Mercredi 28 mars 2018
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Audition de M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement
M. Vincent Éblé, président. - J'en viens maintenant à l'ordre du jour de notre réunion. Dans la continuité de la pratique que nous avons établie depuis 2010 et l'instauration du premier programme d'investissements d'avenir ou PIA, nous procédons à l'audition ce matin de M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement, qui a succédé à Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement, que nous avions entendu pour la dernière fois en avril 2016.
Cette audition porte sur la mise en oeuvre des trois PIA, dont l'enveloppe globale s'élève à près de 57 milliards d'euros : à la fin de l'année 2017, 44,4 milliards d'euros étaient engagés et 19,6 milliards d'euros décaissés.
Le troisième volet des PIA, doté de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement en 2017, présente deux particularités : tout d'abord, son financement fait l'objet d'une mission budgétaire dédiée, ce qui représente une nouveauté par rapport aux deux programmes d'investissements précédents ; ensuite, le PIA 3 a été intégré au sein du « Grand plan d'investissement » pour 2018.
Nous espérons que votre intervention permettra de nous éclairer sur l'adéquation entre les montants effectivement décaissés au titre des investissements d'avenir et les cibles initialement prévues ainsi que sur les résultats. Sont-ils conformes aux attentes du Gouvernement et aux objectifs fixés au lancement des programmes ? Comment s'exerce votre mission d'évaluation des investissements publics ?
Je vous donne donc la parole, M. Boudy, pour une intervention liminaire. Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « investissements d'avenir », le rapporteur général et les autres membres de la commission des finances pourront ensuite vous interroger. Je souligne également que nos collègues Bernard Lalande et Fabienne Keller sont membres du comité de surveillance des investissements d'avenir.
M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement. - Le secrétariat général pour l'investissement prend la suite du commissariat général à l'investissement. Ce changement de nom traduit la nouvelle ambition portée par le Gouvernement, annoncée par le Premier ministre le 25 septembre dernier, à travers le lancement du « Grand plan d'investissement » (GPI).
Le secrétariat général pour l'investissement et le GPI, qui traduit les propositions faites par Jean Pisany-Ferry, ont pour ambition de débloquer les verrous qui pèsent sur notre croissance potentielle et maintiennent notre pays dans un taux de chômage anormalement élevé.
Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA) et le GPI ont été conçus comme des leviers de transformation des politiques publiques. Ils s'articulent autour de quatre axes : accélérer la transition écologique, renforcer les compétences et l'emploi, consolider l'innovation et la compétitivité, construire un État numérique.
Le « Grand plan d'investissement » doit également accompagner d'autres chantiers, comme celui de la formation professionnelle.
À travers ce plan et les PIA, le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) souhaite insuffler une nouvelle culture d'investissement dans les ministères. Cela se traduit notamment par leur responsabilisation, grâce à l'ouverture de nouveaux crédits budgétaires. Ces derniers ont trop souvent manqué au cours des années passées, pour permettre de déployer des politiques d'investissement cohérentes. En outre, les collectivités, et notamment les régions, attendent que l'État soit au rendez-vous dans les contrats de plan État-région (CPER) et les grandes opérations d'aménagement du territoire.
Le « Grand plan d'investissement » est également l'occasion pour les ministères d'expliciter leur stratégie en matière d'emploi des fonds, en nous indiquant par exemple ce qu'ils souhaitent voir changer ou améliorer. Les crédits devront ainsi être administrés selon des objectifs précis, associés à des indicateurs mesurables. Ces derniers sont de trois types : indicateurs d'impact, relevant de l'évaluation socio-économique, indicateurs de performance, s'intéressant à des résultats tangibles et concrets, et indicateurs d'efficience.
En outre, il sera procédé à une évaluation annuelle de l'avancement du « Grand plan d'investissement », à partir d'indicateurs préalablement définis. Un processus de redéploiement des crédits, proposé par la mission de Jean Pisany-Ferry, a été annoncé par le Premier ministre : chaque année, sur proposition du secrétariat général pour l'investissement, un redéploiement minimal de 3 % des crédits sera possible. Toutefois, nous sommes conscients qu'il n'est techniquement pas possible de procéder à des transferts massifs entre enveloppes, par exemple de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) vers le budget général ou les comptes d'affectation spéciale, qui doivent rester dans leurs périmètres d'action respectifs. Mais, sur les 47 milliards d'euros du plan, environ 35 milliards pourraient facilement faire l'objet d'un redéploiement.
Par ailleurs, une gouvernance nouvelle a été mise en place pour les 26 initiatives constituant le « Grand plan d'investissement ». Chacune d'entre elles prend la forme d'un comité de pilotage, fonctionnant comme un comité d'engagement en matière d'investissement, qui accueille le ministère chef de file, les ministères contributeurs et des personnalités qualifiées issues du secteur privé, du secteur associatif, mais aussi des économistes qui peuvent venir discuter des objectifs et indicateurs des stratégies ministérielles d'investissement.
Comme ses prédécesseurs, le secrétariat général pour l'investissement est responsable des programmes budgétaires 421, 422 et 423 de la mission « Investissement d'avenir » rattachée au Premier ministre.
En outre, le secrétariat général pour l'investissement a une mission d'accompagnement des ministères, qui sont les responsables de la mise en oeuvre du « Grand plan d'investissement ». Nous les assistons ainsi dans la mise en place des comités de pilotage, afin de s'assurer que les objectifs définis par ces derniers soient à la hauteur de l'ambition fixée par le Gouvernement. Nous interviendrons également en aval sur le suivi du déploiement de ce plan et sur la synthèse des évaluations, ce qui nous permettra de proposer au Premier ministre d'éventuels redéploiements de crédits. Je vous renvoie à la circulaire du 3 janvier 2018 pour le détail de la mise en oeuvre du GPI.
Je dispose d'une équipe de 35 personnes - et je tiens à conserver ce format resserré permettant une grande agilité - composée de cadres connaissant le secteur privé et le secteur public. Il s'agit d'incarner une fonction d'investisseur d'État et d'être garant de la cohérence globale de la stratégie d'investissement portée par ce plan. Le secrétariat général pour l'investissement conserve à ce titre les missions que lui a confiées la loi en 2013 : l'inventaire des projets d'investissement supérieurs à 20 millions d'euros portés par l'État ou l'un de ses opérateurs et, pour les investissements de même nature supérieurs à 100 millions d'euros, la réalisation d'une contre-expertise. Sur cette base, mon équipe a réalisé, depuis 2013, 54 contre-expertises pour des investissements s'élevant au total à 46 milliards d'euros. Des progrès peuvent encore être faits. Toutefois, un travail important a déjà été réalisé, surtout dans le secteur hospitalier où une gouvernance particulière existe via le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO) dont le fonctionnement apporte satisfaction aux acteurs hospitaliers.
Nous sommes également les correspondants de la banque européenne d'investissement pour le déploiement du plan Juncker. D'ailleurs, lorsque nous intervenons avec nos outils PIA, nous rappelons l'existence de ce dernier, qui peut être très utile pour finaliser des plans de financement d'investissements. Celui-ci rencontre un certain succès : la France est d'ailleurs le pays bénéficiant le plus de ces fonds, bien au-delà de notre poids relatif dans l'économie européenne.
En ce qui concerne les PIA 1 et 2, fin 2017, 45 milliards d'euros sur les 47 milliards d'euros prévus avaient été engagés. 40 milliards d'euros sont contractualisés, et presque 20 milliards d'euros sont d'ores et déjà décaissés, dont 16 milliards de crédits dits « maastrichtiens ». L'activité en 2017 a été soutenue : nous avons engagé près de 5 milliards d'euros et sélectionné 1 051 projets supplémentaires, ce qui porte le nombre de projets financés et accompagnés par les différents PIA à plus de 5 000. Les entreprises sont les bénéficiaires directes de 11 milliards d'euros de crédits, dont 7,5 milliards d'euros à destination des TPE, PME et ETI. L'objectif que nous nous étions fixé en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de cibler les petites et moyennes entreprises en phase de croissance est ainsi atteint.
J'évoquerai rapidement quelques réalisations concrètes soutenues par les PIA. Une pile à hydrogène pour des applications dans l'aviation a été développée, afin d'éviter d'utiliser des APU (auxiliary power units) trop polluants. Il s'agit concrètement de remplacer à terme les auxiliaires de production d'électricité dans les aéroports - c'est-à-dire les groupes électrogènes utilisés lorsque l'avion n'a pas encore décollé. Nous avons également financé un projet de plateforme visant à identifier de nouveaux traitements antibiotiques. Par ailleurs, j'ai remis il y a quelques jours leurs prix à une trentaine de lauréats du concours mondial d'innovation, parmi lesquels figuraient de très belles « pépites », comme par exemple l'entreprise Wandercraft en région parisienne, qui développe des exosquelettes pour les personnes à mobilité réduite, ou encore d'autres entreprises qui proposent des kits de dépistage de l'endométriose ou des batteries très innovantes fondées sur des nanotubes de carbone. Ces produits sont au seuil des marchés, et peuvent créer de nouvelles entreprises.
