Mercredi 8 juillet 2020
- Présidence de M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office -
La visioconférence est ouverte à 17 h 10.
Présentation du rapport annuel pour 2019 de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), par M. Gilles Pijaudier-Cabot, président
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Nous entendons ce matin, dans des conditions encore particulières, les membres de la CNE2 nous présenter leur rapport annuel. Monsieur le président, vous avez été récemment désigné à la tête de cette commission et je vous en félicite. La CNE2 revêt, vous le savez, une très grande importance pour l'Office et nous saluons l'engagement de chacun de ses membres.
M. Gilles Pijaudier-Cabot, président de la CNE2. - Monsieur le Président, je souhaite vous faire part de notre attachement à l'indépendance de la Commission, et vous remercie d'y veiller. Cette Commission a été renouvelée pour moitié au mois de janvier dernier. Ce renouvellement a eu lieu au cours de la préparation du 14e rapport, qui s'est bien organisée jusqu'au 15 mars, date du confinement. Ce rapport fait ainsi état d'informations portées à la connaissance de la Commission jusqu'à cette date, et propose donc une photographie pré-confinement. Il a été conçu à distance.
Nous savons que les événements survenus depuis le début du printemps en France auront des conséquences sur les calendriers d'activité des acteurs de la loi de 1991. C'est la raison pour laquelle nous allons leur demander, dès que possible, avant la fin de l'année, de nous présenter les dispositions qu'ils entendent prendre à la suite de cette période, en particulier concernant le calendrier des projets.
Enfin, si le contexte économique a brutalement changé, les projets relatifs aux matières et déchets radioactifs devraient à notre sens rester prioritaires : dépôt de la demande d'autorisation de création de Cigéo, travaux nécessitant une forte impulsion sur le stockage des déchets, travaux dans le domaine de l'entreposage, etc. Ce contexte doit être précisé dans le cadre de l'examen de l'impact de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Impact de la PPE sur la gestion des matières et déchets radioactifs
M. Maurice Leroy, vice-président de la CNE2. - Je vous parlerai de l'impact de la PPE sur le cycle du combustible. Plusieurs dispositions de la PPE modifient profondément l'aval du cycle des combustibles, le cycle des matières et les études et recherches qui s'y rattachent, sur la base des lois de 1991, 2006 et 2016.
Parmi les changements profonds observés, le programme Astrid se trouve arrêté et le déploiement d'un parc de réacteurs à neutrons rapides (RNR) reporté à la fin du siècle. Ce report a des conséquences très importantes. D'abord, les études et recherches sur la séparation et la transmutation, qui constituaient le deuxième volet de la loi de 1991, concernent le moxage et la gestion du cycle, mais aussi, potentiellement, les réacteurs à neutrons rapides. Un ralentissement drastique des recherches et études est à attendre à ce sujet.
En matière de séparation, la France est un des leaders mondiaux. La preuve en est qu'elle a vendu la technologie de l'usine de La Hague au Japon, à Rokashomura, et discute depuis plusieurs années de la vente de cette même technologie à la Chine. La diminution d'une expertise dans ce domaine peut donc avoir des effets relativement négatifs sur la position française dans le monde.
En ce qui concerne le report à la fin du siècle des projets de RNR, l'objectif est la fermeture du cycle que pourraient permettre les RNR. Sans cette réalisation, il faudra entreposer une plus grande quantité de combustibles usés avant traitement et recyclage.
La Commission considère que le programme proposé par le CEA est beaucoup trop modeste pour répondre aux défis scientifiques et technologiques qui se présentent, mais aussi pour attirer de nouveaux talents et transmettre les compétences à la nouvelle génération. Il est extrêmement difficile de motiver des jeunes étudiants pour rejoindre la thématique du nucléaire. Nous aurons cependant besoin d'excellents spécialistes, indépendamment des décisions qui seront prises, pour gérer les installations et les déchets. Il est donc essentiel que notre activité soit encore attractive et permette de former les acteurs du futur.
La Commission souligne en outre le fait qu'il n'existe pas d'installation d'irradiation avec des neutrons rapides. Jusque récemment, nous utilisions les réacteurs HFR aux Pays-Bas et Halden en Norvège. En la matière, nous sommes aujourd'hui tributaires de la Russie ou des États-Unis, la France et l'Europe ne disposant plus de cette capacité.
La Commission observe également qu'une saturation des capacités d'entreposage se profile au début des années 2030. Nous sommes préoccupés par les marges probablement insuffisantes des calendriers de réalisation de nombreuses opérations.
La diminution de la part de l'électricité nucléaire prévue par la PPE implique par ailleurs la fermeture de 12 réacteurs parmi les 24 réacteurs de 900 MWe, or ceux-ci sont les seuls autorisés par l'ASN à utiliser du combustible MOX. EDF envisage de qualifier l'utilisation du MOX dans les réacteurs de 1 300 MWe. Pour limiter l'accumulation de combustibles usés contenant du plutonium, et dans l'attente d'un éventuel parc de RNR, la PPE prévoit que des études seront conduites en vue du déploiement du multi-recyclage du plutonium en réacteur à eau pressurisée à horizon 2040. La Commission recommande de ne pas sous-estimer le travail nécessaire à l'adaptation des réacteurs de 1 300 MWe au moxage et le temps nécessaire à l'obtention des autorisations requises.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Quels acteurs doivent être particulièrement vigilants ?
M. Maurice Leroy. - Le CEA et EDF, qui travaillent ensemble. Compte tenu du calendrier prévu, le travail à entreprendre est très important, pour s'assurer que les réacteurs soient opérationnels, c'est-à-dire adaptés puis approuvés par l'ASN.
La Commission observe également que la stratégie de multi-recyclage en réacteurs à eau pressurisé (REP) repose sur le déploiement de réacteurs EPR-2. Mais personne n'a décidé à ce jour de leur construction. Cette stratégie requiert aussi la conception de nouvelles installations de fabrication et de retraitement du combustible, dont la construction nécessitera des investissements lourds. Le multi-recyclage du MOX en REP conduira à modifier certaines usines en vue de les adapter à la création et au retraitement des MOX. Le retraitement aujourd'hui réalisé consiste à utiliser un UOX usé et un MOX usé, afin de diluer ce dernier dans l'UOX, ce qui ne modifie pas les procédés utilisés.
La Commission considère que les programmes et calendriers qui lui ont été présentés en sont encore au stade d'ébauches. Concernant la déclinaison de la PPE, elle demande que des éléments plus précis lui soient présentés lors des auditions de l'exercice 2020-2021.
Assainissement-démantèlement et gestion des déchets de très faible activité (TFA)
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - La Commission a soulevé à plusieurs reprises le problème des capacités technologiques des opérateurs dans le domaine de l'assainissement et du démantèlement : EDF a aujourd'hui neuf réacteurs en démantèlement, ORANO deux usines à La Hague et au Tricastin, enfin le CEA plusieurs installations spécifiques et réacteurs, dont Phénix. La Commission a en outre fait part de son souhait que les opérateurs se regroupent, pour profiter d'effets de masse critique. La Commission exprime sa préoccupation devant l'allongement continu, d'année en année, de la durée des opérations de démantèlement, dans un contexte budgétaire constant, par exemple au CEA. Or le report du démantèlement suppose de supporter les coûts liés à la mise en sûreté et à la surveillance. Un effet ciseau dès lors se produit.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Vous observez donc deux phénomènes : d'une part le report du démantèlement, d'autre part l'allongement de la durée de démantèlement.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - La période entre la décision de démantèlement et la fin du démantèlement s'allonge, pour des raisons souvent budgétaires. Les budgets sont constants, mais l'allongement des durées de démantèlement aboutit à celui des durées de mise en sûreté, dont le budget est prélevé sur la même enveloppe, au détriment du budget dédié au démantèlement stricto sensu.
S'agissant de la quantité des déchets, le démantèlement produit à 99 % des déchets de très faible activité ainsi que de faible à moyenne activité à vie courte. Ce volume de déchets est réactualisé périodiquement et a été multiplié par deux depuis 2003. La Commission recommande de reprendre la chronique prévisionnelle de production de ces déchets, afin de veiller à une adéquation entre leur production et la capacité de stockage de ceux-ci. Un centre accueille aujourd'hui des déchets de très faible activité, pour une capacité qui atteindra 900 000 m3 en 2038. La possibilité d'en ouvrir un second est actuellement à l'étude, en vue d'accommoder les 2 millions de m3 totaux prévus.
La Commission s'est exprimée plusieurs fois sur le recyclage de ces déchets, rappelant que la plupart sont très faiblement radioactifs. Certains pourraient être recyclés, en particulier les déchets métalliques. D'autres pays les recyclent déjà. Une décision conjointe du ministère de la Transition écologique et solidaire et de l'ASN a été rendue début 2020, faisant part d'un souhait de préciser la réglementation en la matière. La Commission recommande que cette instruction soit mise en oeuvre, sachant que la réglementation est une chose, la valorisation de ces déchets et l'équilibre économique de leur recyclage en est une autre. Il ne faudrait pas que recycler coûte beaucoup plus cher que de stocker.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Qui a le pouvoir d'effectuer cette évolution ?
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Il existe une directive européenne en ce sens. Le pouvoir est d'ordre réglementaire.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - C'est parfaitement réglementaire.
