- Mercredi 7 octobre 2020
- Réunion constitutive
- Proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » - Examen du rapport et établissement du texte
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Désignation de rapporteurs
- Proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Audition de MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
- Jeudi 8 octobre 2020
Mercredi 7 octobre 2020
- Présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président d'âge -
La réunion est ouverte à 11 h 5.
Réunion constitutive
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Mes chers collègues, merci pour votre présence et bienvenue aux nouveaux commissaires qui nous rejoignent.
En ma qualité de président d'âge, il me revient de présider la réunion constitutive de notre commission. Mon rôle sera de courte durée, puisque je cèderai cette place au président sitôt celui-ci élu.
Notre ordre du jour appelle l'élection du président de la commission et la constitution du bureau.
Conformément à l'alinéa 4 de l'article 13 du Règlement du Sénat, l'élection du président se déroule au scrutin secret. La majorité absolue des suffrages exprimés est requise aux deux premiers tours, la majorité relative au troisième tour.
M. le président donne lecture des délégations.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - J'appelle nos deux plus jeunes collègues présents, MM. Stéphane Artano et Xavier Iacovelli, pour procéder au contrôle des opérations de vote et au dépouillement. J'invite les candidats aux fonctions de président de la commission des affaires sociales à se faire connaître.
Mme Catherine Deroche. - Je suis candidate.
Mme Laurence Cohen. - Je précise que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne participera pas au vote. C'est une position de principe et non la manifestation de notre défiance vis-à-vis de cette candidature.
Mme Monique Lubin. - Pour les mêmes raisons que celles que notre collègue vient d'évoquer, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne participera pas au vote.
Mme Raymonde Poncet. - De la même façon, le groupe Écologiste - Solidarité et territoires ne participera pas à ce scrutin.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Avant de passer au vote, je souhaite rendre hommage à notre ancien président Alain Milon. (Vifs applaudissements)
Alain et moi sommes natifs du même bourg et de la même cité minière. Ce n'est évidemment pas la seule raison pour laquelle nous nous sommes si bien entendus durant ces années : je tiens avant tout à saluer à la fois la libéralité et la fermeté dont il a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions.
Le scrutin est ouvert. Puis les scrutateurs procèdent au dépouillement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Les résultats du premier tour sont les suivants :
Nombre de votants : 37
Bulletins blancs : 0
Bulletins nuls : 0
Suffrages exprimés : 37
Majorité absolue : 19
Mme Catherine Deroche ayant obtenu 37 voix, je la proclame élue présidente de la commission des affaires sociales. (Vifs applaudissements)
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, je vous remercie de votre confiance.
L'alinéa 5 de l'article 13 du Règlement du Sénat prévoit que la commission des affaires sociales élit, dans les mêmes conditions que le président, un rapporteur général qui fait, de droit, partie du bureau de la commission.
J'invite les candidats aux fonctions de rapporteur général de la commission des affaires sociales à se faire connaître.
M. Olivier Henno. - Le groupe Union Centriste présente la candidature de Jean-Marie Vanlerenberghe.
Le scrutin est ouvert. Puis les scrutateurs procèdent au dépouillement.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Les résultats du premier tour sont les suivants :
Nombre de votants : 36
Bulletins blancs : 1
Bulletins nuls : 0
Suffrages exprimés : 35
Majorité absolue : 18
M. Jean-Marie Vanlerenberghe ayant obtenu 35 voix, je le proclame élu rapporteur général de la commission des affaires sociales. (Vifs applaudissements)
Nous poursuivons la constitution du bureau de notre commission. Nous allons procéder à la désignation des vice-présidents.
L'alinéa 6 de l'article 13 du Règlement du Sénat dispose que : « Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour les postes de président et de rapporteur général. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. »
En application de ces règles, nous devons nommer onze vice-présidents selon la répartition suivante : pour le groupe Les Républicains, trois vice-présidents ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste, un vice-président ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un vice-président ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président.
Compte tenu des propositions formulées par les différents groupes, je vous propose la désignation comme vice-présidents : pour le groupe Les Républicains, de M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne et M. Alain Milon ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de M. Bernard Jomier et Mme Monique Lubin ; pour le groupe Union Centriste, de M. Olivier Henno ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de M. Martin Lévrier ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de Mme Laurence Cohen ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de Mme Véronique Guillotin ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, de M. Daniel Chasseing ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, de Mme Raymonde Poncet.
Les vice-présidents sont désignés.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous devons procéder maintenant à la désignation des cinq secrétaires à la représentation proportionnelle en application de l'alinéa 7 de l'article 13 du Règlement du Sénat.
Je vous propose, conformément aux propositions formulées par les groupes, la désignation comme secrétaires : pour le groupe Les Républicains, de Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat et M. Jean Sol ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de Mme Corinne Féret ; pour le groupe Union Centriste, de Mme Jocelyne Guidez.
Les secrétaires sont désignés.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Le bureau de la commission est donc ainsi constitué :
Présidente : Mme Catherine Deroche ; vice-présidents : M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon et Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno et Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen et Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing et Mme Raymonde Poncet ; secrétaires : Mmes Florence Lassarade et Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret et Jocelyne Guidez.
Mme Monique Lubin. - Madame la présidente, au nom de mon groupe, je tiens à vous féliciter pour votre élection. Je tiens également à vous assurer de la qualité et du sérieux de notre travail.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie de nouveau de la confiance que vous m'avez accordée. Je salue à mon tour Alain Milon pour les six années qui viennent de s'écouler. Il a en effet été très agréable de travailler sous sa présidence. Je sais qu'il quitte à regret ses fonctions et tiens à lui réaffirmer toute mon amitié et mon affection. J'associe à mes remerciements deux anciennes présidentes de la commission, Mmes Annie David et Muguette Dini. J'ai également une pensée pour certains anciens collègues qui ont marqué notre commission et qui nous ont malheureusement quittés : Colette Giudicelli, Louis Pinton, Guy Fischer, Nicole Bricq et Jean-Louis Lorrain.
Pour ma part, j'estime que l'on ne travaille bien que dans la confiance, le respect mutuel et l'écoute des autres. Nous ne serons évidemment pas toujours d'accord, mais ce n'est que dans cette atmosphère que l'on parviendra à élaborer des textes de façon intelligente et positive. Je m'engage à faire en sorte que chacun trouve sa place dans cette commission, tout en veillant au respect des équilibres politiques, bien entendu.
Mme Catherine Procaccia. - L'Assemblée nationale vient de décider de limiter à 50 % la présence des députés au Palais Bourbon, que ce soit en séance ou en commission. Si une telle mesure venait à s'appliquer au Sénat, pourra-t-on en être informé rapidement ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - Bien sûr, ma chère collègue. Je précise que c'est à la conférence des présidents qu'il revient de juger de ces questions.
Je vous propose maintenant de prendre le temps de nous présenter les uns aux autres.
Un tour de table est effectué.
Proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » - Examen du rapport et établissement du texte
Mme Catherine Deroche, présidente. - Depuis juin 2018, notre commission examine les textes au moyen de l'application Demeter (dématérialisation du travail en réunion), qui donne accès à divers documents, au tableau synoptique et aux amendements. Je vous invite à utiliser cet outil.
La parole est à notre rapporteur, Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Notre commission reprend ses travaux sans tarder puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte qui sera examiné en séance publique dès la semaine prochaine.
Il s'agit d'une proposition de loi déposée par notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas et plusieurs de ses collègues de la majorité et, ce n'est pas faire injure au travail des députés de le dire, un certain nombre des dispositions de ce texte portent la marque du Gouvernement, lequel a, du reste, engagé la procédure accélérée.
La proposition de loi que nous examinons ce matin, d'une part, tend à prolonger une expérimentation et, d'autre part, comprend diverses mesures présentant un lien plus ou moins direct avec l'insertion par l'activité économique (IAE).
Avant toute chose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Au titre de la recevabilité, je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives aux procédures de prescription et d'agrément ouvrant droit à un parcours d'insertion par l'activité économique, aux règles encadrant les contrats de travail conclus par les structures d'insertion par l'activité économique ainsi qu'à la régulation des activités exercées par ces structures, au déroulement et à la sortie des parcours d'insertion par l'activité économique, à la prolongation, à l'extension et à la révision des modalités de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », ainsi qu'au pilotage et à l'évaluation de cette expérimentation, à la création ou à la prolongation d'autres expérimentations en matière de lutte contre le chômage ou d'insertion dans l'emploi, à la prise en charge des frais de formation des demandeurs d'emploi ainsi que des cotisations de sécurité sociale des stagiaires de la formation professionnelle et à l'articulation entre certains mécanismes portant sur les cotisations ou contributions sociales.
En revanche, il me semble que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé les amendements relatifs à l'organisation du service public de l'emploi, à l'indemnisation du chômage et aux minima sociaux, aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi, aux dispositifs d'aide à l'emploi en faveur des personnes en situation de handicap, à l'encadrement législatif du contrat de travail et de la durée du travail, hors du champ de l'insertion par l'activité économique, ou au droit de la commande publique. Ces amendements seraient donc irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Le titre Ier de la proposition de loi est relatif à l'insertion par l'activité économique et contient diverses mesures visant à mettre en oeuvre certaines des propositions du Pacte d'ambition, remis au Gouvernement le 10 septembre 2019 par le Conseil de l'inclusion dans l'emploi, après concertation avec les acteurs de l'insertion par l'activité économique. Ces mesures doivent contribuer à concrétiser la promesse du Président de la République de porter le nombre de contrats d'insertion de 140 000 à 240 000.
Ces mesures se veulent pragmatiques, se fondent sur les difficultés réelles remontées par les acteurs de terrain et font, pour la plupart, consensus. Elles sont d'autant plus urgentes que le secteur de l'insertion a été durement touché par la crise sanitaire. À cet égard, l'article 1er, qui supprime l'agrément obligatoire de Pôle emploi pour ce qui est des embauches au sein des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), représente un assouplissement bienvenu.
La nouvelle procédure proposée, appelée « Pass IAE », qui s'appuie sur le développement d'une plateforme numérique de l'inclusion en cours de déploiement, prévoit la capacité d'auto-prescription d'un parcours d'insertion par les SIAE. Celle-ci devrait permettre de fluidifier les recrutements et de supprimer des démarches redondantes. Ce passage, très intéressant, à une logique partenariale fondée sur la confiance suppose un contrôle a posteriori de l'éligibilité des bénéficiaires. Le texte étant muet sur ce point, je vous proposerai, de manière à répondre aux interrogations des acteurs de terrain, un amendement prévoyant la détermination par décret des modalités de ce contrôle, ainsi que la possibilité, en cas de non-respect de la démarche, de retirer la capacité d'auto-prescription à une SIAE.
Pour répondre aux appréhensions des associations intermédiaires qui, à l'heure actuelle, ne sont pas soumises à l'agrément dans tous leurs champs d'intervention, l'article 3 ter prévoit une entrée en vigueur différée de cette réforme en ce qui les concerne.
La création, à l'article 2, d'un « CDI inclusion senior » répond aux besoins d'un public particulier, pour lequel la logique de tremplin qui sous-tend l'insertion par l'activité économique peut s'avérer irréaliste. Il vise les personnes âgées de 57 ans et plus, un seuil qui semble pertinent et cohérent avec les autres dispositifs existants. Toutefois, il est regrettable que soit du même coup limitée à l'âge de 57 ans la possibilité de déroger à titre exceptionnel, pour les salariés de 50 ans et plus rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de 24 mois de renouvellement des CDD ; la dégressivité de l'aide au poste associée au contrat inclusion senior pourrait faire hésiter une structure à embaucher en CDI certains profils de seniors. Je vous proposerai donc de maintenir cette possibilité exceptionnelle au-delà de 57 ans, en complément du CDI senior.
De plus, l'articulation du CDI inclusion senior avec les dispositions législatives applicables aux entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) est problématique et fera l'objet d'un autre amendement que je vous présenterai.
D'autres mesures plus ponctuelles, introduites à l'Assemblée nationale, n'appelleront de ma part que des propositions d'ajustement rédactionnel, qu'il s'agisse de l'affirmation de la triple exclusivité applicable aux ETTI ou de la possibilité de déroger au plafond de 480 heures de mise à disposition applicable aux associations intermédiaires.
En revanche, l'expérimentation d'un « contrat passerelle » permettant à une entreprise d'insertion ou à un atelier et chantier d'insertion de mettre à disposition, pendant une durée déterminée, sous forme de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, un salarié en fin de parcours d'insertion auprès d'une entreprise de droit commun, n'est pas accueillie favorablement par certains acteurs de l'insertion par l'activité économique. En particulier, ce nouvel outil, loin de sécuriser la fin de parcours du salarié en insertion, pourrait créer une marche supplémentaire avant son entrée dans l'emploi durable.
Il lui est par ailleurs reproché d'introduire un « brouillage » entre les dispositifs d'insertion et de remettre en cause le modèle économique des associations intermédiaires et des entreprises de travail temporaire d'insertion, lequel repose sur la mise à disposition de salariés. On peut en effet relever que le cadre proposé offre peu de garanties que le dispositif remplira ses objectifs. Je vous proposerai donc de préciser ce cadre en introduisant une condition d'ancienneté de quatre mois dans un parcours d'insertion par l'activité économique pour les bénéficiaires, en limitant la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et en dispensant de période d'essai le salarié en cas d'embauche par l'entreprise utilisatrice.
Plus généralement, il me semble important de soutenir les efforts visant à faciliter les rapprochements entre l'insertion par l'activité économique et le secteur marchand et à encourager les logiques de parcours.
En complément du « contrat passerelle », je vous proposerai ainsi un dispositif de « temps cumulé », visant à permettre une transition progressive entre un contrat d'insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel en levant, sous conditions, le seuil de la durée hebdomadaire de travail, légalement fixé à 20 heures au sein des SIAE. Par parallélisme, je vous propose de déroger également, dans le cadre du même dispositif, au minimum de 24 heures hebdomadaires en CDI à temps partiel.
D'autres mesures du Pacte d'ambition n'ont pas trouvé leur place dans ce texte et nous espérons en voir prochainement la concrétisation, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la gouvernance territoriale de l'insertion par l'activité économique.
Les dispositions phares de cette proposition de loi, comprises aux articles 4 à 6, sont relatives à l'expérimentation territoriale dite « zéro chômeur de longue durée », qui semble susciter une adhésion transpartisane. En ces temps de polarisation de la vie politique, il faut se réjouir du consensus entourant une proposition visant à améliorer l'insertion de nos compatriotes les plus éloignés de l'emploi.
Je me suis néanmoins efforcée d'aborder cette proposition de loi dans une démarche de doute méthodique et de ne pas me laisser dépasser par l'enthousiasme qu'elle suscite parfois. J'ai ainsi procédé à de nombreuses auditions, rencontré des territoires candidats et je me suis déplacée pour rencontrer l'une des structures participant à l'expérimentation, dans le treizième arrondissement de Paris.
Résumée à gros traits, l'expérimentation consiste, sur un territoire donné, à financer des emplois pour toutes les personnes privées durablement d'emploi, en comptant sur le fait que les dépenses directes et indirectes liées à la privation d'emploi baisseront à due concurrence, de sorte que le dispositif serait neutre financièrement tout en apportant des bénéfices aux personnes concernées et en créant d'importantes externalités positives pour les territoires.
La loi du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée permet, sur les territoires expérimentateurs, l'embauche en contrat à durée indéterminée de chômeurs de longue durée par des structures de l'économie sociale et solidaire appelées « entreprises à but d'emploi » (EBE). Comme leur nom l'indique, ces entreprises ont pour finalité de fournir un emploi aux personnes qui en sont privées. Elles développent pour cela des activités économiques utiles au territoire sur lequel elles sont créées et qui n'entrent pas en concurrence avec les activités économiques qui y existent déjà. Dans les faits, ces activités sont très diverses ; il s'agit par exemple de recycleries, d'épiceries solidaires, ou encore d'ateliers de réparation.
Les entreprises à but d'emploi bénéficient d'une aide au poste, appelée contribution au développement de l'emploi (CDE), qui est essentiellement financée par l'État, à hauteur de 95 % du SMIC. Les départements apportent un concours dont le montant est variable mais généralement marginal. Les EBE bénéficient par ailleurs de diverses subventions de démarrage ou d'équilibre et peuvent faire appel au mécénat.
Ce dispositif est pour le moment expérimenté dans dix territoires, aux caractéristiques démographiques et socio-économiques différentes, correspondant à des zones rurales ou à des quartiers urbains et répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain. Prévue pour durer cinq ans, cette expérimentation arriverait à son terme à la fin du mois de juin prochain. Selon les chiffres dont je dispose, 918 personnes ont été embauchées dans l'ensemble de ces dix territoires. La proposition de loi tend à prolonger de cinq ans l'expérimentation, tout en l'étendant à cinquante nouveaux territoires avant, peut-être, d'en envisager la pérennisation.
On peut regretter que cette proposition de loi intervienne alors que le comité scientifique ne rendra son rapport final que dans quelques semaines. Je rappelle également que, s'agissant d'une proposition de loi, ce texte n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. Pour autant, nous disposons du rapport intermédiaire du comité scientifique et d'un rapport d'évaluation rendu par une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, ainsi que des travaux de l'association porteuse du projet, qui permettent de tirer de premiers enseignements.
Le premier constat qui s'impose est que la neutralité financière du dispositif n'est pas encore démontrée. Je n'entrerai pas dans le détail de la controverse méthodologique qui a opposé, d'une part, les inspections générales et le comité scientifique et, d'autre part, l'association porteuse du projet ; je vous renvoie pour cela aux différents rapports publiés à l'automne dernier.
Il ressort néanmoins de l'analyse des personnes embauchées par les EBE, que les économies liées aux moindres dépenses de prestations sociales, tout comme les gains dégagés en termes d'impôts et de cotisations sociales, sont inférieures aux prévisions. Cela résulte en partie du caractère flou de la notion de privation d'emploi. En effet, 46 % des personnes embauchées par les EBE n'avaient, semble-t-il, bénéficié l'année précédente d'aucune prestation sociale. Certaines étaient sans doute en situation de non-recours, donc leur embauche n'a pas entraîné d'activation des dépenses passives. D'autres avaient travaillé ou relevaient peut-être de structures d'insertion, et le surplus de recettes sociales et fiscales entraîné par leur embauche est donc moindre que prévu.
Par ailleurs, pour équilibrer son équation, l'association intègre les recettes sociales et fiscales liées à l'emploi des encadrants des EBE. Cela revient à considérer que ces personnes n'auraient pas été embauchées ailleurs.
Enfin, l'association fait l'hypothèse que la suppression de la privation durable d'emploi permet à la collectivité d'économiser plus de 3 000 euros par personne retrouvant un emploi, grâce à l'amélioration de l'état de santé et à la réduction des dépenses résultant de problématiques telles que l'échec scolaire, la délinquance, ou encore la maltraitance infantile.
Les autres effets indirects, même si l'on peut faire l'hypothèse raisonnable que de tels effets existent, ne peuvent être mesurés empiriquement à l'échelle individuelle et dans un délai aussi court.
Au total, le comité scientifique et les inspections générales s'accordent pour considérer que le coût net pour les finances publiques de l'expérimentation s'élève, en tenant compte des économies observées et des rentrées fiscales et sociales supplémentaires, à environ 25 000 euros par emploi créé. Cette estimation n'est pas définitive et des économies supplémentaires pourraient être dégagées sur le long terme. Néanmoins, on ne peut pas conclure à ce stade que le dispositif est neutre financièrement.
J'ajoute qu'il y a un consensus assez large pour considérer qu'une des conditions du succès de l'élargissement proposé est un renforcement des moyens alloués, afin de doter les EBE en fonds propres, de leur permettre de recruter des encadrants, ou encore d'améliorer l'accès à la formation de leurs salariés. Tout cela ne relève pas de l'activation des dépenses passives et déséquilibrera encore davantage l'équation sur laquelle le dispositif repose.
