Mercredi 13 mai 2020
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La téléconférence est ouverte à 16 h 35.
Conséquences de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 sur les politiques publiques en matière de jeunesse et de vie associative - Audition de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse (en téléconférence)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur le Ministre, nous vous remercions de votre disponibilité. Nous avons auditionné le Ministre de l'éducation nationale, il y a quelques jours pour évoquer le sujet de l'école, de la jeunesse et du périscolaire. Ces sujets sont très importants pour notre commission. Aussi, nous nous réjouissons de pouvoir conclure notre cycle d'auditions des membres du gouvernement relatif à ces sujets avec vous.
Le secteur associatif est un acteur essentiel de la solidarité et du vivre-ensemble. On dénombre en France quelque 1,5 million d'associations, mobilisant entre 16 et 20 millions de bénévoles. Signe de cette vitalité associative, le nombre d'associations augmente chaque année de 2,4 %.
Les associations participent pleinement à l'animation de nos territoires et au développement du lien social. Face à la crise que nous traversons, les associations et les bénévoles ont su se mobiliser, parfois au-delà de leurs activités traditionnelles, renforçant la résilience des territoires et ont su créer une vraie créativité. Un exemple parmi tant d'autres : des associations sportives, privées d'entraînement ou de compétition, ont mis en place un système de livraison de courses pour des personnes fragiles.
Le secteur associatif est également un acteur économique : près d'un salarié du secteur privé sur dix est employé par une association. Or ce secteur a été très durement frappé par la crise. On estime à 1,4 milliard d'euros les pertes de recettes d'activités pour le mois de mars dernier. Près de 70 % des associations ont fait une demande de recours au chômage partiel ; 30 % des associations employeuses avaient, à cette même période, moins de trois mois de trésorerie devant elles.
Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures gouvernementales prises pour aider les associations ? On nous a signalé des difficultés pour accéder au fonds de solidarité, car Bercy demande l'identifiant fiscal - or les associations non lucratives n'en possèdent pas.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé vouloir dynamiser les colonies de vacances. Ce secteur a été fortement frappé par la crise, avec l'annulation des classes vertes et le confinement pendant les vacances de printemps. Les vacances d'été approchent. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? De nombreuses incertitudes demeurent.
Enfin, le futur projet de loi contenant des mesures d'urgence comporte une demande d'habilitation relative à la réserve civique. Dans son avis sur le texte, le Conseil d'État a souligné que le Gouvernement ne donnait aucune justification à l'extension de cette réserve. Avant d'habiliter le Gouvernement, le législateur a besoin de connaître les raisons de cette demande.
À l'issue de votre intervention liminaire, je donnerai la parole à Jacques-Bernard Magner, notre rapporteur pour avis des crédits « jeunesse et vie associative », qui anime par ailleurs un groupe de travail sur la jeunesse et la relance de l'activité du secteur associatif.
Je précise que des journalistes suivent en direct cette audition, qui sera par ailleurs mise en ligne par Public Sénat.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - J'ai pu mesurer tout au long de cette crise à quel point il était précieux d'avoir les retours de terrain des élus et des parlementaires pour identifier les difficultés et les lever. Dans le contexte inédit que traverse notre pays, la mobilisation de tous est essentielle.
La vie associative est un secteur central par le lien social qu'elle permet, mais aussi pour des raisons économiques : 10 % du PIB et 1,5 million d'emplois qui sont, par principe, non-délocalisables. Comme les entreprises et l'ensemble des structures de droit privé, les associations ont été touchées par la crise du coronavirus. L'essentiel de leurs activités ont dû être suspendues du fait du confinement. Un certain nombre d'associations, celles de l'aide alimentaire et de la solidarité d'urgence, ont poursuivi leur activité, qui était vitale dans ce contexte.
Après l'annonce du confinement, ma première préoccupation a été de réunir les réseaux associatifs et d'identifier avec eux les difficultés. La première était d'ordre économique : qui dit confinement et suspension des activités dit perte de recettes et de cotisations. Cela pose aussi la question des subventions et du maintien des salariés.
J'ai très rapidement annoncé que tous les dispositifs de droit commun mis en place pour les entreprises seraient accessibles aux associations : chômage partiel, prêts garantis par l'État - qui permet de répondre aux difficultés de trésorerie que vous avez évoquées, Madame la Présidente dans votre propos liminaires, fonds de solidarité, report de charges et de loyers...
La question des subventions a été immédiatement posée, car nombre d'entre elles sont conditionnées à la tenue d'événements, qui n'ont pas pu se tenir. Les pouvoirs publics ont émis le souhait d'honorer les subventions. J'ai défendu et obtenu très tôt que les subventions de l'État qui avaient été décidées soient versées aux associations indépendamment de la tenue des projets qui y étaient liés. Je pense à Solidarité Sida, qui organise chaque année le festival Solidays. Elle recevra bien cette année de la part de l'État la subvention prévue, même si elle ne peut pas organiser son festival. Il en est de même pour de plus petites associations, notamment des associations environnementales qui organisent chaque printemps le décompte des espèces et reçoivent pour cela des subventions de l'Ademe. Elles n'ont pas pu réaliser ces activités cette année, mais les subventions sont maintenues.
Les associations s'interrogent également sur le maintien des subventions des collectivités locales. Au vue des échanges que j'ai eus avec les associations d'élus, il me semble que celles-ci ont émis le souhait de maintenir également les subventions des collectivités locales, ce que je ne peux que partager. Je profite de cette audition pour encourager les collectivités territoriales à maintenir les subventions prévues quand bien même les évènements ne peuvent pas se tenir.
La deuxième difficulté, pour les associations qui ont maintenu leur activité pendant le confinement, tient à l'âge moyen des bénévoles, souvent retraités. De nombreuses associations ont demandé à leurs bénévoles les plus âgés de rester chez eux pour ne pas s'exposer au virus : de ce fait, certains points de distribution n'ont pu ouvrir dans un premier temps. A titre d'exemple, les personnes de plus de 70 ans représentent un tiers des bénévoles des Restos du coeur. Cette situation m'a amené, en cohérence avec l'appel à la solidarité lancé par le Président de la République, à lancer la réserve civique, qui vise à mobiliser des Français qui en ont le temps, l'envie et la motivation autour de missions vitales pour le pays.
La réserve civique a connu un grand succès : plus de 300 000 Français se sont inscrits - plus que le nombre de missions disponibles. Un peu plus de 100 000 personnes ont été mobilisées dans une mission de la réserve civique, sur le terrain ou à distance.