La gestion des déchets de faible activité à vie longue (FAVL)
M. Jean-Paul Minon, membre de la CNE2. - Les déchets à faible activité et vie longue (FAVL) se caractérisent par une dangerosité limitée, mais l'impossibilité de procéder à un stockage en surface, ce type de déchet devant être extrait, autant que possible, de la biosphère accessible, ce qui implique de les descendre à une profondeur adéquate en regard de leur dangerosité. Compte tenu de la production et de l'existence de ces déchets, il existe une urgence à leur donner un exutoire. Ces déchets sont en outre très nombreux, comme les déchets contenant du radium, pas nécessairement issus du cycle nucléaire. Ils proviennent de travaux anciens, de la recherche ou des bitumes, et sont donc d'une grande variété. Enfin, ils ne dégagent pas de chaleur.
Cette grande variété impose de penser à un tri, et donc à une caractérisation assez fine et l'identification de familles, en relation avec les caractéristiques radiologiques et chimiques de ces déchets. Ainsi, tous ne sont pas destinés au même site de stockage. Il est dès lors nécessaire d'identifier des sites dédiés, en relation avec les différentes familles. De nombreux travaux ont été conduits dans le passé, avec des échecs. L'Andra a repris le dossier et adopte une philosophie que la Commission encourage de poursuivre.
Ce dossier difficile nécessite un dialogue entre les différentes parties, à savoir l'opérateur, l'Andra, les producteurs de déchets et l'autorité de sûreté. Les analyses de sûreté doivent être rigoureuses et indépendantes, et il sera certainement nécessaire d'être innovant.
Ce dossier évolue donc, et la Commission continuera à le suivre et encourage les acteurs à avancer sur le sujet.
Le projet Cigéo
Mme Mickaele Le Ravalec, vice-présidente de la CNE2. - Les années 2019 et 2020 ont été marquées par deux grands jalons : la déclaration d'utilité publique (DUP) et la demande d'autorisation de création (DAC). L'Andra a annoncé, au printemps 2020, le dépôt de la DUP. Les auditions se sont arrêtées le 15 mars 2020. Le dépôt de la DAC était alors annoncé pour fin 2020.
Depuis plusieurs années, la date du dépôt de cette DAC est régulièrement repoussée. La Commission s'interroge donc sur la maîtrise du calendrier par les différents acteurs du projet. Elle estime que celui-ci a atteint un niveau de maturité scientifique et technique suffisant pour justifier le dépôt d'une DAC.
Le pilotage de la gouvernance a été confié au groupe de travail PNGMDR. La Commission a pris acte de cette décision. Elle souligne que l'Andra est le maître d'ouvrage des projets Cigéo. Il semble donc important de mettre en place un niveau de gouvernance adapté au pilotage opérationnel, sous l'autorité de l'Andra, afin que les décisions courantes nécessaires à la conduite du projet puissent être instruites sans délai. Enfin, des études et recherches sur l'estimation du coût du stockage seront conduites, que la Commission est prête à évaluer, de même que des solutions alternatives proposées pour le stockage géologique des déchets à haute et moyenne activité à vie longue (HAVL et MAVL).
M. Christophe Fournier, membre de la CNE2. - L'avant-projet détaillé du programme Cigéo a été élaboré par les maîtres d'oeuvre industriels et constitue le socle technique sur lequel s'appuiera la DAC. Pour autant, la Commission observe que de nombreuses évolutions sont en cours d'étude par l'Andra, par exemple pour répondre aux critiques formulées sur le projet par l'Autorité de sûreté lors de l'examen du dossier d'option de sûreté ou encore pour optimiser le projet, en particulier sur les coûts. Certaines évolutions visent aussi à prendre en compte l'inventaire de réserve, le cas échéant. Ces diverses études introduisent un certain flou dans la description du projet Cigéo tel qu'il sera proposé de le réaliser. La Commission juge donc souhaitable de préciser un certain nombre d'éléments, en distinguant une configuration de référence associée à l'inventaire de référence des déchets, et au périmètre de la DAC qui sera instruite. Cette configuration de référence doit pouvoir permettre le stockage de la totalité des déchets de l'inventaire de référence. Elle doit être décrite avec précision et réalisable sur la base des connaissances scientifiques déjà acquises, avec les technologies disponibles et éprouvées à la date de la décision. Cette configuration de référence a vocation à évoluer pour prendre en compte les améliorations au fur et à mesure du constat de leur nécessité.
Il convient toutefois de garantir la robustesse du dossier de définition de Cigéo, lui-même garant de la robustesse du dossier de sûreté. Pour cela, la Commission recommande que l'Andra définisse et mette en oeuvre dès maintenant une procédure de gestion de la configuration rigoureuse, qui garantisse que chaque évolution fasse l'objet d'une démonstration complète de l'absence d'impact négatif sur la sûreté et qu'elle ait été prise au niveau suffisant et soit tracée de manière appropriée. Une telle gestion de configuration sur un projet aussi complexe demande des efforts, en termes humains et matériels. Il semble dès lors nécessaire de l'appuyer sur l'exploitation d'une maquette numérique. L'Andra doit donc mettre en place des moyens suffisants pour effectuer ce travail de façon rigoureuse, afin que la DAC soit fondée sur des bases techniques robustes.
Le stockage des déchets bitumés MAVL a conduit par le passé à des controverses techniques entre l'IRSN et le CEA, à l'occasion de l'examen du dossier d'options de sûreté. Devant l'impossibilité de réconcilier les points de vue, le ministère et l'Autorité de sûreté nucléaire ont décidé conjointement de mettre en place une revue internationale pour étudier ce sujet. Elle s'est déroulée de septembre 2018 à juin 2019. Son rapport conclut à la probable faisabilité du stockage des flux d'enrobés bitumés dans Cigéo, mais propose un certain nombre d'analyses complémentaires. Il formule également quelques suggestions sur le traitement préalable du bitume si celui-ci était décidé. La Commission a analysé ce rapport à la demande de l'OPECST et adhère à ses conclusions. La note d'analyse transmise à l'OPECST à l'automne dernier préconise que les recommandations du groupe de revue soient mises en oeuvre sans tarder. En effet, si tous les résultats ne pourront être disponibles lors du dépôt de la DAC, ils devront l'être pendant le cours de l'instruction, afin de contribuer à la décision finale. Le CEA a présenté à la Commission le programme de travail qu'il envisage de mettre en oeuvre, qui répond globalement aux recommandations de la Commission.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions techniques relatives à la construction de Cigéo font encore l'objet de travaux de démonstration qui ne seront pas achevés au moment du dépôt de la DAC. Cela n'est pas un problème majeur, dans la mesure où cette instruction durera plusieurs années. Je pense en particulier à la démonstration de faisabilité du creusement d'alvéoles de grand diamètre, d'alvéoles HAVL de 150 mètres de longueur - celle démontrée aujourd'hui se limitant à 80 mètres - ou encore des scellements surface-fond. La Commission appelle cependant l'Andra à une grande vigilance sur les calendriers de travaux, car ces résultats devront être disponibles au cours de cette instruction.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - À l'écoute de vos propos, la coexistence du centre de stockage Cigéo et du laboratoire de Bure apparaît sans doute judicieuse et pertinente, dans la mesure où elle permet d'effectuer des recherches sans prendre de risque, par exemple pour le creusement de galeries de grand diamètre. Vous avez évoqué à juste titre la dialectique entre l'exploitation, les chercheurs, la régulation nationale et internationale : quoi qu'il arrive le système sera extrêmement évolutif. Personne ne peut considérer que les modalités complètes de Cigéo seront entérinées ac cadaver dans les années 2030 ou 2040. Cette coexistence du laboratoire et du stockage vous semble-t-elle judicieuse ou inutile ?
M. Christophe Fournier. - Cette coexistence est non seulement judicieuse, mais aussi indispensable. La construction de Cigéo se déroulera jusqu'à la fin du siècle, au moins. On ne peut imaginer qu'en 2100 on travaillera avec des technologies datant de 2020. Il s'agira donc d'appliquer de nouvelles technologies, et des études et démonstrations devront dès lors être réalisées, qui s'accommoderaient mal d'être réalisées dans le milieu industriel du centre de stockage principal. Le fait de disposer d'un laboratoire à la fois représentatif et séparé du centre de stockage me semble indispensable, afin de bénéficier des avancées technologiques pendant la durée de construction du projet.
M. Jean-Paul Minon. - Le laboratoire est un des éléments essentiels d'un ensemble beaucoup plus grand que composent les programmes de recherche. Le fait que l'autorisation du stockage soit octroyée ne signifie pas que les recherches s'interrompront ; au contraire. Il sera nécessaire de les poursuivre pendant toute la durée d'exploitation pour améliorer les concepts, livrer une réponse à des questions qui surgiront inévitablement au cours de la progression des travaux, etc. Je pense donc que ces deux outils vont coexister pendant très longtemps.
M. Bruno Sido, sénateur. - Concernant le suivi du laboratoire actuel, je suis heureux d'entendre que les recherches se poursuivront. Cette pérennité était une demande du terrain.
Comment le groupe de travail PNGMDR prévoit-il d'assurer en pratique le pilotage de Cigéo qui lui est confié ? Son organisation est-elle adaptée à ces nouvelles fonctions, ou faut-il organiser différemment, avec la CNE ?
