Mercredi 5 juin 2019
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
La réunion est ouverte à 09 h 35.
Audition de S.E. M. Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie (ne sera pas publié)
Cette audition n'a pas donné lieu à un compte rendu.
Emergence de la Colombie - Examen du rapport d'information
M. Christian Cambon, président. - L'ordre du jour appelle la présentation du rapport de nos collègues MM. Hugues Saury, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Marie Bockel et Joël Guerriau sur l'émergence de la Colombie.
M. Hugues Saury, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, nous vous présentons aujourd'hui à quatre voix les conclusions de nos travaux sur la Colombie, pays où nous nous sommes rendus début avril. Nous commencerons par dresser un bilan de l'application de l'accord de paix - à cet égard, vous le verrez, notre rapport pourrait s'intituler : « Colombie : une paix encore fragile » - avant de mettre l'accent sur les différentes facettes de la relation bilatérale entre la France et la Colombie.
Comme vous le savez, ce pays de près de 50 millions d'habitants stable politiquement depuis très longtemps, possède une histoire récente marquée par la violence et par un conflit armé qui a fait plus de 8 millions de victimes. Il a connu, sous l'égide de la communauté internationale, un tournant majeur avec la signature en 2016 d'un accord de paix avec la guérilla des FARC. Négocié pendant près de quatre années par le gouvernement du président Santos, cet accord de paix ne fait pourtant pas fait l'objet d'un consensus dans la société colombienne, qui reste très marquée par les crimes commis par les FARC, quand bien même la violence a aussi été pratiquée à grande échelle par d'autres groupes armés.
La réticence d'une partie des Colombiens à accepter la paix avec les FARC explique la victoire du « non » lors du référendum du 2 octobre 2016, qui les invitait à se prononcer sur une première version de l'accord. Une victoire étroite, puisque la participation a été seulement de 37,44 % et le non a obtenu seulement 50,21 des suffrages. Ce résultat a eu pour conséquence une révision dans un sens plus restrictif de son texte, avant sa signature définitive en novembre 2016. L'élection à l'été 2018 du président Ivan Duque, très proche de l'ex-président Uribe, s'est également faite sur une campagne à charge contre l'accord de paix.
Pourtant, malgré cette orientation initiale et la pression exercée par la frange la plus radicale de sa majorité parlementaire, le gouvernement de Duque se dit déterminé à mettre en oeuvre l'accord de paix : il s'y est engagé devant l'AG des Nations Unies en septembre 2018, il a conforté le fonctionnement des instances de suivi prévues par l'accord et a fait adopter une feuille de route intitulée « Paix dans la légalité », qui en reprend les différents volets.
L'accord de paix est un document très détaillé qui ne vise pas seulement à mettre fin au conflit armé avec les FARC mais aussi à remédier à ses causes profondes. Ses différents volets prévoient ainsi la démobilisation et le désarmement des combattants ; la mise en place d'un mécanisme de justice transitionnelle permettant aux guérilleros d'échapper à la prison dès lors qu'ils reconnaissent leurs crimes ; le principe de la participation des FARC à la vie politique assorti de garanties ; l'éradication des cultures illicites, en premier lieu celle de la coca, la Colombie étant le premier pays producteur mondial de cocaïne ; enfin, une politique de développement rural intégral destinée à traiter la question des inégalités entre les territoires et celle de l'accès à la terre, qui ont été aux racines du conflit.
Quel bilan peut être tiré, à ce jour, de l'application de l'accord ? Il nous faut d'abord mettre l'accent sur un certain nombre d'avancées. La première est, bien entendu, la réussite du processus de démobilisation, désarmement et réinsertion des ex-combattants FARC ; un processus inédit dans les conflits armés, mené sous l'égide des Nations unies. Après l'adoption d'une loi d'amnistie, quelque 7 000 ex-guérilleros ont ainsi rejoint 26 « espaces territoriaux de formation et de réincorporation » - dits « ETCR » -, où ils ont déposé les armes - la restitution étant achevée depuis le 3 juillet 2017 - et où ils se réadaptent à la vie économique et sociale, en percevant un revenu égal à 90 % du salaire minimum. Notre délégation s'est ainsi rendue dans un espace de regroupement situé dans la municipalité d'Anori, au nord du département d'Antioquia, où une centaine d'ex-combattants FARC et leurs familles ont développé diverses activités, comme la boulangerie, la pisciculture, ou encore des ateliers de couture.
Certes, des désertions se produisent, qui tiennent surtout à l'attractivité des revenus offerts par les activités criminelles ; de l'ordre de 900 dollars par mois contre 200 dollars pour ceux qui restent dans les espaces de regroupement. À ce jour, 17 % des ex FARC auraient quitté le processus de paix.
Pourtant, les ex-guérilleros que nous avons rencontrés nous ont donné l'impression d'adhérer pleinement au processus de paix et d'apprécier le retour à une vie normale et sédentaire - la présence de nombreux enfants dans ces villages en est la preuve -, tout en regrettant leur isolement politique et leur localisation dans la montagne.
