- Mardi 6 novembre 2018
- Mercredi 7 novembre 2018
- Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Recherche et Enseignement supérieur » - Crédits « Recherche » et « Enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Mardi 6 novembre 2018
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information - Examen des amendements de séance
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes réunis pour examiner les amendements extérieurs à la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information.
Le groupe socialiste et républicain a déposé une proposition de résolution tendant à opposer une exception d'irrecevabilité. Comme en première lecture et pour les mêmes raisons, je vous propose de donner un avis défavorable à cette proposition. Cet avis ne signifie pas que les arguments avancés ne sont pas pertinents ; simplement, notre commission a elle-même adopté, à une large majorité, une proposition de résolution tendant à opposer la question préalable à l'ensemble de la proposition de loi. La démarche de la commission me semble donc plus forte.
Mme Sylvie Robert. - Je ne m'attendais pas à une autre position... Cependant, pour des raisons à la fois symboliques, politiques et juridiques, je tiens à ce que nous ayons un débat en séance publique sur la conformité de la proposition de loi avec la Constitution. Je crois, comme beaucoup d'entre vous, que ce texte pose un véritable problème de ce point de vue.
M. Pierre Ouzoulias. - Le Conseil constitutionnel sera saisi de droit de la proposition de loi organique qui est liée au texte que nous examinons et qui relève de la commission des lois. Il sera nécessairement amené à évaluer la conformité à la Constitution de l'ensemble du dispositif.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 2 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, avant de nous retrouver en séance dans quelques instants, je vous rappelle que notre commission se réunira la semaine prochaine, mercredi 14 novembre, à partir de 8 h 30 en salle Clemenceau, pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. Ce sera le premier texte que notre commission aura à examiner conformément à la procédure de législation en commission.
La commission adopte les avis suivants :
Motion |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
M. KANNER et les membres du groupe socialiste et républicain |
2 |
Motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité |
Défavorable |
La séance est close à 14 h 10.
- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -
La réunion est ouverte à 16 h 50.
Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
M. Jacques Grosperrin, vice-président. - Voilà quinze jours, madame la ministre, nous vous avons entendue au sujet de la rentrée étudiante et du bilan de la première année de fonctionnement de la plateforme Parcoursup - merci pour cette audition extrêmement riche. C'est un autre sujet qui vous amène aujourd'hui : le prochain examen par le Sénat des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Nous reviendrons probablement avec vous sur le financement du plan Étudiants annoncé l'an dernier, mais nous serons aussi très attentifs à ce que vous pourrez nous dire sur les projets du Gouvernement en matière de recherche et de financement de la recherche. Le sujet Parcoursup, certes très médiatique, ne doit pas nous faire oublier les enjeux, tout aussi déterminants pour l'avenir de notre pays, de la recherche !
Je vous proposerai, dans un propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget. Puis je céderai la parole à nos rapporteurs pour avis des crédits de votre ministère, Stéphane Piednoir pour l'enseignement supérieur et Laure Darcos pour la recherche, puis à tous nos collègues qui souhaiteront vous interroger.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. - Un point essentiel, pour débuter : la France est une grande nation en matière de recherche et d'enseignement supérieur. Tenir notre rang dans la compétition internationale, jouer un rôle déterminant dans l'élucidation des grandes questions scientifiques, favoriser l'innovation, améliorer nos performances économiques, mieux former et mieux diplômer nos étudiants sont les éléments fondamentaux de mon engagement. Le budget de la mission « recherche et enseignement supérieur » est le vecteur de cette ambition, que nous partageons tous.
Hors remboursement des intérêts de la dette, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, la MIRES, est l'un des trois postes de dépense et d'investissement les plus importants du budget général.
Composée de neuf programmes, elle constitue un périmètre interministériel dont mon ministère est le principal maître d'oeuvre. Elle finance plus de la moitié des opérateurs de l'État : derrière le terme « organismes divers d'administration centrale », on trouve ainsi les 73 universités, les centaines d'écoles structurant et animant notre territoire, ainsi que nos organismes de recherche, reconnus à l'échelle européenne et mondiale.
La MIRES, au travers du financement de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est fondamentalement tournée vers la préparation de notre avenir commun. Considéré comme une priorité stratégique par le Gouvernement, ce budget a vu ses crédits augmenter de 5,3 % en deux ans, dans un contexte financier que chacun connaît.
En 2019, avec l'accord du Parlement, le budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation atteindra près de 25,1 milliards d'euros, soit une progression de 549 millions d'euros par rapport au budget de 2018. Sur le périmètre global de la mission, la hausse - 500 millions d'euros au total - est également significative.
Chaque programme directement piloté par mon ministère bénéficiera de l'effort collectif consenti par la nation en vue de la préparation de son avenir.
Le programme Enseignement supérieur, doté de 13,6 milliards d'euros, enregistrera une hausse de 166 millions d'euros. Le programme Vie étudiante, intégrant les aides directes ou indirectes à destination des étudiants qui en ont le plus besoin, sera stabilisé à 2,7 milliards d'euros, soit une hausse de 7 millions d'euros, et ce sans tenir compte de la suppression de la cotisation au régime de sécurité sociale des étudiants et de la création de la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC.
Pour la recherche, le programme 172 progressera de 171 millions d'euros pour s'établir à 6,9 milliards d'euros et le programme 193 atteindra 1,8 milliard d'euros, en augmentation de 205 millions d'euros.
L'objectif affiché dans la loi de programmation des finances publiques d'une MIRES dépassant les 28 milliards d'euros à l'horizon de 2020 est pour l'heure respecté. Si l'on y ajoute le programme d'investissements d'avenir, le PIA, et les investissements importants de nos collectivités territoriales et du monde socio-économique en faveur de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, on n'a jamais autant investi dans notre avenir qu'en ce moment !
Derrière ces masses financières considérables se trouvent des enjeux et des chantiers qui occuperont mon ministère au cours des prochains mois.
S'agissement du financement de la recherche, l'effort consenti - progression du budget de 2,5 % cette année et de 8 % en deux ans - souligne le caractère stratégique de la recherche pour notre pays.
La France demeure une grande nation scientifique, comme en témoignent la récente attribution du prix Nobel de physique à Gérard Mourou et la réussite, en septembre dernier, du centième tir d'une Ariane 5. Toutefois, nous faisons face à une concurrence accrue, liée aussi bien aux performances des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne qu'à l'émergence de nouveaux acteurs de la recherche, dont l'Inde et la Chine.
Dans ce contexte, il faut continuer à soutenir la recherche fondamentale, mobiliser les forces scientifiques pour répondre aux grands défis sociétaux, consolider le partenariat entre universités et organismes de recherche. Pour cela, j'entends renforcer les écosystèmes territoriaux organisés autour des universités développant leur signature en matière de recherche et d'innovation, mais aussi les missions nationales des organismes de recherche, en leur confiant des programmes prioritaires de recherche à cette échelle. Cela devra se faire en encourageant l'excellence scientifique de demain, notamment grâce au recrutement de 300 nouveaux doctorants par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) d'ici à 2020.
Dans cette compétition mondiale, où la recherche devient plus que jamais un enjeu de souveraineté, il ne faut pas opposer le financement sur projet au financement dit « de base ». Il faut faire les deux, et il faut le faire au bon niveau, indépendamment du vecteur.
Afin de faciliter le travail des chercheurs au quotidien, j'ai donc décidé de reconduire le financement direct « de base » supplémentaire aux laboratoires de 25 millions d'euros. La rémunération des personnels des organismes sera revalorisée à hauteur de 28 millions d'euros, dans le cadre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).
Le redressement du financement de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, se poursuit, avec près de 33 millions d'euros supplémentaires inscrits pour 2019 en autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'établissant à 86 millions d'euros. Au-delà de ce vaisseau amiral du financement de la recherche sur projet, nous continuerons de soutenir les initiatives vertueuses permettant d'associer le meilleur de l'initiative privée et de la recherche publique. Ainsi, nous maintiendrons l'abondement de 5 millions d'euros au profit des instituts Carnot.
Après avoir régularisé la situation de la France auprès des organisations scientifiques internationales à hauteur de 300 millions d'euros en 2018, dont plus de 170 millions d'euros hors secteur spatial, mon ministère restera pleinement engagé dans le financement des très grandes infrastructures de recherche, avec des crédits en hausse de 23 millions d'euros. Ces choix, lourds, exigeants, sont néanmoins fondamentaux pour repousser la frontière des connaissances.
À cet égard, le Gouvernement a à coeur de relever certains grands défis scientifiques et technologiques particulièrement structurants : près de 29 millions d'euros, issus de la MIRES et du PIA, financeront le volet recherche du plan intelligence artificielle et, dans le secteur spatial, dans un contexte d'émulation liée à l'arrivée de nouveaux acteurs comme l'américain SpaceX et de finalisation du programme Ariane 6, le budget du programme 193 progressera de 13 % pour atteindre 1,8 milliard d'euros.
Enfin, dans le but de répondre aux enjeux sanitaires, cliniques et épidémiologiques des pathologies frappant nos concitoyens, nous renforcerons le financement des plans santé, principalement pilotés par l'INSERM, par un effort de 17 millions d'euros en gestion.
La recherche étant une entreprise fondamentalement humaine, j'ai travaillé à consolider le statut des chercheurs, en obtenant, en mars dernier, l'inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles et en oeuvrant, avec Bruno Le Maire, à la rénovation du statut de chercheur-entrepreneur dans le cadre de la loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises).
S'agissant de l'enseignement supérieur, l'année 2019 sera celle de la montée en puissance du plan Étudiants, évoqué lors de mon audition du 23 octobre dernier.
Un budget légèrement supérieur à 123 millions d'euros sera consacré au financement des parcours personnalisés de réussite et aux mesures indemnitaires permettant de soutenir et valoriser l'engagement des équipes pédagogiques.
Le PIA continuera à soutenir la rénovation des cursus universitaires. Les nouvelles dispositions organisant les enseignements du premier cycle selon des principes de modularité et de capitalisation seront pleinement mises en oeuvre. La réforme des études de santé s'inscrira, bien évidemment, dans cette démarche d'ensemble, avec la disparition de la première année commune aux études de santé, la PACES, dans son format actuel et la suppression, à l'horizon de 2020, du numerus clausus. Agnès Buzyn et moi-même travaillons de concert pour pouvoir proposer au Parlement un train de mesures législatives au cours du premier semestre 2019.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'année 2019 nous permettra également de renouveler notre approche territoriale de la question de la répartition de l'offre de formation. Les expériences de la mise en oeuvre de Parcoursup et de la réforme du master ont mis en évidence des disparités, parfois importantes, entre régions ou académies, voire à l'échelle intra-territoriale. Pour y remédier, nous expérimentons plusieurs dispositifs avec les régions Île-de-France, Bretagne, Occitanie et Grand-Est.
Parcoursup a montré que certaines filières, saturées à l'échelle nationale, disposent toujours de places vacantes dans certains territoires. Le fonds d'aide à la mobilité étudiante qui sera instauré en application de l'article 78 du PLF pour 2019 aura pour objectif premier de les valoriser. Au vu de la très forte demande de formations courtes et professionnalisantes, la licence professionnalisante à l'université sera progressivement déployée, l'enjeu étant dans l'immédiat de rapprocher l'offre locale de formation des bassins régionaux d'emplois et des priorités stratégiques définies par les collectivités territoriales.
L'année 2019 sera déterminante en matière de vie étudiante. Pour la première fois, nous avons réduit significativement le coût de la rentrée universitaire, par la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants et la mise en place du paiement à date des bourses. Pour la première fois, aussi, la CVEC a été collectée : à cette date, nous ne connaissons pas le montant du produit consolidé de la campagne 2018/2019, mais cette contribution, je le confirme, n'a pas vocation à financer le désendettement de l'État. L'argent de la vie étudiante restera bien à la vie étudiante !
Nous profiterons également de l'année 2019 pour pousser plus loin l'autonomie des universités. Avant la fin de l'année, nous publierons l'ordonnance sur les regroupements expérimentaux en application de la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (ESSOC), afin que chaque université qui le souhaite puisse développer son projet et sa signature personnelle ; c'est un outil indispensable pour permettre aux différents sites de réussir dans un environnement de plus en plus concurrentiel, notamment au plan international, mais aussi de rayonner dans leur environnement local et de contribuer à l'attractivité du territoire. Dans ce cadre, j'expérimente depuis la rentrée un dialogue stratégique de gestion avec neuf universités, dialogue ayant vocation à être élargi dans les meilleurs délais à toutes les universités.
Autre outil incontournable pour ancrer les universités dans leur environnement immédiat, le patrimoine immobilier. À l'occasion de la loi de finances pour 2018, nous avons élargi le principe de spécialité, afin de permettre aux universités de mieux valoriser leur patrimoine. Nous irons plus loin cette année, en finalisant une deuxième vague de dévolution qui concerne les universités de Bordeaux, Marseille, Caen et Tours. Parce qu'il s'agit d'une forme d'aboutissement du principe d'autonomie, je souhaite lancer dès 2019 une vague continue de dévolution, afin que chaque établissement puisse se saisir des opportunités liées à la valorisation de son patrimoine avant la fin de l'année 2022.
Enfin, l'Europe joue un rôle fondamental dans le rayonnement international de notre système d'enseignement supérieur. Imaginer l'université de demain à l'échelle de l'Europe, c'est travailler à l'attractivité de nos universités, mais aussi à l'excellence scientifique. Pour cela, nous devons projeter nos politiques et nos pratiques à cette échelle, dans le cadre de la préparation du programme Horizon Europe, plus important programme mondial en matière de recherche. J'ai engagé un travail sur ce sujet car les acteurs français ne s'investissent pas suffisamment dans ces programmes européens.
Imaginer l'université de demain à l'échelle de l'Europe, c'est aussi renforcer l'identité européenne de la jeunesse par une université inclusive, en donnant à chaque jeune l'opportunité de construire son avenir à l'échelle du continent. Je me félicite du lancement de l'appel à propositions « Universités européennes » - 30 millions d'euros pour 6 projets pilotes -, qui permettra à des consortiums d'établissements issus d'au moins trois pays européens de bâtir les premiers projets pilotes de ces universités européennes. J'appelle tous les établissements français qui le souhaitent à s'engager dans ce nouveau projet. La France apportera son soutien à la construction de ces projets, à hauteur de 100 millions d'euros au moins sur dix ans.
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur. - Le PIA 3 a vocation à soutenir les progrès de l'enseignement et de la recherche, valoriser la recherche et accélérer la modernisation des entreprises. Le Grand plan d'investissement a été conçu pour soutenir l'excellence scientifique et renforcer la compétitivité dans un certain nombre de secteurs. Le fonds pour l'innovation et l'industrie est aussi destiné à soutenir les start-up à forte intensité technologique et à financer des grands défis, dont l'intelligence artificielle. Comment ces trois plans s'articulent-ils ? Le Gouvernement réfléchit-il à un nouveau PIA ? Si cette idée n'était pas retenue, une loi de programmation de la recherche pourrait-elle être envisagée ?
Du fait de la part réduite des primes dans leurs émoluments, les chercheurs touchent des salaires indignes au regard de leurs qualifications et de leur charge de travail. Une réflexion est-elle engagée sur ce sujet ? Peut-on espérer remédier à cette situation au cours du quinquennat ?
Pouvez-vous vous exprimer sur l'amendement, adopté à l'Assemblée nationale, visant à augmenter les crédits de l'Institut national du cancer, l'INCa, de 18 millions d'euros pour renforcer la recherche sur les cancers des enfants ? Les attentes, notamment des familles, sont fortes sur le sujet.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'objectif du PIA 3 était de faire émerger l'organisation de la recherche ; le Grand plan d'investissement, qui inclut le PIA 3, concerne la mise en place de programmes prioritaires de recherche ; quant au fonds pour l'innovation et l'industrie, il s'agit d'aller chercher, au coeur des laboratoires, les solutions aux verrous technologiques existants. La diversité des sources de financement n'est pas un problème si on ne l'associe pas à une diversité des structures bénéficiant de ces financements ou les pilotant. Or les trois plans cités ne concernent que des établissements existants. Ils n'impliquent aucune création de structures nouvelles.