Nous avons également accueilli 8 nouveaux lauréats parmi les IDEX/I-SIT : Lyon, Lille, Nantes, Montpellier, Clermont, Paris Est et Paris Seine. En outre, les universités Pierre et Marie Curie, de Saclay, et Sorbonne Université ont été confirmées dans le cadre du programme d'initiatives d'excellence (IDEX). L'université de Toulouse dispose d'un projet de qualité, mais qui n'est pas encore suffisamment abouti à ce jour.
En ce qui concerne le PIA 3, les crédits prévus pour 2017 ont été totalement engagés. En revanche, ils n'ont pas été accompagnés de crédits de paiement. En 2018, les crédits de paiement s'élèvent à un peu plus d'un milliard d'euros. La mise en place opérationnelle de ce PIA a conduit à la signature d'une trentaine de conventions. Néanmoins, une bonne partie de ces textes ont été signés en fin d'année vous laissant trop peu de temps pour vous permettre de formuler vos observations. Cette situation est insatisfaisante et je veillerai à ce qu'elle ne se reproduise pas. Il reste quatre conventions à signer qui devraient l'être très prochainement.
En 2017, 8 appels à projet ont été lancés au titre du PIA 3. Il a été procédé à une première sélection de lauréats dans le cadre du programme « Nouveau cursus à l'université », qui accompagne la réforme de l'orientation à l'université. Beaucoup d'universités se sont portées candidates. Une deuxième phase de sélection sera nécessaire.
Le TIGA (territoire d'innovation-grande ambition) est un outil entièrement consacré aux territoires qui connait un très grand succès. Nous avons eu près de 120 candidatures. 24 ont été retenues dans la première phase. Nous préparons un appel à projet dans le cadre d'une deuxième phase. Il ne s'agira pas cette fois-ci d'une phase d'accompagnement à l'ingénierie, mais de financement des projets eux-mêmes. L'appel à projet est assez complexe à monter, car nous souhaitons permettre à l'ensemble des territoires de candidater, et pas seulement à ceux qui disposent d'un service d'ingénierie.
Le concours d'innovation ouvert en début d'année vient de s'achever. Nous avons reçu 452 candidatures, ce qui témoigne du dynamisme de nos entreprises dans des secteurs très variés. Même si la sélectivité sera forte, nous espérons pouvoir accompagner le plus grand nombre d'entreprises. Nous allons essayer d'orienter celles qui ne seront pas retenues vers les PIA « régionalisés » qui sont une démultiplication de ce qui avait été lancé dans le cadre du PIA 2. Le PIA « régionalisé » dispose d'une enveloppe de 500 millions d'euros : 250 millions d'euros de subventions et 250 millions d'euros de fonds propres.
Toutes les régions, ou presque, ont signé des conventions d'engagement, principalement avec deux opérateurs : la Banque publique d'investissement (BPI) pour l'innovation et la structuration des filières, et très prochainement avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour l'ingénierie de formation. Le modèle de déploiement des PIA est entièrement rénové : il dispose d'un cahier des charges prédéfini, mais très large et laissant une importante marge de manoeuvre à la fois au président de région - la région apporte un euro pour chaque euro apporté par l'État -, et au préfet de région qui copilotera le comité de sélection. Je me félicite de cette nouvelle orientation du PIA. Si elle est plus complexe à administrer depuis Paris, elle envoie un bon signal de partenariat avec les régions.
Dans le cadre du « Grand plan d'investissement », 26 initiatives sont en cours de déploiement et des comités de pilotage sont en cours d'installation. Toutefois, afin de ne pas tomber dans une comitologie ou une bureaucratie trop importante, seulement 15 comités de pilotage, dont certains regrouperont plusieurs initiatives, sont mis en place. 12 comités de pilotage sont déjà validés. Nous sommes en discussion avec trois ministères pour finaliser l'installation des trois derniers. Un certain nombre de ces comités ont déjà tenu leur première réunion. Je tiens d'ailleurs à pouvoir y assister le plus possible, dans la mesure où les indicateurs y seront présentés, ce qui conditionnera notre mission d'évaluation et de redéploiement des crédits.
En conclusion, le secrétariat général pour l'investissement, dont le champ d'action s'est élargi avec le GPI, a pour objectif de changer la culture de l'investissement de l'État, afin de la rendre plus transparente, avec des objectifs plus explicites et mieux définis et une exigence renforcée dans le processus de sélection, pour obtenir un effet de levier maximal sur les crédits versés.
Nous souhaitons également une plus grande prise en compte des territoires et des acteurs locaux, avec les PIA « régionalisés » et l'accueil, au sein du comité de surveillance, d'un représentant de l'association Régions de France. En outre, un certain nombre de nos outils sont spécifiquement orientés vers les territoires, tels que le TIGA.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Investissements d'avenir ». - Le rapport spécial de la commission des finances publié en novembre 2017 relatif au PIA 3 évoquait le fait que l'essentiel des crédits de ce programme étaient des crédits financés par fonds propres, en raison de leur absence d'impact sur le déficit maastrichien. Nous avions également remarqué que les crédits disponibles étaient décaissés plutôt en fonction des contraintes des finances publiques que du rythme réel des projets. Par ailleurs, un certain nombre de projets bénéficiant uniquement de fonds propres pourraient souffrir de l'absence de subvention au moment de leur phase de conception. Que pensez-vous de cette analyse ? Ces difficultés ont-elles été remarquées par le Gouvernement ? Comment allez-vous y remédier ?
Concernant le GPI, vous avez évoqué la réallocation des crédits entre les années, en fonction du comportement des ministères investisseurs. Les crédits PIA 3 qui sont intégrés dans ce plan, sont-ils concernés par cette réallocation entre enveloppes ?
Enfin, l'action « Grands défis » regroupe des projets aux contours très flous. La participation au financement des travaux du Grand Palais avait été évoquée. Cette action est aujourd'hui l'une des seules à ne pas disposer de crédits de paiement. Pouvez-vous nous en dire plus sur les projets qui pourraient être financés par cette action ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les PIA ne contribuent-ils pas à des débudgétisations ? Le financement des travaux du Grand Palais relève normalement intégralement du budget du ministère de la culture. Y a-t-il d'autres projets de ce type ?
Comment les missions du secrétariat général pour l'investissement s'articulent-elles avec celles de la Banque publique d'investissement ? Sur quels critères la BPI intervient-elle sur un projet proposé par une entreprise ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - J'ai assisté avant-hier à un colloque organisé par l'organe de presse AEF où la Haute commissaire à la transformation des compétences, Mme Estelle Sauvat, s'est exprimée. Vous nous avez indiqué que les crédits étaient distribués sur la base de critères précis. Or, il m'a semblé, alors même que le travail est commencé depuis un moment et que beaucoup de personnes attendent des formations, que les critères sont encore flous et peu opérationnels. D'ailleurs Pôle Emploi m'a indiqué estimer ne pas pouvoir prescrire ces formations avant la fin de l'année. Quels sont les indicateurs et les projets précis sur ce plan de transformation des compétences ?
M. Antoine Lefèvre. - La Cour des comptes a dressé lundi un premier bilan des outils du PIA consacrés à la valorisation de la recherche publique. Elle a estimé que « les nouvelles structures de valorisation mises en place par les pouvoirs publics se sont parfois retrouvées en situation de concurrence avec certaines entités existantes, notamment celles des organismes nationaux de recherche des grandes écoles et des universités ». La Cour a ciblé en particulier « une gouvernance interne complexe aux acteurs nombreux et hétérogènes, aux objectifs divergents » et a estimé que les « objectifs étaient mal adaptés, les résultats étaient inégaux et décevants ».
Quelle est votre appréciation des conclusions rendues par la Cour des comptes, alors même que 10 nouveaux milliards d'euros vont être investis ? Déjà en 2015, la Cour des comptes avait estimé qu'il fallait rénover la gouvernance et rééquilibrer les procédures.
M. Jean-François Rapin. - Quand on analyse les actions présentées par opérateur, on voit que l'Agence nationale de la recherche (ANR) est l'un des gros capteurs de crédits. En novembre 2017, lors de l'établissement du rapport spécial sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », nous avions noté une diminution nette à la fois des crédits de l'ANR les années précédentes et surtout un effondrement à 11 % du nombre de projets retenus. Les actions budgétaires prochainement envisagées permettront-elles à l'ANR de retrouver toute sa place ?
M. Philippe Adnot. - Dans vos actions figure le financement des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT). La Cour des comptes vient de rendre un rapport dont les conclusions rejoignent celles d'un rapport que j'ai déposé en juillet dernier. J'y recommandais notamment, sur certains territoires, de remettre en cause l'existence des SATT dans leurs formes actuelles. Je pense à la SATT du Grand Centre, qui couvre un trop grand territoire rendant difficile de mener des actions cohérentes. J'avais proposé, dans le cas des SATT qui fonctionnent mal, de s'appuyer plutôt sur les universités, et d'utiliser les compétences développées par les SATT qui fonctionnent bien. Je proposais également de ne pas les laisser continuer à agrandir trop le périmètre de leurs compétences. Je souhaiterais connaître vos intentions à ce sujet.