Par ailleurs, en prolongeant l'entreposage toujours plus longtemps, ne risquons-nous pas de remplacer le stockage par un entreposage de très longue durée ? Est-il possible de mieux évaluer les risques spécifiques à cette période transitoire qui va s'étendre sur des décennies ?
Vous avez précisé ce que nous savions, travaillant sur le sujet depuis vingt-cinq ans. Tout le monde est consterné par l'arrêt du RNR Astrid et de la séparation-transmutation. Le CEA manque de moyens pour assumer sa tâche première qui est d'innover en matière nucléaire, ce qui apparaît assez dramatique. Je m'en suis entretenu avec Mme Barbara Pompili. Il faut absolument redresser la barre et donner des moyens au CEA. Il n'est pas possible de continuer ainsi.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Concernant votre première question, nous prenons acte de cette décision, bien que celle-ci ne corresponde pas nécessairement aux recommandations de la Commission. Le groupe de travail à venir, qui effectuera le pilotage du projet, s'est élargi, ce dont nous devons nous féliciter. Conformément à la loi de 2016, la CNE sera consultée et nous ne manquerons pas de nous manifester au moment d'étudier les évolutions du projet. La CNE est consultée sur tout ce qui concerne la réversibilité et sa mise en oeuvre. Nous nous préoccupons avant tout du pilotage opérationnel du projet, et souhaitons éviter que les décisions opérationnelles remontent au groupe de travail PNGMDR, ce qui serait catastrophique car plus rien n'avancerait. L'Andra est maître d'ouvrage du projet, et doit dès lors assumer ses responsabilités, au jour le jour au plus près du chantier, ce qui n'exclut pas qu'à un niveau supérieur un groupe de travail pluraliste permette à chacun d'être représenté et de s'exprimer.
Entreposage de longue durée et panorama international
M. Jean-Paul Minon. - Au niveau international, l'entreposage des combustibles sur une longue durée est la pratique la plus répandue. Il existe un consensus scientifique et industriel sur le fait que le stockage géologique est la solution à mettre en oeuvre pour les déchets de haute activité ou les combustibles usés.
Mais sa mise en pratique reste difficile, notamment parce que le consensus social, de manière générale, n'existe pas partout. D'autres pays avec des programmes plus petits sont confrontés à des difficultés d'ordre industriel et économique, un stockage géologique nécessitant des quantités suffisantes de déchets. Ces pays sont donc dans une situation d'attente. Certains, comme les Pays-Bas, en ont fait leur politique. De même, le retraitement n'est pas la pratique la plus répandue. Elle a même diminué avec l'arrêt des installations de retraitement britanniques. D'autres activités de retraitement vont démarrer au Japon et en Russie. Mais à l'heure actuelle, les combustibles s'accumulent dans des entreposages qui n'étaient initialement pas prévus pour une longue durée. L'entreposage séculaire va devenir une réalité banale.
La question est technique mais avant tout éthique, car il revient à notre génération qui utilise l'énergie nucléaire de mettre en oeuvre la solution pour les déchets produits par celle-ci.
L'entreposage tient de l'attentisme, et ne peut se substituer à une réelle politique volontariste de mise en stockage, même si celle-ci s'accompagne de délais. Trois pays ont une politique de stockage qu'ils mettent en oeuvre : la Finlande, la Suède et la France. La Finlande a obtenu l'autorisation pour la construction de son stockage et la Suède est sur le point de l'obtenir. Un certain nombre d'autres pays mettent en oeuvre des procédures parfois longues et complexes pour disposer de cette acceptabilité sociale, comme la Suisse. D'autres doivent réviser leur procédure en la matière, comme les États-Unis ou l'Allemagne.
Dans tous les cas, l'entreposage, s'il peut être nécessaire pour des raisons techniques, ne se substituera d'aucune façon au stockage, qui est une nécessité et une responsabilité de la génération actuelle.
Stockage des déchets de faible activité à vie longue (FAVL)
M. Jean-Paul Minon. - Les programmes de gestion des déchets FAVL dans le monde sont très embryonnaires. Contrairement à ce qui était admis voici une vingtaine d'années, une solution adaptée aux déchets HAVL ne l'est pas nécessairement pour les FAVL ou MAVL. Ces problèmes sont spécifiques. Le stockage à une profondeur adaptée, pas nécessairement la même que pour des déchets de haute activité, est privilégié. Ce stockage procure en effet un plus haut degré de confinement et d'isolement que les stockages en surface. Ceci n'exclut en aucun cas une solution de sub-surface, c'est-à-dire à une profondeur allant de quelques dizaines à quelques centaines de mètres. Cette solution est adaptée aux quantités et à la dangerosité des déchets.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Une des conclusions que nous avons tirées du panorama international sur l'entreposage est la suivante : un besoin d'entreposage de longue durée ne devrait pas transformer les matières entreposées en déchets du fait d'un manque de recul sur leur vieillissement. Il s'agit en particulier d'un danger de l'entreposage à sec. Il ne faudrait pas se retrouver involontairement dans une situation où la fermeture du cycle s'avérerait impossible du fait de mauvaises conditions d'entreposage sur une durée plus longue que prévu.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Dans cette situation, l'entreposage serait donc tellement long que des combustibles ne pourraient plus être recyclés, et deviendraient des déchets inexploitables ?
M. Christophe Fournier. - La question qui se pose est celle de la tenue des gaines. Les gaines du combustible soumises à une température élevée en entreposage à sec sont susceptibles de se dégrader ou se déformer. Les assemblages combustibles ne pourraient dès lors plus être manipulés pour être retraités. Ils deviendraient alors des déchets.
M. Jean-Paul Minon. - Le recul industriel est de quelques décennies, au maximum 50 ans. Au-delà, les connaissances au niveau international sont parcellaires et spécifiques aux études réalisées pour certains combustibles, sans possibilité de transposition.
Mme Angèle Préville, sénatrice. - Nous sommes à un moment charnière, que nous avons la responsabilité de gérer. Vous avez évoqué le recyclage éventuel des métaux, et évoqué sa pratique dans d'autres pays de l'Union européenne. Pour quel type d'objets l'utiliserions-nous ? Quel sera le taux de dilution utilisé ? Comment les autres pays ont-ils vécu ces pratiques, en termes d'acceptabilité ?
S'agissant des déchets FAVL, vous avez indiqué que des familles de déchets devaient être identifiées et caractérisées, mais pour quelle raison ? S'agit-il d'optimiser le stockage ?
En ce qui concerne le stockage de déchets bituminés, les problèmes de dégagement de chaleur ont-ils été résolus ? Quelle est la quantité de ces déchets dont nous disposons ? Quelles sont les solutions de stockage ? Existe-t-il des problématiques de manipulation, compte tenu du caractère ancien de ces déchets ?
M. Jean-Paul Minon. - En ce qui concerne les déchets de faible activité, pour lesquels nous pouvons parler de recyclage, la réglementation applicable en Europe repose sur la directive européenne sur les normes de base, qui précise des niveaux de libération, en-dessous desquels une matière n'est plus considérée comme étant intégrée dans le circuit de contrôle des matières radioactives. La France a choisi d'appliquer une réglementation plus sévère et considère, en caricaturant, que ce qui est entré dans une installation nucléaire en ressort potentiellement radioactif. Les autres pays pratiquent et appliquent les niveaux de libération définis par la directive européenne. Par exemple, Studsvik, en Suède, fond des métaux, permettant une bonne homogénéisation et un contrôle de la radioactivité résiduaire. La fusion est également un processus décontaminant, la radioactivité se concentrant dans le laitier qui devient un déchet radioactif, d'un volume fortement diminué. Il en va de même pour certains bétons, notamment de démantèlement, qui peuvent être considérés, après une séquence de mesures validées, comme non radioactifs. Certains sont recyclés en traverses de chemin de fer vendues dans toute l'Europe, y compris en France. Les Allemands ont également une politique de recyclage, par exemple en recyclant les métaux contaminés en fabriquant des fûts dans lesquels ils placent des déchets radioactifs. En règle générale, les pays européens appliquent une politique de libération conforme aux normes définies par les directives européennes. Les États-Unis sont quant à eux moins restrictifs.
S'agissant des FAVL, il importe de les traiter par famille, chaque famille présentant un degré de risque spécifique. Ceci permet d'adapter les procédures de caractérisation aux familles. EDF a ainsi fourni un effort important de caractérisation des graphites, ce qui a permis de recalculer les concentrations en chlore 36 et d'envisager une optimisation de leur mise en stockage. Cette approche par famille et par caractérisation, tant radiologique que chimique, est importante en ce qu'elle permet de bien utiliser le volume de la capacité de stockage et y placer une radioactivité adéquate aux conditions de sécurité qui pourront être atteintes. Ceci ne peut s'envisager qu'au regard d'un site donné, dont les caractéristiques sont connues.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - La nécessité d'enfouir les FAVL est liée à leur vie longue. Il est jugé préférable de les mettre hors de portée de la biosphère pendant une durée suffisante.