Enfin, les dépenses publiques que le dispositif cherche à activer sont généralement temporaires et ont pour but de permettre la réinsertion des bénéficiaires. Or le recrutement en CDI par les EBE conduit à les pérenniser.
Il faut donc admettre que la généralisation du dispositif « zéro chômeur de longue durée » représenterait une dépense importante. Afin de déterminer si cet investissement est pertinent, il conviendrait donc de s'assurer si et à quelles conditions il s'agit d'une dépense efficiente. Pour cela, une prolongation de l'expérimentation me semble pertinente, mais il convient d'en apprécier avec rigueur le fonctionnement et les résultats.
D'un point de vue quantitatif, les 918 embauches n'ont pas permis de donner un travail à l'ensemble des bénéficiaires potentiels, estimés à un peu plus de 4 000. Ces résultats sont même nettement en deçà des prévisions, puisque nous avons voté pour 2020 un budget permettant de financer jusqu'à 1 750 postes. Toutefois, il me semble que, s'agissant d'un dispositif expérimental qui n'a été lancé que récemment, il ne faut pas nous arrêter à ces chiffres mais considérer qu'il s'agit d'un début prometteur.
D'un point de vue plus qualitatif, l'analyse des données chiffrées et des enquêtes déclaratives souligne que le retour en emploi entraîne une nette amélioration de la situation des bénéficiaires, qui retrouvent ainsi une place dans la société tout en voyant un certain nombre de leurs difficultés matérielles se réduire.
De manière plus intéressante, l'expérimentation semble montrer que, grâce à l'investissement et au travail des comités locaux, accompagnés par le fonds national, il est possible de proposer un travail à des personnes qui étaient en situation d'exclusion durable et dans des territoires parfois sinistrés économiquement.
Des questions se posent encore néanmoins sur la nature des activités proposées par les EBE. Si le critère de non-concurrence avec des activités économiques déjà existantes sur le territoire paraît être respecté dans la plupart des cas, on peut parfois se demander si l'expérimentation ne conduit pas à subventionner des activités qui relèvent de la compétence des collectivités territoriales ou qui sont exercées par ailleurs par des bénévoles du tissu associatif.
L'articulation avec l'action des structures d'insertion par l'activité économique qui s'adressent souvent aux mêmes publics doit aussi faire l'objet d'une attention particulière.
Enfin, il me semble que la nature des activités proposées peut soulever la question de la valeur du travail dans notre société. Les tâches réalisées par les salariés des EBE présentent en effet souvent un niveau de contrainte inférieur à celui de certains emplois dans le secteur marchand, pourtant rémunérés au même échelon. Cela peut d'ailleurs entraîner des effets d'éviction.
L'expérimentation fait en outre apparaître des marges importantes de progrès, notamment dans l'organisation des EBE, dont la croissance rapide a parfois créé des difficultés managériales de nature à les fragiliser.
On s'aperçoit également que les EBE n'ont bien souvent pas trouvé de modèle économique viable, et ce avant même que la crise sanitaire ne les affecte. Si l'on peut s'attendre à ce qu'elles améliorent leurs résultats au fil du temps, il n'est pas certain que leurs activités, non rentables par nature, leur permettent d'atteindre un chiffre d'affaires suffisant.
L'expérimentation comporte enfin ce que le comité scientifique appelle un « impensé », qui touche à la trajectoire d'insertion professionnelle des personnes embauchées par les EBE. J'ai rencontré des porteurs de projets pour lesquels la sortie vers un emploi de droit commun doit être l'objectif à poursuivre. D'autres considèrent à l'inverse, conformément à la philosophie initiale de l'expérimentation, que les personnes embauchées par des EBE peuvent y demeurer indéfiniment. Or l'absence de perspective d'évolution professionnelle et salariale peut créer des déceptions, voire des frustrations.
À ce stade, l'expérimentation n'a pas démontré que le modèle des entreprises à but d'emploi pouvait être le remède miracle au problème du chômage de longue durée. Il s'agit en revanche certainement d'une solution complémentaire aux autres outils existants, qui serait particulièrement pertinente pour certains publics ou pour certains territoires. La poursuite de l'expérimentation doit donc nous permettre d'identifier comment cette solution peut être articulée avec l'action déjà menée par les SIAE.
Cette expérimentation a d'autres mérites. La démarche n'est pas imposée d'en haut, de manière uniforme et avec des règles administratives parfois éloignées des réalités du terrain. Elle procède des territoires et suppose une mobilisation conjointe de l'ensemble des acteurs pour mener à bien un projet qui tient compte des aspirations des personnes privées d'emploi mais également des besoins de l'écosystème local. Il semble d'ailleurs que de nombreuses personnes rencontrées par les comités locaux retrouvent du travail sans être embauchées par une EBE, mais du seul fait de la dynamique mobilisatrice permise par la démarche. En cela, il s'agit d'un laboratoire particulièrement intéressant, qui doit nous permettre de tirer des enseignements sur le décloisonnement des politiques d'accompagnement social et de retour à l'emploi.
Pour cette raison également, une poursuite de l'expérimentation, qui devra s'accompagner d'une évaluation rigoureuse, me paraît pertinente.
Je vous proposerai plusieurs amendements afin de mieux cadrer l'expérimentation et de préciser les objectifs que nous devons lui fixer.
Il me semble notamment que la participation financière des départements doit demeurer volontaire, afin de respecter la règle de la libre administration des collectivités territoriales.
Je réponds par avance à celles et ceux qui pourraient estimer que le nombre de territoires prévus pour cette deuxième phase expérimentale n'est pas suffisant.
Premièrement, je rappelle que nous passons de dix à soixante territoires, ce qui constitue un saut important. L'un des enjeux des cinq années à venir, pour le fonds d'expérimentation, consistera à développer à grande échelle l'action d'accompagnement des territoires et des entreprises, qui s'avère être une condition essentielle du succès du dispositif. Le comité scientifique m'a d'ailleurs indiqué que le nombre de trente nouveaux territoires initialement retenu par la proposition de loi constituait un maximum.
Deuxièmement, nous sommes face à une expérimentation coûteuse à court terme et le souci du bon usage des deniers publics doit nous inciter à la prudence. De plus, élargir excessivement le nombre de territoires expérimentateurs pourrait obérer la capacité de l'État à apporter les financements complémentaires nécessaires au démarrage des EBE.
Enfin, je tiens à la logique expérimentale. Participer à cette expérimentation ne doit pas être une récompense et encore moins un droit accordé aux territoires méritants. Certains territoires qui auront engagé une démarche de mobilisation collective ne pourront être habilités et il sera justement intéressant de comparer leurs résultats avec ceux des territoires expérimentateurs.
Pour ce qui concerne la durée de l'expérimentation, cinq années me semblent suffisantes. Dans la mesure où les territoires auront trois ans pour faire acte de candidature, certains auront expérimenté le dispositif pendant moins de cinq ans lorsqu'il arrivera à échéance, mais cela ne me semble pas poser de problème. En effet, dès avant 2026, nous devrons nous prononcer sur les suites à donner à l'expérimentation. Soit nous déciderons de la poursuivre, et il nous faudra légiférer de nouveau, soit nous déciderons qu'il faut y mettre un terme. Dans ce dernier cas, il ne serait pas logique que l'expérimentation s'arrête dans certains territoires alors qu'elle se poursuivrait comme une queue de comète dans d'autres.
J'en viens au titre III, qui contient diverses mesures liées de près ou de loin à l'emploi et à l'insertion.
Une disposition censurée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, concernant l'articulation du bonus-malus sur les contrats courts avec les allégements généraux de cotisations sociales, refait son apparition à l'article 7. Le Sénat avait supprimé cette disposition pour des raisons de forme et de fond, avant que le Conseil constitutionnel considère qu'elle n'avait pas sa place pas dans une loi de financement de la sécurité sociale. Vu notre position constante sur ce bonus-malus, mécanisme pouvant s'avérer pénalisant pour de nombreux secteurs d'activités et ne garantissant en rien une limitation des recours abusifs aux contrats courts, il semble cohérent de supprimer cet article. Il est d'autant plus urgent d'attendre, que la réforme de l'assurance chômage est désormais suspendue à la concertation en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.
Par ailleurs, certains articles prévoient la prolongation d'autres expérimentations afin de disposer du recul nécessaire pour en apprécier la pertinence. Je vous proposerai de les adopter.
Dans la mesure où l'objet de cette proposition de loi est en grande partie expérimental, avec l'esprit d'ouvrir le champ des possibles, je suis également favorable à l'expérimentation de l'ouverture du contrat de professionnalisation aux entreprises de portage salarial, proposée à l'article 9 ter, même si la combinaison de ces deux dispositifs peut sembler a priori antinomique.
Enfin, conformément à la position habituelle du Sénat, je vous proposerai de supprimer les demandes de rapport formulées par l'Assemblée nationale.
M. Philippe Mouiller, vice-président. - Je félicite notre rapporteur de cette excellente présentation.
Je vous parle en tant qu'élu d'un territoire où l'expérimentation existe - je pense à la commune de Mauléon, dans les Deux-Sèvres - et je veux témoigner de la réussite de ce dispositif. Il faut insister sur le « I » de CDI ; c'est cela qui change toute la philosophie. De plus, les candidats intègrent volontairement le dispositif.
Il faudra que l'expérimentation dure le temps nécessaire et qu'elle soit élargie à d'autres territoires, pour avoir une vision plus globale et estimer correctement sa pertinence.
Je veux aussi saluer l'action du Gouvernement en la matière ; il met sur la table des moyens financiers pour l'insertion des chômeurs et l'extension de l'expérimentation. Je veux également saluer les travaux de Mme Puissat, qui lui permettent de nous proposer des dispositifs réellement adaptés au terrain, car le texte de l'Assemblée nationale était, sur certains points, en décalage par rapport aux attentes des territoires. On retrouve donc dans les amendements du rapporteur les éléments attendus par les professionnels.
On constate par ailleurs un décalage entre les budgets adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2020 et la réalité. L'administration a du mal à s'adapter aux simplifications administratives et ces décalages temporels entre l'adoption des dispositifs et leur mise en place conduisent à des difficultés de trésorerie pour les collectivités.
En conclusion, je ne peux qu'inviter les uns et les autres à soutenir cette belle expérimentation.
Mme Élisabeth Doineau. - Je m'associe aux propos de Philippe Mouiller pour féliciter le rapporteur et souligner la réussite de ce projet.
Je regrette en revanche la méthode employée, notamment le calendrier proposé. Mon département fait partie des territoires frustrés, car il n'a pas pu être intégré à l'expérimentation initiale.
Par ailleurs, ce texte était attendu, mais pourquoi y inclure l'insertion par l'activité économique ? Toutes ces dispositions sont mêlées, ce que je déplore. Sans doute, il s'agit d'améliorations, mais la méthode ne va pas, d'autres mécanismes s'y étant ajoutés, notamment au sein du titre III.
Le titre Ier est malgré tout intéressant, notamment avec la suppression de l'agrément obligatoire des embauches par Pôle emploi. Je crains en revanche que la création du contrat à durée indéterminée inclusion senior ne soit source de complication pour les acteurs sur le terrain.
Se pose également la question des personnes en difficulté ayant moins de 57 ans - elles sont nombreuses - et dont le contrat au sein d'une SIAE ne peut être prolongé. Les acteurs réussissent à remettre une personne dans l'emploi, à lui redonner confiance en elle, puis, deux ans plus tard, doivent lui annoncer que tout est terminé. Ce texte ne résout pas ce problème...
J'espère que l'extension de l'expérimentation à cinquante nouveaux territoires répondra aux attentes de tous. Ce dispositif complètera ceux qui existent dans les territoires, même si, in fine, tout dépend des porteurs de projet.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je ne serai pas trop longue, car nous reviendrons sur ce texte en séance publique. Je remercie Mme Puissat de ce travail important, réalisé dans des conditions sanitaires difficiles.
L'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » semblait positive en 2016, mais son extension risque d'aggraver les défauts initiaux du dispositif. Celui-ci a été adopté à l'unanimité en 2016 et nombreux sont les candidats à cette expérimentation. Cette démarche repose sur une proposition de l'association ATD Quart Monde, mais sa mise en oeuvre a posé quelques problèmes.
La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, n'est pas totalement satisfaisante. D'abord, il n'est pas précisé que le prescripteur qui remplace Pôle emploi est une entité publique. En outre, nous proposerons la suppression de l'article 8 relatif au renforcement des contrôles de Pôle emploi, ainsi que celle de l'article 9, qui transfère le financement de la formation de Pôle emploi aux salariés eux-mêmes, via leur compte de formation. Enfin, nous proposerons l'interdiction des licenciements pendant l'expérimentation « territoires zéro chômeur ».
Mme Monique Lubin. - Je m'associe aux compliments adressés à Mme le rapporteur.
Nous ne serons pas d'accord avec toutes ses propositions, mais nous partageons les objectifs de cette proposition de loi, puisque ce dispositif procède, à l'origine, d'une initiative de nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale.
Un certain nombre de personnes se trouvent totalement exclues du marché du travail, et cela va s'aggraver avec la crise sanitaire. Par conséquent, tout ce qui peut les aider à s'intégrer au marché du travail est bienvenu. Cela ne signifie pas non plus qu'il faut financer tous les dispositifs sans étudier leur efficacité. Néanmoins, on est parfois très exigeant à l'égard de certains dispositifs dispendieux et beaucoup moins par rapport à d'autres ; je pense que tout le monde comprend à quoi je fais allusion...
Cela dit, je n'émettrai pas beaucoup de réserves sur ce texte, même si je n'adhère pas à tous les amendements proposés. Il faut continuer l'expérimentation, l'étendre à plus de secteurs et, selon moi, en accroître la durée.
Mme Victoire Jasmin. - Je félicite le rapporteur pour son travail.
Il est prévu que l'extension concerne différents territoires d'outre-mer, qui connaissent un taux de chômage élevé. En outre, les départements rencontrent des difficultés financières importantes. Cela suscite donc de l'espoir, mais ne résoudra pas pleinement le problème.
En outre, on peut observer des incohérences entre l'intitulé « zéro chômeur » et la réalité.
M. Olivier Henno. - Je félicite Frédérique Puissat pour la qualité de son rapport.
Le département dont je suis élu, le Nord, connaît de grandes difficultés d'accès au marché du travail. Du reste, parmi les territoires concernés figurent Maubeuge et Tourcoing.
N'y a-t-il pas un trou dans la raquette au sein de ce dispositif ? Pour garantir la pérennité de ces emplois, il faut résoudre la question de la formation et de la montée en compétence. Quel est votre point de vue à cet égard ?
Mme Raymonde Poncet. - Peu de propositions de loi auront fait l'objet d'autant d'évaluations, ce qui dénote peut-être une méfiance implicite vis-à-vis de ce dispositif...
Ces évaluations ne me semblent pas tenir compte des nouveaux indicateurs de richesse. Il ne faut pas évaluer que le coût financier ; il faut aussi tenir compte, conformément à la loi de 2015, de l'impact écologique et des externalités positives, qui sont peu pris en considération, ainsi que de l'indice de développement humain. Bref, je veux bien que l'on évalue, mais cela ne doit pas seulement se faire d'un point de vue financier ; il faut aussi estimer les coûts évités.
Sur le coût financier net, il y a en effet une controverse, sur laquelle je ne reviens pas. En tout état de cause, ce dispositif me semble très performant au regard du coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Je suis également contre l'instauration du contrat passerelle.
Je suis élue du Rhône, où Villeurbanne est candidate au dispositif ; c'est vrai, il y a un coût financier, mais quand un territoire peut être considéré comme prêt, il devrait pouvoir y participer. Or, aujourd'hui, quelque 120 territoires sont prêts ; donc, si on ne les retient pas tous, c'est qu'il y a une enveloppe fermée...
Enfin, le temps de l'expérimentation doit être effectif. Les expérimentations vont se mettre en place au fil de l'eau et, si le mécanisme n'est expérimenté dans certains territoires que durant les deux années précédant 2026, l'évaluation finale sera tronquée. Il faudrait que les territoires puissent commencer plus vite.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Merci à Philippe Mouiller de son expertise de terrain, importante pendant les auditions, même si les approches diffèrent selon les territoires. Je note votre remarque sur le budget, mais le texte prévoit une extension de l'expérimentation à soixante territoires, contre quarante dont le texte initial, ce qui induira un réajustement financier.
Madame Doineau, on peut effectivement regretter qu'il y ait trois parties distinctes dans le texte - les SIAE, l'expérimentation « territoires zéro chômeur longue durée » et diverses autres dispositions sociales -, pour deux raisons : d'une part, s'agissant d'une proposition de loi, le texte nous est transmis sans étude d'impact et, d'autre part, on a l'impression que ce qui prend le pas dans les médias, ce sont les territoires « zéro chômeur longue durée », alors qu'il conviendrait aussi de saluer le travail considérable des SIAE.
Merci, Cathy Apourceau-Poly, de votre regard équilibré sur la question ; certaines choses ont fonctionné, d'autres non, il faut le dire.
Madame Lubin, merci de votre analyse. Ce dispositif procède effectivement du travail de Laurent Grandguillaume, qui faisait consensus dès le départ.
Madame Jasmin, les outre-mer ne sont pas oubliés dans ce dispositif, et le texte tient compte des particularités des différents territoires. Reste à définir ce que l'on prévoit pour la Corse.
Merci à Olivier Henno. C'est vrai, la formation est sans doute un impensé du dispositif ; cela a posé des difficultés humainement et financièrement. Néanmoins, chaque fois que l'on ajoute une dépense, on s'éloigne de la neutralité financière espérée. En outre, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) a compensé cette absence de formation en s'adressant aussi aux salariés des EBE, la difficulté étant que le PIC concerne en principe les entreprises de moins de 50 salariés, alors que les EBE en comptent souvent davantage.
Merci, madame Raymonde Poncet, de vos remarques. Oui, il y a eu beaucoup d'évaluations. Sans doute, il faut porter une attention particulière aux externalités positives, mais on attend le rapport définitif du comité scientifique. Évaluer des externalités positives est extrêmement complexe, même si cela fait, certes, partie du travail.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement de coordination COM-45 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-21 rectifié vise à supprimer la possibilité, pour une SIAE, de décider seule la prolongation dérogatoire d'un contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI), notamment pour les salariés âgés de 50 ans et plus. Cette possibilité est aujourd'hui soumise à l'accord de Pôle emploi, ce que l'article 1er entend justement supprimer. Je propose aux auteurs de cet amendement de le retirer au profit de celui que je vais présenter.
Mme Colette Mélot. - Après avoir entendu les arguments de notre rapporteur, je retire cet amendement.
L'amendement COM-21 rectifié est retiré.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'article 1er supprime l'obligation de délivrance par Pôle emploi d'un agrément préalable et tend à permettre l'auto-prescription par les SIAE. Il s'agit d'une mesure demandée par les acteurs de terrain.
Nous nous inscrivons dans une logique intéressante de « confiance a priori » et de « contrôle a posteriori ». Toutefois, cette logique mérite d'être quelque peu encadrée : quand une structure d'insertion est contrôlée un ou deux ans après que des contrats ont été conclus, il devient alors compliqué d'opérer une compensation financière, raison pour laquelle nous proposons de clarifier la portée du contrôle a posteriori.
Par ailleurs, l'amendement COM-31 tend également à fixer la liste des prescripteurs habilités par arrêté et non par décret, pour plus de souplesse.
L'amendement COM-31 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Des possibilités de dérogation existent au-delà de 24 mois, au profit des contrats conclus par des SIAE. Ce texte prévoit notamment la création d'un « CDI inclusion senior » pour les personnes de plus de 57 ans.
L'amendement COM-46 répond à une demande des acteurs de terrain qui ne souhaitent pas qu'après 57 ans, les possibilités se réduisent à l'alternative entre le CDI senior ou la fin du parcours d'insertion, soit parce que certaines des personnes concernées ne désirent pas conclure un CDI, soit parce qu'elles présentent parfois un profil plus difficile à gérer en CDI.