L'article du projet de loi relatif à la réserve civique prévoit d'élargir l'éligibilité à l'ensemble des personnes morales qui exercent des missions de service public, notamment les sociétés anonymes à capitaux publics, le temps de l'urgence sanitaire ; c'est un dispositif cadré et borné dans le temps. Le problème s'est posé au moment du versement des minima sociaux, alors que La Poste connaissait des difficultés de fonctionnement : nous avons alors envisagé de mobiliser des volontaires de la réserve civique pour rappeler les consignes sanitaires de distanciation sociale et aider à la régulation dans les bureaux de poste. Or le droit ne le permettait pas. De même, il est impossible de mobiliser des volontaires pour participer à la distribution de masques dans les transports aux premiers jours du déconfinement. Avec cet article, l'État pourra dorénavant, en cas de reconfinement ou de nouvelle crise, mobiliser des volontaires pour venir en aide à des structures qui exercent des missions de service public, le temps de l'urgence sanitaire, même si celles-ci n'ont pas la nature juridique d'établissement public.
Deuxièmement, le confinement a eu un impact sur un certain nombre de jeunes, notamment en termes de précarité. Je pense aux étudiants ultramarins en métropole qui n'ont pu rentrer chez eux et pour qui la crise a représenté des coûts supplémentaires. Je pense aussi aux étudiants précaires, qui ont perdu leur job ou leur stage leur assurant un revenu, et n'ont plus eu accès au restaurant universitaire : ils se sont retrouvés avec moins de revenus et plus de frais. Je pense enfin à des jeunes précaires non étudiants. Tous ont besoin d'une aide financière pour passer ce moment difficile. Le Premier ministre a donc annoncé, devant le Sénat, le versement d'une aide d'urgence de 200 euros à 800 000 jeunes précaires de 18 à 25 ans, au début du mois de juin pour les étudiants et le 15 juin pour les autres. Sont concernés les jeunes touchant les APL. La plateforme permettant de solliciter cette aide exceptionnelle a été ouverte pour les étudiants sur le site www.étudiant.gouv.fr.
Le confinement a eu un impact sur les structures d'éducation populaire qui assurent le périscolaire, dont un certain nombre sont des associations. J'ai annoncé un certain nombre de mesures pour leur permettre de survivre à la crise. Les structures associatives d'accueil de loisirs sont financées en fonction du nombre d'enfants accueillis et du nombre de jours d'accueil. Or elles ont eu des coûts fixes à assumer pendant les semaines de fermeture... C'est pourquoi les caisses d'allocations familiales verseront à ces associations le même montant en 2020 qu'en 2019, quand bien même elles ont accueilli moins d'enfants, pour assurer la pérennité de leur financement.
Des mesures ont été prises pour soutenir les associations organisant des colonies de vacances, des classes de découvertes ou des voyages scolaires. Pour les colonies de vacances, nous leur avons donné la possibilité de proposer un avoir aux familles. Pour ce qui est des voyages scolaires, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse a pris la perte à sa charge, puisqu'il a remboursé les familles qui s'étaient acquittées du coût d'un voyage scolaire n'ayant pu avoir lieu. Il s'agit bien évidemment de protéger les associations.
Pour cet été, la préoccupation sanitaire reste importante. Des annonces sont prévues le 2 juin prochain, deuxième étape du déconfinement, sur la question des vacances. Sans attendre cette date, Jean-Michel Blanquer et moi-même travaillons à ce que sera cet « été apprenant et culturel », comme l'a appelé le Président de la République, afin de permettre, avec les associations et les collectivités locales, à tous les enfants, notamment à ceux qui ont vécu un confinement difficile, de s'évader, de rencontrer d'autres enfants, de s'épanouir, mais également de rattraper un certain nombre d'apprentissages.
Chaque semaine, les acteurs sont réunis au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse pour travailler à une fusée à trois étages. Le premier étage, c'est un renforcement du dispositif « école ouverte », qui existe depuis plusieurs années. Ce dispositif permet d'accueillir des enfants dans les locaux de l'école le matin et d'organiser des activités en partenariat avec les accueils de loisirs l'après-midi ; le deuxième étage, c'est l'organisation de micro-séjours d'excursion proches du lieu de résidence, avec des activités de découvertes patrimoniales ou culturelles ou de type scoutisme dans un environnement champêtre ; le troisième, ce sont les colonies de vacances qu'il faut soutenir et développer massivement cet été si une plus grande mobilité et le regroupement d'enfants sont possibles. Certes, nous n'aurons les réponses à ces deux impératifs que début juin, mais nous travaillons d'ors et déjà à des pistes d'actions et à des annonces.
Troisièmement, l'engagement civique a lui aussi été touché par la crise. Au moment du confinement, 58 000 jeunes étaient en mission de service civique ; 20 000 d'entre eux ont pu poursuivre leur mission, car ils l'exerçaient dans des structures qui ont poursuivi leurs activités. Je pense aux associations de solidarité alimentaire. Les autres, notamment ceux qui étaient rattachés à des établissements scolaires ou à des associations qui ont suspendu leur activité, ont vu leur mission s'interrompre. Nous avons voulu permettre à ces jeunes de s'engager différemment pendant la crise. Ainsi, 50 000 jeunes du service civique ont rejoint la réserve civique, y compris des jeunes qui poursuivaient leur mission en service civique, pour pouvoir s'engager encore davantage.
La crise du coronavirus a également affecté le service national universel (SNU), qui avait amorcé cette année la deuxième phase de sa montée en puissance, après un premier accueil de 2 000 jeunes l'année dernière. Ce service national universel a une dimension particulièrement importante car il doit permettre à tous les jeunes de découvrir l'étendue des possibles pour être utiles à leurs pays et aux autres. En cette période où nous avons plus que jamais besoin de l'engagement des Français, et en particulier de celui des jeunes, il faut que le SNU puisse continuer à remplir son rôle. Nous l'avons adapté. Ainsi, le séjour de cohésion, impliquant une mobilité des jeunes et un regroupement dans des centres, qui devait avoir lieu fin juin, est reporté à l'automne, et la mission d'intérêt général, qui devait quant à elle se tenir à l'automne, aura lieu avant l'été, dans des associations et structures publiques particulièrement mobilisées dans la crise du coronavirus et du déconfinement. Le séjour de cohésion se tiendra quand les conditions sanitaires le permettront, mais nous nous fixons comme objectif de l'organiser aux vacances de la Toussaint.
