occasion de nous prononcer sur certaines modifications adoptées par cette dernière, soit sur les crédits, soit sur les articles rattachés aux missions. Avant de passer en revue chacune des missions budgétaires, je vais rappeler brièvement quelques éléments généraux.
Le déficit budgétaire prévu par le texte initial du projet de loi de finances était de 152,8 milliards d'euros. À l'issue de l'examen de la première partie, le solde budgétaire de l'État s'établissait à 153,0 milliards d'euros, en baisse de 240 millions. Les principales évolutions sont les suivantes. Premièrement, le plafond d'application du taux réduit d'impôt sur les sociétés a été porté à 10 millions d'euros, comme nous l'avons vu à l'article 3 nonies du PLF. Deuxièmement, une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), correspondant à 16 millions d'euros, a été transférée à la collectivité européenne d'Alsace en compensation de transferts de compétences, ce qui fait l'objet de l'article 22 ter. Troisièmement, le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (CFE) affectée aux chambres de commerce et d'industrie a été rehaussé par rapport au texte initial, à l'article 24, pour un montant de 100 millions d'euros prélevés sur le produit des autres recettes fiscales. Quatrièmement, un crédit d'impôt temporaire en faveur des PME est institué pour les dépenses de travaux de rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire, comme le prévoit l'article 3 sexdecies. Celui-ci s'élève à 20 millions d'euros, fondés sur les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. Cinquièmement, enfin, un nouveau prélèvement sur les recettes de l'État en faveur des bénéficiaires du Fonds de péréquation à destination des départements est créé par l'article 23 ter. Il correspond à 60 millions d'euros, issus des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.
Les amendements adoptés en première et en seconde délibérations sur la seconde partie du présent projet de loi ont conduit à dégrader le solde du budget général de 104 millions d'euros supplémentaires, portant le déficit de l'État à 153,1 milliards d'euros, avec plusieurs évolutions notables. Tout d'abord, un prêt de l'État à une société reprenant un site minier en Nouvelle-Calédonie accroît de 200 millions d'euros les charges du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Ensuite, des mesures indemnitaires en faveur de la police et de la gendarmerie nationale s'élèvent à 33 millions d'euros. À l'inverse, deux annulations de crédit, pour un montant total de 142 millions d'euros, concernent la mission « Plan de relance ». Il s'agit en fait d'une anticipation de dépenses, que nous avons approuvée dans la loi de finances rectificative lundi dernier, avec des ouvertures de crédits sur la mission « Économie » au titre de 2020.
Je vais maintenant vous proposer de confirmer définitivement la position de la commission des finances sur chacune des missions et des articles rattachés.
ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 10 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement et a adopté sans modification l'article 53 A. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission, tels que modifiés par son amendement, et d'adopter l'article 53 A sans modification.
ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie le 16 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. La rapporteure spéciale vous propose de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission, tels que modifiés par son amendement.
AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES
Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 17 novembre, la commission des finances n'a pas adopté les crédits de la mission, ni ceux du compte d'affectation spéciale. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission, pas plus que ceux du compte d'affectation spéciale.
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 10 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et du compte de concours financier, ainsi que l'article 53. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et du compte de concours financiers, ainsi que l'article 53.
ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Hier après-midi, notre commission a adopté sans modification les crédits de la mission et l'article 54 rattaché. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et l'article 54.
COHÉSION DES TERRITOIRES
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 17 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement, et a adopté sans modification les articles 54 bis et 54 ter. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. Elle lui propose également d'adopter les articles 54 bis et 54 ter sans modification.
CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie le 3 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et a supprimé l'article 54 quater. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission. Elle propose de supprimer l'article 54 quater.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie ce matin même, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie hier après-midi, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT
Budget annexe « Publications officielles et information administrative »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 12 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission et ceux du budget annexe. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission, ainsi que le budget annexe.
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »
Compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) »
Articles 54 quinquies, 54 sexies et 54 septies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie hier après-midi, la commission a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. Elle a adopté l'article 54 quinquies tel que modifié par son amendement et a supprimé l'article 54 sexies. Elle a adopté sans modification l'article 54 septies. Elle a adopté sans modification les crédits du budget annexe et ceux du compte d'affectation spéciale. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. Elle propose d'adopter l'article 54 quinquies tel que modifié par son amendement. Elle propose également la suppression de l'article 54 sexies. Enfin, elle propose d'adopter l'article 54 septies sans modification, ainsi que les crédits du budget annexe et du compte d'affectation spéciale.