L'amendement COM-46 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Dans la même logique que l'amendement précédent, l'amendement COM-32 tend à rétablir la possibilité de prolonger à titre exceptionnel, au-delà de 24 mois, le CDDI d'un salarié âgé de 57 ans sans basculer vers un CDI inclusion senior.
L'amendement COM-32 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise à clarifier l'articulation entre le CDI inclusion senior et les dispositions législatives applicables aux entreprises de travail temporaire d'insertion.
L'amendement COM-33 est adopté.
M. Xavier Iacovelli. - Madame la présidente, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles l'amendement COM-5 qui visait à favoriser l'insertion des personnes en situation de handicap, et dont les dispositions étaient donc bien rattachées au texte, a été déclaré irrecevable. Aujourd'hui, près de 21 % des personnes en insertion sont porteuses de handicap. Cet amendement faisait suite à un rapport d'Adrien Taquet et de Jean-François Serres.
Qu'il soit - in fine - rejeté, c'est de notre responsabilité. Mais l'initiative parlementaire me semble mise à mal si l'on ne peut débattre de ce sujet.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Cet amendement a été déclaré irrecevable au regard de l'article 40...
M. Xavier Iacovelli. - ... Au regard de l'article 45, madame la présidente.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Plus précisément, monsieur Iacovelli, il est irrecevable aux termes de ces deux articles.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Au-delà de l'irrecevabilité de cet amendement, je n'ai pas mené d'auditions sur cette question puisqu'aucune disposition du texte ne porte sur l'emploi des personnes en situation de handicap. Il faudra donc trouver un autre véhicule législatif pour en discuter.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-34 vise simplement à rétablir la fameuse règle de la triple exclusivité des entreprises de travail temporaire et d'insertion (ETTI), « écrasée » à l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-34 est adopté.
L'article 2 bis (nouveau) est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'article 2 ter permet au préfet d'accorder des dérogations aux associations intermédiaires, afin de dépasser le plafond de 480 heures de mise à disposition d'un salarié auprès d'employeurs de droit privé.
Je suis très favorable à cette souplesse. Cela étant, l'amendement COM-35 vise à revenir à une rédaction plus proche de l'équilibre trouvé en commission à l'Assemblée nationale qui donne une plus grande marge d'appréciation au préfet et intègre par ailleurs la condition de qualité des parcours d'insertion prévue dans le Pacte d'ambition.
L'amendement COM-35 est adopté.
L'article 2 ter (nouveau) est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 (supprimé)
L'article 3 demeure supprimé.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements identiques COM-13 rectifié et COM-47 visent à supprimer le fameux « contrat passerelle » qui figurait déjà dans le pacte proposé par le Haut-Commissaire à l'inclusion. Ce contrat posait certaines difficultés aux acteurs de terrain qui lui préféraient un autre dispositif, que je vous proposerai d'adopter dans quelques instants.
Je vous suggère le retrait de ces amendements de suppression au profit de l'amendement que je présenterai pour ouvrir le champ des possibles et favoriser tout ce qui permet de passer de l'insertion au milieu traditionnel.
Les amendements identiques COM 13 rectifié et COM 47 ne sont pas adoptés.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements COM-14 rectifié et COM-48 sont des amendements de repli visant à encadrer l'expérimentation du « contrat passerelle ». Je propose à leurs auteurs de les retirer au profit de mon amendement COM-36 qui vise à introduire une condition d'ancienneté de quatre mois dans un parcours d'insertion pour bénéficier d'un contrat passerelle, à limiter à trois mois, renouvelable une fois, la durée de mise à disposition et à dispenser le salarié de période d'essai en cas d'embauche.
C'est une façon de donner corps à ce contrat passerelle dont nous n'avons pas encore débattu - peut-être le Gouvernement fera-t-il de nouvelles propositions en séance publique - tout en faisant écho au fameux « temps cumulé », très attendu par les territoires.
L'amendement COM-48 est retiré.
L'amendement COM-14 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-36 est adopté.
L'article 3 bis (nouveau) est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 3 bis (nouveau)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements identiques COM-12 rectifié bis et COM-22 rectifié visent, comme l'amendement COM-37 à permettre le cumul d'un CDDI avec un autre contrat à temps partiel.
S'il est parfois possible de sortir du dispositif d'insertion pour un contrat classique, il n'est plus possible d'y retourner si les choses se passent mal. L'amendement COM-37 vise à permettre une transition progressive du contrat d'insertion vers un contrat de travail de droit commun.
Pour ce faire, il est nécessaire de baisser le seuil minimum de 20 heures de durée hebdomadaire de travail pour les contrats d'insertion mais aussi celui de 24 heures pour les contrats classiques.
L'amendement COM-22 rectifié est retiré.
L'amendement COM-12 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement COM-37 est adopté.
Article 3 ter (nouveau)
L'article 3 ter (nouveau) est adopté sans modification.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-24 vise à regrouper les dispositions relatives aux missions des comités locaux d'expérimentation dans la bonne partie du texte.
L'amendement COM-24 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Lors de son adoption, en 2016, ce dispositif était financé par l'État, les départements étant appelés de façon facultative. La proposition de loi rend la participation du département obligatoire, celle des autres collectivités demeurant facultative.
À travers cet amendement COM-41, je vous propose de rétablir le caractère facultatif de la participation des départements à l'expérimentation, conformément au principe de libre administration des collectivités. Qui décide paie.
L'amendement COM-41 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - La loi de 2016 était assez floue sur le champ de l'expérimentation, raison pour laquelle l'amendement COM-23 vise à préciser les éléments d'évaluation du comité scientifique, notamment sur le coût du dispositif pour les finances publiques, sur les externalités positives et sur les résultats comparés à ceux des SIAE, et à déterminer les conditions dans lesquelles, le cas échéant, l'expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée en identifiant les caractéristiques des territoires et les publics concernés.
L'amendement COM-23 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 4
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-9 qui constitue une demande de rapport.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-29 vise à rendre le préfet signataire des conventions. Cette disposition peut certes alourdir le dispositif, mais le préfet doit savoir ce qui se passe sur le terrain.
L'amendement COM-29 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les territoires candidats vont se présenter sur la base d'un cahier des charges élaboré par le fonds et validé par la ministre du travail. La question est de savoir s'il faut prendre en compte certaines particularités. Il est parfois difficile de refermer une boîte que l'on a ouverte et il se trouve qu'elle l'a été quelque peu pour les outre-mer. Dès lors, se pose la question des insulaires, et plus précisément des Corses.
Je me suis entretenue avec les présidents Simeoni et Talamoni, ainsi qu'avec M. Panunzi. J'ai été assez sensible aux problèmes de complexité de l'organisation territoriale des outre-mer et au taux très important de demandeurs d'emploi de longue durée. De même, j'ai été sensible à l'organisation territoriale atypique de la Corse, raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement COM-15 rectifié.
Mme Victoire Jasmin. - Une remarque sémantique : quelle différence faites-vous entre « insulaires » et « outre-mer » ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les outre-mer figurent déjà dans le texte. En l'espèce, il aurait presque mieux valu inscrire « Corse » plutôt que « territoires insulaires »...
M. Alain Milon. - Cette initiative pourrait être intéressante pour l'avenir dans la mesure où vous proposez de régionaliser les lois ! Je songe au projet de loi de financement de la sécurité sociale ou à certaines mesures de santé... Je voterai cet amendement.
L'amendement COM-15 rectifié est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-18 rectifié a réussi à passer sous les fourches caudines de l'article 40 car il n'atteint pas réellement l'objectif qu'il se fixe. J'en reste à ce qui est proposé : soixante territoires et cinq ans. S'il s'avère nécessaire de changer les choses, nous légifèrerons de nouveau. Avis défavorable.
L'amendement COM-18 rectifié n'est pas adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Mon amendement COM-27 tend à charger le fonds de publier un rapport moral et financier retraçant notamment l'ensemble des financements perçus par les entreprises, ainsi que les sommes ayant concouru au financement de l'expérimentation et présentant le nombre de personnes embauchées par ces entreprises, ainsi que le montant des prestations diverses dont elles ont bénéficié l'année précédant leur embauche.
L'amendement COM-27 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements COM-10 et COM-19 rectifié tendent à prolonger la validité des conventions financières pour une durée de cinq ans. J'y suis défavorable, car ils n'ont aucun sens s'il n'y a plus d'expérimentation.
Les amendements COM-10 et COM-19 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Je rappelle que le dispositif des parcours d'insertion par l'activité économique repose sur un principe de confiance a priori et de contrôle a posteriori. Il me semble important que, dans le cadre de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », nous suivions la même logique. Aussi, l'amendement COM-50 précise que l'aide au poste versée au titre des embauches réalisées par les EBE pourra être modulée, voire supprimée si les personnes embauchées ne remplissent pas les critères d'éligibilité.
En outre, il renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des modalités de ce contrôle a posteriori.
L'amendement COM-50 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-44 précise que, lorsque le département est partie prenante au financement de l'expérimentation, le président du conseil départemental est cosignataire de la convention conclue entre le fonds et chaque entreprise.
L'amendement COM-44 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à corriger deux erreurs matérielles.
L'amendement COM-30 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Mon amendement COM-42 tend à confirmer le caractère volontaire de la participation financière des départements à l'expérimentation. L'amendement COM-16 rectifié, lui, prévoit un financement de l'expérimentation par les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution. Il deviendra sans objet si mon amendement est adopté.
L'amendement COM-42 est adopté.
L'amendement COM-16 rectifié n'est pas adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-43 précise que, lorsque le département participe au financement de l'expérimentation, le président du conseil départemental est cosignataire avec l'État et Pôle emploi de la convention conclue entre le fonds et les territoires porteurs de projet.
L'amendement COM-43 est adopté.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements identiques COM-11 rectifié, COM-20 rectifié, COM-7 rectifié bis et COM-4 rectifié s'inscrivent dans la logique que j'évoquais tout à l'heure, puisqu'ils visent à ce que le fonds soit acteur du rendu de l'expérimentation en lui donnant accès aux informations qui lui permettront de suivre au fil de l'eau le profil des personnes embauchées. Avis favorable.
Les amendements identiques COM-11 rectifié, COM-20 rectifié, COM-7 rectifié bis et COM-4 rectifié sont adoptés.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-49 souligne la difficulté qu'ont les EBE pour développer l'accès à la formation professionnelle de leurs salariés. Cependant, il est proposé que les fonds mutualisés des opérateurs de compétences (OPCO) soutiennent les EBE, alors que celles-ci dépassent en nombre de salariés le seuil qui le permettrait. En outre, les EBE ont désormais accès au plan d'investissement dans les compétences, ce qui me semble plus cohérent. Je demande le retrait de cet amendement.
M. Olivier Henno. - Je maintiens mon amendement.
L'amendement COM-49 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Mon amendement COM-38 tend à supprimer l'article 7, qui a pour objet de garantir l'articulation entre le mécanisme des allégements généraux de cotisations et certains mécanismes incitatifs, notamment le bonus-malus. J'ajoute que l'ajustement concernant les cotisations AT-MP, proposé dans l'article, pourra trouver toute sa place dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'amendement COM-38 est adopté et l'article 7 est supprimé.
Articles 8 et 9
Les articles 8 et 9 sont successivement adoptés sans modification.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'article 9 bis prolonge jusqu'au 31 décembre 2023 une expérimentation prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui tend à permettre la conclusion de contrats de travail à temps partagé aux fins d'employabilité. Par cohérence, l'amendement COM-40 vise à reporter de deux ans, en la fixant au plus tard au 30 juin 2023, la date de remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation relatif à son éventuelle pérennisation.
L'amendement COM-40 est adopté.
L'article 9 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 9 ter
L'article 9 ter est adopté sans modification.
Article 10 (supprimé)
L'article 10 demeure supprimé.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'article 10 bis prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, afin d'évaluer les possibilités d'adaptation des règles du dialogue social pour mieux y associer les salariés en parcours d'insertion. Si le développement du dialogue social au sein des structures d'insertion par l'activité économique est un vrai enjeu, mon amendement COM-39 vise néanmoins à supprimer cet article conformément à la position de la commission sur les demandes de rapport.
Nous travaillons avec le Gouvernement à un dispositif expérimental en vue de la séance publique.
L'amendement COM-39 est adopté et l'article 10 bis est supprimé.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-25 vise à supprimer cet article, qui prévoit une remise de rapport.
L'amendement COM-25 est adopté et l'article 10 ter est supprimé.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-26 vise à supprimer cette autre demande de rapport.
L'amendement COM-26 est adopté et l'article 10 quater est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Désignation de rapporteurs
La commission désigne les rapporteurs suivants sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
- Mme Corinne Imbert, rapporteur pour l'assurance maladie ;
- M. René-Paul Savary, rapporteur pour l'assurance vieillesse ;
- Mme Élisabeth Doineau, rapporteur pour la famille ;
- Mme Pascale Gruny, rapporteur pour les accidents du travail et maladies professionnelles ;
- M. Philippe Mouiller, rapporteur pour l'autonomie.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans l'hypothèse où la conférence des présidents inscrirait à l'ordre du jour des espaces réservés des 21 et 22 octobre prochains des textes relevant de la compétence de notre commission, nous serions amenés à les examiner dès la semaine prochaine.
Je vous propose de désigner dès à présent nos rapporteurs.
Proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux - Désignation d'un rapporteur
Mme Catherine Deroche, présidente. - Sur la proposition de loi n° 677 (2019-2020) portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux, j'ai reçu la candidature de Mme Laurence Cohen.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire - Désignation d'un rapporteur
Mme Catherine Deroche, présidente. - Sur la proposition de loi n° 543 (2019-2020), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, j'ai reçu la candidature de Mme Catherine Procaccia.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 13 h 15.
- Présidence de Mme Catherine Deroche -
La réunion est ouverte à 18 h 30.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Audition de MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je prie le rapporteur général de prendre place car le ministre Véran a une contrainte d'agenda.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous recevons cette après-midi M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, pour la présentation devant notre commission du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, présenté ce matin en conseil des ministres.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Nous examinerons le PLFSS en commission le 4 novembre prochain et en séance publique à partir du lundi 9 novembre.
Il s'agit d'un PLFSS inédit, qui présente un déficit des comptes sociaux de plus de 46 milliards d'euros. La sécurité sociale avait affronté la crise de 2008 avec un déficit de près de 10 milliards d'euros et elle n'avait pas retrouvé l'équilibre lorsqu'est survenue la crise du covid.
La crise sanitaire a conduit à un effondrement de recettes et à une augmentation des dépenses, notamment de Santé publique France, agence financée par l'assurance maladie.
Notre commission avait saisi l'ancien premier ministre et les ministres concernés d'une demande de rebudgétisation du financement des agences sanitaires. Nous pensons en effet qu'elles relèvent du domaine régalien, ce que la crise sanitaire a d'ailleurs confirmé. Or le Gouvernement a choisi de maintenir une mission budgétaire « Santé », qui comprend des financements très réduits pour quelques agences et n'a plus de cohérence. Pourrez-vous, messieurs les ministres, justifier ce choix ?
Le Gouvernement a également choisi de mettre des dépenses nouvelles à la charge de la sécurité sociale, avec la création d'une branche autonomie, dont les contours restent assez largement à définir, et d'autres mesures plus ponctuelles. En l'absence de recettes nouvelles, cette branche est de fait financée par un déficit accru de l'assurance maladie et par la dette future. Ne devons-nous pas nourrir de fortes inquiétudes sur la pérennité même de notre modèle social dans ces conditions ?
Je vous laisse la parole, messieurs les ministres, pour présenter votre projet.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. - Madame la présidente, permettez-moi de vous féliciter de votre élection en tant que présidente de la commission des affaires sociales et de saluer votre illustre prédécesseur.
À l'Assemblée nationale comme au Sénat,
nous avions pris l'habitude de regarder fondre le « trou de la
sécu » comme neige au soleil. Des mécanismes de
remboursement
- l'affectation de recettes, notamment de CSG et de CRDS,
à la Cades - nous permettaient d'envisager, ces dernières
années, la fin de ce déficit. Hélas, la crise du covid a
eu des conséquences sanitaires et budgétaires terribles. Le
déséquilibre des comptes de la sécurité sociale est
massif. Vous connaissez le choix du Gouvernement : celui de la
santé. Finalement, n'est-ce pas la finalité profonde de notre
système de protection sociale que de jouer un rôle d'amortisseur
pendant les périodes de crise ?
Tout comme le Gouvernement assume ces dépenses, qui déséquilibrent considérablement le budget de la sécurité sociale pour des années, il assume aussi des mesures ambitieuses portées par le PLFSS.
Après le Ségur de la santé, vous allez voter, mesdames, messieurs les sénateurs, la plus forte hausse de salaires - 8,8 milliards d'euros - jamais enregistrée dans l'histoire de l'hôpital.
Dans l'écrasante majorité des cas, les métiers du soin, historiquement sous-rémunérés, sont exercés par des femmes. En augmentant les salaires de 15 % à 20 %, nous procédons à la plus grosse compensation de l'écart salarial entre hommes et femmes dans notre pays.
J'évoquerai également la reprise de dette, le plan d'investissement et des modifications profondes de fonctionnement de l'hôpital. Il nous faudra faire vivre le Ségur de la santé et montrer que la donne a changé.
Au chapitre des grands défis relevés par notre système de protection sociale, il y a la création de la branche autonomie. Je m'étais engagé à la doter d'un milliard d'euros. D'ores et déjà, nous disposons de 2,4 milliards d'euros, notamment avec les revalorisations dans les Ehpad. Nous prendrons également des mesures concernant les aides à domicile.
Les collectivités locales seront des forces motrices d'une politique du grand âge ambitieuse et profondément renouvelée, capable d'absorber le choc démographique qui nous attend.
Le Laroque de l'autonomie viendra enrichir les débats. Il précédera la loi sur l'autonomie que nous attendons tous.
Enfin, le Gouvernement s'était engagé, sous l'égide d'Adrien Taquet, à faire quelque chose pour la famille. Boris Cyrulnik nous a remis son rapport, en insistant sur la nécessité d'allonger le congé paternité, qui passera à 28 jours, dont 7 jours obligatoires. Il s'agit d'une avancée sociale majeure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à situation exceptionnelle, Ondam exceptionnel. À chaque instant, depuis le début de la crise, nous avons pris nos responsabilités : nous préparons l'avenir sereinement, en ne reportant pas sur nos enfants le déséquilibre d'aujourd'hui.
Le choix de rembourser notre dette sociale est confirmé, mais la sortie de crise ne se fera qu'en refondant notre système de régulation. J'ai confié une mission importante au HCAAM, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, concernant l'Ondam. Les indicateurs tels que l'évolution du taux d'Ondam ne veulent désormais plus dire grand-chose. Je souhaite également que le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale éclaire les discussions en cours.
Fidèles aux engagements de ce gouvernement, de nombreuses mesures de ce PLFSS concernent les territoires. Je me réjouis de pouvoir préciser et enrichir ce texte avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. C'est un très beau texte !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Madame la présidente, je m'associe aux félicitations d'Olivier Véran concernant votre élection à la présidence de la commission des affaires sociales. Je remercie également Alain Milon, avec qui j'avais noué des relations de travail et de respect.
L'année 2020 s'est caractérisée par la crise de la covid, qui a entraîné, pour la sécurité sociale, des dépenses supérieures à ce qui était prévu, à hauteur de 15 milliards d'euros. Dans la mesure où 4 milliards d'euros n'ont pas été réellement dépensés, nous avons un solde positif supérieur à 10 milliards d'euros de dépenses. L'Ondam atteint un niveau rarement atteint. L'année prochaine, il sera également particulièrement élevé, à la suite de la première année de pleine application des accords du Ségur de la santé.
L'année 2020 s'achèvera avec un déficit de 44,4 milliards d'euros, soit 39 milliards d'euros de plus que le déficit prévisionnel, qui était évalué à 5,4 milliards d'euros. Cela s'explique non seulement par les dépenses supplémentaires que je viens d'évoquer, mais aussi par une chute des recettes de 32 milliards d'euros, due à une baisse des cotisations issues du secteur privé, de 23 milliards d'euros, à une baisse des recettes fiscales, de 6,2 milliards d'euros, et à un report d'échéances sociales, à hauteur de 6,5 milliards d'euros, pour les travailleurs indépendants affiliés au régime général.
