Jeudi 17 janvier 2019
- Présidence de M. Roger Karoutchi, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Audition de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
M. Roger Karoutchi, président. - Notre ordre du jour ce matin appelle l'audition de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Cette audition intervient dans le cadre du travail en cours de la délégation sur l'impact du changement climatique sur la vie quotidienne de nos concitoyens à horizon 2050. Deux sénateurs de la délégation ont été désignés rapporteurs pour ce travail : Jean-Yves Roux et Ronan Dantec.
Mme Brune Poirson, Secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire. - À l'aube de cette nouvelle année, je veux tout d'abord vous dire que nous avons besoin, plus que jamais, d'institutions fortes et donc de vous, mesdames et messieurs les sénateurs. Les Français ont bien pris conscience de la réalité du réchauffement climatique, mais ils veulent savoir désormais ce que cela implique concrètement pour eux. Or, l'adaptation face aux dérèglements climatiques appelle des réponses sur mesure, qui ne peuvent être dictées depuis Paris mais doivent être construites au plus près des territoires. Vous avez donc, mesdames et messieurs les sénateurs, un rôle crucial à jouer dans ce processus.
Je souhaite débuter par quelques chiffres : 430 millions d'euros pour 214 000 sinistres, c'est le coût estimé des inondations et orages qui ont touché le sud de la France en mai et juin dernier. Au mois d'octobre dernier, un épisode cévenol, lui aussi particulièrement violent, a touché le département de l'Aude. Quatorze de nos concitoyens ont péri. Le coût final des dommages est cette fois-ci estimé à 220 millions d'euros, après la déclaration de 27 000 sinistres. Ces chiffres doivent être considérés pour ce qu'ils sont : les stigmates du réchauffement climatique, les marques du basculement vers un monde plus chaud. Nous savons que cela est de notre fait et que notre responsabilité est engagée.
La pétition « l'Affaire du Siècle » dépasse aujourd'hui les deux millions de signataires. Derrière cette pétition, il y a certes une initiative politique portée par des personnes qui étaient aux responsabilités il y a peu et qui, d'une certaine manière, attaquent leur propre bilan. Néanmoins ces deux millions de signataires expriment aussi quelque chose qui doit être entendu : un appel à ce que leurs droits fondamentaux soient garantis face aux changements climatiques. Pour y répondre, nos politiques, notre droit, notre système fiscal et même nos institutions doivent faire l'objet d'un débat et être adaptées. Sur le plan institutionnel, l'adaptation au changement climatique nécessite une approche transversale, interministérielle, alors que nos institutions sont organisées sur un modèle industriel et fordiste de spécialisation et fonctionnent en silos. Comment faire évoluer notre organisation pour répondre à la complexité des problèmes climatiques ?
Sur le plan fiscal, par exemple, on sait que lutter contre les dérèglements climatiques suppose de mettre un prix significatif sur le carbone, mais le faire sans rien changer à notre système fiscal pose des questions de justice fiscale et d'acceptation de l'impôt. Développer une fiscalité écologique implique donc une réflexion globale sur les prélèvements, qu'ils touchent le travail ou d'autres domaines.
Nos concitoyens savent que leur monde va être bouleversé par le dérèglement climatique, par la révolution numérique, par les mutations du travail. Ils se demandent où nous allons. Nous devons donc fixer un cap clair, donner du sens à ces transformations. Mon ministère est celui de la transition écologique et solidaire, car c'est bien dans une transition que nous sommes engagés. Nous nous trouvons au point A, qui n'est plus satisfaisant. Quel est le point B où nous voulons aller ? La stratégie bas carbone (SBC) vise à définir ce point d'arrivée et le cap à suivre : des transports propres, des bâtiments mieux isolés pour que les Français voient baisser leur facture d'électricité, une production d'énergie qui ne génère plus de pollution, une activité agricole qui émette moitié moins de gaz à effets de serre, des déchets qui deviennent des ressources au lieu d'être des détritus que l'on enterre.
