Mardi 5 mai 2020
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La téléconférence est ouverte à 9 heures.
Audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et de M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales
M. Vincent Éblé, président. - Depuis le début de la crise sanitaire, les collectivités territoriales ont été en première ligne pour accompagner et protéger nos concitoyens ainsi que pour soutenir nos entreprises.
De nombreux exemples d'initiatives prises par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les départements et les régions nous ont été remontés, via des canaux d'informations qui nous sont propres, et je veux en saluer les initiateurs.
Je pense par exemple à l'approvisionnement en masques, pour lequel les collectivités se sont mobilisées bien au-delà de leurs compétences, et je m'interroge à ce titre sur la disparition de la clause générale de compétences, eu égard au caractère multiforme des tâches que les collectivités territoriales ont aujourd'hui à prendre en charge. Je pense également au développement de plateformes mettant en relation les producteurs locaux et les consommateurs et, bien sûr, à leur participation au fonds national de solidarité, singulièrement pour ce qui concerne l'échelon régional.
Tous ces efforts ont montré une forte capacité d'adaptation et de mobilisation, facilitée par les aménagements législatifs et réglementaires institués par la loi d'urgence du 23 mars dernier et les nombreuses ordonnances prises à la même période.
Ces initiatives ont toutefois impliqué des dépenses nouvelles et imprévues pour les collectivités territoriales dans un contexte, vous le savez, marqué par un fort sentiment d'incertitude s'agissant de l'évolution de leurs recettes. En effet, la crise sanitaire s'accompagne d'une crise économique sans précédent. Les conséquences de celle-ci sont importantes sur le champ de l'emploi, mais sont également significatives sur les recettes des collectivités territoriales, même si certaines incertitudes subsistent quant à leur ampleur.
Dans les premiers jours de la crise, notre commission des finances avait estimé ces pertes à un minimum de 5 milliards d'euros pour les années 2020 et 2021. Puis le secrétaire d'État, Olivier Dussopt, a évoqué un montant de 11 milliards d'euros et le 29 avril dernier, le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, les chiffrait à 14 milliards d'euros.
Au-delà des recettes de fiscalité pour lesquelles nous nous attendons à une importante diminution, les collectivités territoriales sont également confrontées à la baisse de leurs produits des services : restauration scolaire, entrées dans les équipements sportifs et culturels, stationnement payant, vente du bois... : même si leur poids financier est inégal, ce sont autant d'exemples de sources de revenus aujourd'hui touchées - et peut être durablement - par la crise sanitaire et économique.
Les deux dernières lois de finances rectificatives ont été l'occasion pour nombre de nos collègues sénateurs de se faire la voix des préoccupations des élus locaux et de leurs attentes.
Comme, je le crois, l'ensemble de mes collègues, j'attends donc de cet échange que vous puissiez nous présenter la situation dans laquelle se trouvent actuellement les collectivités territoriales, nous préciser la nature des moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour les soutenir - financièrement notamment - tant dans la période actuelle que dans la préparation du déconfinement qui approche et, enfin, nous faire état des orientations qui sont les vôtres pour accompagner la relance de l'investissement local.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. - Cette audition est l'occasion de faire le point sur la situation et les perspectives financières des collectivités locales, sujet qui est en grande partie devant nous alors que le déconfinement commence à se dessiner.
Nous nous rejoignons sur les premières analyses de la situation financière des collectivités locales. Le Gouvernement y a été très attentif dès le début, en donnant des capacités d'agir aux collectivités territoriales par ordonnance. L'État s'est fortement engagé dans la lutte contre la crise, notamment avec le fonds de solidarité qui a mobilisé 7 milliards d'euros du budget de l'État. Les collectivités ont été avec l'État, main dans la main, pour répondre à l'urgence.
Il est désormais nécessaire de consacrer du temps à l'analyse de la situation. Une mission a été confiée au député Jean-René Cazeneuve. Tous les travaux, aussi bien les vôtres que ceux de l'Assemblée nationale et de toutes les commissions qui se sont penchées sur le sujet, doivent être rassemblés et étudiés attentivement. Comme vous l'avez expliqué, on parvient déjà à identifier les situations les plus fragiles. Je pense notamment aux communes touristiques, aux collectivités d'outre-mer, ainsi qu'aux départements frappés par la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) alors que les dépenses sociales risquent d'augmenter.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. - Afin de cadrer nos travaux, j'aimerais commencer par préciser notre méthodologie et je formulerai trois remarques.
Premièrement, le constat. Comment mesurer précisément l'impact de la crise sur les collectivités territoriales ? Il faut éviter de porter un regard qui serait trop macroéconomique. L'impact de la crise ne sera pas le même pour les régions, les départements, les intercommunalités et les communes. Il différera également en fonction de l'assiette et du panier de ressources des différentes collectivités. Les communes touristiques et les communes d'outre-mer semblent à cet égard les plus fragiles. Près de 4 000 communes sont classées « à risque » en raison de la sensibilité de leurs ressources au produit de certaines recettes telles que la taxe de séjour ou les produits issus des casinos, des activités hippiques et autres activités saisonnières.
À cet impact sur les recettes s'ajoutent des dépenses exceptionnelles, qui sont de deux types. Il peut s'agir soit de dépenses ponctuelles liées au Covid-19, telles que les achats de masques, soit de dépenses plus structurelles, telles que le soutien aux personnes fragiles pour les départements et les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou le soutien à la relance de l'économie pour les intercommunalités et les régions. Se pose également la question de la temporalité de la perte de recettes. Dans le cas des DMTO ou du versement mobilité, la perception des recettes est contemporaine et il y a donc urgence. Pour d'autres recettes, telles que celles issues de la fiscalité économique, il y a un décalage dans le temps, et l'impact sur les collectivités se fera sentir en 2021. Par ailleurs, la perte de recettes de CVAE est moins aisée à documenter que celle des DMTO, au sujet de laquelle nous pouvons compter sur l'expérience de 2009.
Ma seconde remarque concerne les collectivités d'outre-mer. Il s'agit d'une question à part. La question de l'octroi de mer devra être documentée de façon spécifique.
Ma troisième remarque concerne enfin les solutions que nous pourrons apporter. Deux types de solutions doivent être distingués. Il y a tout d'abord les solutions de secours, qui visent à s'assurer qu'une collectivité ne rencontre pas de difficultés de paiement. À ce stade, seule une petite dizaine de communes s'est manifestée auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou des préfets. Elles ont été accompagnées par des avances de dotation globale de fonctionnement (DGF), de fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ou de douzièmes de fiscalité. À côté de ces réponses de secours, il y a les instruments de relance de l'économie, notamment via l'investissement local, qui s'inscrivent sur un temps plus structurel et qui devraient relever notamment du projet de loi de finances pour 2021.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - J'aimerais tout d'abord exprimer mon étonnement sur un point. Le Sénat a adopté le 23 mars dernier la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, qui prévoyait l'application d'un taux de TVA réduit sur les gels hydroalcooliques, les masques mais également, à notre initiative, sur les tenues de protection adaptées à la lutte contre l'épidémie. Cette mesure devait notamment bénéficier aux collectivités territoriales qui achètent massivement ces équipements. Les arrêtés ministériels devant définir la liste de ces produits n'ont toujours pas été publiés. Des collectivités territoriales d'Eure-et-Loir m'ont signalé qu'elles continuaient à se voir facturer un taux de TVA à 20 %. On m'a indiqué que leur publication serait « bloquée ». L'urgence ne semble pas comprise par tous au sein de l'État. Nous aimerions que la volonté des parlementaires qui s'est exprimée de manière assez unanime, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, se traduise dans les faits. Le sujet est d'autant plus pressant que, du fait du caractère rétroactif de la mesure, les régularisations risquent d'être importantes.
Mes questions portent principalement sur les recettes. Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont évoqué une baisse globale des recettes de 4 milliards d'euros en 2020 et de 10 milliards d'euros en 2021. A-t-on affiné ces estimations selon les ressources ? Je pense notamment à la part de TVA affectée aux régions, qui devrait revenir à son niveau historique de 4,1 milliards d'euros. Pouvez-vous nous confirmer ce chiffre ? Peut-être faudrait-il envisager de suspendre le mécanisme de régularisations mensuelles.
Ma deuxième question porte sur les DMTO. Avez-vous d'ores et déjà estimé les pertes de recettes de cet impôt ?
Se pose également la question de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), qui intéresse aussi bien les collectivités territoriales que les entreprises. Je ne vois pas comment les collectivités pourraient percevoir des recettes de TASCOM provenant d'entreprises dont les locaux ont fermé ou qui ont subi des pertes de chiffres d'affaires telles que le versement de cet impôt ne serait pas supportable. À l'inverse, les entreprises de e-commerce échappent à la TASCOM. Il y a là une distorsion de concurrence. Quelle est votre analyse sur ce sujet ?
Enfin, comment relancer l'investissement, qui est aujourd'hui bloqué pour des raisons financières mais également et surtout juridiques ? Les élections n'ayant pu être menées à leur terme, de nombreux exécutifs communaux et intercommunaux sont contraints de se limiter à la gestion des affaires courantes. On peut donc craindre un effondrement de la commande publique, avec un fort impact sur l'activité et l'emploi des secteurs qui en sont dépendants, tels que le BTP.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - J'aurais trois questions principales : aujourd'hui, demain et après-demain.
Se pose dès aujourd'hui la question des recettes des collectivités territoriales. Certaines ont déjà été évoquées par le président et le rapporteur général. J'en évoquerais deux à mon tour. Je pense d'abord au versement mobilité. L'annonce du ministre Gérald Darmanin selon laquelle les collectivités locales devront « prendre leur part » m'a quelque peu inquiété. En ce qui concerne le versement mobilité, une certaine solidarité est nécessaire. Nous avons également appris l'ouverture d'un dialogue avec le ministère de l'action et des comptes publics sur le report de la cotisation foncière des entreprises (CFE) en 2020. Où en sommes-nous de ce point de vue ?
Se posera, demain, la problématique de la relance. Si je suis en principe le partisan d'une certaine orthodoxie, je pense qu'il existe quelque part un gisement dans la mesure où la grande majorité des investissements publics locaux sont portés par des collectivités qui bénéficient du versement du FCTVA en N+1. Ainsi, un versement avancé du FCTVA constituerait une force de frappe pour la relance. Je partage par ailleurs la préoccupation du rapporteur général : le report du deuxième tour des élections municipales fragilise la relance. Dans la mesure où rien n'indique que la situation sanitaire ne soit bien meilleure en septembre qu'en juin, je ne comprends pas pourquoi l'on prendrait le risque d'organiser à nouveau deux tours en septembre plutôt que de se limiter à l'organisation du deuxième tour en juin.
Ma dernière question porte sur « l'après-demain ». Eu égard au séisme financier que vont connaître les collectivités territoriales, pensez-vous que la réforme annoncée des valeurs locatives puisse véritablement attendre 2026, comme cela a été annoncé ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Je voudrais qu'on reprécise un peu les éléments de calendrier. Notre collègue député Jean-René Cazeneuve a été chargé d'une mission relative à l'impact de la crise sur les finances des collectivités territoriales dans une acception large : la gestion de l'urgence, l'année en cours et l'année à venir. Le délai imparti pour conduire cette mission serait de huit semaines.
Dans le même temps on nous a annoncé la perspective d'un troisième projet de loi de finances rectificative qui comporterait - mais pouvez-vous le confirmer ? - plusieurs mesures concernant les collectivités territoriales. A ce stade, ce projet est annoncé pour fin mai, peut être début juin.
Aussi, les délais annoncés pour la mission de Jean-René Cazeneuve et pour ce projet de loi de finances rectificative ne coïncident pas. Dans ce contexte, que peut-on s'attendre à trouver dans ce projet de loi concernant les collectivités territoriales ? Les questions urgentes seront-elles traitées ?