ÉCONOMIE
Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés »
Articles 54 octies et 54 nonies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie le 4 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. Les rapporteurs spéciaux vous proposent tout d'abord de confirmer l'adoption des crédits de la mission « Économie » modifiés par l'amendement adopté par notre commission le 4 novembre 2020, mais également par les deux amendements de crédits qu'ils vont nous présenter.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spéciale. - L'amendement no II-21 vise à appeler l'attention du Gouvernement sur la pertinence du renforcement des moyens alloués au plan « France Très haut débit » (FTHD) pour compenser les surcoûts liés à la crise et au confinement. Pour des raisons de recevabilité financière, le montant que nous proposons par cet amendement ne permettra probablement pas de couvrir les besoins réels d'investissement pour accompagner l'ensemble des projets. Pour satisfaire à ces règles de recevabilité, il est proposé d'abonder l'action n° 1, Réseaux d'initiative publique, du programme 343 « Plan France très haut débit » en autorisations d'engagement (AE) de 30 millions d'euros, par un prélèvement sur l'action n° 01, Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen, du programme 305 « Stratégies économiques » et sur l'action n° 01, Infrastructures statistiques et missions régaliennes, du programme 220.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - L'amendement no II-8 vise à préserver la ligne prévue pour le financement des activités classiques de garanties de Bpifrance Financement SA sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulation ». Sur 2021, l'ensemble de ces fonds seront portés par la mission « Plan de relance », et s'élèveront à 10 000 euros. Cette dotation vise principalement les activités « classiques » de soutien à la transmission des PME. Il est donc indispensable de maintenir une ligne dédiée sur le programme 134. L'activité de garantie pour les PME devra en effet être poursuivie bien au-delà de la seule période relance. Il ne s'agit pas d'une mesure transitoire. Le maintien d'une ligne symbolique constitue également l'occasion de dénoncer le financement des activités de garanties par Bpifrance via des redéploiements internes, en contradiction avec le principe d'universalité budgétaire, constaté depuis 2019. Un amendement similaire a été déposé à l'Assemblée nationale, puis retiré pour des raisons de forme.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose un avis favorable sur les deux amendements.
Les amendements nos II-21 et II-8 sont adoptés.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission, tels que modifiés par ses amendements.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels 54 octies et 54 nonies. L'article 54 octies supprime les pièces de un et deux francs pacifiques, dont la valeur faciale est inférieure à un centime d'euros, et des règles d'arrondi afin de clarifier cette suppression. L'article 54 nonies proroge d'un an les points participatifs distribués sur l'enveloppe du Fonds de développement économique et social (FDES) introduit par le Sénat lors de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - J'émets un avis favorable à ces articles.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les rapporteurs spéciaux vous proposent d'adopter sans modification ces articles.
Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission propose d'adopter les articles 54 octies et 54 nonies sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a également adopté, avec modification, les crédits du compte de concours financiers. Après avoir pris connaissance de ces modifications, les rapporteurs spéciaux vous proposent également de confirmer l'adoption sans modification des crédits du compte de concours financiers.
Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers.
ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT
Compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce »
Comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 28 octobre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission, ceux du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et ceux de concours financiers « Accords monétaires internationaux ». La commission avait en revanche réservé son vote sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Nous avons levé cette réserve lors de notre séance d'hier après-midi, au cours de laquelle nous avons adopté sans modification les crédits du compte de concours financiers. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 12 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et l'article 54 decies. En seconde délibération, l'Assemblée nationale a transféré 15 millions d'euros du programme 230 « Vie de l'élève » au programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ». Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et de l'article 54 decies.
GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
CRÉDITS NON RÉPARTIS
TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES
Compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »
Articles 54 undecies, 54 duodecies et 54 terdecies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 10 novembre, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission « Gestion des finances publiques », de la mission « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Elle a adopté les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » tels que modifiés par son amendement.
La commission avait réservé son vote sur les articles 54 undecies, 54 duodecies et 54 terdecies. Nous devons désormais nous prononcer sur ces articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale.