Pour y parvenir, il faut remettre la nature de notre côté. Atteindre la neutralité carbone implique de renforcer nos puits de carbone et l'agriculture peut nous y aider. Le Gouvernement a lancé le plan climat dès le début du mandat présidentiel pour faire progresser le droit à l'environnement, en finir avec les énergies fossiles et mieux préserver la nature.
Rome ne s'est pas faite en un jour. Le temps des luttes pour transformer en profondeur les sociétés est un temps long. Chaque jour, des solutions émergent. Et notre devoir, c'est autant de les encourager que de les développer. C'est tout l'enjeu du plan national d'adaptation au changement climatique, qui a été construit à travers une large concertation. Trois cents personnes ont participé aux six groupes de travail et des solutions ont été élaborées. Le plan national d'adaptation s'est appuyé sur les initiatives et les exemples locaux. Je pense, par exemple, au chantier mis en oeuvre par la ville de Paris pour limiter l'artificialisation et l'imperméabilisation des sols et lutter notamment contre les îlots de chaleur. Monsieur Féraud comme Monsieur Bargeton en savent quelque chose, puisque la ville de Paris a notamment décidé de végétaliser les cours de ses écoles publiques. Je pense, également, à vous, Monsieur le sénateur Dantec, qui aux côtés de Jean-Marc Ayrault avez oeuvré pour développer l'éco-quartier de la Prairie-au-Duc. Ou encore chez vous, Monsieur le sénateur Pemezec, au Plessis-Robinson, où les cantines servent désormais du bio. Ce sont autant de preuves que la résilience de nos villes et de nos villages aux transformations globales est en cours.
Maintenant que ce plan d'adaptation au changement climatique est défini, il nous appartient de mobiliser pleinement les acteurs économiques et les territoires autour de ses enjeux, pour identifier les leviers et les actions à conduire. Nous devons mettre à leur disposition des outils de diagnostic, des ressources pour que chacun puisse se projeter dans l'adaptation et la mettre en oeuvre à son échelle. Nous avons besoin, également, j'achèverai mon propos sur ce point, que des fonds soient massivement dirigés vers tous ces investissements durables que nous réalisons déjà et qui doivent être poursuivis, développés, intensifiés. La transition écologique nécessite 60 à 80 milliards d'euros par an. On estime que, par rapport à ces besoins, le manque est d'environ 20 milliards d'euros. Or, on l'a vu avec la taxe carbone, ce ne sont pas les contribuables qui vont financer cela. C'est pour cela qu'aux côtés du Président de la République, j'oeuvre au quotidien pour convertir le monde de la finance au durable. Le capital existe, mais il faut trouver les outils qui permettent de le flécher vers des projets durables. On pourrait aussi parler du volet assurantiel, qui est essentiel.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - J'ai le sentiment, après deux mois d'auditions sur cette question, que le caractère absolument prioritaire des politiques d'adaptation n'est pas encore suffisamment affirmé dans notre pays. Je salue le nouveau plan national d'adaptation qui vient d'être publié et le travail accompli par Ronan Dantec dans ce cadre. Il comprend des avancées importantes, mais il ne permet pas d'aller assez loin vers le rééquilibrage nécessaire avec les politiques d'atténuation. C'est encore vers l'atténuation que vont l'essentiel des crédits et des efforts, comme si réussir à limiter drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pouvait nous dispenser d'un effort massif d'adaptation.
Un des points qui me surprennent le plus dans les auditions que je réalise est le faible degré d'anticipation des impacts du dérèglement climatique chez les acteurs et les filières économiques. Même les acteurs directement impactés comme le monde agricole ou l'économie du tourisme ont du mal à se projeter dans des politiques d'adaptation. De nombreux investissements de long terme sont encore faits aujourd'hui sans se poser la question de savoir s'ils auront encore un sens dans vingt ans. On voit par exemple des communes construire des remontées mécaniques dans des zones où l'on sait que la neige sera insuffisante en 2040/2050. Comment accélérer la mobilisation des acteurs économiques et des financeurs sur ces politiques d'adaptation ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Une remarque en tant que président de la commission spéciale chargée de l'orientation de l'action de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique au sein du Conseil national de la transition écologique. Je suis frappé du faible degré d'anticipation des acteurs économiques, notamment du secteur agricole. Nous avons pris énormément de retard.
