- Mercredi 11 juillet 2018
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport et du texte de la commission
- Audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias-Monde
- Projet de loi de finances pour 2019 - Désignation des rapporteurs pour avis
- Adoption des actes de la réunion conjointe du 5 avril 2018 avec le Conseil de la Fédération de Russie
- Nomination de rapporteurs
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'emploi salarié des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Bénin relatif à l'emploi salarié des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Serbie relatif à l'exercice d'une activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre et de l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 11 juillet 2018
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
La réunion est ouverte à 10 h 50.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport et du texte de la commission
M. René Danesi, rapporteur. - La France et l'Autriche sont actuellement liées par un accord signé en 1962 qui permet, sous certaines conditions de preuves et de délais, le renvoi mutuel de leurs ressortissants ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement, ou de citoyens d'États tiers ayant séjourné sur le territoire de l'autre partie.
La création de l'espace Schengen a cependant rendu obsolète cet accord et justifié l'adoption, en 2007, d'un nouvel instrument bilatéral aux stipulations actualisées. Il est complété par un protocole, signé sept ans plus tard, qui le rend conforme au droit européen ; en effet, aux termes de l'accord de 2007, les « ressortissants d'un pays tiers » désignent - je cite - « toute personne possédant une nationalité autre que celle des parties contractantes ». Or, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pose, d'une part, le principe de la citoyenneté de l'Union en distinguant les « ressortissants de pays tiers » et les « ressortissants d'un État membre », et précise, d'autre part, le droit de libre circulation et de séjour assorti à la qualité de citoyen européen.
Par conséquent, les textes que nous examinons ce matin ne font que moderniser des dispositions déjà existantes afin, notamment, de les rendre conformes au cadre juridique en vigueur.
Comme je l'indiquais précédemment, ces textes ont été signés par les gouvernements français et autrichien en avril 2007 ; il convient donc d'examiner cet accord « technique » sans tenir compte du contexte politique actuel. Je souligne à cet égard que l'Autriche a ratifié cet accord il y a trois ans déjà ! On peut d'ailleurs, une nouvelle fois, déplorer le délai de ratification particulièrement long de certains accords internationaux par la partie française.
À ce jour, la France a signé une cinquantaine d'accords de réadmission, dont près d'une vingtaine avec des États membres de l'Union européenne comme l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal ou encore la Suède.
Ce nouvel accord couvre plusieurs cas de figure.
Premièrement, il oblige chaque partie à réadmettre ses propres ressortissants qui se trouveraient en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie. Concrètement, cela concernerait les demandes adressées par la France et visant des ressortissants autrichiens ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et réciproquement. En l'occurrence, il peut s'agir de peines d'interdiction de séjour prononcées en complément de peines criminelles ou correctionnelles, ou de mesures d'expulsion justifiées par des motifs sérieux tenant à l'ordre ou à la sécurité publics. Ces cas sont toutefois très marginaux puisqu'au cours des trois dernières années, seulement sept Autrichiens ont fait l'objet d'une demande de réadmission pour l'un de ces motifs.
Deuxièmement, l'accord oblige les parties à réadmettre des ressortissants de pays tiers - c'est-à-dire des citoyens de pays n'appartenant pas à l'espace Schengen - lorsqu'ils ont séjourné ou transité par leur territoire avant d'aller sur le territoire de l'autre partie. Ce cas de figure constitue une dérogation à la directive européenne dite « retour » adoptée en 2008, mais que celle-ci autorise dans la mesure où l'accord examiné aujourd'hui lui est antérieur. Pour mémoire, cette directive prévoit la possibilité de reconduire une personne en situation irrégulière dans son pays d'origine, ce qui nécessite au préalable d'en faire accepter le principe par ledit pays. Depuis 2015, la France a saisi l'Autriche d'une quarantaine de demandes de réadmission en moyenne chaque année ; elles concernent principalement des ressortissants afghans, algériens, kosovars et pakistanais, ainsi que deux à trois Autrichiens. Ce nombre n'a pas vocation à évoluer de manière significative au cours des prochaines années.
L'accord prévoit un dernier cas de figure : celui du transit via la France ou l'Autriche, aussi bien par voie terrestre qu'à l'occasion d'une escale aérienne, d'une personne en cours d'éloignement vers un pays tiers décidé par notre pays ou par l'Autriche.
Parallèlement, l'accord comporte un certain nombre d'exceptions à l'obligation de réadmission. Ainsi, ses stipulations ne s'appliqueront pas :
- aux ressortissants d'États tiers ou aux apatrides titulaires d'un titre de séjour ou d'une autorisation de séjour provisoire en cours de validité, délivrés par un autre pays de l'espace Schengen ;
- aux personnes auxquelles la partie requérante a reconnu le statut de réfugié ou celui d'apatride ;
- ou aux demandeurs d'asile, eu égard au « Règlement Dublin III » qui permet déjà leur transfert dans l'État membre responsable de leur demande d'asile - à savoir le pays dans lequel ils ont été préalablement enregistrés, ou dans lequel ils possèdent des attaches familiales.
Pour conclure, les stipulations de ce nouvel accord franco-autrichien sont similaires à celles des accords de même nature conclus ces dernières années, et très encadrées par le droit européen. Elles fixent notamment, de manière précise, les règles procédurales qui régissent la réadmission de personnes en situation irrégulière, mais aussi les garanties de droit relatives à l'établissement de l'état-civil et de la nationalité des personnes concernées, à la protection des données à caractère personnel échangées dans le cadre des procédures de réadmission et aux prérogatives des éventuelles escortes policières.
Il s'agit donc d'un texte à la portée limitée, qui vise principalement à actualiser un accord très ancien pour le mettre en conformité avec le droit européen.
En conséquence, pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, je préconise l'adoption de ce projet de loi.