L'article 54 undecies autorise les agents de l'Agence de services et de paiement (ASP) à accéder au fichier national des comptes bancaires (Ficoba), afin d'améliorer la lutte contre la fraude. Les rapporteurs spéciaux proposent d'adopter cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement no II-18, qui vise à réécrire le dispositif afin de bien encadrer l'accès des agents de l'ASP à ce fichier, sur le modèle des rédactions retenues dans la loi relative à la lutte contre la fraude pour l'extension des droits d'accès aux fichiers de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
L'amendement n° II-18 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 54 duodecies crée un droit de communication pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les établissements publics du secteur social et médico-social portant sur les référentiels fiscaux de la DGFiP. Ce droit de communication doit permettre d'améliorer le recouvrement de leurs créances. Les rapporteurs spéciaux proposent d'adopter cet article, sous réserve de l'adoption de l'amendement no II-19. Ce dernier vise, là encore, à bien encadrer ce droit d'accès et les modalités d'habilitation des agents pouvant avoir accès à ces informations, par le biais d'un décret.
L'amendement n° II-19 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 54 terdecies demande au Gouvernement de remettre au Parlement, d'ici le 1er juin 2021, un rapport évaluant l'opportunité de la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'État en matière d'achats publics durables. Non seulement la demande de rapport semble largement satisfaite par les dispositifs existants, mais elle pourrait être considérée, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme un cavalier budgétaire. Les rapporteurs spéciaux proposent donc l'adoption de l'amendement no II-20, qui supprime l'article.
L'amendement n° II-20 est adopté.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des missions « Gestion des finances publiques » et « Crédits non répartis », ainsi que des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Elle confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits « Transformation et fonction publiques » tels que modifiés par son amendement. Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, elle décide de proposer au Sénat d'adopter les articles 54 undecies et 54 duodecies tels que modifiés par ses amendements. Enfin, elle décide de proposer de supprimer l'article 54 terdecies.
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie le 4 novembre, la commission des finances n'a pas adopté les crédits de la mission. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission. Elle a également adopté un article additionnel 54 quaterdecies, qui prévoit l'extension de l'obligation, pour l'autorité judiciaire, de transmettre tout élément de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d'une demande d'asile ou de protection à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, le rapporteur spécial vous propose de confirmer la non-adoption des crédits de la mission « Immigration ». Il vous propose par ailleurs l'adoption sans modification de l'article 54 quaterdecies.
Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission, et d'adopter sans modification l'article 54 quaterdecies.
INVESTISSEMENTS D'AVENIR
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 28 octobre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et l'article 55. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission et a adopté avec modification l'article 55. Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, le rapporteur spécial vous propose de confirmer l'adoption sans modification des crédits de la mission ainsi que de l'article 55.
Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission, ainsi que l'article 55.
JUSTICE
Articles 55 bis, 55 ter, 55 quater et 55 quinquies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 4 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et a réservé son vote sur les articles 55 bis à 55 quinquies. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Nous devons nous prononcer sur les quatre articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale, que le rapporteur spécial vous propose d'adopter sans modification.
L'article 55 bis constitue le second volet de la réforme de l'aide juridictionnelle : il procède à la revalorisation de l'unité de valeur qui détermine la rétribution de l'avocat dans le cadre de l'aide juridictionnelle ; il simplifie par ailleurs les modalités de versement de la dotation de l'état à chaque barreau au titre des missions d'aide juridictionnelle et des missions d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles.
L'article 55 ter propose que les services judiciaires puissent bénéficier de l'affectation de biens meubles saisis dans le cadre d'une enquête judiciaire, au même titre que les services de police et de gendarmerie.
L'article 55 quater rétablit un délai de forclusion pour les demandes de paiement des frais de justice, en limitant à un an à compter de la fin de la mission le délai au cours duquel un collaborateur occasionnel du service public peut demander le paiement de sa mission à la juridiction compétente.
L'article 55 quinquies prolonge de deux ans l'expérimentation relative à la tentative de médiation familiale obligatoire.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission. Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, elle décide de proposer au Sénat d'adopter les articles 55 bis à 55 quinquies, sans modification.
MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie ce matin même, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et du compte de concours financiers. Je vous propose de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et du compte de concours financiers.
OUTRE-MER
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 12 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission et l'article 55 sexies. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission, ainsi que l'article 55 sexies.
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 17 novembre, la commission des finances a adopté un amendement de crédits puis a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat, après l'adoption d'un amendement de crédits, de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale.
