Mercredi 4 novembre 2020
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Examen du rapport
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je souhaite tout d'abord la bienvenue à notre nouvelle collègue Laurence Garnier, sénatrice de Loire-Atlantique, qui remplace Christophe Priou à mi-mandat, et je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance, ainsi que notre collègue Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui assiste à nos travaux.
Nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.
J'indique pour nos nouveaux collègues que les textes financiers, comme les textes constitutionnels, restent soumis à la procédure qui était en vigueur pour l'ensemble des textes avant la réforme constitutionnelle de 2008, c'est-à-dire que nous n'adoptons pas de texte de la commission, le texte examiné en séance étant celui qui a été transmis par l'Assemblée nationale, et que seuls les amendements des rapporteurs seront examinés ce matin.
Nos travaux sont impactés par la réunion du Bureau du Sénat, qui se tient pendant notre réunion de commission et qui requiert la présence de deux de nos rapporteurs, Corinne Imbert et Pascale Gruny, qui devront s'absenter avant 9 heures et dont nous attendrons le retour pour la présentation de leur rapport.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, chargé des équilibres financiers généraux. - Il y a deux ans à peine, nous saluions le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale en examinant le PLFSS pour 2019. L'année dernière encore, malgré des perspectives financières dégradées, l'objectif d'une extinction de la dette sociale en 2024 paraissait encore atteignable. Hélas, cette année, c'est dans un contexte sanitaire, économique, financier et social considérablement plus sombre que nous sommes appelés à examiner le PLFSS pour 2021.
Vous connaissez l'originalité des lois de financement de la sécurité sociale. Dans leur format actuel, elles nous invitent successivement à approuver les comptes de l'exercice écoulé, à rectifier les tableaux d'équilibre de l'année, à examiner les recettes puis les dépenses de l'exercice à venir, et même, en fin de troisième partie, à approuver des orientations et une trajectoire financière jusqu'à l'année n+4, c'est-à-dire 2024. Mon intervention concernera donc toute cette période.
Pour 2019, la sécurité sociale a enregistré un déficit de 1,9 milliard d'euros sur le périmètre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), lequel représente 404 milliards d'euros en dépenses. Il pourrait presque paraître mesquin aujourd'hui d'observer que l'objectif d'un retour à l'équilibre n'a pas été atteint en raison des mesures de non-compensation adoptées ces deux dernières années dans la foulée du rapport Charpy-Dubertret sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Ces non-compensations ont coûté 4,3 milliards d'euros à la sécurité sociale l'année dernière.
La crise liée à l'épidémie de covid-19 a évidemment bouleversé notre pays, son économie et ses finances publiques, notamment celles de la sécurité sociale, qui joue à plein son rôle de « filet de sécurité » pour nos concitoyens en cette période difficile.
Face à la crise et à son évolution permanente, les incertitudes sont majeures. Le Gouvernement a déjà révisé les tableaux d'équilibre de 2020 et 2021 à l'Assemblée nationale. Ils pourraient être de nouveau ajustés au Sénat, notamment pour tenir compte des effets du nouveau confinement. Toutefois, quelques constats ressortent clairement.
Tout d'abord, la sécurité sociale connaîtra en 2020 le plus lourd déficit de son histoire, et de très loin : au moins 46,6 milliards d'euros pour le régime général et le FSV, là où le précédent « record », en date de 2010, était de 28 milliards d'euros.
En effet, l'ensemble des branches a subi une très forte baisse des recettes, principalement sous l'effet de la chute de l'activité et de la très forte contraction de la masse salariale du secteur privé, qui a diminué de 7,9 %. Cette baisse est de plus de 32 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2020, malgré une recette exceptionnelle de 5 milliards d'euros : le versement en une fois de la soulte de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à la branche vieillesse.
En face de ces baisses de recettes, les dépenses de la plupart des branches sont restées relativement conformes à la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020, à la notable exception de la branche maladie. En effet, les dépenses relevant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ont bondi de 12,5 milliards d'euros à par rapport à la prévision de l'année dernière. Il s'agit bien sûr avant tout de l'effet des surcoûts liés à la crise du covid-19 - environ 10,5 milliards d'euros en net - et des premières mesures du Ségur de la santé qui présenteront, elles, un caractère pérenne, et dont le coût en 2020 est estimé à 3,4 milliards d'euros. Au total, l'Ondam devrait passer en un an de 200,2 milliards d'euros en 2019 à 218,1 milliards en 2020. Cela représente près de 18 milliards d'augmentations, soit 9 %.
Ces chiffres donnent le vertige. Mais, encore une fois, ils traduisent l'intensité de la crise et le rôle indispensable de la sécurité sociale en ces temps difficiles.
Pour 2021, un fort rebond est attendu, qui devrait améliorer le niveau des recettes, mais les incertitudes sont très fortes. Tout dépendra bien sûr de l'évolution de l'épidémie et de notre capacité à remettre l'économie sur les rails. En toute hypothèse, le déficit du régime général et du FSV devrait se situer à un niveau proche de celui de 2010 : 27,9 milliards d'euros selon les prévisions actualisées du Gouvernement. En particulier, alors que les autres branches devraient se redresser, les branches maladie et vieillesse présenteraient toujours un solde très dégradé : leur déficit serait respectivement de 19,7 milliards d'euros et 6,4 milliards d'euros.
Face à cela, je regrette que le Parlement n'ait pas été davantage associé aux grands choix du Gouvernement. Je n'ai pas trouvé normal que nous ne soyons pas saisis d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale cette année, au vu de l'ampleur des révisions qui ont été opérées et des mesures qu'il a fallu prendre : financement de Santé publique France, plafond de découvert de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), etc. J'espère que nous pourrons nous prononcer l'année prochaine, si les hypothèses sur lesquelles se fonde ce budget devaient être de nouveau bouleversées.
Pour autant, sur le fond, je ne vous proposerai pas de remettre en cause ces décisions : je préconise ainsi l'adoption des articles essentiels, qui ratifie les décisions prises en urgence en 2020 ainsi que les différents tableaux d'équilibre.
Ma véritable inquiétude et ma divergence avec ce PLFSS viennent de la trajectoire des comptes sociaux après la sortie de la crise actuelle. L'annexe B du projet de loi, qui trace des perspectives jusqu'en 2024, prévoit ainsi un déficit de la sécurité quasiment stabilisé à un niveau très lourd : plus de 20 milliards d'euros chaque année, malgré des hypothèses de croissance du PIB et de la masse salariale relativement optimistes.
Un tel niveau ne serait évidemment pas supportable pour la sécurité sociale. Ainsi, dès 2024, les déficits cumulés dépasseraient de 50 milliards d'euros le plafond des transferts que nous avons autorisés à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) dans la loi du 7 août dernier relative à la dette sociale et à l'autonomie. Je vous rappelle pourtant qu'au vu des autorisations que nous avons données, le montant total des emprunts de la Cades devrait passer de 260 milliards d'euros à 396 milliards d'euros d'ici à 2024, dont une provision de 92 milliards pour couvrir les déficits 2020-2023, laquelle apparaît d'ores et déjà insuffisante. Autant dire que la dette deviendrait perpétuelle, ce qui pose d'évidents problèmes d'équité entre générations et de soutenabilité de notre modèle social.
Il importe de dire dès à présent que, quand notre pays sera sorti de la crise, nous devrons, comme après 2010, reprendre la voie de la recherche de l'équilibre des comptes sociaux. Pour y parvenir, nous devrons tout d'abord partir d'un déficit plus réaliste des comptes sociaux. La sécurité sociale doit, certes, payer ses dettes, mais elle ne doit payer que ses dettes.
Je formulerai donc des propositions en matière de compensation par l'État : de charges qui devraient être les siennes et qui n'ont été transmises que par commodité à la sécurité sociale - je pense en particulier à l'agence Santé publique France, dont le budget est passé de 150 millions d'euros à 4,8 milliards d'euros dès la première année d'un transfert que nous avions refusé ; et de pertes de recettes, qui résultent d'exonérations et de réductions décidées depuis deux ans à l'initiative du Gouvernement, et non compensées sur le fondement erroné d'un retour durable des comptes sociaux dans le vert. C'est également dans cet esprit que Corinne Imbert pourrait aborder la question du financement des investissements hospitaliers par la Cades, dont ce n'est pas le rôle, que prévoit l'article 27 de ce PLFSS... Mais un tel réajustement ne nous exonérerait pas de décisions difficiles à venir pour maîtriser à moyen terme l'évolution des dépenses des différentes branches. Pour illustrer ce propos, on peut observer que la dégradation de 22 milliards d'euros du solde de la sécurité sociale en 2023 de ce PLFSS par rapport à celui de l'année dernière s'explique pour un tiers par des recettes en moins, à cause des suites de la crise, mais pour deux tiers - 15 milliards - par des dépenses supplémentaires.
Les branches vieillesse et maladie, dont les déficits prévisionnels sont les plus lourds, seront les principales concernées, avec les conséquences financières du Ségur de la santé, et les retraites dont le déséquilibre s'accroît, mais qu'il faudra rétablir un jour en concertation avec les partenaires sociaux.
M. Jean-Noël Cardoux. - Je souscris aux propos du rapporteur général. Nous aurions pu rejeter l'ensemble du PLFSS en raison de sa trajectoire financière dangereuse, mais il n'y a pas de solution de substitution dans le contexte d'une crise que l'on ne maîtrise pas.
Si l'on veut faire des économies, il faut creuser la piste de cette « tuyauterie » incompréhensible que nous dénonçons depuis des années : ces charges que l'État transfère sur le budget de la sécurité sociale et ne rembourse jamais. Le chiffre de 5 milliards d'euros a été avancé...
Le coût de Santé publique France est scandaleux. Les agences sanitaires n'ont pas cessé de communiquer depuis des mois ; or, sur le terrain, après la pénurie de masques et de tests, voici celle des vaccins anti-grippe ! À cet égard, une conseillère du ministère de la santé, que j'interrogeais pour le compte de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de ma commune, m'a fait hier une réponse ahurissante : « Il semble qu'à la fin de la semaine la CNSA va lancer une enquête auprès des Ehpad pour déterminer les ruptures de stocks. »
Il faudrait donner un coup de balai dans ces agences qui ont montré leur incurie, mais sont pourtant au nombre de 1 200, pour un budget annuel phénoménal de 80 milliards d'euros. J'ai été nommé au Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFi-PS), qui m'envoie des documents incompréhensibles ; on dépense des sommes colossales pour ce genre d'actions !
Il faut, selon moi, remettre en cause la création du « cinquième risque » de la sécurité sociale, et surtout se pencher sur le déficit du régime de retraite en agissant sur les paramètres de l'âge de départ et de la durée de cotisation.
M. René-Paul Savary. - Ce PLFSS est ambigu puisqu'il n'a été tenu compte ni de la deuxième vague de l'épidémie ni des annonces faites, qui n'ont pas été répercutées, ni du manque de recettes lié, notamment, à la fermeture des petits commerces. On peut donc s'interroger sur la sincérité de ce texte. Dans une telle période de crise, des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) sont nécessaires, et le Parlement doit être associé aux discussions si l'on veut que les Français comprennent ce dont il retourne.
Il faut prendre dès à présent des mesures de compensation, portant notamment sur le régime de retraite, pour obtenir des résultats dans quelques années. Je proposerai donc un amendement visant à relancer la conférence sur le financement et l'équilibre des retraites.
Vous avez formulé beaucoup de critiques, monsieur le rapporteur général, pour émettre finalement un avis favorable sur ce PLFSS. On pourrait suivre une autre logique : critiquer moins et donner un avis défavorable.
M. Bernard Jomier. - Le contexte étant chaotique, j'emploierai non pas le terme d'insincérité, mais celui de désordre puisqu'il faut rectifier en permanence les tableaux d'équilibre, ce qui a d'ailleurs eu lieu lors de la discussion à l'Assemblée nationale via des amendements du Gouvernement. D'autres mesures traduisent, en revanche, une préparation brouillonne, les besoins de financement de notre système de soins n'ayant pas été suffisamment pris en compte. Le retard dans l'application du Ségur a empêché un mouvement de retour ou de maintien de certains professionnels de santé dans le secteur hospitalier.
Pour ce qui concerne la compensation, le projet de loi est flou. Le rapporteur général tente d'y apporter une réponse, qui ne sera peut-être pas suffisante, par voie d'amendement, et je lui en donne acte.
La création de la cinquième branche de la sécurité sociale, que mon groupe a approuvée, est sous-financée. Nous pourrions, dans le cadre de ce PLFSS, améliorer les perspectives de financement de ce risque, même si nous n'en connaissons pas le cadre exact faute d'un projet de loi sur le grand âge et l'autonomie.
Le transfert de Santé publique France sur le budget de l'assurance maladie est un non-sens absolu. Le financement de cette agence n'a rien à faire dans le PLFSS.
M. Olivier Henno. - Je félicite le rapporteur général pour sa clarté. Je note que le déficit de 20 milliards d'euros, durable jusqu'en 2024, est à la fois conjoncturel et structurel.
Avant la crise du Covid, les Français avaient une confiance absolue dans leur modèle social, qui apparaît désormais moins solide. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réforme profonde et globale de ce système, car un tel déficit est intenable pour les générations futures. Si nous ne parvenons pas à juguler le déséquilibre des comptes sociaux, nous serons confrontés à une fracture générationnelle.
Mme Laurence Cohen. - Ce nouveau confinement est un aveu d'échec et de non-anticipation. Nous sommes confinés parce que nos capacités hospitalières atteignent leurs limites. Or j'entends dire qu'il faudrait revenir à l'équilibre et faire des économies sur le dos de notre protection sociale... Non, la pandémie n'a pas montré la fragilité de notre modèle social ! La sécurité sociale a au contraire joué ce qui, selon nous, est son rôle, en particulier en prenant en charge intégralement les tests et la télémédecine.
Ce PLFSS, en effet extraordinaire, fait peser sur la sécurité sociale toutes les dépenses liées au covid. L'Ondam, « hors Ségur » et « hors covid », est bas, en deçà de 4,5 % ! Il nous faut construire, alors que nous entrons dans une ère de pandémies, un système de santé à la hauteur de ces défis. Nous présenterons des amendements de suppression de certains articles et des propositions alternatives, car il est possible de financer différemment notre modèle social.