Le niveau des primes dans la rémunération des cadres A de la fonction publique de la recherche et de l'enseignement supérieur est un sujet identifié, qui prendra une importance particulière à mesure que le Gouvernement avancera dans la réflexion sur la réforme des retraites. Nous allons nous y attaquer.
J'en viens à l'amendement visant à renforcer le financement des cancers de l'enfant. Il faut dissocier deux choses. Même si, quand il touche un enfant, la dimension émotionnelle est extrêmement forte, un cancer est un cancer. Il existe certes des cancers spécifiques à l'enfant mais, pour ceux-là, l'essentiel des mécanismes de base qui nous permettront de comprendre la maladie interviennent pendant l'embryogénèse, avec une part très importante des facteurs environnementaux. Autrement dit, en tant que scientifique, je ne sais distinguer ni un cancer pédiatrique d'un autre cancer, ni, parmi les cancers pédiatriques, ceux qui seront liés à des impacts environnementaux pendant le développement et ceux qui ne le seront pas.
Il me semble donc compliqué de flécher 18 millions d'euros sur des maladies que l'on qualifierait de « cancers pédiatriques » : soit le cancer entre dans la catégorie générale et l'on obtient chez les enfants 80 % de rémission, soit il s'agit d'un cancer spécifique et l'on est si loin d'en comprendre les causes qu'il faut mettre l'accent sur la recherche fondamentale. À ce titre, il me semble essentiel de soutenir la recherche en biologie du développement, en embryologie ou sur les impacts environnementaux au cours du développement.
Dans le cadre du programme Horizon Europe, nous avons décidé de mettre en avant certains objectifs, appelés « missions » de l'Europe parmi lesquels figurent la prise en charge et la réduction des cancers pédiatriques de l'enfant. Mais il s'agit bien d'allouer des financements à la recherche dans les domaines que je viens de citer, et non pas, stricto sensu, à la réduction de ces cancers.
Voilà pourquoi Agnès Buzyn et moi-même avons un peu de mal à comprendre la demande formulée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - C'est une question importante, il était nécessaire que vous répondiez en détail.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Je me félicite de vos annonces budgétaires, globalement positives. Je souhaite cependant apporter des nuances. Vous annoncez 206 millions d'euros de moyens nouveaux pour les établissements en 2019. Or des dépenses contraintes vont peser sur ces 206 millions d'euros : 50 millions d'euros seront absorbés par le glissement vieillesse technicité (GVT) de l'État, autant par la compensation de la CSG, et 30 millions d'euros par la mise en place du protocole PPCR. Ce ne sont donc que 76 millions d'euros qui pourront financer des actions d'amélioration de la qualité de l'enseignement dispensé aux étudiants. Pensez-vous que ce sera suffisant pour monter en puissance ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le montant total des crédits supplémentaires consacré aux universités est de 226 millions d'euros, dont 166 millions d'euros de dotations budgétaires inscrites à la MIRES, 40 millions d'euros de dégel et 20 millions d'euros de redéploiements vers les établissements d'enseignement supérieur sur l'ensemble du programme 150. Sur ces 226 millions d'euros, 123 millions correspondent au déploiement du Plan étudiants, ce qui laisse 103 millions d'euros aux établissements pour compenser au maximum le GVT, le PPCR et la CSG. Ce chiffrage, y compris les quelque 30 millions d'euros ajoutés au budget cette année pour lancer la première phase du plan Étudiants, correspond théoriquement à la création de 350 emplois mais les établissements, autonomes, décident seuls de l'emploi des fonds reçus. Nous sommes partis du principe que la totalité de l'argent avait été utilisée pour la masse salariale et que ce serait la même chose l'an prochain mais, dans la réalité, ce n'est pas le cas. Je sais que la compensation du GVT, de la CSG et du PPCR n'est pas absolue, mais c'est mieux que zéro.
Le meilleur accueil des étudiants et le paiement de tuteurs étudiants peuvent aussi être financés par la contribution vie étudiante et de campus (CVEC). Ce calcul a été fait en discutant notamment avec la Conférence des présidents d'université. Les moyens alloués sont suffisants pour poursuivre l'effort cette année et accueillir la vague supplémentaire d'étudiants l'an prochain. En outre, sur un budget de 23 milliards d'euros, il est possible de redéployer dix, quinze ou vingt millions d'euros en cours d'année pour soutenir des actions particulières.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Le montant de la CVEC avait été initialement estimé à 95 millions d'euros. Vous vous êtes engagée à en affecter chaque euro à la vie étudiante. Selon les dernières estimations, la collecte serait plutôt de l'ordre de 130 millions d'euros. Le Gouvernement peut-il s'engager à déposer au Sénat un amendement réévaluant le plafond à cette hauteur ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - La collecte a eu lieu mais nous n'en connaissons pas le montant global - c'est la raison pour laquelle il est prévu un versement en deux temps, la deuxième tranche étant versée en avril aux établissements. En effet, il faut prendre en compte les demandes de remboursement en cours de la part d'étudiants qui ont payé indûment. La somme finale devrait plutôt avoisiner les 110 millions d'euros.
M. Gérald Darmanin a pris un engagement très clair : nous dresserons le bilan de la collecte de la CVEC et l'inscrirons exactement dans un projet de loi de finances rectificative.
Dans le projet de loi de finances pour 2019, nous inscrivons ce que nous attendons des paiements effectués à la rentrée 2019, mais nous ne parviendrons jamais à être justes a priori.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Lors de son discours de la Sorbonne, le président de la République a déclaré : « En 2024, la moitié d'une classe d'âge doit avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays. » Or les étudiants boursiers des établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) sont exclus de l'aide à la mobilité internationale alors que les boursiers du public y ont droit. Comment justifier cette discrimination ?
Les 30 millions d'euros que vous prévoyez pour le fonds mobilité ne seront vraisemblablement pas intégralement consommés en 2019. Pour mémoire, en 2018, alors que 7 millions d'euros étaient prévus, treize aides, en tout et pour tout, ont été attribuées, pour un montant global probablement inférieur à 10 000 euros. Ne pourrait-on pas envisager de transférer une partie de ces crédits au profit des aides à la mobilité internationale pour tous les boursiers, du public et du privé ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Nous travaillons sur la question de l'attractivité et de la mobilité internationales, à l'échelon européen et plus largement. Nous commençons à déployer une offre de formation par des établissements français dans des pays tiers, afin d'offrir à des étudiants étrangers la qualité de notre enseignement tout en limitant les flux, et d'offrir à nos étudiants une expérience internationale et une vie culturelle différente tout en conservant la qualité des formations dispensées en France.
Je me pencherai sur le point que vous soulevez concernant la différence de traitement entre les boursiers inscrits dans les EESPIG et les autres. Ils sont néanmoins éligibles aux aides Erasmus, que nous sommes en train d'augmenter considérablement à l'échelon européen. En outre, les EESPIG peuvent aider leurs étudiants en interne.
Il est très important de ne pas préempter les aides à la mobilité pour un autre objet. Elles ont en effet mal fonctionné cette année car personne ne s'en est saisi, même si j'avais indiqué que l'on pouvait compter sur 7 millions d'euros. Chacun a attendu de voir au mois de septembre la somme sonnante et trébuchante, or il était trop tard. Cette année, elles seront mises en avant dès l'inscription sur la plate-forme Parcoursup, comme les internats. Ce sera beaucoup plus efficace.
Une politique de communication intensive sera menée en parallèle sur la qualité de l'offre de formation des établissements hors des métropoles. Les jeunes pensent que l'on ne peut étudier correctement qu'au sein des métropoles. Or, étant donnée la qualité de formation et de vie dans des villes moins grandes, on a tout intérêt à inciter les jeunes à les rejoindre. Ils y seront très bien formés, ils y trouveront un logement, ils auront une qualité de vie très différente de celle que l'on peut malheureusement parfois observer dans les métropoles. L'aide à la mobilité doit être accompagnée par cette mise en valeur.
M. Pierre Ouzoulias. - Madame la ministre, j'ai du mal à comprendre la logique budgétaire qui vous oblige à plafonner une recette fiscale affectée, mais nous en reparlerons en séance.
Entre 2005 et aujourd'hui, le CNRS - que je connais bien - a perdu 540 postes de chercheurs. C'est l'organisme qui en a perdu le plus en France, alors qu'en même temps, il reste le premier organisme mondial en matière de publications scientifiques, derrière la Chine qui connaît un effet de rattrapage, et le 8e mondial en matière d'innovation. On ne peut pas dire qu'il n'ait pas bien fait son travail, au contraire. Les chercheurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent de nouveau subir une baisse aussi dramatique de l'encadrement. Le nombre de recrutements annoncé va mettre en difficulté les commissions de recrutement des sections du CNRS. Lorsque l'on pourvoit seulement deux postes à partir de 130 dossiers, on réalise une forme de tirage au sort à laquelle je sais, madame la ministre, vous êtes très opposée...
Je voudrais également aborder votre acceptation du recul de la production scientifique des opérateurs. Je suis surpris de constater que l'objectif final pour 2020 est inférieur à la production scientifique atteinte par les établissements en 2015. Vous n'avez pas d'autre but que d'accompagner une baisse. On peut avoir une autre ambition scientifique pour la France. Je tiens à rappeler un point de vue général qui se vérifie dans tous les pays : il existe une relation linéaire entre l'investissement public dans la recherche et les résultats d'un État en la matière. La baisse de la recherche publique affecte la totalité de la recherche, y compris privée. J'ai bien compris que votre ambition était une augmentation de la part de la recherche privée, mais vous ne l'obtiendrez pas en diminuant la part de la recherche publique, au contraire.
Enfin, un grain de sel pour mes collègues : le général de Gaulle avait octroyé aux chercheurs une prime de 28 000 anciens francs qui n'a jamais été revalorisée ; aujourd'hui, elle correspond à 2,19 euros.
Mme Sylvie Robert. - Je me pencherai sur vos propos avec attention car nous ne disposons pas d'une bonne visibilité sur la ventilation des crédits nouveaux du programme 150. Pourquoi avoir supprimé l'aide à la recherche du premier emploi, l'ARPE ? La baisse importante du montant des bourses est-elle un réajustement ?
Enfin, le budget d'Universcience diminue une nouvelle fois de 1,8 %. Notre commission s'est beaucoup penchée sur la culture scientifique et technique. Je regrette cette nouvelle diminution, en espérant qu'elle ne mette pas à mal l'ensemble des missions de ce grand établissement.
M. Laurent Lafon. - Le président de la République a annoncé, en avril, qu'il souhaitait doubler le nombre d'étudiants formés à l'intelligence artificielle, particulièrement en licence et au sein des formations professionnelles courtes. Il avait précisé que les financements seraient inscrits dans le projet de loi de finances. Où en est-on ? Il a également annoncé une revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs en intelligence artificielle, leur salaire étant doublé dès le début de leur carrière. Est-ce toujours d'actualité ?
Le ministère a fixé l'objectif de plus de 80 000 logements supplémentaires pour les jeunes d'ici 2022, dont 60 000 pour les étudiants et 22 000 pour les jeunes actifs. Madame la ministre, vous aviez annoncé la création d'un observatoire national du logement étudiant d'ici la rentrée 2018. Il ne me semble pas qu'il ait été créé. Sera-ce une réalité dans le projet de loi de finances pour 2019 ?
M. Jacques Grosperrin. - Je me félicite de la suppression de l'Arpe par l'article 78 du projet de loi de finances pour 2019. Cette aide, accordée par le Gouvernement dans le cadre de sa négociation avec les organisations syndicales étudiantes sur la loi El Khomri, était proprement scandaleuse : il s'agissait d'une allocation versée aux jeunes sans accompagnement ni évaluation.
Les frais d'inscription diminuent cette année ; je comprends bien que vous avez pris en compte l'inflation et que la suppression de la cotisation du Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) cette année est seule responsable de cette baisse. Après trois années de gel, voici que les frais d'inscription diminuent. Je propose que nous allions dans une autre direction. Il faut s'interroger sur le bon niveau de ces frais, pour donner plus de moyens à nos universités. Elles sont en difficulté par rapport à leurs homologues étrangères. J'ai parfois le sentiment qu'elles se paupérisent. La hausse des frais d'inscription, avec une hausse des bourses adaptée, était une piste intéressante.
Enfin, les droits d'inscription pour les étudiants étrangers sont un sujet très important.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Veuillez excuser M. Rapin, également rapporteur spécial de la mission, qui ne pouvait pas être présent.
Le niveau de financement des EESPIG est descendu extrêmement bas. Comment, madame la ministre, pensez-vous relever ce défi ? Ces établissements participent très largement à la résolution du problème de la formation dans l'enseignement supérieur.
Je regrette que les dépenses obligatoires, tel le GVT, ne soient pas intégrées d'entrée de jeu dans le budget.
Enfin, on susurre que 200 millions d'euros de crédits seraient annulés dans votre budget par la prochaine loi de finances rectificative. Quels sont les secteurs concernés ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le budget du CNRS augmente de 21 millions d'euros, soit une hausse de 0,8 %, le plafond d'emplois restant inchangé et une politique volontariste étant menée sur les doctorants.
M. Pierre Ouzoulias. - Ce ne sont pas des chercheurs.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Ce ministère est un ministère d'opérateurs. Les décisions relèvent ensuite du CNRS, en l'espèce. Je peux donner une somme qui correspond à tant d'emplois, chaque opérateur fera ce qu'il estime le plus judicieux - et ce n'est pas un problème selon moi. Il peut juger qu'il n'est pas nécessaire de recruter pour 42 années un spécialiste de telle ou telle discipline.
Un rapport de M. Adnot, justement, a démontré que l'Arpe, sans aucun accompagnement prévu, entraînait surtout des effets d'aubaine. Nous avons proposé aux associations étudiantes que les étudiants bénéficient de la Garantie jeunes, ce qui maintient une forme de financement de jeunes diplômés effectivement accompagnés et en recherche d'emploi. Les associations étudiantes ont validé le fait qu'un volet soit réservé aux étudiants tout juste diplômés afin qu'ils soient vraiment accompagnés dans la recherche d'emploi et qu'ils ne bénéficient pas simplement du maintien de leur bourse.
La question de la culture scientifique, technologique et industrielle revient de façon récurrente. Cette compétence a été transférée majoritairement aux régions par la loi NOTRe ; le reste dépend majoritairement du ministère de la culture. La part assumée par le ministère de l'enseignement supérieur n'est pas détaillée dans le PLF puisqu'elle dépend des budgets des organismes de recherche. Sur le programme 172, pour les 16 organismes de recherche qui contribuent à la culture scientifique, technologique et industrielle, le montant est en hausse de 2,5 millions d'euros. En outre, 125 millions d'euros sont financés sur l'action 13 du programme 150, « diffusion des savoirs et musées ». Dans le cadre de la loi NOTRe, ce financement doit être abondé par les budgets des régions. Je partage la conviction qu'il faut financer mais aussi structurer et valoriser ce qui existe déjà. Je surveillerai le déroulement des choses, car c'est un sujet de société, au-delà du budget.
J'en viens à l'intelligence artificielle. Le vrai problème est le très faible nombre de jeunes attirés par les carrières scientifiques. Aujourd'hui, plus de la moitié des bacheliers scientifiques ne poursuivent pas d'études supérieures scientifiques. Comment intéresser les jeunes à ces disciplines ? On s'imagine, les jeunes filles notamment, qu'un informaticien est un geek à lunettes toujours derrière son ordinateur, qui ne parle à personne. Il faut déconstruire ce cliché.
Ensuite, on voit des jeunes en école d'ingénieurs, en master ou en doctorat en informatique qui n'achèvent pas leurs études car ils sont recrutés avant. En autorisant des carrières mixtes, pour que chacun conserve l'intérêt pour la recherche académique tout en la valorisant par la création de start-ups par exemple, on aurait une chance de garder des compétences académiques suffisantes pour continuer à former les jeunes. C'est un grand enjeu car la situation est inquiétante. Une autre option consiste à aller chercher des compétences dans les pays émergents, qui forment des jeunes excellents, en augmentant l'attractivité internationale des formations et des laboratoires français. Il s'agit de penser à la façon et aux moyens de les accueillir. Ce doit faire l'objet d'un plan global.