PLAN DE RELANCE
Articles 56, 56 bis, 56 ter, 56 quater, 56 quinquies, 56 sexies, 56 septies et 56 octies
PLAN D'URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 18 novembre, la commission des finances a adopté avec modification les crédits de la mission « Plan de relance ». Elle a également adopté sans modification les articles 56 à 56 quinquies et l'article 56 septies. Elle a adopté les articles 56 sexies et 56 octies tels que modifiés par ses amendements. Elle a adopté sans modification les crédits de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Je vous propose, en tant que rapporteur spécial, de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Plan de relance » et des articles 56 sexies et 56 octies, tels que modifiés par ses amendements. Elle propose l'adoption, sans modification, des articles 56 à 56 quinquies, ainsi que l'article 56 septies et des crédits de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 3 novembre, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 17 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer cette décision.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE
Article 56 nonies
Compte d'affectation spéciale « Pensions »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 3 novembre, la commission a adopté, sans modification, les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale. La rapporteure spéciale vous propose de confirmer l'adoption sans modification de ces crédits. L'Assemblée a, par ailleurs, adopté, rattaché à la mission « Régimes sociaux de retraite », l'article 56 nonies.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Il s'agit d'un article additionnel destiné à évaluer les conclusions d'un alignement progressif des majorations de pension pour les conjoints collaborateurs d'exploitants agricoles. La retraite des exploitants agricoles devrait passer à 85 % du SMIC à partir de 2022. Malgré l'intérêt majeur de cette question, l'article n'a pas sa place dans la loi de finances et dans le périmètre de la mission. Je vous propose de le supprimer, par l'amendement n° II-17.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis favorable à cet amendement.
L'amendement n° II-17 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a également adopté, sur le compte d'affectation spéciale, l'article 74, qui prévoit une adaptation du régime de cumul des pensions au droit de l'Union européenne. La rapporteure spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.
Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale, ainsi que l'article 74. Elle décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 56 nonies.
RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »
Articles 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63 et 64
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie hier, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission et ceux du compte de concours financiers, ainsi que les articles 59 à 64. Elle a adopté les articles 57 et 58 tels que modifiés par ses amendements. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission ainsi que les articles 59 à 64. Elle propose d'adopter les articles 57 et 58 tels que modifiés par ses amendements. Elle propose enfin d'adopter le compte de concours financiers sans modification.
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 27 octobre, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission, majorés de 30 millions d'euros. Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, le rapporteur spécial vous propose de confirmer l'adoption sans modification des crédits de la mission.
Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
SANTÉ
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie hier, la commission n'a pas adopté les crédits de la mission. Elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 65. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission. Elle confirme également sa décision de proposer au Sénat d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 65.
SÉCURITÉS
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Réunie hier, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission. Elle a adopté l'article 66 modifié par un amendement et l'article 67 sans modification. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission. Elle confirme également sa décision de proposer au Sénat d'adopter l'article 66 tel que modifié par son amendement, et d'adopter l'article 67 sans modification.
SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 10 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission et les articles 68 et 69. Les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et les articles 68 et 69.
SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie hier, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission. Elle a également adopté sans modification les articles 70 et 73 et a adopté l'article 71 tel que modifié par son amendement. Elle a enfin supprimé l'article 72. Le rapporteur spécial vous propose de confirmer ces décisions.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et les articles 70 et 73. Elle confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter l'article 71 tel que modifié par son amendement, et de supprimer l'article 72.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 4 novembre, la commission a adopté sans modification les crédits de la mission. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté avec modification les crédits de la mission. Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée, les rapporteurs spéciaux vous proposent de confirmer l'adoption sans modification des crédits de la mission.
Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.
Projet de loi de finances pour 2021 - Examen des amendements de séance à l'article liminaire et à l'article 31
M. Claude Raynal, président. - Afin d'éviter une réunion supplémentaire de notre commission cet après-midi, examinons dès maintenant les amendements sur l'article liminaire et l'article 31, ainsi que la question préalable présentée par MM. Bocquet et Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE).
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement no I-1084 présenté par le Gouvernement est un amendement purement technique, qui vise à tenir compte de l'adoption du quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). Nous souhaiterions également que le volet 2021 de l'article liminaire soit modifié au Sénat d'ici la fin de la première lecture, afin de pouvoir nous prononcer sur le renforcement des mesures de soutien qui devraient être annoncées prochainement pour tenir compte du reconfinement. Il n'est pas acceptable de devoir se prononcer à l'aveugle sur un PLF qui est déjà en partie obsolète. Je propose donc un avis de sagesse, afin de permettre au Gouvernement de nous faire part de ses intentions. Cet avis pourra évoluer après avoir entendu le ministre.
M. Vincent Capo-Canellas. - L'idée que l'avis de sagesse puisse évoluer me laisse dubitatif. Nous restons suspendus sur un sujet majeur. Cela signifie-t-il que nous devrons nous réunir à nouveau ? Va-t-on vraiment « découvrir » un avis différent en séance ?
