Jeudi 23 janvier 2020
- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -Table ronde sur l'égalité femmes-hommes, enjeu de l'aide publique au développement
Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, la délégation aux droits des femmes a souhaité organiser une table ronde sur l'égalité femmes-hommes, enjeu de l'aide publique au développement.
Cette table ronde s'inscrit dans la continuité de plusieurs travaux récents de la délégation portant sur les droits des femmes à l'international :
- la table ronde du 11 octobre 2018 sur les droits des filles, le rapport sur le mariage des enfants et les grossesses précoces publié en janvier 2019 et la résolution adoptée par le Sénat à l'unanimité le 14 mars 2019 dans le prolongement de ce travail ;
- la table ronde du 20 juin 2019 sur les enjeux du G7 en termes d'égalité femmes-hommes ;
- la table ronde du 28 novembre 2019 sur les violences faites aux femmes dans les territoires en conflit.
Notre réunion de ce jour s'inscrit également dans la perspective du projet de loi de programmation et d'orientation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, qui devrait être présenté par le Gouvernement à l'échéance du début de mars.
Notre objectif est de dresser un état des lieux et un bilan de notre politique de coopération et de développement du point de vue de l'égalité femmes-hommes, mais aussi d'ébaucher des pistes d'évolution en vue de la discussion du futur projet de loi, pour orienter au mieux le financement de l'APD vers des projets favorables à l'autonomisation des femmes et au renforcement de leurs droits.
La délégation en est convaincue, l'égalité des sexes et l'autonomisation économique et sociale des femmes constituent le socle essentiel d'un développement durable. Il existe là un enjeu majeur : investir en faveur des droits des femmes, favoriser leur accès à l'éducation et aux ressources ainsi que leur promotion dans la sphère politique et sociale représentent un levier décisif pour la croissance, la lutte contre le changement climatique et le progrès social. Nous l'avions déjà constaté lors d'une table ronde organisée en amont de la COP 21 de Paris en 2015.
Pour évoquer tous ces sujets, nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir un panel d'experts dont la diversité des regards et des points de vue nous permettra, nous l'espérons, de disposer d'une vision globale de la problématique à l'issue de notre table ronde.
Je souhaite donc la bienvenue au Sénat aux participants à cette table ronde et je les remercie de s'être rendus disponibles pour venir vers nous :
- Agnès Von der Mühll, haute fonctionnaire à l'égalité des droits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, accompagnée de Joan Valadou, sous-directeur du développement humain à la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international ;
- Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l'égalité (HCE), que nous remercions également pour son engagement aux côtés de la délégation. Brigitte Grésy est accompagnée de Cléa Le Cardeur, commissaire aux affaires internationales et européennes, en charge de la commission Enjeux européens et internationaux du HCE ;
- Ouafae Sananès, experte « genre » chargée des relations institutionnelles et stratégiques à l'Agence française de développement (AFD). L'AFD est l'actrice principale de l'aide publique au développement sur le terrain ;
- Claire de Sousa Reis, déléguée générale d'Étudiants & développement, référente au Conseil d'administration de Coordination Sud pour la commission Genre et développement. Je précise que Coordination Sud constitue la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale ;
- Aurélie Gal-Régniez, directrice exécutive d'Equipop, membre du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). Instauré à la fin de l'année 2013, le CNDSI est un cadre de dialogue et de concertation régulière entre l'ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les orientations de la politique de développement. À ce titre, il est impliqué dans les réflexions préparatoires au projet de loi attendu. Aurélie Gal-Régniez, qui a participé à notre table ronde de juin 2019 sur les enjeux du G7 en termes d'égalité femmes-hommes, nous rejoindra tout à l'heure ;
- Amy Baker, cheffe de mission adjointe à l'ambassade du Canada en France, accompagnée de Mélanie Bejzyk, première secrétaire, chargée des affaires politiques.
Je précise que notre réunion fait l'objet d'une captation vidéo et qu'elle est ouverte au public.
J'invite chacun de nos intervenants à respecter le temps de parole qui lui a été attribué, afin de permettre un temps d'échange avec les membres de la délégation.
S'il nous reste du temps, nous aurons également une séquence de questions et réponses avec le public.
Je me félicite, Mesdames, Monsieur, de retrouver parmi vous des personnalités connues de notre délégation. J'espère que celles et ceux qui sont aujourd'hui au Sénat pour la première fois deviendront des interlocuteurs fidèles de nos travaux.
Je cède sans plus tarder la parole à Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation et rapporteure sur le thème de notre réunion.
Ma chère collègue, vous avez la parole.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Merci, Madame la présidente. À mon tour, je souhaite la bienvenue à nos intervenants et je les remercie pour leur participation à cette table ronde.
En guise d'introduction, je voudrais rappeler brièvement les avancées intervenues depuis 2013 pour mieux prendre en compte l'égalité femmes-hommes dans l'aide publique au développement de la politique de coopération française.
Deux récents rapports parlementaires s'en sont fait l'écho : celui de Catherine Coutelle, alors présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, et celui des députées Mireille Clapot et Laurence Dumont sur la « diplomatie féministe », au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée.
La France s'est dotée en 2013 d'une Stratégie Genre et développement 2013-2017 intégrant de manière systématique les questions de genre dans ses instruments de financements et dans ses projets sur le terrain, comme dans ses politiques de développement et de solidarité internationale. Son objectif principal était d'inscrire l'égalité femmes-hommes, de façon transversale, au coeur de la politique française de développement.
Afin d'y parvenir, la stratégie suivait une « boussole de l'égalité » fixant des objectifs précis à l'horizon 2017, accompagnés d'indicateurs de résultats tels que la sensibilisation et la formation des actrices et acteurs, l'appui à la recherche, la promotion du dialogue avec la société civile et ce que l'on appelle la redevabilité en termes d'efficacité de l'aide publique au développement.
La plate-forme Genre et Développement, qui rassemble les acteurs impliqués dans la politique de développement, et notamment ceux de la société civile, a été créée à la même période pour accompagner et suivre la mise en oeuvre de la Stratégie Genre et développement. Elle représente aujourd'hui un espace de dialogue très utile.
De surcroît, la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale inscrit explicitement l'égalité entre les femmes et les hommes parmi ses objectifs prioritaires. Je cite : « La politique de développement et de solidarité internationale respecte et défend les libertés fondamentales. Elle contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l'État de droit, l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent. »
La loi de 2014 fait donc du genre une question transversale au sein de la politique d'aide publique au développement.
Plus récemment, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018 a débouché sur l'adoption d'une nouvelle stratégie s'inscrivant dans la continuité de la Stratégie Genre et développement. Cette feuille de route, intitulée Stratégie internationale pour l'Égalité femmes-hommes 2018-2022, porte désormais sur l'ensemble de l'action de la France menée à l'international pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et les droits des femmes.
Je n'insiste pas plus sur ce point, qui sera développé dans un instant par les représentants du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Enfin, je mentionnerai les initiatives prises par la présidence française du G7 au cours de l'année 2019. En effet, plusieurs annonces ont été faites dans ce contexte : engagements financiers en faveur du Fonds pour l'entrepreneuriat féminin en Afrique, soutien au projet de la Fondation Gates pour l'inclusion financière numérique des femmes en Afrique, soutien au Fonds Mukwege dédié aux personnes victimes de violences sexuelles dans les territoires en conflit, ou encore soutien à l'initiative « Priorité à l'égalité » au Sahel, qui porte sur l'intégration du genre dans les politiques et systèmes éducatifs.
Si d'importantes avancées sont intervenues au cours de la période récente pour mieux orienter les financements de la politique de coopération et de développement vers des projets favorables à l'autonomie des femmes et au renforcement de leurs droits, il n'en reste pas moins nécessaire de rester vigilants sur la mise en oeuvre de cette politique comme sur les moyens financiers et humains qui lui sont alloués. Il s'agit de l'enjeu de la réflexion que nous menons aujourd'hui.
Ainsi, la table ronde de ce matin permettra, je l'espère, de répondre à une série de questions :
- Quel bilan dresser du cadre d'intervention actuel de la politique d'aide publique au développement du point de vue de l'égalité femmes-hommes ? Quelles en sont les lacunes ? Quels manques doivent être comblés ?
- Quels moyens sont-ils fléchés vers cet objectif dans la loi de finances pour 2020 ?
- Comment construire un véritable cadre de redevabilité de l'APD contribuant à l'égalité femmes-hommes ?
- Quelles suites attendre des initiatives de la présidence française du G7 ?
- Comment atteindre les objectifs de la Stratégie internationale pour l'égalité femmes-hommes à l'horizon de 2022 ?
- Quelles sont les pistes d'amélioration et quelles sont les ambitions du futur projet de loi pour renforcer la prise en compte de l'égalité femmes-hommes dans la politique de développement et de coopération française ?
Je me tourne sans plus tarder vers les représentants du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui vont nous présenter le cadre d'intervention général de la politique française d'aide au développement. Cette politique s'inscrit dans une diplomatie « féministe » et s'appuie sur la Stratégie internationale de la France pour l'égalité femmes-hommes.
