Mercredi 24 janvier 2018
- Présidence de M. Michel Magras, président -Audition de Mme Laura Flessel, ministre des sports, dans le cadre de l'étude de la délégation sur la jeunesse des outre-mer et le sport
M. Michel Magras, président. - Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, madame la ministre, pour ouvrir nos travaux sur le thème de la jeunesse des outre-mer et le sport. C'est notre première séance de travail de l'année, qui inaugure un programme extrêmement dense, et je saisis l'occasion pour présenter à toutes et à tous des voeux de belle et fructueuse année 2018, faite notamment d'accomplissement dans l'action au service de nos outre-mer.
Dans la perspective des prochains grands événements sportifs, notamment l'échéance olympique de 2024, et considérant la contribution notoire des outre-mer à l'excellence nationale, notre délégation a décidé de s'intéresser aux parcours offerts aux jeunes sportifs ultramarins visant la haute performance, ainsi qu'au développement et au rayonnement des territoires à travers le sport.
Pour mener à bien ce travail, nous avons désigné quatre rapporteures : Mesdames Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, et Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française. Je vous prie d'excuser l'absence de cette dernière aujourd'hui, retenue sur son territoire par la visite de la ministre des outre-mer, Annick Girardin, pour la clôture des Assises des outre-mer.
Je salue également nos collègues membres de la commission de la culture et du groupe d'étude sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs qui ont choisi de se joindre à nous pour votre audition, madame la ministre.
Madame la ministre, vous avez-vous-même porté haut les couleurs de notre pays, à la pointe de votre lame : quintuple médaillée olympique, dont deux médailles d'or, et championne du monde à six reprises, vous avez été la porte-drapeau de la délégation française lors des cérémonies d'ouverture des J.O. de Londres en juillet 2012. Depuis, vos vies ont été multiples puisque vous avez goûté au management sportif et au métier de journaliste, tout en siégeant, de 2010 à 2015 au Conseil économique, social et environnemental. Votre engagement associatif au service de la promotion de votre discipline favorite ou de causes telles que la lutte contre les discriminations et les inégalités caractérise également votre carrière fulgurante qui vous a conduite, aujourd'hui, aux plus hautes responsabilités.
Au regard de votre expérience et de vos attributions actuelles, vous entendre pour amorcer notre étude s'imposait.
Dans la perspective des prochains rendez-vous sportifs majeurs, et en particulier les échéances olympiques et paralympiques de Tokyo et Paris, vous avez affiché l'ambition d'un doublement du palmarès de médailles. Quelle place doivent, selon vous, occuper nos outre-mer face à ce défi et quelle stratégie entendez-vous mettre en place pour faire fructifier leurs potentiels ?
Par ailleurs, et plus généralement, vous avez présenté quatre axes structurant votre action :
- rayonnement de la France grâce au sport ;
- développement de la pratique sportive ;
- le sport comme vecteur d'intégration sociale et citoyenne ;
- et enfin, le sport comme instrument de santé publique.
Ces orientations me paraissent particulièrement en prise sur les réalités ultramarines et les enjeux de nos territoires. Aussi, nous souhaiterions savoir si des déclinaisons spécifiques seront mises en place outre-mer.
Mais, en tout premier lieu, nous aimerions recueillir votre témoignage sur votre trajectoire personnelle et les enseignements que vous en tirez pour les jeunes de nos outre-mer.
Ces questions et problématiques se retrouvent dans la trame qui servira de fil conducteur à nos débats et qui a été communiquée à votre cabinet, madame la ministre.
Je vous cède maintenant la parole puis nous passerons, dans un second temps, à la séquence des questions que vous poseront les rapporteures puis nos collègues de la délégation et de la commission de la culture.
Madame la ministre, c'est à vous !
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Je tenais à vous remercier de me permettre de m'exprimer devant vous sur la jeunesse et le sport en outre-mer, et plus généralement d'ailleurs sur le sport dans ces territoires. De son utilité à la pratique, en passant par un état des lieux des infrastructures, je pense que le sujet est vaste et mérite que l'on s'y intéresse de près. C'est pourquoi je me réjouis que votre délégation en ait fait un sujet d'étude en ce début d'année.
Dresser un état des lieux du sport en outre-mer n'est pas une chose facile. En effet, chaque territoire a ses particularismes et le développement du sport ne se fait donc pas de manière uniforme : les Antilles, la Guyane, Mayotte, La Réunion, la Polynésie, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, chaque cas est différent et les besoins ne sont pas les mêmes.
En comparaison de la métropole, il y a un déficit quantitatif et qualitatif évident en matière d'infrastructures : en moyenne, un tiers de moins d'infrastructures pour l'outre-mer, à quoi se rajoute la vétusté de nombre d'équipements. Les conditions climatiques imposent aussi des équipements adaptés, tant pour la pratique que pour l'entretien et la pérennité des infrastructures. Nous ne pouvons aussi ignorer les coûts de réalisation et de fonctionnement, qui sont très élevés.
