COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Jeudi 17 mai 2018

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -

La réunion est ouverte à 11 h 45.

Commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération s'est réunie à l'Assemblée nationale le jeudi 17 mai 2018.

Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, de Mme Émilie Chalas, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. François Bonhomme, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Nous voici réunis conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution en commission mixte paritaire afin d'examiner si un accord peut être trouvé sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au transfert des compétences eau et assainissement. Ce texte, je le rappelle, a été présenté par MM. Richard Ferrand et Marc Fesneau, présidents des groupes La République en Marche et Mouvement démocrate et apparentés de l'Assemblée nationale.

Je cède la parole successivement à M. François Bonhomme, rapporteur pour le Sénat, et à Mme Émilie Chalas, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

M. François Bonhomme, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Lors de l'examen, le 17 avril dernier, de la proposition de loi aujourd'hui soumise à la commission mixte paritaire, le Sénat a inséré des dispositions issues de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération, qu'il avait unanimement adoptée le 23 février 2017. En effet, les sénateurs estiment que ces dispositions sont davantage conformes au principe de subsidiarité et à la sauvegarde des libertés locales, et considèrent qu'elles répondent aux difficultés de mise en oeuvre du transfert de compétence obligatoire prévu par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE).

Après avoir échangé avec mon homologue députée sur cette commission mixte paritaire, j'ai conscience que les positions de nos assemblées respectives sont particulièrement éloignées sur la question qui nous réunit. C'est pourquoi j'aborde nos échanges avec un espoir relatif.

Je me bornerai à mettre en garde sur les deux difficultés que nous voyons se présenter à brève échéance. L'introduction dans le bloc « assainissement » de la compétence « eaux pluviales » posera problème, dans les prochains mois, aux communautés de communes qui ont anticipé le changement de cadre légal. Quant aux communautés d'agglomération, elles risquent de devoir exercer ces compétences à titre obligatoire alors même qu'elles se trouvent parfois en territoire rural. Il faut tenir compte des singularités de nos territoires !

Mme Émilie Chalas, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette commission mixte paritaire est chargée d'examiner deux versions difficilement conciliables d'un texte sur un sujet que nos deux assemblées ont pourtant abordé à plusieurs reprises au cours de l'année écoulée et pour lequel un groupe de travail réunissant des députés et des sénateurs de toutes les sensibilités avait été réuni auprès de la ministre Jacqueline Gourault afin d'élaborer une solution de compromis acceptable.

Si nous ne parvenons pas à adopter un texte commun aujourd'hui, ces travaux auront au moins permis de dresser un état des lieux approfondi de la situation à laquelle sont confrontés nos territoires.

Que constatons-nous ? En premier lieu, la gestion actuelle de l'eau potable et de l'assainissement souffre d'un déficit chronique d'investissement et représente pour les territoires une charge croissante du fait de la raréfaction de la ressource et de pollutions toujours plus difficiles à traiter. Les défis de la politique de l'eau sont devant nous. Or la question des compétences techniques et du financement des ouvrages ne manquera pas de se poser : elle justifie selon nous d'encourager la coopération intercommunale.

Par ailleurs, nombre de maires n'ont pas encore engagé le transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités d'ici au 1er janvier 2020, comme le prévoit la loi NOTRE. Ils sont confrontés à de réelles difficultés, que nous reconnaissons tout à fait, et auxquelles nous avons souhaité apporter une réponse.

Sur cette base, l'Assemblée nationale a retenu en première lecture une position pragmatique : ne pas remettre en question la nécessité pour les territoires de s'organiser à l'échelon pertinent - l'EPCI - pour mener des politiques nécessitant des investissements lourds sur le long terme, tout en laissant le temps aux acteurs d'élaborer un projet commun. Les députés ont ainsi fait leur le compromis annoncé lors du centième congrès des maires par le Premier ministre et détaillé par le groupe de travail précédemment mentionné. Il permet aux communes représentant 25 % des membres d'une communauté de communes et 20 % de sa population de constituer une minorité de blocage pour le transfert des compétences « eau » et « assainissement » jusqu'au 1er janvier 2026.