La partie autrichienne a déjà fait état de l'achèvement de ses procédures internes. S'agissant de la partie française, après son adoption par l'Assemblée nationale en mai dernier, l'adoption de ce projet de loi par le Sénat constitue l'ultime étape avant la ratification de l'accord et de ses protocoles d'application et de révision, puis leur entrée en vigueur.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 19 juillet prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je vous remercie, cher collègue, pour ce rapport très précis. Au regard, d'une part, du changement politique intervenu il y a quelques mois en Autriche - pays qui assure, depuis le 1er juillet dernier, la présidence de l'Union européenne -, et d'autre part, de l'importance de la question migratoire - dont nous avons d'ailleurs débattu pendant plusieurs jours dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, le droit d'asile et l'intégration -, il me semblerait nécessaire de saisir cette occasion pour avoir un débat en séance publique sur le sort réservé aux migrants sur le continent européen. Un retour à la procédure normale permettrait alors aux différents groupes de s'exprimer sur ce sujet.
M. Christian Cambon, président. - Le règlement du Sénat prévoit qu'un président de groupe peut en effet demander, jusqu'au mardi 17 juillet à 15 heures, le retour à la procédure normale. En revanche, je souligne l'objet restreint de cette convention par rapport à la problématique d'ensemble que vous soulevez.
M. René Danesi, rapporteur. - Comme vous l'avez compris, cet accord n'obéit pas à l'agenda politique de l'actuel chancelier. Pour connaître ses intentions sur le sujet migratoire, je vous renvoie au programme électoral des deux partis qui composent la coalition au pouvoir en Autriche, ainsi qu'aux propositions formulées par ce pays en sa qualité de présidente de l'Union européenne. Il convient donc de s'abstraire de l'actualité politique pour examiner cet accord qui est conforme au droit européen, même si l'Autriche semble vouloir faire évoluer ce cadre juridique. Je ne vois aucune objection à avoir un débat sur cette question, à condition toutefois de bien préciser qu'il est sans lien direct avec l'accord que je viens de vous présenter.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Lors d'une précédente session parlementaire, le retour à la procédure normale avait été demandé pour une tout autre convention internationale, et cela nous avait permis d'avoir des échanges plus larges, sans remettre en cause la qualité et le contenu du rapport. En l'espèce, il serait utile d'avoir un débat politique sur la présidence autrichienne, et d'évoquer les changements politiques intervenus récemment dans ce pays ainsi qu'en Italie.
M. Christian Cambon, président. - La gestion européenne de la crise migratoire est un enjeu majeur qui mérite que nous y consacrions un débat, mais à une date plus appropriée. Je vais me rapprocher du président de la commission des affaires européennes pour en envisager ensemble les modalités. L'examen de ce projet de loi me paraît être un sujet plus étroit. Néanmoins, le règlement prévoit que le retour à la procédure normale peut être sollicité par tout président de groupe et sa demande est de droit : il appartient aux groupes de décider.
M. Pierre Laurent. - Monsieur le président, mon avis est partagé quant à votre proposition. J'entends votre volonté de distinguer les choses ; pourtant elles se rejoignent... L'Autriche joue un rôle important dans la crise actuelle - qui tend d'ailleurs à s'installer -, et les évolutions politiques qu'elle a connues ces derniers mois pourraient aggraver cette situation. Par ailleurs, cet État préside depuis peu l'Union européenne. Il y a quelques jours, la commission des affaires européennes, dont je suis membre, a auditionné l'ambassadeur d'Autriche en France qui a confirmé l'existence d'une note confidentielle rédigée à l'initiative de son pays, dont le contenu, révélé par la presse, est extrêmement inquiétant : il est ainsi proposé de ne plus traiter de demande d'asile sur le sol européen, et de les externaliser vers des pays tiers. En conséquence, l'examen de cet accord et le contexte politique actuel sont à mes yeux liés. L'actualisation des stipulations de l'accord pour le conformer au droit européen n'améliorerait pas la situation puisqu'un nombre croissant d'États membres ne respectent pas le droit en vigueur. Le groupe politique auquel j'appartiens réfléchit également à une demande de retour à la procédure normale car la situation mérite un débat durant la présidence autrichienne, sans préjudice d'un utile travail de fond que pourrait mener notre commission à la rentrée.
M. Christian Cambon, président. - La pratique montre qu'en cas de retour à la procédure normale, le gouvernement reporte parfois le débat car sa tenue nécessite la disponibilité du ministre à la date indiquée. Pour ma part, je ne souhaite pas éluder la question de la crise migratoire que je considère comme très importante. Nous venons d'ailleurs d'adopter un rapport sur la situation en Libye, traitant des filières migratoires. C'est la raison pour laquelle je propose un débat de fond à l'automne, alors que l'Autriche sera toujours présidente de l'Union européenne, ce qui permettrait tant aux groupes politiques qu'à notre commission d'avoir des échanges de qualité.
M. Yannick Vaugrenard. - Je voudrais remercier le rapporteur pour la qualité de son exposé et m'étonner à mon tour du délai de ratification de cet accord, dans un contexte politique qui évolue très rapidement. J'ai été député européen de 2004 à 2009, période durant laquelle la situation en Autriche présentait des risques de dérive. Depuis, notre capacité de réaction s'est affaiblie, aussi bien en France qu'en Europe. Il y a une quinzaine d'années, des sanctions étaient envisagées à l'encontre des États gouvernés par l'extrême-droite. Aujourd'hui, nous assistons à une banalisation de la situation politique observée dans plusieurs pays européens. Je pense qu'il faut saisir toutes les occasions pour exprimer aussi bien notre inquiétude qu'une forme de résistance, sans quoi l'Union européenne se déliterait et « insulterait » les raisons ayant présidé à sa construction. Il faudra également discuter, à l'échelle européenne, des mesures de rétorsion qui pourraient être décidées à l'égard de l'Autriche pour éviter que la situation ne se propage au sein de l'Union européenne.
M. Robert del Picchia. - Je partage la proposition du président Cambon : un débat avec le ministre serait utile pour nous éclairer sur le contexte politique autrichien. En 2007, la situation était beaucoup plus grave qu'aujourd'hui puisque le parti d'extrême-droite dirigé par Jörg Haider composait, avec le parti chrétien-démocrate-conservateur, la coalition au pouvoir ; ce parti a aujourd'hui disparu. Par ailleurs, l'Autriche est le pays qui, proportionnellement à la taille de sa population, a accueilli le plus d'immigrés en Europe, et dans de bonnes conditions. La nouvelle coalition au pouvoir souhaite limiter l'immigration dans leur pays. Si un débat était organisé, nous pourrions le préparer en auditionnant Pascal Teixeira da Silva, signataire pour la partie française du protocole portant révision de l'accord, et aujourd'hui ambassadeur de France des migrations.