Nous comptons également sur vous, Madame, Monsieur, pour préciser l'évolution des crédits de l'APD dévolus à l'égalité femmes-hommes entre 2019 et 2020.
Madame Von der Mühll, vous avez la parole.
Mme Agnès Von der Mühll, haute fonctionnaire à l'égalité des droits du MEAE. - Merci de nous recevoir dans ce lieu symbolique de la République. Merci également de nous offrir cette occasion de dialoguer et de préciser les enjeux de notre « diplomatie féministe », pour reprendre la terminologie employée et portée par notre ministre depuis un an. Le Président de la République a lui aussi affirmé ses ambitions en la matière. Je suis des femmes qui considèrent que le féminisme en général ne doit pas être porté uniquement par des femmes. Lorsqu'il est soutenu par le chef de l'État, il transmet le message d'une mobilisation affichée au plus haut niveau. Le Président de la République a non seulement fait du féminisme une grande cause nationale, mais a également plaidé pour faire de l'égalité femmes-hommes une grande cause mondiale, à un moment où le mouvement général et la situation au regard des droits des femmes sont sans doute plus préoccupants qu'ils ne l'étaient il y a quelques années.
L'ambition est forte, elle se décline en différentes actions concrètes précisées par le Président de la République. Je le cite : « Il est temps que notre monde cesse de faire des femmes des victimes et leur construise enfin la place qu'elles méritent, celle d'être aussi des leaders. Nous devons leur garantir partout l'accès à l'éducation, la santé, l'emploi, à la prise de décision économique et politique et lutter contre toutes les formes de violences qui s'exercent contre elles ».
L'aide au développement participe naturellement et constitue l'un des enjeux majeurs de notre diplomatie féministe qui avait été énoncée le 8 mars 2018 lorsqu'a été présentée la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes, que vous avez rappelée. Nous sommes presque à mi-parcours dans la mise en oeuvre de cette stratégie, qui fera l'objet d'une évaluation.
Mon rôle en tant que haute fonctionnaire à l'égalité femmes-hommes consiste à veiller à ce que cette ambition soit portée et mise en oeuvre par l'ensemble des services du ministère des affaires étrangères à Paris, dans notre réseau diplomatique et consulaire, mais également chez nos opérateurs. Mon rôle suppose aussi de garantir l'exemplarité de notre ministère : une diplomatie féministe n'est certes pas une diplomatie féminine, cependant, elle doit aussi être portée par des femmes. La progression de la parité se révèle donc nécessaire. Telle est la mission que m'a confiée le ministre, avec la présentation d'un plan Parité visant à augmenter le nombre de femmes occupant des fonctions de haut niveau dans la diplomatie. Inscrire cette ambition dans la durée représente un combat à long terme. Le ministre considère comme très important que le ministère soit composé de femmes et d'hommes qui incarnent la France dans sa diversité.
Avant de passer la parole à Joan Valadou qui porte avec moi le message du ministère des affaires étrangères, je voudrais rappeler quelques actions que nous avons menées l'an dernier et que nous conduirons l'année prochaine.
Tout d'abord, nous oeuvrons à la construction de l'égalité entre les femmes et les hommes afin de la porter sur la scène internationale par une action de promotion et de défense de valeurs fondamentales pour la France. Nous le faisions déjà depuis longtemps, car il s'agit d'une dynamique inscrite dans notre ADN diplomatique, mais nous avons structuré cette priorité. Nous exprimons cette préoccupation dans les différentes instances internationales auxquelles nous participons, comme le Conseil de sécurité des Nations unies, qui a adopté un certain nombre de résolutions à l'initiative de la France. Nous sommes également toutes et tous convaincus qu'une société plus égalitaire profite à tous, que ce soit en termes de développement durable, de paix ou de justice. Nous savons que les femmes sont les premières victimes des violences dans les territoires en crise, combien elles sont importantes pour assurer le développement, la réhabilitation et la reconstruction d'un pays qui sort d'un conflit, notamment pour en assurer le développement durable. Sans avoir nécessairement mené d'études commerciales, les femmes, notamment en Afrique, savent réaliser les meilleurs business plans et sont en mesure de conduire de petites ou grandes actions en faveur du développement de leur pays. Cela passe aussi par une promotion forte de l'éducation et de la scolarisation des filles.
Ensuite, je souhaite évoquer un point important, qui soulève le plus de contestation depuis les dernières années, celui de la promotion et du respect des droits et de la santé sexuels et reproductifs pour les filles et les femmes. Ce sujet fera sans doute l'objet d'une des coalitions d'actions qui seront du Forum Génération égalité de juillet.
Favoriser l'autonomie économique et l'accès à l'emploi décent des femmes constitue également un objectif important, comme garantir le libre accès des femmes et des filles au droit et à la justice et à la protection contre toutes les formes de violences.
Enfin, nous assurons la participation effective des femmes dans les espaces de décision économiques, politiques et sociaux. La France milite depuis de nombreuses années pour que ces droits soient préservés dans toutes les instances et bénéficie du soutien de partenaires importants et fidèles comme le Canada.
Notre action a aussi été illustrée par l'adoption et la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies dites « Femmes, paix et sécurité ». Durant la présidence française du conseil en mars 2019, une réunion présidée par notre secrétaire d'État à l'égalité a été organisée sur la participation des femmes aux négociations de paix dans la région du Sahel. La France a porté la défense des droits des femmes et la promotion de l'égalité femmes-hommes non seulement au Conseil de sécurité, mais également lors de la présidence française du G7, après un travail vigoureux soutenu par des membres de la société civile sur le modèle de la présidence précédente, celle du Canada, qui portait haut et fort ses ambitions pour les femmes et pour le rétablissement de la paix dans ces régions sinistrées.
Ces ambitions ont été consacrées par le Partenariat de Biarritz, dont l'objectif vise l'engagement d'un ensemble d'États à adopter de nouvelles lois progressistes pour l'égalité femmes-hommes parmi les pays membres du G7, mais également parmi les pays invités. Le Chili, l'Australie et le Sénégal ont ainsi présenté des engagements volontaires concrétisant ce partenariat. Leur engagement est important pour démontrer que l'égalité femmes-hommes n'est pas réservée aux pays occidentaux.
La Banque africaine de développement a, quant à elle, adopté une initiative favorisant l'accès des femmes au financement et à l'entrepreneuriat en Afrique.
Le Fonds international pour les rescapées de violences sexuelles dans les conflits constitue également une autre mesure importante. Au-delà du soutien exprimé par le G7 à la création de ce fonds, la France a concrétisé son engagement par une contribution de 6,2 millions d'euros entre 2020 et 2022.
Je voulais aussi souligner à cette occasion l'engagement pris par le président de la République auprès de Mme Nadia Murad d'accueillir cent femmes yézidies et leurs familles. Cet engagement a été tenu, puisque ces cent femmes et leurs familles sont aujourd'hui en sécurité en France. Nous sommes extrêmement fiers d'avoir pu mettre en oeuvre cet engagement.
Les institutions de la francophonie se sont également dotées d'une stratégie pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
La France, qui présidait le Conseil de l'Europe entre mars et novembre 2019, a mis l'accent sur la lutte contre les violences faites aux femmes par un plaidoyer en faveur d'une adhésion universelle à la convention d'Istanbul.
Nous allons prochainement célébrer le cinquième anniversaire de l'adoption des Objectifs de développement durable (ODD), le vingtième anniversaire de l'agenda « Femmes, paix et sécurité » du Conseil de sécurité, mais aussi le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration de la plate-forme d'actions de Pékin. À cet égard, nous accueillerons en juillet le Forum Génération égalité organisé par ONU Femmes et coprésidé par la France et par le Mexique. Nous avons rencontré hier notre ambassadrice, Delphine O, qui est en train de déterminer, avec nos partenaires, les différentes coalitions d'actions et de les mettre en place.
La volonté d'avoir une diplomatie plus féminine demande des efforts importants, avec un vivier très masculin dans l'encadrement supérieur, sa mise en oeuvre n'est pas aisée, mais nos efforts ont été reconnus puisque nous avons été le premier ministère labellisé « égalité femmes-hommes ». Cette reconnaissance suppose de l'ambition, mais aussi de la détermination dans l'action et dans la durée. Bien que des progrès restent à accomplir, notre action en interne s'est concrétisée par une mise en cohérence et une exemplarité des pratiques en doublant, par exemple, le nombre de femmes ambassadrices : le ministère compte aujourd'hui 27 % d'ambassadrices, contre 11% en 2011.
M. Joan Valadou, sous-directeur du développement humain à la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (MEAE). - Je suis ravi de participer à cette table ronde avec Madame la haute fonctionnaire. Comme indiqué à l'instant, l'année 2019 s'est révélée particulièrement riche sur le plan de la diplomatie féministe, notamment dans le cadre de la présidence française du G7. L'année 2020 sera également charnière avec le Forum Génération égalité et l'évaluation de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
La diplomatie féministe, qui constitue une priorité de notre action internationale, s'inscrit dans un contexte d'engagements politiques puissant, en particulier de la part du Président de la République. Il a fait de l'égalité femmes-hommes l'une des grandes causes de son quinquennat et a appelé, à la tribune de l'Assemblée Générale des Nations unies en 2018, à faire de cette cause une grande cause mondiale.