M. Alain Milon. - Je regrette que le rapporteur général ne soit pas plus sévère. Ce PLFSS est pour moi une énorme déception. Je rejoins Olivier Henno et Laurence Cohen : hors covid et hors Ségur, le niveau de l'Ondam est inférieur à ce que promettait Mme Buzyn, soit 1,3 %, et scandaleusement bas pour les hôpitaux. Bernard Jomier l'a dit, ce texte est mal construit, brouillon, comme si le Gouvernement avait perdu le contrôle...
J'aurais souhaité que ce projet de loi prévoie une réforme complète de l'assurance maladie au niveau tant des recettes que des dépenses. Après tout, nous avons bien créé la cinquième branche dans un texte relatif à la Cades en juillet dernier... Je ne voterai pas ce PLFSS.
Mme Laurence Cohen. - Je vous soutiens.
Mme Catherine Deroche, présidente. - La situation étant différente de celle de l'an passé, on ne peut pas parler d'insincérité, même si ce projet de budget fluctue au fil des annonces et de la crise. M. Dussopt nous a d'ailleurs annoncé de nouvelles modifications quant aux pertes de recettes et à l'augmentation des dépenses.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Toutes ces remarques sont justes. J'ai insisté sur les grands déséquilibres, mais les branches familles et accidents du travail-maladies professionnelle (AT-MP) sont, quant à elles, presque à l'équilibre.
Sur Santé publique France, je rejoins Jean-Noël Cardoux. Je l'ai dit à M. Dussopt, la logique serait que l'État reprenne à sa charge ses dépenses, d'autant que les exonérations de charges liées au covid sont intégralement compensées. Pour ce qui concerne les agences sanitaires, peut-être faut-il donner un coup de balai, ou tout remettre à plat ; nous l'avons déjà fait sans en tirer suffisamment de conclusions, car il y a toujours une excuse pour ne rien changer.
Il est en revanche difficile de remettre à plat l'ensemble du système de santé, comme le souhaite Alain Milon, lors de l'examen du PLFSS. Mais il est vrai, j'en suis d'accord avec Laurence Cohen, qu'il faut revoir le financement de notre modèle social. En effet, les recettes provenant des cotisations sociales baissent tandis que les dépenses augmentent, et ce déséquilibre continuera à progresser si l'on n'agit pas. Je ne souhaite pas, en revanche, que l'on intègre toutes les dépenses dans le budget de l'État en prévoyant de financer uniquement par l'impôt. Nous avons intérêt à maintenir le périmètre des dépenses sociales pour pouvoir les maîtriser.
Je répondrai à René-Paul Savary que les prévisions du Gouvernement sont certes optimistes, mais pas insincères. Il y a beaucoup d'inconnues et la situation va encore évoluer.
Je suis préoccupé, comme Olivier Henno, par le déficit, dû pour une part à un manque de recettes et pour l'autre à des dépenses qu'il nous faut assumer. Une première tranche des besoins, notamment la revalorisation des salaires des personnels soignants, a été portée par le Ségur, mais nous ne sommes pas arrivés au bout...
Votre point de vue, madame Cohen, est très hospitalo-centré...
Mme Laurence Cohen. - Je me suis sans doute mal exprimée.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - En Allemagne, où les hôpitaux fonctionnent bien, ne sont pas débordés et accueillent mieux que chez nous, les dépenses de sécurité sociale, au sein desquelles l'hôpital ne représente que 28 %, sont à l'équilibre. Les médecins généralistes allemands prennent donc en charge une partie des actes qui, en France, sont faits à l'hôpital, lequel représente dans notre pays 37 % des dépenses. Nous devons donc mener une réflexion sur notre système de santé et c'est la tâche qui nous attend demain.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la branche vieillesse. - La crise sanitaire a nettement dégradé le solde de la branche vieillesse pour 2020. Le régime général serait ainsi en déficit de 7,8 milliards d'euros en 2020, contre 2,7 milliards attendus en LFSS pour 2020. Pour l'ensemble des régimes de base, ce déficit atteindrait 9,6 milliards d'euros contre 3,2 milliards prévus. Je rappelle que le régime obligatoire de base et le FSV représentent 251 milliards d'euros. Alors que les dépenses n'ont pas connu d'évolution résultant de la crise, c'est bien la contraction majeure des recettes, avec l'effondrement des cotisations, qui est la cause de ce déficit.
Je tiens à souligner que le déficit extrêmement important que nous constatons est cependant déjà minoré par rapport au déficit réel de cet exercice.
Du côté du FSV, les dépenses ont augmenté en raison de la hausse du nombre de chômeurs, et de la prise en compte nouvelle de droits pour les salariés placés en activité partielle. Le solde est dégradé de 1,8 milliard d'euros à 3,2 milliards. Cette situation financière dégradée de 2020 se prolongera malheureusement sur les exercices à venir. Le déficit de l'ensemble de la branche, tous régimes obligatoires et FSV compris, est ainsi projeté à 11,6 milliards d'euros en 2024.
Pour 2021, l'article 48 prévoit des objectifs de dépenses pour la branche vieillesse : à 251,9 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base ; à 144,7 milliards d'euros pour le régime général de la sécurité sociale. Après deux années de sous-revalorisation des pensions, le Gouvernement n'a pas choisi de prévoir de telles mesures dans ce PLFSS. Pour autant, l'inflation attendue à 0,4 % conduit de facto à une revalorisation très faible des pensions. Les dépenses pour 2021 sont ainsi en hausse modérée : 2 % pour l'ensemble des régimes obligatoires. Les soldes seraient respectivement de - 4,4 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base et - 7,3 milliards d'euros pour le seul régime général.
L'article 51 prévoit les charges du FSV pour 2021, qui devraient diminuer de 500 millions d'euros par rapport à 2020, du fait de la baisse prévue de la prise en charge de cotisations.
Je vous proposerai d'adopter ces deux articles relatifs aux dépenses pour 2021.
Si la crise sanitaire a brutalement dégradé la situation financière de la branche vieillesse, elle a également heurté de plein fouet la réforme des retraites. L'année 2020 s'annonçait comme l'année de cette réforme et nous avions mené, avec le rapporteur général, plus de 50 auditions pour préparer l'examen des deux textes, organique et ordinaire, au Sénat. L'épidémie que nous subissons depuis le mois de mars a cependant conduit le Gouvernement à suspendre la réforme ; le Sénat ne s'est donc pas prononcé à cet égard.
Cette réforme devait, je le rappelle, parvenir à une fusion des régimes obligatoires, de base et complémentaires, au sein d'un unique régime universel. Elle devait surtout garantir l'équilibre du futur système de retraite et, à cette fin, rétablir l'équilibre du système actuel d'ici à 2027.
Concernant les moyens de parvenir à cet équilibre, le Gouvernement avait d'abord proposé un « âge pivot » pour une pension au taux plein, remplaçant la durée d'assurance. Autour de cet âge aurait trouvé à s'appliquer un mécanisme de décote et de surcote. Compte tenu des mouvements sociaux, le Gouvernement avait choisi de « retirer » cet article au profit de la création d'une conférence de financement censée aboutir au mois d'avril. Le débat sur l'équilibre financier du système actuel était donc renvoyé à la seule nouvelle lecture... Cette conférence n'a pas pu achever ses travaux du fait du confinement et ne les a pas repris.
Alors que le Gouvernement a annoncé à la rentrée saisir les partenaires sociaux sur ce sujet, il a fait le choix de ne présenter dans ce PLFSS aucune mesure de redressement des comptes de la branche vieillesse.
Pourtant, si la crise occasionne un déficit conjoncturel jusqu'en 2024, une part du déficit est bien structurelle. Surtout, à l'horizon de 2030, si les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR) n'ont pas été actualisées depuis novembre 2019, l'impact de la crise économique ne peut laisser imaginer que le système de retraite soit en 2030 dans une meilleure situation que celle qui était anticipée l'an dernier. J'estime que nous devons avoir à l'égard de cette trajectoire une position responsable : cela signifie reconnaître qu'il faudra nécessairement prendre des mesures paramétriques, et que celles-ci ne doivent pas tarder, mais aussi constater que la crise économique ne permet pas de les envisager avant 2022.
Je vous propose donc d'adopter un amendement portant article additionnel avant l'article 48. Celui-ci prévoit la convocation d'une conférence de financement chargée de formuler des propositions visant au rétablissement de l'équilibre du système de retraite à l'horizon de 2030. Nous reprenons ici le modèle de celle qui est prévue par le Gouvernement dans le projet de loi de réforme des retraites. Si cette conférence aboutit, ce que je souhaite, le Gouvernement pourrait nous saisir d'un texte de réforme. En cas d'échec, les mesures paramétriques que nous proposerons seraient au moins appliquées.
L'article prévoit ainsi un report progressif de l'âge d'ouverture des droits - ou âge légal - à 63 ans. Cette progression se ferait à partir de 2022 pour les générations de 1962 à 1965. Dans le même temps, le dispositif de rallongement de la durée d'assurance pour accéder au taux plein prévu par la loi Touraine serait revu : je vous propose une accélération de ce dispositif sur un rythme d'un trimestre par an au lieu d'un trimestre tous les trois ans. La durée d'assurance serait ainsi portée à 172 trimestres, soit 43 ans, comme prévu en 2014, mais plus rapidement. Une convergence des régimes spéciaux est bien entendu prévue, dans des conditions qu'un décret en Conseil d'État devrait préciser pour une échéance fixée à 2030.
J'en viens aux autres dispositions relatives à l'assurance vieillesse.
L'article 47 bis vise à garantir la constitutionnalité d'un dispositif de la loi Pradié du 28 décembre 2019, introduit par le Sénat, qui prive du bénéfice de la pension de réversion le conjoint survivant ayant commis des violences conjugales. Si sa place au sein du PLFSS est discutable dans la mesure où il n'a qu'un impact indirect et très limité sur les comptes sociaux, cet article ne me pose aucune difficulté sur le fond et je vous propose une adoption conforme.
L'article 47 ter vise à codifier les dispositions relatives à la preuve de l'existence des résidents de l'étranger et de certaines collectivités ultramarines. Surtout, il ouvre une possibilité nouvelle : l'utilisation d'outils biométriques pour permettre au bénéficiaire de justifier de son existence. Je présenterai un amendement visant à préciser la rédaction de l'article, qui ne colle pas en l'état à la réalité opérationnelle du contrôle de la preuve de l'existence. Sous réserve de son adoption, je vous proposerai d'adopter cet article.
L'article 47 quater vise enfin à simplifier les démarches d'affiliation des proches aidants à l'assurance vieillesse des parents au foyer. Je vous propose également une adoption conforme.
Mme Monique Lubin. - Je suis d'accord avec les chiffres cités par René-Paul Savary, mais pas sur ce qu'il dit des recettes, car il est impossible aujourd'hui de tirer des conclusions. Il y a un an, la fourchette du déficit s'établissait entre 7 et 17 milliards d'euros, en fonction de ce que les uns et les autres souhaitaient pour le régime de retraite...
Si la situation perdure, ces chiffres perdront tout sens. Qui peut imaginer ce qui va nous tomber dessus ? Il faut donc laisser passer 2021, en espérant une amélioration à la fin de ladite année. Nous verrons alors comment faire pour résorber ce déficit non pas structurel, mais conjoncturel.
Je ne suis pas d'accord avec les propositions du rapporteur : en prenant des mesures paramétriques, nous plongerions instantanément certains Français dans une situation inextricable. Aujourd'hui, en effet, à peine la moitié d'entre eux travaillent encore lorsqu'ils arrivent à l'âge légal de départ à la retraite.
Mme Catherine Procaccia. - Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, je pense qu'il ne faut pas abandonner les réformes de fond. Cela étant, je voterai ses amendements. Il a notamment raison de proposer que la réforme Touraine s'applique un peu plus rapidement.
J'ai une question qui, je l'espère, n'est pas trop choquante : a-t-on mesuré les éventuels effets « positifs » de la surmortalité due à la covid-19 sur le financement de notre système de retraite ?
Mme Élisabeth Doineau. - Je suis très partagée sur la proposition de René-Paul Savary, d'autant qu'elle intervient dans un contexte où certains de nos concitoyens sont en grande difficulté. Aujourd'hui, quand on les interroge, les Français placent la santé et la sécurité au premier rang de leurs priorités. Le sujet des retraites est devenu un peu tabou et controversé, parce que les débats ont manifestement trop duré. D'une certaine façon, comme dit le prince Salina dans Le Guépard de Visconti, « tout doit changer pour que rien ne change » car, hélas, on n'est pas parvenu à rassembler nos concitoyens sur cette question de société. Avec de telles mesures, j'ai peur que l'on ne dresse une fois de plus les Français les uns contre les autres.
M. Daniel Chasseing. - La proposition du rapporteur est responsable, dans la mesure où les projections financières du COR étaient déjà inquiétantes avant la crise de la covid-19. D'après moi, l'accélération de la réforme Touraine n'aura pas des effets si dramatiques que cela pour nos concitoyens. Aussi, je voterai les amendements du rapporteur.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Mon groupe considère que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 s'inscrit dans un cadre libéral et qu'il en aurait fallu un autre. Je suis d'accord avec Mme Doineau : les Français ne sont pas prêts pour une telle réforme. Ils s'inquiètent d'abord de la crise sanitaire et sociale inédite que nous traversons. Pour examiner sereinement ce dossier des retraites, il faudrait de nouveau s'asseoir autour de la table, prendre le temps de discuter avec l'ensemble des partenaires sociaux et attendre que la crise s'estompe.
M. Alain Milon. - Je suis complètement solidaire de René-Paul Savary. Ses propositions existent en fait depuis très longtemps ; d'ailleurs, si elles avaient été retenues dans le passé, nous n'en serions peut-être pas là où nous en sommes et les déficits seraient probablement moins élevés.
Contrairement à nos collègues qui préconisent d'attendre, je considère que le rôle d'une femme ou d'un homme politique est de prévoir l'avenir. De ce point de vue, les propositions du rapporteur vont dans le bon sens.
Mme Frédérique Puissat. - Je m'inscris dans le droit fil des propos d'Alain Milon. S'il est vrai que la crise sanitaire pèse sur tous les Français aujourd'hui, on voit aussi que nos compatriotes ont le sentiment que les milliards coulent à flots et que les problèmes sont résolus presque immédiatement. Or, à un moment donné, il faut regarder la réalité en face : la situation financière de nos régimes de retraite est extrêmement fragile.