M. Christian Cambon, président. - Un tel débat m'apparaît en effet nécessaire. Le sort de l'Aquarius et de ses occupants nous a d'ailleurs rappelé la gravité de ces enjeux, qui a fait naître quelques tensions entre la France et l'Italie alors que nos rapports étaient jusqu'à présent confiants et amicaux. Notre commission a donc raison de se saisir de cette question et de vouloir en débattre, mais cela nécessite de la profondeur.
M. Ladislas Poniatowski. - Ce serait une erreur que d'expédier un débat aussi important et de le programmer pendant la session extraordinaire de juillet. Les débats en séance publique sont-ils la meilleure formule étant donné que les sénateurs n'ont pas l'occasion d'échanger entre eux ? Les réunions de commission s'y prêtent davantage puisqu'elles donnent l'opportunité à chaque sénateur de s'exprimer. Cet été, les évènements risquent d'évoluer et les États pourraient prendre position sur le sujet migratoire dans sa globalité. Par conséquent, je me rallie à la proposition du président Cambon d'organiser un débat à la rentrée au sein de notre commission, et éventuellement de programmer des auditions complémentaires.
M. André Vallini. - Je pense au contraire qu'un débat en séance publique aurait un impact plus important. La proposition d'Hélène Conway-Mouret est heureuse, et je me réjouis de la tonalité des échanges que nous avons ce matin. Sans faire d'anachronisme, il a été reproché, à juste titre, à la classe politique française de fermer les yeux sur la situation politique en Allemagne et en Italie dans les années 1920 et 1930. La France a aujourd'hui un rôle à jouer dans la prise de conscience européenne, même si ces pays sont des démocraties et que leurs peuples peuvent s'exprimer librement. Un débat au sein du Sénat de la République française, ou l'adoption d'une résolution, peuvent avoir une importance car les petits ruisseaux font les grandes rivières. Toutefois, avoir ce débat au mois de juillet à la faveur de l'examen de cet accord ne me paraît pas judicieux ; je me rallie donc à la proposition du président Cambon.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Il ne faut pas oublier que les ministres autrichiens de l'intérieur et des affaires étrangères en exercice sont d'extrême-droite. Je pense qu'il y a deux temps : celui du travail en commission permettant l'expression de chacun, et le temps politique ; or, il s'agit d'un sujet hautement politique ! C'est la raison pour laquelle un débat dans l'hémicycle serait le bienvenu car il nous permettrait, d'une part, de connaître la position de notre gouvernement sur les propositions autrichiennes, et d'autre part, de débattre des conclusions du Conseil européen du 28 juin dernier. Je pense que la tenue de ce débat est urgente car attendu par l'opinion publique ; il est donc préférable de ne pas attendre l'automne pour l'avoir.
M. Christian Cambon, président. - Je ne suis pas certain que le gouvernement maintienne la date du 19 juillet pour examiner ce texte. En outre, contrairement à d'autres commissions, nous sollicitons peu de débats en séance publique : une demande de débat à la rentrée devrait donc pouvoir être satisfaite.
M. Jean-Marie Bockel. - La montée des populismes exige une réponse d'un autre ordre. Les déclarations des différents États de l'Union européenne, dont le nôtre, sont parfois mal comprises par nos concitoyens qui sont alors séduits par des discours simplistes et populistes. Nous pourrions donc imaginer la constitution d'un groupe de travail conjoint avec la commission des affaires européennes, chargé d'établir des propositions à l'échelle européenne. La situation est certes prégnante, mais elle exige une réponse humaine, efficace, qui ne soit pas précipitée et tenant compte des enjeux à venir, notamment pour le continent africain.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Pouvons-nous avoir l'assurance que ce débat aura lieu dès la rentrée ?
M. Christian Cambon, président. - Je ne peux m'y engager, mais je relaierai cette demande de notre commission auprès du président du Sénat en la signalant comme prioritaire. En outre, je prendrai l'attache du président de la commission des affaires européennes afin que nous puissions vous proposer le format le plus pertinent pour traiter de ce sujet à la fois humanitaire et politique.
M. Jean-Marc Todeschini. - Notre collègue Hélène Conway-Mouret souhaiterait surtout que le gouvernement vienne s'exprimer sur cette question. Si nous mettons en place un groupe de travail, le débat avec le ministre n'aura pas lieu dans des délais brefs.
Mme Gisèle Jourda. - Au sein de la commission des affaires européennes, nous traitons aussi de la question migratoire. Si un travail conjoint peut parfois présenter un intérêt, il faut néanmoins tenir compte des compétences de chacune de nos commissions.
M. Christian Cambon, président. - Ce point sera discuté avec le président Bizet.
M. Pierre Laurent. - Le gouvernement français s'est exprimé en donnant quitus à l'accord catastrophique issu du dernier Conseil européen, sans même solliciter l'avis du parlement. Il ne faut donc pas tarder à avoir ce débat politique avec le ministre. Cela ne nous empêchera pas de mener, en parallèle, un travail de fond pour aboutir à des propositions qui nécessiteront, au préalable, d'en débattre longuement au sein de notre commission.
M. Christian Cambon, président. - Nos analyses se rejoignent. Il ne nous reste qu'à trouver le format le plus adapté pour aborder cette question.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) s'abstenant.
Audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias-Monde
M. Christian Cambon, président. - Je suis heureux et honoré d'accueillir Mme Marie-Christine Saragosse, Présidente, directrice-générale de France Médias-Monde, l'opérateur de la politique audiovisuelle extérieure de la France. Mme Saragosse a un brillant cursus : elle fut directrice de la gestion de RFI, puis elle travailla en cabinet ministériel, celui de Mme Tasca, elle fut sous-directrice des opérations audiovisuelles au ministère des affaires étrangères, puis directrice-générale et vice-présidente de TV5 et enfin PDG de France Médias-Monde (FMM), ce qui fait d'elle une spécialiste incontestée de l'audiovisuel extérieur.