Pour 2021, ce déficit est estimé à 27 milliards d'euros. À l'occasion du PLFR3, nous avions décidé d'un certain nombre d'exonérations de cotisations patronales pour les entreprises les plus touchées par la crise. Ces exonérations sont intégralement compensées par la sécurité sociale. Alors qu'elles étaient évaluées à 3,9 milliards d'euros, elles se chiffrent en réalité à 5,2 milliards d'euros, du fait de l'élargissement des conditions d'accès. En outre, le maintien d'une activité plus forte que ce qui était prévu s'est mécaniquement traduit par un niveau plus important de cotisations, donc d'exonérations.
Nous sommes donc dans une situation dégradée. Cette dégradation sera durable. À l'horizon 2024-2025, le déficit devrait toujours avoisiner les 20 milliards d'euros, ce qui est considérable.
Nous avons donc l'obligation de trouver les voies et les moyens de redresser la trajectoire des finances de la sécurité sociale. Nous avons fait le choix de ne pas intégrer des mesures de redressement permettant de retrouver rapidement une trajectoire satisfaisante. Nous considérons en effet que la sécurité sociale doit bénéficier de tous les moyens possibles pour répondre à la situation de crise. Nous considérons aussi que des mesures trop fortes seraient contraires à l'idée même de la relance.
Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas nous contenter d'attendre le retour de la croissance et nous devons continuer à travailler sur un certain nombre de réformes structurelles, qui sont de deux ordres. Les premières sont contenues dans le texte que nous vous présentons. Je pense notamment au dispositif de déclaration des revenus tirés d'une activité annexe et à la fusion de la déclaration sociale et fiscale pour les agriculteurs. Ces réformes structurelles, que nous vous proposons d'adopter dès cette année, sont des réformes de simplification.
Nous devons travailler sur une autre catégorie de réformes, plus structurelles. Je pense aux travaux sur la contemporanéité du crédit d'impôt pour les services à la personne, sur la base mensuelle de revenus, pour mieux ajuster le niveau des prestations avec la situation que connaissent les assurés, et sur l'unification du recouvrement.
D'autres réformes feront suite aux travaux que le ministre de la santé et des solidarités a demandés au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, mais aussi aux travaux que le Premier ministre a demandés au Conseil d'orientation des retraites, pour actualiser ses prévisions en fonction des conditions financières.
Si la situation est extrêmement dégradée, nous pouvons être optimistes s'agissant de la capacité de notre système de protection sociale à faire face. En effet, la loi organique permettant le transfert d'une part des déficits de la dette sociale sur la Cades - 136 milliards d'euros au titre des exercices 2020 à 2023 - permettra à l'Acoss de disposer d'une capacité de financement sur les marchés et d'une capacité à faire face en matière de trésorerie.
Pour résumer, nous réalisons un effort inégalé, qui se traduit par une dégradation, que nous espérons temporaire, des comptes de la sécurité sociale, des réformes structurelles visant à améliorer le service aux usagers et à trouver une trajectoire de redressement des comptes sociaux et une capacité de notre système à résister, pour accompagner les usagers, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ce PLFSS, vous venez de le rappeler, prévoit des déficits considérables pour les années 2020 et 2021. Tout le monde en est d'accord ici, la sécurité sociale doit jouer pleinement son rôle d'amortisseur social.
Mais la trajectoire des années suivantes se révèle troublante, avec un plateau annuel de déficit supérieur à 20 milliards d'euros, sans même intégrer les effets de la future loi autonomie. Le Gouvernement se résigne-t-il vraiment à faire ainsi dériver à long terme les comptes de la sécurité sociale ?
Le cas échéant, croyez-vous que ce modèle, qui revient à transférer le coût de notre protection sociale aux générations futures, soit réellement soutenable ? Malgré votre recherche de mesures structurelles, ces dernières ne paraissent pas de nature à nous rassurer.
Le PLFSS prévoit une autorisation de découvert de 95 milliards d'euros pour l'Acoss en 2021. L'agence aura-t-elle besoin d'un tel montant, malgré les transferts à la Cades ? Un tel niveau ne présente-t-il pas un risque de financement de l'agence par les marchés ?
Lors de l'examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, le Sénat avait rejeté la reprise par la Cades des encours de dettes des établissements de services publics hospitaliers. Notre commission avait notamment considéré que les emprunts contractés par les hôpitaux étaient pour une part substantielle liés à des investissements immobiliers et non des dépenses de soins, ces investissements découlant de surcroît des plans gouvernementaux pour les hôpitaux. Il semble que la rédaction proposée par ce PLFSS concernant la reprise de dettes précise que celle-ci ne peut couvrir que des encours liés au financement du seul champ sanitaire. Quel périmètre recouvre cette terminologie ? Les emprunts contractés par les hôpitaux permettent-ils d'isoler exclusivement le seul champ sanitaire ? Cela change-t-il la liste des établissements qui pourraient être concernés ? Pouvez-vous nous dire quelle est la part du champ sanitaire dans les 33 milliards d'euros de la dette hospitalière ?
Enfin, la Cour des comptes a récemment remis à notre commission un rapport sur la fraude aux prestations sociales. Celui-ci montrait que plusieurs organismes ne se sont dotés d'aucun moyen pour estimer le montant des fraudes dont ils sont victimes, ce qui ne permet aucun pilotage de la lutte contre la fraude et peut laisser libre cours à tous les fantasmes. Monsieur le ministre, comptez-vous demander aux organismes concernés de se donner très vite les moyens d'estimer cette fraude ? Quelles suites entendez-vous donner aux préconisations de la Cour des comptes concernant le déconventionnement des professionnels de santé se rendant coupables de tels actes ?
Par ailleurs, j'ai lu et entendu que l'institut Pasteur de Lille était sur une piste très prometteuse concernant le traitement du covid-19. Il manque à cet organisme 5 millions d'euros, nécessaires pour procéder à des essais cliniques rapides. Le ministère pourrait-il envisager de financer ces recherches - je ne limite pas ma question à l'institut Pasteur -, afin de les accélérer ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - S'agissant de l'état des finances sociales, nous sommes parfaitement conscients d'un risque de dérive à long terme. Nous ne pouvons pas imaginer que la sécurité sociale puisse rester dans une situation de déficit durable, à hauteur de 20 milliards d'euros.
Nonobstant notre décision de ne pas inscrire dans ce PLFSS des mesures qui auraient pour effet de ralentir la croissance, nous devons trouver ensemble les voies et moyens de redresser les comptes de la sécurité sociale. Cela passera nécessairement par des réformes structurelles que nous devons identifier. Les travaux du HCAAM comme du Conseil d'orientation des retraites devront nous guider.
J'en viens au plafond de découvert de 95 millions d'euros de l'Acoss. Tout d'abord, il s'agit bien d'un plafond : si nous souhaitons bien évidemment que l'Acoss n'ait pas à mobiliser la totalité de cette somme, nous souhaitons nous donner des marges de manoeuvre en cas de difficulté. Ensuite, la loi organique du 7 août dernier prévoit un transfert progressif de 20 milliards d'euros de l'Acoss vers la Cades. Le caractère progressif du transfert nécessite aussi de ménager des marges.
S'agissant des risques liés aux capacités de financement de l'Acoss, nous les avons pris en compte. L'État sait accompagner l'ensemble de ses opérateurs quand c'est nécessaire.
Pour ce qui concerne la fraude, chaque organisme doit être en capacité, aussi vite que possible, d'avoir des outils permettant de mesurer la fraude et son impact, ce qui évitera bien des hypothèses farfelues. Le rapport de la Cour des comptes le souligne, en dix ans, le nombre de cas de fraudes détectés a augmenté de 30 %. D'une année sur l'autre, l'augmentation est de 10 %, avec une accélération de certaines techniques de traitement des données disponibles par les caisses de sécurité sociale. Le rapport pointe aussi le fait que l'ensemble des caisses de sécurité sociale consacre 4 300 équivalents temps plein à la prévention et à la lutte contre la fraude, ce qui est considérable.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. - S'agissant de la reprise de la dette hospitalière, tout ce qui permet de financer du bâti participe, à mon sens, aux soins. Nous vérifierons ce point, monsieur le rapporteur général. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas conçu le dispositif pour exclure une partie de la dette. Les clés de répartition ont fait l'objet d'une mission IGAS-IGF, qui nous a permis d'avoir une prérépartition à l'échelle régionale de sommes considérables. Par la suite, les ARS, au sein des différents territoires, tiendront compte de la situation de chaque hôpital. En effet, certains hôpitaux sont très peu endettés, mais sont délabrés, tandis que d'autres sont très lourdement endettés.
Pour ce qui concerne le traitement innovant de l'institut Pasteur, nous avons bien un certain nombre de documents sur le projet de recherche qui est en cours. Ces projets sont d'ailleurs nombreux et doivent passer par les circuits habituels. Sachez que tous les services de l'État en matière de recherche en santé sont totalement mobilisés, avec des réponses ultrarapides. À un stade précoce d'études cliniques, monsieur le rapporteur général, une demande de 5 millions d'euros me paraît inhabituelle.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Sur la dette hospitalière et la question du champ sanitaire, vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre de la santé.
Monsieur le ministre Olivier Dussopt, vous dites qu'un gros effort est fourni en matière de lutte contre la fraude. Je vous réponds qu'il est insuffisant ! Les estimations nécessaires n'ont pas été faites, ce qui laisse le champ libre à tous les fantasmes. Cette question relève de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Il faut aller vite en la matière !
M. Olivier Véran, ministre. - L'« objet sanitaire » fait référence à une dette contractée par des EPS ou Espic. Il n'y a aucune volonté d'exclure tel type de dette par rapport à tel autre.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche de l'assurance maladie. - Messieurs les ministres, quels sont les principaux objectifs assignés à la mission de refonte de l'Ondam, que vous avez confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ? Ont-ils d'ores et déjà inspiré la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ?
Alors que le Sénat avait alerté sur le transfert des dotations de Santé publique France à l'assurance maladie, la crise sanitaire et le relèvement substantiel des dépenses de l'agence, porté par l'Ondam, montrent que les craintes que nous avions sur cette débudgétisation étaient justifiées. Ces dépenses, qui ne sont pas des dépenses de soins, ne devraient-elles pas revenir dans le giron de l'État ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir remanié dès 2021 le périmètre de l'Ondam ou proposé un suivi tendanciel de l'Ondam hors autonomie, la branche autonomie nouvellement créée ayant vocation à reprendre les deux sous-objectifs relatifs aux dépenses pour le handicap et les personnes âgées.
L'article 26 de l'avant-projet de loi tend à instituer un Fonds pour la modernisation de l'investissement en santé, en lieu et place du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés. Cette mesure s'inscrit dans le cadre des conclusions du Ségur de la santé, qui porte l'ambition de donner le pouvoir aux territoires en matière d'investissements en santé. Comment la création de ce fonds concrétisera-t-elle cette ambition ? Quelles sont les autres évolutions prévues pour rendre les élus locaux pleinement parties prenantes des décisions d'investissement ?
L'article 39 de l'avant-projet de loi présente une refonte globale de l'accès précoce aux médicaments innovants, en réformant le régime des autorisations temporaires d'utilisation, les fameuses ATU, et des recommandations temporaires d'utilisation, les RTU. Dans ce secteur particulier, dont les acteurs industriels évoquent depuis plusieurs années l'instabilité normative comme l'une des principales causes de la perte d'attractivité du modèle français, comment anticipez-vous l'appropriation de ces nouvelles normes ?
M. Olivier Véran, ministre. - Le FMIS remplace le FMESPP. Cela implique une présence des représentants des associations d'élus locaux, ainsi que davantage de crédits pilotés localement et non par le CNIS, le Conseil national de l'investissement en santé. Il s'agit de changer la donne concernant la participation des élus à la construction des projets de santé dans les territoires, en les associant véritablement. Par ailleurs, nous donnons la possibilité aux collectivités qui le souhaitent de participer au pot commun - n'y voyez pas malice !
Dans le cadre d'une future PPL portant d'autres dispositions du Ségur, nous irons plus loin, en modifiant profondément le conseil d'administration des ARS, pour y intégrer davantage les élus et, surtout, les grands élus du territoire.
En ce qui concerne l'Ondam, j'ai confié au HCAAM une mission qui fait le point sur les fameux sous-objectifs de l'Ondam, pour savoir ce qui fait encore sens, notamment dans le cadre du débat démocratique. Pour ma part, je ne sais pas ce que signifie l'évolution du taux de l'Ondam. Selon moi, il vaut mieux parler en milliards d'euros et dire aux Français que l'on dépense plus de 220 milliards d'euros pour leur santé, plutôt que de leur dire que l'évolution est de 6 % ou de 3 % ! Sans compter que la crise du covid a fait perdre tout son sens à cet indicateur : il faut neutraliser les dépenses covid pour se rendre compte que l'on augmente massivement les dépenses de santé dans notre pays cette année. Une telle réflexion est puissamment démocratique.
Concernant la reprise des deux sous-objectifs « autonomie » et « handicap » de l'Ondam dans la branche autonomie, vous avez raison, madame la rapporteure ; cependant, une mission est en cours sur le sujet et le périmètre de la branche a vocation à évoluer. Nous avons souhaité une branche à l'équilibre à sa création ; l'intégration des deux sous-objectifs irait dans le sens de l'Histoire.
La refonte de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) et de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) est un débat important, dans lequel Mme la rapporteure s'est beaucoup impliquée. L'accès compassionnel a été bâti et consolidé au Sénat, avec une évaluation en cours. Aucun big bang n'est prévu cette année dans le champ du médicament, compte tenu de ce qu'ont traversé les industriels au cours des derniers mois, mais nous n'abandonnons pas le dispositif, bien au contraire.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'article de la LFSS pour 2019 qui étendait l'indication de l'ATU et de la RTU était incompréhensible, et je suis indulgente... Son décret d'application n'était paru qu'au mois d'août suivant.
M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - La branche vieillesse connaîtra un déficit quatre fois plus important que prévu, ce qui nous renvoie aux réformes qui auraient dû être menées, mais qui sont restées lettre morte. Mes questions ont déjà reçu une réponse ; je ferai donc questions et réponses ! Quelles mesures envisagez-vous pour redresser rapidement et durablement les comptes de notre système de retraite ? Vous avez répondu en substance : « pas de questions d'argent entre nous », puisque vous ne prenez pas de mesures structurelles, les mesures de redressement allant à l'encontre du plan de relance.
En raison d'une erreur de gestion, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) n'a pas recueilli des prélèvements de CSG auprès de 200 000 retraités. Vous lui avez demandé de ne pas recouvrer ces sommes, qui représentent un manque à gagner de 50 millions d'euros. Allez-vous les compenser ?
Le président de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), Jean-Noël Cardoux, ne pouvant être présent ce soir, je vous pose sa question, qui portait sur la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Voilà quelques mois, une dette supplémentaire de 136 milliards d'euros lui a été transférée. Depuis lors, 50 milliards s'y sont ajoutés, ce qui remet en cause l'objectif d'extinction de la dette en 2033. Vous nous avez assuré que cette dette ne serait pas confiée à nos enfants, mais la Cades a été créée en 1996... Quelle est votre stratégie ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Une dette, naturellement, se rembourse. Pour 2021, nous avons fait le choix d'accompagner la relance, de répondre à la crise et de nous laisser le temps d'examiner les différentes études commandées.
Le franchissement d'un seuil de revenu pendant deux années consécutives fait passer le contribuable retraité à un taux majoré de CSG. Or la CNAV a mis huit ou neuf mois à appliquer ce taux majoré aux contribuables concernés. Les montants individuels étaient compris entre 160 et 400 euros, avec de fortes disparités, puisque seule la pension principale est prise en compte. De plus, ceux dont la pension les plaçait en deçà du seuil de pauvreté ne pouvaient rembourser ce montant que de manière volontaire. D'accord avec Laurent Pietraszewski, nous avons demandé à la CNAV de ne pas recouvrer ce trop-perçu, considérant que les retraités n'avaient pas à faire les frais d'une difficulté d'application d'une décision administrative, conformément à l'esprit de la loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc) que vous avez examinée en 2018.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la branche famille. - Nous avons adopté l'année dernière un dispositif d'intermédiation financière assurée par les caisses d'allocations familiales (CAF) pour le recouvrement et le versement des pensions complémentaires. Or la mise en oeuvre de la première étape de cette réforme, prévue pour le 1er juin, a été repoussée au 1er octobre, au motif que le personnel des CAF n'avait pas encore été formé et que les outils n'étaient pas achevés. Quelles mesures sont entrées en vigueur le 1er octobre ? Est-il toujours prévu d'ouvrir dès le 1er janvier prochain l'intermédiation financière des CAF à tous les parents qui en feront la demande ?
J'applaudis l'allongement du congé de paternité, qui est bienvenu pour le développement du jeune enfant. Ces moments sont uniques, les pères doivent les connaître autant que les mères. Toutefois, avez-vous évalué le surcoût pour les entreprises de cet allongement, avec ses seize jours obligatoires ? Des concertations seront-elles engagées sur les modalités d'application ? Quelles sont les intentions du Gouvernement sur le fractionnement du congé et le délai de prévenance de l'employeur ?
Ce PLFSS prolonge le remboursement de la télémédecine ; qu'en est-il de la télésurveillance médicale, tout aussi utile dans un contexte de crise sanitaire ? Avez-vous des éléments sur l'avenir du programme Étapes, prévu pour quatre ans et prolongé pour quatre nouvelles années ? La télésurveillance est très importante pour nombre de maladies chroniques.
M. Olivier Véran, ministre. - La réforme entrée en vigueur au 1er octobre permet à toute personne qui n'a pas perçu sa pension alimentaire d'obtenir auprès de sa CAF une allocation forfaitaire qui peut atteindre 113 euros par mois, en attendant un prélèvement direct sur le compte du parent, un homme dans l'immense majorité des cas, qui n'a pas versé la pension. Il suffit de présenter RIB, livret de famille et pièce d'identité. Nous pouvons remonter jusqu'à 24 ans en arrière.
Au 1er janvier, comme vous l'avez dit, l'intermédiation sera possible sur simple proposition des couples, même en l'absence de problèmes de versement. C'est un chantier monumental, pour lequel 400 personnes seront embauchées dans les CAF. Cette mesure, qui répond à une demande très forte du grand débat national, complète le dispositif de la majorité précédente.
Tous les détails pratiques touchant au congé paternité seront fixés par décret. Il n'y a pas de surcoût pour les entreprises : l'extension à 28 jours du congé paternité est à la charge de la sécurité sociale.
La télésurveillance, instaurée dans la LFSS 2018, a été étendue voici quelques mois ; une enquête de satisfaction est en cours, et les premières données sont attendues pour le début de 2021. Le mot de télésurveillance contient celui de « surveillance », d'où la nécessité que la démocratie sanitaire soit assurée. En 2012 ou 2013, la première application de la télésurveillance médicale, sur l'apnée du sommeil, avait été mal perçue. Il faut s'assurer de la satisfaction des usagers.
M. Bernard Bonne. - Le dossier de presse indique que la projection pluriannuelle n'inclut pas les mesures nouvelles qui interviendraient dans la prochaine loi sur le grand âge et l'autonomie. Le terme « prochaine » me rassure, mais le conditionnel m'inquiète. Quand ce projet de loi sera-t-il présenté, et quelles seraient ces mesures nouvelles ?
Ce PLFSS est vide de mesures de soutien au secteur de l'aide à domicile, alors qu'il est entendu au moins depuis le rapport de 2019 qu'il faut permettre aux personnes âgées de rester à domicile le plus longtemps possible. Comment expliquer cette absence ?