Les collectivités concernées disposeront ainsi de six années supplémentaires pour se préparer et nous garantissons, à plus long terme, les conditions d'un service public de qualité répondant aux attentes légitimes des citoyens en termes sanitaires et de bonne gestion de la ressource disponible.

Cette rédaction nous semble équilibrée. Au contraire, nous jugeons inacceptable la proposition de statu quo du Sénat, parce qu'elle ne prend pas en compte les difficultés, qui ne cesseront de s'accroître, pour assurer une gestion satisfaisante de la politique de l'eau au niveau communal.

En outre, nous avons apporté une clarification sur la gestion des eaux pluviales et de ruissellement en la rattachant explicitement à la compétence « assainissement ». En cela, nous n'avons fait que confirmer l'état du droit.

Si nous ne nous retrouvons pas sur ce point, puisque le Sénat souhaite, d'une part, séparer les compétences « assainissement » et « eau pluviales » et, d'autre part, renvoyer aux assises de l'eau la question des eaux de ruissellement, nous continuerons à travailler avec le Gouvernement en vue de la nouvelle lecture pour répondre aux inquiétudes de certaines collectivités, notamment des plus petites, sur l'organisation de cette compétence.

Je souligne à ce titre que le rapport demandé au Gouvernement dans le cadre de la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI) confirme le choix de l'Assemblée nationale en se référant au rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) selon lequel « il ne semble pas faire de doute que ces deux compétences [eau pluviale et eau de ruissellement] doivent obligatoirement être exercées, par un transfert systématique prévu par la loi, au niveau des EPCI-FP ».

Enfin, la proposition de loi lève les obstacles au maintien des syndicats ne comptant pas plus de deux EPCI : la stabilité des coopérations territoriales existantes est assurée, qu'elles regroupent des communautés de communes ou d'agglomération. Nous serons toutefois défavorables à l'extension proposée par le Sénat aux métropoles qui, au regard de leur forte intégration, doivent rester en capacité d'exercer cette compétence sur l'ensemble de leur territoire.

D'autres mesures nouvelles ont également été introduites par le Sénat qui ne nous semblent pas trouver leur place dans la proposition de loi.

Comme chacun peut le constater, les rédactions retenues par l'Assemblée nationale et le Sénat sont donc très différentes. Je les tiens pour inconciliables. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe majoritaire avaient fait le choix de déposer une nouvelle proposition de loi, à la suite de l'initiative du Sénat. Je salue toutefois le travail de mon collègue rapporteur et des sénateurs sur ce sujet, et nous continuerons de notre côté à préciser le texte en nouvelle lecture afin de répondre au mieux aux attentes des élus locaux, des citoyens et de l'intérêt général.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Je viens d'entendre que les positions du Sénat étaient « inacceptables ». C'est un terme quelque peu forcé, il me semble.

Permettez-moi un peu d'archéologie parlementaire. J'ai siégé à la commission mixte paritaire sur la loi NOTRE. L'Assemblée nationale défendait un transfert de ces compétences dès 2018. Arguant de l'ampleur de la tâche à accomplir dans un temps si bref, le Sénat avait obtenu que l'échéance fût reportée à 2020 avec toutefois la certitude, pour ma part, qu'un nouveau délai serait de toute façon inévitable. Le Sénat a pris les devants en adoptant à l'unanimité une proposition de loi donnant à ce transfert un caractère optionnel. Le Gouvernement, par la voix de Mme Jacqueline Gourault - qui avait pourtant voté cette amodiation lorsqu'elle siégeait au Sénat -, a toutefois refusé d'avancer dans cette voie.