Comme nous le faisons régulièrement, nous avons souhaité faire le point avec vous, Madame, sur un certain nombre de questions et d'abord sur l'importance de l'audiovisuel et du numérique dans la politique d'influence des États. Nous disposons de FMM mais sa diffusion est malheureusement contrainte pour des raisons budgétaires. Je vous ai rendu visite et j'ai vu combien votre rayonnement est inversement proportionnel au peu de moyens dont vous disposez. J'invite mes collègues à vous rendre visite pour constater de visu mes dires.
Si France 24 a pu sauvegarder sa diffusion en espagnol en Amérique latine, c'est au sacrifice de sa diffusion aux États-Unis, le Gouvernement n'ayant pas suivi notre recommandation de maintenir votre dotation en 2018, choix budgétaire qui nous a semblé aberrant.
Parallèlement, vos concurrents font des efforts considérables pour asseoir et développer leurs positions : je pense à Russia Today qui a ouvert sa diffusion en France et mène une politique extrêmement active, pour ne pas dire agressive, sur les réseaux sociaux, à la Chine qui a investi 6,6 milliards de dollars en 10 ans pour développer ses médias extérieurs, à la Turquie, aux pays arabes. Même des organisations non gouvernementales, voire terroristes, développent des politiques d'influence performante sur les réseaux sociaux. Voyez la politique menée par Daech...
Nous sommes entrés dans une ère de confrontations informationnelles. Où en est la France dans ce nouvel espace de confrontation ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour tenir votre rang à défaut de reprendre l'offensive ?
J'en viens à la réforme de l'audiovisuel public. Le gouvernement a lancé un vaste chantier qui implique toutes les sociétés et principalement les mastodontes que sont France télévisions et Radio France, pour réaliser des économies et dégager des synergies. France Médias Monde, dans cet ensemble, est une petite structure. Vous savez notre inquiétude mais aussi notre vigilance à l'égard de tout ce qui nous apparaîtrait comme un affaiblissement ou une dilution de notre opérateur d'influence à l'international. Nos collègues voyagent beaucoup de par le monde et se rendent compte de l'influence, et parfois de la perte d'influence, de la France dans certains pays.
Quelle est la vision stratégique pour la politique audiovisuelle extérieure et son vecteur dans cette réforme ?
Enfin, FMM est devenue l'actionnaire unique de Canal France International, le vecteur de l'expertise et de la coopération internationale dans le domaine de la communication audiovisuel et multimédia.
Dans une approche globale, il faut accompagner les coopérations économiques voire militaires, les coopérations dans le domaine des institutions et de la mise en place de l'État de droit. C'est une autre façon de faire prévaloir nos valeurs face à d'autres influences.
Disposez-vous là encore des moyens de vos ambitions ? Bénéficiez-vous des crédits d'aide public au développement pour financer une partie de vos activités ?
Sur tous ces points, nous avons besoin de votre éclairage avant d'ouvrir le débat avec nos collègues.
Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias-Monde. - Je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous.
Je vais vous présenter le bilan des avancées de FMM en 2017 et vous parler des grands enjeux dans ce contexte que je qualifierais de guerre froide mondiale des médias.
FMM est un outil de rayonnement de la France efficient. Peu de pays sont dotés d'un audiovisuel international qui soit mondial et multilingues. Mis à part l'Allemagne et le Qatar, qui ne sont pas membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, tous les autres pays dotés d'un audiovisuel international le sont, qu'il s'agisse de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, mais aussi de la Chine ou de la Russie.
La France n'a pas à rougir de son statut audiovisuel international : elle tient son rang tant quantitativement qu'éthiquement. Je reviendrai ensuite sur le contexte de guerre froide des médias.
Pour la deuxième année d'exécution de notre contrat d'objectif et de moyens (COM), FMM a enregistré de nouveaux records d'audience tant dans le linéaire, c'est-à-dire les médias classiques, que dans l'univers du numérique. Chaque semaine, nous avons compté 150 millions d'utilisateurs en linéaire ou en numérique. Notre groupe émet en quinze langues, dont quatre à la télévision et à la radio : le français, l'anglais, l'arabe et l'espagnol. Dans les onze autres langues, il y a une majorité de langues africaines.
Notre audience a cru de 11 % par rapport à 2016 et de 20 % sur les deux dernières années. Les médias français sont donc attendus dans le monde. Ces 150 millions se répartissent à plus de 107 millions de téléspectateurs et auditeurs en linéaire mesurés dans seulement un tiers des pays de diffusion, et à près de 43 millions d'utilisateurs sur les environnements numériques, soit une augmentation de plus de 30 %.
Il faut également tenir compte de communautés sociales en forte croissance : nous comptons 62 millions d'abonnés sur Facebook et Twitter et 46 millions de vidéos sont visionnées chaque mois sur Internet.
Ces résultats ont été rendus possibles grâce à la poursuite de la stratégie de développement de FMM. En septembre dernier, nous avons lancé France 24 en espagnol, depuis Bogota, puis nous sommes allés en Argentine et au Mexique où nous avons eu un incroyable accueil : cela fait du bien de voir que la France est attendue et aimée. Quand on propose des ponts alors que d'autres construisent des murs, on est porté en triomphe. Dès que nous y avons lancé France 24, nous avons doublé le nombre de foyers recevant cette chaîne. Nous nous approchons désormais de 8 millions de foyers. Nous ne diffusons que six heures en espagnol et il nous faudrait passer à dix, pour poursuivre la dynamique et contrer nos concurrents qui émettent 24 heures sur 24.
Nous avons poursuivi notre alliance avec Franceinfo, avec de nouvelles chroniques, notamment européennes, avec l'élargissement de 30 minutes de la reprise du signal en direct la nuit, des reprises en direct en journée d'éditions spéciales internationales, par exemple lors du transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Nous participons à tous les chantiers de coopération avec les autres sociétés de l'audiovisuel public, comme lors du lancement de l'onglet « Vrai ou Fake » pour lutter contre les fausses informations et favoriser l'éducation aux médias ou encore le lancement début juillet de l'appel à projets autour des nouvelles écritures. Nous travaillons aussi à une offre culturelle pour la rentrée et nous luttons contre les cybers attaques. Ces chantiers de coopérations ne sont néanmoins pas notre coeur de métier.