M. Arnaud Bazin. - 11 milliards d'euros de crédits ont été attribués aux entreprises, dont 7,5 milliards d'euros pour les PME. Nous savons qu'il y a là des réserves importantes d'innovation et de développement. Comment communiquez-vous auprès de ces entreprises sur les outils déployés dans le cadre des PIA ?
Dans le cadre de la loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), nous allons prochainement évoquer un nouveau fonds pour l'innovation de rupture. Quelles sont les frontières entre ces deux dispositifs ?
M. Didier Rambaud. - Comment peut-on mieux articuler notre « Grand plan d'investissement » avec le plan Juncker ? Ce dernier avait pour objectif de mobiliser 315 milliards d'euros. En matière de politique énergétique, ne pourrait-on pas plutôt réfléchir au niveau européen pour favoriser l'interconnexion entre les États membres ?
M. Georges Patient. - Selon les informations gouvernementales, un milliard d'euros serait réservé aux territoires d'outre-mer dans le « Grand plan d'investissement ». Comment cette priorité se traduit-elle concrètement ?
Mme Fabienne Keller. - Comment s'échelonne concrètement le décaissement des crédits de paiement pour le PIA 3 ? Pouvez-vous également nous en dire plus sur la mise en place concrète des actions en matière de formation professionnelle ?
M. Yannick Botrel. - Il a été beaucoup question, à travers les crises alimentaires que nous avons connues, de la perte de marchés de nos entreprises agroalimentaires, en raison d'une perte de compétitivité par rapport à nos concurrents, notamment européens. Des initiatives ont-elles été prises en matière de modernisation d'outils industriels agroalimentaires ? Y a-t-il des programmes engagés sur la recherche et développement dans ce domaine ?
M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement. - La proportion de fonds propres dans le PIA 3 est relativement importante car elle représente 40 % des crédits. Par ailleurs, 4 milliards des 10 milliards d'euros du PIA 3 sont des subventions ou avances remboursables et 2 milliards d'euros sont des dotations décennales, qui se sont substituées aux anciennes dotations non consommables. Ces dernières devaient produire des intérêts, or le taux d'intérêt a fortement baissé sur les marchés et ces dotations ne généraient pas beaucoup d'argent. C'est la raison pour laquelle on les a remplacées par des dotations consommables à 10 ans.
Les fonds propres ne reflètent pas uniquement une contrainte budgétaire mais témoignent d'une évolution de notre action. Les PIA 1 et 2 se concentraient sur l'appareil académique de recherche et sa valorisation. Le PIA 2 s'appuyait notamment sur des logiques sectorielles lourdes en termes d'investissement, et traduisait un investissement massif vers les petites et moyennes entreprises. Désormais, la vie et la maturité des entreprises que nous suivons nécessitent davantage un financement par fonds propres que par subvention. En effet, au début, ces entreprises prennent un certain nombre de risques, et il est alors logique de les aider par des subventions ou des avances remboursables. Il s'agit maintenant d'accompagner ces entreprises un peu plus mûres dans leurs tours successifs de financement, parfois pour des montants importants. C'est d'ailleurs la vocation de plusieurs de nos fonds, comme le Fonds national d'amorçage, qui a été fortement doté par le PIA 2 et qui bénéficiera d'un nouvel abondement avec le PIA 3. C'est également le cas du fonds « multicroissance » qui vise à aider les entreprises à des stades plus en aval du développement. Nous nous inscrivons ainsi dans une logique d'un État agissant en tant qu'investisseur avisé. 1,1 milliard d'euros ces deux prochaines années, puis 1,8 milliard d'euros en 2020 seront consacrés à ces fonds, dont une proportion un peu plus importante en fonds propres la dernière année.
Le rapport de Christine Lavarde a montré que nous avons changé de dispositif. Les PIA 1 et 2 s'inscrivaient dans un système où on engageait puis décaissait les crédits immédiatement. Dans le PIA 3, l'intégralité des crédits est engagée, puis les crédits de paiement sont prévus selon une trajectoire pluriannuelle, qui doit être compatible avec nos contraintes budgétaires. Toutefois, le PIA bénéficie d'une sanctuarisation des crédits : ces derniers ne sont pas soumis à la mise en réserve ou à un gel, ce qui est indispensable pour garantir un réel engagement vis-à-vis de nos partenaires.
700 millions d'euros sont consacrés à l'action « Grands défis ». Toutefois, cette dernière n'a pas encore concrètement été lancée, car l'appel à projet devrait intervenir fin 2018. S'agissant du Grand Palais, il est prévu que cette action finance une partie des investissements - 160 millions d'euros sur les 460 millions d'euros prévus. Je considère qu'il s'agit d'un investissement d'avenir car il participe au rayonnement culturel de la France. En effet, si notre pays est la première destination touristique mondiale, c'est grâce à notre patrimoine culturel. Il y avait également un tour de table compliqué à concrétiser. C'est un équipement qui va générer d'importantes ressources propres et son plan de financement prévoit un endettement important. Enfin, le Grand Palais est ouvert à des activités privées.
La Banque publique d'investissement (BPI) est l'un de nos opérateurs. Nous lui avons confié 10 milliards d'euros de crédits. Entre le PIA 3 et les deux précédents PIA, le nombre d'opérateurs a été sensiblement réduit, passant de 12 à 4 aujourd'hui. L'ANR gère les investissements dans le secteur académique et de la recherche, l'ADEME est compétente pour la partie « transition écologique », la Caisse des dépôts et consignations (CDC) s'occupe de l'éducation et des interventions dans les territoires, à l'image du programme TIGA. Enfin, la BPI est en charge des fonds d'interventions financières, par des outils de bourses d'innovation ou en fonds propres, comme le Fonds national d'amorçage par exemple.
Dans la plupart des cas, les fonds mis à disposition des entreprises par BPI proviennent des PIA. Toutefois, je ne cherche pas à imposer la signature du secrétariat général pour l'investissement sur les crédits alloués par BPI. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'une entreprise se finance auprès de BPI au titre du PIA plutôt qu'au titre d'une des interventions du programme 192 directement géré par BPI. Un financement via la BPI permet également d'avoir un guichet proche des territoires. Les entreprises pourront aussi s'appuyer sur le réseau que sont en train de développer les régions, avec la constitution d'agences régionales de développement. Ces dernières émergent notamment à partir des agences qui existaient souvent dans les départements, lesquelles sont en train de se regrouper. En Bretagne par exemple, nous travaillons main dans la main pour le financement des entreprises avec BPI, afin de créer un continuum entre la recherche, la valorisation de l'innovation et l'accompagnement des entreprises.
Une part importante du « Grand plan d'investissement » - 15 milliards d'euros sur 57 milliards d'euros - est consacrée aux compétences. Nous avons beaucoup travaillé avec Mme Sauvat sur la mise en place du Plan d'Investissement dans les compétences. Le comité de pilotage du ministère du Travail a d'ailleurs été le premier installé. Nous sommes actuellement dans une phase de transition, qui comporte deux volets. Le premier consiste à rendre rapidement disponibles les crédits au titre de l'amorçage. Il s'agit d'assurer une continuité par rapport au « plan 500 000 formations», tout en ne reconduisant pas certaines formations jugées trop courtes. Des discussions très avancées avec la plupart des régions visent à renouveler cet amorçage en 2018, afin d'éviter une diminution du nombre de formations cette année. Le deuxième volet porte l'une des ambitions principales du PIC (Plan d'Investissement dans les Compétences) : les pactes, actuellement en cours de négociation avec les régions. Il s'agit d'outils renouvelés qui seront ciblés d'une part, sur les chômeurs de longue durée, et d'autre part, sur les jeunes décrocheurs, chacune de ces deux catégories regroupant un million de personnes. Ils visent à créer un continuum entre les compétences premières, les savoir-être et savoir-faire acquis, jusqu'à l'emploi. Aujourd'hui, trop souvent, un parcours est fait de ruptures et de successions non linéaires de formation.
Le Premier ministre a répondu de façon argumentée à la Cour des comptes, prenant en compte un certain nombre de recommandations, notamment sur le développement des ressources propres, ou sur la nécessité de renforcer la gouvernance des outils. Mais, il a également insisté sur la nécessité de ne pas les juger trop vite, car ce sont des outils innovants et récents : les premiers ont été lancés en 2012-2013, et les derniers, il y a à peine deux ans. Ils ont fait l'objet d'une première vague d'évaluation. Dans les instituts de recherche technologiques (IRT), les entreprises participent au conseil d'administration, apportent du capital, mais financent aussi des projets qui les intéressent et qui parfois ne sont pas directement liés aux leurs. C'est un bel engagement citoyen. On évoque souvent le fait que nos grandes entreprises investissent aux États-Unis dans des outils de valorisation. Nous sommes en train d'implanter une nouvelle culture en France, mais cela prendra du temps. Nous avons entendu les observations de la Cour des comptes. Nous n'hésiterons pas à mettre fin à des projets qui ne remplissent pas leurs objectifs. Nous l'avons d'ailleurs fait pour la SATT Grand-Centre : le territoire couvert était trop grand et possédait une trop faible densité de recherche et d'entreprises. Nous sommes en pleine phase de reconfiguration, avec d'un côté l'Auvergne et Rhône-Alpes, et de l'autre côté la partie centre-ouest qui pourra se resserrer sur des enjeux plus précis.