Deuxième point positif : la participation des FARC à la vie politique. Il s'agit d'un volet majeur de l'accord qui vise à permettre aux combattants de poursuivre leurs objectifs dans un cadre institutionnel. Ainsi, la guérilla des FARC s'est officiellement transformée le 31 août 2017 en un parti politique, la Force alternative révolutionnaire du Comùn ; l'acronyme FARC étant ainsi conservé. Malgré des dissidences et des tensions internes, le parti FARC maintient la ligne adoptée lors des négociations et joue le jeu de l'accord de paix. Dans les deux chambres du Congrès, les représentants des FARC occupent les 9 des 10 sièges qui leur ont été dévolus par l'accord et participent aux travaux législatifs. Lors de notre déplacement, nous avons rencontré des parlementaires de différents bords politiques, dont un député FARC, qui siègent et débattent au sein d'une commission parlementaire de suivi de l'accord de paix. Le parti FARC participera, en outre, aux élections locales organisées en octobre 2019.
Enfin, troisième avancée : la mise en place d'un système original, dénommé « Système intégral de vérité, justice, réparation et non répétition », destiné à permettre la réparation des crimes commis et favoriser la réconciliation. Ce système repose sur trois piliers : une « Juridiction spéciale pour la Paix » - JEP en espagnol - chargée de mettre en oeuvre la justice transitionnelle avec des peines adaptées, une « Commission de la Vérité », qui vise à libérer la parole sur le conflit et à rendre possible la réconciliation, et une « unité de recherche des personnes disparues », puisqu'il faut rappeler que le conflit est à l'origine de 80 000 disparitions.
Compétente pour juger les faits commis par les ex combattants FARC, mais aussi d'autres groupes armés, la JEP est une juridiction distincte de la justice ordinaire qui a la faculté de prononcer des peines adaptées, alternatives à la prison, en contrepartie de la reconnaissance par les auteurs des violences commises, avec l'objectif de permettre une réparation au profit des victimes, à l'instar de l'obligation de reconstruire une école dans une province. Malgré les critiques dont elle fait l'objet par une partie de la majorité présidentielle qui l'accuse de partialité et de complaisance envers les ex-combattants, notamment pour des crimes commis après la fin du conflit armé, cette juridiction fonctionne ; elle examine actuellement sept affaires concernant quelque 820 000 victimes et a montré qu'elle savait respecter le champ de compétences qui lui est dévolu.
Tout autre est la tâche de la Commission de la Vérité, organe indépendant dont nous avons rencontré le président, le père jésuite Francisco de Roux. Sa mission est d'établir une « vérité des faits » et de livrer un récit national sur le conflit permettant sa compréhension collective et la réconciliation de la société. Mise en place en novembre dernier, cette Commission de la Vérité mène un travail approfondi, recueillant les témoignages des victimes et des acteurs du conflit, écoutant des experts, se déplaçant dans les régions. L'enjeu, comme l'a souligné le père de Roux, est de faire émerger une « culture de la paix » dans un pays meurtri par des années de guerre et de violence bestiale. Il nous rappelé les blessures profondes infligées par cette guerre à la société colombienne : plus de sept millions de personnes déplacées, 82 000 disparues, 37 000 personnes séquestrées, plus de 17 000 enfants recrutés pour faire la guerre, 7 millions d'hectares de terres spoliées, ainsi que des milliers de personnes avec des séquelles physiques. Les travaux de cette commission devraient durer trois ans et déboucher sur la production d'un rapport, mais aussi de différents matériaux et vecteurs, comme des films et des pièces de théâtre destinés à en permettre une large diffusion.
Ainsi l'accord de paix, dont la mission de suivi des Nations Unies mesure régulièrement les progrès, a marqué un vrai tournant dans l'histoire du pays et favorisé une diminution du niveau de violence dans le pays qui demeure pourtant. Il a contribué à un changement de l'image de la Colombie, avec un effet positif sur son économie et sa croissance.
Cependant, tout n'est pas parfait, loin s'en faut. Je passe la parole à notre collègue Gilbert-Luc Devinaz qui va vous présenter les difficultés que rencontre l'application de l'accord.
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - En effet, la mise en oeuvre de l'accord de paix rencontre un certain nombre de difficultés qui suscitent des inquiétudes et pourraient mettre en danger la paix. La première est liée aux difficultés d'adoption d'une loi statuaire concernant la Juridiction spéciale pour la Paix, le président Duque ayant formulé six objections à l'encontre de six dispositions de ce texte déjà examiné par le Parlement, sans doute pour donner des gages à sa majorité, très critique à l'égard de cette juridiction. Ces objections, censées permettre une meilleure protection des droits des victimes, ont été à l'origine d'un enlisement de la procédure d'adoption de ce texte, qui fragilise le système de justice transitionnelle, amoindrit la légitimité de ses décisions et induit une certaine forme d'inquiétude juridique pour les parties à l'accord de paix. Présentée comme technique, cette initiative est en réalité d'ordre politique et constitue un mauvais signal pour la paix.