Mme Christine Lavarde. - L'article liminaire ne modifie les prévisions que pour l'année 2020, mais j'avais cru comprendre qu'on aurait également une révision du rebond de croissance de l'année 2021.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Christine Lavarde vient de résumer ce que nous avions dit dès le tome I. Soit nous rejetons l'article pour cette raison, soit nous laissons le Gouvernement s'exprimer. Je note également que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est saisi, et qu'il n'a pas encore rendu son avis. C'est pourquoi, à ce stade, je propose un avis de sagesse. L'État doit montrer davantage de considération et de respect au Parlement, et en particulier à la chambre haute.
M. Claude Raynal, président. - Nous avons été sensibles à l'intervention de M. Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale, soulignant qu'il reviendrait devant les députés pour présenter les modifications apportées à cet article. En d'autres termes, il enjambe le Sénat.
M. Vincent Capo-Canellas. - Nous avions demandé au Gouvernement de tenir compte de la situation, qui est très évolutive. Cet amendement va donc dans le sens de la sincérité budgétaire.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mais justement, celle-ci est insuffisante.
M. Claude Raynal, président. - Les prévisions de 2020 sont sincères, mais pas celles de 2021.
M. Vincent Capo-Canellas. - Mais une sincérisation sur 2020 doit-elle être rejetée au motif qu'il n'y a pas assez d'informations sur 2021 ?
M. Claude Raynal, président. - Le rapporteur général n'a pas parlé de cela. Il souhaite simplement pouvoir interroger le Gouvernement sur 2021.
M. Jérôme Bascher. - Le Gouvernement ne peut pas changer sa prévision macroéconomique, car il a besoin de l'avis du Haut Conseil des finances publiques. En revanche, nous pouvons lui reprocher le fait que, le reconfinement ayant été décidé fin octobre, il avait largement le temps de le saisir ! Je rejoins donc vos conclusions, mais nous ne pouvons nous attendre à aucune modification du Gouvernement à ce stade.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La présence du ministre de l'économie et des finances n'est pas annoncée au Sénat pour l'instant. J'attends une réponse de sa part. Nous ne pouvons pas continuer à siéger avec, d'une part, un PLFR adopté dans des délais très restreints et dans lequel les équilibres sont bouleversés, et, d'autre part, un PLF dont les données sont déjà obsolètes. Cela me rappelle le vote de dispositions en cours de PLF au moment de la crise des « gilets jaunes ». Tout cela devient limite en termes de considération à l'égard du Parlement.
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivrons ce débat en séance, cet après-midi.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1084.
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - L'amendement no I-794 rectifié porte sur une demande de rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences financières pour la France du Brexit et du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne. Or, ces informations figurent déjà dans une annexe au projet de loi de finances intitulée « Relations financières avec l'Union européenne ». Dès lors, je demande le retrait de cet amendement, ou à défaut, un avis défavorable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Même avis.
La commission demande le retrait de l'amendement n° I-794.
MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
M. Éric Bocquet. - Cette question préalable n'est pas un artifice, mais un débat que nous souhaiterions avoir sur un cadre plus large que le strict PLF. Malgré le contexte d'urgence, nous n'acceptons pas que le débat parlementaire soit « enjambé ». L'idée est d'avoir un regard rétrospectif sur les trois années écoulées.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Premièrement, il faut soutenir les entreprises, car elles ne peuvent s'en sortir seules dans les conditions actuelles. À travers elles transparaît également une volonté de soutenir l'emploi.
Deuxièmement, l'état d'urgence ne justifie pas tout, et le plan de relance est mal calibré. C'est pourquoi nos travaux doivent nous donner l'occasion de l'examiner pour en modifier une partie du contenu. C'est justement parce que je souhaite pouvoir débattre sur le contenu de ce texte que je suis défavorable à la motion.
La commission émet un avis défavorable à la motion no I-1069.
La réunion est close à 11 h 50.
Désignation de rapporteurs
La commission désigne M. Claude Nougein rapporteur sur la proposition de loi no 477 (2019-2020) visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Olivier Jacquin, Claude Raynal, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Thierry Carcenac et Rémi Féraud.
La commission désigne M. Jérôme Bascher rapporteur sur le projet de loi no 2986 (AN. XVe législature) autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine.
La réunion est close à 11 h 50.
Vendredi 20 novembre 2020
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 13 h 35.