L'ANR est notre opérateur historique. Il porte 20 milliards d'euros de crédits, ainsi que la démarche IDEX/I-SITE, LABEX et EquipEX. Il porte également la valorisation, les SATT et les IRT. Aussi, il n'est pas anormal qu'il reçoive autant de crédits. L'ANR est une agence très reconnue dans le monde scientifique et de la valorisation de la recherche. J'en ai encore eu la preuve lors de l'organisation du dernier jury IDEX, où j'ai pu mesurer leur professionnalisme. L'ANR porte également les actions « Nouveau cursus à l'université », et « Soutien des grandes universités de recherche ». Cette dernière est constituée d'une enveloppe de crédits réservés aux IDEX. Certes, les IDEX vont bénéficier des intérêts générés par les dotations non consommables, mais il s'agit également de les accompagner dans d'autres projets ambitieux. Nous n'oublions pas non plus les autres universités. D'ailleurs, l'ensemble des autres outils leur sont ouverts.
La gouvernance s'est quant à elle beaucoup renforcée. Certes, il y a eu des ratés. Mais nous sommes dans une démarche très expérimentale, et par nature, il y a des erreurs. Nous lançons des investissements d'avenir, aidons des start-ups qui trébuchent régulièrement. Il faut nous accorder un droit à l'erreur. Nos instruments sont souvent bien implantés sur un territoire. Leur réussite est aussi un enjeu pour les collectivités locales.
Je cherche à simplifier les guichets d'accès. C'est la raison pour laquelle dans le PIA 3, il n'y a qu'un seul concours d'innovation, alors qu'auparavant il y en avait 5 ou 6 sectorisés. Nous devons trouver un équilibre entre d'une part la nécessité d'avoir des outils simples, accessibles à tous, et d'autre part le souhait de chacun d'avoir des crédits réservés.
Le fonds pour l'innovation de rupture, doté de 10 milliards d'euros, est constitué de dividendes d'entreprises publiques. Il devrait générer entre 200 et 250 millions d'euros par an. Ces crédits devraient en tout logique être rattachés au « Grand plan d'investissement », afin de maintenir une certaine cohérence avec les autres outils.
Nous n'oublions pas l'outre-mer, j'ai rencontré la ministre il y a quelque temps. Nous allons nous voir très régulièrement pour nous assurer que ce qui a été promis serait bien mis en oeuvre dans ces territoires. Bien évidemment, une part importante du programme d'investissement dans les compétences va être fléchée vers ces territoires : il doit en effet cibler les populations jeunes. Or, ces départements et territoires ont les populations les plus jeunes. Nous appuierons aussi un certain nombre d'expérimentations et de démonstrateurs en matière de technologie. Je pense notamment au démonstrateur d'échange thermique de grande profondeur pour l'hôpital de La Réunion. Nous souhaitons encourager les développements et expérimentations sur ces territoires.
Mme Fabienne Keller. - En ce qui concerne le PIC, qu'en est-il des crédits qui seront gérés par les branches professionnelles ?
M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement. - Nous avons deux types de crédits dans cette enveloppe. Une partie importante des crédits concerne strictement la formation professionnelle. Ils seront demain mis en oeuvre par les régions et les branches professionnelles. Je n'ai pour l'instant pas plus d'informations. Ce seront des crédits co-engagés. C'est la raison pour laquelle les pactes doivent être passés avec les partenaires régionaux et professionnels. En outre, un milliard d'euros est consacré à des expérimentations portées par l'État, afin d'innover en matière de formation : formation en ligne, outils d'évaluation et de pré-évaluation des demandeurs d'emploi en attente d'une formation adéquate. Enfin, un investissement important, financé par cette ligne budgétaire, est fait sur le compte personnel de formation.
Le « Grand plan d'investissement » dispose d'une enveloppe de 5 milliards d'euros réservés à l'agro-alimentaire. Elle a été évoquée par le Président de la République, à l'occasion de sa visite au Salon de l'agriculture. Des outils ont été développés dans le cadre du PIA 2 avec FranceAgriMer, notre opérateur dans ce domaine. Ils ont permis d'identifier près d'une centaine de très beaux projets. Nous souhaitons rester ouverts à tout investissement en fonds propres, dans des fonds d'investissement en capital. On sent dans ce secteur une grande effervescence en matière d'innovation. D'ailleurs, beaucoup de très beaux projets ont été révélés par le premier concours d'innovation agricole. Un certain nombre de porteurs de projets étaient présents au Salon de l'agriculture. Tel est le cas du petit robot Navio qui permet de désherber en réduisant le recours aux pesticides, ou encore d'un usage de drones intelligents ou d'outils climatiques intégrés.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 10.
La réunion est ouverte à 13 h 45.
Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude - Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Vincent Éblé, président. - Nous entendons M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, qu'il vient de présenter ce matin même en Conseil des ministres. Je remercie le ministre de s'être rendu disponible pour venir exposer devant nous les principales dispositions de ce texte et répondre aux questions de notre commission.
Notre commission est particulièrement attentive aux questions liées à la lutte contre la fraude fiscale : elle a procédé à de nombreuses auditions sur ce sujet ces dernières années, notamment au moment de l'affaire dite des Panama Papers, et nous avons constitué en janvier un groupe de suivi des questions liées à la fraude et à l'évasion fiscales.
Le projet de loi, qui comporte onze articles, traite de divers sujets qui nous sont familiers : articulation entre procédure administrative et procédure judiciaire, liste des États et territoires non coopératifs (ETNC), échange d'informations entre administrations fiscales, obligations déclaratives des plateformes en ligne, rôle des intermédiaires qui proposent des schémas d'optimisation fiscale etc.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. - J'ai présenté ce projet de loi ce matin même en Conseil des ministres. C'est d'abord devant vous que je viens l'exposer, car votre commission et votre assemblée ont particulièrement travaillé sur ces sujets. Le projet de loi pourrait d'ailleurs être examiné en premier lieu au Sénat, ce qui serait un juste hommage rendu à votre travail collectif.
L'impôt est un des fondements de la démocratie moderne. Le consentement à l'impôt repose d'une part sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui porte sur l'égalité devant la loi, notamment fiscale, et d'autre part sur son article 13, qui prévoit une contribution commune, également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Or, il est attaqué de trois manières. Premièrement, quand l'impôt devient trop lourd, au point d'être qualifié d'obèse. Les points de vue sur ce point divergent entre partis politiques ; le Gouvernement a pris un certain nombre d'initiatives pour diminuer les prélèvements obligatoires afin que trop d'impôt ne tue pas l'impôt. Deuxièmement, nous constatons sur notre continent des différences importantes de fiscalité allant parfois jusqu'au dumping fiscal. Avec Bruno Le Maire, nous nous efforçons de rétablir au niveau européen une fiscalité plus harmonisée, comme en témoignent les annonces récentes sur la fiscalité des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Troisièmement, la fraude est sans doute l'attaque la plus sérieuse contre l'impôt : elle n'est rien d'autre que du vol et une attaque inacceptable contre le pacte républicain et la solidarité nationale.
Ce projet de loi est en quelque sorte le pendant du texte sur le droit à l'erreur - le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, actuellement en discussion -, qui reconnaît la bonne foi du contribuable, mais n'est pas la licence de frauder : si l'administration doit accompagner le contribuable qui se trompe de bonne foi, elle doit être implacable contre la fraude avérée.
Ce texte prévoit dans sa première partie le renforcement des moyens de détection et de caractérisation de la fraude. D'abord, il crée une police fiscale au sein du ministère chargé du budget, sous l'autorité d'un magistrat et complémentaire de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) qui travaille déjà au ministère de l'intérieur. Sa proximité avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) sera un atout. Les magistrats pourront lui confier les cas de fraude fiscale n'ayant pas de connexion apparente avec d'autres grands délits. Elle comportera entre 30 et 40 agents spécialistes de la fraude fiscale et de son blanchiment. Cela témoigne de la volonté de Bercy d'employer des moyens plus forts, et notamment des compétences d'officier de police judiciaire et la possibilité de procéder à des écoutes téléphoniques, interceptions de renseignement, filatures etc. La fraude fiscale, lorsqu'elle est importante et caractérisée, doit être traitée comme une grande infraction pénale. Il convient donc d'harmoniser les outils dont disposent les administrations, notamment entre les douanes et leurs homologues de la DGFiP.
L'article 3 prévoit l'utilisation du data mining et d'algorithmes afin de mieux repérer des fraudeurs qui utilisent des montages de plus en plus complexes. L'article 4 oblige les plateformes de l'économie collaborative à déclarer les revenus perçus par leurs utilisateurs et par les intermédiaires. Lors de la discussion d'un amendement présenté par votre commission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, j'avais promis qu'après avoir aidé des collectivités locales à récupérer le juste impôt s'agissant de la taxe de séjour, la DGFiP aurait des moyens juridiques pour connaître ces revenus.