Cet engagement a été également porté par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, de concert avec Marlène Shiappa, la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Il s'est traduit par l'inscription de cet objectif dans la politique de développement et de solidarité de la France. Cette politique défendra une approche par les droits ; elle visera à mettre fin à toute forme de discrimination et de violence faites aux femmes et aux filles. Cet objectif guide et structure notre action internationale en matière de solidarité et de développement.
La Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un cadre temporel qui vise l'atteinte d'objectifs à l'horizon 2022, mais aussi un cadre de redevabilité, comportant des indicateurs assez précis et assez nombreux.
Cette stratégie s'articule avec d'autres stratégies sectorielles qui peuvent aussi avoir trait aux droits des femmes. La France est ainsi très engagée en faveur de la défense des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR), qui constitueront l'une des thématiques clés du Forum Génération égalité. D'autres stratégies sectorielles existent également dans le domaine de l'éducation ou de santé mondiale. Toutes incluent désormais systématiquement la question du genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans leurs objectifs.
La stratégie actuelle visant l'égalité s'inscrit dans la continuité des précédentes stratégies de 2007 puis de 2013, qui portaient plus spécifiquement sur l'articulation entre genre et développement. Cependant, elle repose non seulement sur les engagements politiques que j'ai déjà évoqués, mais aussi sur une ambition plus puissante, qui vise à intégrer l'égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte du genre de façon transversale et systématique dans l'ensemble de l'action extérieure de la France. Nous ne nous situons plus exclusivement dans une approche tournée vers les questions de développement et de solidarité, mais dans l'intégration pleine et entière de ces objectifs dans notre action extérieure et dans le fonctionnement et l'organisation de notre diplomatie.
Nous nous inscrivons toutefois toujours dans une approche par les droits et dans une approche de développement parfaitement articulées et cohérentes. L'émancipation des femmes constitue évidemment un objectif en soi, mais aussi un moteur du développement, y compris économique.
Cette stratégie d'une quarantaine de pages est structurée autour d'un objectif général et de cinq sous objectifs :
- favoriser un renforcement de la culture institutionnelle en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la prise en compte du genre au sein du ministère et de ses opérateurs. La réalisation de cet objectif passe par un pilotage à haut niveau de cette stratégie, qui relève du secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La sous-direction assure pour sa part le secrétariat de cette stratégie et de ce portage institutionnel, afin d'améliorer les pratiques internes sur l'égalité professionnelle, de renforcer la sensibilisation et la formation de l'ensemble des agents du ministère, comme le réseau de correspondants qui travaillent sur les questions de genre et d'égalité, tant au niveau central que dans nos ambassades et chez nos opérateurs ;
- l'intensification du plaidoyer politique de la France en matière d'égalité entre les femmes et les hommes face à un risque réel de régression normative et sociétale sur un certain nombre de sujets touchant aux droits des femmes, comme la question des DSSR (droits et santé sexuels et reproductifs). Cette réalité se vérifie au niveau multilatéral comme au niveau bilatéral. La stratégie encourage vivement l'ensemble des ambassadeurs à inclure totalement les questions d'égalité dans leurs plans d'action et vise à inscrire cette priorité dans les dialogues stratégiques bilatéraux susceptibles d'être tenus avec un certain nombre de pays ;
- l'augmentation et l'amélioration de la prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'aide publique au développement. Il s'agit ici d'augmenter les financements ayant comme objectif principal ou significatif la réduction des inégalités, mais aussi d'augmenter les contributions françaises dans les organisations internationales « championnes » de l'égalité entre les femmes et les hommes et de progresser en matière de budgets sensibles au genre en renforçant l'engagement de tous les acteurs et opérateurs de l'État. Nous désirons atteindre d'ici 2022 un taux de 50 % en volume de notre APD ayant un effet favorable sur l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- améliorer et renforcer la visibilité, la transparence et la redevabilité de l'action du ministère et de ses opérateurs en fonction de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cet objectif renvoie au cadre de redevabilité et aux indicateurs précédemment évoqués, mais aussi sur l'objectif de communication interne et externe autour de cette stratégie ;
- le renforcement des liens avec les acteurs de la société civile, le secteur privé et la recherche pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Il existe une volonté de renforcer l'expertise et la visibilité des organisations de la société civile française, les liens avec le secteur privé et la lutte contre les stéréotypes et discriminations de genre, et la recherche et la capitalisation sur la thématique de l'égalité. La plateforme « Genre et développement » évoquée un peu plus tôt constitue une illustration concrète de cet objectif.
Beaucoup d'indicateurs servent à mesurer ces objectifs. Pour le premier objectif, l'indicateur s'intéresse à l'augmentation de la proportion de femmes dans les fonctions d'ambassadrices, mais le ministère s'intéresse également au pourcentage de collègues qui ont été sensibilisés et formés, à l'organisation de séminaires et d'événements réguliers. À cet égard, je signale la tenue à Paris, la semaine du 27 janvier, du séminaire de nos correspondants « Genre » qui travaillent dans les ambassades, pour les opérateurs ou en central. Ce type d'événement permet aux agents de s'approprier les questions de genre pour les porter ensuite au quotidien.
Sur le deuxième objectif, l'un des indicateurs mesure le nombre de plans d'action des ambassades qui intègrent pleinement l'égalité, l'augmentation du nombre de stratégies « égalité » dans les grands fonds multilatéraux, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Pour le troisième objectif, l'indicateur principal constitue l'atteinte de 50 % de l'APD bilatérale d'ici 2022 en volume, avec des objectifs tels que l'atteinte de 700 millions d'euros d'APD bilatérale avec un marqueur 2 de l'OCDE. Il s'agit ici de la capacité à analyser l'ensemble de nos projets selon les critères de l'OCDE.
Des indicateurs portent également sur la communication non stéréotypée et l'élimination des pratiques sexistes, en féminisant par exemple les noms de métiers, de fonctions et de grades.
Enfin, des indicateurs spécifiques existent également pour le dernier objectif, comme le soutien à la plate-forme genre et développement.
Nous sommes actuellement à mi-parcours de cette stratégie 2018-2022 et nous conduisons une évaluation interne de cette stratégie permettant de mesurer les efforts accomplis. Cette évaluation sera conduite au printemps par le Haut Conseil à l'égalité (HCE), qui avait déjà évalué les précédentes stratégies, et qui examinera à mi-parcours l'état d'avancement de cette stratégie internationale.
Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie. Je vais maintenant demander à Ouafae Sananès de nous présenter la déclinaison concrète de ces principes sur le terrain : quels types de projets finance l'AFD au titre de l'égalité femmes-hommes ?
Quels ont été les montants consacrés à cet objectif en 2019 et quelles sont les estimations pour 2020 ?
Quelle est, à ce jour, la proportion des projets de l'AFD qui relèvent des marqueurs genre 1 et 2 du Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE ? À cet égard, je rappelle que ce marqueur permet de noter les projets et programmes de développement de la façon suivante :
- 0 : le projet ne prend pas en compte le genre ;
- 1 : le projet a pour sous-objectif significatif ou secondaire l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes ou la lutte contre les inégalités de genre ;
- 2 : le projet a pour objectif principal l'amélioration de l'égalité femmes-hommes.
Enfin, comment l'AFD s'est-elle organisée en interne pour se conformer aux objectifs de la Stratégie Genre et développement de 2013-2017, puis de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité femmes-hommes (2018-2022) ?
Madame Sananès, vous avez la parole.
Mme Ouafae Sananès, experte Genre, chargée des relations institutionnelles et stratégiques à l'Agence française de développement (AFD). - Je vous remercie d'avoir organisé cette session et d'avoir invité l'AFD à présenter ses actions. Je remercie également mes collègues et toutes les personnes ici présentes pour l'intérêt qu'ils attachent à la question de l'égalité femmes-hommes.
Avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nous sommes très investis en faveur de l'égalité femmes-hommes et de sa mise en oeuvre.
Dans un premier temps, je présenterai brièvement la mission de l'AFD ; dans un deuxième temps, j'évoquerai les réalisations au titre de 2019 et, enfin, la mobilisation et les actions à venir.
L'AFD constitue une institution financière : il s'agit d'une agence de développement qui traduit la politique de la France en matière de développement bilatéral et international. L'AFD est également un groupe, qui dispose de 85 agences dans le monde, présentes dans 115 pays.
Sa mission consiste à accompagner les transitions économiques, démographiques et autres dans les pays partenaires, à promouvoir l'égalité pour un développement durable, en s'alignant sur l'Accord de Paris et sur le Plan 100 % lien social.
La politique de l'AFD en matière de développement se fonde sur le constat que les pays riches comme les pays en développement font face aux mêmes défis, comme le défi du climat. Ce défi donne lieu au Plan 100 % climat ; le lien social est, quant à lui, entendu au sens large comme un moteur et un socle du développement.
Comme axe principal de ce lien social s'inscrivent bien sûr l'égalité entre les femmes et les hommes, le développement inclusif basé sur l'égalité et l'équité, la construction de la paix et de la cohésion sociales.