Le chantier extrêmement important des droits d'inscription et des bourses ne doit pas être abordé par une hausse massive des frais. Dans notre modèle français d'éducation, les contribuables paient des impôts pour que leurs enfants puissent être éduqués. Nous y sommes attachés.
Nous devons plutôt réfléchir à une aide globale à l'autonomie pour les étudiants. Ce ne pourra probablement pas se faire avant 2020 car nous avons besoin de temps pour élaborer un système qui aide vraiment les étudiants qui le méritent, afin qu'ils ne soient plus obligés de travailler pour payer leurs études. On constate, petit à petit, un décrochage des classes moyennes, dont les enfants n'ont ni bourses ni aides mais qui pourtant n'ont pas assez de moyens pour cela. Si l'on place les aides directes et indirectes en ordonnée et le salaire médian des parents en abscisse, on obtient une courbe en U, or c'est dans le creux du U que se situent le plus grand nombre de familles.
Le budget des EESPIG a augmenté l'an dernier mais il avait diminué dramatiquement avant. Cinq millions d'euros avaient été ajoutés l'an dernier en gestion et nous y avons encore ajouté deux millions d'euros cette année. En outre, les EESPIG font partie des établissements qui bénéficient de la CVEC, ce qui devrait correspondre à environ trois millions d'euros de reversement direct. Cela fait une augmentation supplémentaire totale de cinq millions d'euros : nous avançons.
Julien Denormandie et moi-même, lors d'un déplacement à Aix-en-Provence fin septembre, avons mis en place l'Observatoire national du logement étudiant, qui a pour mission de construire une plateforme sur laquelle figurera, sous forme de carte interactive, l'offre de logements à destination des étudiants dans toute la France. L'idée est, en recensant les logements des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), des bailleurs sociaux et un maximum de logements privés, d'utiliser les financements des 60 000 logements là où c'est vraiment nécessaire, là où la tension sur le marché est générale.
Monsieur Adnot, j'ai tenu mes engagements budgétaires sur 2018 et il ne me paraît pas choquant, voire au contraire de bonne gestion, qu'une partie des crédits non utilisés par le MESRI soient « remis au pot » pour financer par exemple les besoins du ministère de l'intérieur pour la lutte antiterroriste. Nous sommes heureusement sortis de l'époque où, parce que les budgets étaient reconduits automatiquement d'année en année et qu'il s'agissait pour chaque ministère d'obtenir des crédits supplémentaires, on laissait tourner les moteurs pour consommer le budget essence du parc automobile ... Estimer au plus juste les besoins, agir en responsabilité et tenir les budgets, c'est ce que nous avons fait cette année, notamment en mettant des moyens supplémentaires - inédits ! - pour faire face à l'accroissement de la démographie étudiante et c'est ce que l'on continuera à faire l'année prochaine. Aussi n'ai-je pas de crainte particulière sur la capacité du ministère à respecter à nouveau ses engagements en 2019. Je n'ai pas connaissance du chiffre de 200 millions d'euros que vous citez ; je ne doute pas qu'il suscitera des discussions, voire des polémiques, mais l'essentiel me semble que le ministère tienne ses engagements à l'égard de tous ses opérateurs, que leurs missions de service public soient remplies, que leur gestion financière soit saine, et que le budget de l'État soit aussi sincère que possible et respecté en exécution.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Permettez-moi de prolonger la question de Laurent Lafon sur la formation à l'heure du numérique et la formation en intelligence artificielle à l'heure du big data. Votre constat rejoint celui que j'avais pu faire dans mon rapport sur le sujet : la situation est alarmante pour les filles - Mme Billon, présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ne me contredira pas. M. Brisson, qui a travaillé sur le métier d'enseignant, me rejoindra sur un autre point : la formation des formateurs est essentielle, c'est ce par quoi il faut commencer car, si notre corps enseignant n'est pas lui-même sensibilisé à ces questions, il lui sera difficile d'accompagner les jeunes sur les nouvelles compétences requises. Vous y travaillez, je suppose, avec Jean-Michel Blanquer.
Mme Annick Billon. - Merci, madame la ministre, pour ces explications. Certaines études montrent que les filles s'intéressaient à l'informatique lorsque ce n'était pas encore tendance, et s'y intéressent moins depuis que ce sont des métiers très en pointe ...
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Une donnée concrète pour l'illustrer. J'ai visité récemment les locaux de Qwant, dans mon agglomération : il n'y a que des jeunes hommes !
Mme Annick Billon. - Vous avez parlé, madame la ministre, de l'expérimentation qui sera lancée en Île-de-France, dans le Grand-Est, en Bretagne et en Occitanie : combien de temps durera-t-elle ? Sera-t-elle dupliquée ? Selon quels critères ces quatre régions ont-elles été choisies ?
Je me réjouis de l'augmentation des crédits des programmes 231 et 150 mais, comme Laurent Lafon, je m'inquiète de la prolifération, dans des zones qui ne sont pas forcément tendues, de programmes privés, alimentés bien souvent par l'investissement défiscalisé, proposant des logements dans des résidences services à des prix très élevés mais à proximité des facultés de médecine ou des classes préparatoires, ce qui qui laisse peu de choix aux étudiants qui souhaitent passer le moins de temps possible dans les transports ...
Pouvez-vous nous en dire davantage sur la rénovation du statut du chercheur-entrepreneur ?
Vous avez dit ne pas vouloir opposer le financement de base au financement sur projet, mais l'écosystème actuel ne facilite-t-il pas celui-ci au détriment de celui-là ?
Vous avez également parlé du numerus clausus et de la diversification du recrutement des futurs médecins. Que comptez-vous faire afin d'y parvenir ? La réforme mettra-t-elle un coup d'arrêt aux prépas privées dans lesquelles les étudiants de première année sont contraints de s'inscrire ?
Mme Céline Brulin. - En dépit de vos propos, madame la ministre, les moyens budgétaires de l'enseignement supérieur nous inquiètent par leur insuffisance. Ils nous inquiètent aussi au regard du flou de certaines lignes budgétaires, des positions prises par la conférence des présidents d'université, mais aussi au regard de vos engagements puisque vous aviez vous-même annoncé un milliard d'euros sur le quinquennat. Or nous n'y sommes pas du tout, alors que nous devons accueillir un grand nombre de nouveaux étudiants - ce qui est bien sûr en soi une excellente nouvelle pour notre pays.
Vous avez dit que ce budget pourrait créer 350 emplois, mais que la décision en revenait aux établissements désormais autonomes - et tenu à peu près les mêmes propos à l'égard du CNRS. Or ces établissements subissent des contraintes, ce dont leurs moyens doivent tenir compte ... De plus, je crains la perte de sens qu'emporte une telle logique : l'État n'est pas qu'un pourvoyeur de crédits - au demeurant insuffisants, je le redis -, il doit aussi porter une stratégie, une volonté, une vision, et une vision que l'on ne partage pas est toujours préférable à une absence de vision ! Bref, il ne s'agit pas seulement d'accorder des crédits à des opérateurs qui en feront ce qu'ils voudront : la France, la République, l'État, a un rôle de stratège à jouer !
M. Max Brisson. - Vous avez dit, madame la ministre, que les effectifs des étudiants des formations scientifiques techniques s'effondraient, et lié ce constat au baccalauréat scientifique. J'ai moi-même souffert de constater la forte présence de bacheliers scientifiques dans des classes où ils n'avaient pas grand-chose à faire, en hypokhâgne et en khâgne - où on ne trouve pratiquement que des filles, par ailleurs. C'est une vraie cause nationale, madame la ministre. Or on ne voit pas dans la réforme du baccalauréat de modularité de nature à empêcher que se reconstitue une filière scientifique, dont tout le monde pense qu'elle doit disparaître. Dans les petits lycées, la limitation des choix de spécialités et la pesanteur de notre société contribueront à recréer un bac scientifique. La pression sociale sur ce sujet est très forte : le président de la République doit faire preuve de courage également en s'attaquant à ce monument national pour redresser nos formations scientifiques et techniques.
La part des filles dans ces formations est une autre cause nationale. L'éducation nationale a beaucoup fait pour rééquilibrer la part des garçons et des filles en section scientifique au lycée : comment expliquer alors qu'elles soient si peu nombreuses dans les filières scientifiques de l'enseignement supérieur et comment y remédier ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Vous m'interrogez, madame Brulin, sur le sens de notre politique. Dire que l'on porte 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac mais ne rien faire pour accueillir les étudiants issus du pic démographique, prévisible, de 2001, ou se réjouir d'un taux de réussite de 30 % en première année car il garantirait des amphithéâtres moins remplis en deuxième année, était-ce conduire une politique sensée ? Donner du sens à la politique d'enseignement supérieur, c'est travailler à la démocratisation réelle du système davantage que faire de grandes déclarations d'égalité ; je crois davantage à l'équité, au fait de donner à chacun ce dont il a besoin pour réussir, qu'à une égalité formelle qui ne fait que reproduire les plus grandes inégalités. Je crois avoir démontré que notre politique - que vous avez certes le droit de ne pas soutenir - visait ainsi l'émancipation des étudiants, qu'il faut considérer comme ils sont. C'était en tout cas l'objet de la loi Orientation et réussite des étudiants, qui a recueilli l'accord de l'immense majorité des enseignants du secondaire et du supérieur, excédés de voir tant de jeunes aller droit dans le mur sans que personne ne s'en soucie le moins du monde.
Nous avons déjà débloqué 483 millions d'euros à cette fin : 35 millions d'euros en 2018, auxquels s'ajoutent 123 millions prévus en 2019 et 325 millions d'euros consacrés aux nouveaux cursus : c'est la somme la plus importante jamais allouée au premier cycle universitaire. Avec 483 millions d'euros en à peine treize mois, je pense que nous tiendrons notre engagement de consacrer à cette politique un milliard d'euros sur le quinquennat.
Madame Billon, l'expérimentation régionale dont vous parlez vise à redonner de la noblesse à tous les métiers et à tous les niveaux de qualifications. Nous avons trop souvent tendance à survaloriser le conceptuel au détriment du professionnel. Les critères de choix des régions, certes discutables, procèdent des échanges que j'ai eus avec certains de leurs présidents. L'Occitanie souffre d'être partagée entre grandes métropoles attractives et villes moyennes dont les formations s'affaiblissent : nous travaillons avec sa présidente à identifier les villes d'équilibre dans lesquelles nous pourrions développer une offre de formation de qualité, en présentiel ou en numérique, pour permettre aux étudiants, à tout le moins, de démarrer un premier cycle - qu'ils poursuivront le cas échéant ailleurs. Le cas de la Bretagne et du Grand-Est est différent : la réussite au baccalauréat y est forte, mais le taux de poursuite d'études supérieures inférieur à la moyenne nationale. Nous regardons par conséquent les bassins d'emplois où nous pourrions créer des filières correspondant aux besoins. En Bretagne par exemple, les métiers de la mer, l'accastillage, peuvent justifier des formations pré- ou post-bac ou des filières d'apprentissage. En Île-de-France enfin, formidable aimant, bassin dans lequel les besoins d'emplois et la demande de formation restent considérables, nous cherchons à mettre en place les formations idoines.
S'agissant du statut de chercheur-entrepreneur, nous souhaitons aller plus loin que la loi Allègre, qui avait autorisé les chercheurs à consacrer 20 % de leur temps de travail à leur entreprise : nous souhaitons porter cette part à 50 %, car il est regrettable que ceux qui produisent de la connaissance et souhaitent en faire quelque chose doivent abandonner complètement, pour ce faire, la recherche académique.
Les médecins sont très formatés et la médecine est de plus en plus technique et technologique. Agnès Buzyn et moi-même sommes convaincues que nous avons par conséquent besoin d'équipes pluridisciplinaires. Or l'organisation des études de médecine consiste essentiellement, pour l'heure, à mettre de bons lycéens sous une pression considérable qui les conduit souvent à l'échec. On les oblige à supporter ce système pendant deux à trois ans avant d'obtenir leur première année, puis on forme ceux qui auront résisté dans les gros centres hospitaliers universitaires (CHU) des métropoles disposant de plateaux techniques de pointe, avant de leur demander de retourner faire de la médecine générale là où les besoins sont les plus criants ... Comment s'étonner ensuite qu'ils soient formatés et que le système ne fonctionne pas ?
Nous pensons qu'un système de majeures et de mineures serait intéressant, que l'entrée dans les études médicales et paramédicales ne doit pas être consécutive au baccalauréat mais à une première étape de formation qui peut être composée de sciences comme d'humanités. Nous pensons encore que la formation en CHU ne s'impose pas nécessairement avant l'entrée dans une phase déterminée d'apprentissage de la médecine moderne, et que les types d'exercice possibles de la médecine en cours de cursus gagneraient à être diversifiés. Nous savons qu'un jeune parti de chez lui plus de cinq ans n'y revient pas ; or les études de médecine durent quatorze ans ! Bref, nous devons recruter des profils de jeunes médecins plus diversifiés, les former à la technique - pour allier santé et intelligence artificielle, par exemple - tout en conservant à la médecine sa dimension humaniste.
La réforme du bac cherche à sortir de la logique de filière d'excellence dans laquelle sont poussés même ceux qui n'ont pas envie de la suivre. La difficulté essentielle est de changer l'état d'esprit des acteurs du système, c'est-à-dire de faire en sorte que les gens cessent de se demander ce qui, dans le nouveau bac, sera l'équivalent de la filière scientifique de naguère... Pourquoi ne pas imaginer que les étudiants qui étaient auparavant considérés comme les meilleurs parce que venant de la filière scientifique auront envie d'avoir une double culture puisant aux sciences et aux humanités ? Voilà un beau défi.
Mme Sylvie Robert. - Vous n'avez pas répondu sur les bourses.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le programme « vie étudiante » bénéficie de plus de 7 millions d'euros supplémentaires : il n'y a donc pas de diminution. De plus, ces crédits correspondent aux besoins constatés.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci, madame la ministre. Nous nous reverrons prochainement dans l'hémicycle pour débattre de ce budget.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 40.
Mercredi 7 novembre 2018
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 09 h 30.
Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Recherche et Enseignement supérieur » - Crédits « Recherche » et « Enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». - Deux programmes sont consacrés à la recherche au sein des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche, sauf le Centre national d'études spatiales (CNES), qui dépend du programme 193 « Recherche spatiale ».
Les montants alloués à ces deux programmes s'élèvent à 8,66 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,76 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 322 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 376 millions d'euros en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances de 2018.
À quoi correspond cette augmentation ?
En ce qui concerne le programme 172, trois types de dépenses sont particulièrement concernées :
- les crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont la capacité d'engagement s'élèvera à 738,6 millions d'euros en 2019, ce qui devrait permettre d'améliorer le taux de sélection de ses appels à projets ;
- l'amélioration du déroulement de carrière des personnels chercheurs, ingénieurs et techniciens. La hausse des crédits de 35,5 millions d'euros correspond notamment à la mise en oeuvre du Protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et à la compensation financière de l'augmentation de la contribution sociale généralisée ;
- les moyens d'intervention de l'administration centrale (action 01) qui augmentent de 23,25 millions d'euros afin d'assurer notamment le financement de programmes prioritaires. Ainsi, 17 millions d'euros ont prévus pour le démarrage du plan « Intelligence artificielle » annoncé par le Président de la République.
En ce qui concerne le programme 193, 210 millions d'euros sont consacrés au remboursement de la dette de la France auprès de l'Agence spatiale européenne (ESA) : en 2019, notre contribution à l'ESA s'élèvera à 1,175 milliard d'euros.
Je voudrais rappeler qu'au-delà des deux programmes 172 et 193 relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, cinq autres programmes intéressant la recherche sont rattachés à la mission recherche et enseignement supérieur (MIRES) :
le programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, qui dépend du ministère de la transition écologique et solidaire ;
le programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle, du ministère de l'économie et des finances ;
le programme 191 - Recherche duale - civile et militaire, du ministère des armées ;
le programme 186 - Recherche culturelle et recherche scientifique, du ministère de la culture ;
et le programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.