La seconde partie du projet de loi vise quant à elle à renforcer les sanctions contre la fraude. Avec les articles 5 et 6, nous utilisons une logique nouvelle et qui a déjà fait parler d'elle à l'étranger, le name and shame, littéralement « nommer pour faire honte », c'est-à-dire l'obligation de publier les sanctions pénales et la possibilité de publier les sanctions administratives envers les personnes morales qui auraient fraudé. C'est une question de transparence. Et la réputation d'une entreprise, notamment sa réputation fiscale, sera sans doute une exigence de plus en plus importante de nos concitoyens.
L'article 7 crée des sanctions contre les tiers facilitant la fraude fiscale et sociale. Il ne suffit pas de lutter contre les fraudeurs et de les condamner, encore faut-il tarir la source des montages frauduleux. La loi ne sanctionne certes pas l'optimisation - même si on peut porter sur elle un jugement moral - et le conseil est toujours possible, non pas pour échapper à l'impôt, mais pour l'optimiser. Mais ceux qui conçoivent et proposent des schémas frauduleux doivent être empêchés de nuire.
L'article 8 permet au juge de définir une proportion du produit tiré de l'infraction qui pourra désormais atteindre le double de ce produit pour une personne physique, et dix fois ce produit pour les personnes morales : le but est qu'on ne puisse plus compter sur la faible probabilité d'être contrôlé.
L'article 9 vise à instituer une procédure de comparution immédiate sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière fiscale, qui existe déjà pour le blanchiment de fraude fiscale. Cet article accélérera les procédures et permettra de récupérer les sommes que les Français souhaiteraient légitimement voir participer au budget.
L'article 10 renforce les sanctions applicables aux cas d'injures, de maltraitance ou encore de troubles à l'exercice des fonctions des agents des douanes, ainsi qu'en cas de refus de communication des documents réclamés pour que ceux-ci puissent travailler correctement. Cet article 10 ne fera pas, je crois, l'objet de beaucoup de contestation, tant le travail des douaniers est admirable.
Enfin, la liste française des ETNC sera élargie à l'ensemble des juridictions figurant sur la liste européenne des paradis fiscaux. L'article 11 permettra de leur appliquer les mêmes sanctions que celles que prévoit notre législation nationale - qui sont par ailleurs inexistantes au niveau européen. La France continuera à être en pointe sur ce sujet, après ce qu'ont fait les anciens présidents de la République, Nicolas Sarkozy sur le secret bancaire et François Hollande sur la lutte contre l'optimisation fiscale agressive dans le cadre de l'OCDE.
On entend souvent que le montant global de la fraude serait compris entre 60 milliards d'euros et 80 milliards d'euros. Cette estimation provient d'organisations non gouvernementales (ONG), qui font un travail très important. Toutefois, il ne faudrait pas considérer que l'intégralité de cette somme pourrait être récupérée telle quelle - nous dispensant par là-même de réaliser des économies. L'année dernière, nous avons récupéré quelque 12 milliards d'euros dans le cadre du contrôle fiscal, sur un total de 20 milliards d'euros redressés. De plus, il est très difficile d'évaluer objectivement le montant de la fraude. Plutôt que d'entrer dans une bataille de chiffres, je propose d'organiser un travail collectif associant le Parlement et les ONG pour objectiver ce montant. C'est une exigence de transparence que nous devons à nos concitoyens. Je pourrais réunir tous les six mois au ministère l'ensemble des parties prenantes avec l'administration.
Autre sujet : le verrou de Bercy. Ce n'est pas l'objet de ce texte : une mission commune d'information de l'Assemblée nationale s'y consacre en ce moment. Par courtoisie envers les députés, je ne vais pas vous donner aujourd'hui ma position définitive, mais je suis attentif aux améliorations que nous pourrions apporter afin de rendre les choses aussi transparentes que possible. Chacun doit comprendre que la lutte contre la fraude est un sujet de société et doit aboutir, notamment pour les cols blancs, à des condamnations exemplaires, et nous avons aussi un devoir de récupérer ces sommes pour notre budget.
Enfin, mon avis personnel, sur lequel le Président de la République et le Premier ministre m'ont donné quitus, est qu'il y a au sein même de l'Union européenne des pays qui, s'ils ne peuvent pas être qualifiés de paradis fiscaux, contribuent à l'organisation d'une évasion fiscale. Nous ne devons pas être naïfs. Le commissaire européen à la fiscalité et à l'Union douanière, Pierre Moscovici, a cité certains de ces États. Certes, la règle est l'unanimité en matière fiscale au niveau européen. Je me rendrai toutefois personnellement dans ces pays pour dire que la France ne peut pas continuer à accepter au sein même de l'Union européenne des dispositions qui permettent d'éviter l'impôt.
Nous avons rédigé un texte aussi court que possible, afin d'avoir des discussions efficaces. Nous n'avons pas souhaité changer la législation fiscale, ce qui est l'objet du projet de loi de finances. Il s'agit avec ce texte de renforcer les moyens juridiques du contrôle et des sanctions, pour que le juste impôt soit payé une fois que le Parlement a voté le budget.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci, monsieur le ministre, de venir, presqu'à la sortie du conseil des ministres, présenter à la commission des finances ce projet de loi de lutte contre la fraude fiscale. Au Sénat, deux commissions d'enquête se sont penchées sur la question il y a déjà quelques années. Nous avons travaillé aux conséquences de la révolution numérique et au rôle des plateformes de l'économie collaborative. Nous partageons votre volonté de lutter contre la fraude fiscale et ce court texte comporte des avancées. Nous souhaiterions améliorer ce projet de loi autant que possible.
L'article 1er crée une deuxième police fiscale. Outre les chiffres des ONG, nous disposons des estimations de la Commission européenne, notamment sur le « manque à gagner » en matière de TVA - qui regroupe d'ailleurs dans une certaine confusion l'optimisation fiscale, la fraude fiscale et les taux réduits. Les fraudes carrousel continuent, sans compter les autres grandes fraudes, internationales notamment. Cette nouvelle police fiscale sera un outil supplémentaire face à ce qui constitue un crime organisé à l'échelle internationale. Nous avons eu un débat sur les moyens de recouvrement de la TVA, sur l'autoliquidation. À la différence d'autres impôts, la TVA n'est pas simplement un impôt national.
Tous nos collègues qui ont participé au groupe de travail sur les assiettes fiscales et le recouvrement de l'impôt à l'heure du numérique sont maintenant bien au fait de ces différents sujets, et ne peuvent que se réjouir de l'article 4, qui oblige les plateformes en ligne à déclarer automatiquement les revenus des utilisateurs à l'administration fiscale. Le Sénat l'avait proposé dès 2015 : mieux vaut tard que jamais. Dès lors que tous les revenus des utilisateurs des plateformes seront déclarés, pensez-vous que cela conduira à une évolution de la fiscalité qui leur est applicable ? Quid de l'effectivité de cette obligation déclarative ? L'amende forfaitaire globale de 50 000 euros semble bien faible au vu du chiffre d'affaires d'entreprises comme Amazon ou Uber.
L'article 3 prévoit un droit d'accès des administrations sociales aux fichiers de la direction générale des finances publiques (DGFiP), mais on a l'impression que cela se passe toujours à sens unique : l'administration fiscale n'a pas un tel accès direct et systématique aux fichiers des organismes de sécurité sociale. Pourquoi ?
L'article 7 prévoit une pénalité administrative pour tous les intermédiaires qui commercialisent des schémas fiscaux frauduleux. Quelle articulation avec le projet de directive de la Commission européenne qui prévoit une obligation de déclaration préalable de ces schémas à l'administration fiscale ?
L'administration fiscale va avoir recours à des moyens informatiques puissants et à des algorithmes : tant mieux, car c'est en croisant les fichiers que l'on peut mieux lutter contre la fraude, mais quels sont les moyens engagés ?
Quant au verrou de Bercy, la position d'une grande partie de la commission des finances est que l'autorité judiciaire n'aura sans doute pas beaucoup de moyens pour traiter l'ensemble du contentieux fiscal, qui est technique, et que ce serait une folie de lui transmettre tout le contentieux fiscal. Il faut donc un mécanisme de tri. On peut améliorer la transparence sur les critères de transmission à l'autorité judiciaire, ou encore modifier la composition de la commission des infractions fiscales (CIF). Toutefois, au-delà même de la technicité, la sanction fiscale me paraît beaucoup plus efficace que la sanction pénale : rappelons que le jugement de certains délits boursiers peut prendre vingt ans ! Le caractère dissuasif de la loi pénale est crucial, mais le ministère de la justice ne disposera pas demain de 3 000 postes de magistrats pour traiter l'ensemble des contentieux fiscaux. Nous sommes donc pour un aménagement mais pas pour une suppression du verrou de Bercy.
M. Vincent Éblé, président. - L'article 1er prévoit la création d'une police fiscale rattachée directement à Bercy. Pourtant, il existe déjà une police fiscale, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), créée en 2010 au sein du ministère de l'Intérieur et dotée de pouvoirs de police - perquisitions, écoutes etc. - qui s'est notamment illustrée dans les affaires Cahuzac, HSBC ou Google. En quoi deux polices fiscales seront-elles plus efficaces qu'une seule ? Leurs champs de compétence et leurs pouvoirs respectifs seront-ils différents, sachant que ni l'une ni l'autre ne peut s'autosaisir ? N'est-ce pas avant tout une question de moyens, davantage que de rattachement ? Et si oui, quels seront ces moyens ? Les nouveaux officiers fiscaux judiciaires seront-ils en priorité des policiers ou des agents de la DGFiP ?