Les propositions du rapporteur sont sages, d'autant qu'elles n'ont pas d'effet immédiat pour un certain nombre de nos concitoyens. Je voterai donc les amendements du rapporteur par réalisme et esprit de responsabilité.
M. René-Paul Savary, rapporteur. - Je rappelle que, d'après les prévisions du COR, qui varient beaucoup selon les taux de croissance et de chômage retenus, le déficit des régimes d'assurance vieillesse atteindra 7 à 12 milliards d'euros. Ce déficit est structurel et nous oblige à prendre des mesures, sauf à reporter sur les générations futures le problème des pensions.
Sur quels leviers peut-on jouer pour revenir à l'équilibre du système ? Augmenter les cotisations aurait pour effet d'accroître le chômage. Baisser le niveau des pensions n'est pas non plus une bonne idée en ce moment, compte tenu des difficultés que rencontrent un certain nombre de seniors. Reste un troisième instrument, la durée d'activité : c'est en travaillant plus longtemps que l'on pourra améliorer les choses. N'oublions pas que la France est le seul pays où l'âge légal de départ à la retraite est de 62 ans.
On ne peut pas continuer à endetter nos enfants et nos petits-enfants. Le rapporteur général a parlé du transfert de 136 milliards d'euros à la Cades. C'est bien que nous ne sommes plus capables de financer notre modèle social ! Il faut que nous prenions nos responsabilités : dans une approche constructive, nous proposons que se tienne à nouveau, et dès que possible, une conférence de financement de la réforme.
Le système universel de retraite a été refusé par les partenaires sociaux et mal compris par la population. Il n'empêche qu'il faut le mettre sur pied et, préalablement, tâcher de tendre le plus rapidement possible vers l'équilibre budgétaire.
Pour répondre à Catherine Procaccia, la surmortalité liée à la covid-19, évaluée à 30 000 décès, est atténuée par d'autres facteurs, comme la baisse des accidents de la route, et la baisse des morts dues à la grippe. De plus, comme les personnes décédées à cause du coronavirus sont souvent des personnes âgées, l'impact financier de cette surmortalité sur les retraites est finalement relativement faible : 500 millions d'euros. En revanche, la crise a fortement accru les déficits : elle coûtera 20 milliards d'euros cette année en raison de la baisse d'activité et du chômage partiel.
Nos propositions constituent un moindre mal : alors que l'idéal aurait été de décaler de deux ans l'âge de départ à la retraite - le portant ainsi à 64 ans - et d'augmenter également de deux ans la durée d'assurance, nous proposons le report progressif de l'âge d'ouverture des droits à 63 ans et, d'autre part, une réforme Touraine accélérée, c'est-à-dire d'allonger d'une seule année - mais plus vite que prévu - la durée d'assurance pour atteindre le taux plein. Nos mesures sont donc plus douces que ce que l'on pourrait envisager. Elles ne sont en outre pas unilatérales, puisqu'elles seront évidemment à débattre au sein de la conférence de financement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Il est important de répéter que nous ne proposons pas une mesure législative : il s'agit d'une proposition en vue de la conférence de financement. En mars dernier, c'est bon signe, les partenaires sociaux semblaient déjà assez proches d'accepter une accélération des mesures Touraine. Il faut au plus vite tenter de rétablir l'équilibre financier de notre système des retraites.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je remercie également René-Paul Savary pour son travail : il a trouvé - me semble-t-il - le bon équilibre entre courage politique et pragmatisme, conformément à ce que souhaite la majorité sénatoriale sur le sujet.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour l'assurance maladie. - Nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale s'engagent dans un contexte exceptionnel pour l'assurance maladie, d'abord en raison de la crise sanitaire qui met sous une tension extrême l'ensemble de notre système de soins, et en premier lieu l'hôpital, révélant sa capacité de résilience, mais aussi ses fragilités.
En effet, l'an passé, avant de savoir que la covid-19 bouleverserait l'année 2020, nos inquiétudes portaient déjà sur un hôpital exsangue et les signaux d'épuisement des professionnels du soin ; le Ségur de la santé de juillet dernier prolonge le plan « Investir pour l'hôpital » du 20 novembre 2019 dans l'attente duquel le Sénat avait, entre autres raisons, je vous le rappelle, rejeté le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le contexte est exceptionnel, ensuite, par le degré d'incertitudes entourant les prévisions : l'Ondam pour 2021 a été construit sur l'hypothèse d'un « retour à la normale » que la force de la deuxième vague épidémique paraît déjà inévitablement battre en brèche. C'est d'ailleurs le sens de l'article 45 bis, introduit par l'Assemblée nationale, visant à suspendre la procédure d'alerte de l'Ondam en 2021, que je proposerai de circonscrire à l'impact de l'épidémie.
Ce contexte est exceptionnel, enfin, par le niveau d'engagement inédit en faveur du système de santé, qui a cependant pour corollaire de porter le déficit de la branche maladie à un niveau tout aussi inédit.
Quelques chiffres à ce propos.
L'Ondam pour 2020 a été substantiellement relevé : après la rallonge de 2,4 milliards d'euros votée par l'Assemblée nationale, celui-ci atteint 218,1 milliards d'euros, soit un écart de 12,5 milliards d'euros par rapport à l'objectif voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et une augmentation de 8,8 % entre 2019 et 2020.
Pour 2021, l'Ondam est fixé à 225,4 milliards d'euros et progresse de 2,7 % après un nouvel abondement de 800 millions d'euros, voté par l'Assemblée nationale pour tirer les conséquences de l'avancement de la deuxième tranche de revalorisation salariale des personnels des hôpitaux et des Ehpad. Ce montant intègre un investissement de plus de 8 milliards d'euros pour le Ségur de la santé, ainsi que 4,3 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles liées à la covid-19 pour la politique de tests, l'achat de masques, l'achat et la distribution de vaccins.
Ce montant pour 2021 tient compte également d'un élargissement du périmètre des sous-objectifs médico-sociaux de l'Ondam, traduction des hésitations du Gouvernement sur le périmètre de la nouvelle branche autonomie. Parallèlement, le déficit de la branche maladie, réévalué à 32,2 milliards d'euros pour 2020, frôlerait encore les 20 milliards d'euros en 2021, sans descendre sous la barre des 17 milliards d'euros jusqu'en 2024 d'après les prévisions du Gouvernement.
L'investissement dans le système de soins que traduit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, essentiellement ciblé sur l'hôpital, apporte une bouffée d'oxygène attendue. Mais, aujourd'hui, la soutenabilité de ces mesures - et à terme celle du financement de notre système collectif de prise en charge des soins - nous interpelle, comme nous aurons l'occasion de le souligner dans les débats.
À cet égard, les mesures figurant dans le volet assurance maladie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale laissent, en dépit de quelques avancées intéressantes, bon nombre d'interrogations en suspens ; souvent, elles nous laissent sur notre faim, révélant une préparation précipitée ; d'autres y trouvent une place discutable.
Sans évoquer toutes ces mesures, complétées par l'Assemblée nationale, et sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir dans l'examen des articles, je relèverai quelques points saillants.
Un premier ensemble de mesures concerne l'hôpital.
Trois premiers articles concernent la traduction du Ségur de la santé.
Sur les carrières, l'article 25 prévoit une revalorisation des personnels non médicaux - notamment les infirmiers et aides-soignants - des établissements publics de santé et des Ehpad. Il s'agit de permettre l'augmentation promise de 183 euros nets mensuels, réalisée en deux tranches, au 1er septembre 2020 et au 1er décembre 2020. Un complément de pension est prévu pour les futurs départs à la retraite de personnes éligibles à ces revalorisations.
L'article 26 transforme l'actuel fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés en un nouveau fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS). Celui-ci se veut plus transversal et ferait une meilleure place au médico-social.
J'émets toutefois plusieurs réserves importantes sur cet article : d'une part, la trajectoire financière du nouveau FMIS me paraît très incertaine, le Gouvernement la faisant reposer sur les crédits du plan de relance européen ; d'autre part, la ventilation des enveloppes semble reproduire une stricte séparation du sanitaire et du médico-social. Je vous proposerai néanmoins d'adopter cet article, en y faisant figurer le rôle du Conseil national de l'investissement en santé (CNIS), qui sera créé en 2021, afin d'y prévoir la présence d'élus locaux.
Dernier engagement du Ségur, même si en réalité, c'est une promesse de 2019, la reprise de la dette hospitalière est organisée à l'article 27. En cohérence avec les positions exprimées par la commission cet été encore à l'occasion de l'examen de la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, je vous proposerai de supprimer cet article.
En effet, le Gouvernement s'obstine à vouloir faire porter par la Cades, à travers la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), la reprise de la dette des hôpitaux, qui est essentiellement le fait des plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 », et qui doit revenir à l'État. Surtout, la modification adoptée sur l'initiative du Gouvernement efface de manière préoccupante le lien entre les dotations prévues aux hôpitaux et les encours de dette qu'ils détiennent pour privilégier la notion d'investissement. La Cades deviendrait alors presque un fonds d'investissement, sans que la dette ne baisse nécessairement.
Sur le volet du financement des établissements de santé, l'article 28 reporte la mise en oeuvre de diverses réformes dans le contexte sanitaire, sans répondre pour autant à toutes les interrogations des fédérations hospitalières concernant d'autres réformes en cours. Il introduit en outre un « forfait patient urgences », plus lisible et qui se veut plus équitable que l'actuel ticket modérateur ; cependant, cette réforme avant tout technique n'est pas une réponse structurelle au problème d'accès aux soins non programmés.
Si je partage l'objectif de diversification des financements hospitaliers, l'article 29 concernant les activités de médecine illustre, selon moi, la préparation précipitée que je soulignais, en se superposant à d'autres dispositifs, et avec des contours et un impact à ce stade mal cernés. Je vous proposerai d'y revenir partiellement.
Dans la périphérie de l'hôpital, la pérennisation des maisons de naissance et des hôtels hospitaliers à l'issue de la phase expérimentale est une évolution positive sur le fond, mais je regrette que sa traduction dans la loi, a fortiori dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, précède là encore la réflexion sur le financement pérenne de ces structures.
Concernant les soins de ville, le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient très peu de mesures structurantes, alors que la crise actuelle montre l'importance cruciale de la prévention et de la coordination des parcours en amont de l'hôpital.
Le prolongement d'un an de la prise en charge à 100 % de la téléconsultation, prévue à l'article 32 pour répondre à des obstacles techniques, ne me semble pas entrer dans cette catégorie. Tout en voyant bien l'intérêt de cet outil complémentaire, je vous proposerai de circonscrire la portée de la dérogation, selon un impératif de qualité des prises en charge qui doit, selon moi, primer.
Si la création d'un régime d'indemnités journalières pour les libéraux (article 34 quater) va globalement dans le bon sens, le report à l'article 33 de la convention médicale à la fin mars 2023 constitue un point de tension avec les professionnels libéraux. Même si la discussion d'avenants reste possible, cette disposition reporte des discussions essentielles pour améliorer les prises en charge. Je vous proposerai un calendrier mieux ajusté à celui des élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS), qui servent de justification à ce report.
Je vous proposerai en outre de revenir sur plusieurs mesures introduites par l'Assemblée nationale, qui viennent soit se superposer à d'autres dispositifs sans cohérence globale, comme la création de nouvelles expérimentations de portée et d'ambition très réduites, soit se superposer à des textes en cours de navette, comme les dispositions concernant l'interruption volontaire de grossesse (IVG), reprises d'une proposition de loi transmise au Sénat.
Sur le volet du médicament, l'article 38 engage une réforme globalement bien accueillie par les professionnels du secteur.
Comme l'avait souligné un rapport de notre commission, ce n'est malheureusement pas la première fois qu'un projet de loi de financement de la sécurité sociale modifie par touches le régime de l'accès dérogatoire aux médicaments, au point de menacer l'attractivité et la stabilité du modèle français. Pour autant, cette réforme systémique, qui réorganise les régimes juridiques de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) et de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) autour de deux circuits d'accès précoce et compassionnel, se présente comme une table rase nécessaire et opportune.
Certains problèmes d'applicabilité ont néanmoins été soulevés par les acteurs du médicament, qui dénotent le caractère encore inabouti de la réforme. Je vous proposerai à cet égard quelques amendements.
Enfin, la présentation de certaines mesures concernant l'accès aux droits comme des simplifications est souvent discutable : je vous proposerai pour cette raison de revenir sur le transfert à la CNAM de l'allocation supplémentaire d'invalidité prévue à l'article 37. En outre, sans remettre en question la suppression du fonds de la complémentaire santé solidaire, figurant à l'article 40, il me semble utile d'en encadrer les modalités pour préserver sa dimension essentielle de suivi et d'expertise en matière d'accès aux soins des plus précaires.
Telles sont mes principales observations sur la branche maladie et les dispositions éparses qui la concernent. Sous réserve des amendements que je présenterai, je vous propose d'adopter le volet assurance maladie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Bernard Jomier. - Sur ce volet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un rendez-vous manqué. Les deux derniers projets de loi de financement, ainsi que la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé comportaient un certain nombre de pistes visant à faire évoluer les pratiques et la coopération entre les différents acteurs du système de santé, en application du plan Ma santé 2022.
Le présent projet de loi de financement était l'occasion de poursuivre ce travail et de la traduire en dispositifs concrets. Hélas, cette partie du texte est très faible, probablement par impréparation. On n'y décèle aucune volonté d'adapter notre système de santé, notamment pour tirer les enseignements de la crise sanitaire que nous vivons.
Avant cette crise, nous attirions déjà l'attention sur les grandes difficultés de l'hôpital. Or les mesures proposées sont insuffisantes.
De même, le texte prévoit des dotations pour les soins de ville qui sont extrêmement faibles. On n'y trouve pas non plus la traduction concrète des multiples expérimentations lancées. Je pense à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 : où en est-on de son évaluation et de sa mise en application ? C'est le silence absolu ! Concernant la médecine de ville, le Gouvernement propose enfin de reporter de deux ans l'échéance de la négociation de la convention médicale.
La crise a démontré la nécessité de mieux financer les aides à domicile. Là encore, la réponse n'est pas satisfaisante. En fait, le Gouvernement ne tient pas ses promesses en matière d'évolution du système, qui devrait pourtant tendre vers un décloisonnement des soins et une meilleure coopération entre les différents acteurs. C'est très regrettable.