Ma première question porte sur la recherche et son financement. Nous avons reçu hier le grand climatologue Hervé Le Treut, dont je salue le rôle dans le projet Acclima Terra en Nouvelle-Aquitaine. Il nous a fait part du désarroi, et même parfois du découragement, de nos chercheurs devant la faiblesse des crédits alloués pour financer leurs travaux dans le domaine du dérèglement climatique. Or, nous ne pourrons pas construire de politiques d'adaptation sans appréhender de manière précise les impacts et les vulnérabilités : cela passe par des recherches pour construire les outils et les modèles théoriques mais aussi par des recherches de terrain. Je constate que dans les arbitrages budgétaires et interministériels, les crédits de la recherche sont trop souvent sacrifiés.
Ma deuxième question porte sur le renforcement des outils territoriaux en matière d'adaptation. C'est à ce niveau que se jouera en grande partie le succès de l'adaptation. Le PNACC 2, que j'ai présenté en fin d'année dernière avec François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, met l'accent sur le fait que le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et le Plan climat air-énergie territorial (PCAET) devront désormais comporter un fort volet « adaptation ». Mais on n'a pas de stratégie d'État pour renforcer les PCAET. Comment relancer la machine ?
Mme Brune Poirson. - Le rééquilibrage entre politiques d'atténuation et d'adaptation est un vrai enjeu mais présente aussi une vraie difficulté, car il faut arriver à faire les deux à la fois, sans les opposer.
Il est vrai que les secteurs économiques sont parfois dans une logique de court terme et qu'il est difficile de projeter certaines filières dans une anticipation qui demande des investissements tout de suite pour des retours sur investissement qui peuvent être décalés dans le temps. Ce n'est pas une critique, c'est le constat d'une difficulté objective à concilier les investissements nécessaires pour faire face aux contraintes économiques du présent et les investissements, nécessaires aussi, pour faire face aux contraintes de demain.
Concernant l'agriculture, elle doit être un secteur prioritaire des politiques climatiques. C'est à la fois un secteur émetteur de gaz à effet de serre certes, mais c'est aussi potentiellement un puits de carbone. C'est par ailleurs un secteur qui va être particulièrement affecté par les dérèglements climatiques. Un exemple : après des décennies de croissance, le rendement des cultures de blé tendre stagne depuis la fin des années 1990. Les recherches conduites sur cette question montrent un lien entre cette stagnation et le changement climatique. C'est dû à l'accroissement des sècheresses et à l'augmentation des températures qui se produit en fin de cycle du blé, ce qui pénalise la croissance des grains. C'est dû aussi, dans une moindre part, à une modification des pratiques culturales. On sait désormais qu'à partir d'une certaine température, qui pourrait être atteinte dès 2050, il y aura une baisse des rendements. Au-delà de la France, de nombreux pays dont nous importons des biens alimentaires vont être impactés par le réchauffement, avec un effet possible sur les prix de l'alimentation.
Concernant la recherche, la loi de finances pour 2019 prévoit une hausse des crédits qui lui sont alloués. D'après le rapport du sénateur Jean-François Rapin sur la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », cette hausse sera de 2,9 %, pour atteindre 11,86 milliards d'euros en crédits d'engagement.
Mme Christine Lavarde. - Je vous invite à venir visiter l'agence de l'énergie Grand Paris Seine Ouest si vous souhaitez observer des exemples de réponses territorialisées dans le domaine climatique.
Ma première question porte sur l'écologie des « petites choses », à laquelle je crois beaucoup. La diffusion de l'information auprès des plus jeunes est un levier nécessaire des politiques d'adaptation. Le service civique universel peut-être un moyen à mobiliser. Qu'est-il prévu dans ce domaine ?