M. Christophe Fournier. - S'agissant de la quantité de fûts bituminés concernés, nous comptons environ 75 000 fûts au total, dont 42 000 relèvent de la catégorie dite MAVL. Ils sont donc a priori destinés à un stockage profond. Les autres fûts sont dans la catégorie FAVL. Un certain nombre de ces fûts très anciens sont en mauvais état, s'agissant du site du CEA de Marcoule. Toutefois, dans le cadre de la sécurisation de leur entreposage, ces fûts font actuellement l'objet d'une reprise sur le site. Les fûts anciens sont retirés des casemates, installés dans un nouveau fût en inox, puis placés dans des entreposages nouveaux. Lors de leur arrivée dans Cigéo, ils ne poseraient donc plus aucune difficulté de manutention.
Vous avez en outre évoqué le risque d'un incendie. Tel était le sujet de la controverse entre le CEA et l'IRSN. Il est nécessaire de démontrer le caractère extrêmement improbable d'un tel événement, à défaut de pouvoir en démontrer l'impossibilité. La revue sur le sujet a conclu à ce caractère extrêmement improbable. Pour autant, la démonstration qu'en avait apporté le CEA était insuffisante sur un certain nombre de points. La revue a donc suggéré des analyses complémentaires afin de consolider cette démonstration. Le CEA a annoncé qu'il allait entreprendre ce travail à compter de la mi-2020.
Si ces travaux sont couronnés de succès, ces fûts auraient vocation à être stockés dans Cigéo, dans des alvéoles de type MAVL qui comporteraient un certain nombre d'adaptations permettant par exemple d'y installer des systèmes de surveillance renforcés sur la température dans l'alvéole, voire des systèmes d'extinction. Ces adaptations sont en cours d'étude par l'Andra. Elles seraient considérablement plus légères que la construction, envisagée un temps, d'une installation pour brûler ces fûts bitumés.
M. Stéphane Piednoir, sénateur. - Je souhaite intervenir sur l'arrêt du programme Astrid, évoqué dans ce rapport. Vous évoquez l'objectif de préserver la capacité nationale à relancer un projet de ce type d'ici la fin du siècle. Cet objectif nous paraît lointain. Le programme post-Astrid envisagé par le CEA me semble en outre modeste, car il ne repose que sur des simulations. Vous pointez la nécessité de travailler sur un réacteur expérimental et, en complément, de maintenir des collaborations internationales sur ce sujet précis. Quels freins avez-vous identifiés dans ces collaborations internationales ? Le savoir-faire français en matière d'industrie électronucléaire est-il toujours aussi reconnu à l'international ? Y a-t-il des réticences de la part du CEA pour collaborer sur ce type de sujet ? Dans l'hypothèse d'une collaboration européenne, est-il envisagé un projet de très grande infrastructure de recherche ou de consortium industriel ? Dans ce cas, quels pays seraient candidats pour y participer et l'accueillir ?
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - À la demande de plusieurs groupes parlementaires, l'OPECST a été saisi de la question de l'arrêt du programme Astrid. Stéphane Piednoir a été désigné, avec Thomas Gassilloud, co-rapporteur de cette étude dont les travaux débuteront fin septembre.
M. Maurice Leroy. - Le CEA a souhaité réaliser un prototype industriel, alors qu'il aurait dû réaliser un prototype de recherche, en laissant aux industriels le soin de réaliser le prototype industriel. Des avancées considérables ont été réalisées dans les études et recherches concernant Astrid. S'agissant du panorama international, le Japon était fortement intéressé par une participation au projet. Il souhaite retraiter ses combustibles et disposait du réacteur à neutrons rapide Monju, définitivement arrêté suite à un incident. Une collaboration légère se maintient avec les États-Unis, qui ne possèdent pas de véritable programme de réacteurs à neutrons rapides, contrairement aux Russes. Ces derniers disposent de trois réacteurs à neutrons rapides et s'apprêtent à en lancer un quatrième. Il s'agit cependant de réacteurs de deuxième ou troisième génération. La France, quant à elle, avait l'ambition de lancer un réacteur dont la sûreté était susceptible de dépasser celle de l'EPR.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Quelle est l'avancée majeure entre troisième et quatrième génération ?
M. Maurice Leroy. - Elle porte sur la sûreté, avec toute une série de contraintes fortes, comme la récupération du corium, une double étanchéité permettant de contenir la radioactivité en cas d'incident, etc. qui demandaient des innovations très significatives. L'objectif était effectivement de réduire le risque au maximum, alors que la technologie était parallèlement fondée sur le refroidissement au sodium. La France se trouvait donc à la pointe du développement. Celui-ci a pris fin pour des raisons budgétaires ou politiques.
Les questions de la CNE sont multiples : scientifiques, technologiques, maintien d'une méthodologie de 2020 à 2080, etc. Sans un projet susceptible de soutenir un effort et d'accompagner un développement, avec les nouvelles technologies qui vont apparaître, la démarche s'arrêtera.
La proposition d'un multi-recyclage du plutonium en réacteurs à eau pressurisée a été présentée comme une étape vers les combustibles d'un futur RNR. Il est vrai qu'il permettrait d'aborder un certain nombre de problèmes communs, mais d'autres aspects sont spécifiques à ces derniers. Une recherche dédiée à un futur RNR restera donc nécessaire.
La question qui se pose est de savoir si nous devons continuer à utiliser la voie qui fait du plutonium une matière énergétique, en considérant que nous devons être en mesure, si le besoin apparaissait, de pouvoir utiliser cette ressource, avec l'uranium appauvri dont nous disposons, pour alimenter un RNR. Dans l'affirmative, il conviendrait de s'organiser pour conduire les recherches et études nécessaires, en visant 2080 ou 2100. Aucun d'entre nous n'est à même de prévoir l'évolution à 60 ans en matière d'énergie. La CNE considère que des études importantes ont été réalisées. C'est peut-être l'une des options à conserver et à développer pour faire face aux besoins à venir.
M. Bruno Sido, sénateur. - Effectivement, l'abandon du projet Astrid est une catastrophe. Ce qui ne sera pas fait aujourd'hui sera oublié ou deviendra obsolète. Dans 60 ou 80 ans il faudra tout réinventer.
Dans le débat actuel sur les énergies renouvelables et la fermeture de Fessenheim, en tant que scientifiques et citoyens, n'allez-vous pas vous sentir obligés d'intervenir en indiquant que nous ne lutterons pas contre le réchauffement climatique en abandonnant le nucléaire ?
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Les scientifiques ont ce débat sur le mix énergétique, mais entre eux, et peut-être pas suffisamment avec les autres acteurs.
M. Maurice Leroy. - Même si un jour le nucléaire doit être abandonné, pouvons-nous nous le permettre, sur le plan économique, dans la situation actuelle ? Énormément de choses restent à développer dans des domaines comme le photovoltaïque ou l'hydrogène, mais ce ne sera pas immédiat. Les députés et les sénateurs doivent prendre garde à ne pas faire confiance à des technologies qui ne sont pas matures. Il est nécessaire de prendre son temps pour garder le CO2 à un niveau minimum. Dans le même temps, il faut maintenir les capacités dont nous sommes dotés. La France dispose de 250 000 tonnes d'uranium appauvri qui, associé à du plutonium, peut permettre le fonctionnement de réacteurs. Dans ce cas, nous serions autonomes dans notre production d'électricité.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Il y a quelques années, nous avions encore le sentiment d'être un pays en pointe. Aujourd'hui, nous avons l'impression que la France cherche sa voie. Des incertitudes persistent sur de nombreux sujets : les RNR, les petits réacteurs modulaires, la fermeture du cycle, Cigéo, les soudures de Flamanville, le démantèlement retardé, les controverses, etc.
Le débat public, en outre, n'a toujours pas été conduit de façon approfondie. Pour un projet comme Cigéo, unique par son ampleur et sa durée, les questions de société s'ajoutent aux questions techniques.
Enfin, vous avez indiqué qu'il est particulièrement complexe d'obtenir des plans : nous avons besoin d'un plan plus précis pour le stockage, d'une maquette numérique et d'une configuration de référence pour Cigéo, d'études sur un certain nombre de sujets, etc. Vous avez estimé que les programmes et calendriers avaient besoin d'être fortement précisés. On a le sentiment que les organismes décisionnaires, en particulier le ministère de la Transition écologique et sa direction de l'énergie et du climat, accusent beaucoup de retard.
Additionnées, les difficultés techniques, de débat public et de coordination de l'ensemble par l'État, rendent impérative une reprise de contrôle sur le calendrier, l'action et la décision.