Je lis également qu'il est question d'anticiper le vaccin contre la covid. Ne serait-il pas judicieux de prévoir dès à présent l'obligation de vaccination contre la grippe du personnel médical et médico-social ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur de la branche autonomie. - Le Gouvernement a fait une lecture très minimale du rapport Vachey, qui dessinait le périmètre de la branche autonomie : elle représente une trentaine de milliards d'euros, contre 40 milliards proposés dans le rapport. Le dossier de presse indique que le périmètre a vocation à évoluer « en fonction des concertations à venir ». Où en sont ces concertations, et à quels changements de périmètre la représentation nationale doit-elle se préparer ?
La branche autonomie étant dotée de ressources propres, à quoi correspond le sous-objectif de l'Ondam relatif aux dépenses pour les établissements et services pour personnes âgées et handicapées ?
Les conclusions de la conférence nationale du handicap, dévoilées en février dernier, faisaient apparaître un effort de 600 millions d'euros qui ne figure ni dans la révision de l'objectif pour 2020, ni dans les mesures nouvelles pour 2021.
Pouvez-vous préciser l'état d'avancement et les modalités de financement des chantiers en cours ? Enfin, que ferez-vous des conclusions du rapport Piveteau-Wolfrom sur l'habitat inclusif et de celui de Philippe Denormandie sur le handicap ?
M. Olivier Véran, ministre. - Le Président de la République a rappelé, le 22 septembre, sa volonté de voir la loi sur l'autonomie présentée au Parlement. Elle va donc arriver ! Parlons-nous franchement : vous m'avez interrogé sur le niveau des dépenses sociales, sur celui du déficit qui devrait se creuser pendant un moment, sur la nécessité de ne pas faire peser une dette trop lourde sur les générations à venir. Au moment d'engager des dépenses légitimes et nécessaires dans le champ de la protection sociale, il est nécessaire de se poser la question du financement. Le Gouvernement devra faire des choix, dans le cadre de l'agenda social qui se profile. Nous avons besoin de justice et de rigueur. Je retire le conditionnel sur le projet de loi qui vous sera présenté, mais la question du financement sera posée.
Les travailleurs de l'aide à domicile sont, pour beaucoup d'entre eux, des travailleurs pauvres. Dans le cadre de la prime covid, 71 départements ont contractualisé avec l'État, qui apporte 80 millions d'euros à concurrence de la contribution de ceux-ci pour le versement de la prime aux acteurs de l'aide à domicile ; mais on ne peut se contenter d'une prime. Oui, une revalorisation est nécessaire, et il faut faire un geste pour l'aide à domicile. Des arbitrages sont en cours, et ce texte sera amené à évoluer au cours des débats parlementaires. Je ne puis vous en dire plus à ce stade.
Le 13 octobre commencera la campagne habituelle de vaccination antigrippale pour les soignants à l'hôpital, en ville ou dans les Ehpad, et les personnes vulnérables. Ce vaccin ne présente pas de bénéfice individuel important ; en revanche, son bénéfice collectif, vis-à-vis des plus fragiles, est significatif. S'engager dans les métiers du soin relève d'une vocation dont l'un des principes est primum non nocere : d'abord, ne pas nuire. Je souhaite donc une vaccination massive des soignants. La question de l'obligation se pose régulièrement, mais les externalités négatives d'une telle décision seraient trop importantes, eu égard à la pression sanitaire dans les Ehpad et les hôpitaux.
Je vais vous parler très franchement : en cas de départs massifs, ou de mise en avant du droit de retrait, si certains soignants décidaient ne pas apporter le coup de main attendu dans les Ehpad parce qu'ils refuseraient de se faire vacciner, les difficultés seraient encore plus importantes. Quelles que soient nos idées sur le fond, le moment n'est pas venu.
Le rapport Vachey propose une progressivité dans l'évolution du périmètre de la branche. Je me suis entretenu avec son auteur. Ce n'est pas un one shot : nous posons les bases d'un régime à l'équilibre, avec un périmètre défini, mais amené à évoluer par la suite. Il fait sens, à mes yeux, d'intégrer les sous-objectifs « autonomie » et « handicap », mais attendons la première évaluation.
Dans le champ du handicap, des mesures très fortes sont proposées : la PCH (prestation de compensation du handicap) parentalité, dans le PLFSS pour 2021, représente 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Votre question me permet de la rendre visible.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Je voudrais vous dire mon incompréhension vis-à-vis de ce PLFSS, qui crée une branche autonomie, mais néglige les services d'aide à domicile et leurs salariés, semblant même revenir sur les engagements de revalorisation salariale pris par le Gouvernement. C'est un contresens au regard du virage domiciliaire régulièrement annoncé, ainsi qu'une marque de mépris envers les Français qui veulent vieillir chez eux et envers cette catégorie de personnel. Ces arbitrages font craindre une cinquième branche sans moyens pour la réponse domiciliaire.
Aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré que les aides à domicile étaient « des gens en or ». Oui, ce sont des gens en or, qui ont besoin d'une revalorisation salariale ; or certains départements, dont le mien, auront des difficultés à leur verser la prime covid. Au-delà des considérations salariales, le recrutement est difficile et nous ne savons comment répondre aux nouvelles demandes des bénéficiaires.
Mme Marie-Pierre Richer. - Je vous ai adressé cette semaine un courrier qui porte sur la parution du décret 2020-1152 attribuant un complément de traitement à certains agents de la fonction publique hospitalière. Cette revalorisation, attendue par tous, devrait apporter reconnaissance et apaisement. Toutefois, le décret exclut certaines catégories de personnel, notamment les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), qu'a évoqués ma collègue et ceux du secteur du handicap.
Ainsi, dans le Cher, quelque 92 des 1 317 agents hors personnel médical du centre hospitalier George Sand, qui travaillent notamment dans les maisons d'accueil spécialisées et les foyers d'accueil médicalisé (FAM), sont exclus du dispositif, d'où un fort sentiment d'injustice et d'iniquité. Pourtant, les unités de prise en charge des personnes handicapées ont subi les mêmes contraintes : maintien du lien avec les familles, mesures barrières, distanciation, reprise des visites à un haut niveau de sécurité, etc. Cette exclusion va exacerber les difficultés de recrutement dans des secteurs déjà en proie à des problèmes d'attractivité, notamment en zone rurale. L'indignation est grande, chez les directeurs d'établissement comme dans les rangs des syndicats. Le décret doit être corrigé et étendu à l'ensemble de la fonction publique hospitalière, sans oublier tous les agents exclus du dispositif.
Mme Florence Lassarade. - La crise du covid n'occulte pas les autres problèmes médicaux. Où en sont le financement de la création d'un infirmier en pratique avancée en psychiatrie et la revalorisation de la médecine libérale, dont on a peu parlé dans cette crise ? Quel véhicule législatif assurera la prolongation des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui permettent l'aide à l'installation des médecins ?
Qu'en est-il du décret d'application du forfait post-cancer annoncé par Mme Buzyn ? Un malade du cancer en rémission a besoin de soins.
M. Dominique Théophile. - La reprise de la dette des établissements hospitaliers sera soumise à certaines conditions. Y aura-t-il un traitement différencié entre le public et le privé à but non lucratif ?
L'avant-projet de loi de finances et le PLFSS 2021 prévoient une généralisation des maisons de naissance. Dès 2013, une série d'expérimentations dans l'Hexagone et en outremer avait donné des résultats concluants. Mais l'article 30 du PLFSS ne sécurise que partiellement le rôle des sages-femmes dans ces structures, dont la gestion peut être confiée à un tiers, établissement de santé ou personne morale. Or les sages-femmes, qui sont à l'origine de ces maisons de naissance, craignent qu'elles ne deviennent des services annexes des établissements. Elles s'inquiètent également d'une gestion par des personnes morales. C'est pourquoi il faudrait une vraie convention d'exploitation confiée aux sages-femmes pour sécuriser leur activité.
M. Olivier Véran, ministre. - Le Gouvernement tient ses engagements : les salariés de l'aide à domicile ont bénéficié d'une revalorisation de 2,7 %. Madame Bonfanti-Dossat, vous me dites que votre département n'a pas les moyens de verser la prime covid - et dans le même temps, vous réclamez de l'État une augmentation des salaires. Gouverner, c'est choisir. Le Gouvernement a fait le choix d'une impulsion très forte en faveur d'une prime pour les aides à domicile versée par les départements ; 71 ont suivi, je considère que l'ensemble des départements doivent tenir leur part de cet engagement.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Je n'ai pas parlé que des salaires.
M. Olivier Véran, ministre. - Les « exclus » et « oubliés » de Ségur ne sont ni exclus, ni oubliés. Le protocole d'accord signé par les syndicats majoritaires prévoit un travail spécifique sur la situation des agents et salariés des établissements et services médico-sociaux.
La prime covid sera versée au personnel du secteur hospitalier et des Ehpad, soit près de 2 millions de salariés, pour un total de 1,8 milliard d'euros. Il n'est pas illégitime d'envisager un élargissement du cercle ; mais cela inclurait le secteur social, avec les établissements éducatifs, les FAM, tous les établissements qui relèvent du care, les auxiliaires de vie scolaire... Le regard du ministre du budget m'indique que cela serait difficile ! Je me suis néanmoins engagé avec les syndicats à réfléchir sur certains soignants en dehors du périmètre du Ségur, dont les missions pourraient justifier une inclusion, mais cela pourrait concerner un million de personnes supplémentaires.
Les mesures concernant les médecins libéraux relèvent des négociations conventionnelles qui ont commencé entre l'Assurance maladie et les syndicats représentatifs, et non du domaine parlementaire ; mais les libéraux ne sont pas oubliés.
Le dispositif post-cancer fait l'objet d'une évaluation en cours. Le parcours de soins global sera mis en place par des structures conventionnées. Un décret devrait être publié prochainement, ainsi que des arrêtés fixant les conditions de prescription et la liste des structures susceptibles de conclure une convention. Tout cela peut prendre du retard en période de covid, mais nous n'abandonnons pas.
La reprise de dette concerne l'ensemble des établissements de santé qui participent du service public hospitalier. Les établissements privés à but lucratif qui en relèvent peuvent donc postuler mais, d'après le président de la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France, aucun ne s'est porté volontaire. En revanche, des établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic) sont concernés.
Sur les maisons de naissance, vous semblez faire référence à une situation précise. Il y en a huit en France, et ce PLFSS prévoit la création de douze maisons supplémentaires. Attendons les résultats de l'évaluation, qui posera la question médico-économique, mais ces maisons correspondent à une attente des parturientes et des maïeuticiens.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Un amendement du Gouvernement prolongeant les ZRR sera présenté en première lecture à l'Assemblée nationale. Je m'associe aux propos d'Olivier Véran sur la question du financement. Certains d'entre vous ont légitimement porté des demandes de financement, craignant que l'on oublie l'un ou l'autre secteur ; mais en tant que ministre des comptes publics, je me dois de souligner le paradoxe consistant à s'inquiéter des déficits accumulés tout en proposant de nouvelles dépenses. Malheureusement, les propositions de nouvelles recettes sont plus rares et plus difficiles à mettre en oeuvre, sous forme d'économies comme de ressources nouvelles.
M. Bernard Jomier. - J'envoie un message de solidarité aux députés, qui n'ont que quelques jours pour déposer des amendements sur ce PLFSS.
M. Olivier Véran, ministre. - Comme tous les ans, hélas !
M. Bernard Jomier. - Comme tous les ans, hélas, le rôle du Parlement est minoré. Heureusement, le Sénat a davantage de temps pour le PLFSS...
Il n'est pas tout à fait exact que la crise du covid soit survenue au moment où le déficit de la sécurité sociale s'éteignait. Les comptes sociaux se sont redressés de 2010 à 2018, date à laquelle le Gouvernement a fait peser sur la sécurité sociale les décisions prises par le Président après la crise des gilets jaunes, faisant ainsi replonger ces comptes dans le rouge. Ensuite est arrivée la crise du covid, et je vous donne acte de la difficulté à construire un PLFSS dans ce contexte.
Deuxièmement, la crise de la covid entraîne des dépenses d'ordre conjoncturel, mais elle nous donne des enseignements sur la façon dont notre système de santé doit évoluer : le rôle des professionnels de ville et de la première ligne, celui des aides à domicile, la place des agences sanitaires... Ce PLFSS devrait être l'occasion de traduire ce mouvement structurel dans les lignes budgétaires. Or, sur tous ces points, il est plutôt inquiétant. Certes, il faut des réformes structurelles pour améliorer les comptes de la sécurité sociale, mais cette crise sanitaire violente a montré qu'il fallait modifier structurellement notre système de santé.
C'était pour beaucoup les principes de Ma Santé 2022, auxquels vous ne faites plus référence, tout comme ceux de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé que nous avons votée en 2019. J'ai l'impression qu'une page est tournée : on ne lit pas ces orientations dans le PLFSS.
Troisièmement, il est compliqué de lire l'Ondam. Même si l'on retranche les mesures de revalorisation salariale qui ont été prises, on s'aperçoit que l'effort structurel ne sera pas suffisant. Certes, on peut changer la façon de concevoir l'Ondam, mais il ne s'agit pas de casser le thermomètre pour empêcher de lire l'évolution de la température.
Je vous donne acte de la difficulté de construire ce PLFSS dans le contexte que nous vivons, mais ces éléments de brouillage ne facilitent pas le travail parlementaire.
M. Olivier Véran, ministre. - Je répondrai rapidement, car je dois partir.
On amplifie et on accélère Ma Santé 2022 : c'est retranscrit partout, jusque dans les négociations conventionnelles qui activent et amplifient les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). La réforme des financements psy, la sortie de la T2A notamment attestent bien que la marque de fabrique reste la même. Le lien de parentalité entre Ma Santé 2022 et la stratégie nationale de santé élaborée sous le quinquennat précédent est très fort. Il n'y a pas de raison de changer de cap. En revanche, on s'appuie davantage sur les territoires et non plus sur des procédures qui pourraient être jacobines. On est plus girondin dans la façon de procéder...
Sur la construction de l'Ondam, on ne peut pas nous faire le procès de brouiller le message. Jamais on n'a eu une évolution du taux de l'Ondam aussi forte, hors dépenses covid : c'est l'équivalent de l'évolution du taux de l'Ondam de trois années réunies du quinquennat précédent. Le taux de l'Ondam n'est pas un bon indicateur, cela ne parle pas aux Français, il vaut mieux parler en euros : cela représente 220 milliards d'euros supplémentaires de dépenses de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis désolé de ne pouvoir rester plus longtemps parmi vous.
Mme Chantal Deseyne. - Sur la cinquième branche et la perte d'autonomie, le rapport Vachey ouvre un certain nombre de pistes de financement. Lesquelles privilégiez-vous ?
Pour lutter contre les déserts médicaux, quels dispositifs prévoyez-vous dans le cadre de ce PLFSS, au-delà du développement de la télémédecine ?
Mme Victoire Jasmin. - Je suis scandalisée par le départ du ministre des solidarités et de la santé en pleine audition, alors que de nombreux commissaires sont présents et ont des questions à poser. Il n'est pas normal que le Sénat se retrouve dans cette situation, qui s'est déjà produite il y a un an. C'est du mépris !
Mme Catherine Deroche, présidente. - Au début de cette audition, j'ai prévenu que le ministre devrait partir. Les circonstances sanitaires sont exceptionnelles !
Mme Victoire Jasmin. - Je pose malgré tout mes questions.
La situation des laboratoires, qu'ils soient extrahospitaliers ou dans les établissements publics de santé, est critique dans toute la France. Vous l'avez ignorée et découverte à l'occasion de cette mesure. Les laboratoires sont dans une démarche d'amélioration continue de la qualité et d'accréditation. Dans le même temps, les nomenclatures baissent. Quelles mesures comptez-vous prendre ?
Olivier Véran a parlé des établissements vétustes et endettés : c'est le cas dans les outre-mer, en particulier en Guadeloupe. Dans ces territoires, les évacuations sanitaires inter-îles, par exemple entre la Guyane et la Martinique ou la Guadeloupe, engendrent des surcoûts considérables. Ces situations, qui ne sont pas forcément liées à des problèmes de gestion, doivent être prises en compte. Ces territoires sont confrontés à des difficultés de prise en charge et de continuité des soins propres.
M. Olivier Henno. - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est tout à fait singulier - crise sanitaire, Ségur de la santé, revalorisation des salaires, chute des recettes, augmentation des dépenses, déficit abyssal... L'inquiétude de voir transférer des dépenses de santé et des dépenses sociales sur les générations à venir croît. Vous avez politiquement décidé de renoncer à toute piste de régulation et d'économie dans ce texte. Même si nous traversons une crise extrêmement grave, est-ce pertinent ?
Il va pourtant bien falloir réguler nos dépenses, sinon je crains que les conséquences des remèdes de demain ne soient encore plus brutales que nos souffrances d'aujourd'hui !
M. Alain Milon. - La création de la cinquième branche au mois de juillet dernier a permis la reconnaissance des enjeux d'accompagnement de la perte d'autonomie. Toutefois, le Sénat reste assez perplexe sur son financement. Le PLFSS pour 2021 ne permet pas de dessiner une trajectoire de croissance pluriannuelle des ressources dédiées à l'autonomie.
Olivier Véran a parlé de 2,5 milliards d'euros de mesures nouvelles ; certes, cela représente un effort significatif, mais, pour les trois quarts, cela correspond au financement des engagements pris dans le cadre du Ségur : revalorisation des rémunérations des personnels des Ehpad et soutien à l'investissement. Pour le champ des personnes âgées, l'Ondam n'est construit que sur un taux d'actualisation de 0,8 : ce n'est pas considérable et ne permet pas d'avoir une vision sur la politique que vous pourrez ensuite mettre en place en matière de perte d'autonomie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'amorce pas la dynamique attendue en matière de croissance progressive des ressources affectées à la perte d'autonomie.
Selon ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'hôpital devra de nouveau faire une économie de 850 millions d'euros sur l'Ondam global. Si le Ségur de la santé et la crise du covid affectent forcément les dépenses à la hausse, qu'en est-il du financement des besoins préexistants ?
Selon les chiffres portés à notre connaissance, il s'agit d'une enveloppe non pas de 2 milliards d'euros, mais de 1,3 milliard d'euros. Cela ne correspond pas aux engagements pris au début de la mandature du Président de la République : un Ondam à 2,4 milliards d'euros tous les ans pendant cinq ans, hors covid.
Mme Raymonde Poncet. - Le Ségur de la santé porte sur le sanitaire et le médico-social établissement, c'est-à-dire les Ehpad. Quid du médico-social à domicile ?
Jusqu'à présent, je trouvais regrettable que le Ségur de la santé ait exclu le médico-social domiciliaire. Désormais, j'ai de fortes inquiétudes. Je pensais en effet que le médico-social domiciliaire et le social seraient inclus dans les travaux autour de l'autonomie et qu'il y avait une ligne budgétaire, en avance de phase. J'avais bien pointé que l'impact de la revalorisation des professionnels du domicile n'apparaissait pas dans les exemples que vous donniez sur cette ligne en avance de phase, mais je pensais qu'il s'agissait d'une omission.
Les acteurs du domicile ne pourront pas faire face à un deuxième épisode de pandémie. Aujourd'hui, une demande sur cinq à domicile ne peut pas être honorée : la crise du recrutement liée à la perte d'attractivité est telle que le secteur est sinistré.
À juste titre, la rémunération des acteurs dans les Ehpad a été revalorisée. Cela a pour conséquence des départs des aides-soignants vers ces établissements. Il faut cesser les discours louangeurs sur les aides à domicile, car le décalage entre les discours et les actes n'est plus supportable.
Après la réponse du ministre, j'ai bien compris que les travaux Laroque étaient une énième opération dilatoire. Le diagnostic et les préconisations sont connus !
Les agréments de la branche du domicile qui sont en souffrance de signature du Gouvernement seront-ils délivrés avant la fin de 2020, pour être applicables en 2021 ? Sinon, l'application sera reportée en 2022 et le tournant domiciliaire n'aura pas lieu.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Madame Deseyne, le rapport Vachey a été rendu : aucune piste n'est encore privilégiée. Il existe différents types de propositions, par exemple des économies extrêmement difficiles à réaliser : exonérations permises pour les employeurs à domicile de plus de 70 ans, augmentation des prélèvements obligatoires, fléchage de recettes...