Nous menons une stratégie numérique offensive pour les trois médias du groupe : en mars 2017, nous avons lancé un site InfoMigrants, en français, en anglais et en arabe. Ce site est financé par la Commission européenne et il est en lien avec la Deutsche Welle et l'ANSA italienne. La Commission nous a demandé d'ajouter deux langues afghanes et elle a reconduit les financements pour 2018 et 2019.
Au 31 décembre 2017, nous comptions 355 millions de foyers pour France 24, soit une croissance de 7 % par rapport à 2016. Sur les six premiers mois de cette année, nous avons franchi la barre des 363 millions de foyers. Partout, la demande de France est réelle. Je rentre du Vietnam où l'on m'a demandé d'ajouter France 24 en français aux cotés de France 24 en anglais. Nous avons accru les diffusions de la TNT en Afrique anglophone. Au Nigéria, nous sommes en négociation pour distribuer France 24 en anglais. Comme la concurrence, nous sommes passés en HD en Europe et en Asie. Nous avons ouvert une fréquence à Gaza pour couvrir l'ensemble des territoires palestiniens et nous avons doublé nos radios partenaires, aujourd'hui au nombre de 1 500, que nous ne sommes malheureusement pas capables de mesurer, alors qu'elles reprennent de larges tranches des programmes de RFI et de MCD.
Comparé aux budgets de Deutsche Welle (327 millions d'euros), de BBG (750 millions d'euros), de BBC (525 millions d'euros), celui de FMM est plus modeste avec 258 millions. Notre coût unitaire contact est le plus faible, avec 1,7 euro annuel pour un contact hebdomadaire, contre 2,1 euros pour les Allemands et 2,7 euros pour les Américains.
Au-delà de ces chiffres, nous portons un message singulier. Ainsi, notre information est équilibrée, vérifiée, honnête, indépendante, libre. C'est une vraie denrée de luxe dans certaines zones et elle permet de faire progresser la paix grâce au dialogue et à la déradicalisation de l'information. C'est particulièrement vrai dans la bande sahélienne, dans l'est de la RDC et dans le monde arabe. Notre information est considérée comme non partisane.
Nous sommes présents sur les cinq continents : nos auditeurs entendent parler français ou, dans leur langue d'origine, de la France et de la francophonie. Nous sommes en lien étroit avec TV5 Monde. Nous participons activement à la mise en oeuvre du plan en faveur de la langue française annoncé par le président de la République le 20 mars.
FMM est également engagé auprès des jeunes générations. Certains bassins d'audience comptent pour plus de 50 % les moins de 25 ans. En Afrique, 70% des téléspectateurs de France 24 et 60% des auditeurs de RFI ont moins de 40 ans. Au Maghreb, ces chiffres sont respectivement de 55% et de 65%.
Nous agissons en faveur de la jeune génération connectée avec RFI Savoirs, RFI Musique, RFI Challenge Afrique, Mondoblog. Nous sommes aussi mobilisés pour l'éducation aux médias et la lutte contre les fausses informations.
Nous promouvons la culture face à la montée des modes de pensée radicaux et sectaires. La France est assimilée à la notion de culture. Nos médias font de la culture un marqueur : RFI est un média d'éducation populaire : elle parle à tous mais pas de n'importe quoi. Nous sommes également un acteur au service du développement durable et de la coopération internationale. Avec l'arrivé de CFI, cette dimension est renforcée et permet de lutter pour les droits humains en particulier pour l'égalité entre les hommes et les femmes et l'éducation des filles. Nous nous engageons auprès des populations vulnérables, comme les migrants, et nos émissions santé sont écoutées dans toute l'Afrique.
Nous sommes un acteur européen très engagé et nous travaillons beaucoup avec la Deutsche Welle : InfoMigrants a ainsi ouvert la voie à une coopération inédite.
FMM est enfin un acteur de rayonnement économique et culturel de la France dans des zones plus éloignées géographiquement telles que les Amériques et l'Asie. RFI couvre également le sport, ce qui est particulièrement d'actualité en ce moment.
Nous sommes donc reconnus et nous tenons notre rang, mais nous sommes dans un contexte de rupture, cette guerre froide des médias dont je vous ai parlé dans mon propos introductif. Pour y faire face, nous devons aller de l'avant mais, malheureusement, les contraintes budgétaires s'imposent à nous.
Divers pays se montent très agressifs à notre égard et à l'encontre des valeurs que nous portons. Russia Today émet en anglais, en espagnol et, désormais, en français, afin de viser l'Afrique et de contrer France 24 sur ce continent. Le CSA a mis en demeure cette chaîne à cause d'un reportage et nous avons été immédiatement menacés d'être interdits de diffusion en Russie. Nous ne sommes donc pas chez les Bisounours.
La Chine, quant à elle, a investi 6,6 milliards de dollars en moins de dix ans pour développer son audiovisuel extérieur. L'émission Voice of China « planifie des opérations de promotion des intérêts chinois, lutte contre les fausses nouvelles, combat le fantasme de la menace chinoise et lutte contre l'hégémonie des médias occidentaux ».
La Chine a ouvert un centre de production de 2 800 m2 à Londres, accompagné du recrutement de 350 journalistes pour porter le message éditorial jusqu'au coeur de l'Europe
Aux États Unis, le BBG, malgré le slogan America first, voit l'ensemble de ses missions confirmées, avec quatre projets majeures : renforcement de la chaîne en russe, lancement d'une chaîne de télévision en anglais (sous la marque VOA) pour l'Afrique, lancement d'une offre équivalente à celle d'InfoMigrants, déploiement de fréquences FM pour VOA Afrique en français.
Une loi a été promulguée par l'administration Trump sur les « médias agents de l'étranger ». Nous sommes sous la menace d'être ainsi qualifiés. YouTube a qualifié les chaînes internationales de chaînes gouvernementales ou de chaînes publiques, ce qui est notre cas puisque nous sommes financés par la redevance.
Le Royaume-Uni a consenti un effort supplémentaire sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, avec un cumul de 289 millions de livres sterling entre 2016 et 2020, grâce notamment à l'aide publique au développement. Les Britanniques placent la BBC à la croisée des politiques d'influence et de rayonnement du Royaume-Uni, de sécurité nationale et d'aide publique au développement.