Vous avez évoqué les puits de carbone. Dans mon département très urbanisé, nous essayons de préserver et de développer les espaces verts. Mais cette politique se heurte à la politique de l'État qui promeut la densification. Comment développer les espaces verts, notamment pour lutter contre les îlots de chaleur, et en même temps densifier des secteurs urbains qui sont déjà extrêmement denses ?
M. René-Paul Savary. - On ne réussira pas l'adaptation sans prendre en considération les acteurs de terrain. Les agriculteurs ont pris conscience depuis longtemps de la réalité des dérèglements climatiques et de ses impacts sur leur activité. Ils proposent également déjà de nombreuses solutions. On peut transformer la plante en entier, s'intéresser à la bio-économie, ne pas opposer l'alimentaire au non-alimentaire... Il faudrait que nos lois encouragent l'émergence de ces solutions et facilitent les évolutions souhaitables au lieu de mettre des bâtons dans les roues des agriculteurs. Arrêtons l'agri bashing, arrêtons de présenter les agriculteurs comme des pollueurs. Les discours de stigmatisation généraux n'aident pas ceux qui font de vrais efforts pour aller dans le bon sens. Des solutions sont déjà présentées sur le terrain. Encore faut-il faire confiance au terrain.
C'est la nature, avec la photosynthèse, qui fait l'échange entre l'oxygène et le gaz carbonique. Il faut donc privilégier les pratiques culturales qui assurent un couvert végétal entre les récoltes, qui permettent de faire trois récoltes en deux ans. Ce qui est problématique, ce sont les sols qui pendant les trois quarts de l'année n'ont pas de couvert végétal. Lorsqu'il y a un couvert végétal, l'échange se fait naturellement. Les puits de carbone sont là ! Faisons confiance au monde agricole pour régler le problème.
M. Jean-Pierre Moga. - Les agriculteurs sont confrontés à des défis considérables et font des efforts très importants. Il faut les accompagner et les conseiller. Il y a sans doute des cultures à faire évoluer pour s'adapter aux contraintes nouvelles sur la ressource en eau. Il y a sans doute aussi des habitudes alimentaires à changer.
Dans mon département sont souvent atteints des pics de température qui sont les plus élevés du pays. Il faut sensibiliser les maires au verdissement. Des expériences dans ce domaine ont permis d'abaisser la température de quatre degrés dans certains secteurs urbains.
Je ne suis pas pour les taxes, mais je ne comprends pas qu'on n'ait pas pensé à taxer les climatiseurs. On les voit fleurir, alors qu'il faudrait plutôt encourager l'isolation thermique et le verdissement.
Un dernier mot sur le stockage de l'eau. C'est un enjeu essentiel pour l'adaptation au changement climatique. Ce stockage peut se faire en surface, mais il peut aussi être souterrain. Il y a dans mon département un cluster « Eau et climat » qui travaille sur ce sujet. On pourrait par exemple stocker 55 millions de mètres cube d'eau dans le sous-sol le long du canal latéral de la Garonne, ce qui permettrait de transférer une ressource en eau qui reste abondante l'hiver pour irriguer pendant l'été.
Mme Nadia Sollogoub. - Une remarque sur l'absence d'harmonisation des règles de tri en France. On perd beaucoup en efficacité du fait de la disparité des règles d'un territoire à l'autre.
Il existe un moyen vieux comme le monde pour capter le CO2 : c'est la forêt. On se félicite souvent que la surface de forêt en France augmente, mais il ne faut pas confondre forêt et friches ! Pour que la forêt joue pleinement son rôle de captage du CO2, il faut qu'elle soit entretenue et exploitée. Un plan « forêt » et des moyens pour le mettre en oeuvre sont nécessaires.
Mme Brune Poirson. - Les pratiques vertueuses sur le plan écologique doivent effectivement se transmettre dès le plus jeune âge et l'école a un rôle à jouer dans ce domaine. Il ne suffit pas de mettre du développement durable dans les programmes, il faut aussi changer les comportements concrètement. Avec mon collègue Jean-Michel Blanquer, nous avons donc lancé une action éducative sur le recyclage des piles. C'est un exemple. Il est clair que nous avons un vaste chantier à mener dans ce domaine de l'éducation.