Par ailleurs, on aborde encore une fois la question des urgences sous l'angle d'une simple mesure financière, qui plus est injuste. C'est la deuxième mesure budgétaire proposée, après celle du forfait de réorientation des urgences vers la ville - que nous avons rejeté et qui n'est d'ailleurs toujours pas entré en application -, sans qu'aucune mesure d'ordre organisationnel et structurel ne soit proposée en amont. On ne peut pas continuer ainsi.
Pour finir, l'article 42 sur l'isolement et la contention est essentiel et méritera des échanges approfondis en séance.
Mme Florence Lassarade. - La médecine libérale, secteur pourtant primordial en cette période de crise sanitaire, est actuellement totalement méprisée. Le report de la nouvelle convention médicale en est l'illustration. Les médecins libéraux se sentent délaissés : comment attirer de jeunes médecins, alors que leur métier et les actes médicaux sont aujourd'hui sous-valorisés ? Après l'hôpital, la médecine libérale mériterait plus d'attention et une revalorisation salariale.
M. Olivier Henno. - Je tiens à féliciter la rapporteure pour son travail.
Aujourd'hui, on prend conscience de manière plus aiguë que notre système de santé et notre modèle social sont beaucoup plus fragiles que ce que l'on pensait. Je retiens le chiffre de 17 milliards d'euros de déficit pour la branche assurance maladie en 2024.
On fait preuve de responsabilité en adoptant un certain nombre d'articles. Cela étant, il faut aussi mettre en lumière tout ce que ce texte comporte d'inacceptable. À cet égard, la transformation de la Cades en fonds d'investissement est inadmissible.
Chacun des rapporteurs a certes choisi de proposer l'adoption des mesures qu'il est nécessaire de prendre dans l'urgence pour faire face à la crise de la covid-19, mais aussi d'interroger le Gouvernement sur les insuffisances de ce texte, notamment concernant la dette. On ne pourra pas incessamment repousser la remise à plat de notre système de santé : l'heure a sonné !
M. Alain Milon. - Il est difficile pour notre rapporteure de présenter un volet assurance maladie aussi modeste et subi que celui-ci. Je lui souhaite bien du courage pour essayer de modifier, un tant soit peu, un texte sans aucune ambition. On aurait dû, à la suite de la crise sanitaire, en profiter pour modifier profondément notre système de santé, le renforcer et faire en sorte que notre protection sociale soit véritablement la meilleure du monde.
J'ai le sentiment que la branche maladie est l'expression, même si c'est peut-être involontaire, d'un mépris pour le personnel médical dans son entier.
Mme Laurence Cohen. - Je me réjouis des propos d'Alain Milon et tiens à mon tour à remercier la rapporteure pour les critiques qu'elle a formulées sur ce texte.
Notre groupe est favorable à une complémentarité entre l'hôpital et la médecine de ville. La crise repose aujourd'hui avant tout sur l'hôpital, et pour cause : la médecine de ville a, elle aussi, été profondément mise à mal. Ce projet de loi n'apporte aucune réponse de ce point de vue. Sur la politique du médicament, il est également tout à fait insatisfaisant : notre groupe défend, quant à lui, l'idée d'un pôle public du médicament et de la recherche, afin de répondre, au moins en partie, à la pénurie que nous avons connue au début de la crise.
Bien entendu, nous ne voterons pas ce texte.
M. Daniel Chasseing. - J'aurai un peu plus d'indulgence pour l'exécutif que certains de nos collègues : il n'est pas évident d'élaborer un projet de loi de financement de la sécurité sociale dans ces conditions. J'ajoute que c'est une bonne chose d'avoir accordé des revalorisations salariales, car elles étaient attendues depuis longtemps.
Autre point, ce n'est certes pas le rôle de la Cades de reprendre la dette hospitalière, mais je rappelle que, si nous n'avions pas voté un Ondam à 2 % en 2012 et en 2017, les hôpitaux ne se seraient pas autant endettés...
Les mesures nouvelles concernant les hôtels hospitaliers ou les maisons de naissance sont positives. La complémentarité entre soins de ville et hôpital est effectivement nécessaire, mais le plan Ma santé 2022, que nous avons tous voté, ne portera hélas ses fruits que dans dix ans. D'après moi, enfin, le forfait urgences ne produira ses effets qu'une fois la médecine de ville réorganisée de sorte à juguler les flux de patients aux urgences.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est en effet un rendez-vous manqué : il manque d'ambition et oublie la médecine de ville, sans compter que les mesures budgétaires prévues ne règlent pas les problèmes en amont, à l'image du forfait urgences, qui ne résout pas le problème des soins non programmés.
Je partage les propos de notre collègue Florence Lassarade : la médecine libérale est en effet complètement méprisée. Je proposerai, par voie d'amendement, d'avancer d'une année les négociations de la convention médicale, afin que celle-ci soit signée avant le mois de mars 2022.
L'article 42 est effectivement fondamental pour les établissements. Même s'il est hors champ de la sécurité sociale, je vous invite à l'adopter conforme.
Olivier Henno a raison de dire que nous agissons en responsabilité : la situation nous contraint à vous proposer d'adopter le volet assurance maladie de ce texte, modifié par nos amendements, mais cela ne revient pas à signer un chèque en blanc au Gouvernement. Ce texte est sans aucune ambition, et nous est présenté dans la précipitation ; de plus, il prévoit des mesures de bon sentiment, dont nous ne savons pas si elles sont réellement financées. Quant à la transformation de la Cades en fonds d'investissement, c'est en effet inacceptable.
Je remercie Alain Milon pour ces propos encourageants et rejoins Laurence Cohen sur le fait qu'il n'y a pas grand-chose dans ce texte sur la politique du médicament, si ce n'est que l'effort demandé au secteur est un peu moins important que les autres années.
En réponse à Bernard Jomier, la loi prévoit bien une évaluation annuelle de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, mais aucune conclusion n'a été tirée à ce stade.
Dernier point, la revalorisation des salaires est une avancée pour le personnel non médical, mais elle a été consentie sans contrepartie, ce qui aura des effets sur le long terme.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous débattons aujourd'hui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je redoute que les négociations du Ségur de la santé ne débouchent finalement pas sur un texte spécifique et ambitieux, qui permette de revenir sur les dysfonctionnements constatés pendant la crise. Il faut pousser le Gouvernement à réformer le système de santé, au-delà de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale construit à la va-vite.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles. - Après sept années d'excédents, le solde de la branche accidents du travail-maladies professionnelles se dégrade brutalement en 2020 sous l'effet de la crise sanitaire, tout en restant à un niveau enviable en comparaison d'autres branches. La branche AT-MP serait ainsi déficitaire, pour la première fois depuis 2012, de 239 millions d'euros, essentiellement du fait de l'effondrement des recettes. Pour mémoire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait un excédent de 1,4 milliard d'euros pour cette année.
Les excédents seront toutefois de retour dès l'an prochain, et les capitaux propres de la branche devraient tout de même se porter à 3,9 milliards d'euros fin 2021. La « cagnotte » de la branche ne s'est donc que légèrement érodée.
La crise sanitaire a eu peu d'effet sur les dépenses. En matière de prévention, il convient de mentionner le versement en 2020 d'une subvention « Prévention covid » aux TPE-PME, à hauteur de 50 millions d'euros au total.
Le dispositif de reconnaissance en maladie professionnelle et d'indemnisation des pathologies liées à la covid-19, aura, pour sa part, un impact très limité en dépenses. Ainsi, le coût du dispositif de reconnaissance automatique pour les personnels soignants ayant développé une affection respiratoire aiguë est estimé entre 10 et 15 millions d'euros par an au régime général.
Dans ce contexte, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est neutre pour la branche et ne contient aucune réforme modifiant son équilibre, que ce soit en recettes ou en dépenses. Ainsi, malgré un accident en 2020 que j'espère passager malgré le regain de l'épidémie, le calibrage des recettes de la branche AT-MP reste déconnecté à long terme de ses besoins de financement. Le ratio d'adéquation des recettes aux dépenses pour la branche serait en hausse de six points en 2021 pour s'établir à 104 %. Il atteindrait 113 % en 2024 en l'absence de mesure nouvelle.
Cela signifie que les prestations fournies par la branche ne sont structurellement pas au niveau de la contribution demandée aux employeurs.
Il paraît possible, dans ces conditions, d'envisager d'augmenter les dépenses de prévention - notamment à travers des aides et des incitations financières à destination des entreprises -, et de poursuivre dès que possible l'ajustement à la baisse des cotisations, en cohérence avec la tendance à la baisse de la sinistralité.
La branche AT-MP fait par ailleurs l'objet de transferts au bénéfice de fonds d'indemnisation, notamment pour les victimes de l'amiante, mais aussi à destination des branches maladie et vieillesse, qui représentent au total un poids important.
Le poids de ces transferts dans les dépenses de la branche continue de diminuer, globalement, de 2 % en 2020, ce que nous pouvons relever avec satisfaction. Mais cette baisse est essentiellement le résultat de la décrue des départs anticipés en retraite au titre de l'amiante. La dotation au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) a ainsi diminué de plus de 20 % en 2020, en lien avec la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires.
En 2021, le montant de cette dotation augmentera en revanche de 414 à 468 millions d'euros afin de ramener le résultat cumulé du fonds à l'équilibre, après le résultat déficitaire de 62 millions d'euros qui serait enregistré en 2020.
Le montant de la dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) baissera quant à lui de 260 millions à 220 millions d'euros. Cela n'est pas dû à une chute des demandes d'indemnisation - l'activité du fonds n'ayant que temporairement chuté pendant la période de confinement -, mais à une volonté de ramener le fonds de roulement du FIVA à un niveau prudentiel, jugé suffisant, correspondant à deux mois de dépenses d'indemnisation.
Le transfert à la branche vieillesse au titre du compte professionnel de prévention (C2P) augmentera, lui, d'un tiers en 2021 pour atteindre 111 millions d'euros, ce qui témoigne de la montée en charge du dispositif.
Le principal transfert pesant sur la branche AT-MP reste néanmoins constitué par le milliard d'euros reversé à la branche maladie du régime général au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles.
Tous les trois ans, un rapport évalue le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des AT-MP. L'estimation fournie sous la forme d'une fourchette par cette commission justifie la fixation du versement annuel à l'assurance maladie.
Or, l'article 46 du PLFSS propose le report à 2021 de la transmission du rapport qui était attendu au premier semestre 2020, au motif que la commission n'a pas pu mener à bien ses travaux en raison de la crise sanitaire : toute excuse est bonne à prendre ! Ainsi, pour la septième année consécutive, ce montant reste inchangé et se situe aux alentours du milieu de la fourchette de 800 millions à 1,5 milliard d'euros qui a été proposée par la commission de 2017. Pourtant, de nombreuses actions ont été menées par les deux branches maladie et AT-MP en matière de lutte contre la sous-déclaration, et plusieurs des recommandations du rapport de 2017 ont été mises en oeuvre ou sont en passe de l'être.
Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé laisse entendre qu'aucun progrès n'a été accompli sur cette question, ce qui est faux. Depuis la mise en place du transfert en 1997, celui-ci n'a jamais diminué. Tout porte à croire que ce versement, dont le montant est pris en compte dans la détermination des éléments de calcul de la cotisation AT-MP, sert principalement à contribuer au rééquilibrage d'une branche maladie dont le déficit est désormais vertigineux. Or la cotisation AT-MP est censée responsabiliser les employeurs sur leur sinistralité, et non pallier les difficultés d'autres branches.
Ce montant interroge d'autant plus que la branche est déficitaire cette année. Je vous proposerai donc un amendement tendant à minorer le montant du versement pour 2021 à la branche maladie à hauteur du déficit de 2020 de la branche AT-MP.
En matière de déclaration et de reconnaissance des AT-MP comme sur le plan de la prévention, une réforme ambitieuse de la santé au travail est une voie d'amélioration qui me semble prioritaire. L'expérimentation prévue à l'article 34 donne une piste en ce sens en prévoyant des transferts de compétences aux infirmiers dans des services de santé au travail relevant de la mutualité sociale agricole.
Je dirai enfin un mot du Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) créé par la LFSS pour 2020. Nous avions salué cette initiative, tout en regrettant que le dispositif ne soit pas plus ambitieux. Un an plus tard, on ne peut que déplorer que le décret d'application n'ait toujours pas été publié - il devrait l'être prochainement. Sur ces entrefaites, 160 demandes de reconnaissance de maladie professionnelle ont été déposées sur la base de cette disposition, dont 80 % formées par des non-salariés agricoles.
Sous ces réserves, je vous invite à vous prononcer en faveur de l'objectif de dépenses de la branche, fixé à 14,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base pour 2021.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je salue votre travail sur ce serpent de mer qu'est la sous-déclaration.
Mme Corinne Féret. - Je salue la qualité du rapport de Mme Gruny, et souhaite m'associer à un certain nombre de ses propos. Je voudrais insister sur la reconnaissance automatique, pour les soignants, de la covid comme maladie professionnelle. Le montant estimé des dépenses correspondantes est relativement faible au regard du budget social global. Cette mesure doit s'étendre à d'autres victimes, comme les salariés qui étaient contraints de travailler en période de confinement. Mme Jasmin avait d'ailleurs préparé une proposition de loi pour la création d'un fonds d'indemnisation de ces victimes de la covid.
Sur la prévention, vous appelez à un effort supplémentaire. Je vous soutiens, car de nouveaux risques se développent, comme le burn out, dont nous avions déjà parlé l'an dernier, ou d'autres pathologies qui pourraient découler du recours accentué au télétravail.
Je soutiens la démarche tendant à proposer un amendement sur le transfert du milliard d'euros concernant la sous-déclaration. Il faut revoir ce montant à la baisse, pour qu'on ne considère pas que ce soit un transfert automatique forfaitaire, qui ne tient pas compte des énormes efforts qui ont été faits dans ce domaine.
Enfin, un an après la création, dans le dernier PLFSS, du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, je déplore avec vous que le décret ne soit toujours pas publié, alors que des dossiers sont en attente, qu'il y a une vraie demande, un vrai besoin. Nous serons un certain nombre à intervenir sur ces questions.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - La reconnaissance de la covid comme maladie professionnelle est automatique pour les soignants. Il existe par ailleurs une voie complémentaire simplifiée pour les travailleurs non soignants qui pourraient avoir été victimes aussi de la covid, avec une commission ad hoc.
Sur les risques psychosociaux, les employeurs ont fait beaucoup d'efforts. Néanmoins, ces risques s'aggravent. Il est vrai qu'il est assez difficile pour les employeurs de trouver les bonnes mesures. Il faut un accompagnement par des médecins du travail et des équipes pluridisciplinaires. Les troubles musculo-squelettiques sont aussi en augmentation.