Concernant l'Allemagne, j'ai eu la chance d'être invitée par la Chancelière pour les 65 ans de la Deutsche Welle : elle a dit que nous portions les valeurs démocratiques européennes et l'idéal européen. Dans son discours, elle a ajouté que « nous voyons tous à quel point une telle voix est nécessaire à une époque où nous sommes confrontés aux falsifications d'une manière que nous n'aurions jamais pu imaginer. L'Allemagne renforce avec constance et régularité les ressources publiques de la DW ». Le budget 2018 de la DW s'établit ainsi à 327 millions d'euros et, pour 2019, le gouvernement allemand prévoit un budget global de 350 millions, hors 3Sat, à comparer au budget global de 335 millions prévu en 2018 pour tout l'audiovisuel extérieur français (FMM et TV5 Monde).
Par manque de temps, je vous épargne les médias arabophones.
Dans ce contexte de guerre mondiale de l'information, il faut plutôt essayer d'aller de l'avant. Selon moi, l'Afrique est prioritaire car c'est là où se joue l'avenir du monde. Les langues africaines doivent retenir toute notre attention, notamment le haoussa, le swahili et le mandingue, mais nous devrons aussi développer de nouvelles langues stratégiques au premier rang desquels le peul, qui pour l'instant nourrit le sentiment antifrançais dans la bande sahélienne, alors que cette langue est parlée par 40 millions d'Africains.
Nous devons également africaniser le signal de France 24 destiné à ce continent. Nos programmes doivent être plus en rapport avec les attentes des téléspectateurs. Nous devons tenir notre rang de première chaine internationale d'information en Afrique francophone. Nous devrons également augmenter les émissions d'apprentissage du français à partir des langues africaines. Puisque la démographie va plus vite que le système scolaire, il nous faut permettre aux habitants d'apprendre gratuitement notre langue, en lien étroit avec TV5.
L'accélération de la transformation numérique, déjà largement engagée à FMM, doit se poursuivre à destination des jeunes africains. Il faut offrir du tutorat pour les jeunes entreprises africaines. Nous devrons passer à 10 heures de diffusion en espagnol pour France 24. Il serait dommage de ne pas saisir la main tendue par l'Amérique du Sud.
RFI émet une heure et demie en russe par jour. Pourquoi ne pas accroître l'offre numérique dans cette langue ? Notre rédaction turque a été fermée en 2010 : ne faudrait-il pas parler turc à la société civile et surtout aux jeunes ? Notre rédaction en Roumanie est en plein développement : il faudrait que vous les interrogiez car ce que ces journalistes constatent au quotidien fait froid dans le dos.
La guerre de l'information actuelle ne peut se contenter d'un statu quo, mais nous avons aussi conscience de la situation budgétaire. Sans doute faut-il s'interroger sur la place et les priorités de l'APD. Si nous devions encore faire des économies, cela se traduirait par un rétrécissement de nos missions. Ce n'est pas du chantage, mais une réalité. Notre pays porte des valeurs universelles et ces valeurs ne peuvent être que mondiales.
M. Christian Cambon, président. - Merci pour ce bilan. Avec peu, vous faites beaucoup, en France et à l'étranger.
Mme Marie-Christine Saragosse. - Ceux qui travaillent pour nous à l'étranger sont souvent très engagés, et ce sont souvent les plus grands défenseurs des valeurs universelles que nous portons. Ils méritent un sacré coup de chapeau.
M. Christian Cambon, président. - Nous essayerons de vous rendre visite à la rentrée.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Félicitation pour ce bilan positif mais qui repose néanmoins sur votre engagement combatif. Vous faites beaucoup avec peu. Vous connaissez l'attachement des Français de l'étranger à vos réseaux.
J'étais dubitative sur les émissions dans d'autres langues mais j'ai bien compris que pour être entendu, mieux vallait parler la même langue.
Quelles seraient les conséquences de nouvelles coupes budgétaires ? Seriez-vous obligée de réduire les effectifs, surtout si vous voulez diffuser dans de nouvelles langues ?
Est-ce un handicap de ne pas avoir de ministre chargé de la francophonie ?
M. Olivier Cigolotti. - France 24, RFI et MCD sont principalement financés par la redevance, ce qui est paradoxal puisque ces médias sont peu diffusés sur notre territoire. Comment mieux les faire connaître de nos concitoyens ? Une diffusion plus large vous permettrait sans doute de bénéficier davantage de recettes publicitaires.
Enfin, BBC world obtient des crédits budgétaires au titre de l'aide au développement : pourquoi pas FMM ?
M. Ronan Le Gleut. - Merci pour votre exposé et votre action déterminée. Je voudrais saluer le court intérim à la présidence de FMM du doyen, Francis Huss, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Les Français établis hors de France souhaitent avoir accès aux programmes de FMM, mais aussi aux chaînes nationales. Or, le géo-blocage est une réalité : le streaming n'est pas possible dans certains pays. Beaucoup de Français à l'étranger ou de francophones ont recours au virtual private network (VPN) pour contourner ces blocages. Pourrions-nous organiser une table ronde entre FMM, TV5, France télévision pour y mettre un terme ?
M. Jean-Pierre Vial. - J'ai bien noté votre suggestion concernant l'aide publique au développement.
Quelle est l'audience de France 24 et de RFI en Europe ? Alors que les populismes gagnent du terrain, ne faudrait-il pas faire un effort ?
N'aurions-nous pas intérêt à diffuser en arabe en France et en Europe afin de répandre notre culture et de combattre la radicalisation ?
M. Robert del Picchia. - Dans certains pays africains, les journalistes de RFI sont critiqués.
Les émissions en direction des immigrés ne les incitent-elles pas à venir en France ?
M. Ladislas Poniatowski. - Vous nous avez dit que 65 millions de personnes vous suivaient sur Facebook et Twitter. Êtes-vous équipés pour répondre aux questions qui vous sont posées ?