Projet de loi de finances pour 2021 - Examen des amendements de séance sur la première partie
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons aujourd'hui les amendements de séance déposés sur la première partie du projet de loi de finances pour 2021. Le rapporteur général va d'abord nous présenter ses amendements.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je retirerai mon amendement no I-51, que la commission avait adopté, au profit de l'amendement no I-1214, qui reprend ce que l'amendement de la commission prévoyait tout en supprimant un renvoi inutile à un décret. Il concerne l'encadrement de la possibilité de solliciter une prorogation annuelle et renouvelable du délai de réalisation de logements pour bénéficier d'un avantage fiscal.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je retirerai mon amendement no I-53. Je vous proposerai d'en adopter un autre, plus complet.
Article additionnel après l'article 4
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose de rectifier l'amendement no I-58 qui instaure une contribution exceptionnelle acquittée par les assureurs. Il s'agit ainsi de procéder à des aménagements techniques, afin de préciser le champ des redevables et d'y inclure les mutuelles et institutions de prévoyance, auprès desquelles les assurés souscrivent aussi des assurances-dommages. L'amendement précise également le fait générateur de l'imposition, constitué par l'achèvement de l'année 2020. L'idée est de s'en tenir exclusivement à l'année 2020.
M. Philippe Dallier. - Combien cette contribution rapporte-t-elle ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Environ 600 millions d'euros. Je rappelle que, lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, une contribution exceptionnelle des assureurs complémentaires santé a été adoptée, qui portera sur deux exercices et rapportera 1 milliard d'euros en 2020 et 500 millions d'euros en 2021.
L'amendement n° I-58 rectifié est adopté.
Article additionnel après l'article 22
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement no I-70 tel que rectifié porte sur la compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les changements proposés sont de simples ajustements techniques et rédactionnels.
L'amendement n° I-70 rectifié est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement no I-72 tel que rectifié concerne les prélèvements sur recettes. Là aussi, il s'agit de modifications rédactionnelles.
L'amendement n° I-72 rectifié est adopté.
Articles additionnels après l'article 3 nonies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement que je vous propose d'adopter en première partie le crédit d'impôt instauré en seconde partie à l'Assemblée nationale, au titre des abandons ou renonciations définitifs de loyers afférents à des locaux d'entreprises pour la période du confinement. Il s'agit de prévoir une prise en charge par l'État susceptible d'atteindre la moitié du montant auxquels les bailleurs renoncent. Le dispositif introduit à l'Assemblée nationale ne devait s'appliquer qu'à partir de 2021. Nous proposons qu'il entre en vigueur dès 2020 pour inciter dès à présent les bailleurs à cet abandon.
M. Philippe Dallier. - Les délais prévus par le dispositif voté à l'Assemblée nationale concernaient-ils la récupération du crédit d'impôt par les bailleurs ou le bénéfice pour les entreprises ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le dispositif de l'Assemblée nationale prévoit une récupération du crédit d'impôt à partir de 2021, donc en 2022, et nous proposons de faire en sorte que cela soit possible dès maintenant.
L'amendement no I-1249 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet amendement que je vous propose étend aux procédures de conciliation deux mécanismes fiscaux spécifiques pour les entreprises faisant l'objet d'une procédure collective : d'une part, la présomption de normalité des abandons de créance à caractère commercial et, d'autre part, le remboursement anticipé de la créance de report en arrière des déficits. Il s'agit de permettre à une entreprise en procédure de conciliation de résorber les difficultés qu'elle peut rencontrer en amont de la cessation de paiement. Là encore, le dispositif adopté à l'Assemblée nationale ne serait applicable qu'à partir de 2022, ce qui en limiterait la portée. Cet amendement vise donc à en permettre l'application dès 2021.
M. Vincent Capo-Canellas. - Le passage de la seconde à la première partie résulte-t-il uniquement du changement de date ou y a-t-il d'autres modifications ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le changement porte uniquement sur la date. Comme le dispositif aurait désormais un impact sur le solde pour 2020, nous devons placer l'article en première partie.
M. Claude Raynal, président. - Connaissez-vous l'avis du ministère quant à la modification de ces deux amendements opérant des changements de date ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je pense que le Gouvernement pourrait y être favorable.
M. Claude Raynal, président. - Quel est le coût de ces mesures ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous n'avons pas d'estimation.