Oui, il est regrettable que le décret sur le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides ne soit pas paru, puisque nous étions d'accord.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille. - À l'image des comptes de la sécurité sociale, la situation financière de la branche famille s'est profondément dégradée en 2020 puisqu'elle afficherait, sous l'effet de la crise sanitaire, un déficit de 3,3 milliards d'euros.
Cette situation s'explique principalement par une baisse significative des recettes, en particulier du produit des cotisations sociales affectées à la branche, du fait de la contraction de l'activité économique.
S'agissant des dépenses, des mesures exceptionnelles sont intervenues dans le périmètre de la branche famille pour atténuer les effets de la crise, et il faut saluer ces dispositifs qui ont aidé les familles et les acteurs du secteur de la petite enfance. Citons, s'agissant des prestations légales, la revalorisation exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire, intervenue cet été, qui a représenté une dépense supplémentaire de 500 millions d'euros. Dans le champ de l'action sociale, je tiens à souligner la mobilisation de beaucoup de caisses d'allocations familiales (CAF) qui, par leurs aides exceptionnelles, ont activement soutenu les structures d'accueil du jeune enfant, et plus encore : certaines ont octroyé des aides exceptionnelles pour l'habitat des jeunes ou l'accompagnement des familles.
Ces dépenses exceptionnelles ont été partiellement compensées, au sein de la branche, par une baisse des prestations d'accueil du jeune enfant, grâce à la diminution du recours aux gardes d'enfant pendant le premier confinement. Mais, comme l'ont souligné devant nous les associations, le télétravail, ce n'est pas garder les enfants !
Les projections émises par le Gouvernement dans ce PLFSS nous indiquent que l'année 2021 serait toutefois bien plus favorable pour la branche famille, qui afficherait un solde de 1,1 milliard d'euros, à la faveur de la reprise économique. Bien que favorable, cette perspective est plus qu'incertaine au regard de la situation sanitaire actuelle, qui se dégrade, et de ses conséquences futures en matière économique et sociale. Puis, il y a un vrai manque d'ambition pour la branche famille, qui explique ce solde positif.
Cette année encore, la branche famille fait l'objet de peu de mesures en dépenses dans le PLFSS : manque d'ambition ! Bien que relativement limitées, ces dispositions me semblent aller dans le bon sens et je vous proposerai de les adopter.
La principale mesure qui nous est proposée concerne le congé paternité, dont on a beaucoup parlé dans les médias il y a quelques semaines et qui est, d'une part, allongé de 14 à 28 jours, et d'autre part, rendu obligatoire pour sept jours consécutifs. Plus précisément, les trois jours du congé de naissance, qui sont des autorisations d'absence à la charge de l'employeur, deviendraient obligatoires ainsi que quatre des vingt-cinq jours du congé paternité qui sera, lui, financé par la sécurité sociale. Les autres jours restants pourront ensuite être pris de manière facultative, les délais et les possibilités de fractionnement devant être précisés par décret.
Je salue cette mesure, qui permettra d'offrir au jeune enfant de meilleures conditions de développement lors de ses premiers jours, et de renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle est le résultat des conclusions du comité d'experts sur les 1 000 premiers jours de l'enfant, présidé par Boris Cyrulnik. Nous avons eu avec l'un des membres de ce comité, le docteur Dugravier, des échanges passionnants, et je vous encourage à lire le rapport, qui a souligné, en se basant sur de nombreuses études scientifiques, l'importance de la relation et de la proximité entre parents et enfants sur la santé et le développement des jeunes enfants.
La mesure proposée dans le PLFSS ne va pas aussi loin que la proposition du comité, qui était d'allonger le congé paternité à neuf semaines. Elle me semble néanmoins avoir trouvé un bon équilibre. Sa durée et sa part obligatoire permettront d'offrir plus de temps aux parents pour s'occuper de leur enfant, en assurant un recours plus effectif à cette prestation, tout en laissant la liberté au second parent de prendre ou non la grande majorité des jours de congé. Cet équilibre permettra, d'un autre côté, de ne pas déstabiliser les entreprises par des absences obligatoires trop longues de leurs salariés.
Je regrette néanmoins que ce PLFSS ne soit pas l'occasion de revoir plus largement l'ensemble des congés parentaux, pour lesquels beaucoup d'améliorations restent à faire. C'est d'ailleurs le sens des conclusions du comité sur les 1 000 jours. Je rappelle que le recours au congé parental, dans le cadre duquel la prestation partagée d'éducation de l'enfant est versée, chute d'année en année, faute d'une revalorisation significative.
Je m'arrêterai également sur la mesure introduite par nos collègues députés, qui permettra de verser de nouveau la prime à la naissance avant la naissance de l'enfant, ce que nous attendions depuis longtemps ! Nous en avons beaucoup débattu, avec Mme Rossignol, et je m'étais vigoureusement opposée à cette prise de guerre budgétaire.
Je rappelle que le Gouvernement avait décidé par décret, fin 2014, de décaler ce versement après la naissance de l'enfant, ce qui était à la fois contraire à la loi, qui dispose que la prime est versée avant la naissance, et à l'objectif de cette prime, qui est d'aider financièrement les parents à préparer l'arrivée de l'enfant.
L'avancement du versement de la prime dans la loi a pu être introduit par les députés grâce à l'adoption préalable, en juin dernier, de la proposition de loi de Gilles Lurton, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Je regrette toutefois que cette mesure n'intervienne qu'à présent, alors que le Gouvernement aurait très bien pu prendre cette mesure par décret pour revenir à la situation antérieure à 2015 ! C'est, au final, beaucoup de temps perdu, au détriment des familles modestes, qui comptent sur cette prime pour les acquisitions et aménagements nécessaires à l'arrivée de l'enfant dans de bonnes conditions.
Je vous proposerai également d'adopter les autres mesures qui portent sur des ajustements techniques concernant l'intermédiation financière pour les pensions alimentaires, une habilitation à prendre des ordonnances pour adapter le droit social à Mayotte et l'objectif de dépenses de la branche, et qui ne soulèvent pas, selon moi, de difficultés de fond.
Au total, je vous invite donc à soutenir les quelques avancées pour les familles qui nous sont proposées cette année, tout en regrettant, une nouvelle fois, l'absence d'ambition en matière de politique familiale. Les dirigeants de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) nous l'ont dit : les objectifs de création de places en crèches ne seront pas tenus - comme nous le savions bien. Malgré les aides des CAF, les collectivités ont des difficultés à s'engager pour financer des investissements en faveur des crèches. Du côté des familles, la crise sanitaire a aggravé les situations de précarité. Ces facteurs ne contribuent pas à favoriser la natalité et je rappelle que le nombre de naissances, qui s'est élevé à 758 000 en 2018, a baissé de 8,5 % en dix ans.
Il conviendrait donc de se doter d'une véritable politique familiale ambitieuse, qui renouerait avec sa vocation universelle, en ayant en tête que miser sur les générations futures est un investissement pour l'avenir et la garantie de la soutenabilité de notre modèle social.
M. Philippe Mouiller. - Sur le congé de paternité, je ne remets pas en cause le principe général ni les arguments que vous avez formulés, mais j'aimerais savoir s'il y a eu une étude d'impact, notamment sur le coût pour les employeurs. Certes, la prise en charge est faite par la sécurité sociale, mais avec des plafonds, je suppose, comme pour le congé maternité. De plus, le délai étant rallongé, on peut imaginer qu'il soit nécessaire pour les entreprises de recruter sur des CDD de court terme, pour compenser l'absence du salarié parti en congé paternité. Ont-elles été consultées ? Le coût que cette mesure représentera pour elles a-t-il été évalué, notamment pour les plus hauts salaires ?
Mme Pascale Gruny. - Je m'interroge aussi sur le congé de paternité. Était-il indispensable, en ce moment, de poser cette question ? Cela représentera un coût non négligeable. Et, sans être une grande féministe, je me dis toujours que, pour l'égalité entre les femmes et les hommes, on va toujours beaucoup plus vite pour les hommes ! Les femmes qui exercent une profession libérale reprennent leur travail très vite. Ma fille, infirmière libérale, n'a pris que quinze jours, par exemple. C'est plutôt sur ce point qu'il aurait fallu avancer, et nous aurions suivi. J'ai été directrice des ressources humaines, et je n'ai jamais reçu de demandes... Quand il a été possible de prendre onze jours, beaucoup d'hommes sont venus me voir en me disant qu'ils ne s'y retrouvaient pas financièrement. J'ajoute que certains ne s'en occupent pas beaucoup plus à la maison... Puis, mon mari n'a jamais pris ce congé ; est-ce à dire qu'il fut un mauvais père ? Les femmes qui travaillent ne sont pas non plus tout le temps avec leurs enfants : sont-ce de mauvaises mères ? Je pense que ces quelques jours de plus ne vont pas changer la face du monde. Quand on a envie de s'occuper de son enfant, on s'en occupe, et ce n'est pas la quantité, mais plutôt la qualité des moments partagés qui compte.
Je salue la mesure portant sur la prime de naissance, qui corrige une très mauvaise décision. Sur les crèches, les collectivités territoriales ont beaucoup de mal à s'en sortir. Il y a énormément de demandes, et on n'arrive pas à répondre à tout le monde parce que les collectivités n'ont pas les moyens financiers suffisants pour cela. Enfin, je suis bien d'accord avec vous, madame le rapporteur : nous n'avons pas une vraie politique familiale, et c'est bien dommage.
Mme Michelle Meunier. - Merci pour ce rapport. Personnellement, je partage votre déception, parce que l'allongement du congé paternité va prendre beaucoup de place dans la branche famille, alors que, sans vouloir rien minimiser, ce n'est tout de même pas le plus important ! Oui, il y a un manque d'ambition, alors qu'il y aurait matière à avancer. Le rapport des experts réunis autour de M. Cyrulnik donne des pistes intéressantes, notamment du point de vue de l'accueil de l'enfant. Que fait-on, en France, à l'arrivée d'un enfant, de sa naissance jusqu'à ses trois ans ? Comme je l'ai dit à la présidente de la CNAF, je suis assez inquiète de ce qui se passe sur le terrain. On s'arrange, dans le cadre de la loi, en détournant ce qui est légal - je pense notamment aux microcrèches - au détriment des parents, d'abord. Il faut pouvoir payer des prix souvent exorbitants, à des crèches privées à visée marchande. Je ne suis pas sûre que l'intérêt de l'enfant soit bien pris en compte... J'ai entendu que la CNAF allait organiser en novembre un séminaire de remise à plat sur l'accueil de la petite enfance. Je m'en réjouis, mais j'aurais aimé que ce soit le Gouvernement qui le fasse !
M. Jean-Noël Cardoux. - Je suis en phase avec les observations de Mme Gruny sur le congé paternité. Je ne comprends pas qu'on puisse le rendre obligatoire, et serais partisan de le rendre facultatif.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - J'ai évolué sur le sujet. Quand j'étais chef d'entreprise, j'ai pris en considération les besoins de mes salariés, qui n'en faisaient d'ailleurs pas forcément la demande. Mais je vois que, génération après génération, les mentalités changent. Les jeunes d'aujourd'hui qui deviennent parents ont envie de partager ces moments uniques : on ne revient jamais au premier jour de vie de son enfant ! Il y a donc un besoin d'être là, et de partager avec la maman les tâches liées à l'arrivée d'un enfant. Certes, tout dépend des générations et des caractères : c'est vraiment la personnalité des parents qui fait la différence. Quand on offre la possibilité de passer ces jours-là auprès du jeune enfant - le docteur Dugravier a insisté sur ce point -, il y a vraiment quelque chose qui se passe et cela participe à l'équilibre et au bien-être du jeune enfant.
La prise en charge par la sécurité sociale est au même niveau que pour le congé maternité. De ce fait, on avance sur l'égalité entre hommes et femmes, notamment pour l'embauche, puisqu'il arrive que le chef d'entreprise redoute les absences liées à la maternité. La délégation aux droits des femmes du Sénat devrait s'en réjouir ! Les trois jours de congé de naissance sont en réalité des autorisations d'absence, avec maintien du salaire. Il n'y aura donc pas de coûts supplémentaires.
Il ne semble pas que cette mesure induira des besoins de recrutement. Seuls sept jours seront obligatoires et, pour certaines activités, cela créera peut-être des besoins de recrutement sous contrats à durée déterminée. L'ensemble des organisations syndicales mène une réflexion sur la question, et le décret ne sera pris que quand un consensus aura été trouvé. Il ne faut pas que ce soit vu comme une pénalité sur les entreprises, quelle que soit leur taille, mais plutôt comme une avancée sociale et sociétale.
Le comité des 1 000 jours nous a bien dit que la présence des deux parents les premiers jours avait une véritable valeur. Bien sûr, tout dépend de l'investissement de chacun, et on ne peut pas parier sur l'investissement d'un père, d'une mère, d'un parent. Pour être en charge de la protection de l'enfance dans mon département, je sais que, dans certaines familles, il y a des carences énormes d'éducation et de prise en charge. Inversement, certains parents veulent de plus en plus s'investir pour leur enfant, et cela dès les premiers jours.
On a dit que cela pourrait soulager la mère dans ses tâches vis-à-vis de l'enfant. Nous avons pu observer que les dépressions, après une naissance, sont souvent ignorées, alors qu'il s'agit d'une réalité répandue, qui met les femmes à la peine. La présence du père pendant les premiers jours aidera peut-être à mieux identifier ces moments de grande déprime pour certaines femmes. Dans l'entreprise, il faut favoriser tout ce qui accroît l'égalité entre les salariés, et surtout entre les hommes et les femmes. Moins nous aurons de discrimination par rapport à l'approche, plus on avancera sur ce sujet.
Je partage la déception de Mme Meunier : je rêve depuis quelques années d'une véritable ambition pour la politique familiale de notre pays, qui rendrait plus aisé le financement de nos retraites. Ce n'est pas un gros mot que d'avoir une politique familiale et de penser natalité ! En France, c'était bien après-guerre, mais il semble qu'aujourd'hui il ne faille plus en parler. Rien n'est fait pour donner envie aux familles d'avoir plus de deux enfants. Il y a quelques années, c'était presque la norme d'avoir deux enfants, et avoir un troisième enfant était le petit plus que certaines familles se permettaient. Cette norme est retombée à un enfant, et c'est le second qui est le petit plus... Financièrement, tout est fait pour vous décourager, et le rapport entre la vie familiale et la vie professionnelle ne s'est guère modernisé. Moi aussi, j'apprécierais que la CNAF nous associe à ses travaux ! On voit bien que les collectivités territoriales n'investissent pas suffisamment.