J'ai ensuite une question sur l'évolution du produit de la CVAE. Nous savons que celui-ci est prélevé sur deux à trois exercices et qu'il peut varier en fonction de l'état de l'économie. On pourrait craindre, toutefois, que les entreprises ne minorent le montant de leur valeur ajoutée en anticipant une dégradation plus forte que ce que les résultats définitifs permettront de constater. Quelle est votre analyse ? Serait-il envisageable de retarder les obligations déclaratives ?
Je reviens sur les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dont les enjeux rejoignent les questions de soutien aux entreprises de mobilité comme Air France ou la SNCF. Il faut que ces entités puissent fonctionner donc les soutenir est crucial. Il y a sans doute des capacités d'absorption des pertes mais elles ont leurs limites.
Sur les outre-mer entendez-vous apporter des éléments de réponses dès le projet de loi de finances rectificative ?
Enfin, quel sera l'impact de la situation actuelle sur la réforme de la taxe d'habitation ? Il devait y avoir un temps consacré à l'examen des conséquences de la réforme sur la péréquation. Vos services sont fortement mobilisés en ce moment. Peut-on envisager un délai supplémentaire ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Pour revenir sur la date du second tour des élections municipales, je souhaite rappeler qu'aucune décision n'est prise à ce stade. Ce n'est qu'à partir de la remise du rapport du Premier ministre au Parlement prévue le 23 mai 2020 que des décisions seront prises. Il ne faut pas conclure trop rapidement.
La mission de Jean-René Cazeneuve a vocation à se dérouler sur un temps à la fois long et court. Les premiers comptes rendus pourraient se faire fin mai. Dans ce contexte, il y aura certainement des mesures à prendre en urgence à l'occasion d'un prochain projet de loi de finances rectificative. En tout cas, Sébastien Lecornu et moi-même espérons bien qu'il comportera un volet consacré aux collectivités territoriales.
Il n'y a pas de raison de revenir sur la réforme de la taxe d'habitation. Toutefois, une étude est en cours en lien avec le comité des finances locales (CFL) sur la réforme des indicateurs. Il n'y a pas véritablement d'urgence sur ce point car l'application de ces indicateurs n'interviendrait pas avant au moins deux ans.
Je souhaite préciser les choses s'agissant du report de CFE. Il s'agit d'une mesure de décalage de paiement de la CFE due par les entreprises, c'est-à-dire une mesure de trésorerie qui sera prise en charge par l'État et non par les collectivités territoriales.
Vous avez évoqué la question des DMTO. La majeure partie du produit de cette imposition est perçue par les départements même si une fraction revient à certaines communes.
Les estimations - et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit que d'estimations - actuelles en matière de DMTO prévoient une baisse d'environ 25 % entre 2019 et 2020 ce qui représente une perte de 3,4 milliards d'euros pour les départements et d'un milliard d'euros pour les communes.
Indéniablement, les DMTO sont au nombre des recettes sensibles qui appellent une réponse dès 2020 de la part du Gouvernement. La question est examinée par la mission Cazeneuve. Il s'agit d'un point important pour les départements car les DMTO représentent un peu plus d'un quart de leurs recettes.
Les régions qui reçoivent une fraction de TVA ne connaitront évidemment pas de moindres recettes aussi importantes. En effet, je vous rappelle que la loi garantit le montant de la fraction de TVA versée à chaque région à son niveau de 2017. Dans ce contexte, on peut s'attendre au maximum à une baisse de 6,2 % du montant de la TVA versée aux régions, soit 264 millions d'euros.
La baisse des recettes de TVA en 2021 n'aura, par contre, aucun impact sur les établissements publics de coopération intercommunale et les départements qui doivent bénéficier d'une compensation à l'euro près des recettes qu'ils perdent dans le cadre de la réforme de la taxe d'habitation.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je veux rappeler l'essentiel : nous n'abandonnerons pas les collectivités territoriales sur le volet financier. L'enjeu actuel consiste à évaluer les différents impacts, à quantifier les pertes et à identifier les instruments mobilisables.
En réalité, nous n'avons pas forcément besoin d'une loi de finances rectificative pour répondre à l'urgence. Pour toute collectivité qui se trouverait face à la difficulté, nous disposons d'outils pour lui assurer des versements anticipés correspondant à des avances de fiscalité, de dotation globale de fonctionnement ou de FCTVA.
Le vrai sujet concerne la fin de cette année et l'année prochaine ce qui nous renvoie, certes, à un calendrier de projet de loi de finances rectificative mais peut-être et surtout de projet de loi de finances.
Le rendez-vous des collectivités territoriales pour préciser les instruments de relance, de soutien ou encore la péréquation, la dotation globale de fonctionnement c'est le projet de loi de finances pour 2021.
Ce que l'on peut dire c'est que l'urgence concerne principalement les recettes contemporaines. Nous avons demandé au député Jean-René Cazeneuve de documenter cette urgence à laquelle j'associe la question spécifique de l'outre-mer. On pourrait également y ajouter les activités qui font l'objet d'une tarification de service. Certains services continuent d'être facturés comme l'eau ou l'assainissement mais d'autres ont été suspendus comme la restauration scolaire. Il faut documenter ce phénomène.
S'agissant des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), il est difficile d'entendre que l'État assure un versement supposé compenser un service - le transport - qui n'a pas eu lieu compte tenu du confinement. Il faudra se concerter avec les entreprises de transport sur ce sujet, qui doit être démêlé.
Ensuite, il y a un enjeu spécifique sur les DMTO. Pour les départements et pour les communes de plus de 5 000 habitants, c'est un produit contemporain. Pour les communes de moins de 5 000 habitants, ce sont les départements qui répartissent les montants à verser avec une année de décalage. Là encore, il faut faire un travail de quantification et tenir compte du décalage temporel des chocs à venir avant d'envisager la nature des mesures à prendre.
Le sujet des DMTO doit également être appréhendé en lien avec la réforme de la fiscalité locale et avec le choc auquel vont faire face les départements en matière de dépenses sociales. Je pense qu'il faut travailler à un accord financier global concernant les départements dans le cadre d'un dialogue entre l'État les départements, associant le Parlement. Depuis quinze ans, on gère ce système par à-coup. Il est temps de changer de logique, en particulier maintenant que le mécanisme de péréquation des DMTO fait face à une baisse générale des recettes.
Je le rappelle, la TVA est garantie en valeur pour les régions par rapport à une base 2017. C'est très précieux et rassurant pour les conseils régionaux. D'ailleurs, l'inquiétude pèse aujourd'hui davantage sur les départements et les EPCI.
La possibilité de décaler les déclarations de CVAE relève davantage du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de desserrer la contrainte pesant sur les entreprises sans mettre pour autant en difficulté les collectivités territoriales. Le sujet est donc de décider comment l'État pourrait faire la jonction entre les deux.
La TASCOM est assise sur le chiffre d'affaire de l'année précédente ce qui signifie que l'impact escompté concerne l'année 2021. Maintenant, dès lors que les formes du commerce évoluent, il faudra sans doute repenser la TASCOM mais il s'agit d'une réflexion plus globale.
Nous avons en tête, pour ce qui concerne la relance, des instruments de nature financière mais également réglementaire avec, par exemple, une réflexion sur le pilotage de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).
Sur l'engagement des marchés publics, il faut rappeler que nous avons rehaussé le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence à 40 000 euros ce qui est une bonne nouvelle pour les petites collectivités territoriales.
Je voudrais donner mon sentiment sur la question de l'installation des conseils municipaux. Elle est urgente. Mais je veux rappeler qu'il n'y a pas de notion juridique « d'affaires courantes ». Actuellement les mandats sont prorogés ce qui signifie que les conseils municipaux sont libres de prendre les décisions qu'ils souhaitent. Un maire peut donc faire délibérer son conseil municipal sur les décisions budgétaires ou de commande publique.
L'outre-mer fera l'objet d'un traitement spécifique.
Le FCTVA est une force de frappe pour la relance. Je crois en le disant donner une piste sur ce qui peut être envisagé pour la suite.
M. Vincent Éblé, président. - Nous confirmez-vous que vous envisagez de « contemporanéiser » les versements de FCTVA ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Oui. Mais je veux rappeler aux communes les plus fragiles que ce dispositif avantage surtout les collectivités territoriales qui investissent beaucoup. Cela ne fera pas tout.
Mme Christine Lavarde. - Une partie de ma question relative à la réforme des indicateurs et à la réforme du Fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF) et du fonds de péréquation intercommunale et communale (FPIC) a déjà partiellement reçu une réponse.
Concernant les modalités envisagées pour la relance, quelles mesures seront prises pour la région francilienne ?
Les établissements publics territoriaux (EPT) vont transférer le produit de CFE qu'ils perçoivent au 1er janvier 2021 et, ainsi, finir de perdre toutes leurs recettes puisqu'ils ont déjà transféré leur ancien produit de CVAE.
Des réponses devaient être apportées dans le cadre du projet de loi de loi « 3D » : sont-elles ajournées ? Peut-on d'ores-et-déjà donner des assurances aux EPT quant au maintien de leurs recettes de CFE ?
M. Yvon Collin. - Dans la perspective de cette audition, j'ai consulté les maires pour faire remonter leurs questions.
Le projet de réouverture des écoles leur donne le sentiment qu'ils n'ont pas les moyens d'y faire face en raison de la pénurie des moyens. Il y a également un problème de responsabilité légale et pénale du maire dans le cadre du déconfinement vis-à-vis des enfants, des parents et des personnels. Qu'en est-il ?
M. Philippe Dallier. - D'un côté les dépenses augmentent et de l'autre nous avons la certitude de voir les recettes de l'ensemble des collectivités territoriales diminuer tandis qu'elles sont invitées à soutenir les entreprises et l'investissement.
Dans ce contexte, je souhaite vous interroger sur la réforme des impôts de production. Elle apparait de plus en plus nécessaire mais je crains qu'elle ne puisse intervenir avant 2022. Or, nous nous trouverions à devoir compenser un niveau de recettes très réduit en raison de la crise en cours et à venir. Comment envisagez-vous d'éviter cet écueil ?
Dans le prolongement de la question de Christine Lavarde, je m'interroge sur la situation de la Métropole du Grand Paris. Beaucoup la considèrent comme une collectivité riche mais, en réalité, une fois que les produits de fiscalité qu'elle collecte ont été reversés aux EPT il ne lui reste qu'une dizaine de millions d'euros.
Avec la baisse de la CVAE, il est probable que la Métropole du Grand Paris soit incapable de boucler son budget. La nécessité d'une réforme est de plus en plus évidente. Jusque-là il était envisagé d'y travailler à l'occasion du projet de loi « 3D ». Où en est-on ?
M. Pascal Savoldelli. - Je souhaite appuyer les propos du rapporteur général. La mesure de taux réduit de TVA n'est pas symbolique. Si l'on veut que les un million cinq cent mille habitants du département du Val-de-Marne puissent disposer d'un masque en tissu, il faudra débourser 414 000 euros dans le cas d'une TVA à 20 %, et également 193 000 euros pour les masques FFP2. Je le dis avec solennité, on ne peut nous demander de délibérer très vite en tant que parlementaires et ensuite nous faire attendre plusieurs jours, voire des semaines, avant d'édicter les mesures d'application. Un département comme le mien devra donc assumer 607 000 euros de TVA si le taux est à 20 % et non à 5,5 %. Il y a une véritable différence.
Je m'interroge également sur la part financière que prend le Gouvernement dans le plan de déconfinement, aux côtés des collectivités territoriales. Le fonds de solidarité a versé 20 millions d'euros dans le département du Val-de-Marne, soit le même montant engagé par le département lui-même. Il va falloir préparer un calendrier pour fixer les grands rendez-vous entre l'État et les collectivités territoriales.
M. Michel Canevet. - Dans le département du Finistère, j'ai relevé plusieurs demandes pour que l'installation des exécutifs puisse se faire le plus rapidement possible là où les résultats du premier tour sont acquis.
Pourriez-vous m'indiquer si des orientations sont données aux préfets concernant la DETR et la DSIL ?
