Lundi 6 avril 2020
- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -Programme de travail de la délégation
Mme Annick Billon, présidente. - Bonjour à toutes et à tous. Je vous propose d'échanger aujourd'hui sur l'agenda à venir de la délégation : fréquence des réunions, format - en plénière ou en bureau -, programme de travail. J'aimerais aussi poursuivre les discussions commencées lundi 30 mars 2020, lors de la réunion du bureau par visioconférence dont vous avez reçu le compte rendu, sur les remontées de terrain dont vous pouvez avoir connaissance en matière de violences intrafamiliales et sur les bonnes pratiques que vous observez dans ce domaine dans vos départements respectifs.
Une audition d'Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, est prévue le jeudi 16 avril à 11 heures par visioconférence. La lutte contre les violences intrafamiliales est en effet une préoccupation constante de la délégation.
Certains d'entre nous s'étaient portés volontaires pour travailler, dans leur département, avec les acteurs de la lutte contre les violences conjugales dans le cadre du suivi du Grenelle. Une restitution de ces travaux devait avoir lieu au Sénat vers la fin du mois de juin. Ainsi que me l'a fait observer notre collègue Roland Courteau, il semble difficile de maintenir cette table ronde à la date initialement envisagée, dans la mesure où toutes les réunions prévues par nos collègues dans leurs départements n'ont pu se tenir, en raison du confinement.
Je souhaite également vous signaler que le Forum Génération égalité, thème de notre table ronde du 5 mars 2020, qui aurait dû se tenir à Mexico en mai puis en juillet à Paris dans le cadre du 25e anniversaire de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin de 1995, est reporté au premier semestre de 2021.
Mme Laure Darcos. - Tout d'abord, je tiens à remercier notre collègue Laurence Rossignol d'avoir attiré notre attention sur la Une du Parisien de dimanche : quatre hommes pour raconter « le monde d'après le confinement », c'est quand même extraordinaire ! J'ai échangé avec une journaliste de l'édition de l'Essonne, qui m'a dit que même ses confrères masculins avaient été révoltés par cette Une qui ignorait la moitié de l'humanité ! Il y a une prise de conscience chez les journalistes, hommes et femmes, de ce genre d'affichage, et il faut s'en féliciter. Cette journaliste souhaitait que je vous en fasse part. Au sein même de la rédaction, des journalistes ont monté un collectif pour protester. Nous devons continuer à être vigilants sur ce genre de chose.
Laurence Rossignol nous a également signalé la photographie d'une réunion à l'Élysée sur la crise actuelle, à laquelle ne participaient que des hommes... Décidément, cela fait beaucoup !
S'agissant de la participation des pharmacies à l'accueil des femmes victimes de violences, on observe dans mon département une absence d'interaction entre les pharmaciens et les commissariats. L'Ordre des pharmaciens a donné son accord pour que les pharmacies deviennent des lieux d'information des femmes et de signalement des violences. Or il semble actuellement qu'il n'y ait pas de contact entre les commissariats et les pharmacies, du moins pas encore, en dépit de bonnes volontés certaines. Les pharmaciens ne savent pas comment procéder.
C'est une initiative qui devrait prospérer, mais qui pour l'instant, dans mon département du moins, ne se manifeste pas concrètement sur le terrain. Y aurait-il, une fois de plus, un décalage entre les paroles et les actes ?
Mme Maryvonne Blondin. - Il est très important de maintenir les contacts entre nous. Les nouvelles technologies nous y aident en cette période difficile.
Je voulais vous signaler que l'appel d'urgence en pharmacie a fonctionné dans le Finistère, plus particulièrement à Concarneau et à Quimper. Au départ, les pharmacies se sont interrogées sur les suites qu'elles devaient donner à ces appels : elles ne savaient pas qu'elles devaient contacter le 17. Mais les choses se mettent en place.
Le procureur de la République a publié dans Le Télégramme du 1er avril dernier un article sur la manière dont les violences faites aux femmes et aux enfants étaient traitées dans le département pendant cette période de confinement.
La gendarmerie et la police ne constatent pas une augmentation des plaintes, mais au contraire une baisse des appels et des plaintes : une raison possible serait que les victimes ne disposent pas actuellement de moyens pour se signaler. Il semble que, plus de deux semaines après le début du confinement, la « pression » soit en augmentation : gendarmerie et police restent donc très vigilantes.