M. Jean-Claude Duplessy, expert invité de la CNE2. - Je rejoins les propos de Cédric Villani. Le rapport n° 14 de la CNE souligne cet état de fait qui nous inquiète tous. Par ailleurs, l'Office et l'Académie des Sciences ont pris l'habitude d'organiser des rendez-vous réguliers, qui doivent se poursuivre. Le comité de prospective à l'énergie prépare actuellement un rapport sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Un échange fructueux pourrait donc être imaginé avec l'OPECST. Enfin, le changement climatique risque d'être une source de difficultés majeures pour les populations, bien plus que le nucléaire que nous savons maîtriser avec les moyens de la technologie actuelle.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Le changement majeur que nous connaissons n'est plus uniquement lié à la technologie et au savoir, mais aussi à l'usage. L'usage de l'énergie doit être autant pris en compte que le type d'énergie à privilégier. Par exemple, changer le mix énergétique n'est pas si grave, sous réserve d'accepter que cette visioconférence qui devait se tenir à 17 heures, en l'absence de vent, se tienne à 19 heures. Y sommes-nous prêts ? C'est probablement parce que nous avons des injonctions contradictoires en termes d'énergie, avec des besoins personnels et une production d'énergie qui ne correspond pas à nos idéaux que nous avons un problème.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Une réelle inquiétude a été soulevée à l'issue de ce rapport, qui implique que l'Office se retourne vers le Gouvernement pour demander des comptes et un pilotage. Le diagnostic sera affiné et confronté à la représentation nationale, à travers le rapport sur Astrid et les conclusions de l'OPECST, mais nous avons besoin à ce stade d'entendre la voix de l'État. On parle souvent d'État stratège, une expression en général galvaudée, mais en matière nucléaire une vision de long terme, coordonnant contraintes scientifiques et publiques, s'avère nécessaire. De fait, l'énergie a connu son plein essor en France à une étape qui se prêtait bien à de grandes planifications. Les questions d'énergie se posent aujourd'hui sous une forme bien plus diversifiée, néanmoins le programme nucléaire a besoin d'être piloté et les déchets nucléaires doivent être gérés avec responsabilité. Ce sont des sujets sur lesquels nous avons absolument besoin d'un pilotage fort, responsable et éclairé par l'État. Il revient à l'OPECST de rappeler ce dernier à ses obligations et responsabilités.
M. Gilles Pijaudier-Cabot. - Nous autorisez-vous à faire part au public de nos conclusions, c'est-à-dire à rendre public le rapport ?
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Mes collègues parlementaires se joindront à moi pour vous y autoriser.
M. Bruno Sido, sénateur. - Je m'associe aux conclusions. L'État doit prendre ses responsabilités. Je suis donc favorable à la publication de ce rapport.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Merci pour votre exigence, votre capacité d'analyse et l'indépendance que vous avez une nouvelle fois démontrée.
La visioconférence est close à 18 h 50.
Jeudi 9 juillet 2020
- Présidence de M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office -
Communication de MM. Pierre Henriet, député, et Pierre Ouzoulias, sénateur, sur leur rapport Intégrité et publications scientifiques
La réunion est ouverte à 9 h 45.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - À l'ordre du jour de l'Office ce matin, nous avons une communication sur un travail qui est en cours, mais n'a pas encore abouti, qui porte sur l'intégrité scientifique, notamment sur l'intégrité des publications scientifiques. Il conviendra, le moment venu, de porter à la connaissance du grand public notre réflexion sur ce thème d'actualité.
Le sénateur Claude Huriet avait été le premier à s'y consacrer, avant que Mme Anne Genetet, députée, ne présente devant nous une communication sur le sujet, en février 2019. Le rapport dont nous examinons aujourd'hui l'état d'avancement répond quant à lui à une saisine de la commission de la culture du Sénat.
M. Pierre Henriet, député, rapporteur. - Aux termes de la circulaire Mandon du 15 mars 2017, l'intégrité scientifique est « l'ensemble des règles et valeurs qui doivent régir l'activité de recherche pour en garantir le caractère honnête et scientifiquement rigoureux ». Le champ de notre rapport est aussi large que celui de la recherche elle-même. C'est pourquoi nous nous sommes d'abord efforcés d'en définir les jalons.
L'actualité, marquée par la crise sanitaire du coronavirus, nous a envoyé, à cet égard, comme des rappels à l'ordre : viralité des fausses informations ou infox ; rétractation d'articles scientifiques, notamment un fameux article du Lancet ; recours massif aux serveurs de prépublication ; place donnée aux conseils scientifiques dans la prise de décision politique ; elle-même source de défiance envers la parole scientifique.
Les valeurs de l'intégrité scientifique ne sont pas toutes respectées en temps de crise. Dans un récent message commun, le comité d'éthique du CNRS et sa mission à l'intégrité scientifique soulignent que trois de ses aspects fondamentaux sont mis à mal dans le contexte de crise sanitaire : le respect des principes éthiques ; l'exigence de répondre aux questionnements de la population de manière sobre et précise ; la nécessité de fonder sa démarche sur la méthode scientifique.
Permettez-moi un rapide retour en arrière sur le lancement de nos travaux, en septembre 2019. Ils trouvent leur origine dans une saisine de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Le but qui leur est assigné est « d'éclairer la représentation nationale sur les choix de politique publique à opérer dans le domaine de l'intégrité scientifique ».
Tentons un rapide panorama de l'intégrité scientifique à la française. Elle repose sur le principe de l'autorégulation, qui trouve son expression dans des codes de bonne conduite et diverses chartes, guides ou vade-mecum. Depuis la publication du rapport du professeur Pierre Corvol, en 2016, différents dispositifs ont cependant été mis en place pour conforter et protéger l'intégrité scientifique en France. Ils n'ont aujourd'hui que quatre ans seulement, ce qui montre bien que la notion est encore naissante.
L'Office français de l'intégrité scientifique (OFIS) a été créé en 2016. Il remplit les fonctions d'un observatoire. Il ne traite cependant pas des dossiers individuels soulevant des problèmes concrets d'intégrité scientifique. La même année, des référents à l'intégrité scientifique ont été désignés dans une grande partie des établissements et centres de recherche. Nous en avons répertorié 128 à ce jour. Ils promeuvent l'intégrité scientifique et instruisent les cas de manquement observés dans leur établissement. Enfin, en 2017, la circulaire Mandon a institué pour les doctorants une formation obligatoire dans le domaine de l'intégrité scientifique.
Au cours des vingt-deux auditions que nous avons réalisées avec mon collègue Pierre Ouzoulias, notre attention a été attirée sur plusieurs points.
D'abord, il n'existe pas de définition légale de l'intégrité scientifique. Nous nous sommes attachés à en proposer une, susceptible d'ailleurs de supporter d'éventuelles modifications. Mais, pour l'instant, aucune définition ne fait consensus, et le code de la recherche n'en contient pas non plus.
Ensuite, le statut de l'OFIS a régulièrement fait l'objet de discussions pendant les auditions. Dépourvu de budget propre, il constitue aujourd'hui un simple département du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES). Sa latitude de fonctionnement est réduite, notamment lorsque la présidence du Haut Conseil n'est pas pourvue.
En outre, toutes les structures de recherche n'ont pas de référent à l'intégrité scientifique, alors que cela constitue actuellement une obligation. Le statut et les missions de ces référents sont d'ailleurs mal définis, puisqu'ils varient selon les établissements et les disciplines de recherche. Certains affirment que la formation obligatoire en intégrité scientifique devrait être généralisée à toutes les activités de mentorat, y compris celles qui se déroulent dans le cadre de l'habilitation à diriger des recherches (HDR).
Des inquiétudes se concentrent sur le sort de la personne soupçonnée de manquements à l'intégrité scientifique. Pour elle, il n'existe pas ou peu de voie de recours ni de chambre d'appel. La défense par des avocats ou par des syndicats n'est à ce jour pas normalisée. Des réseaux de dénonciation tels que PubPeer tendent à se développer sur la Toile depuis quelque temps, sans que les accusations soient toujours fondées, ou que les scientifiques mis en cause disposent d'un droit de réponse.
Tout comme l'actualité, les auditions nous ont révélé qu'il est urgent de mener une politique nationale en faveur de l'intégrité scientifique. Cette politique implique de définir la notion dans le code de la recherche, mais aussi de redéfinir le statut et les missions de l'Office français de l'intégrité scientifique. Elle doit fournir un outil de confiance en faveur de la recherche française, car les règles relatives à l'intégrité scientifique favorisent la qualité des résultats de recherche, comme l'ont mis en avant les personnes que nous avons entendues.
Cette politique volontariste, conservant la philosophie originelle de l'autorégulation, s'inscrira parfaitement dans un contexte de renforcement des règles éthiques et déontologiques. Favorisant l'intégrité de la recherche, elle renforcera le crédit des chercheurs français, tant vis-à-vis du grand public que sur la scène internationale.
C'est pourquoi nous proposons d'inscrire une définition de l'intégrité scientifique dans le code de la recherche. La définition retenue est issue du rapport du professeur Pierre Corvol. Elle s'adapte à la charte de déontologie adoptée par de nombreux organismes de recherche.
Je vais vous faire lecture d'une proposition de rédaction que nous souhaitons soumettre à l'Office parlementaire. Elle pourrait faire l'objet d'un amendement : « Art. L. 211-1 - L'intégrité scientifique désigne l'ensemble des règles et des valeurs qui garantissent le caractère honnête et scientifiquement rigoureux de l'activité de recherche. L'ensemble des travaux de recherche réalisés sur le territoire français doit être conforme aux prescriptions en matière d'intégrité scientifique définies par les établissements ou à défaut par la charte française de déontologie des métiers de la recherche de janvier 2015, ou sa version mise à jour ultérieurement. »
L'objectif, encore une fois, est de consolider les acteurs de recherche et notamment les référents intégrité scientifique (RIS) pour lesquels il est difficile, aujourd'hui, d'avoir un corpus solide, notamment quand ils sont en situation de médiation, ou quand des soucis d'intégrité voient le jour au sein des établissements.
Le deuxième point consiste à renforcer les missions de l'Office français à l'intégrité scientifique, en consolidant le rôle des instances en charge des sujets d'intégrité scientifique, pour favoriser des pratiques plus homogènes.