Les pères prendront-ils ce congé ? Celui-ci ne coûtera-t-il pas cher à l'entreprise ? Sur ce deuxième point, on sait que la réponse est négative. En revanche, cela affectera l'organisation de l'entreprise. Mais il faut voir qu'il y a beaucoup de bénéfices ! Quand on a imaginé d'accueillir un enfant, c'est bien aussi d'imaginer être plus proche de lui... Le congé paternité est déjà pris par 64 % des pères. On voit bien que les générations changent, et que la volonté de partager avec l'autre parent se développe.
Le caractère obligatoire augmentera le taux de recours, et constitue une protection pour le salarié, qui sinon n'osera pas demander les jours, s'ils sont tous facultatifs. J'étais chef d'entreprise dans le négoce de bois, et nous n'étions que cinq salariés. Je sais donc que si une personne manque, à certaines saisons, c'est catastrophique. Mais l'arrivée d'un enfant, c'est tellement unique, tellement exceptionnel... Les chefs d'entreprise montrent une telle capacité à réagir, qu'ils sauront s'adapter dans la plupart des cas.
Cette proposition arrive peut-être au mauvais moment, mais il n'y a jamais de bon moment quand on veut avancer ! C'est l'une des seules préconisations du rapport sur les 1 000 jours qui est traduite dans ce PLFSS.
Mme Florence Lassarade. - Comme pédiatre, je souligne qu'effectivement, au fil des années, les pères ont pris de plus en plus d'importance dans la prise en charge des nouveaux-nés. Certains pères souhaitent ce congé paternité, pour s'investir réellement auprès de leur enfant, mais ce n'est pas le cas de tous. Ce qui me choque, c'est de le rendre obligatoire, en particulier pour les travailleurs indépendants, à qui cela peut poser de vrais problèmes, puisque l'obligation tombe à une date donnée.
Pour des raisons familiales, je sais ce qui se passe en Suède, où l'on a instauré un congé obligatoire de six mois. N'allons-nous pas ouvrir la porte à ce type d'attitude ? Pour les jeunes Suédois, un tel congé peut être très problématique et entraîne même des problèmes de couple assez considérables ! Attention, donc, à ce que nous proposons. Je n'aime pas la coercition, y compris à ce niveau-là, et je pense qu'il faut raison garder.
Mme Laurence Garnier. - Je prends les sujets de la commission en cours, mais j'ai suivi en tant que citoyenne le débat sur le congé de paternité. Je partage ce qu'ont dit un certain nombre de nos collègues sur le timing et, en découvrant les chiffres vertigineux des comptes de la sécurité sociale, j'avoue que je suis assez effrayée... Est-ce bien le moment pour adopter cette disposition ? Je partage cette interrogation. Pour autant, maintenant qu'elle existe, ne pas rendre obligatoire les sept jours me laisse dubitative. Je crois en effet que notre société a un vrai sujet sur l'absence du père. Je viens de Loire-Atlantique - je suis Nantaise - où vous avez vu sans doute que plusieurs pères sont montés sur des grues et s'y sont installés pendant plusieurs jours pour témoigner de leur souffrance face à la séparation avec leurs enfants. Et des études montrent que les pères divorcés et séparés de leurs enfants se suicident six fois plus que la moyenne. Il y a une vraie souffrance des pères dans notre société, et on ne le dit pas beaucoup. D'autres études commencent à montrer des liens entre la délinquance et l'absence du père dans l'enfance. Tout ce qui peut privilégier la place d'un père dans les premières heures et les premiers jours qui suivent la naissance de son enfant est bienvenu.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Merci de vous intéresser à ce sujet. Nous nous interrogeons tous sur l'avenir de notre société et nous sommes interpellés par le peu de cas qu'on a fait de l'éducation et de la famille, qui est pourtant au coeur du pacte républicain. On se rend compte combien les valeurs d'autorité et de respect ont manqué, d'abord au sein de la famille, puis de la société. En tous cas, je prends ce congé de paternité comme une avancée. En Suède, on voit bien combien la mentalité évolue. On vit de manière beaucoup plus apaisée quand le rôle de chacun est pris en considération, et en particulier le rôle qu'ont les parents de faire grandir un enfant dans les meilleures conditions qui soient. Le Sénat a tout à gagner à soutenir cette mesure moderne, et à s'inscrire dans cette projection, pour les nouvelles générations, d'une famille aimante et protectrice.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Vous avez dénoncé le peu d'ambition de la politique familiale. Dans ce texte, il n'y a que cette mesure, mis à part le rattrapage d'une erreur de la loi sur la prime à la naissance. Avez-vous étudié la possibilité d'y introduire, malgré l'article 40, des dispositions susceptibles de profiter aux familles ? Même s'il y a quelques mesures pour les familles vulnérables et précaires, force est de constater que, depuis des années, nous observons une casse de la politique familiale vis-à-vis des classes moyennes et des familles comptant plusieurs enfants.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - J'y ai beaucoup réfléchi, mais, dans le PLFSS, nous ne pouvons pas de faire ce type de proposition. Je prendrai donc rendez-vous avec notre rapporteur général pour voir avec lui comment, dans le projet de loi de finances, nous pourrions faire une proposition sur le quotient familial. Ce sont les familles aux revenus moyens qui ont le plus pâti des dernières réformes de la politique familiale. Nous regarderons très précisément quelles ruptures, ou en tout cas quels déplafonnements du quotient familial, sont possibles.
M. Philippe Mouiller, rapporteur de la branche autonomie. - Il me revient de vous parler de la branche autonomie, qui a été greffée à la sécurité sociale par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.
Certains d'entre nous, souvenez-vous, étaient alors sceptiques à l'idée de jouer aux apprentis jardiniers. Faut-il vraiment une nouvelle branche pour produire de meilleurs fruits ? Quels moyens de croître lui donnerait-on à long terme ? Ne fera-t-elle pas trop d'ombre aux autres branches ?
Pour vous dire mon sentiment d'un mot, et en finir avec la métaphore végétale, je dirais que la branche autonomie ne ressemble pour l'instant, à lire ce projet de loi de financement, qu'à un rameau.
D'abord, son périmètre n'est pas stabilisé. Le chantier d'une nouvelle branche de sécurité sociale ne pouvait certes s'achever en trois mois. Mais on nous dit qu'il peut encore évoluer en fonction des concertations menées dans le cadre du Laroque de l'autonomie. Nous aimerions y voir plus clair.
Ensuite, il faut se réjouir que le Parlement vote cette année sur un objectif de dépense intégrant, au-delà de l'Ondam médico-social, toutes les dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), mais ce périmètre peut tout de même être qualifié de minimal. Le rapport de préfiguration de M. Vachey faisait pourtant des propositions qui auraient pu conduire à loger dans la branche autonomie une bonne douzaine d'autres dispositifs - les unités de soins de longue durée, l'allocation supplémentaire d'invalidité, l'aide au poste des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), l'allocation aux adultes handicapés, etc. - pour un total d'une quarantaine de milliards d'euros.
Le Gouvernement a fait un choix prudent, en n'élargissant le périmètre de la branche au-delà des dépenses déjà gérées par la CNSA qu'à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui représente une dépense de 1,2 milliard d'euros.
L'objectif de dépense de la branche s'élève donc à 31,6 milliards d'euros. Cela représente un objectif global de dépense des établissements sociaux et médico-sociaux inférieur à celui de 2020, en raison de la disparition des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Mais il faut ajouter à ce montant celui de l'AEEH ; des concours aux départements en légère hausse ; et enfin les mesures de rattrapage salarial issues du Ségur de la santé. Quant aux mesures d'investissement, Mme Imbert a dit ce qu'il fallait en penser.
Déplorons enfin que l'équilibre à court terme de la branche ne soit même pas assuré. Le texte initial misait pour y parvenir sur la contribution des crédits communautaires au volet médico-social du plan de relance par l'investissement. La branche sort finalement de l'Assemblée nationale en déficit de 300 millions d'euros, et ce jusqu'au nouveau transfert de 0,15 point de CSG, qui ne sera effectif qu'en 2024.
J'en viens aux articles du texte relatif au secteur médico-social. Ce sera rapide, car il n'y en a que deux.
D'abord, l'article 16, qui porte sur le rôle et les modalités d'intervention de la CNSA. Cet article tire les conséquences de la loi du 7 août dernier, qui confiait la gestion de la branche autonomie à la CNSA. Il clarifie les missions de la caisse, il l'intègre pour sa gestion courante au patrimoine commun de la sécurité sociale, et il assouplit grandement son architecture budgétaire. Surtout, l'article 16 dote la CNSA de ressources entièrement propres : alors qu'elle était financée pour l'essentiel par des crédits de l'assurance maladie, elle le sera désormais, pour l'essentiel, par des recettes de CSG.
Le second article relevant du médico-social est l'article 25 A, qui porte sur les services d'aide et d'accompagnement à domicile. Cet article, dont la ministre Mme Brigitte Bourguignon nous a parlé la semaine dernière, laisse un sentiment mitigé. Il confie à la CNSA le soin de distribuer une enveloppe de 150 millions d'euros - 200 millions en année pleine - pour aider à restructurer l'offre des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), sous réserve que les départements contribuent pour un montant équivalent à celui qui leur serait alloué. Certes, le montant est plus élevé que les années précédentes. Mais précisément, voilà bientôt dix ans que, quasiment chaque année, le Gouvernement dégaine en première lecture à l'Assemblée nationale un amendement demandant à la CNSA d'abonder un fonds de restructuration des services d'aide à domicile. En matière d'organisation d'une offre de services essentielle à une population qui n'a jamais souhaité autre chose que de vieillir à domicile, on peut imaginer une meilleure stratégie.
Vous l'avez compris, la création de la branche autonomie ne s'accompagne pour l'heure d'aucune amélioration substantielle de la prise en charge des personnes âgées et handicapées. Les dépenses de la CNSA suivent leur rythme d'évolution fixé pour l'essentiel par les chantiers en cours - convergence tarifaire en Ehpad, plans nationaux et solutions d'accompagnement dans le secteur du handicap, etc. - et l'essentiel est encore renvoyé à une future loi grand âge et autonomie, dont le financement est rien moins qu'assuré.
La situation sanitaire occupe certes légitimement les esprits, mais nous ne pouvons rester passivement à attendre que l'on daigne nous saisir de la réforme promise depuis 2018. C'est pourquoi je vous proposerai deux amendements visant à maintenir le sujet à l'ordre du jour.
Le premier vise à catalyser la prise de décision sur le financement de l'autonomie. Le rapport Vachey a lancé des pistes. Il reste à prendre des décisions. Je propose qu'une conférence des financeurs de cette politique - État, sécurité sociale, collectivités - se réunisse sous l'égide de la CNSA pour que nous progressions vers une solution.
Le second amendement vise à assouplir la gouvernance du secteur sur le terrain. Il propose qu'une convention rende possible la délégation de compétence de tarification des Ehpad à l'échelon départemental, comme nous l'avions fait il y a deux ans pour les établissements accueillant des personnes handicapées. N'attendons pas la grande réforme promise, expérimentons !
M. Jean-Noël Cardoux. - Je souscris totalement au rapport, mais constate que les réticences dont j'avais fait part au moment du texte sur la Cades, sur le périmètre de gouvernance et de financement d'une cinquième branche, sont parfaitement justifiées par ce qui nous est proposé. Nous n'avons pas avancé depuis l'été, ce qui me semble assez inquiétant. Je pense pourtant que ce serait le moment, et notre commission des affaires sociales peut jouer un rôle important pour cela. Nous pourrions envisager, à l'occasion de la mise en place de cette cinquième branche, une nouvelle phase de déconcentration et de décentralisation. Certains d'entre nous ont proposé, lors des débats, de décentraliser les agences régionales de santé en donnant la compétence aux départements, et d'envisager des structures départementales de convention avec la CNSA et les départements pour gérer cette cinquième branche. Sinon, nous tomberons dans la verticalité que nous connaissons, avec tous les aléas que cela représente.
Mme Michelle Meunier. - Je suis d'accord avec notre rapporteur, on n'y voit pas très clair. Je dirais même qu'on est dans le brouillard. Je salue la métaphore du jardinier ; pour moi, cela me fait penser à l'écho : on sait d'où il part, mais après, il se perd... Il n'est que de voir le nombre de rapports que nous avons reçus - à peu près une demi-douzaine ! Le dernier rapport, de M. Vachey donne des pistes intéressantes, qui auraient pu être reprises, au moins en partie.
Mon groupe a voté la création de cette cinquième branche cet été. C'est un cadre sur lequel on peut s'appuyer, mais qui est presque vide. L'AEEH n'est pas rien, certes, mais avec 1,2 milliard d'euros, on est loin du compte et de l'universalité attendue pour cette branche. Les associations attendent des parlementaires, sur la question de la perte d'autonomie, un peu plus que ce qui est proposé dans ce PLFSS. Les deux propositions du rapporteur, pragmatiques, concrètes, vont dans le bon sens. Nous y apporterons des améliorations, notamment sur la représentation dans la conférence des financeurs des personnes âgées elles-mêmes, ou des personnes handicapées et de leur entourage. Nous avons tout à gagner à renforcer la démocratie sanitaire. Et l'expérimentation de la gestion au plus près des départements est évidemment le bon échelon.
Sur les ressources à solliciter, des pistes ont été évoquées : les successions, le patrimoine... Nous devons renforcer la solidarité, surtout vis-à-vis des personnes âgées, et veiller à une meilleure redistribution des richesses - sur ce point, nous aurons des propositions à faire. Nous approuvons ce rapport.
M. Daniel Chasseing. - Je souscris tout à fait au rapport. La cinquième branche de l'assurance maladie me paraît très importante. C'est par ce biais que nous aurons dans tous les départements de France une prise en charge équitable de l'autonomie. Cela dit, ce qui nous est proposé ne comporte pas de financements supplémentaires, ou très peu, pour la prise en charge de la perte d'autonomie, notamment en Ehpad, où il y a beaucoup de difficultés, avec des personnes âgées très dépendantes. Quelques nouvelles places sont prévues, mais il n'y a pas d'augmentation du nombre d'aides-soignantes ou d'infirmières, alors que ce serait absolument nécessaire.