L'AFD est très investie dans les résolutions 1325 et suivantes du Conseil de sécurité pour consolider le rôle des femmes dans les processus de paix et de reconstruction. L'atteinte de cet objectif nécessite la multiplication des partenariats internationaux publics ou privés, sociétés civiles, européens et locaux.
Enfin, l'AFD cherche à faire profiter les femmes de la croissance économique, de la prospérité et à établir l'équité dans la répartition des richesses par des projets de développement.
Le groupe AFD se compose de PROPARCO, filiale dédiée au secteur privé et sera élargi à Expertise France qui rejoindra le groupe probablement en 2021. À ce jour, nous totalisons environ 2 650 collaborateurs et recensons 4 000 projets accompagnés, pour un montant qui s'élève à presque 14 milliards d'euros d'engagements.
La nouvelle approche du lien social promue par notre directeur général consiste à mettre l'accent sur les populations. L'AFD a connu une extension du champ de ses domaines d'expertise et apporte des réponses à des problématiques anthropologiques et sociologiques sur la question de l'autonomisation des femmes. L'AFD réfléchit par exemple à la meilleure manière d'accompagner les États sur l'aspect de la budgétisation sensible au genre et sur l'intégration de la prise en compte réelle du genre. L'AFD s'intéresse également au sport, car cette activité est susceptible de renforcer le lien social.
Durant l'année 2018, 463 000 filles ont bénéficié de la scolarisation à travers les projets menés par l'AFD, 826 000 personnes ont eu accès à l'eau potable et 7 millions de personnes à l'électricité, 50 000 kilomètres carrés d'espaces naturels ont été préservés grâce à des actions conduites sur le terrain et 14 millions de personnes ont bénéficié d'un accès amélioré à la santé.
L'égalité entre les femmes et les hommes figure en haut de l'agenda de l'AFD, de son directeur général et de ses équipes. Cette politique consiste à favoriser l'autonomisation économique des femmes - qui se traduit par une autonomisation globale des femmes et de leur communauté - et à faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles un axe fondamental de travail de l'AFD.
Ces deux priorités n'excluent pas les autres actions sectorielles ou transversales par lesquelles l'AFD intervient, mais traduisent un engagement supplémentaire en faveur de l'égalité.
La stratégie internationale de la France présentée par mes collègues a fixé des objectifs à réaliser par l'AFD : 50 % d'engagements en volume noté 1 ou 2 selon le marqueur genre de l'OCDE et 700 millions d'euros de projets notés en CAD 2 d'ici 2022. Pour 2019, l'objectif était d'atteindre 450 millions d'euros en CAD 2 et, 35 % d'engagements en volume en 2019 et 40 % en 2020. Avons-nous atteint ces objectifs ?
En 2019, l'AFD a enregistré 500 millions d'euros de projets notés CAD 2 et 4 milliards en volume qui auront intégré le marqueur genre CAD 1 et CAD 2, l'équivalent de 50% de projets en volume. L'AFD a ainsi dépassé les 35% fixés au titre de 2019.
Aujourd'hui, 50 % des engagements en volume de l'AFD sont ainsi dédiés à l'égalité femmes-hommes.
Parmi les 500 millions d'euros figurant en CAD 2, 250 millions proviennent de subventions, dont 211 millions dédiés aux actions en Afrique. Ces chiffres sont susceptibles d'évoluer à la suite de l'exercice de redevabilité effectué au titre de l'année 2019.
Les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) constituent l'une des thématiques les plus importantes des questions de genre ; elle comptera parmi celles que l'AFD portera en 2020. Parmi les projets qu'elle soutient, un certain nombre se concentre sur des questions de population, telles que la question de l'accès des femmes à la formation, à un emploi décent et à l'entrepreneuriat. À titre d'illustration, le projet MSMEDA en Égypte qui promeut l'entrepreneuriat féminin et les accompagne dans leur projet. Un autre projet à Maurice encourage les entreprises qui viennent contracter un prêt à promouvoir l'égalité femmes-hommes ; d'autres initiatives accompagnent les institutions et les États pour lutter contre les violences faites aux femmes ou pour renforcer la prise en compte du genre dans les politiques publiques. Plus récemment, au Sénégal, un projet en partenariat avec ONU Femmes vise la collecte des données sexo-spécifiques. La collecte des données désagrégées par sexe constitue, aujourd'hui, un vrai défi pour mesurer l'atteinte des objectifs de développement durable. Lors de la COP 25 sur le climat, beaucoup d'interlocuteurs et de partenaires ont souligné l'absence de données sur les liens entre genre et climat ; sans ces données, il serait difficile d'évaluer la situation et d'être en mesure de proposer des politiques climatiques tenant compte des réalités des femmes.
Pour intégrer la question du genre et du développement en 2020, l'AFD s'est dotée d'un plan d'action interne sur l'égalité femmes-hommes composé de cinq axes :
- autonomiser les femmes sur le plan économique, mais aussi dans le domaine de la santé et de l'éducation ;
- lutter contre toutes les violences faites aux femmes ;
- garantir l'intégration du genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les secteurs du groupe AFD ;
- faire du groupe AFD une plate-forme leader sur la thématique de l'égalité femmes-hommes ;
- consolider et renforcer le pilotage et les standards de qualité.
La réponse à cette mobilisation en faveur de l'égalité a abouti à la création de la cellule « lien social ». À l'origine, l'AFD comportait deux experts en matière de genre, mais il est rapidement apparu que des moyens humains supplémentaires étaient nécessaires pour faire face au défi de l'égalité femmes-hommes. Cette cellule est chargée du pilotage stratégique, du partenariat institutionnel et de l'appui aux opérations. Elle doit incarner un « espace d'incubation » qui porte de nouvelles initiatives. Là où les départements géographiques ou les directions techniques interviennent tous les jours, la cellule « lien social » a pour mission d'être une force de proposition.
Comment devenir un espace incubateur ? L'exemple de l'initiative EDIFIS « éducation, droits sexuels et reproductifs, insertion des filles et des femmes au Sahel » est pertinent quand le développement est pris dans une approche globale.
Pour conclure, je dirais que l'égalité femmes-hommes constitue une priorité de notre agenda et de notre directeur général. Je souhaiterais le souligner, car il est important que la thématique bénéficie d'un portage politique interne. Un progrès notoire en matière de prise en compte du genre dans les opérations a été réalisé depuis le premier cadre d'intervention transversale 2014-2017 et aujourd'hui l'AFD poursuit cet effort.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Je vous remercie pour ce témoignage concret.
Je laisse la parole à Brigitte Grésy, présidente du HCE, pour dresser un premier bilan de la politique d'aide publique au développement en matière d'égalité femmes-hommes.
À ce titre, je rappelle que la commission « Droits des femmes, enjeux européens et internationaux » du HCE était en charge de l'évaluation de la Stratégie Genre et développement. Elle a produit trois rapports sur ce sujet, publiés respectivement en 2015, 2016 et 2017. Dans ces rapports, le HCE a d'ailleurs formulé des propositions stimulantes pour renforcer l'efficacité de cette politique. Je pense que Brigitte Grésy nous en parlera dans un instant.
Ce travail d'évaluation externe se poursuit dans le cadre de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité femmes-hommes, selon un rythme bisannuel.
Chère Brigitte Grésy, vous avez la parole pour présenter ces différents travaux.
Mme Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. - Merci, Madame la présidente. Je suis heureuse de me trouver parmi vous en ma qualité de présidente du Haut Conseil à l'égalité, mais également parce que j'ai appartenu au Conseil consultatif Égalité dans le cadre du G7 sous présidence française. Évidemment, l'intégration et la prise en compte de l'égalité dans l'action extérieure de la France constituent pour moi un sujet essentiel.
Le Haut Conseil à l'égalité a effectivement mené une évaluation de la stratégie Genre et développement 2013-2017, cette mission lui ayant été confiée en juillet 2013 par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le HCE a publié un avis en 2013 en vue de l'élaboration de la Stratégie Genre et développement. Depuis lors, il a produit deux évaluations intermédiaires en 2015 et 2016 et une évaluation finale en 2017.
La nouvelle stratégie internationale de la France en matière d'égalité femmes-hommes 2018-2022 mandate également le HCE pour conduire un travail d'évaluation. Cette nouvelle stratégie est plus large et dépasse le cadre stricto sensu de l'aide publique au développement, puisqu'elle a pour mission d'intégrer l'ensemble des champs d'une diplomatie féministe, dans ses dimensions politiques, économiques, culturelles, éducatives, en intégrant les engagements internes du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en matière de parité.
Nous avons commencé nos travaux en nous interrogeant en amont sur le concept même de « diplomatie féministe ». Un rapport sur ce sujet sera rendu en juin 2020. Je signale que la présidente de notre commission internationale, Martine Storti, est particulièrement impliquée à cet égard.
Nous nous félicitons du portage politique et de la détermination démontrée au niveau multilatéral par les autorités françaises en faveur de la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, engagement réaffirmé par le Président de la République à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre 2018, où il a appelé à en faire une Grande cause mondiale.
Nous soulignons également deux avancées accomplies sur la période 2013-2017. Il s'agit tout d'abord du travail méthodologique effectué de manière participative pour préciser notamment les indicateurs. Ce travail a permis de renforcer l'appropriation, par les deux acteurs principaux, à la fois du cadre et des concepts.