Une deuxième inquiétude tient à la lenteur de la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures prévues par l'accord, révélatrice, pour certains observateurs, d'un manque de volonté politique. Cela concerne tout particulièrement la réinsertion socio-économique des anciens FARC, dont l'approbation des projets productifs collectifs et individuels a pris du retard, même s'il faut souligner une accélération récente. Ainsi, seule une vingtaine de projets productifs aurait été validée à ce jour, sur la cinquantaine présentée. De même, alors que l'accès à la terre fait l'objet d'une forte attente et constitue une condition pour mettre en oeuvre les projets, aucun ex-combattant n'a encore reçu de terrain à ce jour. Dans ce contexte, le soutien apporté par la communauté internationale au développement rapide des projets générateurs de revenus est particulièrement précieux. La France a ainsi apporté une contribution financière à six d'entre eux ; dans la zone de réincorporation de La Plancha située au nord d'Antioquia que nous avons visitée, l'aide française a permis, par exemple, l'achat d'un four à pain pour la boulangerie et l'acquisition de machines pour l'atelier de couture. Par ailleurs, la question se pose du devenir des ETCR après le 15 août 2019 et du maintien de l'allocation qui est allouée à leurs résidents. S'il semble envisagé de maintenir une quinzaine de villages après cette date, aucune décision définitive n'a encore été prise à ce sujet.
D'autres dispositifs prévus par l'accord connaissent des difficultés ou accusent des retards. Il en est ainsi des différents éléments devant permettre la réforme agraire : ainsi, le fonds de distribution des terres est insuffisamment doté, la mise en place du cadastre prend du temps, la loi de 1994 pour l'accès à la terre n'a pas encore été réformée. Plus généralement, c'est le développement économique et social des zones périphériques - qui ont aussi été les plus affectées par le conflit - qui est à la peine. Ce volet pourtant essentiel de l'accord de paix semble n'avoir pas fait l'objet d'une mobilisation suffisante dans ses premières années de mise en oeuvre. Or, les besoins sont criants, qu'il s'agisse d'éducation, de santé, d'infrastructures, mais aussi d'assistance financière et technique pour la mise en valeur des territoires. Les communautés qui vivent dans ces zones possèdent de manière collective les espaces naturels, qu'il s'agisse des terres ou des fleuves - la moitié de la superficie forestière de Colombie appartient aux communautés indigènes -, mais n'ont pas les moyens de les valoriser ou voient leurs droits bafoués par des intérêts privés que sont les exploitations minières et l'orpaillage. Il existe dans ces zones une attente forte développement, dont témoigne le mouvement de protestation indigène « Minga » qui avait cours il y a quelques semaines dans le sud du pays. Lors de notre déplacement, nous avons pu constater l'écart considérable de niveau de vie entre des zones urbaines immenses et modernes, et des territoires reculés, tel que le Chocó près de la côte pacifique, où les populations manquent de tout et n'ont pas accès au confort le plus élémentaire. Ces inégalités tiennent en grande partie à la géographie particulière de la Colombie, pays particulièrement morcelé. De fait, la population et l'activité économique se concentrent dans les hauts plateaux adossés aux trois chaînes de la Cordillère des Andes, ainsi que sur la côte caraïbe, le reste du territoire étant constitué de zones hostiles, peu peuplées et difficiles d'accès, où l'État s'est peu implanté. Les années de conflit armé avec les guérillas, qui ont particulièrement concerné ces territoires, n'ont fait qu'accentuer ce contraste.
Troisième inquiétude : la dégradation sécuritaire dans les zones auparavant sous le contrôle des FARC. On assiste, en effet, à une reprise en main de ces territoires, longtemps délaissés par l'État, par divers groupes armés illégaux, issus de groupes criminels, d'organisations paramilitaires ou de guérillas dissidentes comme l'ELN, guérilla avec laquelle le gouvernement Duque a rompu les négociations à la suite de l'attentat à la voiture piégée commis le 17 janvier 2019 contre une école de police à Bogota. Au total, il resterait dans le pays quelque 8 000 combattants armés, le plus souvent liés au narcotrafic, qui se livrent à des violences contre les populations dans les zones périphériques. Entre 2017 et 2018, le nombre d'homicides a ainsi augmenté de 30 % dans les municipalités les plus affectées par le conflit, notamment la côte Pacifique et le nord de l'Antioquia.
Par ailleurs, la situation des personnes qualifiées de « leaders sociaux et de défenseurs des droits » s'est considérablement détériorée. Ces acteurs, qui défendent les droits des communautés indigènes ou afro-descendantes ou s'engagent en faveur de la substitution des cultures illicites, sont la cible privilégiée des groupes armés illégaux, dont ils heurtent les intérêts. En 2018, 145 d'entre eux ont été assassinés ; une trentaine depuis le début de l'année 2019. Les assassinats sont particulièrement nombreux dans les régions du Chocó, du Cauca, du Nariño, du Catatumbo et du nord de l'Antioquia et s'accompagnent d'exactions à l'encontre des communautés, provoquant des déplacements de populations. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a ainsi recensé 27 780 victimes de déplacements forcés en 2018, soit plus de 50 % par rapport à 2017 ; nombre record sur les dix dernières années. Les anciens combattants FARC sont également vulnérables lorsqu'ils se trouvent hors des ETCR, une centaine d'entre eux ayant été assassinés depuis la signature de l'accord de paix.