Le CIDFF (Centre d'information sur les droits des femmes et des familles) et l'association Agora Justice sont saisis de demandes plus nombreuses concernant l'hébergement et ne sont actuellement pas en mesure de les satisfaire. Ces deux associations travaillent désormais avec les Centres communaux d'action sociale (CCAS) car les centres hospitaliers sont débordés. On observe que des victimes parviennent à se déplacer pour rencontrer les associations, mais s'abstiennent de porter plainte, probablement parce qu'elles savent qu'elles seront confrontées à l'auteur des violences lorsqu'elles rentreront chez elles.
On regrette également, dans mon département, un manque de financement et l'on appréhende de ce fait la période post-confinement, pendant laquelle la question des moyens se posera de manière plus aiguë encore.
Mme Annick Billon, présidente. - Nous reviendrons après vos interventions sur les questions budgétaires, notamment sur la question du « million d'euros » annoncé par le Gouvernement.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie pour le travail de la délégation, qui se poursuit malgré des conditions de travail compliquées.
Je voudrais évoquer les appels d'urgence passés dans les pharmacies. Les choses se sont mises en place progressivement dans mon département. Selon les informations qui m'ont été communiquées par la gendarmerie de la Drôme, très impliquée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, il ne semble pas y avoir encore de remontées du terrain.
Je voudrais vous signaler une initiative qui, reprise par le ministère de l'intérieur, vient de la Drôme. Le colonel a demandé aux intervenants sociaux en gendarmerie de contacter tous les cas connus de femmes victimes de violence dans le département. Ils se sont réparti les informations collectées en 2019 et, plutôt que d'attendre d'être contactés - à cause du confinement, il y a actuellement peu d'appels - ils prennent l'initiative de chercher l'information auprès des victimes déjà identifiées. La gendarmerie reste donc, dans mon département, très mobilisée.
La gendarmerie a constaté également en mars une baisse à hauteur de 20 %. Elle attribue cette diminution en partie au fait que les ex-conjoints sont confinés en dehors du département et qu'ils ne peuvent donc pas se déplacer. Il y aurait en revanche une hausse de 20 % de signalements.
La gendarmerie est en relation avec le CIDFF de la Drôme, qui a identifié des logements disponibles, notamment des places dans les hôtels pour y loger les conjoints violents : cette solution permet de ne pas déplacer les femmes et les enfants.
De plus, le département est désormais pourvu de onze téléphones grand danger (TGD) au lieu de quatre initialement. Notre demande a donc été satisfaite.
J'ai contacté l'association Remaid - France victimes 26 qui s'occupe des violences conjugales. Elle a maintenu un accueil téléphonique et propose également un soutien psychologique. Elle propose par ailleurs chaque semaine sur Facebook des séances de sophrologie. L'association continue à prendre en charge les personnes victimes de violences intrafamiliales par ascendant ou descendant, sans pouvoir produire de chiffres sur leur augmentation ou diminution.
Par ailleurs, je suis préoccupée par le dispositif mis en place dans les pharmacies, qui semble avoir du mal à se mettre en place. Il n'est pas certain que les femmes aient reçu l'information sur cette faculté qui leur est désormais ouverte.
Enfin, je me pose la question de la mise à disposition de masques pour les professionnels et les bénévoles. Dans mon territoire, les infirmières « courent » après les masques. Le médecin de mon village n'en avait plus ; c'est une entreprise de BTP qui lui en a fourni. Des masques sont-ils prévus pour les structures d'accueil et d'hébergement des victimes de violences ? Dans ces institutions aussi, les besoins sont importants. Je ne suis pas sûre que cette dimension soit prise en compte actuellement.
Mme Annick Billon, présidente. - Le fait que la gendarmerie soit proactive est un levier essentiel de la lutte contre les violences. Le communiqué de presse que nous avons publié la semaine dernière allait dans ce sens.
Dans mon département, la question de la dotation en masques des structures d'accueil et d'hébergement d'urgence pour les femmes victimes de violences se pose aussi.
Mme Laurence Rossignol. - Merci, madame la présidente, de nous permettre de poursuivre nos échanges grâce à ces réunions.
Je voudrais vous indiquer quelques éléments statistiques afin de comparer les chiffres constatés dans nos départements respectifs.
Il n'y a pas, dans l'Oise, d'augmentation des interventions en zone police ; on constate également une baisse des plaintes. En revanche, on observe une hausse de plus de 130 % des interventions en zone gendarmerie avec, là aussi, une diminution des plaintes.