Ensuite, il s'agit des cadres institutionnels et des outils d'intégration du genre mis en place par les deux principaux acteurs : le cadre de redevabilité, renforcé au sein de la stratégie, ainsi que la mise en place de procédures et d'outils méthodologiques par l'AFD, avec le renforcement des réseaux de « référents égalité », tant au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères que de l'AFD.
Nous avons par ailleurs trois questionnements.
Tout d'abord, la France reste loin des objectifs d'engagement financiers fixés en 2013 pour 2017, et loin également des partenaires du Comité d'aide au développement de l'OCDE.
Le ratio de l'aide publique française au développement ayant pour objectif principal ou significatif l'égalité femmes-hommes a certes augmenté de 18 % en 2013 à 32 % pour 2016 et 2017. Il reste toutefois en deçà de l'objectif de 50 % en 2017 fixé dans la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet 2014. Il reste également inférieur à la moyenne du Comité d'aide au développement de l'OCDE qui est de l'ordre de 38 %, et très en deçà des engagements des partenaires, en particulier de ceux qui affichent une politique étrangère féministe comme la Suède, qui atteint près de 90 % de l'APD marqué 1 ou 2 en 2016-2017, ou le Canada, près de 75 %.
En outre, le ratio de l'aide publique au développement ayant pour objectif principal l'égalité femmes-hommes reste extrêmement faible, avec moins de 5 % marqués 2 en 2016 et 2017, alors que la Suède affiche, pour ces projets ayant pour objectif principal l'égalité femmes-hommes, un ratio de 25 % et le Canada, près de 10 %.
Par ailleurs, l'ensemble de l'aide publique au développement doit pouvoir être intégralement examinée au prisme du marqueur genre, alors que seulement 80 % de l'aide publique au développement a été examinée en 2016-2017.
Il convient d'accorder une attention renforcée à l'évaluation qualitative des projets afin d'améliorer leur qualité de marquage.
La Stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022 fixe à nouveau pour objectif d'atteindre 50 % de l'aide publique au développement en volume, dédiés à des projets ciblant l'égalité entre les femmes et les hommes, selon les marqueurs 1 et 2 de l'OCDE. Elle y ajoute un objectif de 700 millions d'euros par an de projets de l'Agence française de développement marqués 2.
L'objectif de la France pourrait être plus ambitieux, et viser les 85 % préconisés dans le Plan d'action pour l'égalité femmes-hommes de l'Union européenne, tout en ciblant un objectif précis d'aides marqué 2.
L'intégration du genre, en adéquation avec les engagements de la France, devrait être systématiquement envisagée dans des dispositifs tels que l'Agence Sahel, créée en 2017, dont l'objectif est d'aider les pays sahéliens à restaurer les bases d'une société stable en faveur d'un développement et d'une paix durables. En janvier 2019, l'Agence Sahel soutenait plus de 730 projets pour un montant global de 11 millions d'euros.
Il convient par ailleurs de veiller à ne pas saupoudrer les interventions sur des projets sectoriels classiques dans le but de remplir rapidement les objectifs. La prise en compte de projets innovants sera essentielle pour faire face au défi de l'égalité entre les genres.
Ensuite, il est nécessaire de renforcer l'appropriation de cette stratégie par l'ensemble des acteurs et des actrices concernés par les questions d'égalité femmes-hommes. La collecte partielle des données relatives à l'APD centrées sur le genre illustre la persistance de difficultés dans l'appropriation de cette stratégie. Parmi la trentaine de ministères et d'opérateurs sollicités par les directions du Trésor, seuls onze avaient répondu. Le ministère de la défense et le ministère de l'intérieur n'avaient pas utilisé le marqueur genre. Par ailleurs, le ratio d'aide de 18 % examiné au prisme du marqueur genre est resté faible au sein même du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les données restant fragmentaires.
Le HCE recommandait de renforcer la démarche de transparence et de redevabilité en communiquant des données comparables et exhaustives, tous ministères et opérateurs concernés. Il recommandait également d'intensifier l'effort de formation au-delà des actions de sensibilisation. Il faut absolument étendre ces formations à l'ensemble des agents de catégorie A. 88 % des agents de la Direction générale de la mondialisation avaient été sensibilisés entre 2014 et 2017, mais n'ont pas été véritablement formés. Le HCE recommandait également de mobiliser l'ensemble des opérateurs sous tutelle.
Le pilotage administratif de cette stratégie était également insuffisant. 2,5 ETP consacrés à l'égalité femmes-hommes ont été relevés, lors des évaluations, à la Direction générale de la mondialisation, 3 à 4 ETP à l'AFD. Il faut renforcer ce pilotage administratif en insistant sur une participation pleine et entière des femmes à la gouvernance, ce qui n'était pas toujours le cas au moment du G7. Il s'agit d'une condition incontournable pour l'accélération de l'égalité femmes-hommes dans les politiques publiques d'aide au développement.
Enfin, le HCE soulignait la nécessité de passer d'un bilan quantitatif à une stratégie articulée, en renforçant l'égalité femmes-hommes dans la diplomatie bilatérale et en liant la mise en oeuvre de la Stratégie Genre et développement avec d'autres stratégies existantes, comme la stratégie en matière de droits et de santé sexuels et reproductifs et le Plan national d'action « Femmes, paix et sécurité ».
Le HCE se félicite par ailleurs que la stratégie internationale de la France en matière d'égalité femmes-hommes (2018-2022) prenne en compte plusieurs de ses recommandations, notamment l'objectif d'intégration du genre à l'ensemble de la politique étrangère et plus seulement aux enjeux d'aide au développement stricto sensu, ainsi que le renforcement du portage institutionnel et politique favorisé par un pilotage de la stratégie à un haut niveau. Nous notons également, et cela est très positif, que l'AFD a pris l'engagement d'atteindre en 2022 un objectif chiffré de 700 millions d'euros annuels pour les projets notés 2, ayant pour objectif principal l'égalité femmes-hommes. Toutefois, les points de vigilance demeurent au niveau des financements, de la pérennisation du portage politique et institutionnel, ainsi que de l'appropriation par l'ensemble des agents de tous les enjeux relatifs à l'égalité.
Le Haut Conseil à l'égalité publiera en juin 2020 un rapport relatif à la diplomatie féministe, sa définition, ses critères. Il analysera, à la lecture de ce concept, le cadre mis en place par la stratégie internationale en matière d'égalité femmes-hommes (2018-2022), ses objectifs et ses indicateurs.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Merci pour ce rappel des recommandations très pertinentes du HCE sur notre problématique.
Je vais maintenant demander à Claire de Sousa Reis, représentante de l'ONG Coordination Sud, de bien vouloir nous présenter le regard de la société civile sur l'efficacité de notre politique d'aide au développement, du point de vue de l'égalité femmes-hommes.
Quelle appréciation portez-vous sur les outils déployés par le ministère et l'AFD dans ce domaine ? Quels sont, selon vous, les manques à combler et qu'attendez-vous du futur projet de loi ?
Mme Claire de Sousa Reis, déléguée générale d'Étudiants & Développement, référente au Conseil d'administration de Coordination Sud pour la commission Genre et développement. - Je représente la commission Genre et développement de l'ONG Coordination Sud, qui représente elle-même plus de 160 ONG françaises intervenant sur les questions de solidarité internationale.
Cette commission a pour mission l'échange de pratiques et d'expériences sur la question d'égalité des sexes dans les ONG, la mise en oeuvre de l'approche « genre », mais également la sensibilisation des ONG et des personnes qui les composent, ainsi que la proposition d'actions de plaidoyers pour l'intégration du genre dans les politiques de développement et de coopération française.
Le rapport d'Oxfam qui vient d'être publié, Celles qui comptent - Reconnaître la contribution considérable des femmes à l'économie pour combattre les inégalités, énonce : « ce n'est pas un hasard si, sur les richesses mondiales totales, les hommes en détiennent 50 % de plus que les femmes, car les pratiques et les politiques économiques sont partout favorables aux hommes. Dans le monde, les hommes détiennent plus de terres, d'actions et autres capitaux que les femmes. Dans de nombreux pays, la loi interdit même aux femmes de posséder de tels actifs ».
Les inégalités perdurent, voire s'aggravent. Les femmes sont les premières victimes de violences sexistes et sexuelles, leurs revenus sont nettement inférieurs à ceux des hommes, l'accès à la scolarisation des filles et des femmes constitue encore un défi et il reste un long chemin à parcourir sur la place des femmes à des rôles stratégiques et décisionnaires. Il est grand temps d'agir pour donner vie à l'objectif de développement durable n° 5, qui concerne l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles de manière transversale et spécifique.
Promouvoir l'égalité de genre est ainsi avant tout un enjeu de justice sociale et de respect des droits inaliénables de toute personne humaine, mais aussi une condition de l'efficacité du développement et de l'action humanitaire.
L'inclusion des femmes et des filles constitue un facteur avéré de croissance économique, d'innovation sociale, de stabilité et de pérennité du développement humain.
C'est un enjeu que l'aide financière et l'action internationale de la France, qui prennent déjà en compte ces éléments, puissent en faire davantage afin que chaque euro alloué APD et temps de travail participent à la réduction des inégalités entres les femmes et les hommes.