La somme des budgets des sept programmes constitutifs de la MIRES s'élève à 11,7 milliards d'euros en AE et 11,8 milliards d'euros en CP. Hors programmes 172, 193 et 142, l'évolution des crédits de paiement pour la recherche est beaucoup moins favorable : elle est au mieux constante (c'est le cas pour le programme 191), au pire en diminution (- 0,49 % pour le programme 190, - 1,85 % pour la partie du programme 186 qui finance Universcience, - 4,49 % pour le programme 192). En ce qui concerne ce dernier programme, la baisse constatée doit être relativisée dans la mesure où une grande partie des dépenses qu'il finançait jusqu'à présent sera désormais prise en charge au titre des crédits du plan d'investissement d'avenir.
Mon but n'est pas ici de vous noyer sous les chiffres.
Je vais m'attacher, dans la seconde partie de mon intervention, à mettre en exergue les points forts du budget de la recherche, qui m'amèneront à vous proposer d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits proposés par le projet de loi de finances.
Toutefois, il me faut, au préalable, évoquer plusieurs problématiques, certes anciennes, mais qui n'ont toujours pas trouvé de solution.
Il s'agit en premier lieu de la question du taux de sélection des appels à projets financés par l'ANR qui reste encore trop bas en dépit des efforts réalisés depuis 2016. Actuellement, le taux de sélection pour les appels à projet générique est de 13,3 % contre 20 % à 40 % à l'étranger.
Un autre souci majeur pour les opérateurs de recherche est le financement du glissement-vieillesse-technicité qui n'est pas pris en compte dans leur budget et qu'ils doivent donc autofinancer. Le coût du glissement, vieillesse, technicité (GVT) pour l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique et technologique est évalué entre 34 et 50 millions d'euros. Il les oblige à réduire régulièrement leurs effectifs afin de contenir leur masse salariale.
Enfin, les dotations de base hors dépenses du personnel restent à un niveau particulièrement bas, qui rend les opérateurs de recherche fortement dépendants des financements sur projet. Je ne remets pas en cause l'intérêt de ce type de financement, mais je m'interroge sur la part croissante qu'il occupe pour financer les dépenses de fonctionnement et d'équipement, sans lesquelles il ne peut pas y avoir de recherche. Ainsi, ces dernières ne sont couvertes qu'à hauteur de 44 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) par la subvention pour charges de service public, et qu'à hauteur de 23 % seulement pour l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ! Les financements sur projet sont aléatoires par nature. En outre, ils ne permettent pas de prendre en compte l'ensemble des coûts liés au programme de recherche, et notamment les coûts indirects. Certes, la ministre essaie de redonner une marge de manoeuvre aux opérateurs de recherche et a augmenté les moyens de fonctionnement des laboratoires de 25 millions d'euros l'année dernière et cette année. Toutefois, cette mesure n'a été rendue possible qu'en maintenant un taux de réserve hors dépenses de personnel à 4,85 % que le gouvernement a abaissé à 3 %. Plus généralement, l'application d'un taux de réserve sur les programmes 172 et 193 représente 140 millions d'euros par an et concerne parfois des dépenses incompressibles et obligatoires telles que les contributions de la France aux très grandes infrastructures de recherche gérées par des accords internationaux ou encore le démantèlement des installations nucléaires du CEA. Il est évident que le simple dégel de la réserve de précaution donnerait à la fois au ministère chargé de la recherche et aux opérateurs une réelle marge de manoeuvre financière pour arrêter leurs priorités en matière de recherche.
Consciente que le gouvernement ne pourra pas régler tous les problèmes à la fois, je propose dans mon rapport pour avis de mettre l'accent sur quatre chantiers en 2019 : la mise à plat du régime indemnitaire des chercheurs, la fusion entre l'INRA et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), le rétablissement des relations de confiance entre le CEA et l'État et le lancement de la ligne 18 du métro pour désenclaver le plateau de Saclay.
Tout d'abord, quelques chiffres résument le véritable problème des rémunérations des chercheurs.
La rémunération nette mensuelle d'un jeune chercheur (disposant d'une formation de niveau bac + 8) au moment de son recrutement est égale à 2 191 euros mensuel, soit 1,87 fois le SMIC. Au bout de 10 ans, elle est portée à 2 885 euros.
À titre de comparaison, les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie A+ de la fonction publique bénéficient d'une rémunération moyenne de 5 776 euros nets par mois.
Le régime indemnitaire des jeunes chercheurs s'élève, quant à lui, à 806 euros bruts par an, soit 67 euros bruts par mois. Il représente entre 1,97 % et 2,6 % de leur traitement indiciaire brut (TIB), alors qu'en moyenne le régime indemnitaire des corps de catégorie A+ de la fonction publique représente 37,4 % du TIB. Il est donc urgent de revoir au moins le régime indemnitaire des chercheurs.
Selon le CNRS, le coût d'une réforme ambitieuse, qui permettrait de doubler le montant des primes de trois chercheurs sur quatre s'élèverait à 20 millions d'euros pour cet opérateur et entre 30 et 35 millions d'euros pour l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). Cette somme apparaît particulièrement raisonnable au regard des bénéfices escomptés en matière de reconnaissance professionnelle des chercheurs et d'amélioration de la compétitivité de la France pour attirer des chercheurs étrangers de qualité. Elle est à comparer avec les 200 millions d'euros que versent chaque année les EPST au titre de la taxe sur les salaires, alors même que les universités en sont exonérées.
Le deuxième chantier concerne la fusion de l'INRA et de l'IRSTEA, qui devrait être réalisée au 1er janvier 2020. L'enjeu autour de la création de cet établissement unique est de construire un projet scientifique qui permette de relever les défis liés à la sécurité alimentaire, au changement climatique, ainsi qu'aux transitions écologique, agro-écologique et énergétique. Il a pour ambition de bâtir et cimenter une nouvelle communauté de travail et n'est pas mû par la recherche d'économies budgétaires. Un dialogue social intense sera conduit durant toute la phase de préparation de la fusion. Pour 2019, 4 millions d'euros sont nécessaires afin d'adapter le système d'information et d'assurer l'accompagnement de la fusion. Je serai très attentive à ce que l'INRA dispose des moyens nécessaires pour mener à bien ce projet, dans le respect des engagements pris par le ministre chargé de la recherche et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Le troisième chantier concerne les relations entre le CEA et l'État. Elles sont rendues compliquées par le coût de plusieurs grands investissements liés à la recherche nucléaire, en particulier ITER, ASTRID et le réacteur Jules Horowitz. Quelle que soit la solution retenue pour mettre un terme aux dérapages budgétaire de certains de ces projets et pour tenir compte de l'évolution du marché du nucléaire, il me paraît néanmoins indispensable d'éviter que les solutions arrêtées pour limiter le coût des projets de recherche dans le nucléaire pénalisent l'ensemble des activités de recherche du CEA. Au cours des six dernières années, la subvention pour charges de service public versée au CEA a déjà baissé de 15 % hors dépenses liées aux très grandes infrastructures de recherche (dont font partie les trois projets mentionnés précédemment) et hors dépenses incompressibles telles que le renforcement de la protection physique des centres civils du CEA. Alors même que la restructuration des acteurs du secteur du nucléaire civil a remis en cause certains partenariats commerciaux stratégiques développés par le CEA, la réduction des crédits de l'État le fragilise davantage en faisant courir le risque d'un ressourcement scientifique insuffisant. Or, le CEA reste un modèle de référence, qui a su allier une recherche fondamentale de très grande qualité et une forte valorisation de ses résultats de recherche. À l'occasion du déplacement de notre commission en Israël, nous avons pu constater le rayonnement international du CEA qui a noué un partenariat avec ce pays pour le développement d'un accélérateur de particules.
J'en viens maintenant au quatrième et dernier chantier qui concerne un sujet qui me tient particulièrement à coeur, - le plateau de Saclay. En dépit du départ des partenaires du projet NexUni, l'IDEX Paris Saclay représente 14 établissements de premier plan, 63 000 étudiants, 9 000 chercheurs et enseignants chercheurs (dont 138 bourses ERC - European research council -), 275 laboratoires, 12 instituts interdisciplinaires, 135 000 publications par an et 15 % de la recherche française. Dans les prochaines années, le pôle devrait encore s'accroître, avec l'arrivée, en 2019, de l'ENS Paris-Saclay (soit 3 000 personnes), le déménagement d'AgroParisTech en 2021 (4 400 personnes) et la création d'un pôle Pharmacie en 2022 (4 500 personnes). Au total, la population de l'ensemble du campus urbain devrait passer de 31 000 à 46 000 personnes selon les estimations, entre 2018 et 2022.
Or, les infrastructures de transport ont été sous-dimensionnées, voire négligées dès le lancement de la création du plateau de Saclay. Pourtant, dès 2009, le projet de réseau de transports publics du Grand Paris comportait bien une ligne 18 du métro, qui devait relier Orly à Roissy via Saclay et La Défense. Depuis cette date, les tracés n'ont cessé d'évoluer et la mise en chantier est régulièrement repoussée. Le retrait de la candidature française à l'organisation de l'exposition universelle de 2025 - qui aurait eu lieu sur le plateau de Saclay - a d'ailleurs conduit à son nouveau report à l'horizon 2027 pour la réalisation du premier tronçon.
Ces reports successifs présentent un double inconvénient. D'une part, l'absence de transports collectifs contribue à la congestion progressive du plateau de Saclay car elle oblige un nombre croissant de personnes à utiliser leur véhicule personnel. D'autre part, elle fragilise le projet de regroupement des établissements sur le plateau de Saclay en raison des résistances de la part des personnels concernés par le déménagement, notamment à AgroParisTech. Le dernier report de la ligne a été particulièrement mal vécu, imposant progressivement l'idée que celle-ci ne serait jamais construite. Afin de couper court à ces rumeurs dévastatrices pour le plateau de Saclay, il est impératif que l'État rétablisse la confiance, ne serait-ce qu'à travers un geste symbolique, comme un coup de pelleteuse en présence de toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des élus, des présidents des universités et des établissements de recherche, ainsi que des industriels.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES.
En conclusion, je voudrais faire plusieurs remarques.
D'abord, depuis le mois de septembre, je me suis « immergée » durant une journée ou une demi-journée dans plusieurs établissements de recherche afin d'échanger avec des chercheurs. Ils ont tous été très sensibles à l'attention que la représentation nationale leur portait. J'en profite pour relayer l'invitation du président du CNES qui serait ravi de pouvoir accueillir notre commission à Toulouse.
Par ailleurs, je souhaiterais évoquer devant vous les conséquences de la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) sur le mécénat des particuliers. Lors du déplacement de notre commission à l'Institut Pasteur, organisme de recherche fortement dépendant de la générosité publique, nous avons été informés de la baisse conséquente des dons en provenance des particuliers subie par cet organisme en raison de la forte diminution du nombre d'assujettis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et des craintes soulevées par l'imposition des revenus à la source. Je souhaitais déposer un amendement permettant de donner un signal positif en direction du mécénat d'entreprise. Notre collègue Alain Schmitz, rapporteur de la mission d'information de notre commission sur le mécénat, m'a conseillé d'attendre les conclusions du rapport de la cour des comptes sur le mécénat d'entreprise. J'espère que cette dernière s'intéressera également au mécénat des particuliers.
Enfin, je vous signale que je déposerai à titre personnel un amendement sur la mission santé visant à transférer 5 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement de l'action 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183 « Protection maladie » - action dont les crédits sont en augmentation de 61 millions d'euros en 2019 et atteignent 934,9 millions d'euros, vers les actions 11 « Pilotage de la politique de santé publique » et 16 « Veille et sécurité sanitaire » du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Sous le quinquennat précédent, plusieurs plans de santé publique ont été lancés sans être financés à leur juste hauteur. Ils concernent notamment les virus Ebola, Zika ainsi que la maladie de Lyme. On ne peut pas attendre de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qu'il ampute son budget de fonctionnement pour financer le volet recherche de ces plans de santé. C'est la raison pour laquelle je propose d'abonder le budget de l'INSERM de cinq millions supplémentaires afin de faire face à ces dépenses.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Les crédits de l'enseignement supérieur sont répartis en deux programmes principaux : le programme 150 qui finance les établissements et qui augmente de 1,2 % en 2019, et le programme 231 qui finance la vie étudiante et qui augmente de 0,3 %. Ces augmentations se situent en-deçà de l'augmentation du budget général de l'État et sont surtout bien inférieures aux évolutions des effectifs étudiants : + 2,68 % à la rentrée 2018 et + 2,26 % l'an prochain, voire plus si le Plan Étudiants porte ses fruits et je le souhaite !
Mme la ministre nous annonce cette année 166 millions d'euros supplémentaires en faveur des établissements auxquels s'ajouteront 40 millions d'euros liés à un moindre gel des crédits. Avec ces sommes, les établissements vont d'abord s'acquitter des charges incontournables qui sont les leurs : 50 millions d'euros pour le GVT-État, autant pour la compensation de l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et 30 millions d'euros pour la mise en oeuvre du Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Si l'on ajoute 50 millions d'euros nécessaires à l'extension en année pleine des mesures lancées en 2018 dans le cadre du Plan Étudiants, ne resteraient plus que 26 millions d'euros pour lancer des actions véritablement nouvelles en 2019... Les équipes pédagogiques des universités et des écoles se sont impliquées avec enthousiasme dans la mise en oeuvre du Plan Étudiants et je ne voudrais pas qu'elles soient découragées par la maigreur des moyens que Mme la ministre est capable de mettre en face pour financer les nouveaux projets. Lorsque je compare cette somme aux trois milliards d'euros destinés à mettre en place le service national universel je reste songeur ...
Par ailleurs, je suis consterné du peu de soutien public que reçoivent les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG). Ces établissements, non lucratifs et reconnus par l'État -avec lequel ils contractualisent comme les universités-, contribuent au service public de l'éducation. Mais le soutien public dont ils bénéficient est passé en dix ans de 1 130 à un peu plus de 600 euros par an et par étudiant. Je reconnais à l'actuel Gouvernement le mérite d'avoir enrayé la baisse vertigineuse des crédits constatée lors du précédent quinquennat mais nous sommes encore loin des niveaux d'il y a dix ans. C'est pourquoi, je vous propose d'adopter un amendement qui constituerait la première étape d'un plan triennal visant à revenir au niveau symbolique de 1 000 euros par étudiant (ce qui représente moins de 10 % de ce que la Nation investit chaque année pour un étudiant inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur public).
Les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur public, après trois années de gel, diminuent cette année en raison de la suppression d'une contribution étudiante dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants. Nous devons nous interroger sur la cohérence de ces droits d'inscription au regard de la qualité des formations proposées dans l'enseignement supérieur public français et des besoins de financement de nos établissements.
Sur la vie étudiante, je voudrais saluer la suppression de l'allocation de recherche du premier emploi (ARPE), dont Jacques Grosperrin avait demandé la suppression chaque année depuis sa création en 2016 dans le cadre de la loi El Khomri. Il s'agissait d'une aide purement financière, le jeune diplômé n'était absolument pas accompagné et l'impact de cette aide n'a jamais été évalué. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 78 rattaché à la mission qui supprime l'ARPE.
En contrepartie de cette suppression, Mme la ministre nous propose la création d'un fonds d'aide à la mobilité à l'entrée dans le supérieur doté de 30 millions d'euros. Je m'interroge sur le calibrage financier de ce fonds, quand on sait que l'enveloppe de 7 millions prévue en 2018 n'a donné lieu qu'à treize aides versées, soit probablement moins de 10 000 euros effectivement dépensés.
S'agissant de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC), dont le produit est plafonné pour 2019 à 95 millions d'euros, j'ai demandé hier soir à Mme la ministre que le gouvernement dépose au Sénat un amendement revalorisant le plafond pour 2019 à 130 millions d'euros dans un souci de sincérité budgétaire et afin de ne pas alimenter directement le budget général de l'État.
Je considère que la plateforme Parcoursup a plutôt bien fonctionné cette année. Je suis tout à fait favorable à la philosophie qui sous-tend son fonctionnement : orienter les candidats vers les formations de leur choix mais dans lesquelles ils ont le plus de chances de réussir ! Être sélectionné par un établissement, c'est motivant pour le candidat et c'est aussi engageant pour l'établissement et l'équipe pédagogique qui a choisi ce candidat.