Le service national universel qui va être lancé comportera tout un volet sur le thème de la transition écologique. Vos idées et propositions pour développer cette dimension du SNU au niveau territorial sont les bienvenues.
La densification urbaine est précisément une politique qui vise à lutter contre l'artificialisation des terres en évitant que les constructions viennent empiéter sur les espaces naturels et les terres agricoles. Au sein des zones fortement urbanisées, il faut veiller toutefois à maintenir les espaces verts nécessaires, notamment pour éviter les effets d'ilot de chaleur qui sont un vrai risque pour les villes dans un contexte de réchauffement climatique.
Loin de moi l'idée de faire de l'agri bashing. L'agriculture est un secteur central de toute politique d'adaptation au changement climatique. Je suis consciente et admirative de tous les efforts que déploient les agriculteurs pour imaginer des solutions d'adaptation, notamment en matière de gestion de l'eau et des sols. Nous n'y arriverons pas sans les agriculteurs et c'est à l'État de les aider et de les accompagner. Il faut moins décider entre quatre murs à Paris, davantage se mettre à l'écoute des acteurs et des solutions locales et faciliter le déploiement à une échelle plus large des actions pertinentes expérimentées localement.
Concernant le maïs, c'est un bon exemple pour illustrer mes propos précédents. Un jugement général sur la question n'a pas de sens. C'est localement qu'il faut examiner la pertinence d'en cultiver ou, le cas échéant, de développer plutôt d'autres cultures. On a parfois fait pousser du maïs dans des endroits où les tensions sur la ressource en eau ne permettaient pas en réalité de le cultiver. Il y a des endroits en revanche où le cultiver ne pose pas de problèmes. Il faut évaluer de façon fine, au niveau local, les lieux où poursuivre la culture du maïs a un sens et ceux où la rentabilité économique et les impacts environnementaux justifient qu'on imagine autre chose.
Pas de généralité non plus sur les élus locaux. Certains sont pleinement mobilisés sur les enjeux d'adaptation, d'autres le sont moins. Il faut travailler auprès de ces derniers pour les convaincre qu'un PCAET n'est pas qu'un plan de plus, qu'il peut permettre d'améliorer la vie et la prospérité d'un territoire.
La rénovation thermique des bâtiments est un levier à la fois pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et pour adapter les territoires aux impacts négatifs du réchauffement. Cela doit donc être une priorité collective. C'est d'ailleurs un élément central de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
L'harmonisation des consignes de tri est indispensable. Elle est inscrite dans la feuille de route de l'économie circulaire.
Enfin, les forêts sont à la fois un levier de stockage du carbone et une source de richesse et de développement des territoires. C'est pourquoi mon ministère est, avec le ministère de l'agriculture et le ministère de l'économie, signataire d'un contrat stratégique de filière visant notamment à harmoniser les pratiques de l'État dans ce domaine et à faire de la forêt un atout économique et écologique.
M. Didier Rambaud. - Je viens de la région de Grenoble où la circulation est devenue impossible, victime de l'autosolisme. Il faudrait pouvoir moduler les péages urbains ou réserver des voies de circulation en fonction de l'occupation des véhicules.
En matière d'énergie, mettre des panneaux photovoltaïques sur toutes les maisons pourrait être catastrophique sur le plan urbanistique. En revanche, il existe de très grandes zones logistiques où ces panneaux pourraient être installés.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Les plans, les schémas, les agendas : il y en a ! Ils ont au moins le mérite d'engraisser les bureaux d'études, mais avec quelles retombées concrètes ?
Vous n'avez pas parlé de la smart city. Elle permet pourtant des progrès importants dans la maîtrise de l'énergie, y compris dans de petites communes.
M. Yannick Vaugrenard. - Votre ministère est celui de la transition écologique et solidaire. Vous n'avez pas parlé de ce second aspect. Il n'y aura pas de transition réussie sans solidarité. Ce principe s'applique par exemple, pour rebondir sur ce qui a été dit, au cas de l'agriculture. Le monde agricole a une capacité d'adaptation remarquable, parce que les agriculteurs travaillent, observent, innovent. Et on leur demande toujours plus. Donc la solidarité s'applique aussi au monde agricole dans les territoires. Cela commence par reconnaître tout le travail qui est accompli.