La gendarmerie explique cette hausse par le fait que beaucoup d'interventions se font après appel du voisinage. Ces déplacements évitent que les disputes montent en violence. Néanmoins, 130 % d'augmentation des interventions en quatre semaines, c'est beaucoup !
En revanche, je n'ai pas eu de réponse sur les solutions proposées aux femmes victimes de violences pour les mettre à l'abri. Dans l'Oise aussi, l'action des associations est freinée par l'épidémie.
La Protection de l'enfance m'a signalé deux ordonnances de placement d'enfant depuis le début du confinement. En zone police, il semble que les enfants se rendent relativement facilement au commissariat parce qu'ils trouvent aisément un prétexte pour sortir ; ils ont compris que la police pouvait les aider.
Je vous signale par ailleurs que l'association L'Assemblée des femmes, que je préside, a rédigé un guide sur les violences intrafamiliales et conjugales qui vous a été adressé par courriel. Il ne faut pas hésiter à vous en servir et à le communiquer à toutes les structures que vous connaissez dans vos départements. Je trouve que c'est un outil très opérationnel, très concret, qui me semble pouvoir être utile en cette période critique.
Mme Martine Filleul. - Dans le département du Nord, les constats sont semblables : mes interlocuteurs parlent de « calme avant la tempête ». On constate moins d'appels que d'habitude et moins de signalements en ce qui concerne les enfants. Les policiers prennent l'initiative de contacter les femmes qui se sont signalées depuis au moins trois mois pour évaluer avec elles leur situation. Des logements supplémentaires ont également été prévus dans le département pour les mamans avec enfants.
Le sentiment, d'après les témoignages qui me reviennent, est celui d'une « cocotte-minute prête à exploser » : la police anticipe donc une éventuelle recrudescence des situations de violence envers les femmes et les enfants pour la période à venir.
Je voulais également vous informer de l'ouverture ce matin, signalée par la presse, d'un point d'accueil animé par trois associations dans un centre commercial de mon département : je ne manquerai pas de vous tenir au courant des suites de cette initiative.
Mme Michelle Meunier. - En Loire-Atlantique, la situation en matière de violences faites aux femmes ressemble à celle des autres départements : des sollicitations moins nombreuses de la part des femmes, mais des situations que l'on sait très compliquées et peut-être plus sévères. Il nous faudra les appréhender après cette crise, lorsque nous pourrons reprendre un semblant de vie sociale normale.
Les associations m'indiquent que des femmes avaient anticipé le confinement en les contactant pour recueillir des renseignements sur les heures d'ouverture et sur ce qu'elles pouvaient faire en cas de problème. Cela explique peut-être qu'il y ait actuellement moins de sollicitations de la part des femmes.
On peut éventuellement aussi expliquer cette baisse par le fait que sur les 150 femmes accompagnées depuis le 17 mars, 70 % étaient déjà connues des associations car elles les avaient déjà appelées. Les associations s'attendent néanmoins, après le confinement, à une recrudescence des saisines, qu'il s'agisse de leur nombre ou de la gravité de problématiques que l'on pourrait qualifier d'« enkystées », en lien avec des situations familiales complexes.
Les interventions qui s'effectuent en ce moment se font dans un contexte très difficile, car la crise sanitaire rend les contacts avec l'Agence régionale de santé (ARS) ou le CHU extrêmement compliqués.
Sur la question de l'IVG soulevée par Laurence Rossignol et beaucoup d'entre nous, le délai entre la première consultation et l'intervention elle-même est désormais, en Loire-Atlantique, de dix à quatorze jours - onze à quinze jours à Nantes -, contre une semaine avant le confinement. On se retrouve donc, dans ce contexte de crise, avec des délais légaux dépassés.
En ce qui concerne l'opération Masque 19, les pharmaciens ont appris par la presse qu'ils allaient être mis à contribution avec le dépôt d'affichettes dans leurs officines. L'accueil est très favorable, mais les pharmaciens ont en quelque sorte été mis devant le fait accompli et ne savaient pas ce qu'ils devaient faire pour répondre à la demande d'une femme victime de violences. C'est donc la mairie de Nantes qui se charge de faire le tour des pharmacies afin de leur donner les informations nécessaires, notamment sur le centre Citad'elles qui accueille et informe les femmes victimes de violences et leurs enfants dans notre territoire.