Néanmoins des améliorations sont nécessaires et Mme la ministre a déjà fait quelques annonces auxquelles je souscris : le raccourcissement du calendrier, pour éviter la congestion observée jusqu'à la rentrée de septembre qui a mis certains établissements en difficulté ; la mise en place d'un « répondeur automatique » pour les candidats sûrs de leurs choix ; l'amélioration de l'information donnée aux candidats avec notamment le rang du dernier appelé sur la liste d'attente et la clarification de l'offre de formation.
En matière d'information, sans aller jusqu'à la publication des fameux algorithmes locaux, je suggère que les formations soient plus précises sur les critères qu'elles prennent en compte dans le classement des dossiers : c'est une information importante pour les candidats afin de s'étalonner et de faire des voeux réalistes. C'est aussi une question de transparence qui devrait contribuer à la confiance des candidats dans la plateforme.
À titre personnel, je suis très réservé sur la proposition de Mme la ministre d'anonymiser les dossiers des candidats, alors même qu'aucun cas avéré de discrimination n'a été porté à notre connaissance. Faire disparaître l'adresse du candidat ou son lycée d'origine serait peut-être même tout à fait contreproductif car certaines universités privilégient parfois les jeunes des lycées de proximité avec lesquels elles ont noué des partenariats ...
Le bilan du Plan Étudiants et de Parcoursup ne fait que commencer. Nous allons avoir besoin d'études quantitatives et qualitatives fines pour nous faire une idée plus précise au cours des mois et des années qui viennent, notamment sur l'efficacité des parcours personnalisés issus des fameux « oui si ».
Le véritable étalon de cette réforme sera le taux de réussite de nos jeunes dans le premier cycle de l'enseignement supérieur. Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2016, le taux de réussite de la licence en trois ans était de 27,8 % et dans les documents annexés au présent projet de loi de finances, le Gouvernement propose prudemment d'atteindre 30 % en 2020...
Sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la MIRES.
M. Pierre Ouzoulias. - Je voudrais, pour commencer, déplorer le refus exprimé hier par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, d'assumer ses choix politiques en se défaussant systématiquement sur d'autres. Par exemple, il me paraît difficile d'attribuer au président du CNRS des choix en matière de recrutement qui sont contraints par ses capacités budgétaires. En ce qui concerne le budget de la recherche, je partage pleinement l'analyse de notre rapporteure sur la situation matérielle des chercheurs. Pourtant, le CNRS reste parmi les premiers centres de recherche au monde avec une forte attractivité notamment à l'étranger. Pourquoi donc, en dépit de traitements très inférieurs à la norme, des chercheurs d'autres pays se portent-ils candidats au CNRS ? C'est parce que la France offre encore la possibilité d'inscrire sa recherche dans le long terme, ce qui compense en partie des moyens très inférieurs aux standards mondiaux. Sur le budget de l'enseignement supérieur, je salue l'honnêteté des analyses que vous avez menées et qui montrent bien que ce budget est finalement très décevant. Notre groupe émettra un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. André Gattolin. - Il me semble assez schizophrénique de réclamer toujours plus de moyens quand on est rapporteur et de prôner une politique de rigueur au niveau général. Je tiens, comme rapporteur pour la commission des affaires européennes, avec notre collègue Jean-François Rapin, du cadre financier pluriannuel 2021-2027, à souligner que le budget consacré à la recherche et à l'innovation en Europe passera de 80 milliards d'euros à 100 milliards d'euros sur sept ans. C'est un effort extrêmement significatif, mais, hélas, les laboratoires français sont mal organisés pour en bénéficier, ce qu'illustre leur troisième place derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne alors même que la France est le deuxième contributeur. Il faut donc bien rappeler que des progrès sont encore possible dans l'organisation de notre recherche. Notre groupe sera favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Bruno Retailleau. - Je voudrais souligner la pertinence du modèle de CEATech qui dépend du CEA et permet aux petites et moyennes entreprises de nos régions de bénéficier d'innovations. C'est un dispositif qui mériterait d'être étudié en détail par notre commission.
Les établissements d'enseignement supérieur privés sans but lucratif bénéficient du principe fondamental de la liberté de l'enseignement, sous le contrôle de l'État qui conserve le monopole de la collation des diplômes. La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) avait prévu deux modalités de reconnaissance des diplômes de ces établissements, soit par un jury rectoral, soit par convention, mais il semblerait qu'une pression s'exerce sur les établissements pour favoriser une modalité plus que l'autre.
Mme Sylvie Robert. - Le rapport sur l'enseignement supérieur reflète fidèlement les auditions auxquelles j'ai pu assister.
L'ambition de montée en puissance de l'enseignement supérieur ne se retrouve pas dans ce budget. Certes, les présidents d'université sont responsables de leurs crédits mais ils disposent de si peu de marges de manoeuvre ! L'ARPE sera remplacée par la Garantie Jeunes qui ne cible malheureusement pas les mêmes publics et dont on ignore tout du financement. Je suis également inquiète du plafonnement à 95 millions d'euros de la CVEC que la ministre refuse, sans justification valable, de réévaluer. Enfin, je m'associe pleinement aux préoccupations exprimées sur la fragilisation de la recherche en France. Pour ces raisons, je propose de donner un avis de sagesse sur ces crédits.
M. Laurent Lafon. - Il est absurde de maintenir un plafonnement de la CVEC à 95 millions d'euros quand on sait que le montant réel collecté sera de 129 millions d'euros. La totalité des crédits doit aller à la vie universitaire sans attendre une éventuelle loi de finances rectificative.
Je souhaiterais connaître le coût exact du Plan Étudiants qui oscille, selon les estimations des uns ou des autres, entre 20 et 50 millions d'euros.
Je m'interroge sur l'enveloppe de 30 millions d'euros consacrée à la mobilité étudiante en 2019 sachant que l'enveloppe 2018 n'a pas été totalement consommée. La mobilité étudiante est un sujet important notamment en Île-de-France où l'on constate que faute de mobilité, certains étudiants s'orientent par défaut.
Mme Françoise Laborde. - Les flux budgétaires restent flous et insuffisamment transparents. Comme pour le budget 2018, nous donnerons un avis de sagesse dans l'attente d'un échange au sein de notre groupe avant le débat en séance publique.
Mme Colette Mélot. -, Le budget de l'enseignement supérieur semble satisfaisant dans un contexte général marqué par une baisse des dépenses publiques. Pour ce qui est de la recherche, je partage l'ambition de Laure Darcos de revaloriser le statut des chercheurs.
L'année 2019 risque d'être difficile en matière de mécénat compte tenu des changements intervenus en matière de fiscalité qui pourraient se répercuter sur le montant des dons.
Le groupe des Indépendants donnera un avis favorable à ces crédits.
M. Jacques Grosperrin. - Je me réjouis de la suppression de l'ARPE.
Il me semble nécessaire d'ouvrir une réflexion sur les frais d'inscription dans les universités (avec, en contrepartie, un système de bourses) car on ne peut que constater la paupérisation de certains établissements. Notre pays n'est pas suffisamment attractif vis-à-vis des étudiants étrangers, alors même que le Brexit aurait dû constituer une opportunité pour nos universités. Nous l'avons constaté lors de notre récent déplacement en Israël.
Tous les étudiants boursiers sont-ils éligibles à l'aide à la mobilité internationale ?
Pensez-vous que les candidats ont tenu compte des attendus publiés sur Parcoursup ?
M. Claude Kern. - Que pensez-vous du débat sur la hiérarchisation des voeux dans Parcoursup ?
Mme Maryvonne Blondin. - Tous les secteurs bénéficiant du mécénat devraient souffrir en 2019, c'est pourquoi notre groupe prépare actuellement des amendements en vue de la séance publique.
S'agissant du programme 231, il est regrettable que les crédits ne soient pas fléchés spécifiquement vers des actions relatives à la vie étudiante.
Le niveau des bourses reste stable cette année tandis que les aides attribuées aux lycéens méritants sont en baisse, et l'ARPE a été supprimée.
Concernant la médecine universitaire, il est difficile de recruter des candidats pour les postes ouverts et le dispositif des centres de santé repose donc sur la bonne volonté des médecins de ville.
Mme Sonia de la Provôté. - Je souscris à la nécessité de poser la question du statut des chercheurs. S'agissant du plan d'investissements d'avenir, il apparaît difficile de comprendre précisément où vont les moyens, quelles sont les actions qui sont accompagnées et s'il s'agit d'un saupoudrage ou de véritables aides. Il est regrettable que les appels à projet accompagnés par l'ANR ne puissent pas s'inscrire dans le temps long. Le besoin de développement de la culture scientifique est fondamental et je regrette que les crédits nécessaires à cette action ne soient pas clairement identifiés.
Le budget de la MIRES ne me semble pas à la hauteur des besoins.
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis. - Je souscris entièrement aux propos de notre collègue Pierre Ouzoulias. Lors de son audition, Antoine Petit, président du CNRS, a reconnu qu'il gérait la pénurie, en privilégiant l'embauche de 300 doctorants plutôt que 300 chercheurs. La France est à la pointe de la recherche en sciences humaines et sociales et le gouvernement s'appuie d'ailleurs sur ces excellents résultats pour refuser des moyens supplémentaires.
Monsieur Gattolin, 160 millions d'euros avaient été initialement annoncés pour le projet Horizon Europe mais la décision reviendra au prochain Parlement européen. La France doit améliorer sa participation. Certes, la plupart des établissements publics sont maintenant dotés de vrais départements de valorisation aguerris aux appels à projets, mais des progrès sont encore nécessaires.
En effet, Monsieur Retailleau, le CEA est un modèle à suivre en termes de recherche fondamentale et il faut valoriser les structures existantes avant d'envisager d'en créer de nouvelles. La Cour des Comptes a fait ce constat s'agissant des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), qui ne faisaient pas assez appel aux bassins d'emplois existant. La coopération monde industriel - monde de la recherche peut encore être améliorée.
Mesdames Robert et Blondin, certains grands instituts de recherche comme l'institut Pasteur ou l'institut Curie, sont, en effet, très dépendants de la générosité publique. Je ne déposerai pas d'amendement, compte tenu des conclusions de la mission d'information de notre commission sur le mécénat dans le secteur culturel, dont notre collègue Alain Schmitz était le rapporteur, mais il me paraît impératif d'ouvrir le débat et d'alerter l'opinion publique.
Madame Laborde, Mme la ministre souhaite maintenir des taux de crédits de réserve plus élevés que ce qui est pratiqué au sein des autres missions du budget général, pour conserver des marges de manoeuvre. Le taux de gel appliqué pose une vraie question de transparence budgétaire et d'effectivité du contrôle du Parlement sur le gouvernement.
Monsieur Grosperrin, une discussion entre Bercy et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) est actuellement en cours au sujet du dégel de réserves de précaution : 100 millions d'euros sont en jeu sur les programmes 172 et 193. Les demandes du MESRI concernent 18,2 millions pour le programme 172 mais il est loin d'être assuré qu'il aura gain de cause. Plutôt que de lancer un programme d'investissements d'avenir (PIA) 4, ne faudrait-il pas plutôt prévoir une loi de programmation ? Pour les prochains appels à projets, l'ANR a décidé de s'appuyer sur les résultats des recherches issues des précédents appels à projets. Enfin, concernant le statut des chercheurs, la réponse de la ministre m'a paru « limitée ».
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - M. Gattolin, nous ne sommes pas dans une logique d'augmentation systématique des budgets : je propose en effet de réduire le montant du fonds de mobilité qui semble surdimensionné. Avec ma proposition sur les droits d'inscription, je propose de réfléchir à un nouveau modèle de financement des universités qui ne soit pas dépendant des seuls crédits publics.
Je partage les propos de Bruno Retailleau sur la liberté de l'enseignement dans les établissements d'enseignements privés et investiguerai sur le point qu'il a soulevé.
Madame Robert, Mme la ministre nous a annoncé qu'il y aurait désormais un volet « étudiant » au sein de la Garantie Jeunes.
Comme l'a indiqué Mme la ministre hier, Monsieur Lafon, des remboursements en cours devraient réduire le montant de CVEC collectée de 129 à 110 millions d'euros. Contraint par les règles relatives à l'irrecevabilité financière, j'ai demandé à Mme la ministre de déposer, au nom du gouvernement, un amendement au Sénat pour en revaloriser le plafond.
Le chiffrage du Plan Étudiants dépendra de ce que les universités pourront développer en fonction des crédits qui leur seront affectés. En effet, si elles n'en reçoivent pas le financement, les universités ne pourront pas, par exemple, dédoubler des heures de travaux dirigés.
Comme l'a précisé Mme la ministre, Madame Laborde, sur un volume global de 130 millions d'euros de dépenses contraintes, seulement 103 millions d'euros seront effectivement financés par des crédits budgétaires disponibles.
Monsieur Grosperrin, les boursiers étudiant dans les EESPIG ne sont malheureusement pas éligibles aux aides à la mobilité internationale contrairement aux boursiers de l'enseignement public - il s'agit d'une véritable discrimination.
La publication des attendus a pu avoir des effets sur les choix des étudiants, notamment pour les STAPS dont les attendus ont fait apparaître des exigences dans les matières scientifiques.
Sur la hiérarchisation possible des voeux, Monsieur Kern, Mme la ministre a émis un veto. Mais nous pourrions imaginer que les étudiants définissent des « voeux podium » ou un « top trois ».
En réponse à Mme Blondin, et selon Mme la ministre, l'intégralité de la CVEC financera la vie étudiante. La médecine universitaire rencontre les mêmes difficultés que la médecine scolaire, notamment en matière de recrutement.
La commission adopte l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement supérieur » et sur les crédits « Recherche » de la mission Recherche et Enseignement supérieur du projet de loi de finances 2019.
La réunion est close à 11 h 5.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 17 h 35.
Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative, MM. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Je vous proposerai, dans votre propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget.
Puis je céderai la parole à nos rapporteurs pour avis des crédits de votre ministère, Jacques Grosperrin et Jacques-Bernard Magner, puis à l'ensemble des collègues qui souhaiteront vous interroger.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - Le remaniement a permis de clarifier les compétences de mon ministère en y incluant la jeunesse. Derrière ces mots transparaît notre engagement et le projet de service national universel (SNU).
Ce budget traduit la priorité accordée à l'éducation par le gouvernement. Je tiens à souligner la notion de puissance éducative que le Président de la République a évoquée lors de sa dernière intervention télévisée, ce qui souligne l'importance de l'éducation pour le rayonnement international de notre pays et au niveau intérieur. La France peut être une puissance éducative du XXIe siècle.
Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière et dont l'objectif est clair : l'élévation générale du niveau et la justice sociale. Ces deux points sont corrélés. C'est parce que nous sommes ambitieux et exigeants avec les élèves que l'école est à la hauteur de sa mission républicaine de progrès social.
Le budget qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros - hors cotisations aux pensions de l'État -, avec une augmentation de 1,7%, soit 861 millions d'euros supplémentaires.
Avec 811 millions d'euros supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous continuons la transformation profonde du système éducatif que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs :
- donner plus à ceux qui ont besoin de plus, conformément au principe de fraternité ;
- transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves, en personnalisant davantage nos pédagogies, conformément au principe de justice et d'égalité ;
- mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'étude ou d'insertion professionnelle, conformément au principe de liberté.
Cette transformation sera possible grâce à l'unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut davantage investir dans la formation, et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante allant de pair avec une politique de rémunération.
Le budget que nous présentons répond à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.
À l'école primaire, l'objectif prioritaire porte sur les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Rien de solide ni de durable ne peut se faire si tous les élèves ne les maîtrisent pas. Sinon, il leur est impossible de se projeter dans la culture et de se saisir de leur vie. Les 20 % des enfants qui quittent l'école primaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, sont, en grande partie, les plus défavorisés socialement. Nous devons corriger cette injustice.
Cette priorité accordée à l'école primaire se justifie plus encore par le niveau de nos dépenses, puisque la France dépense moins pour son école primaire et plus pour son enseignement secondaire que la moyenne des pays de l'OCDE. Alors que moins d'élèves sont attendus dans l'école primaire, nous faisons de cette dernière une priorité.
Ainsi, la rentrée prochaine verra la création de 2 325 postes devant élèves, alors même que nous accueillerons 60 000 élèves en moins. Dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement de l'école primaire va s'améliorer. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.
Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes du gouvernement : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation renforcés (REP et REP+). Après 60 000 élèves à la rentrée 2017 et 190 000 cette année, ce seront 300 000 élèves qui bénéficieront de la mesure de dédoublement des classes à la rentrée 2019. Un écart s'avère parfaitement mesurable entre les REP et REP+ et le reste du pays en termes de maîtrise de la lecture et de l'écriture.
Les élèves de CE1, qui ont bénéficié du dispositif de REP+, savent presque tous lire et écrire de manière fluide. Cette démarche va à la racine des inégalités. La France est pionnière en la matière.
Cette priorité s'accompagnera de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, qui constitue une autre grande mesure sociale. 20 000 élèves supplémentaires, dont certains seraient voués à la marginalisation, seront concernés et la France sera le pays qui scolarisera le plus tôt dans son école maternelle, qui fait sa fierté depuis son invention en 1848.
La seconde priorité est d'accompagner les élèves vers la réussite au travers de son second degré. Le volume d'enseignement y sera maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d'enseignement sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. Cette mesure permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et garantit aux professeurs une rémunération complémentaire.
Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de 27 millions d'euros, pour atteindre 247 millions d'euros en 2019. Cette mesure est décisive pour les collèges et fait évoluer notamment les relations avec les parents d'élèves ainsi qu'entre les enseignants et leurs élèves.
Le soutien aux élèves les plus fragiles passe aussi par l'aide directe dans le cadre scolaire. La fragilité sociale est prise en compte dans ce budget avec une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Cela représente 739 millions d'euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permet de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. Je crois beaucoup au rôle du chef d'établissement et de son équipe éducative en matière sociale, ce qui motive l'importance accordée aux fonds sociaux dans la composition de ce budget et les initiatives que nous prenons, à l'instar des cités éducatives que nous avons annoncées avec Julien Denormandie, dans la continuité du rapport de Jean-Louis Borloo et des annonces du Président de la République sur la politique de la ville. Certains établissements devraient être dotés de moyens supplémentaires pour devenir des acteurs de la politique sociale, en lien avec les collectivités locales et les administrations.
Venir en soutien des élèves les plus fragiles conduit à garantir une éducation pleinement inclusive pour les élèves en situation de handicap. En 2019, le ministère consacrera 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Notre détermination est sans faille sur cette question. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dépasse celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'à alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019, avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d'AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite de transformation des contrats aidés en AESH, ainsi que de 6 000 AESH supplémentaires par recrutements directs. Ces accompagnants bénéficieront également de 60 heures de formation annuelle. En outre, le programme de création d'Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) se poursuivra en 2019.
La troisième priorité de ce budget est de renforcer l'attractivité du métier de professeur. C'est un enjeu à la fois national et mondial. Dans le cadre de l'agenda social du ministère, nous échangeons en continu avec les organisations syndicales sur les mesures nécessaires afin d'y parvenir. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou vont l'être prochainement : le développement du pré-recrutement présente une dimension sociale, en aidant les étudiants se destinant au professorat et en renforçant notre système éducatif grâce à l'élargissement du vivier de leur recrutement. La transformation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ÉSPÉ, tout en maintenant leur cadre universitaire, permettra d'améliorer le niveau général des formations qui y sont dispensées et sur lesquelles le ministère de l'éducation nationale doit exercer une certaine maîtrise. Il n'est pas normal que certains futurs professeurs reçoivent moins de vingt heures de formation sur les enjeux de la lecture, alors qu'il en faudrait cent ! Nous aborderons ce point lors de la discussion prochaine du projet de loi relatif à l'école de la confiance.
La gestion des ressources humaines de proximité, au plus près du terrain, sera généralisée, après avoir commencé à titre expérimental. Il s'agit d'un enjeu pour la gestion des carrières et la formation de nos professeurs.
Dès à présent, deux mesures essentielles sont prises : la valorisation de l'engagement des professeurs, en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en réseaux d'éducation renforcés (REP+). Cette mesure significative se traduit, dès cette rentrée, par une prime de mille euros et, à la rentrée 2019, par une prime de deux mille euros. J'ai confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot sur la dimension territoriale de la politique éducative. Ils ont notamment la charge de réfléchir aux moyens de moderniser nos outils de l'éducation prioritaire pour donner des résultats plus efficaces, dans un but de justice sociale. Il s'agit de concilier la revalorisation du statut de nos professeurs avec la réussite des élèves des zones d'éducation prioritaire.
Nous poursuivons également la relance de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Cette démarche se traduira par la poursuite du soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Enfin, les parcours de carrière seront dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022. Cette revalorisation devrait représenter un milliard d'euros. Elle permettra d'améliorer la situation matérielle des professeurs, ainsi que de revaloriser la considération dont ils bénéficient au sein de la société française.
Ce budget de l'année 2019 traduit les priorités que je viens d'indiquer et se veut cohérent avec les valeurs d'engagement et l'importance conférée à la jeunesse. Le renfort de Gabriel Attal contribuera au succès de cette démarche, dont le service national universel fournira le jalon. Nous voulons un collège où l'on s'engage et réalise les valeurs de la République en les pratiquant. J'ai signé un accord avec la Croix-Rouge afin qu'il y a ait davantage de classes Croix-Rouge dans les établissements. Ce sera également vrai en aval du SNU, avec le développement du service civique et de toutes les formes positives d'engagement que nous pouvons souhaiter pour notre jeunesse et auxquelles notre système scolaire doit donner l'impulsion décisive. Je laisse, à présent, Gabriel Attal le soin de vous présenter la dimension jeunesse et vie associative de ce budget.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - Le budget « jeunesse et vie associative » illustre la cohérence d'un portefeuille ministériel tourné vers l'avenir et destiné à donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour se projeter en confiance vers leur avenir. Avec une augmentation de 50 millions d'euros, il traduit la priorité que nous accordons à la jeunesse ; le périmètre jeunesse et vie associative s'établit ainsi à 614 millions d'euros. Ce programme articule le temps des apprentissages, que porte l'enseignement scolaire, et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement, que soutient le présent programme budgétaire. Il se décline en quatre axes.
Premier axe : développer l'engagement au service des autres. Avec un budget de 497 millions d'euros inscrits au PLF 2019, le service civique poursuivra sa croissance pour offrir, à terme, à 150 000 jeunes la possibilité d'effectuer une mission d'intérêt général. Cette dotation est augmentée de 49 millions d'euros. Ce dispositif est plébiscité par les jeunes : l'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Reflet de la diversité de notre jeunesse, il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. Il représente une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est donc une école de la vie. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation au dispositif « devoirs faits » à hauteur de 10 000 volontaires supplémentaires. Fort de sa réussite, le service civique trouvera tout son sens en articulation avec le service national universel (SNU).
Second axe : la mobilité internationale des jeunes. Le ministère consacrera 16 millions d'euros aux dispositifs d'échanges internationaux. Plus de deux millions d'euros seront consacrés en 2019 aux programmes portés par l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Notre politique de mobilité pour les jeunes permet donc de soutenir le projet européen en faisant se rencontrer les jeunesses, par-delà ses statuts scolaires.
Troisième axe : le développement de l'accès des jeunes à l'information dans tous les domaines, afin de favoriser leur autonomie. Le service national universel nous permettra de progresser en termes d'emplois, de logement et de culture. Les jeunes se heurtent trop souvent au trop plein d'informations qui leur sont soumises. Pour résorber ces difficultés, le ministère entend repositionner le réseau Information jeunesse, fort de 1 300 points d'accueil répartis sur l'ensemble du territoire, et capable de délivrer une information généraliste et précise. C'est là un outil qu'il nous faut conforter. Par ailleurs, le ministère a décidé de développer un outil numérique, la « boussole des jeunes », qui vient d'être expérimentée dans plusieurs territoires et vous sera prochainement présentée. Le jeune est ainsi considéré comme un usager et y bénéficie d'une information lisible.
Quatrième axe : le développement de la vie associative. Les associations sont une école de la démocratie notamment pour nos jeunes. Avec 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés les associations occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la nation. Elles sont au coeur de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide, qui constitue le fondement du projet présidentiel. Le Gouvernement entend répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : autant les grandes associations nationales, employant plusieurs dizaines, voire des centaines de salariés - celles-ci vont bénéficier de la baisse du niveau des charges en 2019 à hauteur de 1,4 milliard d'euros - que les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale locale. Ces dernières seront confortées par la création du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui sera doté de 25 millions d'euros et accompagnera leurs différents projets. Des commissions ont été organisées dans les départements et les informations dont nous disposons laissent augurer que le FDVA a réussi dans sa mission d'assistance aux petites associations de terrain. Je veux ici rendre hommage aux conseillers d'éducation populaire et aux inspecteurs qui ont travaillé à la mise en place de ce fonds, dont l'instauration s'est avérée complexe pour les agents de l'administration déconcentrée ainsi que pour les parlementaires qui n'ont pas toujours eu le temps de le promouvoir, au coeur de l'été dernier, localement. Nous veillerons, l'an prochain, à ce que le calendrier soit plus adapté.
En 2019, le ministère consacrera près de 90 millions d'euros, hors dépenses fiscales, au développement de la vie associative et l'effort cumulé de l'État en faveur des associations s'élève à plus de 5,3 milliards d'euros.
Nous travaillons également, avec Jean-Michel Blanquer, à une feuille de route sur la vie associative qui fait suite au rapport remis par le mouvement associatif en juin dernier et au lancement, par le premier ministre, du programme de développement de la vie associative, aux Grands Voisins, en novembre 2017.
Ce budget traduit donc le plein engagement du gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative. Il fait, plus que jamais, du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse le ministère de l'avenir. Cette action déterminée sera complétée et renforcée par l'engagement du Président de la République de mettre en place un service national universel, dont les modalités sont en cours d'élaboration.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le ministère de l'éducation nationale se veut un ministère d'avenir. Vous n'avez pas mentionné de plan d'action sur la formation au numérique ni le financement jusqu'à présent assuré par les programmes d'investissement d'avenir (PIA) et les collectivités territoriales. Hier, nous avons d'ailleurs abordé ce sujet de prime importance avec Frédérique Vidal lors de son audition budgétaire.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Le numérique est en effet un sujet d'importance pour 2019. La rentrée 2019 sera l'occasion de mettre en oeuvre des innovations pédagogiques dont les élèves de seconde ont d'ores et déjà été informés grâce au fascicule sur l'orientation en classe de première. La création d'une nouvelle filière sciences informatiques et numérique, dans certains lycées, est une démarche inédite aux plans national et mondial. Son programme, disponible sur internet, n'est pas encore arrêté et il est encore possible d'y apporter des modifications jusqu'à décembre prochain. Conformément à vos préconisations, la généralisation de l'apprentissage de la programmation devrait être assurée à l'école primaire et au collège. Les enjeux d'une telle démarche sont non seulement budgétaires mais relèvent aussi de la gestion des ressources humaines. C'est pourquoi un plan volontariste de formation continue en informatique destiné principalement aux professeurs de mathématiques et de sciences a été lancé, ainsi qu'une étude sur les ressources humaines en informatique dans le système scolaire français.
L'équipement en informatique est un autre sujet d'importance : 240 millions d'euros sont consacrés, par le PIA3, à la dotation en équipement informatique de l'enseignement secondaire et supérieur. L'objectif est de mettre en oeuvre des politiques ciblées, plutôt qu'un financement indifférencié, notamment pour la dotation numérique des écoles en milieu rural qui impliquera des appels à projet à hauteur de 25 millions d'euros.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de la mission enseignement scolaire. - Notre commission aurait souhaité obtenir plus rapidement les réponses au questionnaire budgétaire.
L'effort consacré à l'enseignement scolaire, surtout dans le secteur primaire, permettra, sans doute, de combler les lacunes mises au jour par le classement PISA. Vous avez parlé de justice sociale. Or, celle-ci me paraît impliquer l'égalité de tous nos territoires, y compris ruraux et très ruraux, dans le domaine de l'éducation. En outre, dans les REP+, certains chefs d'établissements se sentent parfois très isolés.
Le budget 2019 prévoit la suppression de 1 800 postes, qui cache une poursuite des créations de postes dans le primaire compensée par des suppressions dans le second degré. Si ces suppressions de postes demeurent relativement limitées, leur annonce et l'absence de visibilité peuvent décourager les futurs candidats. Comme mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, je ne peux que regretter l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois du ministère ; celle-ci assurant la visibilité des candidats au début de leur formation. Nous souhaiterions donc connaître, monsieur le ministre, l'évolution des emplois jusqu'en 2022, telle que fixée par la lettre-plafond du Premier ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Les 800 chefs d'établissement, à l'instar des 45 000 personnels de l'éducation nationale et des 3 800 IATOS affectés en REP+, bénéficient d'une prime spécifique.
En effet, la programmation pluriannuelle n'est pas actuellement établie. Je tiens à souligner qu'il n'y aura pas d'effet de zigzags sur la création de postes par discipline. D'autres facteurs que ceux de la création ou de la suppression de postes, comme le nombre de départs à la retraite ou l'évolution des disciplines, doivent être pris en compte. Quelle que soit la programmation budgétaire pluriannuelle, il serait impossible d'assurer une programmation des concours sur une durée de quatre années.
Le nombre de recrutements de professeurs des écoles va se stabiliser, avec un peu plus de 10 000 postes ouverts par an, tandis que le nombre de postes ouverts dans l'enseignement secondaire évoluera, sans diminution drastique, en fonction des disciplines. Ainsi, en philosophie, discipline qui sort renforcée de la réforme du baccalauréat, le nombre de postes ouverts est appelé à augmenter, en raison de l'extension de son enseignement à quatre heures hebdomadaires et de la création d'une spécialité « littérature, philosophie et humanités » destinée aux élèves de première et de terminale.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - La rentrée 2019 verra l'achèvement du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, pour un coût total de 11 000 postes. Une partie de ces postes provient du redéploiement d'enseignants affectés au remplacement, au dispositif « plus de maîtres que de classes » ou dans des classes à faibles effectifs, notamment en zone rurale. Et ce, alors même que le Président de la République s'était engagé, à l'été 2017, à mettre fin aux fermetures de classes dans les communes rurales qui posent des difficultés d'acheminement aux élèves concernés. Pourriez-vous nous communiquer le nombre de classes ayant fermé en milieu rural à la rentrée 2018 ? En outre, disposez-vous des résultats de l'évaluation scientifique du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et, en parallèle, du dispositif « plus de maîtres que de classes » annoncée l'année dernière ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Notre vision n'est pas purement comptable. Pour preuve, 2 325 postes à l'école primaire vont être créés, tandis que le nombre des élèves, en diminution de 60 000, aurait dû normalement générer une baisse de 3 000 postes. Les dédoublements des enseignants en classe de CP et de CE1 vont ainsi être assurés.
Nous avons les moyens de compenser, en partie, la baisse de la démographie dans la ruralité. La question de l'école en milieu rural est avant tout démographique : comment l'école, combinée à d'autres stratégies comme le numérique, peut-elle contribuer au rebond démographique en milieu rural ?