Autre point négatif : l'échec de la politique de lutte contre les cultures illicites. Malgré le lancement, conformément à l'accord de paix, d'un programme national de substitution des cultures illicites, la culture de coca a enregistré une forte augmentation ces trois dernières années, les surfaces cultivées passant de 80 000 à 200 000 hectares entre 2015 et 2018, alors qu'elles avaient été réduites de 144 000 à 50 000 hectares entre 2001 et 2012. Cette situation révèle un effet paradoxal du plan de lutte : la prime à l'arrachage proposée dans le cadre du programme de substitution a incité les producteurs à augmenter les plantations dans l'espoir de toucher la prime d'arrachage.
Par ailleurs, les cultures agricoles alternatives dont la production est subventionnée rencontrent un succès mitigé, du fait notamment du manque de circuits de commercialisation et de routes vers les marchés locaux. La coca reste, par comparaison, un produit rentable sont les débouchés sont assurés. Enfin, les producteurs de coca subissent la pression des groupes criminels qu'ils approvisionnent et ceux qui s'engagent dans le processus de substitution sont la cible des groupes criminels qui contrôlent le trafic.
Les difficultés rencontrées par le programme de substitution volontaire ont incité le gouvernement Duque à y mettre un frein et à donner la priorité à l'éradication forcée par l'arrachage manuel par les forces armées, sans exclure la reprise des aspersions aériennes de glyphosate ; une pratique nocive pour l'environnement qui a été condamnée par la Cour constitutionnelle et avait été abandonnée en 2015 par le gouvernement Santos. La persistance de cette économie de la drogue, qui représenterait 5 % du PIB, est un problème dans la mesure où elle alimente les activités des groupes criminels et s'oppose à une stabilisation du pays.
Dernière source d'inquiétude : le choc migratoire lié à la crise au Venezuela. Dans ce contexte fragile, le choc migratoire lié à la crise politique, économique et sociale qui secoue le Venezuela constitue un défi immense pour la Colombie et un danger supplémentaire pour la paix. Avec une frontière commune de plus de 2 200 kilomètres avec ce pays, la Colombie se trouve en effet en première ligne face aux flux migratoires massifs en provenance du Venezuela, à la fois comme pays de destination et comme pays de transit vers d'autres pays sud-américains. Elle accueille aujourd'hui 1,3 million des 3,4 millions de vénézuéliens ayant fui leur pays - contre 39 000 en 2015 -, et ce chiffre pourrait atteindre jusqu'à 3 millions d'ici 2020, si la crise se poursuit. Selon l'ambassadrice de Colombie que nous avons vue pour la seconde fois la semaine dernière, le nombre d'arrivants en provenance du Venezuela ne faiblit pas.
Du fait du conflit armé, la Colombie était plutôt jusqu'à récemment un pays d'émigration, un nombre important de Colombiens ayant d'ailleurs trouvé refuge au Venezuela au temps où celui-ci était prospère. Peu préparée à affronter une telle crise - elle ne dispose pas, par exemple, d'un système d'asile élaboré -, elle y fait face depuis quatre ans avec une grande générosité, maintenant ses frontières ouvertes face aux vagues d'arrivées. Avec l'appui des organisations onusiennes, elle pourvoit aux besoins d'urgence et a organisé au printemps 2018 une campagne d'enregistrement permettant d'attribuer à quelque 400 000 vénézuéliens en situation irrégulière un permis spécial pour deux ans assorti de droits en matière de travail, de santé et d'éducation. Malgré la dépense consentie par la Colombie pour répondre à cette crise - près de 1,6 million de dollars par an -, les moyens manquent cruellement. Ainsi les centres d'accueil transitoire ouverts à Bogota - comme celui tenu par la Croix rouge où vos rapporteurs se sont rendus - offrent une capacité totale de 300 lits alors que le nombre de migrants vénézuéliens présents dans la capitale est estimé à 300 000.
Cette crise migratoire représente un risque majeur de déstabilisation pour la Colombie. Outre la charge très lourde qu'elle exerce sur les infrastructures publiques colombiennes, notamment dans l'est du pays, la présence des réfugiés vénézuéliens induit des tensions sur le marché du travail, en termes de concurrence et de pression à la baisse sur les salaires, ainsi qu'une augmentation de la délinquance.
Ces effets, dont la population colombienne commence à s'inquiéter, s'ajoutent aux conséquences économiques directes de la crise au Venezuela, les échanges entre les deux pays, qui représentaient auparavant 7 milliards de dollars, s'étant effondrés.