Au-delà du texte proposé ici, qu'en est-il de la possibilité pour la DGFiP de rémunérer des informateurs, sur le modèle de ce que fait la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), par exemple en échange de listes comme la liste HSBC ? Cette disposition, votée en loi de finances pour 2017, est-elle utilisée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je partage l'avis du rapporteur général sur la faiblesse de l'amende concernant les obligations des plateformes en ligne : le montant pourra le cas échéant être modifié par des amendements. Nous avons songé aussi à l'interdiction du site. En tout, 276 plateformes opèrent en France, et elles n'ont pas toutes le même poids. Elles permettent à nos concitoyens de percevoir des compléments de revenus, ou d'exercer une activité à part entière. Il ne s'agit ni de décourager l'innovation, ni d'être naïfs.
Avec l'article 1er, nous n'avons pas voulu remplacer la BNRDF du ministère de l'intérieur, et nous ne lui prenons pas des effectifs pour les mettre dans la police fiscale de Bercy. Nous créons un deuxième service, sous l'autorité d'un magistrat, lequel choisira à quel service confier l'enquête. Le champ d'enquête de la BNRDF est plus large que les seuls dossiers de présomption de fraude fiscale, qui sera celui de la police fiscale telle que nous l'imaginons. La DGFiP a déposé l'année dernière plus de 500 plaintes pour présomption de fraude fiscale, portant sur quasiment 5 milliards d'euros d'actifs dissimulés. Ni l'autorité judiciaire ni la BNRDF n'ont été au rendez-vous : l'instruction de toutes ces plaintes est complexe et spécifique. D'où l'idée de donner aux magistrats la possibilité de choisir entre les deux services. Déjà, le service national de douane judiciaire (SNDJ) fait un excellent travail à Bercy, sous l'autorité d'une magistrate. L'année dernière, ses agents ont permis de saisir près de 800 millions d'euros. La possibilité de saisir le nouveau service créé à Bercy aidera à faire avancer les dossiers purement fiscaux, qui sont sans doute, actuellement, moins prioritaires que des dossiers comportant une dimension criminelle.
Par ailleurs, cela nous donnera de nouveaux pouvoirs d'enquête : filatures, écoutes téléphoniques, interception des échanges... Ces pouvoirs sont très importants pour caractériser la fraude. La douane les utilise déjà, sous la responsabilité d'une magistrate et sous le contrôle du Parlement et de l'autorité administrative ad hoc. Lorsque des douaniers, dans un port français, posent des balises et suivent une marchandise pour caractériser un trafic, ils réalisent des interventions qui ne relèvent pas simplement de la vie administrative. Si l'on refuse ces moyens à Bercy, il ne faut pas lui demander d'aller plus loin, plus fort et plus vite sur la fraude !
Nous imaginons un service comparable au service national de douane judiciaire.
Je n'ai pas bien compris votre question sur l'article 7. Vous êtes d'accord pour lutter contre les montages potentiellement frauduleux en sanctionnant les intermédiaires...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Une proposition de directive prévoit en outre leur déclaration obligatoire préalable à l'administration fiscale.
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'article 7 n'est pas la transposition de cette disposition. Nous souhaitons distinguer l'optimisation ou l'aide à bien remplir ses obligations fiscales que proposent les sociétés de conseil ou les avocats, et l'organisation de montages frauduleux qui impliquera une sanction.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - S'agissant de l'obligation de déclaration préalable, pensez-vous qu'un avocat qui propose un schéma permettant de frauder va le déclarer ? Tracfin, par exemple, est alimenté essentiellement par les banques, mais pas par les avocats. N'est-ce pas une mesure d'affichage de la part de la Commission européenne ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - La directive concerne la déclaration préalable des montages internationaux, alors que ce texte propose des mesures nationales de sanction des montages frauduleux, que la transposition viendra utilement compléter. Certes, le cabinet qui propose des montages frauduleux ne les déclarera pas, mais ceux qui font les contrôles fiscaux ont parfois des éléments qui prouvent que le montage est frauduleux. Aujourd'hui, faute de dispositions législatives, aucune sanction administrative n'est possible contre les tiers.
Le dispositif relatif aux aviseurs de la DGFiP a été mis en place par le Gouvernement précédent. En 2017, il n'a été utilisé que pour un cas. Plusieurs autres cas ne sont pas totalement vérifiés et les personnes concernées ne sont donc pas encore reconnues comme aviseurs par la DGFiP.
M. Éric Bocquet. - Merci, monsieur le ministre, de venir au Sénat pour présenter ce projet de loi. Je voudrais saluer certaines avancées réelles dans ce texte. La reconnaissance des facilitateurs était une proposition de notre commission d'enquête en 2013 : on ne peut pas s'évader sans un peu d'aide, évidemment. De même, le travail de notre commission sur les obligations déclaratives des plateformes en ligne a été intégré.
Hélas, il y a des insuffisances, des manques et certaines ambiguïtés, et ce texte ne va pas aussi loin que l'exigerait l'ampleur du problème. La police fiscale est une très bonne idée. Elle comptera à terme 30 à 50 agents détachés sur cette mission particulière. Pour autant, je ne peux pas manquer de rappeler les nombreuses suppressions de postes au sein de la DGFiP ces cinq dernières années : 3 200 suppressions d'emplois ! Nous sommes donc encore loin du compte en termes de personnes physiques pour effectuer ces contrôles sur place.
La publicité des rescrits fiscaux avait été évoquée : où en est-on ?
Si on ne supprime pas le verrou de Bercy, la porte ne s'ouvre pas et le dispositif pénal ne pourra pas être actionné. À l'Assemblée nationale, une mission commune d'information continue de travailler sur le sujet, mais vous avez déclaré à la télévision que ce verrou serait maintenu, avant d'évoquer certains aménagements : il faudrait préciser les choses. Nous sommes nombreux à penser qu'il faudrait purement et simplement supprimer le verrou de Bercy, et laisser à l'autorité judiciaire les mains libres sur ce sujet. Le fait que le ministre chargé du budget soit le seul à pouvoir décider d'enquêter sur sa propre personne est dévastateur... L'an dernier, sur 16 000 manquements graves constatés, il y a eu seulement 1 000 poursuites pénales.
La liste française des paradis fiscaux n'est pas crédible, malheureusement. Par exemple, les Bermudes n'y figurent pas. Ils avaient été inscrits en janvier 2014 pour en être retirés l'année suivante. Inimaginable après les Paradise Papers ! Y a-t-il eu des engagements pris par les Bermudes au regard de l'administration française ? J'en doute.
Le plaider-coupable est-il si nouveau ? N'est-ce pas analogue à la convention judiciaire d'intérêt public qui figurait dans la loi Sapin 2 ? Les révélations successives de ces dernières années sont difficiles à comprendre pour nos concitoyens, choqués par l'idée qu'on peut verser 300 millions d'euros pour échapper à un procès. Ce n'est pas la bonne démarche.
Les lanceurs d'alerte ont contribué ces dernières années à la manifestation de la vérité sur les affaires les plus spectaculaires et permis la récupération concrète de deniers publics. Il faut que leurs responsabilités soient cadrées très précisément mais nous n'avons pas affaire à des fous furieux : ce sont des gens qui ont une éthique, ce qui est rare. Nous pourrions donc davantage nous appuyer sur eux.
Bref, en dépit des avancées constatées, il manque des outils.
Sur les schémas d'optimisation fiscale à transmettre à l'administration : il s'agit d'une des propositions formulées en 2013 dans le rapport de notre commission d'enquête et qui fut, malheureusement, censurée à deux reprises par le Conseil constitutionnel dans les lois de finances pour 2014 et pour 2015. Après Bercy, il y a encore un verrou ! Votre texte ne crée pas d'obligation de déclarer les schémas d'optimisation fiscale, mais les débats au Sénat y veilleront.
M. Roger Karoutchi. - Je représentais la France à l'OCDE en 2010 lorsqu'on parlait de paradis fiscaux. On a alors établi, à la demande d'un Français, Pascal Saint-Amans, une liste des territoires non-coopératifs. Elle comportait de grands États. Il y eut ensuite une négociation entre l'OCDE et l'Union européenne et, dans la première liste de l'Union européenne, des États relativement importants étaient encore intégrés. Puis il y eut une liste française où il y avait encore des États relativement importants. Aujourd'hui, huit ans après, il n'y reste plus que des rochers au milieu de l'océan. Si on pouvait trouver une poussière quelque part pour en faire un territoire non coopératif, ce serait parfait ! Avez-vous engagé avec vos collègues européens une discussion sur ce problème ? Montrer du doigt des îlots où l'on sait très bien que ne passe qu'une partie de la fraude, ça ne donne pas le sentiment qu'on soit prêt à s'attaquer réellement, complètement, totalement à la fraude qui profite des paradis fiscaux.