Je précise que les 2 000 jeunes qui avaient accompli leur SNU l'année dernière se sont immédiatement mobilisés face à cette crise, avant même que nous ne les sollicitions. Preuve que cette expérience leur a permis de mesurer ce qu'ils pouvaient apporter à la Nation ! Un kit réalisé avec l'association Voisins solidaires leur a été adressé pour leur permettre de venir en aide aux personnes âgées ou en situation de handicap près de chez eux.
Cette crise est très dure pour le pays. Mais elle a aussi vu l'émergence d'un élan de solidarité, d'une entraide du quotidien, de voisinage, et a montré la capacité de résilience des bénévoles et des associations. Autant d'aspects réjouissants et positifs révélés par ce moment très difficile. Je ne doute pas que cela survivra au coronavirus et que cet esprit soufflera longtemps sur notre pays.
M. Jacques-Bernard Magner. - Avant tout, je souhaite saluer la mobilisation de l'ensemble des bénévoles, des jeunes en service civique et des associations qui se sont investis pour faire face à la crise sanitaire et sociale que nous traversons. Par leurs actions et leur dévouement, ils ont contribué au maintien, voire au renforcement du lien social. Surtout, ils ont soutenu et soulagé la « première ligne » impliquée dans la lutte contre la Covid-19. Aussi, je regrette que cette mobilisation reste encore invisible aux yeux des pouvoirs publics : ni le Président de la République ni le Premier ministre n'ont salué ni même évoqué le rôle des bénévoles. Or il me paraît essentiel de renforcer la reconnaissance de la Nation envers l'engagement citoyen.
Ma première question porte sur les mesures de soutien à l'économie pour les associations. Lors de nos auditions, un certain nombre de difficultés ont été évoquées. Les associations non-employeuses ont malgré tout des charges, par exemple des locaux, or elles n'ont accès ni aux prêts garantis par l'État, ni au fonds de solidarité, donc au report des charges. Quelles solutions peuvent leur être apportées ?
Vous connaissez mon attachement au service civique qui a maintenant dix ans. Au moment où les missions reprennent progressivement et où les besoins des structures augmentent, de nombreux jeunes vont arriver au terme de leur contrat de service civique. Plusieurs acteurs majeurs, dont l'Agence du service civique, plaident pour une prolongation de quelques mois des missions. Vous avez évoqué celles qui ont été prolongées ou transformées. Pour autant, on pourrait envisager que ces missions, qui durent en moyenne six à sept mois, puissent être prolongées jusqu'à la fin de l'été, car les besoins sont nombreux. Cela permettrait aux structures concernées de disposer de jeunes déjà formés, intégrés et opérationnels. Que pensez-vous de cette proposition, que vous avez notamment évoquée devant l'Assemblée nationale ?
De nombreux jeunes en service civique ont été redéployés sur des missions urgentes, non sans lourdeur administrative ni incertitude juridique. Pourrait-on prévoir d'intégrer dans les prochains contrats de service civique la possibilité de transférer ces jeunes, avec leur accord, sur une mission urgente en cas de besoin, et avec une couverture par l'État en cas de problème ? Le projet de loi à venir contient une demande d'habilitation ; il serait utile de développer la réserve civique, qui a montré son efficacité au cours de cette crise, même si le nombre de missions proposée était inférieur au nombre de volontaires.
On nous parle beaucoup des colonies de vacances « apprenantes ». Cela suscite de nombreuses interrogations chez les organismes concernés. À moins de deux mois des vacances d'été, il devient urgent de définir leur rôle : s'agit-il d'un soutien scolaire ? L'acquisition de connaissances relève des enseignants. Dans ces conditions, quel rôle pour l'éducation nationale dans ces colonies de vacances ? Si l'on apprend toujours beaucoup lors des colonies de vacances, elles ne sauraient être des lieux de soutien scolaire ou d'apprentissages scolaires par des non-professionnels de l'éducation.
Enfin, vous voulez maintenir dès cette année l'extension du SNU à l'ensemble des départements pour 30 000 jeunes. Il me paraît plus judicieux de la reporter à 2021, en consacrant au service civique les 30 millions d'euros de crédits budgétaires qui étaient affectés à cette fin.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Comment le Gouvernement a-t-il soutenu les associations non-employeuses, qui n'ont par exemple pas bénéficié du chômage partiel ? Premièrement, par le report de charge, ouvert à toutes les associations. Deuxièmement, par le maintien des subventions, quand bien même les associations ne peuvent réaliser les activités prévues. Troisièmement, ces structures ont accès aux prêts garantis par l'État si elles ont une activité économique, même sans avoir de salariés.
Enfin, il existe le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui a remplacé la réserve parlementaire. Le calendrier a suscité de nombreuses interrogations, puisque la crise du coronavirus est apparue au moment où les subventions avaient été fléchées par les commissions, mais pas encore actées et versées. J'ai demandé que le calendrier initial soit tenu voire accéléré, pour que les subventions soient versées avant l'été.
Sur le prolongement des missions du service civique, il faut regarder les besoins des structures accueillantes et agir au coup par coup : toutes n'ont pas d'activité pendant l'été. C'est le cas par exemple de l'éducation nationale. Par conséquent, prolonger par principe tous les contrats de service civique n'aurait pas grand sens. En outre, les missions ne se sont pas toutes interrompues. Les jeunes ont continué à recevoir leur indemnité de service civique, même s'ils étaient confinés et que leur activité avait été suspendue ; ils pouvaient demander à ne pas percevoir l'indemnité pendant le confinement et à reprendre leur mission à l'issue de celui-ci.
En outre, une telle décision risquerait de retarder ou d'empêcher l'arrivée de nouveaux jeunes en service civique qui était prévue dans ces structures. J'ai reçu une lettre ouverte de députés Les Républicains demandant la prolongation des missions de service civique, en précisant que cela reviendrait à annuler l'arrivée de nouveaux jeunes. Or ces jeunes ont prévu d'intégrer la réserve civique prochainement et se sont organisés en conséquence : il n'est pas question de leur retirer leur mission. Si certaines structures décident de prolonger les missions en cours, en plus d'accueillir de nouveaux jeunes cet été, cela aura un impact financier, qui est en cours d'examen dans le cadre des arbitrages budgétaires.
Je reviens sur la question de l'insécurité juridique sur le service civique. Nous avons voulu faire prendre aucun risque aux structures. D'où un flottement pendant les deux premières semaines, au cours desquelles les jeunes ont suspendu leur mission. La situation étant inédite, certaines dimensions n'avaient pas été anticipées par l'Agence du service civique. La solution retenue a consisté à faire signer aux jeunes et aux structures un avenant au contrat de service civique : cela a permis de débloquer les choses très vite. Pourquoi, en effet, ne pas intégrer d'emblée cette possibilité dans le contrat initial, comme vous le suggérez ? À la lumière de cette expérience, il faut pouvoir se montrer agile.