Enfin, le risque est aussi que les derniers arrivants, qui sont aussi les plus défavorisés et se déplacent à pied en empruntant des routes irrégulières, tombent dans les mains de réseaux criminels, voire soient recrutés par des groupes armés, dans des zones où ceux-ci continent d'opérer. Tels sont les cinq motifs d'inquiétude dont nous voulions nous faire part. Je passe la parole à notre collègue Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau, rapporteur. - Au final, le diagnostic que nous portons sur la situation actuelle de la Colombie est contrasté. Il nous semble que ce pays se trouve à un tournant de son histoire et que l'application de l'accord de paix traverse un moment critique. D'un côté, on constate des réussites et des avancées, comme la démobilisation, le désarmement des FARC et leur participation à la vie politique, ou encore le démarrage des travaux de la Commission de la vérité. D'un autre côté, les ombres au tableau s'accumulent : contestation de la justice spéciale pour la paix, inquiétudes concernant la réintégration économique et sociale effective des ex-combattants, retard dans la mise en oeuvre de la politique de développement rural, recrudescence des violences des groupes armés dans les zones auparavant affectées par le conflit et effet de la pression migratoire. Par ailleurs, alors même que le gouvernement du Président Duque se dit déterminé à mettre en oeuvre l'accord de paix, le pays apparaît plus que jamais divisé à son sujet, la polarisation du débat entre ses partisans et ses opposants s'étant accentuée. Dans ce contexte, une impulsion positive, un engagement sans ambiguïté du pouvoir colombien en faveur de l'accord apparaît indispensable pour conforter la paix. Il y a, à notre sens, trois grandes priorités : premièrement, faire en sorte que la loi statutaire relative à la justice transitionnelle soit rapidement adoptée et que cessent les polémiques autour de cette juridiction spéciale, qui constitue un pilier essentiel de l'accord ; changer les règles du jeu à ce stade, c'est prendre le risque de fragiliser sa légitimité et de ruiner la confiance des parties. La Cour constitutionnelle ayant rendu le 29 mai dernier une décision confirmant le rejet par les deux chambres du Parlement des objections présidentielles, on espère maintenant une promulgation rapide par le Président Duque. Deuxièmement, il convient d'allouer les financements prévus et accélérer la mise en oeuvre des procédures pour que fonctionnent sans retard tous les dispositifs prévus par l'accord : validation des projets productifs des ex combattants FARC, en vue de permettre leur reconversion économique, attribution de terres, réforme agraire, établissement du cadastre. Enfin, il est urgent de répondre au besoin de développement économique et social santé, d'infrastructures, de sécurité et de présence de l'État dans les régions situées aux marges de la « Colombie utile ». Le Plan national de Développement qui vient d'être voté à l'initiative du gouvernement va incontestablement dans le bon sens ; encore faut-il qu'il soit vraiment mis en oeuvre et débouche sur des résultats rapides. L'enjeu est d'importance. Il s'agit de sortir ces territoires de l'emprise des groupes armés et de l'économie illégale, en offrant à leurs populations de vraies opportunités de création de richesse.
En ce qui concerne plus particulièrement la France, nous demandons au gouvernement de rester vigilant, comme il l'est jusqu'à présent, sur le suivi de l'ensemble des volets du processus de paix. Il est nécessaire d'insister auprès du gouvernement colombien sur la responsabilité historique qui est la sienne de réussir la mise en oeuvre de cet accord. En effet, celui-ci fait l'objet d'un consensus fort au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies et constitue un modèle pour le règlement d'autres conflits armés dans le monde.
La France doit aussi continuer d'appuyer financièrement le processus de paix, que ce soit à directement ou à travers l'Union européenne, l'Agence française de développement.
Enfin, nous plaidons pour une implication plus grande de la France dans le règlement de la crise au Venezuela, qui constitue une vraie menace pour la stabilité de la Colombie à l'heure où celle-ci doit gérer le post-conflit. C'est fondamental. La France devrait s'engager davantage voire prendre le leadership sur cette question au plan européen, comme l'audition marquante de la semaine dernière nous y a incité, afin de pousser à l'adoption de sanctions contre le régime chaviste et exiger l'organisation d'élections libres.
La Colombie peut nous sembler un pays lointain, éloigné du champ de nos préoccupations stratégiques et de nos intérêts immédiats. Pourtant, la France entretient avec ce pays d'Amérique latine des relations anciennes et variées, qui puisent leurs racines dans l'histoire. Il faut rappeler en effet que l'idéal révolutionnaire a largement inspiré le mouvement d'émancipation des pays d'Amérique latine au début du XIXème siècle.