La crainte est l'afflux de demandes de prises en charges qui va inévitablement se produire à la fin du confinement : cette anticipation d'une recrudescence des besoins en sortie de crise pose évidemment la question des moyens. J'ai posé la question à la délégation départementale aux droits des femmes de Loire-Atlantique, qui ne dispose à ce stade d'aucune information sur le million d'euros supplémentaire annoncé par la secrétaire d'État.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Je ne suis pas encore en mesure de vous communiquer des statistiques parisiennes sur les violences conjugales. Je partage la préoccupation déjà exprimée sur la façon de mieux faire connaître le dispositif mis en place dans les pharmacies. Je dois participer prochainement à une visioconférence avec mes interlocuteurs : j'en saurai donc davantage à ce moment et ne manquerai pas de vous faire part de ces informations.
Mme Françoise Laborde. - Je pense que nous travaillons toutes et tous le mieux possible compte tenu des circonstances. Je ne dispose pas, à ce jour, d'informations complémentaires spécifiques à mon territoire par rapport à ce qui a déjà été dit. Je maintiens des contacts réguliers avec la préfecture de la Haute-Garonne et vous tiendrai informés des remontées de terrain dont je pourrais avoir connaissance par la suite.
Dans les pharmacies, des affichettes ont été déposées à l'attention des victimes de violences : chacun participe à leur repérage et à leur accompagnement à son niveau.
Je souhaiterais revenir sur les alertes dues au voisinage des victimes : je pense que les voisins sont dans leur rôle en appelant la police ou la gendarmerie. Ils ont compris qu'il ne s'agissait ni de délation ni de dénonciation, mais d'assistance à personne en danger. C'est donc positif.
Notre délégation a beaucoup travaillé sur la question des violences conjugales et sur les incidences des violences intrafamiliales sur les enfants. N'avons-nous toutefois pas laissé de côté l'inceste ? C'est un sujet qui me tient à coeur. J'ai du reste rédigé sur ce sujet une question écrite que j'ai adressée au secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance. J'ai souhaité attirer son attention sur cette grave question. Nous avons incontestablement contribué, notamment grâce à la tribune parue à notre initiative sur le site de Libération le samedi 28 mars 2020, à une prise de conscience généralisée sur le risque accru de violences conjugales en cette période de confinement. Le communiqué de presse que nous avons publié le 31 mars dernier s'est inscrit, lui aussi, dans cette logique. Mais dans aucun de ces textes nous n'avons évoqué l'inceste, sujet tabou entre tous. Ma question écrite insiste donc sur le fait qu'il faut avoir conscience, dans le contexte du confinement, du danger que représente l'inceste, qui par essence concerne le huis clos familial.
Mme Dominique Vérien. - Dans l'Yonne, la gendarmerie signale deux fois plus d'appels et d'interventions que d'habitude, mais le même niveau de plaintes qu'en mars 2019. Si les appels sont plus nombreux, beaucoup d'entre eux concernent, semble-t-il, des disputes qui ne donnent pas forcément lieu à un dépôt de plainte.
La gendarmerie rappelle systématiquement les familles dans les jours qui suivent son intervention : c'est une méthode à encourager.
De plus, la pratique qui s'est instaurée de manière systématique depuis plusieurs mois, consistant à exfiltrer l'homme violent et à maintenir au domicile la femme et les enfants, continue à fonctionner malgré les difficultés de la période actuelle.
S'agissant des pharmacies, je n'ai pas reçu à ce stade d'informations précises, ce qui peut s'expliquer par le fait qu'en milieu rural, le réseau des officines est moins dense que dans d'autres territoires. Je vais contacter l'Ordre des pharmaciens afin de savoir si ce nouveau dispositif d'alerte fonctionne chez nous.
Les dotations en masques sont dans le département un vrai sujet ! Nous gérons en quelque sorte la pénurie. Avant que nous franchissions le seuil épidémique, nous n'avions pas réussi à en obtenir, que ce soit pour les EHPAD ou pour les aides à domicile. Dès que ce stade a été passé, les masques commandés par la région de Bourgogne-Franche Comté ont été réquisitionnés par l'État pour subvenir aux besoins de la région Grand-Est. Pourtant, la ville de Besançon est, elle aussi, gravement touchée, comme en attestent les appels lancés par le CHU.
Mme Claudine Lepage. - J'ai attiré votre attention, lors de la réunion du bureau du 30 mars dernier, sur la situation des Françaises établies à l'étranger qui tentaient de regagner le territoire national. Je n'ai malheureusement pas plus d'informations à vous communiquer aujourd'hui sur ce sujet.