Il est bon, donc, d'avoir cette branche, mais reste le problème de son financement. Peut-être le réglerons-nous dans le cadre de la loi sur le grand âge. Les personnes à domicile sont très précarisées, et il faudra aussi faire un effort important en leur faveur. Nous allons passer en trente ans de 2,5 millions à 5 millions de personnes de plus de 85 ans. Les gens veulent rester à domicile, et c'est par le biais du renfort de la prise en charge qu'on pourra les y garder. Je suis d'accord pour que le département devienne encore plus important, et que les crédits de la CNSA, pour le domicile comme pour les Ehpad, soient attribués aux départements, et contrôlés par l'ARS.
Mme Pascale Gruny. - Parlementaire depuis 2004, j'ai vu nombre de rapports ! On crée une cinquième branche, très bien. Chaque rapport est intéressant, mais il manque toujours le financement : nous n'avons pas l'argent. Je suis donc d'accord avec les propos du rapporteur. Je suis élue d'un des cinq départements les plus pauvres de France. Nous n'avons pas d'argent du tout : on pleure, on va frapper à la porte de l'Élysée pour avoir 3 millions d'euros en fin d'année, pour payer les agents... Et à chaque fois qu'il y a des cofinancements, c'est une catastrophe pour nous. C'est une grosse difficulté pour tout ce qui est social. Le niveau de dépenses de RSA est impressionnant, non financé, non compensé... Les aides de l'État ne sont pas au bon niveau, et baissent chaque année. Cela dit, je suivrai le rapporteur.
Mme Laurence Cohen. - Merci pour ce rapport truculent et plein d'humour, ce qui précieux en cette période difficile. Sur les financements, dès lors qu'on garde la même logique et qu'on n'accepte pas de s'ouvrir à d'autres sources, on s'enferme : le Gouvernement se dit coincé, et coince ainsi l'ensemble de la société. Avec cette branche, nous sommes dans un rendez-vous manqué. Mon groupe n'était pas favorable à la création d'une cinquième branche, et nous continuons de plaider pour que ces dépenses soient prises en charge par l'assurance maladie, puisqu'il ne s'agit pas d'un risque supplémentaire, de quelque chose qu'on ne peut pas anticiper, mais de la vie : on naît, on vieillit et on meurt !
Au-delà de nos désaccords de fond, la cinquième branche est une coquille vide. Il nous est donc un peu difficile de nous prononcer.
En réalité, il n'y a aucune anticipation. Cela fait des années que l'on discute de la réforme du grand âge. Notre commission a procédé à de multiples auditions. Cela aurait pu et dû faire mûrir une réflexion. Mais nous ne savons pas comment la cinquième branche sera financée. Notre crainte est qu'il n'y ait que le minimum pour les plus précaires et que cela n'ouvre la porte aux assurances privées.
Enfin, il est pathétique de n'avoir que deux articles sur le médico-social. Et la prestation de la ministre Brigitte Bourguignon m'a laissée extrêmement perplexe quant à sa maîtrise des dossiers.
M. Bernard Bonne. - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est effectivement très décevant. On nous avait annoncé que la cinquième branche apporterait des possibilités supplémentaires dans le médico-social. Il n'en est rien. C'est même pire que les années précédentes ; il n'y a que deux articles sur le sujet. C'est à se demander si la création de la cinquième branche n'était pas uniquement un effet d'annonce. Certes, il y aura une hausse des salaires, qui était absolument nécessaire, mais aucune augmentation du personnel des établissements médico-sociaux, alors que c'est la demande la plus forte aujourd'hui.
Le domicile est le parent oublié du médico-social. Le véritable objet d'une loi sur le grand âge serait de tout faire pour que les personnes puissent vivre et mourir à domicile. Nous travaillons actuellement en ce sens avec Michelle Meunier. Mais, dans le PLFSS, pratiquement rien n'est fait pour le domicile. Le petit saupoudrage de 150 millions d'euros ou 200 millions d'euros ne permettra de résoudre ni le problème d'attractivité des métiers concernés ni les difficultés rencontrées sur le terrain. En plus, il est assujetti à une obligation pour les départements de financer à même hauteur ; comme si ces derniers ne faisaient pas déjà suffisamment...
Je souscris totalement aux préconisations du rapporteur. Il faut une réflexion sur le financement de la loi grand âge ; il est possible de trouver une solution. Nous proposons aussi de confier à titre expérimental le médico-social à certains départements tout en le laissant sous l'égide de l'ARS dans d'autres départements d'une même région.
M. Olivier Henno. - Les attentes sont très fortes sur l'autonomie et le grand âge. La création de la cinquième branche, loin de calmer les impatiences, les accentue. Peu de choses sont réglées, qu'il s'agisse du financement, du périmètre, de la gouvernance ou de la place des partenaires sociaux et des collectivités territoriales. Tout est à construire. Nous souhaitons que le texte arrive rapidement devant le Parlement.
Pascale Gruny a soulevé la question très importante de l'équité géographique. Je me souviens de notre ancien collègue André Diligent, qui indiquait être « ruiné à coups de subventions ». En effet, quand il faut participer à hauteur de la subvention qu'on peut recevoir, tout le monde n'est pas à égalité. Il va falloir trouver un équilibre entre l'indispensable équité géographique et la construction d'une branche reposant sur une forme de décentralisation. La place des départements doit être au coeur de la réforme à venir. Ce sera un équilibre complexe.
Oscar Wilde écrivait ceci : « C'est l'incertitude qui nous charme. Tout devient merveilleux dans la brume. » Actuellement, nous sommes dans la brume, mais il faut en sortir. Faisons en sorte de répondre aux attentes de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, sur l'autonomie et le grand âge.
Mme Corinne Imbert. - Il y aurait en effet beaucoup à dire sur la méthode. En 2010, face à une crise financière importante, le gouvernement de l'époque avait renoncé à créer la cinquième branche, le déficit de la sécurité sociale étant « historique », à 28 milliards d'euros. Aujourd'hui, il est encore bien plus important, à 46 milliards d'euros. Si Mme Buzyn ne nous a pas présenté son projet de loi grand âge et autonomie, c'est parce qu'elle comptait sur le retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Mais les mesures d'urgence sociale prises en réponse au mouvement des gilets jaunes ont coûté 5 milliards d'euros à la sécurité sociale. Il en a découlé un report du projet de loi grand âge et autonomie, qui a depuis été repoussé à deux reprises.
La branche autonomie a été introduite par voie d'amendement dans un texte sur la dette sociale. On comprend que le Gouvernement soit aujourd'hui piégé. Il faut amener des financements. En l'occurrence, nous avons plutôt le sentiment de tours de passe-passe. On déshabille les uns pour que la branche soit à l'équilibre. C'est vraiment regrettable.
Le domicile est oublié. Le coeur, c'est tout de même le financement des services à domicile. Ce n'est pas un petit sujet. En 2014, l'Union nationale des CCAS évoquait un coût de revient des services d'aide de vingt-cinq euros. Or le rapport présenté voilà dix mois prévoyait un tarif à vingt et un euros. Nous voyons bien qu'il y a un décalage. Il faudrait des moyens financiers énormes, que nous n'avons pas : le contexte budgétaire est catastrophique.
Il est aussi prévu de prélever une part de CSG sur la branche maladie pour alimenter la branche autonomie.
Nous restons sur notre faim. Nous n'avons pas obtenu les réponses à nos questions, y compris sur la gouvernance.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Je partage le constat des uns et des autres. Le coeur du problème est évidemment la méthode. Nous avions tous critiqué cet été le fait de voter la création d'un cadre dont nous n'avions ni le contenu ni les financements. On nous avait répondu qu'un rapport serait remis au mois d'octobre, avant l'examen du PLFSS. Le rapport Vachey existe, mais le Gouvernement n'a pas encore tranché sur le financement.
Nous nous retrouvons aujourd'hui avec un PLFSS qui va alimenter financièrement la cinquième branche, mais dans lequel on ne fait que réutiliser des crédits existants.
Cet été, le chiffre évoqué pour lancer la cinquième branche était d'un milliard d'euros. Nous disions tous que c'était insuffisant. Aujourd'hui, en retirant les aides du Ségur, on est même en retrait.
Le contenu nouveau de la cinquième branche est renvoyé à la loi grand âge et autonomie. On a de nouveau cette grande dualité : soutenir les structures tout en mettant en valeur le besoin du domicile. Derrière cela, il y a ce qui est certainement l'un des freins dans la programmation : le débat sur la relation entre les départements et l'État, avec la question de l'ossature financière de la mission d'action sociale des départements et de la contrepartie apportée par l'État.
Mon amendement visant à pouvoir déléguer à titre expérimental la compétence aux départements constitue les prémices de ce que nous souhaiterions défendre au Sénat.
Il y a beaucoup à faire sur la démocratie sanitaire et sur le paritarisme. Mais ces débats sont de nouveau renvoyés à la loi grand âge. Pour l'instant, avec le rapporteur général, nous veillons à ce que les missions de la CNSA soient au moins précisées clairement, afin d'avoir une vision de son nouveau périmètre.
L'équité géographique fait partie des missions historiques de la CNSA. Elles sont renforcées pour pouvoir moduler l'intervention des crédits de la CNSA afin de permettre une meilleure équité financière entre départements. Cette action doit être confortée dans les nouvelles missions de la CNSA.
Le trou est en place, le terreau est là, mais je ne suis pas certain que tout cela germe dans les meilleures conditions.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous passons à l'examen des articles.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 135 vise à supprimer l'article 4 bis, qui est une demande de rapport.
L'amendement n° 135 est adopté.
Article additionnel après l'article 6
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 136 a pour objet de fixer le principe d'une compensation à son coût réel du budget de l'Agence nationale de santé publique. Cela permettrait de faire revenir 4,8 milliards d'euros dans les comptes de la sécurité sociale.
L'amendement n° 136 est adopté.
Article 6 bis
Les amendements rédactionnels nos 137 et 138 sont adoptés, de même que l'amendement de coordination n° 139.
Article 6 ter
L'amendement de précision rédactionnelle n° 140 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'article 6 ter prévoit un dispositif d'exonération de cotisations patronales au bénéfice de certains employeurs touchés par la crise et dont la perte de chiffre d'affaires est au moins égale à 80 %. L'amendement n° 141 tend à ramener ce seuil à 50 %.
L'amendement n° 141 est adopté, de même que l'amendement de précision n° 142.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 143 tend à supprimer l'article 9, qui réduit de 200 millions d'euros la dotation du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), futur Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS).
L'amendement n° 143 est adopté.
Article additionnel avant l'article 10
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 144 a pour objet de remettre en cause des dérogations à la loi Veil, ce qui permettrait de récupérer 4,3 milliards d'euros.
L'amendement n° 144 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 145 a pour objet de faire contribuer les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) en 2021 comme en 2020, à hauteur de 1 milliard d'euros, et non de 500 millions d'euros.
M. René-Paul Savary. - Nous avons été écoutés à retardement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - En effet, nous l'avions proposé en 2019.
M. Bernard Jomier. - L'argent que les OCAM n'ont pas dépensé aurait pu être restitué aux cotisants, et non ponctionné par l'État. Nous déposerons des amendements, car il est tout de même étonnant de légitimer le fait que l'État récupère cet argent.
M. René-Paul Savary. - A contrario, il peut aussi s'agir d'un forfait pour la participation à la lutte contre la crise. Par exemple, les tests sont pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Mme Laurence Cohen. - Ce débat va être intéressant, et nous déposerons aussi des amendements. Il faut distinguer les assurances privées et les organismes mutualistes. Ces derniers alimentent des oeuvres sociales qui aident les assurés. On peut réfléchir à des dispositifs incitant à utiliser un tel fonds pour abonder plus de centres de santé ou faire baisser les tarifs. Une participation de ces organismes profitable à tous et ne s'effectuant pas au détriment des salariés est sans doute possible.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - La logique, si on est mutualiste, est de baisser les excédents ou de distribuer des parts sociales. Mais, en l'occurrence, on prend 1 milliard d'euros sur les excédents. Je demande donc simplement aux mutualistes de jouer leur rôle mutualiste. Je le rappelle, les frais de gestion sont très élevés dans toutes ces caisses, qu'elles soient privées ou mutualistes.
L'amendement n° 145 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 146 vise à pérenniser le dispositif spécifique pour l'embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi du secteur agricole (TO-DE).
L'amendement n° 146 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'article 13 ter supprime une disposition relative au sport en entreprise votée dans le cadre de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique. Un accord est en train d'être trouvé entre le Gouvernement et M. Savin, à l'origine de cette disposition. L'amendement n° 147 vise à supprimer cet article, afin de favoriser une rédaction plus conforme à ce que nous avions voté.
M. René-Paul Savary. - Dans l'exposé des motifs, vous indiquez que revenir par voie d'amendement sur une disposition n'est « pas de nature à garantir la sincérité des débats parlementaires ».
Mme Catherine Deroche, présidente. - Le texte a été adopté, mais la loi n'a pas encore été promulguée. Le Gouvernement veut profiter de l'examen du PLFSS pour revenir sur la disposition adoptée. Nous n'y sommes pas favorables. Mais le ministre Olivier Dussopt m'a confirmé hier qu'une négociation était en cours pour trouver un accord sur une rédaction.
L'amendement n° 147 est adopté.
Article 13 quinquies
L'amendement de précision rédactionnelle n° 148 est adopté.
Article 14
L'amendement de clarification rédactionnelle n° 149 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 150 tend à supprimer l'article 14 bis, qui n'a pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale : il concerne l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, ce qui relève du ministère du travail.
L'amendement n° 150 est adopté.
Article 15 bis
L'amendement de précision et de coordination n° 151 est adopté.
Article 16
L'amendement de clarification rédactionnelle n° 152 est adopté.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement n° 153 vise à permettre à la CNSA de mieux accompagner les opérations d'habitat inclusif, conformément aux préconisations du rapport Piveteau.
L'amendement n° 153 est adopté, de même que l'amendement de coordination n° 154 et l'amendement rédactionnel n° 155.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 156 tend à supprimer la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre le code de l'action sociale et des familles en cohérence avec le code de la sécurité sociale. Une telle demande alors qu'une loi est en préparation nous semble un peu curieuse.