C'est un véritable enjeu que de trouver les voies et les moyens d'assurer à la cinquième branche une trajectoire pluriannuelle à la fois solide et financée de façon crédible et durable, sans obérer d'autres postes de dépenses ou augmenter les prélèvements obligatoires. Ce n'est pas simple ; les concertations ouvertes autour du rapport Laroque devront être l'occasion de trouver ce type de réponses.
Pour lutter contre les déserts médicaux, le projet de loi de financement de la sécurité sociale acte le remboursement à 100 % des consultations en télémédecine. Nous espérons également bénéficier d'un certain nombre de mesures prises précédemment, comme l'élargissement du numerus clausus ou la reconduction de mesures qui existaient, notamment dans les ZRR.
Madame Jasmin, un protocole biologique a été annulé afin de permettre aux laboratoires de travailler plus facilement. Nous avons mis en place un dispositif de rémunération des tests, qui s'appuie sur un prix juste, et participé au financement des automates.
En ce qui concerne les établissements hospitaliers vétustes, vous avez insisté sur la nécessité d'accompagner les investissements outre-mer. La reprise de dette des hôpitaux prévue dans le cadre des accords du Ségur et les 6 milliards d'euros d'investissements prévus pour les hôpitaux et les Ehpad dans le cadre du plan de relance, consécutivement au Ségur, concerneront tous les territoires. Nous y veillerons.
Je ne puis qu'être en contradiction avec M. Henno : nous n'avons pas abandonné toute piste de régulation. La construction de l'Ondam pour 2021 intègre 4 milliards d'euros d'économies, par exemple en matière de pertinence et de qualité des soins de ville. L'Ondam est un outil perfectible, et la crise rend encore plus nécessaire le travail d'amélioration de cet outil.
L'augmentation de l'Ondam de 8 % est conjoncturelle et liée à la crise, mais elle va perdurer. En 2021, nous prévoyons 4,3 milliards d'euros pour faire face à la crise.
L'Ondam de 2021 est de 3,5 % à condition de mettre dans la base de référence les 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires liées à la crise en 2020. Si l'on tient uniquement compte des dépenses traditionnelles, l'Ondam s'élève à 6 %. Par conséquent, les engagements du Président de la République sont tenus.
La construction de l'Ondam à 6 % hors covid avec une évolution tendancielle autour de 2,4 % intègre les 4 milliards d'euros d'économies que j'ai évoqués. Il va falloir trouver d'autres pistes de réduction des dépenses ou de génération de recettes, mais il convient d'attendre la fin de certains travaux.
Sur le grand âge, il s'agit bien de construire une trajectoire pluriannuelle. Les concertations autour du rapport Laroque le permettront.
Sur la question des aides à domicile, nous allons ouvrir un certain nombre de pistes de travail. Les semaines à venir seront l'occasion pour le ministre des solidarités et la santé et pour la ministre déléguée en charge de l'autonomie d'apporter des réponses.
Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement abandonnerait le secteur de l'aide à domicile. Il s'agit d'un travail important à faire avec les départements. Si l'État peut accompagner les collectivités, celles-ci, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, ont des arbitrages à faire, notamment dans l'affectation et l'allocation des moyens dont elles disposent. On ne peut pas souhaiter l'autonomie lorsque les recettes sont en augmentation et considérer que, lorsqu'il y a une crise, y compris quand celle-ci affecte la structure de recettes des collectivités, l'autonomie n'aurait plus de sens et qu'il faudrait que l'État compense des recettes. Cela relève de l'autonomie de gestion, même si cela met parfois les élus locaux face à des choix cornéliens.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Monsieur le ministre, je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 20 h 20.
Jeudi 8 octobre 2020
- Présidence de M. Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Audition de MM. Pierre Moscovici, Premier président, et Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes sur le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et sur l'enquête de la Cour des comptes sur les groupements hospitaliers de territoire
Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Nous accueillons ce matin MM. Pierre Moscovici, Premier président, et Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. Ils sont accompagnés de Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale, et de M. Stéphane Seiller, rapporteur général du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS).
Notre ordre du jour comporte deux manifestations de la mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement prévue par l'article 47-2 de la Constitution.
La première nous réunit chaque année à pareille époque pour la présentation du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Cette année, cependant, ce rendez-vous prend un tour particulier compte tenu du caractère hors norme des déficits de la sécurité sociale, auxquels nous sommes pourtant accoutumés.
Nous devons la seconde à la mise en oeuvre de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, qui permet aux commissions des affaires sociales des deux assemblées de demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes sur des sujets relevant du champ de la loi de financement de la sécurité sociale. En application de cet article, le président Milon avait demandé une enquête sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), avec deux interrogations principales. Il s'agissait d'examiner si, conformément à la loi, les GHT étaient bien fondés sur un projet de santé et s'ils contribuaient bien à une meilleure organisation de l'offre de soins sur les territoires sans que l'établissement support n'attraie les activités et les moyens au détriment des plus petits établissements.
Il se trouve que le RALFSS comprend également un chapitre consacré aux GHT et que la présentation de l'enquête sur les GHT constituera, en quelque sorte, une incise au sein d'une seule et même audition.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que le port du masque est obligatoire tout au long de cette audition, y compris lors des prises de parole. Je vous remercie pour votre vigilance.
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Madame la présidente, permettez-moi de vous adresser mes plus sincères et chaleureuses félicitations pour votre élection à la tête de cette commission. Tous mes voeux de succès vous accompagnent dans l'exercice de cette éminente fonction. Je souhaite également féliciter M. le rapporteur général pour sa réélection.
Je suis extrêmement attaché, en tant que Premier président, aux liens qui unissent la Cour des comptes au Parlement. Ces liens sont pour moi absolument prioritaires. Vous pourrez toujours compter sur le soutien et la disponibilité de notre institution. L'audition d'aujourd'hui m'offre d'ailleurs l'occasion d'illustrer notre mission d'assistance au Parlement, puisque le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est établi dans ce cadre.
Ma présentation sera complétée par la communication relative aux groupements hospitaliers de territoire établie à la demande de votre commission. Je laisserai le président de la 6e chambre, Denis Morin, vous en exposer le contenu. J'ai également à mes côtés Michèle Pappalardo, la rapporteure générale de la Cour, Stéphane Seiller, conseiller maître, qui est le rapporteur général du RALFSS, et Antoine Imberti, auditeur et rapporteur général adjoint. Je les remercie chaleureusement, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont aussi contribué au RALFSS, pour leur implication.
Cette année, ce travail a été réalisé dans un contexte exceptionnel, celui de la crise sanitaire sans précédent que nous traversons depuis mars. Je précise toutefois que le rapport n'aborde pas la gestion de la crise en elle-même. La Cour aura l'occasion d'y revenir.
Nous sommes aujourd'hui dans un contexte économique difficile, dans lequel nos transferts sociaux ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens, notamment en comparaison d'autres pays.
La situation actuelle est exceptionnelle, et l'impact de la crise sur la trajectoire des comptes de la sécurité sociale est tout à fait considérable. En 2020, le déséquilibre des comptes sociaux atteindra des niveaux historiques, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'élevant à 44,4 milliards d'euros. Il était, en comparaison, de 28 milliards d'euros en 2010 à la suite de la crise financière.
Cette situation a conduit l'été dernier à une nouvelle reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Cette reprise est inédite par son montant, qui s'élève à 136 milliards d'euros et a pour effet de prolonger l'existence de la Cades jusqu'en 2033. L'année 2020 est donc un exercice hors norme pour nos comptes sociaux.
Notre rapport cette année porte un message simple : si nous voulons sauvegarder notre système de sécurité sociale, nous devons reconstruire progressivement une nouvelle trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux. La sécurité sociale ne peut être durablement financée par l'emprunt, sauf à pénaliser les générations futures. Ce message n'est d'ailleurs que la déclinaison logique, dans le domaine de la sécurité sociale, de celui porté par la Cour en juin dernier dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et de la position du Haut Conseil des finances publiques dans son dernier avis. La soutenabilité de la dette publique, qui comprend bien sûr la dette sociale, est un enjeu central.
Pour atteindre cet objectif, le contexte actuel de nos finances publiques ne nous laisse pas d'autre choix que d'agir sur la qualité et la sélectivité de la dépense sociale. La Cour formule en ce sens trois recommandations : d'abord, agir sur les ressorts structurels de la dépense de sécurité sociale, notamment dans le champ de l'assurance maladie, sans réduire la qualité de la prise en charge des patients ; ensuite, porter une attention plus grande aux publics défavorisés en ciblant mieux certaines prestations de solidarité et en prévenant les impacts, sur ces publics, des mesures générales de maîtrise de la dépense ; enfin, poursuivre les efforts pour améliorer la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale, afin d'offrir un meilleur service aux usagers à un meilleur coût.
Depuis les années 1990, à l'exception d'une brève période au tout début des années 2000, la sécurité sociale connaît une situation déficitaire. Avant la récession de 2009, son déficit s'élevait à 9 milliards d'euros. Au plus fort de la crise de 2010, il a atteint un niveau inédit de près de 30 milliards d'euros. Il a ensuite été réduit de manière continue, de sorte que l'équilibre a presque été atteint en 2018 et en 2019. Cette trajectoire de redressement s'est infléchie par la suite - la loi de financement de ma sécurité sociale pour 2020, votée à l'automne 2019, prévoyait un déficit de 5,4 milliards d'euros. La rupture de la tendance régulière de retour à l'équilibre des comptes sociaux est donc antérieure à la crise sanitaire, qui a par ailleurs profondément dégradé leurs perspectives.
En 2020, le déficit des comptes sociaux atteindrait un niveau inédit de 44,4 milliards d'euros. Ce montant historique résulte essentiellement d'un choc sur les principales recettes de la sécurité sociale lié aux conséquences du confinement, et dans une moindre mesure de dépenses supplémentaires.
Les recettes chuteraient de 27,3 milliards d'euros par rapport à la prévision pour 2020 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. La masse salariale du secteur privé diminuerait en effet de près de 8 % en 2020, contre une prévision de croissance de 2,8 % dans la LFSS 2020, ce qui entraînerait près de 22 milliards d'euros de pertes de recettes.
S'agissant ensuite des dépenses, elles sont pour la plupart directement liées à la crise sanitaire et provoquent une progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 7,6 %, contre une prévision de 2,45 % dans la LFSS de 2020. Ce niveau est le plus élevé depuis la mise en place de l'Ondam en 1997. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, l'assurance maladie supporterait un surcroît de 15 milliards d'euros de dépenses du fait de la crise. Ces dépenses comprennent, par exemple, des dotations supplémentaires à Santé publique France, notamment pour l'achat de masques, et aux établissements hospitaliers et aux services médico-sociaux, mais aussi des dépenses exceptionnelles d'indemnisation d'arrêt de travail, de réalisation de tests ou de compensation des pertes d'activité des professions libérales. Ce surcroît de dépenses est compensé à hauteur de 4,5 milliards d'euros par une baisse très forte d'une part de l'activité des professionnels de ville et de la consommation courante de médicaments et de dispositifs médicaux.
Il reste que l'impact de la chute brutale des recettes et de l'augmentation des dépenses sur la dette sociale est massif. Au titre de la seule année 2020, la dette augmenterait en effet d'environ 30 milliards d'euros pour atteindre 145 milliards d'euros. Dans ce contexte, l'horizon d'extinction de la dette sociale a été reporté d'une décennie et demeure assez incertain. La décision de transfert de dette à la Cades a été prise sans visibilité précise sur la trajectoire financière de la sécurité sociale. Or la crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les comptes sociaux.
Dans ce contexte d'incertitude élevée, nous pensons que la définition d'une nouvelle trajectoire de référence du produit intérieur brut (PIB) au travers d'une loi de programmation des finances publiques est indispensable. Distinguer le conjoncturel du structurel et l'exceptionnel de l'ordinaire est plus que jamais une nécessité pour la bonne gestion de nos finances publiques. Les dépenses de réponse à la crise sanitaire ne sont pas discutées - elles sont nécessaires -, mais les dépenses pérennes appellent un effort accru de sélectivité pour en améliorer la qualité et la pertinence. À défaut, elles risqueraient d'accentuer l'écart structurel entre le niveau des recettes et celui des dépenses à financer. De la même manière, il sera important que les mesures de régulation des dépenses annoncées en 2021 à hauteur de 3,5 milliards d'euros soient plus amplement documentées et fassent l'objet d'un suivi rigoureux dans leur mise en oeuvre.
Face à la hausse des dépenses, l'augmentation nette des recettes affectées au financement de la sécurité sociale apparaît peu envisageable. Les prélèvements obligatoires ont atteint en France 44,1 % du PIB en 2019. C'est un niveau plus élevé que chez nos principaux partenaires européens. Il n'apparaît pas davantage souhaitable, compte tenu de la trajectoire budgétaire dégradée de l'État, de l'amputer de certaines de ses recettes pour les affecter à la sécurité sociale ou de lui faire porter la charge de nouvelles dépenses.
Pour remettre les finances sociales sur la voie de l'équilibre structurel, nous n'avons donc pas d'autres options que de définir une nouvelle trajectoire de dépenses qui permettrait de maîtriser la hausse de notre dette sociale.
Le Parlement a arrêté l'été dernier le principe d'un désendettement de la sécurité sociale à hauteur des déficits cumulés sur la période 2020-2023, en limitant ce désendettement à 92 milliards d'euros. La Cour relève toutefois que la trajectoire de solde figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 conduirait à ce qu'apparaisse un nouvel endettement cumulé de l'ordre de 29 milliards d'euros à la fin de l'année 2023 et de près de 50 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Or le financement permanent de la sécurité sociale par la dette n'est pas souhaitable.
Il faut donc identifier les leviers qui permettent de remettre les comptes de la sécurité sociale sur la voie de l'équilibre en agissant sur la qualité de la dépense. Nous avons étudié les résultats obtenus ces dernières années dans la maîtrise de leurs dépenses par les différentes branches. Ils sont globalement positifs, mais ils ne sont pas suffisants et, surtout, ils diffèrent beaucoup entre branches.
En ce qui concerne la branche famille, la maîtrise des dépenses a été facilitée par l'inflexion de la natalité depuis 2014, mais aussi par des mesures reposant sur des choix clairs, qui ont visé à aider en priorité les familles les moins favorisées. Les pouvoirs publics ont donc visé un double objectif de rigueur et d'équité.
Le système des retraites a, de son côté, connu entre 1993 et 2014 cinq réformes d'ampleur touchant les régimes de base. En plus des hausses de cotisations, ces réformes ont agi sur l'âge de départ à la retraite, sur la durée de cotisation et sur le niveau des pensions. Elles ne suffisent pas à assurer à l'horizon de la fin de la décennie l'équilibre du système, mais elles ont ramené l'évolution des dépenses à un rythme proche de celui du PIB.
Enfin, les dépenses d'assurance maladie ont vu leur progression significativement ralentie. L'Ondam rapporté au PIB a été stabilisé à champ constant autour de 8,3 % ces dernières années et son respect, avant la crise sanitaire, était assuré depuis 2010. La progression de l'Ondam depuis 2016 a toutefois été desserrée au-delà de l'objectif de 2,3 % pourtant prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Après un premier relèvement en 2019 au titre de la stratégie « Ma santé 2022 », la crise des urgences puis la crise hospitalière ont conduit en 2020, avant l'épidémie, à fixer un taux de 2,45 %. Le PLFSS pour 2021 entérine une révision majeure de progression de l'Ondam pour 2020, qui est portée à 7,6 %.
Pour la Cour, ces évolutions soulignent les limites de la maîtrise des dépenses de santé reposant seulement sur l'Ondam. Ce dernier reste bien sûr indispensable, mais ce pilotage ne peut suffire à organiser une maîtrise durable des dépenses de santé. En clair, la contrainte financière seule, sans rénovation du système, ne suffit pas.
Le retour sur un chemin d'équilibre de l'assurance maladie nécessite donc des actions structurelles. La Cour a déjà fourni un certain nombre de pistes par le passé. Elle développe trois grandes illustrations cette année.
L'une concerne les groupements hospitaliers de territoire (GHT), sujet sur lequel vous aviez sollicité notre assistance. Je vais céder la parole à Denis Morin pour qu'il vous présente les conclusions du rapport réalisé par la Cour à la demande de votre commission.
M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Nous avons examiné 129 GHT et conduit un dialogue avec environ 500 professionnels de santé, élus et usagers dans 13 GHT regroupant 77 établissements. Nous avons donc mené un travail approfondi.
Pour aller droit au but, je pourrais vous répondre, madame la présidente, que si les GHT se sont bien mis en place, ils n'ont pas eu d'impact sur l'offre de soins.
Le premier constat porte sur l'hétérogénéité des GHT. Un premier clivage majeur tient au fait que 28 des 136 GHT sont adossés à un centre hospitalier universitaire (CHU), ce qui présente des avantages en termes de démographie médicale et de disponibilité des professionnels de santé, alors que d'autres sont structurés autour d'un établissement support particulièrement fragile. Si le dialogue que les agences régionales de santé (ARS) ont noué avec les élus a permis de tenir compte des souhaits de ces derniers, dans des départements tels que l'Yonne, la Seine-et-Marne ou la Manche, certains GHT n'offrent pas la qualité de prise en charge que nos concitoyens sont en droit d'attendre et ne contribuent pas à la correction des inégalités de santé, notamment par la prise en charge en moins de trente minutes d'un certain nombre d'accidents de santé tels que les AVC ou les problèmes cardio-vasculaires. Ainsi, 38 GHT ne disposent d'aucun plateau d'angioplastie ; 24 n'ont pas d'unité neuro-vasculaire (UNV) alors que ces unités sont au nombre de 140 sur le territoire national ; 46 % des GHT ne disposent pas de service d'hospitalisation à domicile ; 21 % n'ont pas de service de psychiatrie et 10 % ne disposent pas d'une offre en obstétrique. Ces fortes hétérogénéités devront être corrigées dans les prochaines années par l'approfondissement du dialogue entre les ARS et les élus.
Le deuxième constat porte sur la gouvernance complexe des GHT, l'absence de personnalité morale étant source de grandes difficultés de fonctionnement. De fait, les GHT les plus intégrés sont ceux qui ont le mieux fonctionné durant la crise sanitaire.
Nous avons enfin constaté que la mise en place des GHT n'avait pas eu d'effet majeur en matière de coopération hospitalière. Nous avons réalisé une comparaison de l'offre entre 2014 et 2018-2019 sur un échantillon de GHT : si l'on observe dans quelques cas un phénomène de concentration au sein de l'établissement support, on constate aussi, étonnamment, de nombreux déports d'activité vers des établissements périphériques, qui rencontrent pourtant toujours les mêmes difficultés, en particulier de disponibilité des professionnels de santé.
Nous avons noté peu de créations de pôles interétablissements - moins de 5 % des GHT sont concernés -, ainsi qu'une stabilisation du nombre de salles d'intervention chirurgicale. Quatre ans après la loi santé, l'offre de santé n'a pas été substantiellement modifiée.
Un certain nombre de sujets méritent une réflexion approfondie. Quel rôle les GHT pourraient-ils jouer dans le domaine du transport sanitaire ? Quid du régime des autorisations ? Une réflexion sur la réforme des autorisations est en cours depuis une dizaine d'années ; il serait bon qu'elle aboutisse. Par ailleurs, comment s'assurer de la disponibilité des personnels médicaux et non médicaux sur l'ensemble d'un territoire donné ? Les GHT pourraient jouer un rôle d'hôpital hors les murs.
Nous observons que les GHT les plus efficaces sont les plus intégrés, et c'est pourquoi nous plaidons pour des directions communes d'établissements au sein des GHT. J'ai pu constater qu'en région Rhône-Alpes ce mode d'organisation permet des mutualisations. Pourtant, le rapport fait état d'une régression en la matière.
