Mardi 2 juin 2020
- Présidence de M. Alain Fouché, président d'âge -
La téléconférence est ouverte à 15 h 5.
Réunion constitutive
M. Alain Fouché, président. - Il me revient, en ma qualité de président d'âge, d'ouvrir la première réunion de la mission d'information sur le fonctionnement et l'organisation des fédérations sportives.
Nous sommes réunis aujourd'hui afin de constituer le bureau de cette mission d'information, créée à l'initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires en application de son droit de tirage. La liste de ses vingt et un membres a été approuvée par le Sénat lors de sa séance du mercredi 4 mars 2020.
Notre ordre du jour appelle en premier lieu l'élection du président de la mission. Comme il est d'usage, lorsqu'une mission d'information est créée à l'initiative d'un groupe, celui-ci en désigne le rapporteur ; tandis que le président est issu d'un groupe d'opposition, lorsque le rapporteur est dans la majorité.
Un accord entre les groupes politiques a permis de pressentir notre collègue Jean-Jacques Lozach, dont nous connaissons tous l'expertise remarquable sur les questions relatives au sport, pour assurer la présidence de notre mission.
Si la désignation des instances d'une mission d'information est possible par vidéoconférence, elle est toutefois conditionnée à l'existence d'un consensus, puisqu'il n'est pas possible de voter en dehors du Palais du Luxembourg selon nos procédures habituelles.
L'un d'entre vous s'oppose-t-il à la désignation de notre collègue Jean-Jacques Lozach comme président de notre mission ?...
La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Jean-Jacques Lozach.
- Présidence de M. Jean-Jacques Lozach, président -
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Je vous remercie de votre confiance et suis heureux que nous entamions ce travail collectif. Cette mission d'information a été créée à l'initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires avant la crise sanitaire. Le début de nos travaux a été reporté en raison de cette crise, mais ils devront s'achever au plus tard à la fin du mois de septembre 2020. Le secteur du sport, tant amateur que professionnel, ayant été l'un des plus touchés par le confinement, nous n'aurions pas pu conduire nos travaux plus tôt, faute d'interlocuteurs disponibles. Avec le déconfinement, la situation s'est suffisamment améliorée pour que nous puissions envisager de commencer nos auditions.
Je vous propose de désigner notre rapporteur qui, dans le cadre du droit de tirage, est issu du groupe qui en a fait usage. Cette désignation doit également avoir lieu par consensus.
L'un d'entre vous a-t-il une objection à ce que notre collègue Alain Fouché soit désigné rapporteur de notre mission ?...
La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, M. Alain Fouché.
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Compte tenu des effectifs de notre mission, il nous revient maintenant de désigner sept vice-présidents en respectant la représentation proportionnelle des groupes politiques. Ces derniers m'ont adressé les noms de leurs candidats : M. Stéphane Piednoir, Mme Christine Lavarde, M. Gilbert-Luc Devinaz, Mmes Annick Billon, Mireille Jouve, Céline Brulin et M. Didier Rambaud.
Y a-t-il une opposition ?...
La mission d'information procède à la désignation de ses vice-présidents, M. Stéphane Piednoir, Mme Christine Lavarde, M. Gilbert-Luc Devinaz, Mmes Annick Billon, Mireille Jouve, Céline Brulin et M. Didier Rambaud.
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Compte tenu des élections sénatoriales prévues fin septembre, il nous a semblé plus prudent de prévoir la remise de notre rapport à la fin du mois de juillet. Nous allons donc concentrer nos auditions sur le mois de juin.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Je vous remercie à mon tour de votre confiance. Je souhaite tout d'abord souligner la bonne entente qui existe entre le rapporteur et le président ; je n'hésiterai pas à m'appuyer sur sa grande connaissance du sujet pour définir l'orientation de nos travaux.
La très grave crise sanitaire que nous connaissons se double d'une crise financière pour les fédérations, les ligues et les clubs. Ces circonstances exceptionnelles ont mis en évidence les faiblesses de la gouvernance de certaines structures : c'est ainsi que chacun a pu constater l'impuissance de la ligue de football professionnel à l'occasion de cette crise.
Ces problèmes d'organisation ne sont pas nouveaux. Ils ont fait l'objet de nombreux travaux, tant dans les assemblées, qu'au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ils résultent d'une crise de croissance liée à la professionnalisation et à la financiarisation du sport. Plus le sport devient un spectacle, plus les investissements et les charges augmentent et demandent des compétences et de l'efficacité. Pour autant, le sport amateur ne doit pas être négligé, car il est essentiel sur nos territoires et chacun connaît le rôle des bénévoles sans lesquels des dizaines de milliers de clubs ne pourraient exister.