L'amendement no I-1250 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le nouvel amendement no I-1251 que je vous propose concerne le crédit d'impôt phonographique pour les dépenses liées à la réalisation et à la production d'images, qui figurent actuellement dans la catégorie des dépenses de développement, plafonnées à 350 000 euros par enregistrement phonographique. L'Assemblée nationale a adopté l'article en seconde partie afin de procéder à certains aménagements. Tout d'abord, sont intégrées dans le dispositif les dépenses liées aux métiers relatifs à la numérisation de la musique. De plus, le taux du crédit d'impôt est porté de 15 % à 20 % pour les grandes entreprises, et de 30 % à 40 % pour les petites et moyennes entreprises. Le plafond des dépenses de développement est également doublé pour atteindre 700 000 euros, tandis que le plafond du crédit d'impôt par an et par entreprise est porté à 1,5 million d'euros. Enfin, la mise en oeuvre de ce dispositif ainsi modifié est prolongée de deux ans. Le coût de cette amélioration du crédit d'impôt est estimé à 3 millions d'euros. J'ajoute que cette mesure est très attendue et saluée par les professionnels concernés.
M. Claude Raynal, président. - On peut l'imaginer !
L'amendement no I-1251 est adopté.
Articles additionnels après l'article 4
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous avons retravaillé l'amendement no I-1252. Il introduit une contribution exceptionnelle de 1 % sur le chiffre d'affaires réalisé en 2020 par les entreprises de vente à distance. Nous avions d'abord proposé de taxer les entreprises dont le chiffre d'affaires était supérieur à 250 millions d'euros. Nous proposons finalement de viser les très grandes entreprises, telles que définies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), soit celles dont le chiffre d'affaires, en 2019 et en 2020, est supérieur à 1,5 milliard d'euros. Par ailleurs, la moitié au moins de ce chiffre d'affaires doit résulter de la vente à distance.
Ces modifications tentent de répondre à des craintes exprimées par certains d'entre vous, sur la fragilité potentielle de certains grands groupes français, qui ont dû, au cours des années précédentes, adapter leur outil commercial et ajuster leurs effectifs. Il s'agissait de prendre en considération ces craintes, tout en répondant à l'ambition d'une contribution exceptionnelle pour ceux qui ont involontairement tiré profit d'un contexte de crise sanitaire les plaçant en situation de quasi-monopole. Nous devons nous montrer attentifs, et être garants d'une forme de justice économique et de cohésion sociale, car les temps à venir s'annoncent difficiles.
M. Michel Canevet. - Le drive est-il concerné par la mesure ?
M. Philippe Dominati. - Je ne suis pas du tout favorable à des taxes catégorielles exceptionnelles, et ne voterai pas cet amendement. Néanmoins, je souhaiterais savoir combien d'entreprises sont concernées par la mesure après réduction du champ d'application. De plus, quand vous évoquez 1,5 milliard de chiffre d'affaires, s'agit-il du chiffre de la filiale française s'il s'agit de groupes internationaux ? Cela pourrait créer des disparités face au dispositif, entre entreprises françaises et internationales.
M. Roger Karoutchi. - Je suivrai le rapporteur tout en me sentant hésitant devant cette mesure. Si je suis favorable à l'idée de nous montrer plus sévères quant à la fiscalité de ces plateformes et grands groupes de la vente à distance, je trouve curieux de taxer le chiffre d'affaires de ceux qui ont réussi à s'en tirer pendant cette période. Comme si leur chiffre d'affaires était indu, et qu'on les sanctionnait, tout simplement, d'exister. Il n'y a eu ni faute ni abus de position dominante et, si je comprends le principe d'une nécessaire solidarité, je suis un peu mal à l'aise à l'idée de sanctionner ces plateformes, qui n'ont rien fait d'autre que leur travail habituel, et auxquelles les Français étaient heureux d'avoir recours pendant le confinement.
M. Vincent Segouin. - Je soutiens cette taxe. On s'interroge depuis des mois sur les moyens de taxer les Gafam - Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft -, qui réalisent une partie de leur chiffre d'affaires en France sans payer de compensations ni participer à l'effort national. Nous trouvons ici un moyen de le faire : je ne comprends pas les réticences. Nous sommes prêts à taxer les assureurs qui ont fait des bénéfices, pourquoi ne le ferions-nous pas pour ces sociétés qui ont profité de cette période de confinement et continuent de le faire ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - Cet amendement va dans le bon sens. Si ces groupes avaient l'habitude de payer leurs impôts comme les autres entreprises, les choses seraient différentes. Mais on sait bien qu'il est difficile de taxer les bénéfices quand ils sont répartis sur d'autres pays ayant des fiscalités différentes. Le critère du chiffre d'affaires est le bon. Dans ce moment exceptionnel, où leur modèle économique leur a permis de capter une partie des dépenses habituellement ventilées entre d'autres secteurs de l'économie, demander à ces entreprises une participation exceptionnelle me semble normal.