Il y a eu une vraie prise de conscience en France sur les risques du dérèglement climatique, grâce à un travail d'éducation et d'information qu'il faut poursuivre. Aujourd'hui, pour aller plus loin, pour passer véritablement de la prise de conscience aux actes, il faut réfléchir à la modulation de l'effort. Quand il s'agit de défendre l'environnement, on ne peut pas demander à ceux qui ont des difficultés de fin de mois de fournir le même effort que ceux qui n'ont aucune difficulté. Le développement durable a trois piliers : l'environnement, l'économie et le social.
M. Serge Babary. - Je voudrais soulever un point concernant les politiques de verdissement. Dans les zones, nombreuses, où il y a un patrimoine à protéger et où l'avis de l'architecte des bâtiments de France est requis, les projets de verdissement se heurtent souvent à l'opposition de l'ABF. La préservation de l'authenticité du bâti se confond dans leur esprit avec la minéralisation de la ville. Il y a là une contradiction au sein même des objectifs de l'État tels qu'ils sont portés par deux de ses ministères, environnement et culture.
Mme Françoise Cartron. - Madame la ministre, lors de votre récente visite en Gironde, vous avez dû annuler votre visite au Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation. Le personnel qui avait préparé votre venue en a été très déçu.
Mme Brune Poirson. -J'en ai été empêchée pour des motifs de sécurité et j'en suis désolée. Mais je m'y rendrai dès que je le pourrai.
Mme Françoise Cartron. - Concernant les politiques de densification, la population y est généralement opposée. Un gros travail de pédagogie est nécessaire pour dépasser cette opposition. Quand j'ai voulu densifier dans la commune dont j'étais maire, j'ai vécu un référendum d'initiative populaire pour ne pas densifier.
La vigne va être fortement impactée par le réchauffement, sur le plan des rendements mais aussi sur le plan de la qualité des vins. Pour le vin de Bordeaux, c'est un enjeu majeur.
S'agissant du recul du trait de côte, il faut une démarche forte pour empêcher les nouvelles constructions dans les zones soumises au risque de submersion.
Mme Marie Mercier. - Il y a une explosion des pathologies allergiques en lien avec les pratiques d'isolation thermique mal maîtrisées et souvent inutiles, sous l'influence du lobby des portes et fenêtres.
Mme Brune Poirson. - Le projet de loi d'orientation des mobilités se concentre sur les mobilités du quotidien et vise à donner aux collectivités des outils pour les améliorer. Vous avez identifié à Grenoble des solutions pertinentes pour décongestionner le trafic et réduire les émissions. Il faut que la loi permette de promouvoir les solutions adaptées à chaque territoire.
La couverture des zones logistiques en panneaux solaires est un enjeu clairement identifié par le gouvernement.
La smart city consiste à penser la ville dans sa globalité. Il faut repenser de manière globale la gestion des flux en villes : gestion des flux humains, des flux de marchandises, des flux de déchets, de l'eau, des données numériques. Optimiser ces flux est un levier puissant pour réduire les émissions de CO2. La difficulté est de ne pas bloquer les collectivités et les élus dans des solutions numériques qui peuvent rapidement devenir obsolètes dans un monde digital en évolution constante.
Je suis d'accord sur le fait que les politiques publiques doivent être nourries par les pratiques des acteurs de terrain. Je suis d'accord aussi sur le fait que la solidarité - entre les territoires, entre les pays, entre les différentes catégories sociales - est indispensable à la réussite de la transition écologique. Cet enjeu de la solidarité doit être présent dans toutes les décisions que nous proposons. Promouvoir la voiture électrique dans les territoires ruraux, c'est enfermer les plus modestes d'entre nous dans des solutions inexploitables localement.
M. Roger Karoutchi. - Je vous remercie.