Il faut donc faire évoluer la gouvernance pour concilier sport amateur et professionnel, sport féminin et masculin, sport valide et non valide... Des évolutions ont déjà eu lieu grâce aux différents acteurs du monde du sport, maintenant associés au sein de l'Agence nationale du sport. C'est maintenant le monde sportif lui-même qui doit évoluer.
Le ministère des sports prépare actuellement un projet de loi sur le sport, qui pourrait comprendre un titre dédié à la réforme du modèle sportif français. Certaines dispositions envisagées reprennent d'ailleurs des propositions sénatoriales, comme la possibilité pour une fédération de créer plusieurs ligues professionnelles. D'autres propositions sont particulièrement innovantes puisque la loi pourrait permettre aux fédérations sportives et aux clubs sportifs de se constituer sous la forme de sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC). Ce projet de loi, qui était initialement attendu au Parlement en 2020, risque de prendre du retard, ce qui nous permet de poursuivre la réflexion.
Plusieurs sujets méritent d'être creusés. Je pense notamment à la démocratisation du fonctionnement des fédérations et au renouvellement de leurs présidents. Je pense également aux liens indispensables entre le monde professionnel et le monde amateur. Je pense aussi au développement du sport féminin et à la féminisation des instances dirigeantes.
Je vous propose de commencer dès demain nos travaux sous la forme d'auditions du rapporteur, en vidéoconférence, ouvertes à l'ensemble des membres de la mission.
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Je tiens à saluer la présence, au sein de notre mission d'information, de plusieurs de nos collègues qui sont d'éminents spécialistes de la question sportive au sein de la commission de la culture, de la communication et de l'éducation. Je salue aussi nos collègues issus d'autres commissions : il sera intéressant de croiser nos analyses.
Mme Annick Billon. - Permettez-moi de féliciter notre président et notre rapporteur pour leur élection respective. Notre travail sera rapide et condensé. Je vous remercie de m'avoir désignée comme vice-présidente. En effet, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, que je préside, a mené de nombreux travaux sur la place des femmes dans le sport. Certaines fédérations ont mis en place des plans qui ont rapidement porté leurs fruits et l'on constate que la place des femmes s'améliore lorsque des contraintes sont levées, mais aussi lorsque des bonnes pratiques sont mises en oeuvre.
M. Alain Fouché, rapporteur. - La délégation que vous présidez a en effet mené un travail très approfondi sur ces questions.
Mme Françoise Cartron. - La question des liens entre sport amateur et monde de l'éducation me semble importante. Actuellement, dans le cadre de la reprise de l'école, lorsque les écoles ne sont pas en mesure d'intégrer les élèves dans le format classe, les communes organisent, sur la préconisation du ministre, des ateliers sportifs, mais non sans difficultés.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Aborder cette question me semble une excellente idée.
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Nous évoquerons sans doute le dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C) auquel vous faites référence.
Permettez-moi de préciser quelques éléments du contexte dans lequel s'ouvrent nos travaux. Il s'agit tout d'abord de la crise sanitaire et de ses conséquences : quel sera le monde du sport d'après ? La crise sanitaire a imposé un plan d'urgence, notamment en faveur du sport amateur et des associations sportives qui reposent sur le bénévolat et les cotisations de leurs adhérents. Mais il y aura aussi un plan de relance, et il nous appartiendra de porter certaines propositions, de moyen et long termes, dans ce cadre.
Nous devrons aussi examiner les relations entre l'État - le ministère des sports - et les fédérations sportives. Rappelez-vous : il y a quelques semaines, la ministre des sports obligeait un président de fédération à démissionner ; il s'agissait en l'occurrence de Didier Gailhaguet, président de la fédération française des sports de glace, au sujet des violences sexuelles dans le patinage artistique. Les relations entre le mouvement sportif et l'État ne sont donc pas toujours très roses...
Le contexte de nos travaux est également marqué par la préparation du projet de loi sur le sport, dont l'examen serait repoussé à 2020, voire à 2021 s'agissant du Sénat. Deux de ses trois axes concernent en partie la gouvernance des fédérations.
Nous devrons également tenir compte du contexte actuel de crispation entre fédérations délégataires et fédérations affinitaires multisports, mais aussi entre fédérations sportives et ligues professionnelles, particulièrement dans le football et le rugby.
Les élections fédérales, qui sont calées sur le rythme des olympiades, ont été repoussées à avril 2021 en raison du report des jeux Olympiques de Tokyo. Quant au mandat du président du CNOSF, il sera remis en jeu en juin 2021.
Certaines fédérations se portent bien, même si elles sont fragilisées par la crise sanitaire, mais d'autres sont financièrement très fragiles. Certaines sont tributaires des droits de retransmission télévisée, d'autres dépendent des cotisations de leurs licenciés. À titre d'exemple, la fédération française de lutte est actuellement dans une situation financière périlleuse, à la suite de l'organisation des championnats du monde à Paris, qui fut un fiasco financier.