M. Claude Raynal, président. - Il ne faut pas confondre ce qui relève de l'activité normale de l'entreprise, de son développement sur la base de son travail, et ce qui relève de l'effet d'aubaine. La pandémie est une aubaine pour ces entreprises. Il ne s'agit pas d'une concurrence normale, et cela justifie une mesure de nature exceptionnelle. Sur la question du seuil fixé à 1,5 milliard d'euros, je me joins à l'interrogation de Philippe Dominati : quel est le nombre d'entreprises concernées ? La taxe de 1 % proposée représenterait, sur un chiffre d'affaires d'1,5 milliard d'euros, 15 millions par entreprise. Quel est le produit global attendu ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Michel Canevet, le drive pourrait être concerné mais comme il faut réaliser plus de 50 % de son chiffre d'affaires dans la vente à distance, je doute que les entreprises du secteur soient affectées par cette taxe.
Je remarque que de nombreux amendements sont déposés sur le sujet des assureurs, ce qui montre bien qu'il y a là un enjeu.
Quant à la vente à distance, elle a trouvé sa place et ses parts de marché. Ceux qui critiquent les fermetures imposées aux petits commerçants sont parfois les mêmes qui passent commande, à une heure du matin, sur ces plateformes. Certains commerçants indépendants sont d'ailleurs partenaires, même si c'est moins le cas en France qu'ailleurs en Europe.
Je ne cherche pas à pointer du doigt, mais les circonstances exceptionnelles et inédites, personne ne les a choisies. Je suis plutôt libéral mais j'ai toujours su qu'il fallait des règles, et des formes de régulation. Et puis, parfois, des situations exceptionnelles peuvent nous pousser à proposer un dispositif exceptionnel.
On estime à une dizaine le nombre de groupes et d'entreprises susceptibles d'être concernés, et le produit de la taxe devrait être de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros.
M. Philippe Dallier. - En prélevant 1 % sur 1,5 milliard d'euros ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros. Nous avons fait le choix de limiter le champ des entreprises impactées par cette taxe, et le dispositif produira donc moins qu'initialement prévu, je le concède volontiers.
Depuis le début du nouveau confinement, sur les bancs des assemblées, on s'émeut, on proteste, on réclame davantage pour les petits commerces dits « non-essentiels », pour les indépendants et les PME. Malgré le renforcement du fonds de solidarité, avec la deuxième vague, la situation est plus difficile pour ceux qui avaient réussi à tenir et à traverser le gué. Nous ne pouvons pas rester sourds à leurs difficultés. Nous devons faire preuve de discernement, et d'une vision juste et équilibrée.
M. Claude Raynal, président. - Dans les périodes de crise, tout le monde change, et les libéraux deviennent réglementaires !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Régulateurs !
L'amendement no I-1252 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement no I-1253 prolonge le dispositif d'exonération prévu pour la taxe sur les spectacles jusqu'au 30 juin 2021, alors qu'il est actuellement prévu jusqu'au 31 décembre 2020.
L'amendement no I-1253 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous venons de recevoir plusieurs amendements du Gouvernement... Je donnerai un avis de sagesse sur ceux que je découvre en même temps que vous, n'ayant pu les examiner.
Article additionnel après l'article 3
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement n° I-1244 apporte des précisions techniques sur la réforme de la fiscalité locale. Sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1244.
Article 3 decies
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° I-1247.
Article additionnel après l'article 5
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Sagesse sur l'amendement n° I-1243, n'ayant pu l'étudier, même si l'idée, a priori, peut sembler intéressante.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement notamment no I-1243.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement n° I-1242 modifie un article que nous souhaitons déplacer en seconde partie du projet de loi de finances. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° I-1242.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement n° I-1246 est relatif aux tarifs de la taxe sur la consommation finale d'électricité dans la Collectivité européenne d'Alsace. Sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1246.
Article 14
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1245.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis favorable au sous-amendement n° I-1248, qui répond aux problèmes de rédaction que nous avions identifiés à l'amendement n° I-695 rectifié.
La commission émet un avis favorable au sous-amendement n° I-1248.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° I-695 rectifié.
La réunion est close à 15 h 45.
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 15 h 45.