Depuis, il y a eu le congrès des maires et, sans doute, quelques mouvements dans les hautes sphères de la République. Le groupe de travail qui vient d'être évoqué en résulte directement. Mais, par un fait étrange, alors qu'existait cette proposition de loi adoptée par le Sénat, l'Assemblée nationale s'en est saisie pour la renvoyer en commission... Il eût été plus courtois de poursuivre la discussion sur cette base. Peut-être ne serions-nous pas, aujourd'hui, dans une situation de blocage.

Mais il a été cru habile - j'emploie à dessein cette tournure impersonnelle - de déposer une nouvelle proposition de loi, sans consultation du Conseil d'État et sans étude d'impact. Personne n'est dupe ! Aussi désormais le Sénat refuse-t-il de se dédire, tout en considérant qu'il est plus réaliste de laisser aux collectivités concernées un délai supplémentaire jusqu'en 2026 au lieu de s'accrocher à l'échéance de 2020, qui s'apparente pour beaucoup d'élus locaux à un couteau sous la gorge.

Je me bornerai à émettre le voeu que l'Assemblée nationale s'inspire, dans la suite de la procédure parlementaire, de quelques-unes des suggestions du Sénat.

M. Philippe Bas, sénateur, vice-président. - Le président Sueur parle d'or et je voudrais dire que nous, le Sénat, sommes un contre-pouvoir dans la République, mais un contre-pouvoir avec lequel il est facile de travailler. Rien ne nous déplaît en effet davantage que de ne pas faire aboutir une commission mixte paritaire.

Si les propositions de l'Assemblée nationale ne tiennent pas suffisamment compte de nos propres convictions, nous assumons naturellement ces échecs. Mais je voudrais signaler qu'au cours de la précédente législature, du temps du gouvernement socialiste où la majorité sénatoriale était plus éloignée de la majorité gouvernementale qu'elle ne l'est aujourd'hui, 75 % des lois promulguées ont été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées ! Les accords en commission mixte paritaire étaient plus nombreux...

Dans les premières années d'une mandature, sans doute considère-t-on que l'on a le vent en poupe et que si la chambre des territoires ne se joint pas à la chambre du peuple pour le vote d'une loi, le préjudice n'est pas bien grand. Au fur et à mesure qu'une mandature progresse, cependant, surtout lorsque l'on agit, il y a une certaine usure du pouvoir et l'on se dit que ce n'est pas plus mal, pour faire passer une réforme et qu'elle soit acceptée dans le pays, que la chambre des territoires se joigne à la chambre du peuple...

Je crois donc qu'il faut que nous ayons une vraie réflexion sur l'effort qu'il convient de faire, de part et d'autre, pour faire aboutir nos commissions mixtes paritaires. Cela n'exige pas seulement un alignement du Sénat sur l'Assemblée nationale mais postule aussi un effort des députés en direction des sénateurs pour renoncer à certaines dispositions et aboutir à une réforme portée par nos deux chambres - ce qui est un avantage politique que je vous demande de bien vouloir méditer.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - En réponse au président Philippe Bas je voudrais souligner qu'à la commission des Lois, depuis le début de la mandature, nous avons abouti dans sept commissions mixtes paritaires sur neuf, soit davantage que par le passé ! Cela montre que nos deux commissions partagent cette même volonté d'aboutir et d'effectuer des compromis, quand cela est possible.

M. Philippe Bonnecarrère, sénateur. - Je ressens bien peu d'enthousiasme pour aller vers une CMP conclusive. Toutefois, en tant que représentant du groupe centriste, j'avoue ne pas désespérer d'aller vers une conciliation, voire une réconciliation. J'aurais donc aimé savoir, ayant bien compris que la question du caractère optionnel n'était plus un sujet ouvert, si la question de la « sécabilité » de la compétence « assainissement » pouvait être encore soumise à discussion. Vous savez que les sénateurs centristes sont tous membres de la majorité sénatoriale mais que plusieurs d'entre nous se considèrent aussi comme membres de la majorité présidentielle et donc attachés à des conciliations.