Mme Marie-Christine Saragosse. - Étant donné que nous sommes en pleine discussion sur la lettre de cadrage, je ne dirai rien qui puisse justifier une diminution de mon budget. Nous sommes une entreprise de main d'oeuvre : nous produisons ce que nous diffusons. Nous ne pouvons demander à un journaliste arabophone de faire sa chronique en haoussa. Nos contraintes font que la masse salariale de FMM est importante (55 % des charges) et mon conseil d'administration m'a même dit qu'il fallait investir à nouveau dans les structures. En outre, la masse salariale augmente inexorablement du fait des avancements à l'ancienneté. Si le budget n'augmente pas, je serais bien obligée de réduire certaines charges.
En 2017, nous avons eu l'autorisation de prélever sur le fonds de roulement pour financer un plan de départs non remplacés. Je n'en dirai pas plus car je suis loyale à l'égard de ma tutelle et nous sommes en pleine négociation pour le budget 2019.
Je n'ai pas de vague à l'âme concernant l'absence de ministre de la francophonie : le Gouvernement et le président de la République défendent la francophonie, ce qui me suffit amplement.
BBC world est également financé par la redevance. En outre, la diplomatie française étant financée par les impôts, je ne vois donc pas de problème à ce FMM perçoive une part de redevance. En revanche, la présence de nos médias internationaux sur le territoire national se pose : France 24 dispose d'une fréquence TNT à Paris et est diffusée nationalement sur le câble, sur le satellite et, la nuit, sur FranceInfo. RFI est diffusée à Paris depuis de nombreuses années et à Lille depuis le 19 juin. Lyon et Strasbourg devraient prochainement recevoir cette radio. Enfin, RFI pourrait effectivement diffuser en arabe dans divers quartiers ciblés où les jeunes ne vont pas forcément à l'école.
Francis Huss a été formidable et adoré.
Vous avez proposé une table ronde pour réunir tous les acteurs. Les programmes étant des sommes de droits, nous pouvons diffuser partout dans le monde les informations que nous produisons. TV5 est une chaîne mondiale avec des droits libérés et régionalisés, ce qui lui permet de diffuser des films récents aux États-Unis, contrairement à la France. Les étrangers qui regardent nos programmes souhaitent disposer du regard français sur les informations internationales et locales, et pas nécessairement sur les faits divers qui se déroulent en France. L'essentiel des émissions de France Télévision se trouve sur TV5. Notre mission est de dire quelle est la vision française sur les divers enjeux géostratégiques. Cela dit, je participerai à une table ronde si vous l'organisez.
Notre couverture est satisfaisante : nous sommes sur divers satellites de distribution. MCD diffusé en arabe est ainsi disponible sur satellite. En revanche, je pense comme vous, monsieur Vial, qu'il conviendrait de diffuser MCD dans divers quartiers et nous pourrions nouer des partenariats avec Radio France Maghreb. Le DAB+ permettrait d'y parvenir à moindre coût.
Le site InfoMigrants a pour but de lutter contre la désinformation et la manipulation des passeurs qui organisent le trafic d'êtres humains. Nous disons la vérité et nous fournissons des clés de compréhension sur nos sociétés. Il ne s'agit ni d'un site incitatif, ni d'un site repoussoir pour éviter toute migration. Nous nous contentons de dire la vérité qui est souvent dissuasive. Nous sommes d'ailleurs évalués par une université britannique.
Nos 62 millions d'abonnés viennent sur les pages que nous éditons et lisent nos tweets. Nous devons réguler les commentaires, dont 7 % environ sont haineux, voire orduriers. Nous désamorçons les prises de position intolérable.
Enfin, je serais ravie de vous accueillir à Issy-les-Moulineaux : nous appelons nos bureaux la Tour de Babel puisqu'ils regroupent 66 nationalités et 15 langues.
M. Christian Cambon, président. - Mes collègues pourraient comparer le bilan que vous venez de nous présenter aux faibles moyens dont vous disposez. Il faut le voir pour le croire ! N'hésitez pas si les arbitrages budgétaires étaient plus compliqués que prévus à nous prévenir car nous sommes convaincus que votre action contribue au rayonnement international de la France.
Mme Marie-Christine Saragosse. - Le Gouvernement, dont notre tutelle, en est également convaincu, mais il est confronté à des arbitrages nécessairement douloureux.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de finances pour 2019 - Désignation des rapporteurs pour avis
M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, comme chaque année, nous devons désigner nos rapporteurs budgétaires pour avis.
La liste des rapporteurs pour avis désignés l'an dernier pour l'examen du projet de loi de finances 2018 vous a été distribuée.
Je vous propose, comme c'est l'habitude, de les reconduire pour l'examen du projet de loi de finances 2019. Et je les remercie pour leur investissement car ils auront comme chaque année fort à faire en octobre et novembre.
Il n'y a pas d'opposition ?
Sont ainsi désignés :
Désignation des rapporteurs pour avis sur le
projet de loi de finances pour 2019
Adoption des actes de la réunion conjointe du 5 avril 2018 avec le Conseil de la Fédération de Russie
M. Christian Cambon, président. - Nous avons désormais rassemblé les comptes rendus de notre réunion conjointe du 5 avril 2018 avec le Conseil de la Fédération de Russie consacrée à l'examen du rapport conjoint relatif au rétablissement de la confiance entre la France et la Russie par le dialogue parlementaire. Je vous propose d'en publier les actes sous forme d'un rapport d'information. Y a-t-il des oppositions ? Je n'en vois pas. Il en est ainsi décidé.
Nomination de rapporteurs
La commission nomme rapporteurs :
- M. Olivier Cadic sur le projet de loi n° 645 (2017-2018) autorisant l'adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001 ;
- M. Jean-Noël Guérini sur le projet de loi n° 615 (2017-2018) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l'application de l'accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'emploi salarié des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Bénin relatif à l'emploi salarié des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Serbie relatif à l'exercice d'une activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre et de l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi autorisant l'approbation de quatre accords relatifs à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles, signés respectivement avec la Moldavie, le Bénin, la Serbie et l'Albanie, en 2016, après des négociations entamées à l'initiative de la France et de la Moldavie fin 2014.