Dans le cadre du plan de relance, je crois qu'il faudra réformer le FCTVA en prévoyant, a minima, un versement à N+1 pour toutes les collectivités territoriales. La logique serait même de « contemporanéiser » les versements de FCTVA.
Enfin, un contact a-t-il été pris entre la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et la Mutualité sociale agricole (MSA) pour qu'elles continuent d'honorer leurs engagements vis-à-vis des services à la jeunesse ?
M. Julien Bargeton. - J'ai deux questions. Tout d'abord, quelles ont été les initiatives communales et intercommunales de soutien à l'activité économique depuis le début du confinement ? Est-ce que, de votre côté, vous avez observé des bonnes pratiques et est-ce que vous avez l'intention de les circulariser ? Et deuxième question, qui a déjà été un peu posée : quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités qui souhaiteraient alléger le poids des impôts, notamment de la CVAE, qui est un impôt de production qui peut être un obstacle à la reprise ?
M. Jean-François Husson. - Les collectivités ont engagé de nombreuses dépenses pour l'achat des matériels de protection. Le Premier ministre a annoncé hier la prise en charge des dépenses locales pour l'achat des masques à hauteur de 50 %, pour autant que la date de la commande soit postérieure au 13 avril, ce qui veut dire malheureusement que celles des collectivités qui ont pris les devants et que l'État est bien content de trouver aujourd'hui pour répondre aux besoins se trouvent laissées pour compte. Je pense que c'est inéquitable et injuste, je compte sur vous pour corriger cette erreur et je reviendrai d'ailleurs dans le même temps sur les propos liminaires de notre Président : au regard de la très forte mobilisation de toutes les collectivités, y a-t-il une possible renaissance de la clause de compétence générale ?
Deux autres questions très courtes. La première s'agissant des élections au premier tour des municipales pour les communes dont la situation est réglée, ne serait-il pas possible de procéder par vote électronique pour mettre en place les nouvelles équipes ?
Enfin, est-ce que vous pouvez me donner quelques éclaircissements pour éviter des contentieux électoraux et financiers concernant le fait que, dans l'attente du deuxième tour, des équipes municipales manifestent une présence forte, voire une communication institutionnelle : quel est le risque juridique et quelle est la doctrine en la matière ?
M. Jean-François Rapin. - Merci d'avoir été assez précis dans vos propos liminaires. Je vais vous poser deux questions en rapport avec les collectivités littorales, en particulier sur les pertes de recettes considérables qui nous remontent à l'association nationale des élus du littoral, qui vont jusqu'à 50 % si on les compare à la même période l'année dernière. C'est un sujet qu'il va falloir traiter notamment au travers du rapport Cazeneuve, Madame la ministre.
Je souhaite évoquer un problème particulier, parfois oublié : la taxe de séjour. Elle représente près de 500 millions d'euros en France, répartis entre les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les départements. Elle est prélevée de façon réelle ou forfaitaire. Or on arrive à un paradoxe aujourd'hui : les communes perdent des recettes dans la mesure où l'imposition au réel est nulle actuellement et où elles ne peuvent pas non plus la prélever forfaitairement auprès d'établissements qui n'ont pas de recettes. Il y a donc un vrai sujet.
Le deuxième point porte sur la relance de l'investissement. Dans les communes littorales, nous avons la problématique du réchauffement climatique, avec des investissements lourds prévus dans les collectivités. Je pense qu'il est grand temps que l'on ait un projet de loi stratégique sur la résilience des territoires littoraux et les outils que l'on pourrait utiliser pour financer les investissements prévus.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Peut-être quelques éléments de réponses sur l'avenir des impôts de production, sans prendre une position définitive, car sur cette question des arbitrages doivent être faits. C'est un sujet très important. Bien entendu, il y a une réflexion qui a été engagée, vous l'avez rappelé. Gérald Darmanin l'a dit, il est bien naturel de continuer à réfléchir pendant la crise et à regarder les impacts de celle-ci. Cependant il faut aussi poser la question d'une action sur les impôts de production en termes d'utilité économique. Je ne peux pas m'empêcher d'être la ministre des collectivités territoriales qui a exercé pendant longtemps des responsabilités locales et qui sait très bien que les impôts de production sont des ressources importantes pour les collectivités territoriales. Le conseil d'analyse économique avait préconisé dans une note de juillet 2019 de supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui est acquittée par les grandes entreprises sur la base de leur chiffre d'affaire et répercutée en cascade sur leurs clients, ce qui renchérit le coût de production en France. On peut noter que cette taxe ne concerne pas les collectivités. Je suis sûre que Bercy, dans sa réflexion sur les impôts de production, intègre cette analyse. S'agissant de la CFE, le conseil d'analyse économique a démontré qu'il y avait peu de raisons économiques de la remettre en question. C'est un impôt sur lequel les élus peuvent jouer en modulant le taux, contrairement à la CVAE. Cette dernière a une assiette plus étroite que la C3S et n'est pas payée à taux plein par beaucoup d'entreprises puisque celles dont le chiffre d'affaire est inférieur à 50 millions d'euros en sont dégrevées. De fait, on voit que les impôts économiques locaux ne sont peut-être pas si nocifs que cela pour la compétitivité dans notre pays. Par ailleurs, comme vous le savez et comme vous l'avez dit tout à l'heure, la relance ne se fera pas sans les collectivités locales. Et l'ambiance générale, les circonstances, me font dire personnellement qu'il faut être prudent sur l'idée de baisser des recettes des collectivités territoriales. La crise que nous ne maîtrisons pas a déjà suffisamment de conséquences sur les recettes des collectivités pour ne pas se diriger, dans les circonstances actuelles, vers une baisse de recettes supplémentaire. En ce qui concerne la relance, comme vous le savez, nous étions avant la crise en train de négocier avec les régions et les autres collectivités sur les contrats de plan État-régions qui devaient aboutir pour la fin de l'année 2020. Vous savez aussi qu'il y avait, en parallèle, la nouvelle période de contractualisation des fonds européens et que tout cela constituait des circonstances intéressantes pour soutenir les investissements dans notre pays et dans d'autres éventuellement. Mais la crise a stoppé nos négociations et je pense que, dans un moment où on parle de relance, alors qu'on a la chance d'avoir déjà un support sur lequel on a travaillé en identifiant beaucoup de projets locaux, il ne faut pas bannir cette méthode. Il faut continuer et reprendre le travail. Nos cabinets ont beaucoup travaillé avec les régions et les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) durant le confinement pour identifier les dossiers qui sont prêts. Il faut continuer ce dialogue contractuel entre l'État et les collectivités territoriales pour favoriser la relance économique, à travers une contractualisation et une concertation. On peut avoir des préoccupations macroéconomiques nationales par filière mais, en même temps, il ne faut pas abandonner le travail fait collectivement par l'État et les collectivités territoriales sur le terrain, sur des projets locaux d'infrastructures ou avec « Action Coeur de Ville » ou d'autres outils. Je pense que les dotations de soutien à l'investissement local (DSIL) et d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont aussi très importantes, et j'en profite pour dire que leurs montants n'ont pas été modifiés.
Le sénateur Julien Bargeton a par ailleurs demandé s'il y avait des actions particulièrement efficaces menées en matière d'aides versées par les collectivités locales. Ce qui est fondamental, c'est le travail fait par les régions avec les EPCI, qui se partagent la responsabilité économique. L'abondement des EPCI aux fonds régionaux est le bienvenu. La participation des régions, et des autres collectivités volontaires, au fonds de solidarité nationale est très importante également.
Concernant la CNAF, une vérification va être faite. Les engagements pris par la CNAF doivent être maintenus ; ça n'est pas le moment de supprimer les aides de la CNAF aux collectivités territoriales.
Concernant la taxe de séjour, elle est, comme vous le savez, payée par les touristes ou payée de manière forfaitaire par les entreprises. Les communes peuvent bien sûr la reporter, on ne forcera pas une commune à recouvrer une taxe dont elle ne veut pas.
Enfin, le sénateur Yvon Collin a parlé de la responsabilité des élus. Je tiens à rappeler qu'elle est aujourd'hui protégée par la loi Fauchon de 2000. Elle est extrêmement protectrice pour les élus : la jurisprudence l'a prouvé depuis vingt ans. Le Premier ministre a dit hier qu'il n'était pas fermé à ce que l'on revienne sur ce sujet et que l'on en débatte, mais dans un cadre dédié et de manière mûrement réfléchie.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Le débat est foisonnant. Madame la sénatrice des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde : on va laisser du temps pour permettre la répartition du FPIC, c'est-à-dire 2 mois de plus. S'il y a des difficultés locales, n'hésitez pas à nous en faire part. Par ailleurs la crise va poser à nouveau la question de la solidarité entre les collectivités territoriales. Le FPIC est bloqué mais ça fait plusieurs années que l'on dit qu'on peut regarder les choses. C'est un sujet dont le Parlement peut parfaitement s'emparer, en particulier le Sénat.
Concernant la relance de l'investissement, il y a les enjeux de libération et les enjeux financiers. Sur les enjeux d'assouplissement des règles existantes, se pose la question d'assouplir la doctrine d'utilisation de la DETR et de la DSIL. On fait travailler la direction générale des collectivités locales (DGCL) sur ce point. Aujourd'hui, quand on a une notification de DETR ou de DSIL, elle est obligatoirement attribuée au projet pour lequel la commune a déposé un dossier. Or on voit bien, avec les élections municipales et avec la crise actuelle, que d'autres projets peuvent désormais être prioritaires. Nous allons permettre aux préfets de disposer de souplesse sur des bascules d'enveloppes pour des notifications déjà faites. On va aussi réinterroger les projets qui sont en panne, non pas pour réformer une décision d'attribution de subvention mais pour regarder avec les élus si les projets ciblés vont bien être menés.
On va également assouplir les règles de marchés publics : le relèvement des seuils de dispense de publicité et de mise en concurrence de 25 000 euros et 40 000 euros n'a pas encore complètement créé ses effets dans les territoires. On a également des seuils à 90 000 euros pour certains types d'achat. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire sont ouverts à ce qu'on continue à regarder comment assouplir les marchés publics. Mais je rappelle que dans la loi « Engagement et proximité » nous avons collectivement introduit le pouvoir de dérogation des préfets pour aller jusqu'à 100 % de subventions pour un maître d'ouvrage sur certains types de travaux, notamment en ce qui concerne le patrimoine. Je rappelle aussi que la Caisse des dépôts et consignations a développé beaucoup de produits ces dernières années - les aqua-prêts, par exemple, pour les investissements en matière d'eau potable et d'assainissement - mais on peut continuer à imaginer des choses. Ce qu'il faut, c'est faire système et faire simple, notamment pour les collectivités les plus petites. Je crois beaucoup à la politique des petits travaux, notamment en milieu rural, avec le seuil de 40 000 euros qui permet d'intéresser les PME et TPE de proximité. Il est clair que ce volet relance méritera une communication spécifique devant le Parlement.
Monsieur le Président Philippe Dallier, vous avez dit que les recettes diminuent pour tout le monde - c'est vrai - et que les dépenses augmentent pour tout le monde. Il faut le documenter parce qu'un certain nombre de collectivités font paradoxalement aussi des économies sur certains postes, notamment à travers l'annulation d'évènements.
Sur la Métropole du Grand Paris, je le redis, il faut bouger, et l'équation financière va rendre les choses inéluctables. Les questions financières vont rejoindre les questions institutionnelles. Je souhaite que, dès le déconfinement, on puisse réunir un certain nombre d'acteurs politiques, économiques et institutionnels de l'Île-de-France, en faisant attention au calendrier électoral. Sur les établissements publics territoriaux (EPT), le sujet repose essentiellement sur la CFE. Il y avait également des transferts de fiscalité économique qui devaient se faire entre les EPT et la métropole. Je ne vais pas le traiter spécifiquement ce matin mais sachez que j'en ai conscience.
Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli et Monsieur le rapporteur général, vous avez bien fait d'évoquer le sujet du taux réduit de TVA pour les masques et équipements de protection personnelle. L'arrêté est signé mais non encore publié.
Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez raison de rappeler le rôle des collectivités. Mais je n'irai pas regarder qui en fait le plus et qui en fait le moins dans le confinement comme dans le déconfinement. Moi qui aime l'État autant que j'aime les collectivités territoriales, je pense qu'il y a la famille de la puissance publique et que chacun essaye de remplir son rôle. Après, on peut faire une lecture politique de ce que chacun fait. Si je devais en faire un peu, je pourrais très bien dire que le fonds de solidarité pour le soutien de notre économie représente 7 milliards d'euros dont 6,25 milliards abondés par l'État, 500 millions d'euros par les régions et 250 millions d'euros par les assureurs. La part de l'État représente donc 90 % du dispositif. Chacun fait à la mesure de ses moyens et des compétences dont il dispose.
Concernant les bonnes pratiques des intercommunalités, il y en a beaucoup. Est-ce qu'il faut les circulariser ? C'est toujours curieux au nom de la libre administration des collectivités territoriales que le Gouvernement puisse montrer des bonnes pratiques.
Si les intercommunalités souhaitent faire un geste sur la CFE, elles ont jusqu'au 3 juillet pour en abaisser le taux.
Monsieur le sénateur Jean-François Husson, concernant la prise en charge des dépenses afférentes aux masques, les dates créent toujours un effet de seuil. Le 13 avril est une date que l'on sait justifier : c'est la date à laquelle le Président de la République a annoncé le déconfinement au 11 mai. On aurait pu se lancer dans une usine à gaz en ciblant certaines catégories de collectivités, mais on a fait le choix de cibler toutes les collectivités en partant du principe que les plus grosses et les plus riches aideraient les plus petites et les plus pauvres à irriguer le territoire de masques grand public. On le fait en outre de manière souple : date de facturation et non date de livraison. Les collectivités devront adresser la facture à la préfecture et c'est ensuite l'État qui remboursera. Très franchement, je crois qu'on ne sait pas faire plus simple dans des délais aussi brefs, sans regarder à la dépense.
Concernant la clause de compétence générale, c'est un débat qu'il faut avoir tous ensemble : est-ce qu'il est souhaitable d'y revenir ? Je suis pour la souplesse mais ça n'améliorerait pas les choses en termes de lisibilité. Au moment où les départements vont avoir des difficultés financières importantes, ce serait les soumettre à nouveau à une pression politique de nos concitoyens pour qu'ils se réintéressent à beaucoup de choses alors qu'intervenir en faveur des personnes en fragilité sociale, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, représente déjà un champ de dépenses très important. Je suis à la disposition du Parlement pour traiter ce sujet, mais il faut le faire à voix haute et non par à-coups. Le Président Muselier est très hostile à ce que les départements reviennent sur le champ économique. Il faut aussi que les associations d'élus se parlent entre elles et que Territoires Unis dise des choses claires sur la clause de compétence générale.
Enfin, on ne peut pas installer les maires et leurs adjoints par vote électronique, car leur élection se fait au suffrage universel indirect et que l'article 3 de la Constitution précise que le suffrage universel est égal et secret. Or la visioconférence ne permet pas le vote secret. Ce serait donc manifestement inconstitutionnel. On peut tout faire de manière dématérialisée sauf les élections au suffrage universel et j'ajouterais, par précaution, la constitution des commissions d'appel d'offres (CAO).
Concernant le second tour, les règles de droit électoral continuent de s'appliquer. La commission nationale des comptes de campagne et le juge des élections peuvent donc continuer à regarder ce que les équipes sortantes sont en train de faire. La même prudence qui s'appliquait 6 mois avant le premier tour continue de s'appliquer entre le premier tour et le second tour des élections
M. Roger Karoutchi. - Je veux revenir sur ce qu'ont dit Christine Lavarde et Philippe Dallier. La vérité c'est que l'Île-de-France va très sévèrement être touchée : la baisse des DMTO va être forte à Paris et dans les Hauts-de-Seine, la part de TVA représente une ressource importante pour la région Île-de-France et toutes nos communes sont extrêmement fragilisées parce que ce sont de grosses communes qui ont dû s'engager auprès de la population pour fournir des masques, voire des tests ou du gel, et nous avons donc par définition beaucoup de difficultés à voir l'avenir. Que fait-on par ailleurs pour les établissements publics territoriaux (EPT) ? La réflexion sur les différentes strates de l'Île-de-France est engagée depuis longtemps et est depuis longtemps contradictoire, y compris de la part de l'exécutif, mais il faudra bien arriver à un moment à une simplification. Peut-être que cette crise sanitaire et financière va permettre d'avancer. Je souhaite qu'on regarde de très près les pertes financières lourdes des communes, des départements et de la région Île-de-France.
Je reviens également sur ce que disait Charles Guené. Monsieur le Ministre, vous venez de dire que les équipes sortantes sont toujours dans la situation d'un entre-deux-tours : cela devient totalement invraisemblable. On ne peut pas dire aux équipes sortantes d'intervenir auprès de la population et de ne pas laisser les gens dans l'inquiétude et, dans le même temps, leur dire qu'elles sont toujours dans une situation d'attente du second tour. Les équipes sortantes ne vont pas distribuer des masques si on réintègre ces dépenses dans les comptes de campagne. Sincèrement, comment peut-on continuer de dire que l'on veut déconfiner, qu'à partir du premier juin bien des lieux et commerces supplémentaires seront ouverts, sans fixer également définitivement la date du deuxième tour à la fin juin, avec des conditions sanitaires extrêmement strictes et des contrôles, pour sortir du non-dit sur le deuxième tour et ne pas laisser les élus dans l'incapacité de faire de vrais choix ? La mairie de Colombes n'ose plus avancer sur le chantier des Jeux Olympiques de 2024, la mairie de Courbevoie n'ose plus avancer sur les grands chantiers de la Défense. Nous avons stoppé un certain nombre de très grands chantiers. L'investissement public de nos collectivités est en panne tant que le deuxième tour n'a pas lieu.
Mme Frédérique Espagnac. - Merci pour ces éclaircissements sur la DSIL et la DTER. Je voulais pour ma part lancer une alerte sur la DGF, notamment dans les départements ruraux. Si la DGF est stable cette année, un certain nombre de communes a subi entre 2019 et 2020 une baisse de DGF de plus de 60 %. Au vu des nouvelles dépenses qui ont dû être engagées pour faire face à la crise du covid-19, celles-ci sont désormais en difficulté. Que comptez-vous faire pour ces communes ?
M. Patrice Joly. - Je voudrais pour ma part évoquer quatre points.
Premièrement, cette crise a mis en évidence certains dysfonctionnements des services de l'État dans les territoires. Elle a témoigné de la difficulté de l'État à organiser la coordination des initiatives prises par les collectivités locales, comme l'illustre le déplorable épisode des réquisitions de masques. Nous subissons là les conséquences du désossage de l'État constaté sur les dernières décennies.
Deuxièmement, cette crise nous invite à poser la question de l'organisation institutionnelle. Nous assistons à une remise en cause de l'organisation institutionnelle locale dite « moderne », organisée autour des intercommunalités, les régions et l'Union européenne, par opposition à l'organisation fondée sur les communes, les départements et l'État. Les communes ont constitué un échelon de proximité essentiel dans la crise. Les départements, de par leurs compétences sociales, ont répondu présents. Les autres niveaux de collectivités ne sont intervenus que dans un second temps et sans prendre en compte les problématiques humaines. On s'aperçoit que cette organisation « moderne » relève d'une approche strictement économiciste, niant la dimension humaine. Ce constat nous conduit à poser la question d'un retour de la clause générale de compétence. Les départements peuvent jouer un rôle utile en matière économique, notamment pour accompagner les projets des TPE et des PME, et ainsi participer à la relance. Par ailleurs, on observe que tous les niveaux de collectivités sont intervenus en matière de protection sanitaire : l'absence de clause générale de compétence est dans ce contexte source d'insécurité juridique.
Troisièmement, je souhaitais soulever la question des collectivités les plus fragiles, que la crise risque de fragiliser encore davantage. Je pense notamment aux départements ruraux. Sur ce point, la question des DMTO et des allocations de solidarité a déjà été évoquée.
Quatrièmement, j'aimerais aborder le sujet de la relance. L'association des maires ruraux de France (AMRF) a lancé une démarche intéressante en la matière. La relance peut aussi se faire par le local, et il ne faut pas oublier ce que les territoires ruraux peuvent apporter. J'aimerais revenir sur le sujet de l'agenda rural sur lequel nous avions travaillé l'an passé. Un changement de braquet s'impose en matière financière. Il y a une vraie attente des populations sur la question des fonds européens et de la politique agricole commune, dont les crédits sont en diminution. Nous devons prendre en compte la valeur ajoutée des territoires ruraux pour l'ensemble de l'économie, au-delà de leur développement propre. Trois enjeux doivent à cet égard être pris en compte : le numérique, la relocalisation des industries, et enfin la rénovation des coeurs de ville, en particulier des logements.
Enfin, j'aimerais ajouter la question du pouvoir d'achat de nos concitoyens. J'ai peur que la paupérisation constatée ces dernières années ne soit accentuée par la crise. Les artisans, les commerçants et les travailleurs indépendants ne bénéficient pas à cet égard des mêmes protections que les salariés, qui sont éligibles au chômage partiel.
Mme Sylvie Vermeillet. - Je voudrais attirer votre attention, dans la perspective du troisième projet de loi de finances rectificative, sur la situation des établissements publics qui gèrent en régie des activités touristiques et culturelles, comme les établissements de thermalisme ou les campings. Ces établissements échappent aux plans de soutien. Ils sont aujourd'hui fermés et ne génèrent pas de recettes. Leurs difficultés de trésorerie sont grandissantes. Leurs agents contractuels ne sont pas éligibles au chômage partiel, alors même qu'ils cotisent à l'assurance chômage. Avez-vous prévu des réponses à apporter à cette situation ?
Ma deuxième question porte sur l'abondement possible des collectivités aux fonds de solidarité. Les abondements au fonds national de solidarité peuvent être inscrits en section d'investissement. Pouvez-vous nous préciser ce qu'il en est concernant les abondements des EPCI aux fonds régionaux ?
M. Bernard Delcros. - Le premier sujet que je souhaiterais aborder est celui des DMTO. Au-delà de cette baisse globale des DMTO, évaluée à 4 milliards d'euros, un effet secondaire doit absolument être traité. Il s'agit de l'impact de cette baisse sur la péréquation, ce qui pourrait conduire à fragiliser encore davantage des départements en difficulté.
Ma seconde question porte sur l'impact de la réforme de la fiscalité locale votée en loi de finances initiale pour 2020 sur le potentiel fiscal des collectivités. Ce sujet, malgré la crise, ne doit pas être laissé de côté.
Troisièmement, j'aimerais souligner l'importance d'apporter aux départements des garanties sur les recettes de TVA qu'ils percevront en compensation de la perte des recettes de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Enfin, je souhaiterais formuler la proposition suivante concernant la DETR et la DSIL : eu égard à cette période de flottement dans le renouvellement des conseils municipaux, il serait opportun de proroger d'un an les délais d'engagement et de clôture des opérations d'investissement.
Je considère par ailleurs que rien ne s'oppose à une installation, dans des conditions sanitaires satisfaisantes, des conseils municipaux élus au premier tour à compter du 11 mai.
M. Jean-Marc Gabouty. - Je ne partage pas l'avis de certains de mes collègues sur le calendrier électoral. Dans les grandes et moyennes collectivités, la pire des choses serait de mélanger la remise en marche des services publics locaux et une campagne électorale. Toutefois, que pensez-vous de la proposition de prévoir un régime particulier pour les communes de moins de mille habitants ?