En revanche, nous savons que les consulats peinent aujourd'hui à faire face aux rapatriements de ressortissants français. Plus de 110 000 rapatriements ont déjà eu lieu, mais certaines situations sont particulièrement compliquées, quand les personnes se trouvent dans des endroits isolés, loin de tout aéroport et de tout moyen pour se déplacer. J'ajoute que certains consulats sont fermés car beaucoup d'agents sont atteints par le Covid-19 : il devient parfois très difficile d'y trouver un interlocuteur.
Je pense qu'il faudra, après la crise, demander un bilan auprès de la Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cette administration a fait en sorte de former des agents à l'accueil des femmes victimes de violences. Il serait donc intéressant, le moment venu, d'en savoir plus sur ce point.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Dans mon département, je peux faire état d'une situation peu commune : il s'agit d'un homme victime de violences.
Mme Annick Billon, présidente. - Notre collègue Laure Darcos ne manque pas d'attirer l'attention de la délégation sur cet aspect moins répandu des violences intrafamiliales...
Mme Laurence Rossignol. - Marlène Schiappa a annoncé ce matin la mise en place d'un numéro destiné aux hommes sous l'emprise de pulsions violentes, pour qu'ils puissent demander de l'aide avant que la situation dégénère. Cette initiative, que je trouve très intéressante, s'appelle Appelez avant de frapper. Elle se met en place avec des écoutants formés à l'accompagnement des auteurs de violences, des psychologues, etc.
Mme Annick Billon, présidente. - En effet, ce nouveau numéro justifie un suivi de notre part. Pensez-vous qu'un homme violent appellerait une telle plateforme avant de passer à l'acte ?
Mme Laurence Rossignol. - Je suis convaincue qu'il manque des lieux où les gens puissent se rendre pour parler de ce qui se passe à l'intérieur du domicile conjugal et demander de l'aide avant de donner libre cours à des pulsions de violence. Ces lieux n'existent que dans le contexte post-violences ; mettre en place une structure dédiée à ce qui se passe avant me semble prometteur. Nous devrions nous intéresser à cette plateforme et faire le bilan de son activité. Cet outil sera-t-il efficace pendant le confinement ? Toutes les informations que nous pourrons recueillir sur ce numéro, notamment sur les aspects sociologiques des personnes qui appelleront, alimenteront notre réflexion sur les violences. Le bilan de cette plateforme pourrait également contribuer à la mise en place de lieux de médiation pré-violences.
Mme Victoire Jasmin. - Ici, en Guadeloupe, j'ai eu connaissance de deux cas de violences depuis le début du confinement, dont l'un a donné lieu à l'incarcération de l'auteur. Si le nombre de cas signalés est pour l'heure réduit, une communication a néanmoins été mise en place pour aider les victimes à se signaler.
En revanche, le problème de la prostitution perdure dans certains quartiers : le couvre-feu devrait peut-être y pallier.
Mme Annick Billon, présidente. - Merci aux collègues qui se sont exprimées et qui nous ont fait partager des informations très précieuses.
Je voudrais revenir sur le million d'euros dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes en cette période de confinement. Il s'agit en réalité, comme nous le craignions, de crédits déjà votés dans le cadre de la loi de finances pour 2020. Il pouvait en effet sembler étonnant de voir surgir un million d'euros supplémentaires dans un budget aussi contraint et aussi réduit, pour une situation qu'il était tout à fait impossible de prévoir il y a seulement un mois.
J'ai d'ailleurs posé une question écrite sur ce sujet la semaine dernière. Je reste pour ma part très préoccupée par la question du financement de l'hébergement des victimes, qui reste non résolue.
Mme Laurence Rossignol. - Ce « nouveau » million va être dégagé des crédits du secrétariat d'État, dans lesquels il n'y a déjà pas de marge. Cela me rappelle que, dans le contexte du Grenelle de lutte contre les violences conjugales, l'État avait supprimé beaucoup d'autres lignes de crédit - subventions aux associations notamment. Quelles actions seront impactées par le changement d'affectation de ce million d'euros ? Je partage l'inquiétude de notre présidente.
L'importance du sujet justifie qu'un groupe s'exprime sur ce point lors d'une prochaine séance de questions au Gouvernement, même si nous savons bien que les droits des femmes passent généralement après les questions économiques...
Mme Annick Billon, présidente. - Je retiens l'idée d'une question sur ce sujet.
Afin de nous assurer que l'audition d'Adrien Taquet se déroule dans les meilleures conditions, je vous propose une réunion du bureau, le mercredi 15 avril à 11 heures.
Il me reste à vous remercier pour votre implication et votre dynamisme.