Suite à notre travail avec Alain Duran et certains d'entre vous, nous sommes en mesure de proposer aux départements une stratégie pluriannuelle des écoles rurales reposant sur des enjeux qualitatifs. Comment renforcer l'attractivité des territoires ruraux au point d'inciter des familles à s'y réinstaller ? Le plan internat, prochainement annoncé, pourrait notamment y contribuer. La dimension quantitative de ce problème doit être prise en compte. Dans les 45 départements les plus ruraux, 400 postes ont été créés en deux ans. En Lozère, les écoles accueillent 14 élèves par classe en moyenne - 15 en Vendée et 17 dans le Cantal - de la petite section au CM2. C'est sans doute la raison pour laquelle l'école primaire en milieu rural est celle de la réussite. Nous voulons un rebond de l'école rurale au cours des prochaines années dans un contexte marqué par des tendances démographiques défavorables et le besoin d'instiller l'espoir au sein de la population. Cet espoir alimentera un cercle vertueux. L'éducation nationale fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale, comme l'indique encore la création, dans notre département du Doubs, monsieur le rapporteur, de 14 postes tandis qu'une baisse de 327 élèves est constatée. Les dédoublements en REP et REP+ ne concernent pas que les zones urbaines. Dans le département de l'Aine, 40 % des dédoublements concernent le milieu rural. Cette démarche suscite un effet de halo : favoriser, dans des petites classes, le déploiement de techniques pédagogiques, hors REP et REP+, permet d'éviter les fermetures d'école ou de classe. L'académie de Reims, où les sections de CP accueillent une douzaine d'élèves, est pionnière en la matière.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Ma dernière question porte sur le grand absent de ce budget, le Service national universel (SNU), dont le décret d'attribution vous a donné la responsabilité. Alors qu'il devrait débuter à l'été prochain, pas un euro ne se trouve dans le budget de votre ministère, ni dans les autres. Où trouvera-t-on l'argent ? Dans quelle mesure l'éducation nationale sera-t-elle mise à contribution ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - 2019 sera l'année de préfiguration du SNU. Conformément aux recommandations du groupe de travail piloté par le général Menaouine, une cohorte de quelques centaines, voire milliers de jeunes, sera appelée. C'est la raison pour laquelle l'inscription d'un budget dédié au service national dans le PLF 2019 n'était pas opportune, puisque les coûts minimes de cette faible incorporation seront notamment pris en charge par des redéploiements interministériels. En revanche, nous travaillons sur l'évaluation de son coût global, en fonction des arbitrages opérationnels, pour le budget 2020 où seront présentées une ligne dédiée et une trajectoire pluriannuelle.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et vie associative. - Initialement, sous le quinquennat de François Hollande, le nombre de volontaires du service civique devait atteindre 150 000 en 2017, voire même 350 000 à la fin de 2018. Or, depuis près de trois ans, on constate une réelle difficulté à atteindre l'objectif des 150 000 volontaires par an, alors que les candidats ne manquent pas. Comment expliquez-vous cette situation ? Le service civique sera-t-il intégré dans le service universel ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Ce n'est pas la seule projection ambitieuse du gouvernement précédent. Il est d'ailleurs toujours aisé d'être très ambitieux sur un programme dont on n'assume pas la charge ! Notre progression est cependant réelle : avec 497 millions d'euros, le ministère assume la principale part de l'effort consacré à la vie associative et à la jeunesse. Le chiffre de 150 000 volontaires nous paraît réaliste. Ce volontarisme, quantitatif sur le plan budgétaire, est aussi qualitatif : il s'agit d'assurer la cohérence entre le SNU et le service civique.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Cette année, l'objectif est d'accueillir 138 000 jeunes et ce n'est qu'en 2020 que le nombre de 150 000 sera atteint. Depuis ces deux dernières années, nous sommes attentifs à la qualité des missions dans les organismes d'accueil afin d'éviter les substitutions à l'emploi et d'assurer la formation des tuteurs. L'objectif du SNU est de favoriser l'engagement et sa phase obligatoire de deux fois deux semaines permettra aux jeunes de remplir une mission d'intérêt général. Il permettra à certains, qui réalisent actuellement un service civique à l'issue d'un parcours scolaire en échec, de développer, plus tôt, un réel goût pour l'engagement.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Depuis des années, les crédits accordés par l'État au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont en diminution constante : en 2018, ils s'élevaient à 15,7 millions d'euros avant l'amendement gouvernemental visant à compenser en partie la disparition de la réserve parlementaire. Ces crédits sont très insuffisants si on compare le nombre d'associations - 1,5 million - et le nombre potentiel de volontaires à former - entre 15 et 17 millions de personnes. À l'occasion de l'examen du projet de loi égalité et citoyenneté, l'idée avait déjà avancée de récupérer l'argent figurant sur les comptes inactifs des associations pour le verser au FDVA, soit au total près de 80 millions d'euros. Malheureusement, cette mesure a été écartée par le Conseil constitutionnel. Je vais néanmoins proposer à la commission un amendement d'appel dans le projet de finances, afin que le Gouvernement consigne, dans un rapport, les montants susceptibles d'abonder le FDVA. Je souhaiterais connaître votre position sur ce sujet.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - L'année passée, les crédits de l'État affectés à la vie associative ont, de fait, augmenté de 25 millions d'euros, suite à la suppression de la réserve parlementaire. La feuille de route relative à la vie associative, à laquelle nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, comprend plusieurs axes : la formation des bénévoles, l'organisation territoriale, le dégagement d'économies d'échelle lié à leur regroupement et le financement. Nous travaillons actuellement afin de résoudre la question des comptes inactifs. A priori, la disposition que vous proposez nous paraît intéressante, puisqu'elle conduirait les banques à transmettre les informations nécessaires à l'avancement de ce dossier.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Le 9 novembre dernier, soit il y a près d'un an jour pour jour, vous aviez lancé le plan de développement pour la vie associative du gouvernement. En mai dernier, le travail collectif des associations a été publié dans le rapport intitulé « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d'une société de l'engagement ». Un accent particulier a été mis sur la nécessité d'une politique de soutien à l'emploi associatif au regard de la réduction drastique des contrats aidés dont bénéficiaient les associations et de l'inadaptation du dispositif Parcours Emploi Compétences pour les associations. Or, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement. Je souhaite donc vous interroger sur la stratégie du gouvernement en direction des associations : alors qu'elles sont toujours plus sollicitées comme partenaires des pouvoirs publics, comme en témoigne l'implication qui est attendue de leur part dans le futur service national universel, elles sont fragilisées dans leur existence et dans leurs structures par les mêmes pouvoirs publics.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - La mise en oeuvre de notre politique de transformation revendique plus de clarté et de cohérence. Elle a conduit à la diminution des contrats aidés dont les deux-tiers étaient consommés lors de notre entrée en fonction. J'insiste sur ce point. La baisse des contrats aidés est totalement assumée. Nous souhaitons éviter l'enfermement des personnes, notamment handicapées, dans des contrats précaires, et la mise en oeuvre de notre politique peut rencontrer, sur le terrain, les difficultés propres à toute transition. Néanmoins, ses mesures commencent à porter leurs fruits et nous travaillons, en partenariat avec la ministre du travail, pour que l'arrivée des contrats parcours emploi compétence (CPEC), destinés à acquérir de réelles compétences et à s'orienter vers des emplois durables, soit intégrée par le milieu associatif. Les moyennes et les grandes associations vont ainsi bénéficier pleinement de la baisse de 1,6 milliard d'euros des cotisations sociales prévue dans le PLF 2019.
Les associations plus petites bénéficient, quant à elles, du dispositif qui a remplacé la réserve parlementaire, ainsi que d'autres mesures qualitatives - comme la reconnaissance des bénévoles et la formation des personnels travaillant dans les associations - prises par Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation. S'il reste à faire beaucoup pour ces associations, notamment en milieu rural, les mesures contenues par le PLF 2019 leur sont favorables, comme le plan mercredi qui, via les caisses d'allocation familiales (CAF), implique le doublement des aides destinées à aider les municipalités en difficulté dans l'organisation, le mercredi, d'activités pour les enfants. Si ces associations ont pu se plaindre, en 2018, des changements opérés, elles vont retrouver de nouveaux moyens à ce titre. En outre, l'instauration des cités éducatives, conçues avec Julien Denormandie, va permettre à certains établissements d'obtenir de 200 000 à 300 000 euros pour favoriser le développement de la vie associative dans un sens social cohérent avec les objectifs éducatifs. Il ne s'agit pas de faire pleuvoir de l'argent de manière indistincte, mais plutôt d'accorder des financements en cohérence avec notre projet éducatif. Si l'aide aux devoirs a pu impliquer, par le passé, des associations tantôt excellentes tantôt discutables, la nouvelle manière de concevoir ce dispositif va renforcer la capacité du maire et du chef d'établissement de choisir ses partenaires. Le quantitatif et le qualitatif doivent ainsi se rejoindre.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - L'essentiel de l'emploi associatif est non-aidé et seuls 8 % des emplois associatifs, principalement dans les secteurs de la culture et du sport, étaient des emplois aidés. Peu d'associations sont conscientes des 1,4 milliard d'euros d'allègements de charges dont elles vont bénéficier. Il s'agit bel et bien d'un soutien massif au monde associatif.
Mme Annick Billon. - Le double rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture et au ministère de l'éducation nationale freine les mobilités des personnels enseignants et 452 directeurs d'établissement sont dans l'attente d'une décision sur leur affiliation. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de l'enseignement agricole ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous entendons prochainement Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur cette question.
Mme Annick Billon. - Les conventions ruralité, qui promeuvent une organisation nouvelle afin d'éviter les fermetures d'établissement, devaient bénéficier à certains territoires. En Vendée, initialement retenue, on constate une chute des naissances depuis dix ans. Comment comptez-vous maintenir les conventions actuelles ?
Vous avez également évoqué la reconnaissance des enseignants sur laquelle ont travaillé nos deux collègues Max Brisson et Françoise Laborde. Comment comptez-vous assurer une meilleure reconnaissance des AESH et des auxiliaires de vie scolaire (AVS), impliquant moins de précarité et une meilleure rémunération ? En outre, il semble que les effectifs des classes ULIS ne soit pas pris en compte dans les calculs d'effectifs, ce qui peut conduire à la fermeture d'établissements dans des départements où la natalité est en régression.
Mme Céline Brulin. - Je voudrais, après notre collègue rapporteur, revenir sur les dédoublements des CP et de CE1 en REP et en REP+ qui ont entraîné, dans certains territoires, des retraits de postes. La définition de la ruralité doit évoluer ; certaines villes se dépeuplent au profit de communes périurbaines, comme en Seine Maritime. Comme je l'ai fait par écrit, je vous interpelle sur l'absence de suivi par vos services des décisions du tribunal administratif. Vous avez assumé cette priorité sur l'école primaire et les suppressions de postes dans le secondaire qui devrait accueillir pourtant près de 40 000 élèves supplémentaires. Quel va être le taux d'encadrement ? Avec 19 élèves par enseignant dans le secondaire, la France est loin de la moyenne de 15 élèves définie par l'OCDE. Vous avez évoqué, à juste titre, les événements récents qui plaident en faveur de l'amélioration de cet encadrement. Par ailleurs, vous mettez en avant les augmentations budgétaires de votre ministère, mais son périmètre a changé et il vous faut financer de nouvelles mesures, comme la transformation des emplois d'AVS en AESH. Enfin, pourquoi la préfiguration du service national universel, dont la mise en oeuvre effective impliquera un budget très conséquent, n'est-elle aucunement mentionnée dans les éléments budgétaires ?
M. Antoine Karam. - Je suis le rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole et la semaine prochaine, nous allons entendre le ministre de l'agriculture sur cet enseignement trop souvent considéré comme une voie de garage, alors qu'il constitue un formidable outil d'insertion et qu'il peut conduire ses élèves à devenir ingénieurs. J'ai pu constater, avec mon collègue Pierre Ozoulias, la déception des partenaires de l'enseignement agricole sur ce point. J'ai également eu l'occasion, la semaine passée, d'intervenir au sujet des enfants handicapés en milieu scolaire, suite à l'incident survenu au lycée Damas de Rémire-Montjoly, en Guyane. Enfin, on ne peut que se réjouir de l'abaissement de la scolarisation obligatoire à trois ans ! Cette réforme fera de l'école maternelle un formidable outil d'insertion et de progrès social. Cependant, si en France hexagonale 90 % des enfants âgés de trois ans sont scolarisés, c'est loin d'être le cas dans les outre-mer, et tout particulièrement en Guyane et à Mayotte, seul département où la double-vacation a été instaurée. Dans ces territoires, la scolarisation à trois ans induit des défis tant sur le plan des infrastructures que des ressources humaines. Quel est votre sentiment sur cette problématique et comment comptez-vous préparer la rentrée de 2019, en garantissant à tous les enfants de France hexagonale et des outre-mer le droit à l'instruction ? Alors que le manque d'établissement est patent à chaque rentrée, ne faudrait-il pas construire de nouveaux établissements selon un modèle plus souple ?
Mme Mireille Jouve. - Ma première question concerne l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire dès la rentrée 2019. Cette réforme aura des effets significatifs sur les collectivités locales qui n'étaient pas jusqu'alors tenues de participer au financement des activités des maternelles des établissements privés sous contrat. Même si cette question ne sera pas prise en compte en 2019, pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez éviter de pénaliser les collectivités locales ?
Ma seconde question portera sur les heures supplémentaires dans le secondaire. La baisse des effectifs budgétaires doit y être compensée par un recours aux heures supplémentaires. 65 millions d'euros y sont destinés. Initialement tenus d'accepter une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d'en refuser deux, si leur établissement leur en fait la demande. Or, la moitié des professeurs assument déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. Ne craignez-vous pas que la marge d'augmentation d'heures de cours dispensés ne soit trop réduite pour pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?
M. Max Brisson. - Mes questions porteront sur l'attractivité du métier d'enseignant. Vous vous présentez comme le ministre des professeurs. Il n'y a pas d'école de la confiance sans professeurs en confiance. Le concours me paraît la clef pour une bonne formation pratique et théorique. Le ministère de l'éducation nationale sera-t-il en mesure de préciser la maquette des formations dispensées en ÉSPÉ ? Je vous rejoins sur le pré-recrutement, tant il est essentiel de corriger les fausses représentations des postulants au métier d'enseignant. En revanche, je suis plus dubitatif sur la rémunération des professeurs. S'il vaut mieux rémunérer les enseignants affectés en REP+, votre confirmation du PPCR provoquera le retard de la rémunération des jeunes enseignants, au bénéfice de leurs aînés dans la carrière. N'oublions pas que les jeunes professeurs dans les grandes métropoles sont des travailleurs pauvres et l'augmentation de 1 000 euros sur une année n'améliorera pas leur sort !
Nous sommes d'accord avec vous sur la nécessaire gestion des ressources humaines individualisées et de proximité. Le principe de l'indifférenciation des profils des professeurs et des postes ne doit-il pas être remis en cause ? Rassurez les professeurs de l'enseignement professionnel sur la voie générale quant à la part d'enseignement des disciplines de culture générale dans la voie professionnelle rénovée. Enfin, je salue la qualité du travail effectué par la présidente du Conseil supérieur des programmes.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Votre budget demeure en-deçà des objectifs de la loi de programmation de 2013. La création d'un observatoire du pouvoir d'achat des professeurs est certes louable. Où sont inscrits les crédits affectés à l'augmentation annuelle de 1 000 euros dans les bleus budgétaires ? Je vous donne cependant acte de la préservation réussie des moyens pour l'enseignement scolaire, avec la poursuite des dédoublements des classes de CP et de CE1 en REP+, ainsi que de votre engagement d'améliorer l'encadrement dans les milieux urbain et rural les plus difficiles. Mais il faut constater que le second degré paie un lourd tribut, avec la perte de 2 650 emplois, alors que les effectifs augmentent d'année en année. Pensez-vous que le recours massif aux heures supplémentaires permettra de suppléer à cette diminution de postes ? Vous êtes dans l'optique du « travaillez plus pour gagner plus », mais où sont les crédits correspondants ?
On constate une baisse des crédits affectés à la formation des enseignants et à l'orientation. Comment appliquer les nouvelles exigences qui découlent de la réforme du baccalauréat, comme l'instauration de deux professeurs référents par classe, du contrôle continu et d'une orientation des élèves plus approfondie ? Enfin, je rappellerai que la transformation des contrats aidés en contrats d'accompagnateurs des élèves en situation de handicap (AESH) avait déjà débuté sous le gouvernement précédent.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avons été choqués par la transformation des relations entre les élus et l'inspection académique en bataille juridique. Plusieurs de nos collègues ont gagné des recours formés devant le tribunal administratif à l'encontre de fermeture de classes en milieu rural. Je souhaitais vous alerter sur cette situation totalement anormale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - J'ai beaucoup de considération pour l'enseignement agricole qui entretient d'excellentes relations avec l'enseignement général. Facteur de réussite pour les élèves, il est un partenaire essentiel de l'éducation nationale. En pratique, lorsque la réforme du baccalauréat a été conduite, nous avons instauré une nouvelle spécialité « écologie, agronomie et territoire » qui peut également s'adresser aux élèves des lycées généraux. Sa visibilité va devenir plus forte pour un thème important pour les élèves, à l'instar de la révolution numérique.