Je pense que l'impact de la crise sera faible sur 2020 en raison du décalage d'une grande partie des recettes, comme la CFE ou la CVAE. Par ailleurs, si on a des dépenses supplémentaires, certaines diminuent à l'inverse. En effet, plusieurs services ne fonctionnent pas tandis que des programmes d'investissement sont pour l'instant à l'arrêt. Pourriez-vous préciser vos projections sur les incidences financières en 2021 ?
La relance par la demande pourrait être aléatoire ou poussive. Une relance par l'investissement privé m'apparait compliquée car, par exemple, on peut difficilement croire qu'on construira plus d'avions. Dans ce contexte, le plan de relance devra sans doute reposer sur une hausse de l'investissement public même si des incertitudes se manifestent. Je pense, par exemple, à l'annonce du Président de la SNCF d'une réduction du montant du plan d'investissement de son entreprise.
Comment envisagez-vous de soutenir ou d'inciter les collectivités territoriales à investir ? On pourrait envisager la possibilité d'autoriser des lancements de travaux avant la notification de DETR.
Enfin, pourquoi refusez-vous d'assouplir les règles d'intervention des collectivités territoriales auprès des petites entreprises ?
M. Jean Bizet. - Madame la ministre je vous ai récemment fait parvenir un courrier concernant les règles des marchés publics qui s'appliquent aux collectivités territoriales qui ont engagé ou s'apprêtent à réaliser des investissements. Le covid-19 fait que les conditions d'exécution des marchés de travaux ont changé. Il faudrait une plus grande simplicité pour déposer des avenants. Il se pose également la question des subventions auxquelles ces collectivités territoriales avaient droit en référence à un pourcentage du coût des investissements. Comment comptez-vous tenir compte de leur évolution ?
Ensuite, je m'interroge sur la réouverture des plages. Elle n'est pas programmée avant le 1er juin 2020. Or, l'économie littorale représente 250 000 emplois. Ne pourrait-on pas imaginer une réouverture par phase en fonction des départements ?
J'ajoute à cette problématique la réouverture de la pêche à pied. L'absence d'autorisation à exercer à nouveau cette pratique pourrait être vécue comme une punition par nombre de nos concitoyens alors qu'elle ne pose pas de problème sanitaire.
Enfin, je pense que l'injection de fonds publics dans le secteur du transport aéronautique ne suffira pas sans réflexion sur la différence de charges sociales entre les différents pays. Il faut remettre à plat cette question. Ces compagnies transportent des passagers mais également l'image de la France.
M. Philippe Adnot. - Heureusement que des masques ont été achetés avant la date de référence, autrement la rentrée scolaire et la reprise de l'activité se feraient difficilement.
Il n'y a pas de consensus sur la participation des départements aux mesures de soutien à l'économie. Dans mon département, nous participons à ce soutien à la demande du Président de la région Grand-Est. Quand on demande aux départements de s'occuper du social, il faut rappeler que les difficultés des entreprises créent à terme des enjeux sociaux. De même, certains départements ont maintenu des laboratoires vétérinaires alors que c'était à la limite de leurs compétences. On est bien heureux de les trouver aujourd'hui. Pensez-vous prendre une initiative pour soutenir ces départements et leurs laboratoires en particulier dans leur effort de modernisation ?
M. Emmanuel Capus. - Je souhaite apporter un complément sur l'installation des conseils municipaux. J'ai posé la question au Premier ministre lors des Questions au Gouvernement et il a répondu que le conseil scientifique avait été saisi de cette question. Il a estimé que les conseils municipaux pourraient être installés « très avant la fin mai ». J'imagine que vous n'avez pas d'informations supplémentaires à ce stade ?
Je voudrais apporter un bémol sur l'évolution des recettes des collectivités territoriales dans le domaine culturel. Les collectivités territoriales sont obligées d'annuler leurs festivals et d'autres évènements, ce qui s'accompagne d'une perte de recettes en billetterie, par exemple. A l'inverse, je ne crois pas que l'on constatera une baisse de dépenses. En effet, il va falloir que les collectivités territoriales soutiennent le tissu culturel local. Il faudra une action sur ce sujet.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je vais d'abord répondre à Madame la sénatrice Frédérique Espagnac. Concernant la DGF, naturellement il peut arriver qu'il y ait des baisses très importantes comme elle en a citées mais cela signifie souvent que la DGF représente une très faible part des recettes de la collectivité. Vous savez qu'il y a même des communes qui ne reçoivent plus de DGF parce qu'elles ont une richesse potentielle très élevée. Pour 87 % des communes, la baisse ou la hausse de la DGF représente moins de 2 % des recettes de fonctionnement, c'est-à-dire moins de 1,5 % des budgets totaux. Certaines baisses sont dues à la diminution de la population. Par ailleurs, les variations de DGF sont dues à la péréquation. Même si j'ai entendu tout à l'heure qu'il faudrait revenir sur les indicateurs de péréquation, je rappelle que la péréquation de la DGF favorise les communes rurales et très rurales. Je pense que la DGF est restée globalement un instrument de stabilité et de péréquation intéressant.
Je vous ai trouvé bien pessimiste Monsieur le sénateur Joly ce matin. Il peut y avoir eu ici ou là des dysfonctionnements mais, d'une manière générale, les services de l'État ont été présents sur les territoires et ont répondu aux besoins liés à la situation de crise. Je ne voudrais pas qu'on tombe dans une caricature qui ferait penser que l'État - ou les collectivités territoriales - n'ont pas été au rendez-vous. Je suis très respectueuse de l'État et des collectivités territoriales. On ne pourra jamais comparer les uns aux autres. Ce qui n'empêche pas de repenser éventuellement une réorganisation de l'État sur les territoires. Beaucoup d'élus s'expriment déjà en ce sens, en tirant les leçons de ce qui a marché et moins bien marché.
Je ne reviens pas sur la relance de l'économie parce que je me suis déjà exprimée.
Je précise tout de même, en réponse à une question posée, que lorsqu'il y a des aides économiques apportées par les EPCI aux régions, elles ne peuvent pas être imputées en investissement. La seule exception est celle de la contribution au fonds de solidarité national. Mais nous sommes en train de réfléchir avec Sébastien Lecornu à la possibilité de permettre aux collectivités de lisser ces dépenses sur plusieurs exercices.
Je souhaite dire, en réponse à Patrice Joly, que je suis très consciente de la nécessité d'aider les petites villes comme cela a été fait pour les villes moyennes et que le programme « Petites villes de demain » avance. Nous avons beaucoup travaillé pendant cette période de confinement avec tous les acteurs qui accompagnent cette démarche, et vous prêchez une convaincue lorsque vous rappelez l'importance du numérique. Plus que jamais, le numérique a montré son utilité dans cette crise. Nous avons écrit sans arrêt pendant cette période aux acteurs du numérique et aux collectivités territoriales, pour rappeler qu'il ne fallait pas bloquer les autorisations de travaux afin que se développe, partout en France, le numérique. J'ai entendu également ce que vous disiez sur la relocalisation dans les zones rurales. C'est un sujet très important.
Madame la sénatrice Sylvie Vermeillet, je voulais vous dire que le chômage partiel ne concerne que les contrats de droit privé pour des activités purement économiques. En revanche, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit concernant les contraintes du service public et notamment ceux qui ont des régies : je rappelle que le budget principal peut abonder les budgets annexes de services publics industriels et commerciaux (SPIC) lorsque les contraintes du service public conduisent la collectivité à des difficultés particulières de fonctionnement. On peut donc travailler sur cette base.
Le sénateur Bernard Delcros a parlé des effets secondaires des fonds de péréquation sur les ressources des collectivités locales et je sais qu'il est très attaché à cela, nous en avons souvent parlé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé une démarche de travail avec les collectivités territoriales, notamment au sein du comité des finances locales (CFL), mais aussi avec les parlementaires, sur les indicateurs financiers. Il faudra regarder les conséquences qu'a l'évolution de ces indicateurs sur la situation financière des collectivités territoriales, nous ne l'oublions pas.
Quant au fait de proroger au-delà de deux ans les travaux, les préfets peuvent déjà le faire. J'en profite pour rappeler que dans une décision récente, le conseil des ministres a décidé de prolonger l'expérimentation qui avait été faite dans trois régions concernant le droit de dérogation des préfets. Ça a été étendu à l'ensemble du territoire français. C'est une des souplesses qui était régulièrement demandée par les élus lors des réunions de concertation que j'ai faites sur le projet de loi « 3D ».
Je remercie le sénateur Emmanuel Capus qui a rappelé les précisions données par le Premier ministre hier concernant la mise en place des conseils municipaux élus au premier tour. Elle va se faire assez rapidement.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. - Monsieur le ministre Roger Karoutchi, c'est une réalité que les collectivités franciliennes vont être très touchées. Je n'ignore pas que l'on parle beaucoup de collectivités fragiles et que l'on oublie souvent les collectivités franciliennes. Cela méritera un travail spécifique.
Concernant la Métropole du Grand Paris, si les positions entre les uns et les autres étaient si conciliables, cela se saurait. Évidemment, l'inquiétude que je peux avoir est que le calendrier électoral nous empêche de bâtir un consensus. En tout cas, je le redis, je m'y emploierai puisque le redémarrage de l'économie francilienne passe par une clarification pour les citoyens et les acteurs économiques de la gouvernance institutionnelle en Île-de-France, ce qui n'est pas un petit sujet.
Vous dites également que le second tour est encore en cours. Je rappelle que d'aucuns faisaient des commentaires il y a peu en disant que le maintien du premier tour le 15 mars dernier était incroyable. Je m'en tiens à la loi de la République, celle que vous avez votée, et qui dit qu'un rapport qui s'appuiera sur les travaux du conseil scientifique sera remis au Parlement le 23 mai au plus tard. Il permettra de décider si le second tour des élections municipales se tient fin juin ou est reporté sine die. Au moment où l'on se parle, l'hypothèse de la tenue du second tour fin juin n'est pas écartée. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation mais, vous avez raison, clore le calendrier électoral est le meilleur moyen de relancer notre économie. Il faut toutefois procéder avec méthode.
Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, la ministre vous a répondu. La baisse de la DGF est souvent due à une baisse de population et à des mouvements de potentiel financier. Le potentiel financier évolue parce qu'il y a eu une refonte de la carte des intercommunalités liée à la loi NOTRe. Il y a eu beaucoup d'évolution de la DGF en 2018, c'est la raison pour laquelle - et je ne remercierai jamais assez vos collègues Charles Guené et Claude Raynal qui nous y ont aidés - des garanties de sortie de la DSR cible ont été mises en place. Encore cette année, certaines communes voient leur DGF diminuer parce que leur potentiel financier a augmenté, mais c'est toujours lié à la loi NOTRe. Ce sera la dernière année. Ce qui compte, c'est de regarder ce que représente la baisse de DGF sur l'ensemble des recettes réelles de fonctionnement. 291 communes dans le pays ont une baisse de recettes réelles de fonctionnement supérieure à 5 % en raison d'une baisse de la DGF mais ce sera, je le redis, la dernière année.
Monsieur le sénateur Patrice Joly, je partage votre propos sur la proximité. Le couple maire-préfet est au coeur de la stratégie de déconfinement. Vous parlez de désossage de l'État. Je ne parlerai pas de désossage mais d'agenciarisation de l'État d'une part et de régionalisation d'autre part. Quand on fait des grandes régions, on perd en proximité. C'est une belle réflexion pour la suite de l'organisation. La Ministre travaille dessus avec le projet de loi « 3D » et les principes de subsidiarité. Je crois, moi aussi, beaucoup à la proximité, en particulier pour la gestion de crise. Vous vous dites surpris que je puisse être contre le retour de la clause générale de compétence. J'ai combattu la loi NOTRe mais, de fait, est-ce que c'est en reventilant encore le champ des compétences actuelles que l'on va rendre service aux collectivités locales ? Cela mérite un débat, qu'il faut tenir à l'aune des priorités actuelles.