Je voudrais maintenant apporter un éclairage sur les relations entre la France et la Colombie. Aujourd'hui, ces relations présentent de multiples facettes et s'il est vrai que la Colombie entretient un lien privilégié son allié américain, elle se montre intéressée à ne pas rester dans une relation exclusive avec celui-ci, laissant à notre relation bilatérale un certain espace. Au plan économique, nos échanges prennent surtout la forme d'investissements directs. Ceux-ci ont beaucoup progressé ces dernières années - ils ont été multipliés par trois en cinq ans -, l'accord de paix ayant en quelque sorte été un déclic. Avec quelque 230 filiales d'entreprises françaises implantées dans le pays, la France occupe le premier rang des employeurs étrangers dans le pays, soit 120 000 emplois directs. Nos entreprises sont présentes dans la grande distribution - Casino étant la première entreprise privée colombienne -, dans l'industrie -avec Renault, Sanofi, Schneider -, l'agroalimentaire - avec Lactalis -, les services -Veolia, Suez, Sodexo, Axa -, les infrastructures et les transports - Alstom dans le tramway de Medellin, Poma dans le métrocâble de Medellin, et Transdev dans le projet de bus en voie propre à Bogota. Le marché colombien est perçu par les investisseurs français comme stable et en croissance régulière, même s'il existe des difficultés : insécurité juridique, lourdeur des procédures, corruption, forte imposition des entreprises, poids du secteur informel. Les domaines porteurs, pour lesquels il existe des besoins ou des perspectives de développement - infrastructures de transport et agroalimentaire notamment - correspondent à des secteurs pour lesquels nos entreprises sont bien positionnées à l'international. Une avancée de nature à dynamiser nos relations économiques serait la ratification par la Colombie de plusieurs conventions déjà ratifiées par la France, notamment un accord de non double imposition ratifié en octobre 2016. Nous avons passé des messages en ce sens lors de notre déplacement et encore la semaine dernière auprès de l'ambassadrice de Colombie en France.
Par contraste avec le dynamisme de nos investissements directs, nos échanges commerciaux avec la Colombie restent modestes. Ils se caractérisent par une forte proportion d'exportations aéronautiques liées aux livraisons d'avions Airbus à l'entreprise colombienne Avianca, et par des importations de matières premières énergétiques -charbon - et de produits agricoles - fruits tropicaux. Cette structure de nos échanges est révélatrice de la physionomie de l'économie colombienne, très dépendante de l'exploitation des matières premières et encore insuffisamment diversifiée, notamment au plan industriel. Je passe sur le trafic de drogues. Je passe la parole à notre collègue Jean-Marie Bockel, qui va vous évoquer d'autres dimensions de notre relation bilatérale.
M. Jean-Marie Bockel, rapporteur. - J'évoquerai l'aide au développement qui constitue un autre volet important de notre relation. Depuis son implantation dans le pays en 2009, l'Agence française de développement (AFD) a consenti 2 milliards d'euros de prêts à la Colombie, soit en moyenne 200 millions d'euros chaque année. Si la majorité est constituée de prêts souverains consentis à l'État colombien, une partie est constituée de prêts non souverains à des collectivités territoriales - comme celui qui a permis le financement du tramway et de deux métrocâbles à Medellin - ou d'institutions financières spécialisées dans le développement local comme Findeter. Ces prêts s'articulent avec des subventions d'autres partenaires tels que l'UE, qui permettent le financement, en complément, d'actions d'accompagnement et d'assistance technique fournies par l'AFD. Une expertise qui intéresse particulièrement nos partenaires colombiens. Depuis 2009, les prêts consentis ont porté sur des projets liés pour 35 % à la mobilité urbaine et aux infrastructures, pour 33 % à la lutte contre le changement climatique, pour 18 % à la protection sociale et pour 14 % à l'accompagnement de l'accord de paix. En ce qui concerne le post-conflit, les actions financées vont de l'appui au développement rural dans les 170 zones les plus affectées par le conflit à des actions de moindre envergure comme la conduite de deux projets pilotes visant à définir une méthodologie pour la mise en place d'un cadastre. Malgré ses réussites en Colombie, l'AFD s'y trouve confrontée actuellement à deux difficultés : d'une part, la limitation de ses conditions d'engagement en matière de prêts souverains, liée à l'application de ratios prudentiels, d'autre part, la concurrence d'autres bailleurs internationaux, en capacité d'offrir des conditions financières plus avantageuses. Pour l'heure, l'agence est en train de redéfinir son « cadre d'intervention pays », qui doit définir ses grandes priorités pour la Colombie sur la période 2019-2024 et qu'elle souhaite articuler étroitement avec les orientations stratégiques du gouvernement.