Je suis conscient des questions que se posent les acteurs et opérateurs des colonies de vacances, notamment sur le protocole sanitaire et sur la notion de vacances apprenantes et culturelles. Nous avons avec les principaux acteurs des échanges très nourris, pour établir une sorte de cahier des charges. Je ne parle pas forcément d'une labellisation.
Évidemment, une colonie de vacances, un centre de loisirs est toujours un moment d'apprentissage. Du fait du confinement, de nombreux enfants ont perdu un temps important d'apprentissage formel. Comment leur permettre de vivre cet été à la fois l'apprentissage non-formel auprès des associations et de bénéficier d'une forme de tutorat ou de rattrapage plus formel ? Cela peut passer par l'intervention d'enseignants volontaires, par l'utilisation par les associations de ressources produites par l'éducation nationale, par le recours à des modules ludiques élaborés par des associations. C'est l'idée exprimée par le Président de la République.
J'insiste sur l'importance du service national universel. Il n'est pas encore question de généralisation cette année. En 2020, le budget prévu pour le SNU s'élève à 30 millions d'euros, contre plus de 500 millions d'euros pour le service civique : un redéploiement budgétaire ne suffirait pas à faire la différence en matière de service civique. Prolonger le contrat de service civique de tous les jeunes de la durée du confinement, comme vous le proposez, aurait une incidence budgétaire de l'ordre de 150 millions d'euros. Il faut des ressources supplémentaires en propre pour le service civique. Pour ma part, je défends à la fois le service civique et le service national universel.
Mme Dominique Vérien. - Nos auditions ont mis en lumière la demande d'un service civique un peu plus long. Dans les faits, il était initialement de neuf mois ; sa durée moyenne est aujourd'hui plutôt de six mois ; il faudrait la porter à huit mois, afin qu'un véritable travail de fond puisse avoir lieu. Cela coûterait en effet environ 150 millions d'euros, mais le service civique offre un véritable service et ce n'est pas pour rien que 50 000 des 60 000 jeunes se sont engagés dans la réserve civique à l'occasion de cette crise.
Cette crise a également permis de constater qu'il était possible de bien travailler en visioconférence. Les territoires ruraux peinent à accueillir des services civiques, pour des raisons de logement mais aussi d'encadrement. Celui-ci se fait depuis la ville-centre, rendant difficile l'organisation de services civiques dans les campagnes. Or on voit que l'encadrement pourrait se faire à distance.
Les colonies de vacances de cet été viseraient en priorité les enfants ayant subi un confinement strict, sans accès à la Nation apprenante et à la continuité pédagogique. Comment toucher ce public cible ? Lorsque nous interrogeons les parents pour le retour à l'école sur la base du volontariat, un certain nombre d'entre eux ne répondent même pas. Nous constatons des décrochages, alors que ces familles sont prioritaires pour les colonies de vacances. Par ailleurs, qui paiera le surcoût lié au moindre nombre d'enfants et aux contraintes sanitaires ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - L'un des enjeux de la sortie de crise sera de conserver le capital d'engagement qui s'est manifesté pendant le confinement. Seuls 100 000 des 300 000 personnes qui se sont inscrites sur la plateforme de la réserve civique ont pu se mobiliser. Qu'ont fait les autres ? Cela n'a-t-il pas créé une certaine frustration ?
En milieu urbain, où le confinement a été particulièrement difficile, il est urgent que les jeunes puissent retrouver une forme de socialisation, dans le respect des règles sanitaires, à travers des initiatives associatives. Pouvez-vous nous indiquer les activités que les associations, notamment sportives, sont en mesure de mettre en oeuvre ? Les activités autorisées dans le cadre périscolaire pourraient-elles rapidement l'être dans le cadre associatif, avec les mêmes gestes barrières ?
J'ai été interpellée sur la situation des logopèdes en stage d'équivalence pour pouvoir exercer la profession d'orthophoniste. Conformément au décret du 30 août 2013, la reconnaissance du diplôme est conditionnée à la réalisation d'un stage dont la durée est établie par la direction régionale de la jeunesse et des sports : entre 800 et 1 000 heures de pratiques sont en moyenne exigées, or nombre de stages ont été repoussés ou annulés en raison de la crise sanitaire, ce qui place les étudiants en situation de précarité, car, au cours de cette période, ils ne sont plus reconnus comme étudiants, stagiaires ou salariés et ne bénéficient d'aucune aide sociale ni d'aucun mécanisme de soutien économique. Compte tenu des besoins des patients sortant de réanimation, leur expertise paraît pourtant plus que jamais nécessaire. Est-il envisagé une suppression du nombre d'heures de stage prévu ?
Quid de la tenue des camps d'été pour les Scouts de France, qui comptent 160 000 adhérents, d'autant que ces structures ne pourront pas cette année bénéficier des centres d'accueil en plein air ? Elles ne dépendent pas de l'État et reçoivent très peu de subventions. Pour autant, elles ne doivent pas perdre d'argent ni d'adhérents.
M. Antoine Karam. - L'impact du confinement sur les apprentissages pose un véritable défi pour les vacances scolaires. J'ai noté avec intérêt la proposition de colonies de vacances « apprenantes ». Les conséquences économiques et sociales de cette crise touchent encore plus durement les familles les plus modestes ; il est donc important que les enfants les plus fragiles puissent bénéficier d'un enseignement lors de formes hybrides de séjour.
Monsieur le Ministre, vous connaissez bien mon territoire pour y être venu à plusieurs reprises. Dans les sites isolés, le téléenseignement s'est heurté à la fracture numérique, ce qui a provoqué le décrochage scolaire. Pouvez-vous nous assurer qu'il existera bien dans chaque département une offre de séjour apprenant ? La plateforme #jeveuxaider et le site www. covid19.reserve-civique.gouv.fr ont-ils vocation à soutenir localement l'organisation de ces séjours et l'ouverture des écoles ?
M. Pierre Ouzoulias. - Les colonies de vacances, nous y sommes tous passés ! Question de génération... C'est peut-être là que nous avons acquis notre engagement politique et notre engagement pour la collectivité.
Jean-Michel Blanquer et vous-même faites souvent allusion au programme du Conseil national de la résistance. Celui-ci, après le plan Langevin-Wallon, avait défini les colonies de vacances et fixé trois objectifs majeurs : premièrement, une oeuvre sociale ; deuxièmement, le moyen de développer une éducation populaire ; troisièmement, constituer un véritable service public rattaché au ministère de l'éducation nationale. J'aimerais que ce soit également votre ambition, mais il y a un problème de moyens. Comment restructurer ce qui a été trop déstructuré par le passé ? Quel est votre projet politique, au sens noble du terme, pour donner un contenu à ce qui pourrait être enseigné dans ces colonies de vacances ?