On voit bien que la question du grand âge mérite un investissement important et est un sujet très noble à bien des égards et que les départements ont un rôle à jouer formidable. Je ne parle même pas de l'accès aux soins et de la démographie médicale, pour lesquels beaucoup de conseils départementaux font des choses incroyables. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels les institutions départementales ont un véritable avenir, alors que certains voulaient bêtement les enterrer ou les supprimer.
Concernant la réflexion à avoir sur la péréquation entre départements, c'est un élément important de la mission confiée à Jean-René Cazeneuve. Il est possible de faire des propositions pour la loi de finances de l'année prochaine.
Concernant la réforme de la taxe d'habitation, la Ministre y a répondu : la balle est dans le camp du comité des finances locales (CFL). Un certain nombre de mécanismes éviteront que tout ne bouge au sein de la DGF en 2021.
Sur la DETR et la DSIL, je suis ennuyé parce qu'autant je vous ai dit que je suis favorable à de l'assouplissement, autant votre demande conduirait à reporter des autorisations d'engagement (AE). Je pense que l'on peut imaginer quelque chose d'intermédiaire mais reporter les AE n'est pas, à mon avis, la meilleure des réponses. La relance par la demande nécessite des crédits de paiement réels et rapides plutôt que des autorisations d'engagement qui seraient reportées sine die.
Concernant l'installation des conseils municipaux, la saisine du conseil scientifique a été faite hier matin. On a devancé le calendrier. On attend le rapport scientifique mais on a bon espoir de les installer très rapidement. Sur le régime particulier pour les communes de moins de 1 000 habitants, les choses ne sont pas complètement arrêtées mais je vous donne mes convictions profondes que j'espère vous communiquer. Je suis un fervent militant de l'installation la plus rapide possible des conseils municipaux complets issus du premier tour des élections municipales et je redoute toute solution intermédiaire consistant à installer des conseils municipaux incomplets. Premièrement, si tous les postes n'ont pas été pourvus, c'est parce que les électeurs l'ont voulu. Deuxièmement, il y aura un problème en termes de clarté, on aura une espèce de maire temporaire. Enfin, souvent le moins bien élu est le maire : on pourrait donc se retrouver avec un conseil municipal au complet avec un maire sortant qui n'a pas terminé son élection. Il y a 5 000 communes dans lesquelles les élections municipales ne sont pas terminées, il faut renvoyer leur situation au débat sur le second tour. Le Parlement en décidera. Pour ma part, j'aime les choses carrées que l'on est capable d'expliquer en une phrase à nos concitoyens.
Concernant les plages, on n'a pas prévu de réouverture avant le 1er juin. Je m'engage à relayer votre demande auprès de Christophe Castaner.
Enfin, pour répondre au sénateur Emmanuel Capus, le ministre Franck Riester travaille à un plan d'accompagnement pour la culture, parce que c'est un secteur bien à part.
M. Vincent Éblé, président. - Merci Monsieur le ministre, Madame la ministre, de vos éclairages. Mes chers collègues je vous remercie de votre participation.
La téléconférence est close à 11 h 20.
Jeudi 7 mai 2020
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La téléconférence est ouverte à 17 h 35.
Audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques (DGFiP)
M. Vincent Éblé, président. - Nous recevons aujourd'hui, par visioconférence, M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, pour la deuxième fois après une première audition par notre commission le 2 octobre dernier. J'avais alors fait remarquer que la direction générale des finances publiques (DGFiP) est au coeur de toutes les réformes et de toutes les problématiques auxquelles doit faire face le Gouvernement. C'est aujourd'hui plus vrai que jamais.
Vous avez été chargé de mettre en place très rapidement un fonds de solidarité à destination des entreprises. Vous attribuez directement les aides du premier volet. Vous nous parlerez sans doute également de la mise en oeuvre du second volet, à savoir des aides complémentaires, qui font l'objet d'une instruction par les conseils régionaux et d'une attribution par les préfets.
Les nombreuses attributions de votre direction font de vous un témoin privilégié de la situation des comptes de l'État et des collectivités territoriales - nous nous y intéressons avec vigilance. Vous pourrez certainement compléter les informations qui ressortent de la situation mensuelle du budget de l'État publiée ce mardi, qui s'arrêtait à la fin mars : on y voit déjà les effets des dépenses de financement du chômage partiel, de l'accélération des remboursements de TVA et du report de paiement des échéances fiscales. Sans doute aurez-vous des éléments à nous apporter sur le mois d'avril et sur les perspectives des prochains mois.
Votre précédente audition était surtout consacrée aux moyens internes de la DGFiP elle-même, qui supporte la majorité des suppressions d'effectifs prévue cette année. Nous serons tous intéressés, à commencer par les rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, de connaître l'impact de la crise sanitaire sur le fonctionnement de votre direction générale.
En résumé, nous attendons votre éclairage sur l'impact de la crise sanitaire dans toutes les dimensions qui relèvent de la compétence de la direction générale des finances publiques.
M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques. - Dès le 16 mars, la DGFiP a mis en place un plan de continuité d'activité (PCA), qui comprenait de nombreux volets : la poursuite du paiement des salaires des fonctionnaires et des agents publics, des pensions des agents de l'État, des dépenses dues aux collectivités locales pour qu'elles poursuivent leur activité, ainsi qu'aux trésoreries des hôpitaux. Nous avons assuré la continuité des encaissements et des recouvrements de recettes - TVA, prélèvement à la source et autres impôts. Nous exerçons aussi quelques activités qui sont un peu moins dans notre champ immédiat de compétence, mais nécessaires, comme des opérations d'enregistrement ou des réponses à des réquisitions de notaires, afin d'assurer un minimum de continuité de ces opérations.
Les activités liées à la crise, inhabituelles pour nous, sont de deux natures : d'une part, le report d'échéances fiscales, très importantes pour les acomptes de mars et avril. Nous accueillons avec bienveillance les demandes des entreprises en stress financier qui en ont besoin. D'autre part, nous avons mis en place, dans un temps record, le fonds de solidarité avec ses différents volets pour secourir les indépendants et les très petites entreprises.
Durant la période d'application du plan de continuité de l'activité, la DGFiP est à environ 40 % de son potentiel, avec 20 % de nos effectifs en présentiel et 20 % en télétravail, avec une mobilisation très forte. Nous avons fait des travaux très lourds en développement informatique pour le fonds de solidarité, acheté des équipements pour le télétravail et redistribué le matériel. Le dialogue social a été très riche durant cette période. Dans les premiers temps, nous avions une audioconférence quotidienne avec les organisations syndicales pour assurer le bon fonctionnement de la direction, et j'échange de nombreux messages avec les agents.
Hier, seuls trois postes comptables étaient fermés sur les 3 500 existants, et il n'y en a jamais eu plus d'une cinquantaine durant la période - nous fermions immédiatement tout poste où il y avait un malade, avant de le rouvrir quelques jours après.
J'insisterai sur trois sujets. Dès le début du confinement, au 15 mars, nous avions des échéances fiscales importantes comme les versements mensuels de taxe sur les salaires ou d'acomptes trimestriels d'impôt sur les sociétés (IS). Nous avons fait preuve de bienveillance, avec soit le remboursement de l'acompte, soit en leur demandant de bloquer leur prélèvement en cas de difficulté financière. Bien évidemment, cela ne valait que pour ces échéances et ces impôts. Pendant toute la période, le service des impôts des entreprises (SIE) et la direction des grandes entreprises (DGE) étaient extrêmement mobilisés pour fournir des informations à toutes les entreprises en ayant besoin, tout en faisant preuve de compréhension. Nous avons traité plusieurs milliards d'euros de différés de prélèvement pour plusieurs dizaines de milliers d'entreprises.
Le fonds de solidarité a été organisé en une douzaine de jours. Dès début avril, il a fourni aux entreprises ayant moins de dix salariés et réalisant moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires une aide d'urgence de 1 500 euros maximum, si ces entreprises avaient perdu en mars 2020 au moins 50 % de leur chiffre d'affaires par rapport à mars 2019, ou par rapport aux mois antérieurs pour les entreprises les plus récentes. Ce fonds a été beaucoup modifié, étendu, et un deuxième étage est pris en charge par les conseils régionaux. La DGFiP n'est pas instructeur de ce deuxième volet, contrairement au premier, mais elle assure le paiement et la collecte des ressources venant des régions et des entreprises privées - notamment des assureurs. Son action se poursuit.
Dernier chantier, nous sommes en veille permanente sur la trésorerie des collectivités territoriales pour détecter des signes avant-coureurs de fragilité. Nous nous mettons à la place des collectivités territoriales lorsque certaines ont des difficultés pour ordonnancer leurs dépenses, afin d'assurer la continuité, ici ou là.
Parallèlement, nous avons développé progressivement une activité de contrôle de l'honorabilité des fournisseurs des collectivités, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des hôpitaux et de l'État, qui ont commandé notamment beaucoup de masques et du gel hydroalcoolique. Certaines personnes mal intentionnées profitent de la situation... Nous faisons des contrôles sur mesure, en lien avec Tracfin et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), pour apporter très rapidement des éléments d'appréciation sur les fournisseurs. Fin avril, nous avions déjà répondu à plus de 500 demandes, souvent en quelques heures, au maximum en quarante-huit heures.
Nous avons parfois dû faire de multiples contorsions, notamment pour la paie de l'État, en raison de la raréfaction du personnel dans les services ordonnateurs et des services gestionnaires. Dès la fin mars, nous avons mis en place une paie simplifiée pour avril, qui ne permettait pas de prendre en compte la totalité des changements d'échelon, des comptes épargne-temps, etc. Mais à partir de mai, cette activité redeviendra normale.
À partir de lundi 11 mai, nous aurons un plan de reprise de l'activité très complet, avec une remontée en puissance de nos missions. Nous avons différé légèrement, mais maintenu la campagne d'impôt sur le revenu, très importante pour notre direction. La date de lancement a été différée de quelques jours, et les échéances sont un peu plus lointaines : un mois après pour la déclaration papier, plusieurs jours pour la déclaration internet. La campagne se passe bien, mais, avec le déconfinement, nous sommes amenés à prendre des dispositions complémentaires pour accueillir le public sur rendez-vous - nous ne le faisions plus, physiquement, durant le plan de continuité de l'activité. La mobilisation a été extrêmement forte.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ma première question porte sur le recouvrement des impôts. Nous avons voté, dans le premier et le deuxième projets de loi de finances rectificative (PLFR), des pertes importantes de recettes fiscales. Disposez-vous de chiffres actualisés sur l'IS, la TVA et la TICPE, notamment au vu des derniers décaissements ? La perte de recette de TVA prévue semble faible par rapport à la réalité : il y a eu très peu de consommation, malgré les commandes sur internet, et très peu de commerces ouverts, hormis pour l'alimentation.
Il n'y a quasiment plus aucune circulation automobile, donc je suppose également que le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) a chuté.
Je salue la mobilisation des services de l'État, et en particulier de la DGFiP, sur le fonds de solidarité. Des annonces fortes ont été faites dans certains secteurs, avec le doublement des seuils, pour étendre le dispositif aux entreprises de moins de 20 salariés et de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, et l'extension du second volet aux commerces n'ayant aucun salarié. Quand les mesures réglementaires seront-elles prises ? Ce matin même, j'ai été saisi par un traiteur parisien qui réalise entre 1 et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Lorsqu'il a voulu faire sa demande d'aide, le formulaire n'était pas encore adapté au changement de seuil. Est-ce en raison de l'absence d'un texte réglementaire ou du temps d'adaptation du formulaire ? Quand le formulaire sera-t-il modifié ? Ces extensions prévues s'appliqueront-elles seulement à compter du mois de mai ?