M. Jean-Pierre Vigier, député. - Je suis député mais je soutiens à 300 % la position du Sénat, qui est une position sage et pleine de bon sens, et qui permet de respecter les choix des élus et les spécificités des territoires.

Je voudrais insister sur un point, la méthode du Gouvernement. Celui-ci nous dit : « ne vous inquiétez pas, sur cette question des compétences, nous allons trouver un accord ». On crée pour cela un groupe de travail, avec des députés et des sénateurs, qui réalise un travail important et qui arrive à des conclusions très nettes et précises. Et là, le Gouvernement ne tient pas sa parole puisqu'il ne reprend pas les conclusions de ce groupe de travail, notamment en matière de transfert de compétence aux communautés d'agglomération.

Mes chers collègues, si le Gouvernement avait simplement repris les conclusions de ce groupe de travail, nous n'en serions pas là ! Est-ce que, dès le départ, on ne s'est pas moqué de nous ? Je regrette profondément cette attitude du Gouvernement. Nous avons proposé des amendements sur cette question du champ de la réforme proposée et ils ont tous été rejetés. C'est vraiment dommage d'en arriver là mais c'est à l'image de la politique nationale du Gouvernement.

M. Bastien Lachaud, député. - Je tenais à saluer le travail des sénateurs et à attirer l'attention sur deux articles nouveaux ajoutés par le Sénat qui me semblent aller dans le bon sens.

L'article 1er ter permet d'abord de simplifier les règles comptables applicables aux communes de moins de 500 habitants qui souhaitent gérer l'eau en régie publique. Force est de constater que les communes sont soumises à une austérité budgétaire massive, amplifiée par le dernier budget, mais doublée d'une austérité comptable qui contraint les collectivités territoriales. Cet assouplissement va donc dans le bon sens.

De la même manière, l'article 1er quater, qui repousse de 3 000 à 5 000 habitants le seuil des communes qui peuvent verser une subvention d'équilibre au budget des services publics, notamment de l'eau, va aussi dans le bon sens car cela permet de préserver nos services publics dans ces communes.

Je regrette donc réellement que la majorité présidentielle de cette assemblée refuse d'entendre ces signaux positifs, favorables à une plus grande liberté d'administration des collectivités locales et à une gestion publique de l'eau.

M. Mathieu Darnaud, sénateur. - Je fais miens les propos du président Sueur, qui sont pour moi d'une justesse absolue. Je voudrais également, avec regret et avec une certaine gêne, revenir sur les CMP qui ont été conclusives, en prenant l'exemple de la CMP sur la loi du 30 décembre 2017, dite « GEMAPI ». Si elle a pu être conclusive, c'est parce que votre majorité avait pris certains engagements, dont l'un est en lien direct avec le texte que nous examinons aujourd'hui.

Le Gouvernement s'était ainsi engagé à remettre un rapport sur la question des eaux pluviales, de manière à éclairer l'examen du texte actuel. Or, ce dernier vient juste d'être remis et il n'a donc pu être pris en compte, notamment sur le sujet des eaux de ruissellement.

Je trouve cela très gênant. Cette forme d'irrespect des engagements pris est d'autant plus préjudiciable qu'aucune étude d'impact n'a été réalisée sur ce texte, comme le disait le président Sueur, ce qui est pourtant une absolue nécessité pour objectiver ces sujets.

Beaucoup de travail a donc été fait, notre collègue Vigier vient de le souligner, mais les engagements solennels qui ont été pris par le Gouvernement n'ont absolument pas été tenus. Pour ma part, je respecte les positions des uns et des autres, mais je suis gêné que ces engagements n'aient pas été tenus car ils auraient permis d'éclairer nos travaux et d'objectiver nos débats. Je trouve cela vraiment dommageable, y compris pour la suite, si l'on veut que nos CMP aboutissent.

M. Laurent Duplomb, sénateur. - Je souhaiterais revenir sur les propos de la rapporteure de l'Assemblée sur ce texte. Les conclusions du groupe de travail dont vous nous faites part me paraissent éloignées de ce qui s'est passé.