Il faut un cadrage national et mettre en place un service public de colonies de vacances.
M. Michel Savin. - La ministre des sports nous a indiqué que le Gouvernement travaillait sur un plan ambitieux de relance pour les associations. Pouvez-vous nous en préciser les grandes lignes ?
Un plan tourisme doté de plus de 1 milliard d'euros doit être présenté demain. Les colonies de vacances, qui font partie intégrante de l'économie touristique des territoires, en bénéficieront-elles ?
Les associations font face à d'importantes pertes de recettes en raison de l'annulation de nombreuses manifestations. Le mécénat, sur lequel nous avions travaillé ensemble, pourrait être une solution. Seriez-vous prêts à encourager entreprises et particuliers à soutenir le milieu associatif et à revoir à la hausse, même temporairement, les règles actuelles du mécénat ?
Mme Mireille Jouve. - Nous soulignons tous, depuis le début de la crise sanitaire, l'engagement remarquable des jeunes dans le cadre du service civique, notamment auprès de nos aînés.
Avant le début du confinement, plusieurs structures associatives ont attiré votre attention sur les difficultés qu'elles rencontrent à répondre à la demande croissante de service civique alors que leur niveau de ressources évolue de manière beaucoup plus modeste. Certaines redoutent également que les crédits du service civique connaissent une dynamique inverse de celle des crédits du SNU lors des prochains exercices budgétaires. J'espère que le Gouvernement restera attentif aux moyens alloués au service civique afin de ne pas compromettre la qualité des missions proposées et des formations dispensées dans ce cadre.
Mme Colette Mélot. - De nombreux centres de loisirs ouvrent de nouveau leurs portes, dans le respect du protocole national, lequel prévoit notamment des groupes d'enfants restreints et de fortes contraintes en matière de transport et de restauration. Le nombre de places est encore très limité, ce qui peut, au fil du temps, poser des problèmes aux familles.
Le ministre de l'éducation nationale a annoncé la mise en place de « vacances apprenantes », mais les organisateurs de colonies de vacances sont dans l'expectative. Vous nous avez dit qu'un cahier des charges était en cours d'élaboration. Je suis consciente des difficultés, mais les choses ne sont pas très claires : les centres ont pu rouvrir cette semaine dans certaines communes, mais pas dans d'autres, faute d'autorisation. Les collectivités ne semblent pas être bien informées.
De même, il serait bon d'accélérer les choses en ce qui concerne les colonies de vacances. Il est question de mini-séjours, soit de découverte du patrimoine, soit de type scoutisme, notamment dans les départements où l'on peut facilement emmener les enfants en forêt, comme en Seine-et-Marne. Des contacts ont-ils été pris avec les collectivités ? S'il faut rouvrir les écoles, les centres de loisirs et les accueils périscolaires, nous devons nous organiser et prévoir du personnel, notamment pour le ménage. À quelques semaines des vacances, les parents ne savent toujours pas si leurs enfants pourront aller en centre de loisirs ou en colonie et les collectivités locales, déjà bien occupées par la réouverture des établissements scolaires, ne savent toujours pas ce qu'on attend d'elles. Il ne faudrait pas prendre tout le monde au dépourvu au mois de juin...
Mme Sylvie Robert. - Nous avons salué, la semaine dernière, l'annonce du Premier ministre d'une aide de 200 euros pour 800 000 jeunes précaires ou modestes. Toutefois, lors de son audition, la directrice du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) a souligné combien les situations de grande précarité se développaient chez les jeunes, et pas seulement chez les étudiants. Que pensez-vous de l'idée qui circule actuellement, d'un RSA, ou autre dispositif de ce genre, au bénéfice des moins de 25 ans ?
Nous constatons dans nos territoires la fragilité de beaucoup d'associations. En outre, de nombreux jeunes vont avoir de grandes difficultés à retrouver un emploi, faute d'avoir pu bénéficier d'un stage ou d'une expérience professionnelle ou pour des questions d'insertion plus prégnantes. Dans ce contexte d'après confinement, ne pensez-vous pas que le recours aux emplois aidés puisse être une réponse ?
Le Président de la République et le ministre de la culture ont récemment invité les artistes à être aux côtés des jeunes et à mettre en place des ateliers dans les écoles, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, y compris durant les vacances. Ces ateliers d'éducation artistique et culturelle permettraient également de garantir quelques heures aux intermittents du spectacle, en sus des annonces du Président de la République. Les artistes et le milieu culturel sont-ils au coeur de votre réflexion pour l'été prochain ? Monsieur le Ministre, nous aimerions bien savoir comment bâtir cette saison d'été...
M. Laurent Lafon. - Nous comprenons bien qu'il n'est pas possible de soutenir toutes les associations. Les critères retenus permettent notamment de venir en aide à celles ayant une activité économique. Or les associations de l'économie sociale et solidaire (ESS) éprouvent des difficultés pour obtenir les prêts garantis par l'État ou une aide du fonds de solidarité en raison de leur montage financier, alors même qu'elles peuvent jouer un rôle important dans les mois à venir. Envisagez-vous une action spécifique en leur faveur ?
Vous avez indiqué que le calendrier du FDVA allait être accéléré pour que les crédits soient déboursés au plus vite. Envisagez-vous également de tenir compte des conséquences de la crise en termes de pertes de recettes ou de difficultés de trésorerie dans l'attribution des crédits du FDVA cette année ?
Comme Sylvie Robert, j'aimerais connaître votre point de vue sur l'instauration d'un RSA jeunes. De même, que pensez-vous d'un renforcement, demandé par de nombreuses associations de jeunesse, du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) ?
Avec la fermeture des frontières, un certain nombre de jeunes n'ont pu faire leur stage Erasmus. Or la règle interdit de faire deux mobilités Erasmus au cours d'un même cycle universitaire. Serait-il possible de la modifier exceptionnellement pour permettre à ces jeunes de partir l'année prochaine ?
M. Olivier Paccaud. - Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit que 2020 serait une année « pleine » pour le FDVA. Les grosses associations, qui ont pu bénéficier du chômage partiel, sont bien soutenues. Mais 2020 sera catastrophique pour les petites associations - celles, par exemple, qui tirent l'essentiel de leur financement de la brocante du village, qui n'aura pas lieu cette année. Peut-être recevront-elles une petite subvention de leur commune ou du département, voire quelques crédits du FDVA, si elles ont de la chance. Idéalement - rien n'interdit de rêver -, il faudrait revaloriser le FDVA. Vous nous avez dit qu'il correspondait à l'ancienne réserve parlementaire, mais le transfert s'est fait a minima...