Sur la taxe sur les services numériques (TSN, ou « taxe Gafa »), Gérald Darmanin a indiqué que 270 millions d'euros avaient effectivement été collectés en 2019 sur les 400 millions d'euros attendus. On nous avait annoncé la suspension de l'application de cette taxe, mais selon quelles modalités juridiques ? L'autorisation de perception des impôts relève du Parlement... Dans quelle mesure une taxe peut-elle être suspendue sans modification législative ? Y aura-t-il une régularisation ? Nous avons eu deux PLFR successifs, sans mesure législative liée à la taxe GAFA. Est-ce une simple suspension-report ou un dégrèvement pour 2020 ? Auquel cas, il faut revenir devant le Parlement...
On parle de transformer les reports d'échéances fiscales en annulations, notamment pour les secteurs les plus impactés comme l'hôtellerie et le tourisme. S'il devait y avoir des mesures des dégrèvements ou des crédits d'impôt, quel serait le contour de la législation à prévoir, compte tenu du principe d'égalité devant l'impôt ? En général, la DGFiP procède à des annulations de pénalités, à des rééchelonnements, mais ne remet pas le principal - sauf en cas d'insolvabilité. Quels seraient les modalités d'un dégrèvement et les critères objectifs choisis ?
M. Jérôme Fournel. - Je ne m'aventurerai pas à regarder dans la boule de cristal pour avancer un chiffre de recettes fiscales obtenues à la fin de l'année. Nous vous avons présenté les meilleurs chiffres dont nous disposions lors de l'examen des textes financiers. Gérald Darmanin l'a dit lui-même, il y aura toujours des révisions, compte tenu des incertitudes sur la croissance, la reprise et l'impact sur le tissu économique de la pandémie.
Nous avons plutôt des signes que nos prévisions sont conformes. De nombreuses recettes arrivent en décalage avec l'activité économique - un mois pour la TVA par exemple. La situation fin avril ne résume pas la totalité de l'histoire. Il en est de même avec les acomptes d'impôt sur les sociétés au 15 mars qui n'auraient pas été reportés. Bien malignes auraient été les entreprises qui auraient su à quoi ressembleraient leurs bénéfices nets...
Fin avril, les recettes de TVA étaient en moindre repli que ce qu'on aurait pu craindre. Nous sommes globalement, depuis le début de l'année, sur une perte de TVA brute de l'ordre de 2,8 milliards d'euros. Ce n'est pas exceptionnel en volume par rapport à nos craintes. Les recettes de l'État résistent donc un peu à la crise.
Nous avons demandé aux entreprises qu'elles n'abusent pas du report si leur situation financière le leur permettait. Une partie significative des entreprises continue donc de payer l'impôt. Certes, il y aura des ajustements sur les modulations d'acomptes d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), afin qu'ils s'ajustent à la situation économique. Je n'évoquerai pas la TICPE, car c'est la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) qui la collecte, et non la DGFiP.
Certains mécanismes favorisent cette résistance des recettes de l'État, comme le prélèvement à la source : nous collectons directement auprès de ceux qui versent les revenus. La diminution des recettes est moins accentuée qu'elle ne pourrait l'être, même si nous devons être très prudents.
Le fonds de solidarité a été mis en place début avril. Nous rentrons dans son deuxième mois de fonctionnement. Nous sommes en train de payer les entreprises au titre d'avril, et non plus de mars. En quelques jours, les paiements ont énormément augmenté : nous avons réalisé plus de 2 millions d'actes de paiement, pour 2,5 milliards d'euros. Les entreprises peuvent nous solliciter à la fois au titre de mars et d'avril. Ces sommes très importantes ont été versées dans des délais relativement courts. Il y a eu une légère tension financière fin avril, juste avant que les nouveaux crédits de la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril ne soient débloqués. Désormais, nous payons en trois à quatre jours, au maximum six jours.
Le dispositif a été modifié plusieurs fois. Le décret doublant le seuil sera publié très prochainement, mais cette modification vaudra pour les aides au titre de mai et non d'avril. Nous avons élargi, dès le mois d'avril, le dispositif aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) et aux artistes auteurs.
Nous avons un taux de rejet faible, et lié à différents facteurs : l'aide est versée entreprise par entreprise ; or certaines personnes ont donné leurs coordonnées bancaires personnelles. En élaborant le dispositif à partir de « l'espace particulier » sur le site des impôts, nous pouvions filtrer et avoir des outils pour éviter les hackers et autres attaques malveillantes, afin de sécuriser le site et l'envoi du formulaire. Certains ont pu alors choisir de donner un compte personnel plutôt que professionnel. Il a fallu recaler durant quelques jours, afin de reverser les aides sur le bon compte. Actuellement, le taux de rejet lorsqu'on ne trouve pas le numéro SIREN ou que le compte bancaire ne passe pas est d'environ 3 % ; 97 % des demandes sont validées dans les délais. Le dispositif fonctionne donc très bien, mais toutes les modifications prennent du temps. Nous devons avoir un texte réglementaire signé et promulgué avant de pouvoir mettre en oeuvre les modifications.
Pour la fiscalité du numérique, nous différencions complètement l'exercice de 2019 de celui de 2020. Nous recevrons le solde du paiement de la TSN pour 2019, qui sera payé normalement ; il complètera les acomptes versés en 2019. Cela nous rapprochera significativement de l'objectif chiffré, et ce sera supérieur à 260 millions d'euros.
Les acomptes au titre de 2020 ont été suspendus. C'est une mesure de trésorerie sur la TSN. Cette taxe peut être perçue, sous réserve de modifications éventuelles ; nous ne demandons pas aux entreprises de verser les acomptes. Nous reverrons ce sur quoi il faudra statuer en fin d'année. Nous sommes sur des modifications du dispositif d'acompte et non du principe même de la taxe. Cela rejoint ce que nous avons fait pour d'autres entreprises qui avaient des difficultés de trésorerie, en reportant le paiement d'acompte de mars d'IS. Nous l'avons fait de façon un peu prétorienne, mais cela ne change pas le calcul du montant de l'impôt.
Au-delà des mesures de trésorerie, de différé de paiement et de reports, se pose la question des dégrèvements ou des remises d'impôts. Habituellement, nous faisons des examens au cas par cas, dans le cadre de la commission des chefs de services financiers (CCSF), localement, ou bien au niveau national et dans le cadre de procédures collectives. Nous travaillons avec l'ensemble des créanciers, publics et privés pour que chacun fasse un effort pour aider à la survie de l'entreprise. Dans le cas présent, ce serait une procédure automatique pour les secteurs identifiés par le Président de la République lors de son intervention il y a quelques semaines et pour les secteurs fermés, évoqués plus récemment. Cette mesure de remise serait exceptionnelle. Selon un représentant d'une entreprise, lorsqu'une entreprise se trouve sans aucune ressource, elle est incapable de payer quoi que ce soit - nous le voyons même pour le paiement du chômage partiel - et sa situation devient très problématique. Or le Gouvernement veut s'assurer de la survie des acteurs économiques. Ce sont des mesures exceptionnelles, mais nous essayons de travailler dans ce cadre.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». - Je salue la forte mobilisation de vos agents. Cette réactivité ne nous étonne pas de la part de ces services publics. Si j'ai bien compris les chiffres, 60 % de vos agents ont une autorisation spéciale d'absence (ASA) ?
Pour le télétravail, compte tenu de la spécificité des données fiscales, le taux d'équipements dédiés - portables, logiciels sécurisés, etc. - pose problème. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Qu'en est-il aussi des annonces d'Olivier Dussopt pour une évolution vers plus de télétravail dans la fonction publique ?
Pour le plan de continuité des services publics, vous avez évoqué le travail du SIE sur le fonds de solidarité ; où en êtes-vous sur le remboursement accéléré des crédits de TVA ?
Le déconfinement commencera le 11 mai. Comment le service des impôts des particuliers (SIP) répondra-t-il aux demandes d'informations des contribuables ? Cinq millions de personnes se déplaçaient ; actuellement, elles doivent utiliser le téléphone ou le mail. Qu'en sera-t-il par la suite ?
Il y a des demandes de modulation pour le prélèvement à la source depuis le début de la crise. Sait-on quels montants représentent ces reports d'acomptes, voire leur suppression ?
Concernant le service de la publicité foncière, il y avait déjà un retard accumulé sur les renseignements hypothécaires pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). A-t-on pu accélérer le traitement ?
Il y a eu de nombreux décès durant l'épidémie. Les agents sont-ils préparés à une hausse du nombre de déclarations de succession dans six mois et ultérieurement, pour traiter les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ?
Le contrôle fiscal est suspendu, voire arrêté. Les agents sont moins mobilisés. Comment envisager la reprise du travail ? Ne pourrait-on pas envisager un contrôle du chômage partiel ?
Mon collègue rapporteur spécial Claude Nougein vous prie de l'excuser, car il n'a pu se joindre à nous. Il est confiné dans une zone où le téléphone ne passe pas bien.
M. Éric Bocquet. - J'ai une question régionale - sans régionalisme de ma part - et une question internationale. La note de conjoncture de la commission présente les montants distribués pour le fonds de solidarité en euros par habitant pour chacune des treize régions métropolitaines. Dans la région des Hauts-de-France, 66 millions d'euros ont été versés, soit 11 euros par habitant, ce qui nous place au septième rang des régions bénéficiaires. Soit. Mais je m'étonne lorsque je compare avec la part de notre région dans le PIB. Les autres régions conservent à peu près leur place, mais ce n'est pas du tout le cas de la mienne... À quoi ce décalage est-il lié ? Est-ce à la typologie de notre tissu économique, avec de grandes entreprises dans les secteurs de l'automobile, de la grande distribution, de l'agroalimentaire ?
Je regrette que l'amendement adopté par le Sénat, qui interdisait le versement d'une aide publique à une entreprise ayant des liens avec un paradis fiscal, n'ait pas été retenu. Le ministre a annoncé qu'il enverrait une recommandation à ses services pour qu'ils fassent un contrôle a posteriori des aides aux entreprises. Quels moyens concrets prévoyez-vous pour ces contrôles, en dehors de Tracfin ? En intégrant la loi, cet amendement aurait eu plus d'impact qu'une instruction ou une recommandation.
M. Jean-François-Husson. - Vous l'avez dit, vous êtes attentif au suivi des ressources des collectivités locales. Pouvez-vous nous présenter un état de leur situation financière et de leurs fragilités respectives, par bloc de collectivités, en particulier pour les blocs départemental et communal ? Êtes-vous en position de proposer des mesures en leur faveur ?
L'exécutif a fait des annonces sur la transformation probable des reports de charges en exonérations, pour les secteurs les plus touchés par la crise. Pouvez-vous nous donner davantage de précision sur les secteurs concernés aujourd'hui et sur ceux qui seraient susceptibles de l'être à terme ? Ces mesures intègreront-elles le troisième projet de loi de finances rectificative dès le début du mois de juin ?
Mme Sylvie Vermeillet. - Avez-vous pu juger de l'opportunité de certains reports d'échéances fiscales ou de certaines mesures de chômage partiel ? Plusieurs experts-comptables m'ont indiqué que, çà et là, des chefs d'entreprise en ont abusé. Avez-vous été amené à refuser des reports ? En avez-vous les moyens ?
M. Philippe Dallier. - Une question sur les collectivités territoriales et les DMTO, en particulier : les professionnels de l'immobilier annoncent une chute - compréhensible - de 80 % des signatures d'actes. Comment va se passer le redémarrage ? Nous avons auditionné Mme Jacqueline Gourault, qui évaluait à 25 % la baisse des DMTO en fin d'année. Avez-vous de la visibilité sur ce chiffre ? Beaucoup de collectivités locales vont en effet faire face à des difficultés et elles auront besoin de visibilité sur les sommes à inscrire dès le budget primitif ; certes, celles d'entre elles qui ont instauré le droit de préemption peuvent s'appuyer sur les déclarations d'intention d'aliéner (DIA) pour faire des estimations, mais les délais sont variables. Comment pouvez-vous les aider à mieux prévoir ces sommes ?