En matière d'intégrité, les normes
viennent de la communauté scientifique
elle-même. Elles ne
sont pas imposées par les autorités hiérarchiques, ce qui
renforce l'adhésion des chercheurs, mais peut aussi entraîner de
réelles disparités sur les corpus existants, et leur mise en
oeuvre d'un établissement à l'autre. En renforçant le
rôle de l'OFIS, la diffusion et l'homogénéisation du corpus
de normes en matière d'intégrité devraient être
favorisées.
Nous reviendrons sur des cas plus précis tout à l'heure, mais conforter l'OFIS est vraiment un souhait de la communauté scientifique qui travaille sur ces questions d'intégrité scientifique.
L'objectif est également de soutenir l'action des référents intégrité scientifique. L'OFIS doit pouvoir leur assurer un soutien opérationnel sur l'ensemble des établissements. Parfois les RIS sont isolés au sein de leur établissement, et le lien avec l'OFIS n'est pas optimal ou évident.
L'OFIS pourra identifier et diffuser des bonnes pratiques, notamment en matière de prise en compte des enjeux environnementaux. Ce dernier axe a été abordé dans beaucoup d'auditions, et trouve un écho de plus en plus fort au sein de la communauté scientifique.
Enfin, renforcer le rôle de l'OFIS permettrait d'accentuer les actions de formation fondamentales, à destination des doctorants mais aussi des encadrants. C'est pourquoi nous recommandons d'élargir, par voie réglementaire, l'obligation de formation à l'intégrité scientifique, qui ne concerne aujourd'hui que les doctorants, à toute nouvelle personne habilitée à diriger des recherches.
Un autre point important : de nombreuses affaires de méconduite ne sont aujourd'hui pas instruites. Pourtant, elles ont été relayées dans la presse, même grand public, et peuvent impliquer des personnes assumant de hautes responsabilités au sein des organismes scientifiques. Les affaires sont soulevées du fait de conflits d'intérêt ou de l'absence de comité prenant en charge ces enjeux d'intégrité. Doter une instance tierce de la capacité d'évocation permettra aux responsables d'établissements de s'appuyer sur un rapport objectif pour instruire éventuellement l'affaire en interne.
Un autre point dans la procédure d'instruction serait de créer un droit d'évocation au profit d'une instance de l'OFIS. Actuellement, il existe au sein de l'OFIS un comité directeur, appelé Conseil français de l'intégrité scientifique (COFIS). Il pourrait disposer d'un droit d'évocation sur les affaires de méconduite. Chaque affaire serait ainsi instruite et débattue au sein du COFIS, qui pourrait réaliser des auditions, et solliciter une expertise confidentielle.
Bien évidemment, quand on parle d'instruction, il ne faut pas oublier le droit de recours devant l'OFIS. Le processus doit intégrer cette notion, notamment pour traiter des affaires de plagiat sur une publication, ou des problèmes de manquements à l'intégrité scientifique de manière plus générale, notamment de falsification des données. L'action est alors limitée à l'émission d'un rapport, sans lien avec l'établissement, pour éviter justement un éventuel conflit d'intérêt, mais qui peut orienter l'action de l'établissement et lui permettre de s'appuyer sur une analyse objective des faits. La finalité n'est pas de se substituer à l'autorité de l'établissement.
La recommandation que nous faisons est donc d'élargir, par voie législative, les missions de l'OFIS, en attribuant au COFIS un droit d'évocation des affaires de méconduites supposées, et de recours pour les affaires instruites dans les établissements. Le COFIS élaborerait un rapport à destination de l'établissement concerné intégrant des recommandations quant au traitement de l'affaire.
Dernier point concernant l'autonomie de l'OFIS et de son organe de gouvernance : ils dépendent aujourd'hui exclusivement du HCÉRES. Tous les actes courants et comptes rendus doivent être validés par le collège de ce dernier. Aussi, toute situation de blocage du HCÉRES entrave-t-elle l'action de l'OFIS. Par exemple, le COFIS ne peut aujourd'hui renouveler ses membres, et publier ses comptes rendus, en raison de la situation que connaît le HCÉRES, la nomination de sa présidence étant en attente. Ce point a été évoqué par l'OFIS, mais aussi par les acteurs des réseaux d'intégrité scientifique : sans l'aval du HCÉRES, rien n'est actuellement possible en matière d'intégrité scientifique. Ce rattachement, s'il présente un intérêt logistique, ne garantit pas l'indépendance intellectuelle de l'OFIS, car il rattache indirectement cette institution à l'autorité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
De plus, le COFIS ne dispose d'aucun droit d'évocation. S'il est saisi d'une affaire, quelle que soit la gravité des faits, il est dépourvu de moyens d'action. Aucune affaire individuelle n'est évoquée devant le COFIS.
Nous souhaitons donc la création d'une autorité administrative indépendante au service de l'intégrité scientifique, un outil pour restaurer la confiance du grand public, des citoyens à l'égard de la science, notamment lors de ce type d'affaires de rétractation de publications, pour promouvoir une recherche intègre. Ceci implique de doter une instance indépendante de moyens pour mener une action en faveur de cette notion d'intégrité. L'OFIS nous semble être le meilleur acteur pour porter ces sujets, en collaboration avec les référents intégrité, à la fois vers la communauté scientifique et, plus ouvertement, vers le grand public.
L'autonomie permet d'endiguer les phénomènes d'éventuelles pressions extérieures ou hiérarchiques. Nous l'avons noté, dès que nous avons soulevé des cas particuliers. Nous recommandons donc de doter l'OFIS, par voie législative, d'un statut d'autorité administrative indépendante, qui n'est pas incompatible avec la poursuite de l'hébergement de l'OFIS au sein du HCÉRES.
Il s'agit de sujets souvent délicats, surtout lorsque l'on rentre dans la mécanique fine de certaines affaires, qui ont pu être révélées ou parfois restent en interne. Les référents intégrité ont beaucoup de difficultés à les gérer. Le but est de renforcer ces acteurs de l'intégrité scientifique. En effet, nous l'avons vu au travers de nos auditions, le fait que cette notion d'intégrité ne soit formalisée que depuis quatre ans montre que, pour l'instant, ils ne sont pas encore intégrés aux établissements. Ils ont besoin, à la fois par cette autonomie et par ce soutien, d'être plus présents, avec des moyens et des missions bien définis, pour que l'ensemble de la communauté scientifique puisse être épaulée lorsque l'on constate des manquements à l'intégrité scientifique.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - Je n'ai rien à ajouter aux propos de Pierre Henriet, que je partage complètement. Nous avons travaillé ensemble sur tous ces aspects. J'aimerais plutôt prendre du recul par rapport au rôle de l'Office, et à ses relations complexes avec les deux chambres. Sous votre conduite, Monsieur le président, l'Office a beaucoup travaillé pendant la pandémie, avec des échos variables au sein de nos deux chambres.
Sur un sujet comme celui-là, qui touche vraiment au coeur de ce que doit être la réflexion politique sur la place de la science au sein de la société, il serait vraiment regrettable que l'Office ne soit pas entendu sur ces aspects d'intégrité scientifique, alors que le Gouvernement nous propose de discuter d'une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, avec un calendrier pas encore parfaitement connu.
Je pense qu'au travers de ce travail se joue la position de l'Office par rapport aux deux chambres, notamment sur la science. Monsieur le président, je partage complètement votre propos liminaire : la science ne sort pas totalement grandie de la période que nous venons de vivre.
Notre statut de politiciens est même conforté par le spectacle pitoyable qu'ont donné les chercheurs. Aujourd'hui, quand on parle de la science, on se dit : vous mettez deux scientifiques dans une pièce et à la fin vous obtenez trois théories. Cette image de la science est assez catastrophique.
Toutes les disciplines ne sont pas touchées de la même manière. Dans les disciplines de la biologie et de la santé, les faits sont inquiétants. La responsable de l'intégrité scientifique à l'INSERM nous disait qu'entre quatre et cinq demandes d'informations par semaine lui étaient remontées. L'emballement manifeste de la science est un vrai problème. Il est dû à une culture de l'article, qui veut qu'il soit de plus en plus diffusé, après avoir été publié le plus rapidement possible, pour toucher de plus en plus de monde et maximiser son impact, ainsi que la notoriété de son auteur. C'est une dérive catastrophique.
En outre, notre société a tendance à donner trop d'importance aux critères quantitatifs, car ces derniers sont plus simples à manier. Nous n'allons pas non plus évoquer le nom d'un professeur qui a disposé d'une tribune médiatique forte, dans une ville du Midi connue pour être une ancienne colonie de Phocée...
Il est temps que le pouvoir politique s'empare de ce dossier. À la lumière de notre travail, il nous semble que le Parlement devrait cependant avancer avec mesure dans ce domaine. Il ne doit pas édicter des règles ne correspondant pas à la pratique, qui prend de multiples formes, du sociologue au mathématicien, variant tant par leurs habitudes de travail que par la manière de le restituer. Il est donc difficile d'édicter des normes législatives nationales.