Pour conclure, je dirai qu'il en va un peu de la coopération hospitalière comme de l'intercommunalité - ce sont du moins deux sujets aussi difficiles.
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Je vais poursuivre sur le contenu du RALFSS, dans lequel nous développons, outre les GHT, deux autres illustrations de l'action à mener pour agir sur les ressorts structurels de la dépense de santé.
La première concerne la simplification du système de financement des activités hospitalières, notamment les dotations dites « pour missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation » (Migac) et les fonds d'intervention régionaux (FIR) dont disposent les ARS pour financer des actions de santé publique d'intérêt régional.
Ces deux sources de financement représentaient en 2019 un total de près de 11 milliards d'euros, avec des chevauchements entre enveloppes financières et un empilement croissant de lignes budgétaires. La simplification de ces dispositifs et une répartition plus claire des responsabilités dans leur attribution entre l'administration centrale et les ARS sont à nos yeux indispensables.
La deuxième illustration sur laquelle nous avons travaillé a trait aux dispositifs médicaux. Ces derniers regroupent un vaste ensemble de produits et de services, allant du simple pansement au dispositif implantable de haute technologie. Ils sont utilisés dans le traitement d'un nombre croissant de maladies, avec une dépense correspondante évaluée à 15 milliards d'euros, qui progresse d'environ 4 % chaque année. Jusqu'à présent, les mesures de maîtrise ont principalement porté sur les prix de ces dispositifs. Il faut désormais, selon nous, agir en parallèle sur la pertinence de la prescription, sur l'optimisation des achats par les établissements de santé et sur la lutte contre les abus et les fraudes, en inscrivant ces actions dans un cadre pluriannuel.
Nous pensons qu'il est essentiel, dans la mise en oeuvre de ce type de mesures, de respecter une exigence de solidarité. Ce point est fondamental, car ces efforts doivent être adaptés à la situation de chacun, en particulier à celle de nos concitoyens défavorisés. Plusieurs chapitres du rapport illustrent ainsi la nécessité de mieux cibler certaines prestations de solidarité.
J'ai cité les choix faits dans la gestion des prestations familiales, qui ont été particulièrement clairs en faveur des familles défavorisées. Le montant du complément familial a par exemple augmenté de 39 % depuis 2013, avec une majoration supplémentaire pour les familles nombreuses les plus modestes.
En matière de retraites, plusieurs dispositions ont atténué les effets des réformes successives pour les faibles pensions, comme la majoration du minimum contributif au titre des trimestres cotisés en 2004 ou la mise en place, à partir de 2010, de mesures en faveur des carrières longues. Mais des mesures telles que l'indexation des salaires sur les prix utilisée pour le calcul de la retraite favorisent les assurés à carrière pleine et ascendante et peuvent pénaliser ceux ayant subi des périodes de chômage ou touché des salaires plus faibles.
Le calcul des pensions de retraite comporte cependant des dispositifs de minima, particulièrement importants pour nos concitoyens qui perçoivent une très petite retraite. Ces dispositifs interviennent en amont du minimum vieillesse et concernent aujourd'hui environ un nouveau retraité sur cinq. La majoration de pension qu'ils entraînent représente en moyenne 130 euros par mois. Ces minima représentaient au total 8,7 milliards d'euros de versements en 2018.
Nous avons toutefois observé que la finalité de ce dispositif avait évolué et devait faire l'objet d'une clarification. Conçu historiquement pour augmenter la retraite de salariés ayant accompli une carrière complète, le minimum contributif du régime général profite aujourd'hui principalement à des personnes ayant effectué des carrières à temps partiel ou incomplètes.
Enfin, la Cour a relevé la complexité des dispositifs de minima existants, qui conduit à ce que près d'un demi-million de personnes ayant pris leur retraite voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif. Nous préconisons donc de procéder, dans les meilleurs délais, aux différentes harmonisations qui permettront de garantir à l'ensemble des bénéficiaires la perception définitive des montants qui leur sont dus.
L'exigence de solidarité implique aussi, du côté de la branche famille, d'accroître l'efficacité des dépenses d'action sociale. Au côté des prestations familiales, les CAF apportent en effet un soutien financier et technique au développement de services et d'équipements destinés aux familles, notamment des crèches et des centres de loisirs. Ce soutien est fondamental.
La branche famille n'a cependant pu atteindre l'objectif fixé de création de 100 000 places en crèche, le taux de réalisation étant de 63 % seulement. Par ailleurs, les inégalités territoriales persistent, faute notamment d'évaluation suffisamment fine des besoins. Au vu de l'importance des financements publics mobilisés - 5,8 milliards d'euros en 2019, soit 1 milliard d'euros de plus qu'en 2012 -, nous recommandons d'apporter à ces dispositifs les améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur l'ensemble du territoire.
Enfin, il faut faire progresser la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale. Il faut d'abord réduire le nombre et le montant des erreurs affectant le versement des prestations sociales. Dans le cadre de ses travaux de certification des branches du régime général, la Cour examine chaque année le degré de conformité des prestations versées aux règles de droit applicables.
Pour l'exercice 2019, ces travaux font état d'un montant d'erreurs à caractère définitif d'au moins 5 milliards d'euros toutes branches confondues. Ces erreurs peuvent être au détriment des finances sociales, comme c'est le cas par exemple pour 90 % de celles qui affectent les prises en charge de frais de santé. Mais elles peuvent aussi être au détriment des bénéficiaires des prestations, comme pour les deux tiers des erreurs qui affectent le versement des retraites. Ces anomalies résultent soit des données déclarées par les bénéficiaires, soit des opérations de gestion des caisses de sécurité sociale elles-mêmes.
Notons que la fréquence et la portée financière des erreurs sont en nette augmentation ces dernières années. Par exemple, la portée financière des erreurs liées aux données déclarées pour les prestations de la branche famille a atteint 3,4 milliards d'euros en 2018, contre 2 milliards d'euros en 2014.
La Cour recommande donc d'accroître l'automatisation des processus de gestion et de dématérialiser les déclarations. Il faut aussi fermer les possibilités systémiques de fraude et renforcer les actions de contrôle a posteriori.
Notre rapport évoque enfin, en présentant différentes recommandations à l'appui, la nécessité d'adapter l'organisation des branches du régime général et de moderniser la gestion du recouvrement social par le réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).
Face à la crise sanitaire, la priorité a été donnée au soutien de notre système de santé. C'était légitime. Mais il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable pour assurer la soutenabilité de la dette sociale, dès que les circonstances le permettront, et éviter de pénaliser les générations futures. La Cour n'a pas proposé de « tailler » dans les dépenses sociales, mais elle souhaite qu'à moyen terme la dette publique soit soutenable. Des adaptations en profondeur seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Plus elles seront différées, plus elles seront difficiles à mettre en oeuvre.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Je remercie M. le premier président et M. le président de chambre pour leurs exposés, fort instructifs comme toujours.
Au-delà de la forte dégradation des comptes de la sécurité sociale cette année, la trajectoire financière à l'horizon de 2024 m'inspire de vives inquiétudes. La stabilisation du déficit à hauteur de 20 milliards d'euros environ vous paraît-elle réaliste compte tenu des hypothèses de croissance, mais aussi de l'adoption, au début de l'année prochaine, de la loi relative à l'autonomie ? La Cour croit-elle possible d'éteindre la dette sociale, qui risque de continuer à croître jusqu'en 2033 ?
Les recommandations formulées dans votre rapport en matière de maîtrise de la dépense sociale ne me paraissent pas suffisantes pour équilibrer les comptes à l'avenir. Pouvez-vous préciser les domaines, les montants sur lesquels on pourrait agir rapidement et efficacement ? Si vous considérez qu'un retour à une progression de l'Ondam de 2,3 % à compter de 2023 sur la base des dépenses de 2022 est excessif, sur quelles dépenses faudrait-il se pencher en priorité ?
S'agissant des fraudes, en nette augmentation ces dernières années, votre rapport mentionne le chiffre de 5 milliards d'euros - indépendamment des fraudes aux cotisations, que l'Acoss évalue entre 6 milliards et 8 milliards d'euros. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, notre commission relaiera les propositions formulées dans votre rapport sur le sujet. En particulier, vous avez appelé chaque organisme à se doter de moyens d'évaluation de la fraude. Je regrette néanmoins que vous n'ayez pas pu estimer cette fraude, parce que les fantasmes croissent et embellissent... Certains parlent de 40 milliards, voire 50 milliards d'euros ! Il est urgent qu'un organisme comme le vôtre s'efforce d'approcher la réalité des erreurs et des fraudes ; nous allons nous y employer aussi, avec nos moyens. La Cour est-elle prête à certifier annuellement les montants que publieront les organismes, pour assurer la véracité des chiffres ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Dans le temps qui lui était imparti avant la publication du rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour n'a pas pu examiner la cohérence entre les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement et la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale à l'horizon de 2024, présentée à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. La trajectoire prévue repose sur l'hypothèse d'une évolution tendancielle des dépenses consacrées à l'autonomie de 2,4 % par an, sans prendre en compte les dépenses nouvelles qui pourraient être décidées dans le cadre d'une prochaine loi sur le grand âge.
S'agissant de la dette sociale, la Cour indique, dans le chapitre Ier du RALFSS, que les déficits prévus par le PLFSS pour 2021 dépasseront de près de 50 milliards d'euros, à l'horizon de 2024, les montants de dette repris par la Cades prévus par la loi du 7 avril 2020.
Vous me demandez si tout cela me paraît réaliste. Réaliste, oui, même si ce n'est peut-être pas complet. Mais raisonnable, pas forcément...
En ce qui concerne la maîtrise de la dépense sociale, je rappelle qu'il ne nous appartient pas de déterminer le niveau de dépenses que la collectivité doit consacrer à la santé ; ce choix relève du Gouvernement et du Parlement. Notre rôle est de vérifier que les dépenses sont pertinentes, efficaces et efficientes.
La norme d'évolution des dépenses d'assurance maladie est fixée par la loi de programmation des finances publiques. Ainsi, pour la période 2018-2022, le taux de progression de l'Ondam a été fixé à 2,3 %. Le contexte économique résultant de la crise sanitaire rend cette loi caduque - d'ailleurs, le Gouvernement ne le conteste pas. Le Haut Conseil des finances publiques recommande de préparer une nouvelle loi de programmation, qui serait débattue, si la situation sanitaire le permet, dès le printemps prochain. Cela me paraît en effet indispensable. C'est dans ce cadre que le taux de référence de l'Ondam aura à être fixé.
Pour le reste, nous connaissons les multiples gisements d'efficience que recèle le secteur de la santé. Un programme annuel d'économies de 3,5 milliards à 4 milliards d'euros est prévu ; c'est encore ce que le Gouvernement prévoit pour l'année prochaine. La crise passée, ce programme devra être redéfini. Nous avons tracé des pistes à cet égard dans nos RALFSS successifs.
Bien sûr, la Cour se penchera attentivement sur les estimations de la fraude qu'établiront la Cnam et la Cnav ; elle est tout à fait disposée à échanger avec ces dernières sur les méthodes qui pourraient être employées. Par ailleurs, elle examinera dès l'année prochaine les suites données par le ministère des solidarités et de la santé et les organismes de sécurité sociale à la communication qu'elle vous a adressée sur la fraude aux prestations. Nous avons notamment proposé d'estimer la fraude par redressement statistique des résultats des contrôlés, ciblés en fonction de certains critères.
Dès avant cette communication, la Cour entretenait un dialogue régulier avec la Cnaf sur l'estimation du montant de la fraude. Comme vous le savez, la branche famille est aujourd'hui la seule à établir chaque année une estimation.
J'ai bien noté votre frustration, monsieur le rapporteur général. Du fait de cette limite, que nous avons subie, notre rapport n'a pas servi autant que nécessaire de garde-fous aux surenchères et aux fantasmes. On a même avancé le chiffre de 50 milliards d'euros ! Il faut, à un moment donné, couper la tête à ce canard...
Nous sommes disposés à reprendre ce travail, quitte à prendre quelques risques et, peut-être, à être approximatifs - seul un travail partagé avec le ministère permettrait d'être parfaitement rigoureux. Je m'avance un peu, mais je suis sûr que notre sixième chambre a les moyens de travailler sur une estimation, pour éclairer le débat et prévenir les fantasmes.
Enfin, la Cour s'impliquera dans le suivi des recommandations du rapport, notamment à travers ses travaux de certification. Nos concitoyens sont, à juste titre, extrêmement attentifs à ces questions.
Le très vif intérêt qu'a rencontré ce rapport me conduit à vous remercier d'avoir suscité cette réflexion : elle montre à quel point les relations entre la Cour et le Parlement sont fructueuses pour le débat citoyen.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie. - L'étude de la Cour des comptes sur les dépenses d'assurance maladie entre 2010 et 2019 met en évidence, à l'instar d'un récent rapport de nos collègues Catherine Deroche et René-Paul Savary sur l'Ondam, que la régulation annuelle n'est pas suffisante pour un pilotage stratégique de la dépense de santé.
Comment envisagez-vous la décomposition de l'Ondam en sous-objectifs ? Ce principe vous paraît-il satisfaisant, à l'heure où la notion de parcours de santé devient très importante et compte tenu des enjeux de décloisonnement médecine de ville/hôpital ? De quelle manière la nouvelle programmation pluriannuelle que vous préconisez pourrait-elle dépasser cette approche ?
S'agissant du fonds d'intervention régional, la Cour a mis en évidence des disparités historiques dans la répartition des dotations, ainsi qu'une logique peu redistributive. Faudrait-il engager un rééquilibrage territorial plus volontariste, et si oui de quelle manière ? Sous réserve de la plus grande transparence que vous appelez de vos voeux, un renforcement substantiel de ce fonds vous paraît-il souhaitable pour accroître les marges de manoeuvre dans les territoires ?
La Cour plaide pour une exploitation plus intensive des multiples gisements d'efficience dans notre système de soins. De ce point de vue, quels enseignements tirez-vous de la gestion de la crise sanitaire actuelle ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Madame la rapporteure, la Cour partage votre préoccupation en ce qui concerne les entraves au déploiement de la logique du parcours de santé.
Au-delà de l'Ondam, qui est avant tout un instrument de dialogue démocratique, ce sont les mécanismes de financement des soins individuels qui posent problème. Aujourd'hui, ils sont essentiellement fondés sur la rémunération séparée des actes des différents intervenants de la chaîne de soins. La réponse est d'abord dans la mise en oeuvre des différentes réformes permettant de passer d'une rémunération fondée sur la seule activité à une rémunération fondée sur le suivi des patients.
Les travaux que nous menons sur la prévention ou la qualité des soins pourront donner lieu à une publication l'année prochaine.
En ce qui concerne la programmation pluriannuelle, la problématique que nous signalons tient au caractère très limité des éléments dont dispose le Parlement pour suivre dans la durée l'incidence des différentes réformes. Limitées, les informations figurant à l'annexe 7 du PLFSS sont en outre annuelles, alors que la pertinence de l'action sur les déterminants des politiques de santé ne peut être analysée que dans une perspective pluriannuelle.
S'agissant du fonds d'intervention régional, nous avons relevé, en effet, des écarts très importants entre les dotations par habitant : moins de 721 euros en Bretagne, dans les Pays-de-Loire et les Hauts-de-France, plus de 1 247 euros en Île-de-France et dans les départements d'outre-mer ! Il convient de mieux prendre en compte ces disparités. Alors qu'une part importante des crédits délégués aux agences régionales de santé dans le cadre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation est fléchée, nous recommandons d'accroître les marges de manoeuvre de ces agences, mieux placées que les administrations centrales pour apprécier les besoins dans les territoires. Pour cela, les enveloppes d'aide à la contractualisation pourraient être basculées dans le fonds d'intervention régional. Ce qui suppose que chaque agence se mette en état de bien piloter un volume de concours plus important.
Les travaux d'instruction consolidés et résumés dans ce rapport ne portent pas sur l'année 2020 : ils ne concernent donc pas la gestion de la crise sanitaire. En parlant de gisements d'efficience, nous voulons dire que, une fois la crise passée, notre système de santé se trouvera confronté aux mêmes problèmes qu'auparavant. Ces gisements, la Cour et bien d'autres acteurs les ont identifiés depuis longtemps. Entre autres mesures nécessaires, nous préconisons de réduire le coût des produits sanitaires, notamment en agissant sur les prix des produits les plus anciens, de réduire les surcoûts de dialyse, de responsabiliser davantage les assurés et les médecins prescripteurs d'arrêts de travail, de rationaliser l'organisation des transports sanitaires et d'accélérer la coopération hospitalière autour des groupements hospitaliers de territoire.
La crise sanitaire n'efface pas les problèmes antérieurs : au contraire, elle les aggrave plutôt...
Mme Catherine Deroche, présidente. - Avec Véronique Guillotin et Yves Daudigny, j'ai travaillé sur l'accès précoce aux médicaments innovants. De fait, la place de l'innovation dans les projections est une question importante. Or le caractère annuel du budget ne permet pas toujours d'anticiper les coûts d'innovation. Avez-vous travaillé sur l'anticipation de ces coûts, par exemple en oncologie ?
M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Nous ne nous sommes pas encore penchés sur ce sujet, mais le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie y travaille. Nous aurons sûrement l'occasion de contribuer à cette réflexion.
Au demeurant, l'inclusion du dernier traitement innovant - un traitement contre l'hépatite C - dans la mécanique d'ensemble de l'Ondam et de la régulation du système de médicaments n'a pas posé problème. Les difficultés seront probablement plus grandes pour d'autres types de traitements innovants, extrêmement coûteux. Mais, en principe, l'État est outillé pour aborder ces sujets, notamment avec le Comité économique des produits de santé et les dispositifs liés à la liste en sus.
Reste que, au-delà des seuls médicaments, nous serons sûrement amenés à intervenir sur l'innovation en santé, qui est une question fondamentale.
M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Grâce aux différentes réformes, les retraites représentaient environ 13,8 % du PIB, mais une dégradation va intervenir. Que préconisez-vous pour corriger la trajectoire ?
Hier soir, Olivier Véran nous a dit : ne prenons surtout aucune mesure, cela risquerait d'entrer en contradiction avec le plan de relance... Bref, on assume de laisser dériver les comptes sociaux.
En matière de minima sociaux, les disparités sont grandes entre les régimes : comment réaliser enfin l'harmonisation dont on parle depuis 2012 ?
Par ailleurs, certains retraités ne font pas appel aux dispositifs existants faute de les connaître. Comment améliorer leur information ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Il ne me paraît pas illogique de distinguer le temps de la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale et le temps du retour à une trajectoire d'équilibre financier soutenable. Mais ce second temps doit venir. C'est aussi l'enjeu du débat démocratique auquel nous appelons sur une loi de programmation des finances publiques qui trace de nouvelles perspectives, à la fois réalistes et raisonnables. S'agissant du calendrier, l'intensité et la durée de la crise actuelle seront des données cruciales.
En août dernier, le Conseil d'orientation des retraites a été saisi par le Premier ministre pour évaluer la situation financière du système de retraites à l'horizon de 2030. Le résultat de cette projection, rendu public dans les prochains jours, distinguera le déficit conjoncturel lié à la crise du déficit structurel, qu'il conviendra de réduire.
Il n'appartient pas à la Cour de recommander à ce stade l'utilisation de tel ou tel levier, mais nous avons analysé les effets relatifs des différents leviers, en soulignant l'importance des règles d'indexation. L'année dernière, nous avions fait observer que les dispositifs de départ anticipé pouvaient être resserrés sans que l'équité d'ensemble en pâtisse. Cette année, nous soulignons que les efforts ont été plutôt mal répartis : malgré certains dispositifs spécifiques - carrières longues, pénibilité, par exemple -, les salariés les moins bien payés et les personnes hors de l'emploi ont le plus subi les mesures générales d'âge ou de durée de cotisation. Il faudra en tenir compte pour l'avenir, afin que l'effort soit solidaire et équitable.