Par ailleurs, nous risquons d'avoir une promotion d'étudiants sacrifiée : ceux qui, au printemps, étaient en recherche de stage ou qui allaient en commencer un dans des entreprises qui n'auront plus les moyens de les accueillir. Il faudra que plan de relance ou le prochain projet de loi de finances rectificative tienne compte de cette situation.
Le Gouvernement, qui a déjà consenti des efforts très importants de plusieurs dizaines milliards d'euros, devrait aussi en faire un, conséquent, en faveur de la vie associative et de la jeunesse. Nos petites associations n'ont peut-être guère de poids économique, mais nous connaissons leur important rôle social. Elles ont besoin de ce soutien et je sais que vous saurez plaider auprès de Bercy pour qu'elles ne soient pas oubliées, non plus que nos jeunes, dans le futur plan de relance.
- Présidence de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président -
M. Stéphane Piednoir. - Sans parler de génération sacrifiée, ce sont 700 000 étudiants, tous niveaux confondus, qui vont arriver sur un marché de l'emploi extrêmement dégradé. Toutefois, je ne partage pas forcément les solutions avancées par certains de mes collègues. Ne pourrait-on être un peu plus innovants pour à la fois inciter les jeunes à démarcher vraiment les entreprises et encourager les entreprises à les embaucher, plutôt que de recourir à « l'assistanat » ?
M. Jacques Grosperrin. - Pourrait-on faire évoluer le SNU ? Après les attentats du Bataclan, un module résilient de premiers secours avait été mis en place. Avec les stages de cohésion qui s'appuient sur les besoins de la société, ne pourrait-on donner une nouvelle orientation au SNU pour tenir compte de la pandémie ? Le déconfinement a entraîné un grand relâchement chez les jeunes. Ceux qui effectuent leur SNU pourraient agir via les réseaux sociaux, par exemple. Chacun sait que l'on apprend plus par ses pairs que par ses maîtres. Peut-être pourraient-ils également, bien que mineurs, accompagner la réouverture des écoles ?
Un mot de l'abondement financier du service civique par le SNU pour l'année 2020-2021. Le service civique a démontré son efficacité - Croix-Rouge, Ehpad, bibliothèques... Il peut encore faire beaucoup, notamment pour la rentrée scolaire 2020-2021, qui pourrait avoir lieu fin août, et durant le premier trimestre qui sera complètement différent de ceux que nous avons pu connaître. Nous avons besoin de cet appui fort.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Madame Vérien, la durée moyenne d'une mission de service civique est désormais de 7,2 mois. Il faut faire preuve de pragmatisme : certains jeunes ont besoin de davantage de temps et certaines missions peuvent réclamer un investissement plus important. Il faut savoir s'adapter. L'association Unis-Cité, par exemple, va chercher les jeunes les plus éloignés des dispositifs : la nature des missions et l'objectif poursuivi impliquent des durées plus longues. Ne fixons pas de règle unique. Il me semble important de s'adapter aux réalités : certaines missions doivent être réduites, mais nous n'avons aucunement l'intention de réduire brutalement la durée de toutes les missions.
Le développement du service civique dans les territoires ruraux est l'un de mes objectifs prioritaires. Il faut d'abord une mobilisation politique de notre part et de celle de l'Agence du service civique. C'est la raison pour laquelle, dans l'agenda rural, nous avons réservé à la ruralité 10 000 missions de service civique par an. C'est un objectif ambitieux.
Se pose ensuite la question de l'animation territoriale. Il peut être compliqué, pour une petite association rurale, d'accueillir un jeune en service civique - ce sont des démarches, du tutorat... Il faut donc faciliter la création de collectifs. Dans les Hautes-Pyrénées, dans le pays d'Adour, des associations se sont regroupées au sein du collectif Rivages qui accueille les jeunes puis les met à disposition des associations, ce qui leur évite des formalités. Ce type de structure aidera les associations rurales à s'emparer du service civique.
Comment permettre aux enfants qui en ont le plus besoin de partir en colonie de vacances? Cette question est centrale et structurante depuis longtemps. Il y a trente ans, 4 millions d'enfants partaient chaque année en colonie ; aujourd'hui, ils sont environ 800 000. Après une forte mobilisation, notamment en termes de communication, le nombre d'enfants s'est légèrement accru l'année dernière, pour la première fois depuis dix ans. Il y a de l'espoir et nous comptons encore nous mobiliser cet été.
L'enjeu est d'abord financier : envoyer ses enfants en colonie a un coût. Il existe des dispositifs de soutien, notamment via les caisses d'allocation familiale, pour les familles dont le quotient familial n'excède pas 800 euros. Pour les autres, qui peuvent avoir du mal à joindre les deux bouts, il peut être difficile de faire partir un enfant. Nous devons développer des aides nouvelles et les cibler vers ces familles.
Se pose ensuite la question de l'investissement des associations. Monsieur Savin, la question sera abordée demain lors du comité interministériel consacré au tourisme dont je rapporterai la partie « tourisme social ». Nous envisageons des mesures financières très importantes pour aider les associations du tourisme social, et donc notamment aux associations qui portent des colonies de vacances, pour les encourager à investir dans leurs infrastructures.
Madame Boulay-Espéronnier, nous avons réduit volontairement le nombre de missions et leur nature durant la période de confinement. On ne pouvait pas à la fois demander aux Français de rester chez eux et les inciter à sortir à la moindre occasion pour s'engager. L'objectif de la réserve civique n'était pas tant de permettre à chaque Français de s'engager que d'assurer aux associations qui avaient besoin d'être soutenues les moyens de poursuivre leur activité. Il y avait donc moins de missions que de candidats. Tous les volontaires qui n'ont pu s'engager en présenciel ont pu télécharger, sur le site de la réserve civique, un kit réalisé en partenariat avec l'association Voisins Solidaires pour s'engager à l'échelle de leur immeuble, de leur rue, de leur village, et venir en aide à une personne vulnérable. Près de 400 000 personnes ont téléchargé ce kit, soit davantage que le nombre d'inscrits à la réserve civique. Nous avons reçu assez peu de messages de personnes n'ayant pu s'engager dans une mission. Je ne crois pas qu'il y ait eu beaucoup de frustration.