L'amendement n° 156 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - La création d'une cinquième branche au sein du régime général n'a pas trouvé son pendant au sein du code rural et de la pêche maritime. L'amendement n° 157 vise à confirmer le rôle partenaire de la Mutualité sociale agricole (MSA).
L'amendement n° 157 est adopté.
Article additionnel après l'article 16
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement n° 158 vise à faire en sorte que la CNSA mette en place une conférence des financeurs intégrant l'État, la sécurité sociale et les départements. Nous sommes en train d'anticiper le débat sur le financement de la cinquième branche.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Mme la ministre a d'ailleurs laissé entendre qu'elle était favorable à une telle conférence de financement.
L'amendement n° 158 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 159 vise à supprimer cet article, qui est encore une demande de rapport.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans le cadre de nos travaux sur l'application des lois, nous avons constaté que, sur la vingtaine de rapports demandés, seuls deux avaient effectivement été remis. Mieux vaut donc les rapports d'information du Sénat aux rapports demandés au Gouvernement.
L'amendement n° 159 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 160 vise à supprimer l'organisation proposée du financement de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) au sein de la sécurité sociale. Ce financement doit rester à la charge de l'État.
L'amendement n° 160 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 161 vise à préciser que le rapport quadriennal prévu à l'annexe B n'a de sens que s'il offre de réelles perspectives. Il importe donc d'affirmer dès à présent la nécessité d'amorcer un retour vers l'équilibre des comptes sociaux dès que la situation économique le permettra.
L'amendement n° 161 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 162 vise à prévoir le rôle du Conseil national de l'investissement en santé (CNIS) et la présence des élus locaux dans le futur FMIS.
L'amendement n° 162 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 163 tend à supprimer l'article 27, qui concerne la reprise de la dette hospitalière par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
L'amendement n° 163 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 164 vise à supprimer l'article 28 quater, qui intègre le développement de l'autodialyse et de la dialyse à domicile dans les indicateurs de qualité de soins. Si une telle préoccupation est légitime, elle ne relève pas d'une loi de financement de la sécurité sociale.
L'amendement n° 164 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 165 tend à supprimer cet article, qui est une demande de rapport.
L'amendement n° 165 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 29 modifie le financement des activités de médecine en deux temps, d'abord en créant un droit d'option pour une « dotation socle », puis en expérimentant un mode mixte association « dotation populationnelle », paiement à l'activité et financement à la qualité à compter de 2020. L'amendement n° 166 vise à conserver le volet « dotation socle » et à supprimer l'expérimentation, dont la mise en oeuvre n'est pas envisageable avant 2022.
L'amendement n° 166 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 32 prolonge d'un an la prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire des téléconsultations. L'amendement n° 167 tend à ramener cette durée à six mois, afin de réexaminer l'utilité du dispositif selon l'évolution de la situation sanitaire. Nous voulons en outre introduire la notion de « parcours de soins coordonné » dans le texte.
L'amendement n° 167 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 33 proroge la convention médicale conclue en 2016 au 31 mars 2023. L'amendement n° 168 vise à réduire d'un an la durée de prorogation, en retenant la date du 31 mars 2022.
L'amendement n° 168 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 169 vise à supprimer l'article 33 bis, qui étend le bénéfice du tiers payant à toutes les assurées au titre des frais relatifs à une IVG et prévoit que la prise en charge d'une IVG est protégée par le secret. L'article est issu d'une proposition de loi adoptée récemment à l'Assemblée nationale. Il est préférable de débattre d'un tel sujet lors de l'examen de cette proposition de loi, d'autant que la disposition relative à l'anonymat ne relève pas d'une loi de financement de la sécurité sociale.
L'amendement n° 169 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 33 ter, introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, concerne la limitation d'accès au conventionnement des professionnels salariés des centres de santé. L'amendement n° 170 tend à le compléter par les mots : « sur la base des dispositions applicables aux professionnels de santé libéraux ».
Mme Laurence Cohen. - Les règles auxquelles sont soumis les professionnels des centres de santé, qui sont des salariés, ne s'appliquent pas aux professionnels de santé libéraux. C'est une inégalité flagrante. L'adoption de l'amendement proposé permettrait, certes, un adoucissement, mais je suis pour ma part favorable à la suppression de l'article.
L'amendement n° 170 est adopté.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement n° 171 vise à préciser les éléments à prendre en compte dans le rapport d'évaluation de l'expérimentation permettant des transferts d'activités en direction des infirmiers en santé au travail.
L'amendement n° 171 est adopté.
Article 34 quater
L'amendement rédactionnel n° 172 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 173 vise à supprimer l'article 34 quinquies, qui autorise à titre expérimental la réalisation par les sages-femmes d'interruptions volontaires de grossesse instrumentales. Une telle disposition ne relève pas d'un PLFSS.
L'amendement n° 173 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 174 vise à supprimer l'article 34 sexies, qui ouvre une expérimentation de financement par le fonds d'intervention régional (FIR) d'un parcours soumis à prescription obligatoire pour l'accompagnement des patients souffrant d'une complication de diabète de type 2. Cette expérimentation pourrait s'inscrire dans le cadre fixé par l'article 51 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Évitons de superposer les dispositifs.
L'amendement n° 174 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 175 tend à supprimer l'article 34 septies, qui propose la mise en oeuvre à titre expérimental, et pour une durée d'un an seulement, d'une consultation longue en santé sexuelle pour les assurés âgés de quinze ans à dix-huit ans, financée par l'assurance maladie. Une telle disposition n'est vraiment pas ambitieuse, et elle vient s'ajouter à ce qui existe. Le sujet mérite mieux.
L'amendement n° 175 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 36 adapte le dispositif créé en 2018 permettant au Gouvernement de prendre par décret les mesures dérogatoires en matière de couverture des frais de santé qui apparaissent nécessaires en cas de risque sanitaire majeur, en particulier d'épidémie. Toutefois, ce dispositif est financé par l'employeur ; il n'a pas d'effet sur les finances de la sécurité sociale. L'amendement n° 176 tend donc à supprimer les alinéas concernés. Le Gouvernement pourra proposer un dispositif pérenne dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.
L'amendement n° 176 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 177 vise à faire en sorte que la faculté prévue dans l'article de déroger aux règles législatives soit limitée dans son objet à la lutte contre l'épidémie de covid-19.
L'amendement n° 177 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 178 vise à supprimer l'article 37, qui transfère le financement de l'ASI à la sécurité sociale. Une telle disposition n'apporte aucun bénéfice aux salariés et s'apparente à une débudgétisation.
L'amendement n° 178 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 38 concerne la réforme des régimes d'accès dérogatoire au médicament. L'amendement n° 179 vise à permettre un dépassement du délai de trente jours après l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'amendement n° 179 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Le nouveau circuit d'autorisation d'accès précoce confère à la Haute Autorité de santé (HAS) la compétence d'attribution de l'autorisation, prérogative jusqu'à présent exercée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le dispositif proposé ne prévoit pas de motivation en cas de refus d'autorisation, ce qui nuit à sa transparence. L'amendement n° 180 tend à y remédier.
L'amendement n° 180 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 181 tend à maintenir dans le circuit de distribution de ville les médicaments sous autorisation d'accès précoce qui font par ailleurs l'objet d'une AMM.
L'amendement n° 181 est adopté, de même que les amendements de coordination nos 182 et 183.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 184 vise à supprimer deux alinéas dont le maintien dans le texte pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'accès des patients à des traitements normalement disponibles en ville dans le cadre d'une AMM dès lors que ces derniers feraient l'objet d'une autorisation d'accès précoce ou d'une autorisation d'accès compassionnel au titre d'une extension d'indication.
L'amendement n° 184 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'application d'une majoration de remise sur l'indemnité d'accès dérogatoire pour l'industriel dans le cas où un délai de 180 jours serait dépassé entre le dépôt de demande de remboursement et l'inscription au remboursement pose un double problème. Le délai de 180 jours est défini pour s'imposer aux pouvoirs publics dans l'inscription au remboursement des médicaments de droit commun sans être pour autant respecté du fait des délais de traitement particulièrement longs de la commission de transparence, délais qui ne sont pas imputables à l'industriel. En outre, cette disposition consacrerait dans la loi un délai dont la nature demeure réglementaire. L'amendement n° 185 vise à y remédier.
L'amendement n° 185 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Compte tenu des deux modalités possibles de prise en charge par l'assurance maladie pour les accès compassionnels et de l'absence de critère régissant l'application de l'une plutôt que l'autre, l'amendement n° 186 vise à assurer le mode de financement par indemnité maximale dans les cas d'autorisation d'accès compassionnel visant à déboucher sur une autorisation d'accès précoce, afin que les mécanismes de prise en charge puissent bénéficier d'une certaine continuité.
L'amendement n° 186 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel n° 187.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 188 vise à rétablir l'avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) pour la prise en charge des dispositifs médicaux non-inscrits sur la liste des prestations et produits remboursables et à l'élargir à la base forfaitaire annuelle pouvant servir de base à la prise en charge des autorisations d'accès compassionnels.
L'amendement n° 188 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 40 concerne la simplification du pilotage de la complémentaire santé solidaire (C2S) en supprimant le fonds C2S, dont les missions seraient réparties entre la CNAM, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et le ministère chargé de la sécurité sociale. L'amendement n° 189 vise à faire en sorte que le rapport soit transmis au Parlement avant le 31 décembre de l'année considérée.
L'amendement n° 189 est adopté, de même que l'amendement de correction n° 190.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 40 bis, inséré par l'Assemblée nationale, confie aux organismes de sécurité sociale une mission générale de lutte contre le non-recours aux droits et d'expérimenter à cette fin un dispositif d'échange et de traitement de données personnelles entre organismes, afin d'identifier les droits des bénéficiaires potentiels de prestations. L'amendement n° 191 tend à recentrer le dispositif sur une prestation déterminée relevant de l'assurance maladie et pour laquelle il existe un problème avéré de non-recours, à savoir la C2S.
L'amendement n° 191 est adopté.
Article additionnel après l'article 43 C
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 192 vise à affirmer expressément dans le code de la sécurité sociale que la prescription pour récupération des prestations indûment payées par un organisme de sécurité sociale est de cinq ans en cas de fraude. Il s'agit donc d'améliorer l'effectivité de la sanction financière en cas de détection d'une fraude, comme le préconisait le rapport de la Cour des comptes.
L'amendement n° 192 est adopté.
Articles additionnels après l'article 43 F
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 193 tend à assurer l'entrée en vigueur de deux dispositions légales relatives à la fraude aux prestations dont les décrets d'application n'ont pas été pris depuis dix ans et treize ans. Cela permettrait à l'assurance maladie d'extrapoler des indus d'un professionnel de santé à partir d'un échantillon représentatif, renforçant l'efficacité des sanctions en cas de fraude avérée. Il convient aussi d'assurer l'application effective des dispositions du même code qui donnent aux CPAM depuis 2007 la faculté de déconventionner d'urgence des professionnels de santé, en cas de fraude grave. Nous fixons donc un ultime délai de neuf mois au Gouvernement pour prendre enfin les décrets d'application de ces deux articles du code.
L'amendement n° 193 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 194 vise à permettre à l'assurance maladie de déroger à l'obligation de paiement sous sept jours d'un professionnel de santé qui aurait été sanctionné ou condamné pour fraude au cours des deux dernières années, à la seule fin de conduire des contrôles a priori avant de régler les professionnels concernés.
L'amendement n° 194 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 195 vise à faire en sorte qu'un professionnel de santé qui aurait été sanctionné ou condamné pour fraude à deux reprises pendant une période de cinq ans soit déconventionné d'office.
L'amendement n° 195 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n° 196 a pour objet de supprimer les deux premiers alinéas de l'article 43. La commission est opposée au financement par l'assurance maladie du plan de relance par l'investissement annoncé par le Gouvernement.
L'amendement n° 196 est adopté.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'article 45 bis, inséré sur proposition du Gouvernement, adapte exceptionnellement en 2021 la procédure d'alerte en cas de risque de dépassement de l'Ondam en suspendant pour les caisses d'assurance maladie l'obligation de proposer des mesures de redressement. Cela tire les conséquences des hypothèses hautement incertaines de construction de l'Ondam pour 2021. L'amendement n° 197 vise à mieux circonscrire ces dispositions pour préciser, à l'instar de la mesure similaire adoptée pour 2010 dans le contexte de pandémie grippale, que la procédure d'alerte n'est adaptée que si le risque de dépassement de l'Ondam est directement imputable à la prise en charge de la crise sanitaire actuelle liée à la covid-19.
L'amendement n° 197 est adopté.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement n° 198 vise à diminuer le prélèvement forfaitaire sur la branche AT-MP du montant du déficit de l'année 2020.
L'amendement n° 198 est adopté.
M. René-Paul Savary, rapporteur. - L'article 47 ter a été introduit par l'Assemblée nationale. Il concerne les preuves de l'existence pour le versement des retraites à travers la biométrie. Des adaptations sont faites s'agissant d'un certain nombre de territoires. L'amendement n° 199 vise à améliorer techniquement le dispositif.
L'amendement n° 199 est adopté.
Article 47 quater
L'amendement rédactionnel n° 200 est adopté.
Article additionnel avant l'article 48
M. René-Paul Savary, rapporteur. - Par l'amendement n° 201, nous proposons au Gouvernement de rouvrir la conférence des financeurs, avec une portée normative : le report de 62 ans à 63 ans de l'âge légal de départ à la retraite et une augmentation de durée de travail de deux ans.
L'amendement n° 201 est adopté.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement n° 202 tend à supprimer l'article 52, qui est une demande de rapport.
L'amendement n° 202 est adopté.
Article additionnel après l'article 52
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement n° 203 vise à permettre de déléguer à titre expérimental aux départements la compétence en matière de tarification des Ehpad.
L'amendement n° 203 est adopté.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je remercie M. le rapporteur général et les rapporteurs des différentes branches de leur travail.
TABLEAU DES SORTS
Projet de loi de financement de la sécurité sociale - Désignation des candidats à la commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Catherine Deroche, de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, de Mme Imbert, de MM. René-Paul Savary, Bernard Jomier, de Mme Monique Lubin et de M. Martin Lévrier comme membres titulaires, et de M. Philippe Mouiller et de Mmes Pascale Gruny, Chantal Deseyne, Élisabeth Doineau, Corinne Féret, Véronique Guillotin et Laurence Cohen comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire.
La réunion est close à 12 h 35.