L'investissement est votre premier argument. Je ne vois pas par quel miracle la capacité d'investir sera renforcée en modifiant le périmètre dans lequel les compétences « eau » et « assainissement » seront gérées. Cela constitue, en outre, un « pied de nez » pour tous les élus locaux qui ont exercé ces compétences avec assiduité et qualité de les leur retirer en considérant que ce transfert permettra une meilleure gestion. Je ne crois pas que nous aurons une eau de meilleure qualité en « massifiant » et en éloignant la décision du terrain.

Je ne partage pas non plus votre point de vue sur les compétences techniques. Je ne crois pas que tous les fontainiers qui travaillent dans les communes rurales ont moins de compétence que ceux qui vont les remplacer et qui passeront plus de temps dans leur bureau à quinze ou trente kilomètres des réseaux. Dans toutes les communes rurales, les fontainiers ont en mémoire l'emplacement exact du réseau et n'ont pas besoin des plans de recollement. À l'avenir, les plans de recollement ne se feront pas par miracle et nous aurons perdu la vraie compétence de ceux qui géraient ces réseaux au quotidien.

Je voudrais aussi rappeler que ce n'est pas le Premier ministre qui a fait des annonces avant que le groupe de travail ait conclu. Le groupe de travail a trouvé un accord sur l'institution d'une minorité de blocage pour s'opposer au transfert de la compétence à l'intercommunalité. Je n'ai jamais entendu, au sein de ce groupe de travail, faire de différence entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération. Nous nous étions mis d'accord sur une minorité de blocage semblable à celle prévue pour le transfert du plan local d'urbanisme aux intercommunalités, qui s'applique aussi bien dans les communautés de communes que dans les communautés d'agglomération. Cette distinction est venue après le groupe de travail, cela donne le sentiment d'avoir travaillé pour rien.

Le groupe de travail avait aussi prévu, avec bon sens, qu'il serait souhaitable de prévoir une sécabilité entre l'eau et l'assainissement et que des communes puissent transférer, par exemple, seulement l'assainissement. Cela leur aurait laissé du temps pour travailler sur le transfert de l'eau, qui est plus délicat compte tenu de l'absence de réseau unifié.

Le fait que cette commission mixte paritaire ne soit pas conclusive montre une totale méconnaissance du milieu rural et une façon arbitraire de prendre des décisions sans écouter les élus et les hommes de terrain.

M. Raphaël Schellenberger, député. - Je crois qu'il faut éviter le piège de la temporalité que vous nous avez tendu. Je tiens à rappeler la genèse de ce débat. Un amendement a été adopté au cours d'une séance de nuit lors du débat sur la loi NOTRE dans des circonstances invraisemblables, sans véritable étude d'impact préalable. Une proposition de loi a ensuite été adoptée à l'unanimité sur ce sujet au Sénat. Nous avons proposé dans le cadre de la journée réservée à notre groupe de reprendre cette proposition de loi. Elle a cependant fait l'objet de l'adoption d'une motion de renvoi en commission. Nous avions pourtant insisté sur la nécessité de se pencher sur cette question rapidement à la fin de l'année dernière compte tenu d'impératifs tenant à l'optimisation de la dotation globale de fonctionnement. Or aujourd'hui, l'argument d'urgence est évoqué pour faire aboutir ce texte rapidement alors que nous aurions pu travailler sereinement. Je note, comme l'a fait de façon particulièrement pertinente le président Sueur, que le recours au dépôt d'une nouvelle proposition de loi a permis au Gouvernement de ne pas présenter d'étude d'impact.