Je souhaiterai aborder maintenant le volet des échanges culturels et humains. La politique d'influence française en Colombie repose sur un dispositif dense, bien réparti sur l'ensemble du territoire. Celui-ci comprend un institut français, douze alliances françaises, quatre lycées français,- à Bogota, Cali, Peirera et Medellin-, qui accueillent tous une très grande majorité d'élèves colombiens, ainsi qu'un réseau scientifique. Il faut également signaler l'existence, depuis septembre 2017, de la nouvelle chaîne d'information France 24 en espagnol, qui s'adresse à l'ensemble des téléspectateurs latino-américains et offre un regard français sur l'actualité latino-américaine et internationale. Sa rédaction, que vos rapporteurs ont visitée lors de leur déplacement, s'est installée à Bogota, un choix qui distingue France 24 en espagnol des autres médias internationaux qui émettent depuis leur pays d'origine. Il en découle une plus grande proximité avec le public et une ligne éditoriale adaptée au contexte régional. Selon ses responsables, cette nouvelle chaîne répond à une « demande de France » dans la région et garantit à notre pays une visibilité dans le champ audiovisuel, notamment à côté d'autres pays étrangers, comme la Chine et la Russie, se montrant particulièrement actifs dans ce domaine. Notre politique d'influence passe aussi par des échanges culturels et humains variés, qui ont bénéficié de l'élan insufflé par l'année croisée France-Colombie en 2017. Cet événement a consisté en un renforcement mutuel de l'action culturelle dans les deux pays, avec l'objectif de densifier les liens entre les deux pays et de modifier positivement leurs perceptions réciproques. Ainsi, la France s'est attachée à moderniser son image en Colombie, en ciblant un public plus jeune, alors qu'en France, l'accent a été mis sur une Colombie apaisée, engagée dans le processus de paix. Cette opération d'envergure a été l'occasion d'appuyer le développement de la coopération universitaire, avec la création d'un salon « Destino Francia » destiné à favoriser la venue d'étudiants colombiens en France. Rappelons, à cet égard, que la France est, avec 4 000 étudiants colombiens, leur troisième pays de destination, après les États-Unis et l'Espagne.
Dans le domaine des échanges culturels et humains, nous relevons deux enjeux : le développement des projets culturels dans le champ du numérique et le développement de la coopération universitaire et scientifique. Mettre l'accent sur le numérique est une condition pour toucher de nouveaux publics : les jeunes, mais aussi les populations vivant sur des territoires périphériques. Cet axe rejoint l'une des priorités du président Duque, qui souhaite promouvoir les industries culturelles et créatives, dans le champ des nouvelles technologies, ce qu'il qualifie « d'économie orange ». Quant à la coopération universitaire et scientifique, il s'agit d'intéresser davantage à la Colombie les partenaires scientifiques français d'abord axés sur d'autres pays d'Amérique latine comme le Brésil, l'Argentine ou encore le Chili.
Par ailleurs, nous considérons qu'il y a urgence à restaurer l'enseignement de la langue française en Colombie. Traditionnellement, le français y occupait une place de choix parmi les langues étrangères enseignées, comme dans l'ensemble de l'Amérique latine. Les études de médecine, par exemple, étaient dispensées exclusivement en français. Pourtant, l'enseignement du français a enregistré un fort recul ces trente dernières années, du fait de la priorité donnée à l'anglais. De fait, il est devenu facultatif et n'a plus été proposé dans les établissements publics à compter de 1994. Dans le même temps, on assiste à une offensive de la Chine qui, par exemple, a financé la création d'un centre de langues au sein de l'organisme national de formation des apprentis. Il faut donc s'atteler de toute urgence à la remontée en puissance de l'apprentissage du français en Colombie. C'est ce que s'efforce de faire notre ambassade, dont l'équipe est remarquable, par un travail de sensibilisation des autorités concernant les établissements scolaires publics. Elle s'appuie aussi sur le réseau des alliances françaises, qui, au-delà des cours de langue dispensés, apporte un soutien technique à de nombreux établissements privés proposant l'enseignement du français.
Un mot pour finir, sur nos coopérations dans le domaine de la sécurité et de la défense. Nous entretenons avec la police colombienne et la douane colombienne une coopération dynamique, orientée vers la lutte contre le crime organisé et le narcotrafic. Rappelons que la police colombienne, qui relève du ministère de la défense, a été créée en 1891 par un commissaire français et dispose de structures semblables à la nôtre. Elle est intéressée par notre savoir-faire et apprécie particulièrement les actions de formations proposées dans le cadre de notre coopération sur des questions aussi diverses que le maintien de l'ordre ou la sécurité routière. S'agissant de la lutte contre le narcotrafic, nous mettons l'accent sur les formations à dominante police judiciaire, afin d'encourager les actions visant au démantèlement de filières, alors que, sous l'influence américaine, la Colombie tend à privilégier les saisies sèches de cocaïne - 435 tonnes saisies sur les 1 300 tonnes produites, ce qui demeure considérable - et l'éradication à la source, via la destruction de plants de coca ; cette dernière pratique posant les problèmes que notre collègue Ladislas Poniatowski avait soulevé lors de notre précédente réunion de commission.
Concernant notre coopération militaire, la Colombie est en demande d'une coopération renforcée, notamment sur les problématiques de criminalité transnationale. Côté français, nous serions intéressés par l'expertise opérationnelle des forces colombiennes - lutte contre les guérillas ou encore déminage -dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, d'autant que la Colombie a obtenu en 2017 le statut d'État partenaire de l'OTAN. Des perspectives existent aussi pour développer davantage la coopération en matière de lutte contre le narcotrafic en mer, mais le blocage depuis plusieurs mois de l'opération Tucan Royale entre nos forces armées aux Antilles et la marine colombienne, pour des raisons liées à l'interprétation du cadre juridique applicable aux personnes interceptées, s'oppose à toute avancée dans ce sens. La Justice française est à l'origine de ce blocage et notre Ambassade attend un message clair de l'exécutif qui n'arrive pas.