Les conventions de ruralité ne devraient pas être modifiées ; l'objectif étant de couvrir l'ensemble des 66 départements considérés comme ruraux. Avec le sénateur Alain Duran, nous avons ajouté dix départements au dispositif existant et chaque contrat a été rediscuté, afin d'aboutir à une vision stratégique qualitative. Je souhaite que la Vendée soit bénéficiaire d'un contrat de ruralité.
Les AESH sont un sujet important. Avec Sophie Cluzel, nous avons entamé un cycle de discussions avec l'ensemble des acteurs qui doit se terminer en février. Puisque les contrats aidés sont voués à disparaître, nous souhaitons que les AESH soient mieux rémunérés et bien formés. Certes, tous les AESH n'exercent pas à temps plein, ce qui obère leur rémunération. Cette réflexion nous conduit à envisager le temps de l'enfant et à préconiser un lien plus fort entre le scolaire et le périscolaire. L'État et les collectivités locales doivent concevoir ce temps ensemble, afin d'améliorer l'accompagnement de l'enfant et la rémunération des AESH qui doivent également bénéficier de soixante heures de formation annuelle.
Les professeurs doivent également être formés à l'accueil des 340 000 enfants handicapés dans l'école désormais inclusive et bénéficier d'une formation favorisant, dans la durée, la personnalisation des parcours.
La Seine-Maritime est en effet un cas particulier et je ne vous détaillerai pas la manière avec laquelle je compte parvenir à un résultat. La vie de l'éducation nationale ne saurait être contentieuse et la judiciarisation de la vie scolaire, déjà présente, n'a pas à être accentuée. Ce département doit également bénéficier d'une convention de qualité.
Avec 850 000 enseignants pour 12 millions d'élèves, le taux d'encadrement n'est pas, en soi, un problème, puisqu'il faut y ajouter d'autres paramètres comme le nombre d'heures et la répartition territoriale. Nous devons assumer l'ensemble des conséquences de notre modèle éducatif. Ce sujet est plutôt qualitatif : le taux d'encadrement variera peu ou pas avec la mise en oeuvre de nos mesures, parmi lesquelles la seconde heure supplémentaire obligatoire. Quand bien même ces heures supplémentaires, à l'échelle d'un établissement, s'avéreraient insuffisantes, leur impact devrait se limiter à un élève pour trois classes.
La priorité pour le premier degré est clairement assumée et le second degré va connaître une baisse démographique à la suite de celle enregistrée dans l'enseignement primaire. C'est là un cap à passer. Valoriser la fonction de professeur et avoir une école primaire qui parvient à envoyer dans le secondaire des élèves aux compétences consolidées sont des enjeux qualitatifs auxquels nous tenons.
Les recteurs sont attentifs, au cas par cas, aux situations de handicap, à l'instar des épisodes qui viennent de se dérouler en Guyane et en Seine Maritime et relèvent avant tout des ressources humaines.
Je vous remercie de souligner l'importance de la scolarisation à l'âge de trois ans pour l'outre-mer. Cette démarche se traduit par des créations de postes en Guyane et à Mayotte où la faible scolarisation des enfants en bas âge explique, pour partie, les difficultés scolaires qu'ils éprouvent une fois à l'école élémentaire. Le PLF 2019, avec 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement, permet de financer un plan volontariste inédit pour Mayotte. Conformément aux attentes, l'État s'y engage budgétairement dans la durée et travaille activement avec les Comores pour limiter le flux migratoire. Il est désormais possible d'être optimiste pour Mayotte, même si de nombreux obstacles restent à franchir. La création d'un rectorat, comme l'y invite le projet de loi qui vous sera soumis début 2019, est à cet égard significative. Dans le domaine éducatif, nos engagements du plan Guyane seront également tenus.
C'est la première fois qu'est véritablement instaurée cette mesure, annoncée pourtant par le passé, de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. L'acquis que représente l'instruction obligatoire à trois ans est plus important que le problème posé. Il s'agit bel et bien d'une avancée.
Les collectivités seront accompagnées financièrement par l'État pour couvrir les frais générés par l'instruction obligatoire à trois ans, dans le respect de la constitution et avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur. L'évaluation financière se fera progressivement, puisque les 25 000 élèves supplémentaires que nous allons accueillir en maternelle doivent être rapportés à la baisse globale du nombre de 60 000 élèves. Les frais supplémentaires, qui seront, à cette occasion, engagés par les communes, seront compensés par l'État.
Les préconisations du rapport présenté par la sénatrice Laborde et le sénateur Brisson, tout comme celles du rapport sur le numérique de la présidente Morin-Desailly, auront une influence sur le contenu de la prochaine loi.
Une mission, conduite par l'ancien recteur Bernard Saint-Girons, sur la place du concours, devrait bientôt rendre ses conclusions. Il s'agit de faire évoluer la situation actuelle, avec une vision différente pour les premier et second degrés. L'exigence du niveau master demeurera inchangée, mais nos professeurs entreront dans la carrière de manière progressive, soit dans le cadre du pré-recrutement, soit suite au positionnement du concours lui-même. Il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale contribue, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur, à la définition des formations dispensées en ÉSPÉ. Il faut susciter des vocations de professeur, dès le collège et le lycée, en octroyant par la suite des bourses spécifiques et en favorisant la mixité sociale au sein de notre corps enseignants.
Si le PPCR peut renforcer le système à l'ancienneté, des mesures en faveur des jeunes professeurs sont prises. Nous faisons évoluer le système. La hausse de 1 000 euros annuel, qui vient s'ajouter à la désocialisation des heures supplémentaires qu'il sera plus aisé d'obtenir, représente un acquis à la fin du quinquennat au profit des jeunes certifiés et des jeunes professeurs des écoles. C'est pourquoi, la création d'un observatoire de la rémunération des professeurs, sous l'égide du directeur des ressources humaines du ministère, nous permettra d'évaluer concrètement les conséquences de ces mesures.
La gestion des ressources humaines (GRH) de proximité va permettre d'accompagner le développement des postes à profil, afin de tenir compte des particularités des territoires et des établissements ; le dédoublement des classes de CP et de CE1, ouvert aux enseignants volontaires, a permis le profilage des postes.
Nous devons renforcer l'enseignement général dans l'enseignement professionnel, car la culture générale et les savoirs fondamentaux de nos élèves doivent être consolidés. Cette démarche doit être avant tout qualitative. L'élève de l'enseignement professionnel reçoit déjà 34 heures d'enseignement par semaine. Dans la lignée du rapport de Régis Marcon et de Céline Calvez, la co-intervention, c'est-à-dire un enseignement général mieux articulé avec l'enseignement professionnel, est privilégiée pour favoriser la progression des élèves.
Je vous remercie de vos propos sur le conseil supérieur des programmes. Les professeurs sont d'ailleurs particulièrement invités à améliorer le contenu des programmes disponibles sur internet ; l'objectif ultime étant d'élever le niveau général des élèves.
Enfin, nos choix budgétaires se traduisent en dépenses salariales : 810 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation du salaire des professeurs.
Merci également d'avoir souligné que l'engagement en faveur de l'école primaire, à travers notamment la création de postes, transparaît dans le budget. La baisse des crédits de la formation des professeurs n'est que le produit de la sincérisation des moyens que nous y consacrons. Cela n'exclut pas du tout de futures augmentations budgétaires en faveur de la formation des professeurs, à la condition de les articuler à des fins.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente.- Nous souhaitons qu'à l'avenir, du fait de l'existence des deux missions budgétaires, nous ayons, avec chacun d'entre vous, une audition distincte.
M. Claude Kern. - L'augmentation du budget consacré aux échanges internationaux et destiné à favoriser la mobilité européenne de nos jeunes concernera-t-elle les stages pour les baccalauréats professionnels et les brevets de technicien supérieur (BTS) ? Qu'en est-il de l'intégration de l'apprentissage au dispositif Erasmus ?
Ensuite, dans le cadre du programme Action publique 2022, les politiques destinées à la jeunesse et à la vie associative sont transférées aux collectivités qui devront assumer de nouvelles charges. C'est inacceptable. Ce transfert se fera au détriment des services de proximité dédiés et impliquera une meilleure mise en réseau des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) sur la totalité des territoires. Les régions ont-elles les moyens de récupérer la compétence jeunesse et sport, sans aucun transfert de moyens financiers supplémentaires ?
Enfin, je ne peux passer sous silence le bilinguisme, en liaison avec le projet de création de la collectivité européenne Alsace. Ce chapitre bilinguisme peut-il être mis en oeuvre avant le 1er janvier 2028 et sera-t-il bénéficiaire de moyens financiers spécifiques ?
M. Laurent Lafon. - Quels sont les moyens consacrés à la mise en oeuvre des nouvelles filières d'enseignement ? Où en est la création d'un CAPES ou d'une agrégation d'informatique que préconisait le rapport présenté par Pierre Mathiot ?
En outre, le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire met au jour les écarts significatifs entre académies, en matière de coûts spécifiques et d'allocations budgétaires. Pour preuve, l'allocation de l'Académie de Créteil s'avère inférieure de 22 % à la moyenne nationale, sans parler de l'écart avec l'Académie de Dijon où l'allocation atteint 2 200 euros. Comment expliquer de telles différences ? Enfin, que pensez-vous du nouveau mécanisme d'allocation des moyens, destinés à restreindre les effets de seuil, dont la création est préconisée par la Cour des comptes ?
Mme Françoise Laborde. - Les membres de la réserve citoyenne pourraient-ils participer au service national universel comme tuteurs ?
L'abaissement du nombre des rectorats à 13 vous paraît-elle de nature à favoriser la proximité qu'attendent, notamment, les habitants et les élus des zones rurales ?
Mme Maryvonne Blondin. - Les contractuels sont désormais recrutés dans le premier degré. Allons-nous vers une contractualisation accrue au détriment du recrutement de fonctionnaires ? Les lauréats des concours, inscrits sur des listes complémentaires, ne pourraient-ils pas être affectés à des remplacements, pour répondre aux besoins dans des secteurs où sont employés des contractuels ? L'évolution du service de santé scolaire demeure préoccupante. En outre, l'enseignement public bilingue est inclus dans le pacte girondin qu'appelle de ses voeux le Président de la République.
M. Olivier Paccaud. - En 2016, du temps de la réserve parlementaire, 4 000 associations se partageaient 50 millions d'euros. Le fonctionnement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) s'avère opaque pour les élus et le monde associatif. Ne pourrait-on pas s'inspirer du fonctionnement des commissions instaurées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) en instaurant une commission, à laquelle participeraient les élus et les parlementaires, pour la gestion du FDVA ?
M. Christian Manable. - Quels seront les formateurs, l'encadrement et les lieux d'accueil du service national universel ?
Mme Sonia de la Provôté. - Il faudrait, dès ce budget, annoncer des mesures pour le collège, dont les élèves vont être confrontés à la réforme des lycées. Il faut qu'ils soient accompagnés, au même titre que leurs successeurs.
Les classes passerelles, destinées aux enfants de moins de trois ans, permettent d'assurer leur scolarisation. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?
Enfin, les enfants sourds sont peu, voire mal accompagnés par l'éducation nationale. Ainsi à Caen, des parents ont porté plainte contre le rectorat qui a dû ouvrir une classe destinée aux enfants sourds. La surdité doit être considérée comme un handicap à part entière.
M. Pierre Ouzoulias. - La place de la philosophie va être valorisée dans le nouveau baccalauréat. La note finale de l'examen de philosophie va-t-elle être intégrée dans Parcoursup ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le numérique participe de la nécessaire réforme des ÉSPÉ qui se trouvent, dans ce domaine, dans une position indigente.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Le volet international du budget fait partie de nos priorités, comme l'a souligné le Président de la République dans son discours de la Sorbonne en promouvant l'apprentissage de deux langues vivantes par tous les élèves. C'est là un très vaste sujet qui inclut les élèves de l'enseignement professionnel et des filières BTS.
Le soutien au bilinguisme apporté par la création d'une collectivité européenne en Alsace contribuera au dynamisme de l'apprentissage de l'allemand au niveau national, qui a dépassé le seuil des 500 000 élèves.
S'agissant des moyens budgétaires spécifiques pour les nouveaux enseignements de lycée, notre système se finance de la même façon que précédemment. La disparition des séries, à partir de la classe de première, induira celle des disparités d'effectifs selon les sections. Rien n'interdit désormais à un proviseur d'avoir quatre classes de terminales à 27 élèves et d'organiser le système de spécialités. Ce dispositif permettra ainsi d'assumer certains surcoûts susceptibles d'être générés par les spécialités.
Le rapport de la Cour des comptes est positif pour ce que nous avons commencé à faire dans l'éducation prioritaire. Il souligne les avancées et préconise les mesures que nous comptons prendre. Les préconisations de la mission Azéma-Mathiot visent à porter un terme aux effets de seuil pour améliorer l'éducation prioritaire.
La réserve citoyenne représente effectivement un capital de bonne volonté civique qui pourrait bénéficier au tutorat dans le cadre du SNU. Nous allons oeuvrer, avec Gabriel Attal, pour faire évoluer les choses. D'autres bonnes volontés, au sein des fédérations des délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN) ou de l'association des membres de l'ordre des palmes académiques (AMOPA), s'expriment autour de l'éducation nationale et gagneraient à être employées à l'occasion de la mise en oeuvre du SNU.
Il faut être créatif dans le monde rural en s'inspirant des bonnes pratiques. L'ouverture de nouvelles classes peut également être la conséquence de regroupements territoriaux.
L'instauration de la GRH de proximité, qui va de pair avec une gestion plus personnalisée, est une priorité. La contractualisation, qui concerne 4 % des enseignants du second degré et 0,5 % du premier degré, n'est pas vouée à être accrue, mais contribue à la souplesse du fonctionnement de notre dispositif. Même si ces contrats diffèrent de ceux évoqués par le ministre des comptes publics, la réflexion actuellement conduite par Bercy peut aboutir à un meilleur compromis entre l'actuelle instabilité et le statut de fonctionnaire.
Nous allons de l'avant dans la continuité du rapport de Chantal Manès et d'Alex Taylor qui préconise notamment le bilinguisme dès l'école primaire et l'amélioration de l'apprentissage des langues étrangères sur laquelle je m'exprimerai prochainement.
Le FDVA, dont le fonctionnement peut être amélioré, accorde déjà une place aux élus locaux.
La formation et la diversité des profils d'encadrement seront essentielles au fonctionnement du SNU qui représente également une opportunité pour la revitalisation des territoires ruraux.
L'orientation au collège et au lycée est essentielle. Dans le cadre du plan étudiant, que nous avons en partage avec le ministère de l'enseignement supérieur, les filières seront présentées aux élèves jusqu'à la classe de sixième, en commençant dès cette année par les élèves en seconde, à raison de 54 heures par an. Cette démarche sera conduite en partenariat avec les régions compétentes en matière d'information et d'orientation.
J'ai bien entendu votre intervention sur le handicap.
Enfin, l'importance de la philosophie fait consensus. La spécialité « littérature, philosophie et humanités » représente une opportunité de débuter son enseignement dès la classe de première. Les enseignements relevant du bloc général sont complémentaires de ceux donnés en spécialité. L'intégration de la note de philosophie dans Parcoursup présente une difficulté technique, puisque les dossiers seront adressées avant qu'elle ne soit délivrée. La philosophie est la seule discipline commune à tous que l'on passe à la fin du parcours secondaire.
Je suis persuadé de l'importance de la place du numérique dans la formation des professeurs. Ce thème sera d'ailleurs abordé lors de l'examen du projet de loi.
Enfin, s'agissant de la santé scolaire, 687 millions d'euros au titre des dépenses de personnels, et 3,8 millions d'euros pour les frais de déplacement des personnels itinérants sont prévus. Les services de santé scolaire des collectivités locales et les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté bénéficieront respectivement de 2,79 millions et de un million d'euros. Au-delà de ces augmentations, ces sujets sont avant tout d'ordre qualitatif. Confrontés au manque de recrutement, nous sommes engagés à l'effectivité de la visite médicale des élèves de trois à six ans, en mobilisant, le cas échéant, la médecine civile. Un début de progrès a été amorcé, comme en témoigne l'évolution de nos relations avec le ministère de la santé.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le volume de nos questions s'explique par le caractère contraint du débat en séance publique. Les questions doivent ainsi être posées en amont et nous vous remercions d'y avoir répondu.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 20 h 5.