En revanche, il nous a semblé possible de mettre à profit la louable expérience de l'Office français de l'intégrité scientifique. Nous proposons de lui donner une assise juridique plus solide. Ce serait une première étape, certes modeste, mais intéressante.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Ce sujet fait la démonstration de l'utilité absolue de l'Office lorsqu'il s'agit de préparer le débat politique. Encore faudra-t-il que le rapport à paraître adopte une présentation assez vivante et actuelle, en fournissant des exemples d'atteinte à l'intégrité scientifique, car nous avons besoin de rappeler les faits, avant d'évoquer les institutions.
Je vous livre une autre réflexion : ce n'est pas le conformisme scientifique qui fait avancer la science.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Non, certainement pas !
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Pour aller à la rencontre de la vérité, il s'agit de sortir de la caverne décrite dans le mythe raconté par Platon, bien connu de tous, au travers du cours de philosophie de terminale. Or, la chape de plomb du conformisme peut s'abattre sur une société.
Cela se voit d'autant plus dans les sociétés nouvelles. Une société ancienne comme la nôtre a tiré des épreuves qu'elle a vécues une forme de scepticisme. Les sociétés jeunes semblent plus inquiétantes à cet égard, en particulier la plus dynamique et la plus puissante d'entre elles : la société nord-américaine. Son amour du conformisme, ou plutôt de la mode débouchant sur un certain conformisme, m'inquiète terriblement.
Soyons donc très clairs sur les atteintes à l'intégrité scientifique, notamment le plagiat. Ce dernier est aujourd'hui détectable grâce à l'intelligence artificielle. Un chercheur allemand, qui était aussi homme politique, en a fait les frais voici une petite dizaine d'années. Mais il faut évoquer également la falsification des données, et les pressions extérieures sur les chercheurs, qu'elles soient explicites ou tacites, car la volonté de plaire ne s'observe pas que dans l'arène politique. Enfin, la désinvolture de certaines publications témoigne d'un manque de rigueur scientifique. Dans le rapport que nous adopterons, n'hésitons pas à user d'exemples concrets, et de cas révélateurs qui fassent réfléchir.
L'absence d'intégrité peut découler de l'intention délibérée d'obtenir un résultat, mais aussi d'une forme de désinvolture, d'un manque de mesure, d'un défaut de formation, ou d'une absence de recul du chercheur par rapport à son travail. Prenons le cas de l'autodidacte. Au stade de l'apprentissage, il est mû par une passion susceptible d'apporter quelque chose, mais lorsqu'il diffuse ses idées, il peut également être source d'erreur pour des gens qui n'y connaîtraient rien, et n'hésiteraient pas à le suivre.
Concernant les institutions, il faudrait s'intéresser à ce qui se passe ailleurs. Ce serait utile pour nous évaluer et nous situer, mais aussi pour relativiser, car, en tant qu'hommes politiques, nous devons être à la fois exigeants et prudents.
M. Cédric Villani, député,
premier vice-président de l'Office. - Nous vivons dans un
contexte très défavorable à l'intégrité
scientifique. Il résulte d'une tendance de fond très forte ces
dernières années, tendance qui s'est accentuée pendant la
période de la
Covid-19. Le sujet est donc très actuel.
Le problème de l'intégrité scientifique doit son acuité tant au développement de la communauté scientifique internationale et à la montée en puissance de la Chine, qu'aux pressions à la publication s'exerçant sur les chercheurs, ou encore aux classements variés qui fleurissent dans toutes les spécialités. Les enjeux sociétaux font également sentir leur poids sur la science. Voici quelques années, un ouvrage tel que la Souris truquée évoquait déjà la fraude scientifique, en montrant qu'elle ne constituait pas qu'un épiphénomène. Or, ce phénomène s'est ensuite accru dans des proportions considérables.
Toutefois, l'intégrité scientifique concerne non seulement la fraude proprement dite, mais aussi les connivences entre auteurs, rapporteurs et experts arbitres, ou referee. Comment savoir qui est indépendant dans ce contexte d'explosion des références ? Les chercheurs sont aussi exposés à une forme de harcèlement lorsqu'ils sont entraînés dans une course effrénée à la publication. Il faut se rappeler que la science a fondamentalement besoin de temps et de sérénité, pour s'épanouir au sein d'une discussion contradictoire, privilège que l'époque actuelle tend à lui ôter.
Trop tardives et encore timides, les institutions sont indispensables pour répondre à ce mal de notre époque. L'OFIS a un rôle important. Il doit être considérablement renforcé sur le plan de l'indépendance et des moyens. Son indépendance doit trouver une base dans les textes, qui doivent aussi bien définir sa gouvernance. Il faudrait donc prévoir une meilleure répartition des rôles s'agissant de la gestion des cas individuels, et des voies de recours.
Le fait que l'INSERM comptabilise entre quatre et cinq remontées d'information par semaine traduit probablement l'existence de centaines de cas similaires dans la communauté scientifique nationale, soit des milliers chaque année. Il est donc indispensable de disposer d'une structure irréprochable. Celle-ci doit aussi autoriser la flexibilité. À l'image des recommandations que l'Office a adoptées au sujet des cultes, l'État devra, en ce domaine aussi, ne définir que des règles générales. Chaque communauté scientifique pourra alors décliner ces principes généraux en son sein, et définir ses propres règles.
Il est important qu'il y ait des exemples et des cas frappants dans le rapport. J'en profite pour mettre sur la table un cas très prégnant en 2017, celui d'Anne Peyroche, directrice par intérim du CNRS, accusée de falsification. Le feuilleton médiatique n'est toujours pas fini. Le débat est plus complexe qu'il n'y paraît. Il s'agissait tout de même de la plus haute position scientifique en France. Or, les accusations formulées sont graves. Il paraît difficile d'avancer sereinement sur la question de l'intégrité scientifique si le dossier n'est pas clos.
Concernant le calendrier, il est important de veiller au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont l'examen est le prochain rendez-vous, car il serait impensable que la question de l'intégrité scientifique n'y soit pas traitée à la hauteur des enjeux, d'autant que les moyens nécessaires à l'OFIS seront minimes, par rapport aux moyens d'ensemble demandés par le Gouvernement.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - L'absence de crédibilité peut stériliser des efforts considérables. L'intégrité de nos chercheurs doit être reconnue sur le plan international.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Le sujet a une dimension fondamentalement internationale. Les rapporteurs, très actifs en sciences humaines et sociales, pensent-ils que l'Office est bien outillé pour traiter davantage ces sujets ?
M. Pierre Henriet, député, rapporteur. - Il ne s'agit que d'un rapport d'étape. Effectivement, l'international est l'un des enjeux fondamentaux pour la suite de nos travaux. Nous souhaitons poursuivre une analyse comparative, prenant en compte les critères de l'intégrité scientifique au sein de la communauté internationale. D'ailleurs, certains laboratoires sont même communs à plusieurs établissements, à la fois français et internationaux.
L'intégrité est la base première de la science. Cette notion, liée à celle de réfutabilité, s'affirme comme l'un de ses critères distinctifs. Elle participe à son essence même. Tout l'enjeu est que cette confrontation puisse se dérouler au bon endroit. L'actualité récente l'a montré, parfois a contrario. Cela engage l'éthique de la science, même si cela ne veut pas dire que la science ne doive pas s'ouvrir davantage.
Nous apporterons une attention toute particulière à étoffer le rapport d'exemples. Mais la plupart des affaires sont encore en cours d'instruction, ce qui nous interdit de les évoquer pour le moment.
Des écarts s'observent en effet entre disciplines. La notion d'éthique est d'ailleurs plus large que celle de l'intégrité à laquelle fait référence le code de la santé publique. Pour les manquements correspondants, les notions réglementaires et législatives font défaut.
Sur l'intégrité au plan international, je pense que la France peut servir de modèle, notamment aux sociétés nord-américaines. Il faut montrer que d'autres méthodes sont possibles. Le sérieux et l'exemplarité du chercheur français doivent être reconnus sur le plan international. Les exigences en matière d'intégrité scientifique seront sûrement bien plus importantes à l'avenir. Si on peut renforcer cette notion au sein de la communauté scientifique française, cela peut se révéler fondamental pour maximiser sa crédibilité.
Les différences entre disciplines scientifiques ont aussi beaucoup été abordées, notamment en ce qui concerne le domaine des sciences humaines et sociales. Les retours d'information adressés par les référents à l'intégrité scientifique montrent que cette notion y est délicate à mettre en oeuvre, car il n'est pas toujours possible de mener une analyse quantitative d'un sujet de sciences humaines et sociales
Il est certain que la loi de programmation pluriannuelle de la recherche offrira la possibilité d'inscrire dans les textes l'intégrité sous ses différentes formes
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - Concernant les cas, je partage complètement la démarche pédagogique que nous devons suivre vis-à-vis de nos collègues. Nous devons définir ce qu'est réellement la méconduite scientifique. Mais il y a très peu de cas rendus publics pour lesquels l'affaire est allée jusqu'à son terme. Or, c'est sur ces cas que nous pourrions bâtir un argumentaire.
Il y a toutefois le cas du biologiste Olivier Voinnet, médaille d'argent du CNRS, et médaille d'or de l'organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO). À son époque, il a été considéré comme l'un des spécialistes mondiaux de la biologie des ARN. À la suite de différents signalements, il a rétracté huit de ses articles, et corrigé une vingtaine.