Notre appréciation de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité femmes-hommes 2018-2022 a été formulée dans le cadre des réflexions de la commission Genre et développement, qui avait été préalablement consultée. L'objectif était de s'assurer de la pertinence de cette stratégie et d'un niveau d'ambitions rehaussé par rapport à la précédente stratégie. L'ensemble de la stratégie s'inscrit dans une dynamique positive d'appropriation et de portage de l'égalité par la France au sein du ministère et de ses agences. Ce sujet a été érigé en grande cause du quinquennat, poussant la France à se réclamer d'une diplomatie dite féministe.
Nous saluons ces progrès et la volonté politique qu'elle démontre. Nous relevons toutefois certaines insuffisances quant aux ambitions gouvernementales d'incarner une diplomatie féministe. Si les engagements institutionnels existent, il faut assurer une dynamique interne au sein des opérateurs sous tutelle de l'État, comme l'Agence française de développement, et une réelle appropriation du genre par ces instances. La diplomatie féministe que souhaite incarner le gouvernement implique de la part de ses administrations une exigence renouvelée envers l'égalité femmes-hommes. Les référents et les experts « Genre », quoique maillons essentiels pour poursuivre les efforts entrepris, ne doivent pas constituer les seuls agents sensibilisés à cet enjeu.
Il faut rappeler aussi que cette stratégie ne dispose pas d'un budget dédié, ce qui pose un problème de réalisation et de suivi des efforts entrepris pour l'intégration du genre dans les instruments de l'aide publique au développement.
Par ailleurs, l'objectif affiché de 50 % de l'aide publique au développement bilatéral programmable marquée genre est resté le même que pour de la précédente stratégie, qui n'a lui-même jamais été atteint. Pour rappel, 28 % de l'aide publique bilatérale contribuaient à l'égalité de genre en 2016, et seulement 2,5 % étaient marqués 2.
L'ambition féministe de nos gouvernements nécessite tout d'abord de dédier un budget spécifique à la mise en oeuvre de cette stratégie internationale, afin de réaliser les ambitions que nous partageons en termes de sensibilisation, de formation, d'élaboration d'outils de suivi et d'intégration du genre dans les instruments d'aide publique au développement.
Ensuite, il convient d'établir un système de redevabilité pertinent et largement approprié. Nous gagnerons toutes et tous à augmenter la transparence financière dans ce domaine afin de permettre un suivi plus précis des projets.
Nous souhaitons par ailleurs connaître la proportion de projets marqués 1 et 2 et le volume financier qu'ils représentent respectivement.
Nous aimerions également que soient étudiés conjointement les critères objectifs qui guident cette notation, afin de travailler ensemble à des pistes d'amélioration pour la prise en compte de l'approche « genre » dans les projets financés par l'AFD.
Nous affirmons notre besoin de précisions sur les modalités et canaux de financement dédiés aux projets impliquant le genre et nous demandons des plans d'actions spécifiques par rapport à ces modalités.
Il convient de s'assurer que tous les projets soutenus aient un véritable impact sur les conditions de vie des femmes et leur permettent d'atteindre leur propre émancipation. Nul n'est plus en mesure que les organisations féministes locales d'en juger : les associer à cette démarche est donc une nécessité, de même que l'implication des femmes et des jeunes filles dans les instances de décision de manière pleine, effective et égale.
Le futur projet de loi représente une opportunité importante pour entrer véritablement dans l'objectif de développement durable numéro 5. Il convient de fixer des objectifs clairs et ambitieux et de définir un cadre limpide de redevabilité par l'application systématique des marqueurs genre de l'OCDE afin de mesurer l'atteinte des objectifs, mais aussi d'assurer la formation de l'ensemble des agents et agentes de l'aide publique au développement à l'égalité de genre.
Il faut également intégrer l'égalité de genre de manière transversale dans l'ensemble des projets portés par la France. Il s'agit ici d'aligner les engagements français concernant l'APD Genre avec le Gender Action Plan de l'Union Européenne, dans un souci d'ambitions rehaussées et cohérentes. Il faudrait alors viser 85 % de l'aide publique au développement dédiée à l'égalité de genre, dont 20 % auraient pour objectif principal cette égalité.
Si la notation de 100 % des projets selon les marqueurs 1 et 2 semble encore inatteignable aujourd'hui, elle représente l'horizon vers lequel nous devons tendre pour atteindre l'égalité.
Nous comptons sur la mobilisation des parlementaires lors de l'examen de cette loi pour que l'égalité entre les femmes et les hommes ne soit pas reléguée à une politique sectorielle. Elle doit au contraire constituer une priorité transversale et structurante de la politique internationale de la France : il en va de sa légitimité à se prévaloir d'une diplomatie féministe et à incarner cet État champion organisateur du Forum Génération égalité.
La consultation et la prise en compte des organisations de la société civile représentent une condition essentielle à l'élaboration de politiques pertinentes et adéquates, spécifiquement concernant l'égalité de genre.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Je vous remercie pour cette intervention très éclairante.
Nous avons rappelé le cadre d'intervention de la politique de coopération et de développement en matière d'égalité femme homme, présenté sa déclinaison sur le terrain puis tenté de dresser un bilan de son efficacité. Il nous reste à aborder la question cruciale des perspectives et des pistes d'amélioration, qui constituera d'ailleurs l'un des enjeux du futur projet de loi.
Madame Gal-Régniez, en tant que directrice d'Équipop, vous avez contribué à la mobilisation de la société civile sur l'égalité femmes-hommes lors du G7 et vous faites partie du collège des ONG au sein du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI).
Quels sont selon vous les défis et leviers d'action pour la mise en oeuvre d'une politique extérieure féministe de la France ? Que pouvons-nous attendre du futur projet de loi en la matière ?
Madame Gal-Régniez, nous vous écoutons avec intérêt.
Mme Aurélie Gal-Régniez, directrice exécutive d'Équilibres & Populations (Équipop), membre du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). - La future loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI), qui devrait être examinée en 2020, aura pour objectif de concrétiser la nouvelle ambition de la politique de développement française sur le plan des moyens et de la méthode. L'aide publique au développement devrait atteindre 0,5 % du revenu national brut en 2022. La loi devrait également, s'agissant de la méthode, renforcer la dimension partenariale de la politique de développement par une plus grande mobilisation et l'inclusion de l'ensemble des acteurs et actrices concernés.
Cette loi, dont le calendrier n'est pas sans susciter l'inquiétude des membres du CNDSI, nous a été présentée dans sa première version en mars 2019, mais ne figure plus à l'agenda malgré les annonces qui avaient été faites. En conséquence, je ne vais pas pouvoir partager un regard critique sur la prise en compte de l'égalité femmes-hommes dans le texte proposé. En revanche, je suis en mesure de partager avec vous les points que je juge indispensables dans sa version finale.
J'aimerais souligner la particularité du moment politique que nous vivons. Nous nous trouvons à un véritable tournant, où la force des attentes citoyennes nécessite que les États se repositionnent sur cet enjeu et mènent une véritable politique extérieure féministe comme peuvent le faire le Canada, la Suède, le Luxembourg ou plus récemment le Mexique.
L'annonce du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, le 8 mars 2019, témoigne d'un réel engagement de la France en faveur d'une politique féministe. Une marche a été franchie et le monde entier s'en félicite, en particulier les féministes. En effet, renouveler les politiques extérieures à l'aune d'une approche féministe est prometteur pour répondre aux changements qu'exige la période actuelle.
Pour que la LOP-DSI contribue réellement à ce renouveau de l'approche de politique extérieure, il faut qu'elle pose un cadre stratégique pour permettre de décliner les moyens en adéquation avec une vision assumée, partagée par l'ensemble des services de l'État, et qui pourra servir de référence à long terme.
Il faut que l'ambition d'une politique extérieure féministe soit affichée en préambule de la loi et que la politique extérieure de la France puisse s'appuyer sur un certain nombre de principes sécurisés par la LOP-DSI.
Ces conditions nécessitent de définir ce qu'est une politique féministe : il est extrêmement précieux que des instances comme le HCE puissent y contribuer. Certains États ont déjà défini les piliers de cette approche ; par ailleurs, sur la scène internationale, des chercheuses et des militantes définissent un cadre commun qui sera présenté à New York dans quelques semaines.
Parmi ces principes, il a été dit, et je le réaffirme, que l'approche par les droits est fondamentale. Elle doit en effet être posée comme un principe intangible au service duquel la politique de solidarité internationale doit se placer, en particulier la politique de solidarité internationale. Il faut rester vigilants quant à la cohérence de l'ensemble, et mettre en place des systèmes qui nous garantissent que les autres volets de la politique extérieure ne nuisent pas à ce principe d'approche par les droits.
Il faut également prioriser et faire apparaître dans la LOP-DSI les droits les plus contestés, notamment les droits et la santé sexuelle et reproductive.