Vous avez auditionné Roxana Maracineanu, je ne vais donc pas revenir en détail sur le protocole sanitaire pour la pratique sportive. Sports de combat, sports collectifs impliquant une proximité n'ont pu reprendre à ce jour. Seule l'évolution sanitaire permettra une reprise progressive de plus en plus large. Le 2 juin prochain, nous espérons pouvoir autoriser davantage de clubs sportifs à reprendre leur activité. Nous y travaillons.
Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur les logopèdes orthophonistes, mais je m'engage à vous répondre directement, dès que je le pourrai.
Le scoutisme dépend peu de l'État, mais je crois profondément que l'État a beaucoup à apprendre du scoutisme. Nous pouvons nous en inspirer pour ce que nous proposerons aux jeunes cet été, et plus globalement pour des évolutions plus structurantes. Le scoutisme n'est pas qu'un mouvement ancien qui aurait gardé ses rituels d'antan, c'est aussi un laboratoire pédagogique qui propose des idées nouvelles, à l'instar d'autres associations populaires. C'est l'un des rares mouvements d'éducation populaire dont le nombre d'inscrits continue de croître. Nous avons beaucoup de choses à développer avec eux. Les scouts se posent aussi des questions sur l'organisation de leurs séjours, cet été. Nous travaillons avec eux pour établir un protocole sanitaire clair, mais il est difficile de respecter la distanciation quand on partage une tente... Nous allons les accompagner pour leur permettre d'organiser leurs séjours, car beaucoup de jeunes en auront besoin.
Monsieur Karam, l'application des dispositifs annoncés pour cet été dépend aussi des collectivités locales. Il me semble que la collectivité territoriale de Guyane a décidé de ne pas rouvrir les écoles avant septembre ; je ne suis donc pas sûr que le dispositif « École ouverte » puisse s'appliquer cet été. En revanche, les accueils de loisirs sont possibles et nous apporterons un soutien, y compris financier, à ceux qui s'engageront dans le dispositif des vacances apprenantes dont je souhaite qu'il se développe en Guyane.
Monsieur Ouzoulias, comme je l'ai souligné dès ma nomination, je suis favorable à une vraie politique publique de soutien aux mouvements d'éducation populaire et particulièrement aux départs en colonies de vacances. Cette crise va peut-être nous permettre de faire aboutir le travail que nous avions engagé. Certaines annonces auront probablement lieu demain concernant les investissements. Début juin, quand nous saurons s'il est possible ou non d'organiser des colonies, des mesures de soutien aux familles pourront être annoncées.
Les colonies de vacances sont portées par des associations, par des acteurs de l'éducation populaire. Je fais attention à leur autonomie, y compris pour les pratiques pédagogiques qu'elles développent. Vous avez parlé de « service public » des colonies de vacances, mais il me semble important qu'elles reposent sur des acteurs associatifs qui les font vivre et qui doivent être soutenus par les pouvoirs publics.
Je souhaite que le projet politique porté dans le cadre de ces vacances apprenantes soit le plus partagé possible et que l'État ou l'éducation nationale ne dessinent pas seuls un projet qu'ils imposeraient au secteur. C'est l'objectif des réunions régulières que nous tenons au ministère avec les principaux acteurs. Vous êtes le bienvenu si vous souhaitez y assister.
Monsieur Savin, je crois profondément que la vie associative aura un rôle central dans le rebond du pays. Elle permet du lien social, une éducation à la citoyenneté, au collectif. Mais elle représente aussi des emplois, un secteur économique. Nous travaillons à un plan de relance associatif sur trois axes. D'abord, la sauvegarde et le développement de l'emploi associatif. Il n'y aura pas de retour aux emplois aidés, car nous voulons professionnaliser les associations et leur permettre de maintenir des emplois dans la durée. On peut imaginer un dispositif dégressif de soutien à l'emploi pour faire l'amorce ; à l'association ensuite de développer des ressources propres ou du mécénat.
Le deuxième axe de travail porte sur la professionnalisation et la consolidation du projet associatif et de la forme associative.
Enfin, la question de l'investissement dans l'avenir est centrale - développer des fonds propres, obtenir des avances de trésorerie... Sur toutes ces questions, je suis preneur de vos propositions.
Nous encourageons le mécénat et la générosité de ceux qui en ont les moyens. Le Sénat a d'ailleurs récemment adopté un amendement, soutenu par le Gouvernement, à la loi « Coluche » qui porte de 500 à 1 000 euros le plafond des dons à une association d'aide alimentaire déductibles à 75 %. Nous avons besoin de cette générosité. Les entreprises ont montré leur capacité à s'engager : je pense à celles qui ont réorienté leur production pour fabriquer du gel hydro-alcoolique, des masques ou des équipements de protection, mais aussi aux petites entreprises, aux artisans, aux commerçants, aux restaurateurs qui ont préparé des repas pour les soignants. Pour sortir de cette crise, nous avons aussi besoin d'un « Notre-Dame social » et d'un engagement très fort des grandes fortunes.
Madame Jouve, il est effectivement nécessaire de développer le service civique. On entend souvent qu'il faudrait augmenter le nombre de jeunes en mission ou le nombre de missions. Mais mon premier objectif est celui de la qualité des missions : le service civique doit offrir aux jeunes une expérience enrichissante qui leur donne envie de s'engager et qui développe leurs compétences. Cet objectif doit être notre boussole.
Je ne peux laisser penser que le service civique aurait été abandonné budgétairement par ce Gouvernement. Le budget du service civique était de 385 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017 ; de 508 millions en 2020, soit une augmentation de 68 %. L'engagement financier est et sera toujours là. Nous continuerons d'augmenter le budget de l'Agence du service civique, parce que nous croyons dans ce dispositif. Encore une fois, il n'y a pas de concurrence avec le SNU, ils sont complémentaires.
Madame Mélot, l'information des collectivités locales est essentielle. Si cette audition permet de faire passer des messages, je le fais bien volontiers. Un décret autorise tous les accueils de loisirs, dans toutes les collectivités, à rouvrir selon un protocole sanitaire différent de celui des établissements scolaires. Là aussi, élus et parlementaires peuvent nous aider à faire passer l'information, même si les services de l'État sont mobilisés localement.
Pour cet été, nous travaillons avec les associations d'élus à l'élaboration des dispositifs. Certaines communes ont déjà anticipé les choses : je me rends demain à Ris-Orangis qui a développé une offre nouvelle d'accueil des enfants. Nous aurons un enjeu particulier cet été : avec la fermeture des frontières hors Schengen, beaucoup des familles habitant les quartiers de la politique de la ville ne pourront retourner dans le pays d'origine de leurs familles pour les vacances, comme elles en ont l'habitude. Nous réfléchissons avec l'ensemble des acteurs à des solutions pour ces enfants.