Conscient des méconduites commises, il s'est livré à plusieurs reprises, lors de séminaires, sur le mécanisme qui l'a entraîné à commettre ces fautes. Après avoir fait une dépression sévère, en parler était, pour lui, la seule façon de se sortir de cette situation, sur le plan moral et personnel. Il a décrit une situation où il était grisé par le succès. Sa renommée lui a valu d'être utilisé par les institutions qui le finançaient, pour obtenir elles-mêmes des financements. Il s'est retrouvé à encadrer une quarantaine de doctorants, répartis dans trois instituts, en France, en Suisse et ailleurs. Dans cette situation, il ne faisait plus le métier de chercheur mais « vendait du Voinnet ».
Sans juger de sa sincérité, on peut rapporter son interprétation de la survenue de la fraude : cet élan collectif pourrait avoir incité les étudiants qu'il encadrait à arranger les résultats, pour qu'ils se conforment à la pensée de leur maître et de leur laboratoire, pensée qui était reconnue à l'échelle internationale. Aujourd'hui, il continue son travail de recherche dans un seul laboratoire, et encadre quatre ou cinq étudiants. Il estime qu'il fait maintenant un bon travail de recherche et qu'il vit mieux, tout en reconnaissant que sa précédente conduite est condamnable.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Remarquons que celui qui est considéré comme un bon explorateur est quelqu'un qui passe en réalité quinze jours en Amazonie et six mois à la salle Pleyel.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - C'est tout à fait ça.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - C'est le même problème avec les personnes qui ont écrit une thèse sur un sujet, et sont toujours considérées comme des spécialistes quarante ans plus tard, bien qu'elles n'aient fait que participer à des chroniques à la radio depuis.
Un problème qui devrait être traité dans la loi de programmation pluriannuelle de la recherche est celui du conflit d'intérêt. Il apparaît souvent que les personnes les plus qualifiées travaillent avec les entreprises qui ont besoin d'elles. Ces personnes perdent-elles pour autant leur intégrité ? C'est plausible, mais pas certain.
Il y a un problème avec la recherche de financements également, je le vois avec les universités de ma région. L'intégrité scientifique ne se résume pas qu'à l'intégrité intellectuelle. En tout cas, l'intégrité intellectuelle peut être biaisée par la préférence donnée à des intérêts à court terme, le besoin de trouver des financements pour son laboratoire. Ce lien avec l'économie réelle figurera-t-il dans votre rapport ?
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - Nous en avons parlé à plusieurs reprises à l'Office, notamment lors des travaux que nous avons menés sur le glyphosate. Je partage l'avis du président : ce n'est parce que quelqu'un travaille pour une entreprise que ses compétences doivent être remises en cause.
Il me semble qu'il faudrait créer les conditions pour que les scientifiques qui sont des fonctionnaires puissent être complètement indépendants, ce qui pourrait être réalisé par l'intermédiaire de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Cela nécessite de faire bénéficier les laboratoires de financements récurrents d'une part, et de financements sur appel à projet d'autre part, de façon à garantir l'indépendance du chercheur et l'absence de conflit d'intérêt sur un sujet pour lequel il pourra être invité dans les médias.
La structuration économique et sociale de la recherche, notamment sur l'exemple des sciences dures, conduit à un excès de formalisme dans l'évaluation des chercheurs, étendu à tous les champs de connaissance. Je ne suis pas opposé aux traditions, notamment en matière disciplinaire, car elles sont formatrices. En revanche, la normalisation conduit à un formatage aberrant dans le champ des sciences humaines et sociales. Par exemple, les chercheurs sont évalués sur la base des articles qu'ils publient, alors que dans ce domaine c'est l'ouvrage qui fait référence. L'ouvrage représente cinq à six années de travail. Il ne sera certes pas lu par un grand nombre, mais c'est une production qui reste dans le temps. Pourtant, il n'existe pas dans les normes quantitatives de l'évaluation scientifique. Le poids scientifique associé à l'article se mesure en nombre de références, ce qui est impossible à connaître pour l'ouvrage.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Évaluer Thomas Piketty sans prendre en compte ses ouvrages, c'est passer à côté de l'essentiel.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - Permettez-moi de vous livrer un autre exemple. À ma demande, le secrétaire général du Sénat a recensé le nombre de chercheurs du CNRS ayant été auditionnés par toutes les commissions du Sénat confondues ; ce chiffre s'est monté à quatre-vingts pour l'année 2018. Il s'agit donc de quatre-vingts experts venus partager leur savoir sur des questions très précises. Or, le CNRS est incapable de donner ce chiffre, car ce n'est pas un critère figurant dans la fiche d'évaluation du chercheur.
Il est absolument nécessaire que l'évaluation des chercheurs soit qualitative, qu'elle reflète le travail produit, et non seulement quantitative, basée sur les données issues des publications dans les revues. Cela fera partie de notre mission.
Par ailleurs, il existe un réel problème associé aux revues internationales. Leur rentabilité est tout à fait exceptionnelle, entre 10 et 15 %, alors qu'il s'agit d'une captation de l'argent public.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Il s'agit des grands éditeurs comme Elsevier, Springer, etc., avec lesquels les instituts mènent des négociations très conflictuelles au sujet des abonnements.
M. Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur. - En effet, les coûts associés aux revues sont faramineux : pour le CNRS, environ trente millions d'euros par an. Les chercheurs doivent, de surcroît, payer pour pouvoir être publiés. Le contribuable français, finalement, paye l'article plusieurs fois.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Il y a de célèbres problèmes d'intégrité scientifique, parfois subtils, notamment en matière de paléontologie. La fameuse falsification de l'homme de Piltdown consistait en la création d'un chaînon manquant dans l'histoire humaine, complètement imaginaire. Nous avons eu, ces dernières années, des affaires médiatisées qui ont fait couler énormément d'encre, car plus subtiles qu'il n'y paraît.
La première est l'affaire Benveniste, ou de la mémoire de l'eau, très complexe, dans laquelle je me suis plongé. J'y ai trouvé tous les ingrédients qui mènent à des problèmes d'intégrité scientifique : la compétition entre pays, le rôle des statistiques toujours difficiles à interpréter, la médiatisation, les rapports entre politiques et sciences, les questions de financement, de conflit d'intérêt, en somme tous les aspects. Benveniste y a d'ailleurs laissé sa vie. Il est décédé, rongé par l'ampleur de l'affaire qui l'avait complètement dépassé.
La seconde est l'affaire Séralini, du nom du biologiste qui a voulu apporter la preuve de la cancérogénicité des organismes génétiquement modifiés (OGM). Là aussi la question des statistiques était prégnante, et il s'agissait d'un sujet d'actualité. Plus récemment, dans le cadre de la pandémie, le professeur Montagnier, pourtant Prix Nobel de médecine, est aussi intervenu dans le débat public de manière extrêmement déstabilisante. Cela rappelle que l'autorité scientifique n'est jamais une chose acquise : Luc Montagnier et Didier Raoult sont ou ont été tous deux d'éminents scientifiques.
Un autre cas est l'affaire de falsification de l'Institut RIKEN au Japon, qui s'est terminée par le suicide du chercheur, bien que les manquements auraient été dus à des personnes de son équipe, et que lui-même était potentiellement nobélisable. Cela rappelle l'importance de la pression comme facteur déterminant des manquements à l'intégrité.
Un cas plus anecdotique est celui de la révélation à la presse des conclusions du rapport sur les agences par notre collègue Pierre Médevielle, qui en était co-rapporteur. La cancérogénicité du glyphosate avait été comparée à celle de la charcuterie. Ce cas interroge sur la façon dont on doit définir le conflit d'intérêt. En réalité, y a-t-il jamais absence réelle de conflit d'intérêt ? Être sénateur dans un département rural peut influencer son opinion.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - L'homme politique est dans un environnement. Il doit être prudent, car il ne connaît pas sa dépendance à celui-ci.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Nous avons tous des liens d'intérêt, et il serait contreproductif d'essayer d'en faire toute la liste. Il faut un haut niveau d'exigence, et s'efforcer d'atteindre cette indépendance.
Je vous rappelle qu'il existe un grand point de tensions entre le monde de la défense et le monde scientifique, au sujet duquel nous avons mené des auditions, sur la question des zones à régime restrictif (ZRR), pour lesquelles il y a une tentative de contrôle par l'État, mal perçue des scientifiques.
Je souhaite rendre hommage aux journalistes qui se sont emparés du sujet de l'intégrité scientifique avec beaucoup d'exigence, comme Hervé Morin, David Larousserie, Sylvestre Huet, ou encore Michel de Pracontal. Dans le monde politique, le sénateur Huriet a été précurseur. Il a été à l'origine des premières avancées de la loi à ce sujet.
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Nous sommes tout à fait confiants dans la capacité de votre équipe à faire un travail important pour l'Office et pour le Parlement. La France doit rester un pays de raison.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Le pays de Descartes doit rester le pays de Descartes !
M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - La France demeure en meilleure position que les États-Unis, pays qui s'est formé à partir de générations de mystiques.
M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - L'affaire Benveniste vient d'ailleurs d'une rivalité franco-britannique. D'ailleurs, Isaac Newton est lui-même suspecté de fraude dans sa vérification de la loi de la gravité universelle. Je salue chaleureusement le dévouement des rapporteurs.
La réunion est close à 11 h 05.