L'Agence nationale du sport a vocation à rassembler l'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique. Sa déclinaison territoriale est malheureusement à l'arrêt, faute de publication des décrets de la loi du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Enfin, la préparation des jeux Olympiques de 2024 impactera les orientations de notre politique sportive. Les masses budgétaires concernées doivent-elles être sanctuarisées ou tout doit-il être remis sur la table afin de financer les orientations de la politique sportive de demain ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - On sent effectivement des crispations dans les relations entre fédérations affinitaires et fédérations délégataires. Il faut se pencher sur ces problèmes. Dans ma commune, je constate que le sport féminin se développe bien, mais l'implication des femmes dans la gestion des associations se fait plus lentement.
M. Stéphane Piednoir. - Je félicite notre président et notre rapporteur, mais aussi plus globalement notre bureau, qui est remarquablement paritaire.
M. Didier Rambaud. - Je rejoins les propos de notre collègue Gilbert-Luc Devinaz : nous aurons effectivement besoin de faire un zoom particulier sur les fédérations affinitaires.
Mme Christine Lavarde. - J'aimerais évoquer la question de la représentation des adhérents au sein des organes dirigeants des fédérations. Les modes de scrutin varient selon chaque fédération, mais, dans certains cas, les membres dirigeants des fédérations sont totalement déconnectés du terrain et ne sont absolument pas représentatifs ; il arrive qu'ils ne soient même pas élus au sein de leur propre club ! Or chaque fédération a ses règles propres : ne pourrait-on pas mener un travail de recension ?
M. Alain Fouché, rapporteur. - Je suis tout à fait d'accord : bien souvent, la base ne participe que très peu à l'élection nationale. Nous avons bien prévu d'examiner cette question dans le cadre de notre mission.
Mme Laurence Harribey. - Je suis convaincue que, dans le monde de demain, les collectivités territoriales seront amenées à jouer un plus grand rôle en matière sportive, tout particulièrement à l'égard du monde sportif amateur, dont les infrastructures sont déjà souvent financées par les collectivités. En Nouvelle-Aquitaine, j'observe que les fédérations se structurent pour devenir les interlocuteurs de la Région : qu'en sera-t-il dans le cadre du prochain projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, dit projet de loi 3D ?
En ce qui concerne la gouvernance des ligues professionnelles, les réponses juridiques apportées par les clubs dans le cadre de la crise sanitaire ont semblé parfois limites, que ce soit sur le statut des joueurs, le chômage partiel, les contrats ou la formation professionnelle.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Il est vrai que les petits clubs sont essentiellement financés par les communes et les départements. En Nouvelle-Aquitaine, l'ancienne Région finançait ces petits clubs, ce que ne fait plus la nouvelle Région qui concentre ses financements sur les plus grosses structures. Or ces petits clubs et ces petites associations sportives connaissent des difficultés.
M. Michel Savin. - Permettez-moi de féliciter tous ceux qui vont piloter cette très intéressante mission d'information. Le nombre de licenciés baisse ; l'activité physique et sportive s'exerce de plus en plus en dehors du cadre fédéral. Comment les fédérations s'adaptent-elles à cette évolution de la demande ? Sont-elles prêtes à faire évoluer la pratique de leur activité sportive pour prendre en compte le développement du sport « à la carte » ?
M. Jean-Jacques Lozach, président. - Nous interpellerons les présidents de fédération sur cette question. Il est vrai qu'aujourd'hui la pratique d'une activité physique et sportive régulière se fait, pour plus de la moitié des pratiquants, en dehors des structures fédérales. Nous assistons à ce que l'on pourrait appeler une « ubérisation » du sport.
Les modes de scrutin sont extrêmement différents d'une fédération à l'autre. Permettez-moi de rappeler que, dans son programme en tant que candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron avait annoncé l'élection systématique des présidents de fédération par les clubs. La faible représentativité du collège électoral pose problème aujourd'hui.
Nous constatons l'assouplissement des codes et des conventions collectives : le sport n'échappe pas à ce mouvement.
Nous entendrons trois fédérations affinitaires multisports dès cette semaine.
Nous ferons des propositions pour aller vers plus de démocratie interne, d'ouverture vers l'extérieur, de transparence, d'éthique et de déontologie dans le sport. Nos propositions pourront être d'ordre législatif, réglementaire ou relever des règlements intérieurs des fédérations. Enfin, nos travaux auront une dimension européenne, grâce au think tank Sport et Citoyenneté.
La téléconférence est close à 15 h 50.