Madame Robert, nous travaillons avec Frédérique Vidal sur la question de la précarité des jeunes, en particulier celle des étudiants. Comme vous l'avez rappelé, 800 000 jeunes vont percevoir une prime de 200 euros. La prime versée mi-mai aux familles modestes a aussi bénéficié indirectement à 350 000 jeunes de plus de 18 ans dont les parents ont bénéficié d'un supplément de 100 euros. Au total, près de 1,2 million de jeunes ont été concernés par les primes accordées aux plus précaires.
La question est structurelle, car la précarité des jeunes ne date pas d'aujourd'hui. Personnellement, et je sais qu'un certain nombre d'associations de jeunesse et de jeunes ne partagent pas cette opinion, je ne suis pas favorable à un RSA jeunes. Je considère que notre priorité consiste à garantir à tous les jeunes une formation et un emploi. Les pouvoirs publics n'ont pas été au rendez-vous de cet impératif depuis de nombreuses années. Le plan d'investissement dans les compétences de 15 milliards d'euros vise à offrir aux jeunes la perspective d'un emploi stable, qui leur plaise, pour lequel ils ont été formés.
À titre personnel toujours, je suis très sensible à l'idée développée par certains intellectuels, et qui fait son chemin dans d'autres pays, d'une dotation de départ en capital pour les jeunes. Nous demandons aux jeunes d'être entrepreneurs de leur propre métier, de leur propre vie. Mais encore faut-il se former, s'équiper, être mobile. Il faut pouvoir acheter une voiture, créer son activité en indépendant ou en auto-entrepreneur... Globaliser la somme des aides apportées aux jeunes pour la verser sous forme de dotation en capital permettrait à certains d'accomplir des projets et d'aller au bout de leurs ambitions. Ce n'est absolument pas une annonce, mais j'aimerais que nous réfléchissions à de telles solutions innovantes qui ont ma préférence.
MM. Paccaud et Piednoir ont aussi abordé la question de l'impact de cette crise sur l'emploi des jeunes. Les jeunes diplômés, ceux qui rentrent sur le marché du travail sont en général les premières victimes d'une crise économique. Nous suivons plusieurs pistes avec Bruno Le Maire, notamment celles d'une prime à l'embauche pour les entreprises qui recruteraient des jeunes ou des allégements de charges... Tout cela est en cours d'expertise. Je peux toutefois vous confirmer que cette question sera l'un des axes prioritaires des mesures de soutien à l'emploi du futur plan de relance.
Madame Robert, avec cette année blanche, le Président de la République a annoncé des mesures très fortes pour les intermittents. Il les a aussi invités à s'engager auprès de la jeunesse non seulement dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle que nous développons beaucoup, mais aussi à travers les dispositifs que nous mettrons en place cet été. Les services de l'éducation nationale en région travaillent avec les directions régionales des affaires culturelles pour mobiliser les artistes et les intermittents. Nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer et Franck Riester à une plateforme de mise en relation des artistes, des intermittents et des établissements scolaires et associations d'éducation populaire.
Monsieur Lafon, l'économie sociale et solidaire (ESS) est un enjeu extrêmement important. Nous avons déjà mis en place un fonds de secours pour les associations de l'ESS de moins de trois salariés : elles bénéficient d'un accompagnement à l'emploi et d'une subvention de 5 000 euros. Elles peuvent bien évidemment bénéficier aussi des prêts garantis par l'État et du chômage partiel. Nous voulons faire reconnaître les associations comme de vrais acteurs économiques. Cette audition et votre intervention nous y aident, je vous en remercie.
Que la répartition des crédits du FDVA intègre un critère d'urgence et de sauvetage des petites associations particulièrement touchées par la crise me semble légitime et nécessaire. Au sein des commissions qui vont se réunir, les représentants du mouvement associatif et des élus locaux - et, je l'espère, bientôt des parlementaires - auront à coeur de les soutenir.
Nous avons prévu, dans le cadre du plan pauvreté, d'augmenter de 30 % le nombre de jeunes ayant accès au Pacea, que je soutiens totalement.
Nous souhaitons que les mobilités internationales reprennent dès que possible. Les jeunes qui n'ont pu en effectuer cette année, notamment via Erasmus, ne doivent pas être lésés. S'il faut faire évoluer un point du règlement, nous le ferons.
Vous avez raison, monsieur Paccaud, la dotation du FDVA ne correspond pas totalement à celle de la réserve parlementaire. Nous en avons déjà débattu. Des arbitrages budgétaires pourront avoir lieu dans le cadre du plan de rebond que le Gouvernement présentera prochainement. L'exemple d'une association qui perd une source de recettes avec l'annulation de la brocante du village souligne le rôle essentiel des collectivités locales. Elles doivent s'efforcer, comme le fait l'État, de maintenir leur subvention à ces petites associations.
Monsieur Grosperrin, faut-il faire évoluer le SNU pour prendre en compte les conséquences de cette pandémie ? J'y suis favorable. La question de la résilience est au coeur du SNU et les armées nous aident considérablement. Beaucoup a été fait dans la phase de préfiguration autour du secours aux personnes, des accidents, des catastrophes naturelles, des attentats terroristes. La question des pandémies nécessite un certain nombre de formations spécifiques, notamment pour permettre aux jeunes d'intervenir auprès d'autres jeunes. Nous allons travailler à faire évoluer le module du SNU. Je partage vos propos sur l'importance du service civique dans l'éducation nationale. Nous poursuivrons dans ce sens. Il me semble avoir répondu à toutes les questions.
Mme Sylvie Robert. - Vous ne m'avez pas répondu sur les emplois aidés, monsieur le Ministre.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Nous n'envisageons pas un retour des emplois aidés. Les dispositifs de soutien à l'emploi des associations doivent leur permettre de devenir plus robustes et de ne pas dépendre uniquement d'une subvention. De manière plus générale, le Gouvernement travaille à garantir aux jeunes l'accès à des emplois stables, pérennes. Toutes les mesures que j'évoquais à l'instant, notamment un allégement de charges pour l'emploi de jeunes et les primes à l'embauche, tendent vers cet objectif. Aujourd'hui, il n'est pas prévu de recourir à des emplois aidés.
M. Jean-Pierre Leleux, vice-président. - Merci, monsieur le Ministre d'avoir répondu en détail à nos questions. Je vous remercie de vous être plié à cet exercice avec l'engagement et l'enthousiasme qui sont les vôtres et qui font toujours plaisir à entendre.
La téléconférence est close à 18 heures 20.