M. Sébastien Meurant. - J'apprécie vos déclarations sur l'impôt obèse : c'est un sujet qui tient à coeur à certains d'entre nous, mais je ne vois pas comment diminuer les impôts si on ne s'attaque pas réellement aux dépenses publiques.
Il faut harmoniser la fiscalité en Europe : pour les particuliers, avec le Portugal, pour les entreprises, avec l'Irlande, pour les impôts sur les entreprises, avec les pays de l'Est, qui cherchent à attirer les capitaux et les entreprises. Comment traiter les facilités de montage spécial et autres holdings hollandais ou du Benelux ?
Nous étions il y a quelques semaines à Roissy avec les douaniers, qui nous ont expliqué que des dizaines de millions de plis échappent aux droits de douanes et à la TVA. Et ces équipes de douaniers comptent vingt personnes pour un effectif théorique de trente. Pour lutter contre la fraude fiscale, il faut notamment renforcer les moyens. En avez-vous l'intention ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - Le renforcement de moyens juridiques est une chose, mais on ne peut s'empêcher de penser au renforcement des moyens humains. Un rapport récent d'évaluation de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale montrait que la principale difficulté n'était pas forcément le manque de moyens juridiques mais le manque de moyens en personnel, et notamment en compétences particulières. Nous attendons donc des engagements de votre part.
Certes, les responsables des cabinets de conseil ou d'avocats qui prennent des libertés avec la loi n'iront pas eux-mêmes se dénoncer, mais leur salariés, peut-être. Cela pose donc la question de la protection des lanceurs d'alerte.
Mme Nathalie Goulet. - Merci de nous offrir un véhicule pour améliorer les dispositions que vous nous proposez sur le verrou de Bercy. La nouvelle police fiscale bénéficiera-t-elle d'une formation spéciale ?
Nous avons eu la semaine dernière un débat sur les territoires non coopératifs, qui montrait que la liste européenne n'était pas satisfaisante, non plus que la liste française. Comment associer le Parlement à l'établissement de cette liste ?
Enfin, que pouvez-vous nous dire des 1,8 million de faux numéros INSEE signalés l'année dernière ?
M. Claude Nougein. - Il y a la fraude fiscale et l'erreur de bonne foi. Souvent, lors de contrôles fiscaux, on constate des différences d'évaluation, notamment lors de donations ou de successions. J'ai contribué à un rapport sénatorial sur les transmissions d'entreprises. Les patrons d'ETI en viennent à ne plus vouloir transmettre, faute de savoir comment évaluer leur entreprise. Certes, l'administration fiscale termine toujours par des transactions, avec intelligence, car on ne sait jamais où est la vérité. Mais il ne faudrait pas que ces situations soient assimilées à des fraudes. Ce n'est pas le cas dans votre esprit ni dans votre ministère, mais ce peut être le cas dans l'esprit de certains médias ou associations que je qualifierais de malfaisants. C'est pourquoi je suis plutôt favorable au maintien du verrou de Bercy. Sinon, des associations pourraient porter plainte directement pour obtenir un redressement fiscal et une condamnation. Faire croire que toutes les entreprises qui ont un redressement sont des fraudeurs serait très dangereux : n'ajoutons pas à l'antiparlementarisme un esprit hostile aux entreprises !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je n'en dirai pas plus sur le verrou de Bercy par courtoisie envers la mission commune d'information de l'Assemblée nationale.
M. Vincent Éblé, président. - Une proposition de loi sur ce sujet a été déposée au Sénat...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je suis à la disposition du Parlement, mais encore faudrait-il que les assemblées fassent leur travail de contrôle : voilà sept ans que le président de la CIF n'a pas été auditionné, ni par la commission des finances du Sénat, ni par celle de l'Assemblée nationale, alors que c'est votre travail de le faire ; le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat s'apprêtent à y reconduire des personnalités qualifiées sans aucune audition par les commissions.
Pour les ETNC, la France a un seul critère : celui de l'assistance administrative. La liste européenne a ses défauts, mais compte plusieurs autres critères. Elle comporte d'autres pays qui complètent la liste française. Son défaut est de reposer sur un principe déclaratif, sans véritable vérification. À partir de 2019, l'Union européenne passera du déclaratif au constaté. La France devrait lui emboîter le pas.
Sébastien Meurant arrive, dans la même intervention, à dire qu'il faut diminuer la dépense publique et à réclamer plus d'effectifs ! Le projet de loi de finances pour 2018 a créé des postes chez les douaniers. Il est vrai que ceux-ci sont parfois moins présents à Roissy, à Orly, et dans les Hauts-de-France, et davantage dans le Sud de la France. Tout n'est pas une question de manque de moyens, mais aussi de répartition. D'ailleurs, la DGFiP compte près de 100 000 agents, et les effectifs concernant le contrôle n'ont pas changé : 12 000 agents pour la chaîne du contrôle sur pièces et 4 000 pour le contrôle fiscal externe. Les suppressions d'effectifs dans la DGFiP résultent de projets informatiques mais n'ont jamais pour objectif de faire des économies sur le contrôle. On peut toujours ajouter quelques milliers de contrôleurs fiscaux, cela ne réglera pas le problème si on ne leur donne pas les moyens juridiques et les moyens techniques adéquats.
Je plaide coupable : lorsqu'il a fallu prendre des mesures de régulation budgétaire, nous avons annulé des projets informatiques. Or l'informatique, les algorithmes et les données vont aider les contrôleurs fiscaux à travailler, en permettant de déceler presque avec certitude les endroits où il y a de la fraude.
La loi de finances pour 2017 a donné un cadre sur la question des aviseurs de l'administration fiscale. En 2017, nous ne sommes pas encore entrés dans cette culture. J'irai jeudi matin visiter les services concernés à Pantin. Nous devons faire évoluer notre culture administrative : un seul aviseur, ce n'est pas assez.
S'agissant des listes de paradis fiscaux, il est vrai qu'à l'intérieur même des pays de l'Union européenne, certains États posent problème. Au lendemain de la crise financière, le président Nicolas Sarkozy a mis fin au secret bancaire. Quand je suis devenu ministre, nous avons finalisé quelques conventions fiscales avec des pays qui n'étaient pas très coopératifs. Dans les Panama Papers, il n'y a pas vraiment de noms français mis en cause, d'ailleurs. Avec le président François Hollande, en coopération avec l'OCDE, la France a aussi fait son travail - Pascal Saint-Amans est le premier à le reconnaître. Il y a aujourd'hui dans l'Union européenne des pays qui laissent faire de l'évasion fiscale. Nous devons le combattre. Les Pays-Bas ont fait d'importants efforts en ce sens, qu'il convient d'encourager. D'autres pays restent plus discrets.
Je prendrai donc mon bâton de pèlerin pour me rendre prochainement à Malte et en Irlande. Nous devons être francs avec nos amis ; il ne sert à rien d'alourdir notre législation fiscale et de dresser des listes des États non coopératifs hors de l'Union européenne si nous ne réglons pas le problème entre nous - d'autant que le commissaire européen Pierre Moscovici, engageant la Commission européenne, a désigné nommément certains pays. Vos propos sont frappés au coin du bon sens.
En réponse à Nathalie Goulet, les agents dotés de pouvoirs de police judiciaire recevront une formation de neuf mois. Cette nouvelle police fiscale regroupant une cinquantaine de personnes sera donc opérationnelle début 2020. Le service national de douane judiciaire, créé il y a quinze ans, est l'exemple à suivre. Le directeur général des finances publiques et moi-même sommes à votre disposition pour vous apporter des précisions.
Je crains de décevoir Claude Nougein : lorsqu'il y a un désaccord entre le citoyen et le fisc, c'est souvent ce dernier qui a raison... Dans tous les cas, un recours juridictionnel est possible. Les contribuables peuvent demander un rescrit à l'administration, notamment en cas de difficulté de transmission d'entreprise ou d'évaluation. Dans le cadre du droit à l'erreur, je me suis engagé à prendre les mesures réglementaires pour la publication de ces rescrits, ce qui répond à la préoccupation d'Éric Bocquet. Ce sera fait avant l'adoption définitive de ce projet de loi.
M. Jean-François Rapin. - Comme le rapporteur général, je me félicite de ce texte tant attendu et bien construit. Vous avez annoncé que vous prendriez votre bâton de pèlerin pour la construction d'une Europe fiscale. Nous vous en savons gré, mais ce sera compliqué, puisque la position de la France en faveur d'une harmonisation de la supervision des marchés financiers européens n'est pas entendue par certains partenaires majeurs. Comment voyez-vous les choses ? Un leadership français sur cette question est-il tenable ?
M. Marc Laménie. - Merci pour cet exposé clair et pédagogique. Comment lutter contre la fraude sociale ? Quant à la fraude douanière, la visite de notre commission à Roissy nous a révélé des pratiques que nous ne soupçonnions pas. La contrefaçon est un fléau qui engendre un manque à gagner considérable.
Or la DGFiP est l'une des administrations qui ont perdu le plus d'emplois, alors que le volet humain reste particulièrement important sur le terrain, surtout dans les départements ruraux. Je relaie également les craintes des débitants de tabac dans les départements transfrontaliers comme le mien, celui des Ardennes. Des milliards d'euros sont en jeu.