La stratégie doit clairement être visible dans cette loi et doit pouvoir s'appuyer sur des personnes et organisations en capacité de porter le changement. Le succès d'une politique repose beaucoup sur les personnes et organisations partenaires en charge de sa mise en oeuvre. Il est fondamental que les professionnels dédiés à l'égalité femmes-hommes soient suffisamment nombreux au sein des institutions publiques. Par ailleurs, il faut poursuivre l'effort d'appropriation de cette démarche, aussi bien au niveau du ministère que des opérateurs, car les résistances sont nombreuses et le portage de cet enjeu encore très peu partagé. Nous savons qu'il existe un certain nombre de blocages enracinés dans un système qui perdure depuis des siècles. Le changement de paradigme qu'il faut accompagner suppose d'identifier clairement ces blocages et d'y répondre en conséquence. Sur ce point, nous pourrions nous inspirer d'exemples comme l'Argentine, qui à travers une loi adoptée récemment, s'assure que tous les fonctionnaires des instances législatives, judiciaires et administratives suivent une formation sur l'égalité femmes-hommes.
Par ailleurs, la LOP-DSI inscrit dans ses objectifs le renouvellement des partenariats et la nécessité d'être plus inclusifs. Cet aspect constitue un enjeu clé de travail avec les partenaires de la société civile, en particulier les associations féministes. La France se caractérise par un pourcentage de l'APD dédié aux associations extrêmement faible : 3 à 4 % de l'APD passent par les associations de la société civile, contre 13 à 17 % dans le reste de l'OCDE. Et parmi les associations de la société civile qui bénéficient de ces 3 à 4 % de l'APD, les associations féministes et les mouvements de femmes locaux sont peu nombreux...
Cet aspect révèle un défi important en termes de montant, mais suppose aussi de changer les modalités d'attribution de cette aide. Il ne s'agit pas simplement d'augmenter les montants attribués à un combat, mais de réfléchir à la méthode qui permettra un changement en profondeur du système. Actuellement, les modalités d'octroi des financements empêchent très clairement de créer des partenariats avec des associations locales et des mouvements de femmes à cause d'un effet barrière de certains critères.
Pour pouvoir bénéficier du soutien de l'AFD, ces associations et mouvements doivent notamment avoir déjà un budget conséquent. Or nous sommes dans une impasse, car les mouvements de femmes sur le terrain, ne pouvant prétendre à ce type de financements, n'auront donc pas la capacité d'augmenter leur budget et n'auront jamais suffisamment de financements pour mener leurs missions. Si nous ne changeons pas les critères d'attribution des financements, elles sont condamnées à l'indigence ! C'est une première chose.
Deuxièmement, pour qu'il soit vraiment efficace, il faut inscrire ce soutien dans la durée. Pour pouvoir travailler davantage avec les actrices et les acteurs qui mènent ces luttes, il faut pouvoir intégrer leur renforcement comme un objectif en soi de notre politique d'aide au développement.
Concernant la redevabilité, le marqueur 2 constitue un élément fondamental. La France doit soutenir des projets principalement dédiés à la lutte contre les inégalités femmes-hommes. L'approche doit se concentrer sur la qualité, au-delà de la logique comptable, et l'appréciation de ces projets doit intégrer l'évaluation de leur capacité à faire évoluer les rapports de pouvoir. C'est aussi la méthodologie qui doit changer, s'agissant de l'appréciation des projets éligibles à l'APD.
Le temps est venu de faire plus que de simples déclarations d'intentions sur les idéaux féministes en matière de politique étrangère. Nous espérons que la prochaine loi sera un outil pour y contribuer, et nous comptons à cet égard sur votre soutien.
Mme Annick Billon, présidente. - La présidente du HCE nous recommandait tout à l'heure d'éviter le saupoudrage, tandis que vous soulignez la nécessité d'augmenter les aides apportées aux petites associations. Ces deux remarques ne sont-elles pas contradictoires ?
Mme Cléa Le Cardeur, commissaire aux affaires internationales et européennes (HCE). - Elles ne sont pas contradictoires. Il convient d'éviter le saupoudrage, c'est à dire la multiplication d'interventions dispersées et de court terme, qui naissent parfois dans la volonté de répondre quantitativement aux objectifs. Il est bien entendu fondamental d'aider les associations de terrain, mais en adoptant une vision stratégique et en inscrivant ce soutien et ces actions dans la durée.
Mme Aurélie Gal-Régniez. - L'idée est effectivement de mener une politique volontariste et proactive. Je ne pense pas que le fait de soutenir une société civile diverse, qui est la plus légitime dans les pays d'intervention pour porter la question de l'égalité femmes-hommes, constitue du saupoudrage. Ce soutien doit cependant être pluriannuel, avec une inscription dans la durée, et doit accepter et intégrer le renforcement de la société civile comme un objectif prioritaire.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Je vous remercie pour ces éléments de réponse qui nous confortent aussi dans notre souhait de rester vigilants et mobilisés au cours de la discussion du projet de loi de programmation et d'orientation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale.
Nous arrivons à la fin de la table ronde que nous allons conclure par un focus sur l'exemple canadien.
Je remercie à cet égard l'ambassade du Canada pour son engagement constant à nos côtés. Nous avons, en effet, eu le plaisir de recevoir l'ambassadrice Isabelle Hudon au cours de notre table ronde du 29 juin 2019 sur les enjeux du G7 en termes d'égalité femmes-hommes. Merci à Amy Becker et Mélanie Bejzyk de poursuivre cette fructueuse collaboration.
Mesdames, nous comptons sur vous pour nous présenter la politique d'aide publique au développement du Canada, caractérisée par une prise en compte exigeante en faveur de l'égalité femmes-hommes.
Mme Amy Baker, cheffe de mission adjointe de l'ambassadrice du Canada en France. - Merci beaucoup, Madame la présidente, de nous avoir associées à cette réunion.
Le gouvernement du Canada a une approche féministe de la politique internationale qui s'appuie sur une diversité des lois et politiques. Je vais cependant surtout parler de notre politique d'aide internationale féministe et des progrès de sa mise en oeuvre depuis son lancement en 2017.
Notre approche féministe de la politique internationale est fondée sur la conviction que toutes les personnes doivent avoir accès aux mêmes droits. Cela implique de lutter contre les discriminations sectorielles auxquelles sont confrontées les femmes et les filles, y compris sur la base de leur identité personnelle, de leur origine ethnique, de leur religion, de leur langue, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs compétences ou de leur statut d'immigrantes ou de réfugiées. Cette approche féministe est fondée sur la conviction forte, portée par notre pays, que les femmes et les filles possèdent la capacité d'apporter de réels changements en termes de développement durable et de paix.
Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les groupes locaux de défense des droits des femmes, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, de lutte contre les mariages d'enfants précoces et forcés, de soutien à l'accession à l'économie et à la prise de décision.
La politique internationale féministe a été adoptée suite à un vaste processus de consultation au Canada et dans le monde. Nous avons entendu plus de 15 000 personnes dans plus de 65 pays qui ont soutenu que la dignité humaine et l'égalité des sexes doivent être au coeur du développement et des actions humanitaires du Canada.
Notre politique vise à développer l'égalité à travers un monde plus inclusif, plus pacifique et plus prospère. Le Canada croit fermement que la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles constituent le moyen le plus efficace d'atteindre cet objectif.
En mettant l'accent sur les plus pauvres et les plus vulnérables, la politique du Canada se conforme pleinement aux objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2030. Elle veille à ce que personne ne soit laissé pour compte dans la réalisation des ODD.
Le Canada a donc fixé des objectifs spécifiques liés à l'égalité des genres. D'ici 2022, au moins 95 % des investissements d'aides internationales bilatérales au développement du Canada viseront l'intégration de l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes et des filles. L'objectif est presque atteint aujourd'hui, car 94 % des investissements le satisfont déjà.
Le Canada met en oeuvre notre politique par le biais de vastes initiatives. Par exemple, le programme Voix et Leadership des femmes soutient les organisations qui oeuvrent en faveur des femmes dans les pays en développement et qui militent pour les droits des femmes et l'égalité des genres. Il existe 32 projets répartis dans 30 pays et régions, souvent portés par des organisations très petites.
Le Canada est un ardent défenseur de l'amélioration de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles, car le contrôle de leur avenir commence par le contrôle de leur propre corps. Lorsque le Canada était l'hôte de la conférence internationale sur l'éducation de juin 2019, notre gouvernement a annoncé l'augmentation du financement canadien pour la promotion de la santé et des droits des femmes et des filles à travers le monde à hauteur de 1,4 milliard de dollars canadiens d'ici 2023, avec une moyenne de 700 millions de dollars canadiens par année.
L'initiative Sa voix, son choix ambitionne l'amélioration de l'accès des femmes à l'éducation sexuelle, à la planification familiale, à la contraception, aux avortements sûrs et légaux ainsi qu'aux soins après l'avortement.
Le Canada joue également un rôle de leadership important dans les mouvements et les partenariats internationaux comme She decides.
Pendant la présidence du G7 du Canada en 2018, le Canada et ses partenaires se sont engagés à investir près de 3,8 milliards de dollars canadiens dans l'éducation pour les femmes et les filles dans les pays en situation de crise ou de conflit. L'engagement du Canada se porte à 400 millions de dollars sur trois ans ; il a été alloué à des projets en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, en Asie et dans les Amériques.