Mme Hélène Zannier, députée. - Je n'ai pas assisté au groupe de travail, mais j'ai lu attentivement le document signé et il y est bien fait mention de la communauté de communes, à l'exclusion de la communauté d'agglomération. Je suis élue d'une petite commune et je connais le travail fait par les syndicats. Le transfert de compétence n'empêchera jamais la souplesse de gestion. Les intercommunalités pourront prévoir une régie directe ou un syndicat. C'est le cas dans beaucoup d'intercommunalités de l'Est de la Moselle. J'ai ici une note de la direction générale des collectivités locales qui est très claire sur ce sujet. Il ne faut pas faire de confusion. Le transfert de compétence n'empêchera pas la souplesse de gestion et la possibilité de s'adapter aux territoires.

Mme Émilie Chalas, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La commission mixte paritaire n'est pas le lieu pour refaire le débat sur ce texte ; son objet est de juger de l'acceptabilité du texte adopté par le Sénat. Vous avez adopté un texte qui prévoit le caractère optionnel du transfert de cette compétence. Or ce transfert de compétence est le principal objectif du texte : le texte adopté par le Sénat n'est donc pas acceptable pour l'Assemblée nationale, avant même que nous abordions des sujets tels que la sécabilité.

Je souligne que le dialogue n'a jamais été rompu. Cependant, malgré des échanges nourris et chaleureux avec nos collègues sénateurs, nous ne sommes pas parvenus à un accord.

Sur le fond, je regrette que le Sénat n'ait pas davantage pris en compte le compromis qui se dessinait à l'aune des conclusions du groupe de travail. Nous étions d'accord sur la minorité de blocage et nous avions signé un document équilibré sur ce sujet qui prévoyait que cela ne concernait que les communautés de communes. Je regrette que nous n'ayons pas pu partir de ce compromis équilibré.

Deux lignes rouges empêchent aujourd'hui de parvenir à un texte commun : la première est que la minorité de blocage proposée ne peut concerner que les communautés de communes ; la seconde est que le transfert doit redevenir obligatoire au 1er janvier 2026.

S'il n'y a pas d'accord avec le Sénat sur ces deux points, il ne sert à rien de discuter d'autres sujets, bien qu'ils soient intéressants. Nous allons d'ailleurs poursuivre nos travaux, notamment sur la sécabilité, et nous appuyer sur le rapport du Gouvernement que nous venons de recevoir sur les eaux pluviales.

S'agissant de l'intervention de mon collègue Jean-Pierre Vigier, elle me semble mal cadrer avec votre position sur ce sujet que je connais par ailleurs. L'engagement du Gouvernement est bien respecté. Il s'agit d'un sujet technique ayant des incidences financières importantes et représentant un enjeu majeur pour les territoires. Je regrette donc le caractère politique de vos propos alors que vous savez que l'option que nous avons choisie n'est pas si mauvaise.

Je veux rappeler à nos collègues sénateurs que bien que certains d'entre nous soient nouvellement élus, voire novices en politique, le Sénat n'a pas le monopole en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Notre point de vue doit aussi être entendu, même si nous n'avons pas les mêmes convictions ou la même vision. Compte tenu de ces différents éléments, notre CMP ne peut pas être conclusive.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je vous remercie. Monsieur le rapporteur du Sénat, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. François Bonhomme, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je pense qu'en dépit de la chaleur de ses propos, la position de Mme Émilie Chalas est bien établie, malheureusement. Je voulais simplement dire que Mme Jacqueline Gourault n'a pas toujours eu cette position. Ce ne serait pas la première fois que les positions changent selon la fonction exercée, mais il n'empêche que l'Assemblée nationale aurait pu à bon droit examiner le texte adopté à l'unanimité par le Sénat, qui laissait davantage de latitude aux collectivités pour s'organiser. Or, cette option n'a pas véritablement été étudiée.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Au regard des échanges qui viennent d'avoir lieu, je ne peux que constater que les deux rapporteurs ne sont pas parvenus à un accord sur les dispositions restant en discussion. La commission mixte paritaire n'est donc pas conclusive. Je lève la séance, merci beaucoup mes chers collègues.

La commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération.

La réunion est close à 12 h 35.