M. Emmanuel Capus. - Ce projet de loi est de bon sens. Le rapport d'activité de Tracfin publié hier montre une croissance exponentielle des chiffres de la fraude et du blanchiment. Vous avez promis des moyens humains supplémentaires, mais n'aurait-il pas fallu introduire dans ce projet de loi des outils juridiques tels que la possibilité pour Tracfin de s'autosaisir ?
Sur le « name and shame », je m'associe à la question d'Éric Bocquet : en 2010, le Conseil constitutionnel a condamné le dispositif, en jugeant l'automaticité de la publication des décisions contraire au principe d'individualisation de la peine. Comment comptez-vous faire fonctionner cette mesure ?
Enfin, le prix Nobel d'économie Jean Tirole a estimé que les cryptomonnaies étaient trop souvent utilisées à des fins de fraude ou d'évasion fiscale. Est-ce un problème marginal ou pris au sérieux par vos services ?
M. Thierry Carcenac. - Ne boudons pas notre plaisir : toute loi contre la fraude fiscale est bonne à prendre. L'article premier est particulièrement bienvenu. Depuis 2002, le service national de douane judiciaire a montré l'utilité de pouvoirs de police judiciaire dans ce domaine. Cependant, la question essentielle reste la coordination entre les différents services. Un important travail reste à faire, même si la police fiscale sera sous l'autorité d'un magistrat. La fraude fiscale se conjugue souvent à la criminalité.
Je m'interroge sur le plaider-coupable. Combien d'affaires ont été traitées dans le cadre de la convention judiciaire d'intérêt fiscal ? Il faut que ces données soient rendues publiques, surtout si vous souhaitez adapter et non supprimer le verrou de Bercy.
En matière de moyens, vous n'avez évoqué que le renforcement des outils juridiques et la sanctuarisation des effectifs dans le cadre du contrôle fiscal. Nous avions demandé dans un rapport et par des amendements le recrutement de profils de haut niveau, avec des rémunérations attractives, pour la mise en oeuvre du data mining. Qu'en est-il ?
Enfin, je souhaiterais, dans l'intérêt de la transparence, la publication d'un état des lieux sur la coopération fiscale entre États, en principe annexé au projet de loi de finances de chaque année mais que nous n'avons pas eu depuis 2016.
M. Jérôme Bascher. - Une question de l'ancien monde : voici dix ans était créée la délégation nationale à la lutte contre la fraude, fiscale et sociale, rattachée au ministère des comptes publics. Quel bilan en tirez-vous ? Votre projet de loi lui donnera-t-il davantage de moyens ? La fraude sociale, où des sommes pourtant beaucoup plus importantes sont en jeu, semble absente du texte.
Allez-vous maintenir la cellule de régularisation fiscale, le service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR) ? Fondée sur la bonne foi des contribuables, cette logique a rapporté beaucoup d'argent sous vos prédécesseurs Éric Woerth et Bernard Cazeneuve.
Le nouveau monde maintenant : au-delà de la question du blanchiment, l'évasion fiscale liée aux crypto-actifs s'explique aussi par une fiscalité très dissuasive, de l'ordre de 60 %. Des jeunes de moins de 18 ans qui gagnent des millions dans cette activité se déclarent à Malte pour convertir leurs actifs en argent. Il conviendrait donc d'adapter notre fiscalité, pour la rapprocher de celle qui pèse sur l'or.
M. Didier Rambaud. - Pouvez-vous présenter un point d'étape sur l'extension expérimentale, par un arrêté d'août 2017, du data mining au contrôle des particuliers ?
M. Philippe Dominati. - Nouvelle police dépendant d'un nouveau ministère, nouveaux articles, nouvelles sanctions renforcées - mais je m'étonne que dans l'exposé des motifs ne figure pas cette constatation simple : la fraude fiscale est proportionnelle aux prélèvements obligatoires, dans lesquelles la France est championne du monde. Le meilleur moyen de lutter contre cette fraude n'est pas, par conséquent, un nouveau tour d'écrou, mais une adaptation de notre fiscalité au nouvel environnement international, pour restaurer une fiscalité raisonnable comme celle de nos voisins.
M. Gérald Darmanin, ministre. - J'ai dit, dans mon propos introductif, que l'impôt était menacé par la fraude et le dumping fiscal, mais aussi par une certaine obésité qui peut décourager l'esprit d'une imposition juste. En revanche, je conteste le lien que vous établissez entre niveau des prélèvements obligatoires et fraude fiscale. Vous appartenez à un groupe politique qui considère l'impôt comme directement lié à la dépense publique. Or qu'il s'agisse des contrats aidés, du logement, des effectifs de la fonction publique, des chambres d'industries et de commerce, de l'écologie ou de la santé, ce groupe a voté contre toutes les baisses de dépenses publiques que je proposais ; sans compter les collectivités territoriales... Je vous invite donc à expliquer à votre groupe que pour baisser les impôts, il faut commencer par réduire les dépenses !
M. Philippe Dominati. - Je n'appartiens à aucun groupe, je ne suis que rattaché. Mon vote est individuel.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je partage cependant votre opinion sur le niveau excessif de l'imposition en France.
En réponse à Didier Rambaud, d'après le directeur général des finances publiques, il est trop tôt pour faire un point d'étape sur le data mining. Je vous suggère de nous interroger à ce sujet dans un an.
En réponse à Jérôme Bascher, j'ai décidé de fermer le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) en décembre 2017, après quatre ans d'existence, considérant qu'il avait fait son oeuvre. Un bureau sera créé pour les déclarations des entreprises, sous des modalités que je suis prêt à détailler.
De nouvelles cryptomonnaies se créent chaque semaine. Ce ne sont pas, en réalité, de véritables monnaies : c'est quand elles sont transformées en argent qu'il faut les déclarer au fisc. La blockchain est d'inspiration libertarienne. Elle appelle une réflexion sur la garantie de ces monnaies, dont le cours varie dans un système fermé qui exclut l'inflation. Il y a aussi une concurrence entre ces actifs et des tentations d'évasion fiscale. Pour l'instant, rien ne permet de dire avec certitude que les cryptomonnaies sont utilisées pour financer les activités terroristes ou criminelles - des alertes ont été lancées en Amérique du Sud - mais Tracfin et nos services restent vigilants. C'est une question très importante.
En réponse à Emmanuel Capus, la raison d'être de Tracfin est l'analyse de données : l'auto-saisine ne serait pas justifiée. Nous avons néanmoins renforcé les effectifs de ce service de quinze agents. Dans deux semaines, je participerai, avec le directeur de Tracfin, à une conférence internationale sur le financement du terrorisme. Nous y rappellerons le rôle du service dans l'établissement d'une liste de collecteurs de l'État islamique, en collaboration avec la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Le renseignement fiscal s'intéresse de plus en plus au financement des activités terroristes, parfois très rudimentaire, parfois adossé à des associations sportives ou communautaires ou à des particuliers. J'ai rencontré les directeurs des grandes banques pour leur recommander de signaler les mouvements suspects sans attendre les demandes de Tracfin. Leur coopération est très efficace.
Plus généralement, il n'y a pas de coordination à proprement parler du renseignement fiscal à Bercy, même si je participe au Conseil de défense. Tracfin, la DGFiP et les douanes ont des échanges : le directeur de Tracfin rencontre annuellement celui du contrôle fiscal, et des agents des douanes sont détachés auprès de Tracfin. Nous travaillons néanmoins à rendre ces échanges plus réguliers.
Le Conseil d'État n'a pas formulé de réserves sur le principe du name and shame. Ce projet de loi le rend obligatoire, mais le juge pourra y déroger. Nous pensons que notre texte, tel que nous le présentons, respecte désormais la décision du Conseil constitutionnel. Il appartiendra le cas échéant au Parlement d'améliorer cette disposition.
En réponse à Thierry Carcenac, le plaider-coupable est bien élargi à la fraude fiscale mais non à la convention. Le recrutement de data scientists que vous demandiez dans votre rapport a été mis en oeuvre ; nous aurons l'occasion de présenter un point d'étape à l'occasion du prochain projet de loi de finances ou de la loi de règlement.
S'agissant de l'harmonisation fiscale, Bruno Le Maire, qui se trouvait au sommet du G20 de Buenos Aires la semaine dernière, sera davantage en mesure de répondre à la question de Jean-François Rapin sur les discussions en cours avec nos partenaires. Je lui transmettrai votre demande, à laquelle il pourra répondre sous forme écrite avant l'examen du texte en séance publique.
En réponse aux questions de Marc Laménie et de Jérôme Bascher, ce texte ne traite pas de la fraude sociale de façon spécifique. J'ai voulu un texte court, principalement ciblé sur la fraude fiscale. Je ne suis pas sûr qu'il soit opportun de mettre sur le même plan cette dernière, qui a une forte dimension internationale, et la fraude sociale qui concerne avant tout nos relations avec les départements, le budget de la Sécurité sociale et le ministère de la santé. Je suppose que des amendements seront déposés sur le sujet, auxquels je serai contraint de m'opposer... La fraude sociale fera l'objet d'un texte ultérieur. Je répondrai toutefois, avec la ministre de la santé et des solidarités, à vos questions légitimes sur ce point.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 h 25.