S'agissant des disparités entre régimes, il m'est très difficile de vous apporter la réponse que vous souhaitez : la Cour n'a pas l'habitude de commenter les réformes en cours de discussion, et je pense que c'est sage.
Toutefois, dans une communication sur les régimes spéciaux adressée à l'Assemblée nationale en juillet 2019, nous avons souligné que, quelles que soient les options retenues, elles devraient répondre à trois objectifs : accélérer l'alignement avec les règles de la fonction publique, elles-mêmes appelées à se rapprocher du régime général ; accroître la transparence des financements ; améliorer l'efficience de la gestion des caisses de retraite.
En 2016, dans son rapport sur la retraite des fonctionnaires, la Cour a également mis en avant différents leviers d'évolution, de manière particulièrement détaillée.
Cette année, sur le sujet, plus circonscrit, des minima de pension, nous soulignons que la règle d'écrêtement applicable au minimum des fonctionnaires n'est pas appliquée, pour, semble-t-il, des raisons informatiques. Cette rupture d'égalité doit être rapidement corrigée.
Sans nous prononcer sur la nature de ce système et le calendrier de sa mise en place, nous pensons qu'un système universel est de nature à corriger certaines disparités que nous constatons en matière de minima. Faute d'un tel système, il faut procéder rapidement aux harmonisations nécessaires.
S'agissant enfin de l'information des assurés, nos préoccupations se rejoignent parfaitement. Il s'agit d'assurer l'accès effectif de nos concitoyens à leurs droits sociaux.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille. - Nous nous posons tous de nombreuses questions sur les groupements hospitaliers de territoire, qui nous concernent tous. Il est décevant que, dès le début, les établissements privés n'aient pas été présents à la table des discussions au même titre que les établissements publics. La crise sanitaire a montré que la coopération entre les deux secteurs est indispensable.
Mais mon rôle est de vous interroger sur la branche famille... À cet égard, vous constatez que l'objectif de correction des inégalités territoriales dans le développement des modes de garde n'a pas été atteint. Vous observez que la prestation de service unique des CAF, qui soutient financièrement les crèches, ne joue plus un effet de levier majeur pour la création d'équipements ou de places, les créations de places étant largement liées à l'implication des collectivités territoriales et du secteur privé.
J'ai souvent souligné que l'excès de normes met en difficulté les collectivités territoriales pour s'associer pleinement à la création de nouvelles places de crèche.
La COG 2018-2022 fixe de nouveau l'objectif d'égal accès aux modes de garde. À cette fin, la Cnaf a mis en place des bonus mixité sociale et inclusion handicap. Avez-vous évalué le déploiement de ces dispositifs ? Sont-ils de bons leviers pour améliorer l'efficacité du soutien aux crèches ? Comment mieux évaluer l'efficience des mesures de soutien ?
Par ailleurs, la régulation de l'offre d'accueil du jeune enfant sur le territoire est insuffisante. De ce fait, à certains endroits, des risques existent de concurrence entre structures.
Le reste à charge pour les familles varie selon que la crèche est financée par la prestation de service unique ou par la prestation d'accueil du jeune enfant, deux prestations qui restent peu et mal appréhendées par le grand public. Le dispositif gagnerait à être simplifié.
Vous proposez de mieux coordonner l'installation des structures d'accueil sur les territoires, mais comment cela pourrait-il s'organiser ?
Selon vous, faudrait-il unifier les modes de financement des places par la branche famille, quel que soit le type de structure ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - S'agissant des GHT, ce n'est déjà pas simple avec le secteur public... Mais, en logique, votre remarque est pertinente.
L'action sociale en faveur des familles vise à intégrer la baisse de la natalité, à mieux cerner les besoins des ménages dans les territoires et à améliorer la contractualisation entre les acteurs ainsi que l'articulation des prestations légales et extralégales. Nous n'avons pas encore évalué les dernières réformes menées à la Cnaf.
En ce qui concerne l'accueil des jeunes enfants, la récente rénovation du financement tend à encourager la création de places et à réduire les écarts de financement entre crèches. Il est encore trop tôt pour connaître tous les effets de cette évolution nécessaire en matière de création de places.
Le contrat enfance-jeunesse était un outil vieillissant, source d'une très forte hétérogénéité de financement. Son remplacement par les nouvelles conventions territoriales globales entre la CAF et les collectivités territoriales partenaires s'accompagne d'un bonus territoire, destiné notamment à réduire les écarts de financement entre crèches et à soutenir les collectivités territoriales les moins riches. Une crèche pourra être financée par ce bonus, en complément de la PSU, de même que par les bonus mixité sociale et inclusion handicap, si les conditions sont remplies.
Un forfait pour le développement des nouvelles offres de service est également prévu.
M. Alain Milon. - Je remercie la Cour des comptes pour l'ensemble des rapports qui nous ont été fournis au cours des six années que je viens de passer à la présidence de notre commission.
Redevenu commissaire de base, je me sens beaucoup plus libre de mon expression...
Le constat dressé par M. Morin sur les GHT est particulièrement intéressant. La plupart sont donc construits autour d'établissements supports que vous dites fragiles. S'ils sont fragiles, c'est probablement la conséquence de l'hyperadministration mise en place durant des années, ainsi que de l'orthodoxie financière qui a conduit les hôpitaux à moins dépenser et à privilégier les activités rentables.
Cette orthodoxie a mis en danger l'existence même des hôpitaux, comme on le voit aujourd'hui. L'urgence sanitaire a bon dos ! En réalité, elle n'est que le reflet de l'insuffisance de l'offre publique de soins, consécutive aux restrictions de plus en plus fortes imposées depuis des décennies.
Les missions principales des GHT sont l'efficacité de l'offre de soins et la rationalisation des modes de gestion, mais vous constatez que ces structures n'apportent pas une réponse suffisante à la question de l'égal accès aux soins sur les territoires et n'ont pas d'impact significatif sur l'offre et la consommation de soins. Bref, ils ne permettent pas de mener à terme l'organisation territoriale de l'offre publique de soins.
La bonne gestion des finances publiques ne consiste-t-elle qu'à contrôler les dépenses ? Ne faut-il pas, tout en contrôlant les actes redondants et la fraude, trouver des recettes supplémentaires pour permettre à l'ensemble de la population d'accéder à tous les soins, y compris les soins innovants ?
Je ne suis pas sûr que mes remarques emportent l'adhésion de tous mes collègues...
Mme Laurence Cohen. - De certains, si !
M. Alain Milon. - En tout cas, pour que notre système reste l'un des meilleurs au monde, les restrictions dans les dépenses ne suffiront pas : il faudra trouver des recettes nouvelles.
Votre enquête conclut à une absence de concentration excessive de l'activité des GHT au profit des établissements supports ; vous dites même que les GHT exercent une force centrifuge. Au moment de la mise en place des GHT, pensez-vous que des stratégies de contournement de ces activités destinées à rester dans l'établissement support ont été mises en oeuvre ? Par ailleurs, vous déplorez que le modèle d'intégration proposé par le GHT perpétue le cloisonnement de l'offre de soins et proposez, en plus des GHT et des GCS, une forme supplémentaire de groupement. Ne serait-il pas plus utile de créer une seule catégorie de groupement intégrant l'offre privée et l'offre de médecine de ville ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - Quel lien pourrait être établi entre les GHT, dont le rôle est essentiellement de mutualiser les moyens des structures publiques, les CPTS, qui incluent la médecine de ville, et les établissements privés, dans le but de réguler l'offre de soins au niveau territorial ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Monsieur Milon, la liberté fondée sur l'expérience autorise une parole redoutable, mais précieuse...
Nous entrons dans une période nouvelle qui implique un changement de paradigme. À la suite de la crise financière de 2008, les règles ont été durcies ; or le régime de finances publiques que nous allons connaître n'aura rien à voir avec ce que nous avons connu jusqu'alors. Nous ne retrouverons pas, au moins avant plusieurs années, un niveau de dette publique et un niveau de déficit comparables à ce qu'ils étaient avant la crise. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un taux de déficit de 5,7 % ! Pour faire face à la crise, des dépenses massives ont été engagées, au niveau national et au niveau européen. Dans le débat public, on a besoin d'une institution comme la nôtre qui permette à tous les citoyens d'étayer leur jugement sur les services publics. Je souhaite que la Cour évalue davantage les politiques publiques et accompagne davantage la décision publique. J'ai d'ailleurs lancé un chantier de réflexion sur les juridictions financières.
La Cour n'est pas l'ennemie de la dépense publique ; mais elle a à coeur d'intégrer deux notions dans sa réflexion. D'une part, la soutenabilité de la dette : on ne peut pas financer durablement à crédit une économie ou un système social. Pensons à notre jeunesse, qui aura à rembourser cette dette. D'autre part, la qualité de la dépense publique : est-elle efficace, pertinente ?
S'agissant des recettes, elles n'entrent pas tout à fait dans le champ de compétence de la Cour des comptes, mais plutôt dans celui du Conseil des prélèvements obligatoires, qui publiera la semaine prochaine un rapport sur la fiscalité des entreprises.
Les choix doivent être collectifs et le débat public est ouvert. La Cour y prendra toute sa part, sans faire preuve de rigidité, mais sans renoncer à sa raison d'être, à savoir veiller à la bonne utilisation de l'argent public. Plus on dépense, mieux on doit dépenser : c'est une exigence de nos concitoyens.
M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Une fois la crise passée, il faudra cerner le coût de fonctionnement de l'hôpital. Les juridictions financières pourront apporter leur éclairage, y compris sur les structures privées.
Ne demande-t-on pas trop à l'hôpital ? Nous avions produit un rapport sur l'encombrement des urgences, dans lequel nous soulignions les timides progrès qui avaient été accomplis en cinq ans, tout en soulignant la poursuite accélérée de leur fréquentation. Il faut reconnaître que la médecine de ville s'est fortement désengagée notamment de la permanence des soins. Quand on vit dans un désert médical, l'unique solution est souvent d'aller à l'hôpital.
S'agissant des GHT, nous avons identifié un effet centrifuge dans quatre cas sur dix et un effet de concentration sur l'établissement support dans six cas sur dix. Le schéma n'est pas univoque. Les situations de concentration sur l'établissement support tiennent généralement à des raisons démographiques : il est plus facile de bénéficier de professionnels de santé en nombre suffisant dans tel établissement support centre de GHT qu'à la périphérie.
Il faut probablement faire progresser l'organisation de l'offre publique de soins. Je ne suis pas certain que l'on puisse y associer systématiquement l'offre privée au sein d'un même GHT, dont la logique est différente. La stratégie capitalistique des grands groupes privés ne répond pas à une logique territoriale, à une logique de service public. Inversement, les ARS, au moment de définir les projets régionaux de santé, doivent avoir une vision globale incluant les secteurs public et privé.
Un point particulier concerne la psychiatrie. Historiquement, le secteur privé non lucratif a toujours été présent dans ce domaine, et c'est pourquoi il est souhaitable d'associer ces structures à la réflexion sur l'organisation de l'offre. En effet, à ce jour, un GHT sur deux n'inclut pas la psychiatrie dans son périmètre.
La coopération hospitalière est complexe. Manifestement, avec le GHT, on s'oriente vers un échec comparable à celui des CHT. La mise en place des CPTS, que nous avons saluée, s'annonce elle aussi complexe. Sur un objectif de mille, seuls vingt fonctionnaient avant la crise sanitaire. Laissons prospérer les démarches engagées. En revanche, nous plaidons vigoureusement en faveur de directions communes et de fusions d'établissements, démarche dans laquelle se sont engagés une vingtaine de GHT. Certains, dotés de la personnalité morale, ont même regroupé leur gestion de l'offre.
Mme Victoire Jasmin. - Suggérez-vous des pistes pour améliorer la compatibilité des différents systèmes d'information ? Certaines formes de fraude ont été rendues possibles précisément en raison de problèmes d'incompatibilité entre ces systèmes.
Vous évoquez également la difficulté de trouver de nouvelles recettes. On parle beaucoup de comorbidité pour expliquer le décès de certains patients en cette période de crise sanitaire ; à cet égard, il faudrait intensifier les politiques de prévention.
Enfin, vous avez évoqué le financement des missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation, les MIGAC. Il faudrait revoir les règles d'approvisionnement en consommables, les fournisseurs ne pouvant pas nécessairement adapter leur offre aux équipements des structures hospitalières, ce qui est source de surcoûts considérables. Il faut promouvoir la concurrence pour plus d'efficacité et de qualité.
Mme Laurence Cohen. - Vous affirmez la nécessité, pour la sécurité sociale, de prendre des mesures structurelles une fois la pandémie passée. Cette analyse me choque : notre système de santé souffre de décennies d'économies et continuer dans cette voie mènerait à la catastrophe. Aujourd'hui, nous manquons de lits, de professionnels de santé, et remédier à cette situation coûte de l'argent. Je ne suis pas d'accord quand vous dites que la dépense appelle la dépense : dans le domaine de la santé, la priorité est de répondre aux besoins. Au cours de cette crise, des opérations ont été déprogrammées, ce qui a un coût, humain pour les patients concernés et financier pour la sécurité sociale.
Votre rapport n'anticipe rien et votre seul souci est celui de la résorption de la dette.
Votre rapport de l'an dernier recommandait notamment de revoir certaines niches - à hauteur de 90 milliards d'euros -, notamment certaines exonérations de cotisations patronales - 66 milliards d'euros étant en jeu. Voilà une piste de refinancement de la sécurité sociale ! Or votre rapport indique qu'il faut mettre un coup d'arrêt à l'alourdissement de la dette sociale, quitte à faire payer un peu plus les patients. Ce n'est pas ce que l'on attend d'un système de santé !
Enfin, vous dites tout haut ce que peu de responsables politiques ont assumé : la création des GHT avait essentiellement pour but la réalisation d'économies. Or vous indiquez que les effets escomptés ne sont pas au rendez-vous. Bien sûr, toute dépense doit être justifiée, mais, en matière de santé, ce ne doit pas être la seule boussole, au risque d'alourdir davantage les dépenses par la suite.
M. Stéphane Artano. - Je reviens sur le chapitre 11 de votre rapport, qui porte sur le réseau des Urssaf. Vous y soulignez l'élargissement continu de leurs missions, en pointant du doigt un certain nombre de chantiers inaboutis, notamment l'extension du périmètre de la collecte. Aujourd'hui, les Urssaf assurent le recouvrement de 75 % des prélèvements sociaux obligatoires, la loi de financement pour 2020 ayant prévu d'étendre ce champ.
Dans le cadre de la prochaine réforme de la santé au travail, la députée Charlotte Lecocq préconise une fusion de la cotisation nationale accidents du travail avec les cotisations services de santé au travail, les Urssaf étant alors chargées du recouvrement de cette cotisation unique. Avec Pascale Gruny, nous avons eu des échanges sur ce sujet avec le secrétaire d'État chargé de la santé au travail et avons relayé auprès de lui les réserves de la commission des affaires sociales du Sénat. Quelle est votre position ?
Mme Michelle Meunier. - Ma question porte sur la fraude à l'assurance maladie - je ne parle pas de la fraude sociale. En septembre dernier, dans un rapport sur ces questions, vous estimiez son montant à 230 millions d'euros. Il s'agit essentiellement d'actes médicaux et paramédicaux surcotés ou mal cotés, de séjours dans les établissements, de prestations fictives, de surfacturations. Il semblerait qu'il y ait assez peu de contrôles. Je rappelle que la Caisse nationale d'allocations familiales contrôle un allocataire sur vingt. Que préconisez-vous ?
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Mme la sénatrice Laurence Cohen soulève des questions d'ordre politique auxquelles il ne nous appartient pas de répondre ; nous ne sommes ni l'exécutif ni le législatif. Cela étant, il faut partir des besoins. La Cour ne s'attarde pas sur le Ségur de la santé ; elle est consciente qu'il faut moderniser notre système de santé, consciente de ses insuffisances, et notre rapport n'encourage pas à une « casse » sociale une fois la crise sanitaire passée. Nous ne nions pas les problèmes structurels et les besoins à satisfaire, et notre rôle est de veiller à ce que ces besoins soient satisfaits au meilleur coût. À défaut, la dette sera un butoir au financement des services publics, nous laissant devant le choix entre un modèle américain libéral ou une diminution du panier de soins à travers des déremboursements massifs.
Il existe sans doute des marges à exploiter. Le volume des dépenses de santé est supérieur en France à ce qu'il est dans d'autres pays européens. Ces dernières années, on a plutôt cherché à maîtriser les coûts, notamment en revenant sur les rentes de situation. Il faut aller vers des mesures structurelles, tout en préservant la qualité des soins, en renforçant la solidarité et en gérant mieux les organismes de sécurité sociale.
Vous avez évoqué la question, légitime, des niches et des exonérations. Elles se montent désormais à 108 milliards d'euros. Nous pouvons les évaluer. Ensuite, il appartient aux responsables politiques de décider.
Pour résumer mon message, je dirai qu'il faut non pas nier les besoins, mais les satisfaire au meilleur coût. Un euro consacré au remboursement de la dette est un euro en moins pour l'hôpital, la justice, la sécurité, l'éducation, etc.
La part socialisée de nos dépenses de santé est supérieure à 75 %, tandis que le reste à charge pour les ménages est de 5 %, taux le plus faible d'Europe.
Notre rapport, et c'est sa fonction, préconise le retour à une maîtrise raisonnable de la dépense, mais il y a d'autres dimensions que nous ne saurions nier.
S'agissant de la fraude à l'assurance maladie, le rapport publié en septembre dernier l'évalue en effet à 230 millions d'euros. La CNAM ne procède à aucune évaluation, et pourtant il faut bien contrôler, prévenir et sanctionner. Ce sont les recommandations que nous formulons.
Enfin, nous préconisons l'élargissement des missions des Urssaf avec absorption de la collecte Agirc-Arrco. Nous souhaitons aller vers un réseau social de collecte unique.
M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Madame Jasmin, en 2021 nous travaillerons beaucoup sur la prévention. Nous réaliserons deux contributions importantes, portant l'une sur la prévention en santé publique, à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale - mais nous sommes à votre disposition pour une audition sur ce sujet -, l'autre sur l'évaluation de la prévention de la dépendance, sujet majeur que nous avons déjà évoqué avec M. Bernard Bonne. Il serait intéressant de croiser nos regards.
Sur l'éventuelle dépendance des établissements hospitaliers à l'égard de leurs fournisseurs, les démarches engagées notamment au travers du programme Phare (Performance hospitalière pour des achats responsables), qui se déploie depuis huit ans dans l'ensemble des hôpitaux, sont de nature à mutualiser les achats et à permettre aux établissements engagés dans des groupements ou dans une mutualisation de contourner ces difficultés que vous soulignez à juste titre. Ils obtiennent ainsi, dans de très nombreux cas, des conditions financières beaucoup plus favorables.
Le programme Phare a permis de dégager plus d'un milliard d'euros d'économies. Si certaines économies sur notre système de santé sont douloureuses - comme un déremboursement, une hausse de ticket modérateur ou de franchise -, il est bon d'améliorer la productivité sur les achats grâce à la mutualisation ; c'est autant de plus pour la prise en charge des patients.
S'agissant de la façon dont les systèmes d'information facilitent ou entravent le déploiement des GHT, il y a très peu de démarches de ce type au niveau des GHT. Les anciens systèmes d'information se maintiennent, adossés à chaque établissement membre du GHT, et échangent relativement peu entre eux. C'est un sujet compliqué. Au titre des 6 milliards d'euros d'investissements annoncés, un effort particulier est prévu pour le numérique en santé et pour les systèmes d'information à l'hôpital, très en retard. Depuis peu, tout patient hospitalisé dans un établissement de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris détient un numéro d'identification unique. Auparavant, il devait refaire son immatriculation à chaque entrée dans un nouvel établissement. L'hôpital est très en retard au regard de ces lourds enjeux, mais il pourra bénéficier de moyens complémentaires.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie. Nous allons voter l'autorisation de publier de l'enquête de la Cour des comptes, avec un avant-propos d'Alain Milon, notre rapporteur.
La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 25.