Ces quatre accords viennent compléter une série de cinq accords analogues que je vous ai présentés en janvier dernier. Comme les précédents, ils s'inscrivent dans la politique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), lancée par Laurent Fabius en 2015 avec son projet du « Ministère du XXIè siècle », qui vise notamment à adapter le cadre d'expatriation des personnels des ambassades et des consulats. Favoriser la mobilité de ces personnels nécessite entre autres de mettre en place un cadre facilitant l'accès des membres de leurs familles au marché du travail du pays d'accueil. Compte tenu des évolutions sociologiques, les séjours à l'étranger apparaissent désormais plus comme une source de contraintes que comme une expérience enrichissante. Dans ce contexte, la possibilité pour le conjoint ou le partenaire pacsé d'exercer une activité professionnelle rémunérée au sein d'une structure française ou dans une entreprise privée locale, filiale française ou non est aujourd'hui un élément déterminant dans la décision d'expatriation. D'ailleurs, le nombre de conjoints d'agents souhaitant exercer une activité professionnelle ne cesse de croître, en parallèle de la féminisation du ministère - 52 % des agents du ministère sont des femmes et il y a actuellement 47 femmes ambassadrices sur 177, soit 26 %.
Quels sont les obstacles rencontrés ? Le travail rémunéré n'est pas interdit par les conventions de Vienne de 1961 pour les ambassades et de 1963 pour les consulats mais il fait perdre le bénéfice d'une grande partie du statut protecteur spécifique qu'elles accordent aux conjoints ou aux personnes à charge des agents d'ambassade et de consulats, en prévoyant notamment la levée des immunités de juridiction. En outre, les législations nationales sur le travail des étrangers lient en général l'autorisation de travailler des étrangers à la possession de titres de séjour particuliers et le titre spécial de séjour des personnes à charge des agents des missions officielles n'en fait le plus souvent pas partie. C'est le cas du code de l'entrée et du séjour des étrangers français.
Pour contourner ces obstacles, le Quai d'Orsay s'est lancé dans la conclusion d'un nombre toujours plus grand d'accords bilatéraux levant la restriction d'accès à une activité salariée prévue par les droits nationaux, tout en permettant aux intéressés de conserver le titre de séjour spécial que leur confère leur statut diplomatique. Ces personnes conservent ainsi les privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne, en dehors du cadre de l'exercice d'une activité professionnelle. Actuellement les conjoints d'agents diplomatiques et consulaires en poste à l'étranger peuvent accéder au marché du travail dans une soixantaine de pays, sans avoir à renoncer intégralement à la spécificité de leur statut. Il y a ainsi les 31 pays de l'Espace économique et européen et la Suisse, où il y a un libre accès au marché du travail, 14 pays avec lesquels un accord bilatéral a été signé et 17 pays avec lesquels la France a échangé des notes verbales. Il s'agit prioritairement de pays de l'OCDE qui peuvent offrir des conditions d'emploi comparables à celles prévalant en France. D'une manière générale, ces dispositifs bilatéraux profitent davantage aux conjoints d'agents français qu'à ceux de l'autre Etat.
Ces quatre accords au contenu très similaires sont bâtis sur le modèle d'un accord type utilisé depuis 2009. S'agissant des personnes à charge, l'accord avec la Moldavie s'applique aux seuls conjoints tandis que les autres accords visent plus largement les personnes à charge ou les membres de famille à charge, ce qui englobe les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans qui vivent à la charge et au foyer de leurs parents ainsi que les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et qui présentent un handicap. Tous ces accords acceptent que pour la Partie française, la notion de conjoint englobe les conjoints mariés et les partenaires pacsés de même sexe ou de sexe différent disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le MEAE.
Ces accords détaillent la procédure applicable pour solliciter l'autorisation d'occuper un emploi dans l'Etat d'accueil, principalement l'envoi de la demande, au nom de l'intéressé, par l'ambassade concernée, au Protocole du ministère des affaires étrangères de l'Etat accréditaire, accompagnée d'informations et de pièces justificatives.
Plus concrètement, sans parler du réseau français où il peut y avoir des opportunités, ces personnes pourront trouver des activités professionnelles dans le secteur privé en Moldavie, en Serbie et en Albanie, sous réserve d'avoir des connaissances linguistiques suffisantes. En Serbie, elles se trouveront toutefois en compétition avec des personnels bien formés et bon marché. Au Bénin, les opportunités professionnelles sont appelées à croître de façon significative avec les réformes importantes engagées depuis deux ans par le Gouvernement. De grandes entreprises françaises attendent l'attribution de marchés importants et une petite centaine de PME françaises s'y sont déjà implantées dans la perspective du démarrage de grands chantiers.
Ces accords prévoient que les immunités de juridiction civiles, administratives ou d'exécution ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice de l'activité rémunérée. En revanche, l'immunité de juridiction pénale continue de s'appliquer dans le cas d'une action commise lors de l'activité professionnelle mais peut être levée par l'Etat d'envoi à la demande de l'Etat d'accueil, s'il s'agit de délits graves dans les accords avec l'Albanie et le Bénin ou après vérification que cela ne va pas à l'encontre des intérêts nationaux dans les accords avec la Moldavie et la Serbie.
Ces accords précisent que les bénéficiaires sont soumis à la législation de l'Etat accréditaire en matière d'imposition et de sécurité sociale dans le cadre de leur activité professionnelle. À l'exception de l'accord avec la Moldavie, ces instruments prévoient que les privilèges douaniers cessent à compter de la date d'obtention de l'autorisation de travailler et que les intéressés ont la possibilité de transférer leurs revenus conformément à la législation de l'Etat accréditaire sur le travail des étrangers.
Enfin, ces accords - sauf celui avec la Moldavie - encadrent également la possibilité de solliciter une autorisation de travail pour un emploi non salarié. Les demandes sont alors examinées au cas par cas au regard des dispositions législatives de l'Etat accréditaire.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ces quatre accords répondent à une forte attente des agents des missions officielles et de leurs familles. Ils clarifient le statut des personnes à charge qui souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée - au total, une cinquantaine de conjoints d'agents français serait concernée - et simplifient également leurs démarches administratives dans l'Etat d'accueil. À ce jour, la Serbie et l'Albanie ont fait connaître à la partie française l'accomplissement de leurs procédures internes de ratification tandis que le Bénin a fait savoir qu'aucune procédure particulière préalable à l'entrée en vigueur de l'accord n'était nécessaire dans son droit interne.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 19 juillet 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
La réunion est close à 12 h 50.