La trésorerie des collectivités atteint le chiffre de 39 milliards d'euros, et cinq d'entre elles, seulement, ont très rapidement fait face à de grandes difficultés. Toutefois, en fin d'année, les communes touristiques, par exemple, vont subir cette crise de plein fouet. Pouvez-vous estimer le nombre de communes qui seront en difficulté en fin d'année et dont la situation nécessitera une intervention en 2021 ?
M. Charles Guené. - Vous avez été sollicité le 6 mai par les associations d'élus locaux sur les compensations que les collectivités territoriales pourraient percevoir, dans le cadre d'un dispositif d'estimation partagée prenant en compte les dépenses exceptionnelles et les pertes de recettes. Ces associations formuleront des propositions méthodologiques pour ce chiffrage, car elles souhaitent que l'évaluation soit faite conjointement avec vous. Qu'en-pensez-vous ?
Sur un autre sujet, la réforme de l'évaluation des valeurs locatives doit être mise en oeuvre en 2026. Ne pensez-vous pas que vos services pourraient y parvenir avant cette date ?
M. Didier Rambaud. - Le Fonds de développement économique et social (FDES) a été renforcé pour financer les prêts de l'État aux petites entreprises. Est-il maintenant opérationnel ? Je suis au contact du terrain, mais je n'ai pas entendu d'entreprises m'en parler. Comment est-il géré ? Je souhaite qu'il le soit au plus près du terrain, au niveau départemental, par exemple, car, pour les petites entreprises, plus c'est proche, plus c'est efficace.
Mme Christine Lavarde. - Les chiffres relatifs au personnel en télétravail et en présentiel que vous avez avancés sont intéressants : 40 % des effectifs de la DGFiP travaillent donc. Comment procèderez-vous après le 11 mai ? Certaines personnes ont tenté de contacter vos services et se sont vu répondre que ceux-ci étaient fermés. Pourquoi l'effectif actif est-il aussi faible ? Cela s'explique-t-il par le retard pris par les collectivités dans la numérisation, ou par des difficultés internes au système de la DGFiP et des directions départementales ?
M. Jérôme Fournel. - En effet, 40 % des personnels ont été mobilisés pendant période régie par le PCA. Toutefois, depuis quelques jours, ce taux monte, y compris pour ce qui concerne les agents présents. Aujourd'hui, on est plus proches de 45 %, avec beaucoup d'agents présents dans les services concernés par la campagne de l'impôt sur le revenu. Nous sommes en train de monter en puissance et cela accélérera après le 11 mai.
Cela représente une baisse très significative, mais le PCA visait précisément à réduire l'activité aux tâches essentielles, qui ne suffisent pas à occuper 100 % de la maison. Je ne pouvais donc pas confier ces missions à tout le monde. Parmi les 60 % d'agents en ASA, 5 % à 10 % étaient en arrêt maladie, autour de 15 % bénéficiaient d'une ASA pour garde d'enfant et entre 25 % et 30 % n'étaient simplement pas utilisables. Je les ai donc maintenus chez eux, car ils devaient y rester.
Nous étions aussi limités par le secret fiscal et la confidentialité de certaines de nos 700 applications, qui ne sont pas toutes au même niveau technologique, même si nous avons pu rendre certaines d'entre elles accessibles à distance dans de bonnes conditions de sécurité, alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant. Ce n'est toutefois pas faisable pour tout. En outre, beaucoup d'agents de la DGFiP travaillent en direct avec des usagers, et n'avaient pas besoin d'être physiquement présents.
Nous avons donc développé des applications utilisables à distance, nous avons également récupéré des ordinateurs portables dans le stock prévu pour les stagiaires de l'École nationale des finances publiques, que nous avons redistribués, nous avons enfin fait appel aux ordinateurs et aux personnels du contrôle fiscal pour aider les services dédiés à l'impôt sur le revenu. C'est grâce à cette assistance, en outre, que nous avons pu monter la cellule de veille sur l'honorabilité des fournisseurs ou que nous avons pu contrôler les abus de certaines entreprises envers le fonds de solidarité. Nous nous sommes donc redéployés.
Un niveau de 25 % à 30 % de télétravail n'est pas entièrement satisfaisant, mais il faut admettre que nous n'étions pas formatés pour cela. Nous reviendrons sur cette situation à l'occasion des retours d'expérience, en particulier en matière technologique : nous devons nous préparer à mettre en oeuvre une capacité supérieure de travail à distance. Nous avons d'ailleurs déjà lancé des commandes supplémentaires d'ordinateurs portables.
Nous sommes, depuis quelques semaines, en état de lancer la campagne de l'impôt sur le revenu. Nous recevons aujourd'hui les premières déclarations en mode prélèvement à la source, lequel emporte de nouveaux éléments de simplification très importants : déclaration automatique ou préremplissage. Nous avons calculé un taux de décroché de l'ordre de 75 % entre nos outils de serveurs automatiques, le décroché dans les services dédiés à l'impôt des particuliers ou sur le numéro de téléphone du prélèvement à la source, que nous utilisons encore pour couvrir l'outre-mer. Dans la perspective de cette campagne, nous avons doublé notre capacité, qui atteint 500 personnes, auxquelles s'ajoutent les renforts issus du contrôle fiscal ou d'autres services pour atteindre 1 000 agents. C'est nécessaire, car les Français se mobilisent : nous avons enregistré une hausse de 40 % des télédéclarations en début de la campagne, par rapport au moment équivalent l'année passée. Le chiffre réel est même plus élevé encore, car une partie des contribuables sont passés à la déclaration automatique.
Pour autant, des perturbations pourraient survenir. Dans le cadre du déconfinement, nous assurerons un service sur place, mais seulement sur rendez-vous, pour les cas qui le méritent, car nous ne pourrons pas gérer un afflux quotidien de milliers de personnes. Parmi les 4 millions de visiteurs habituels, beaucoup venaient pour être seulement rassurés ou pour obtenir un avis de non-imposition, et une partie de ces questions pourra être gérée à distance, y compris par téléphone ; nous sommes donc confiants sur notre capacité à le faire, en accueillant les rares cas qui le nécessiteront.
Un mot sur les remboursements accélérés des crédits de TVA. En mars, on a remboursé, à ce titre, 3,9 milliards d'euros de plus que dans une période normale, ce qui a eu, évidemment, un effet significatif sur la trésorerie. En avril, l'écart n'est plus que de 0,8 milliard. Le stock des demandes semble s'être vidé et on revient à des montants plus classiques.
Les agents du contrôle fiscal contribuent aux activités de la direction. Ils sont loin d'être tous en régime spécial d'absence. Beaucoup ont été volontaires pour travailler sur d'autres missions et prêter main-forte à leurs collègues. Nous veillerons à ce que la reprise de l'activité de contrôle fiscal se fasse dans des conditions acceptables pour les entreprises, mais les contrôles reprendront prochainement. Nous serons vigilants sur les dispositifs de soutien qui ont été mis en place, en vérifiant, notamment, que les entreprises qui ont demandé des aides n'ont pas de filiale de complaisance dans des paradis fiscaux. Nous n'avons pas d'outils permettant de cribler les demandes a priori ; toutefois, il est possible, dans le cadre du contrôle a posteriori, d'appréhender l'organisation des entreprises et de voir si elles ont des filiales.
Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question sur le FDES, car il dépend de la direction générale du Trésor. De même, le chômage partiel ne relève pas de mon champ de compétences.
M. Bocquet m'a demandé s'il y avait une corrélation entre le montant des aides versées et le PIB des territoires qui en bénéficient. C'est très variable selon les dispositifs - prêts garantis, reports de charges, fonds de solidarité, etc. Par exemple, l'Île-de-France est très sous-représentée parmi les aides versées au titre du fonds de solidarité. Il est encore trop tôt pour faire un bilan. Nous aurons à identifier les raisons de ces écarts.
J'en viens aux ressources des collectivités territoriales. Les situations sont, là aussi, très variables. Il est encore trop tôt pour pouvoir faire une évaluation des DMTG, vu le caractère dramatique de la pandémie. Certains services de publicité foncière ont des stocks très importants de dossiers à traiter, mais d'autres sont à jour. Nous travaillons avec les notaires, mais il ne s'agit que d'actualiser des fichiers et cela n'a pas d'effets sur la perception des droits qui se poursuit.
M. Husson souhaitait avoir une vision différenciée en fonction des blocs de collectivités. Il est encore difficile de modéliser l'évolution du marché immobilier au second semestre, mais il est probable que les DMTO seront, à court terme, l'une des recettes des collectivités les plus affectées par la crise. Toutefois, vu les volumes et les prix atteints, même en retenant l'hypothèse d'une chute du marché de 20 à 30 %, les montants de DMTO devraient rester importants. En revanche, les autres ressources des collectivités territoriales seront moins sensibles à la crise, qu'il s'agisse de la taxe foncière, des recettes garanties par l'État, pour lesquelles l'État assure la collecte et procède à un reversement régulier par dixièmes sur la base du produit perçu au titre de l'année précédente, ou des dotations de l'État. La situation semble donc maîtrisée pour les régions ou le bloc communal, à l'exception des EPCI en raison des DMTO. D'autres recettes seront fortement affectées, comme l'octroi de mer ou la taxe de séjour. Les collectivités territoriales d'outre-mer ou touristiques seront donc touchées.
Si beaucoup de collectivités semblent relativement protégées en 2020 grâce à ces mécanismes, nous devons aussi anticiper les effets différés de la crise sur leurs ressources en 2021 ou les années à venir, car on peut observer un effet retard pour certains impôts, comme la CVAE. C'est pourquoi nous nous efforçons, en lien avec le cabinet de M. Darmanin et avec les collectivités territoriales, de réaliser des modélisations, impôt par impôt, pour les années à venir et de parvenir à un diagnostic partagé. Ce n'est pas simple, car les paramètres à prendre en compte sont nombreux. Dans l'immédiat, l'urgence est d'aider les collectivités qui subissent un choc financier dès cette année. On compte dix-neuf collectivités territoriales dans notre réseau d'alerte des finances locales. De son côté, la Société de Financement Local (SFIL) enregistre aussi assez peu de demandes de reports d'échéances. Des signaux révèlent ainsi que certaines collectivités territoriales sont en situation d'urgence, mais ils restent faibles. Au-delà, nous réfléchissons à l'évolution de leurs ressources à l'avenir, qui dépendra aussi de la rapidité de la reprise.
Nous nous sommes fixé comme objectif d'achever la révision des valeurs locatives en 2026 : il ne s'agit pas d'une coquetterie de l'administration, mais cela correspond au temps nécessaire pour nous organiser et traiter cette question complexe. Nous devons, en effet, compiler de nombreuses données sur la totalité du patrimoine immobilier en France, actualiser les valeurs, réaliser des simulations pour évaluer les conséquences sur les recettes des collectivités et la fiscalité des contribuables, revenir vers les collectivités et le Parlement afin de trouver, le cas échéant, comme on l'a fait pour les valeurs locatives industrielles, les moyens d'atténuer les variations trop brutales - plafonnements, dégrèvements, reports, etc., les dispositifs ne manquent pas. Tout cela prendra du temps, d'autant que la réforme de la taxe d'habitation est aussi en cours et que la pandémie ne facilite pas l'avancée des travaux !
M. Vincent Éblé, président. - Les CCSF observent-elles une hausse de nombre de saisies par des entreprises en difficulté ?
M. Jérôme Fournel. - On note un frémissement, tant auprès des CCSF que des comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi), mais il est difficile d'en apprécier l'ampleur. De plus, en raison du confinement, les tribunaux fonctionnent au ralenti et les procédures collectives sont gelées. En tout cas, nous avons anticipé et donné des consignes à nos services pour renforcer notre capacité à examiner et traiter les dossiers, au cas où l'on serait confronté à une vague d'entreprises en difficulté. Dans l'immédiat, on perçoit des signaux en ce sens, mais ils restent faibles.
M. Vincent Éblé, président. - Il est vrai que le confinement a bloqué l'émergence de certains signes, mais la situation risque de changer avec le déconfinement. Nous devons donc rester vigilants. Je vous remercie.
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