Il ne s'agit que de quelques exemples de mise en oeuvre de notre politique dite féministe. Le Canada travaille également sur le changement climatique, la paix et la sécurité, la croissance économique, la dignité humaine et la gouvernance inclusive.
Le développement s'est complexifié ces dernières années avec des besoins croissants et divers. Le Canada joue un rôle dans la promotion et le soutien de solutions novatrices à ces défis. Lors de la conférence Women Deliver de 2019, le Canada a annoncé un engagement de 300 millions de dollars canadiens pour travailler avec le consortium France égalité. Cette initiative a abouti à la première plate-forme de financement mondiale innovante pour créer et maintenir une source de financement durable pour les organisations des femmes dans les pays en développement, en catalysant les financements et en offrant des subventions flexibles.
Chaque jour, les investissements du Canada dans les politiques et les programmes soutiennent les efforts des pays partenaires afin de mobiliser les réseaux et les capacités dont ils ont besoin pour produire des résultats positifs et soutenir les acteurs dans l'atteinte des objectifs du développement durable.
Bien que nous ayons réalisé des progrès significatifs dans la mise en oeuvre de notre politique, beaucoup de travail reste à faire et nous continuerons à nous concentrer sur la réalisation de nos engagements.
Enfin, nous travaillons avec la France à la mise en oeuvre du plan d'action Canada-France annoncé lors de la visite du président Macron au Canada en juin 2018. Je vois une opportunité de renforcer cette collaboration dans la perspective du Forum Génération égalité.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - Je vous remercie pour cet éclairage aussi intéressant qu'inspirant.
Je vais maintenant donner la parole à mes collègues pour un temps de questions/réponses.
Mme Maryvonne Blondin. - Lorsque vous avez évoqué le MEAE et l'Agence française de développement, vous avez présenté des projets et commenté les marqueurs de genre 1 ou 2. Pouvons-nous revenir sur ce classement et sur la notion de redevabilité ?
J'ai été en charge de coopération décentralisée de solidarité internationale au sein d'un département et je dois témoigner de la difficulté de remplir les dossiers de demande de subvention au ministère des affaires étrangères. Les critères sont complexes à appréhender : les simplifier consisterait déjà une première solution, à mon avis.
Quand une collectivité s'engage, elle le fait pour plusieurs années et veut voir son projet aboutir, qu'il concerne la lutte contre les violences ou l'implication des femmes dans le monde économique. Il faut en conséquence soutenir les femmes dans la durée, par exemple au travers de petites entreprises, et ne pas tout arrêter au bout de deux ou trois ans. Cet effort sur le long terme constitue pour moi un point essentiel. Selon le proverbe africain : « Tu éduques un homme, tu éduques une personne ; tu éduques une femme, tu éduques un village. »
Sur la politique extérieure féministe et la nomination de femmes à des postes de responsabilité dans la diplomatie, je sais qu'il existe dans certaines ambassades françaises la possibilité d'affecter un couple d'ambassadeurs dont l'un des partenaires assure la représentation française pendant six mois, puis le conjoint prend le relais pour les autres six mois. J'ai pu en rencontrer en Croatie, mais j'ignore si la volonté des ministères sera de poursuivre ce type d'organisation.
Nous sommes toujours heureux d'associer à nos réflexions le Canada, dont l'ambassadrice était venue devant les membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont je fais partie pour nous présenter les actions de son pays.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - À propos des marqueurs, le marqueur 0 indique que le projet ne prend pas en compte le genre. Le marqueur 1 signifie que le projet a pour sous-objectif significatif ou secondaire l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les inégalités de genre. Le marqueur 2 indique que le projet a pour objectif principal l'amélioration de l'égalité femmes-hommes.
Mme Ouafae Sananès. - Ce système a été élaboré par la direction de la coopération pour le développement et par l'ensemble des États membres de l'OCDE précisément afin d'évaluer l'aide publique au développement. Certes, tout marqueur ou tout outil peut être perfectible, néanmoins ces indicateurs permettent d'avoir une idée de la direction que nous empruntons.
M. Joan Valadou. - Le cadre de redevabilité a pour mission d'assurer le suivi de l'évaluation et des objectifs fixés et constitue une partie importante de la stratégie internationale 2018-2022. La stratégie ne doit pas se contenter de formuler des objectifs, elle doit également permettre une méthodologie et favoriser les mesures efficaces permettant d'atteindre des résultats. En matière d'APD, plusieurs points spécifiques sont détaillés, avec une meilleure définition des résultats attendus, la mise en place d'un cadre cohérent, l'évaluation externe et l'affinement des outils de redevabilité du genre.
Mme Agnès Von der Mühll. - Les couples d'ambassadeurs constituent une innovation dans le réseau diplomatique français, mais certains de nos partenaires l'avaient déjà expérimentée. Il s'agit d'une possibilité offerte à un couple d'agents de pouvoir concilier vie professionnelle et vie personnelle, et qui sera encouragée dans la mesure où des collègues seront volontaires.
Mme Claudine Lepage, présidente, rapporteure. - Merci, chers collègues.
Il nous reste quelques minutes pour un temps d'échange avec le public. Qui souhaite intervenir ?
Mme Farah Malek-Bakouche, chargée de plaidoyer international pour UNICEF France. - Je vous remercie pour ce temps d'échange.
À nos yeux, il est important que la dimension de l'enfance soit intégrée, indépendamment du prisme genre. Or dans la dernière version de la LOP-DSI, le mot enfance n'apparaît pas.
Nous reconnaissons qu'il existe une prise en compte de plus en plus importante des jeunes de la tranche d'âge 18 à 35 ans dans les différentes stratégies et orientations politiques ; nous estimons cependant tout aussi important que cet effort porte aussi sur la tranche d'âge des 0-15 ans et que la petite enfance soit intégrée aux « feuilles de route ». La tranche d'âge 0-15 ans doit donc être prise en compte dans les documents d'orientation et les cadres des différentes stratégies, que ce soit DSSR ou l'éducation. Il faut augmenter les investissements destinés à la petite enfance, ce qui implique bien évidemment des marqueurs « enfance ».
Cet aspect nécessite une collecte de données intégrant le genre, l'âge et les statuts socio-économiques, sans oublier les personnes vivant avec un handicap qui doivent également être prises en compte. Nous en revenons ici à la discussion sur l'intersectionnalité. C'est important, car ces enjeux sont en lien avec les ODD. En effet, les inégalités naissent tôt. Pour les combattre, il faut donc investir dans le secteur de l'enfance.
J'en profite pour remercier le Canada des engagements pris à Charlevoix dont beaucoup visaient spécifiquement les filles, notamment sur ceux sur une éducation de qualité pour les filles, les adolescentes et les femmes dans les pays en développement. Une approche multisectorielle est effectivement nécessaire : l'éducation favorise l'amélioration de la santé et joue un rôle dans la paix et la sécurité. Seulement 0,6 % de l'APD française visait l'enfance en 2015. Cet investissement n'est pas suffisant.
Mme Bettina Petit, chargée de plaidoyer pour Action Santé Mondiale. - L'égalité femmes-hommes ne pourra être poursuivie sans améliorer la santé des femmes et des filles.
Je profite de la présence de représentants du MEAE pour leur adresser une question s'agissant du Forum Génération égalité accueilli par la France en juillet prochain. Il a été annoncé que plusieurs coalitions d'action seraient organisées, dont une consacrée aux droits et à la santé sexuels et reproductifs. Quelle sera l'implication de la France dans cet événement et en profitera-t-elle pour prendre des engagements financiers ?
Mme Agnès Von der Mühll. - Il est probable que l'une des coalitions d'action concerne les droits et la santé sexuels et reproductifs. Elle demandera un certain nombre d'engagements de la part des États comme de la société civile et des acteurs privés. Il n'est pas exclu que la France joue dans cette coalition un rôle prépondérant.
Mme Claudine Lepage, vice-présidente, rapporteure. - La délégation aux droits des femmes restera mobilisée sur la question du droit des femmes à l'international. La prise en compte de l'égalité femmes-hommes dans la politique d'aide publique au développement constitue un jalon important à cet égard. Ce n'est toutefois pas le seul élément d'une diplomatie véritablement féministe.
Nous organiserons au mois de mars une table ronde sur le Forum Génération égalité qui aura lieu début juillet à Paris, 25 ans après la conférence mondiale de l'ONU sur les femmes à Pékin. Cet événement sera ouvert au public ; il associera ONU Femmes France et l'ambassadrice et secrétaire générale du forum. Il sera l'occasion de dresser un bilan du droit des femmes aujourd'hui dans le monde et de mesurer l'ampleur des combats qu'il reste à mener.
La conférence que la France accueillera cet été constitue une réelle opportunité pour créer une nouvelle dynamique universelle en faveur de l'égalité femmes-hommes.
Mme Annick Billon, présidente. - Merci à toutes et à tous d'être venus échanger avec nous. Merci tout particulièrement à Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation, qui a assuré l'animation de cette table ronde.
J'ai énormément apprécié nos échanges pour leur diversité et les points intéressants qu'ils ont soulevés. Merci à l'ambassade du Canada d'avoir témoigné une nouvelle fois devant nous de son engagement.