La Colombie a par ailleurs d'importants besoins en termes de renouvellement de ses équipements, ce qui peut présenter un intérêt pour notre industrie de défense, avec deux bémols toutefois : des moyens limités au vu du poids du titre 2 et du titre 3 dans le budget, et la concurrence importante des États-Unis, de l'Espagne, d'Israël et de l'Allemagne. Naval Group, dont nous avons rencontré le représentant, se positionne notamment sur un marché de frégates.
Enfin, il ne faut pas négliger les coopérations potentielles dans le domaine spatial, sur lequel la Colombie mise beaucoup et pour lequel nous avons un atout de poids avec la Guyane. À cet égard, il peut paraître intéressant de renforcer nos coopérations Guyane, compte tenu des problématiques que nous avons en commun, comme la géographie et l'orpaillage. Je repasse la parole à notre collègue Hugues Saury pour la conclusion.
M. Hugues Saury, rapporteur. - Telle est, chers collègues, la restitution que nous vous livrons de nos travaux sur la Colombie, un pays au potentiel important et intéressant pour notre pays, mais qui se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Une action résolue de la communauté internationale en vue d'appuyer la mise en oeuvre de l'accord, mais aussi pour résoudre la crise au Venezuela, qui affecte fortement la Colombie, est à nos yeux indispensable pour sauver la paix dans ce pays. Je souhaiterais également remercier l'Ambassadeur de France en Colombie, M. Gautier Mignot qui nous a préparé un programme particulièrement intéressant et nous a permis de dialoguer avec des interlocuteurs de qualité, tant dans les villes que dans les provinces reculées. Il nous a d'ailleurs accompagnés tout au long de notre mission.
M. Christian Cambon, président. - Je remercie nos quatre rapporteurs pour leur travail de fond, qui vient à point en ce jour de lancement de la semaine de l'Amérique latine. D'ailleurs, lors d'une rencontre organisée hier par le Président Larcher qui rassemblait l'ensemble des légations diplomatiques d'Amérique latine, nous avons pu percevoir, une fois de plus, un « désir de France » de l'ensemble de ces États d'Amérique latine qui souhaitent renforcer leurs liens avec nous. Les groupes interparlementaires ont ainsi un rôle à jouer dans ce rapprochement. L'Europe, d'une manière générale, et la France en particulier, sont vues par ces pays comme des interlocuteurs beaucoup plus rassurants que les États-Unis.
M. Jacques Le Nay. - Nous avions interrogé Daniel Pécaut sur les efforts de l'État pour assurer la destruction des champs de coca. Nous avions alors appris l'imminence d'une campagne de destruction massive recourant au glyphosate. Avez-vous des informations sur cette campagne ?
M. André Vallini. - Que devient le président Santos qui avait préparé les accords de paix, avec beaucoup de difficultés d'ailleurs ?
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - A notre connaissance, cette campagne massive de destruction par utilisation du glyphosate a fait l'objet d'une déclaration demeurée sans suite à ce jour. La lutte contre la cocaïne fait apparaître une divergence de stratégie entre d'un côté, les Etats-Unis, qui privilégient une action à la source, d'autre, la Colombie et la France pour lesquelles les saisies, notamment en mer, s'avèrent plus efficaces et moins coûteuses en vies humaines.
M. Hugues Saury, rapporteur. - Les anciens présidents de la République sortent généralement du jeu politique à l'issue de leur mandat unique. Le Président Santos, qui réside désormais à Bogota, n'a plus d'activité politique nationale, même s'il pourrait être en réserve pour d'autres missions ultérieures.
M. Jean-Marie Bockel, rapporteur. - Durant la campagne électorale s'est faite jour une volonté très forte de se démarquer de l'héritage du Président Santos, notamment sur la question des accords de paix. En revanche, depuis la prise de fonctions du Président Duque, on constate un discours plus nuancé et pragmatique sur cette question. À cet égard, le conseiller du Président que nous avons rencontré nous a assuré qu'au-delà de quelques ajustements concernant la justice transitionnelle, qui étaient alors en cours d'examen, l'architecture générale de l'accord de paix ne serait pas remise en cause. D'où, sans doute, une certaine forme d'ambiguïté.
M. Ladislas Poniatowski. - Qu'est devenue Mme Ingrid Betancourt, qui avait été notre guide lors de mon premier déplacement en Colombie, intervenu trois mois avant son enlèvement?
M. Hugues Saury, rapporteur. - A notre connaissance, Mme Ingrid Betancourt vit désormais au Royaume-Uni et ne semble plus jouer de rôle dans la vie politique colombienne.
M. Christian Cambon, président. - Merci encore de ce travail approfondi, mes chers collègues, à l'image des travaux de qualité de notre commission. Je soumets ce rapport à votre suffrage.
Le rapport est adopté à l'unanimité.
La réunion est close à 11 h 50.