Je sais que les attentes des ultramarins en matière de politique sportive sont importantes et elles sont légitimes. Je me suis engagée à développer le sport partout et pour tous - et tout au long de la vie -, à aller chercher trois millions de nouveaux pratiquants : les outre-mer ne seront pas oubliés, monsieur le président, vous pouvez me faire confiance.
Le plan de rattrapage d'un montant de 20 millions d'euros - 10 millions du ministère des sports et 10 millions du ministère des outre-mer - mis en place en 2017, visait d'ailleurs à répondre de manière structurelle aux carences de l'offre sportive par la combinaison de l'ensemble des politiques publiques, ville, santé, éducation.
Ce plan comportait plusieurs innovations :
- donner la priorité aux opérations sur les équipements sportifs de proximité existants ;
- organiser les conditions d'un diagnostic territorial approfondi, gage d'une planification des opérations de programmation efficace ;
- structurer la réflexion sur les équipements sportifs afin de garantir un retour sur investissement le plus élevé possible pour les collectivités territoriales partenaires et les utilisateurs.
Ce plan a donné d'excellents résultats avec 86 dossiers menés à terme pour un montant de 13 millions d'euros. C'est pourquoi, en 2018, j'ai décidé de poursuivre l'effort avec une nouvelle enveloppe de 7 millions d'euros pour les équipements à destination des outre-mer.
Nous devons donner les moyens et l'envie de pratiquer, et la proximité d'équipements est l'une des clés de cette pratique. Raisonner en termes de temps et non de distance, ça fait toute la différence quand le réseau de transport n'est pas optimum, comme c'est souvent le cas.
Le sport a de nombreuses vertus, mais je voudrais en mettre deux en avant aujourd'hui devant vous. La première, c'est qu'il est créateur de lien social et vecteur d'inclusion. En sport, les différences s'agrègent et rendent plus fort. En sport, on va vers l'autre, on apprend à le connaître qu'il soit dans notre équipe ou un adversaire. On apprend l'humilité, le respect, le dépassement de soi - la performance, la haute performance aussi -, et je parle aussi bien de la compétition que du sport loisir : pour moi, c'est une médaille à deux faces, et je n'oppose pas la haute performance à la pratique pour tous. Pratiquer le sport c'est aussi apprendre les codes du bien-vivre ensemble.
Ensuite, le sport est un formidable outil pour favoriser la santé et le bien-être et lutter contre l'effet de la sédentarité. Et c'est un enjeu encore plus important en outre-mer, où le diabète et les maladies cardiovasculaires frappent encore plus durement, avec une obésité plus marquée. Aux Antilles et en Guyane, un adulte sur deux est en surpoids. À Mayotte, 52 % des hommes et 79 % des femmes sont en surpoids. En Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, 87 % de la population est en surcharge pondérale. La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe et la Martinique ont les taux départementaux de prévalence du diabète les plus élevés de France : 10 % de la population de La Réunion et de Mayotte souffrent de diabète, soit deux fois plus qu'en métropole.
Il est désormais démontré que l'activité physique et sportive agit directement sur ces pathologies. Il est aussi démontré que le sport renforce l'efficacité des traitements anticancéreux, qu'il apporte aux personnes âgées dépendantes un réel réconfort. Des initiatives sont déjà lancées en métropole et en outre-mer. J'ai pu découvrir par exemple en Guadeloupe et en Martinique des innovations en ces domaines : la marche nordique en Martinique, les ateliers alimentation et sports pour les enfants, l'escrime ou le tir à l'arc en EHPAD.
Nous allons construire une stratégie sport santé et je souhaite que les outre-mer y soient très présents. Nous allons lancer des labellisations de « maisons sport - bien-être - santé » sur tout le territoire et en outre-mer, pour favoriser de nouvelles pratiques, des pratiques adaptées, avec un suivi personnalisé.
Voici le constat relatif au sport pour tous que je tenais à partager avec vous ainsi que les actions que nous allons mettre en oeuvre dès cette année pour l'outre-mer.
Je souhaitais aussi aborder avec vous la question des sportifs de haut niveau issus de l'outre-mer et qui font la fierté de notre pays, ici comme à travers le monde. Je suis quand même assez bien placée pour vous en parler un petit peu aujourd'hui, en toute fierté et humilité...
J'ai été détectée à 14 ans. J'ai commencé mon sport à 5 ans et demi, là où l'on ne parlait pas vraiment d'escrime mais là où l'escrime était déjà fortement établie. J'ai commencé à 5 ans et demi pour ne pas me retrouver en tutu rose. Je suis issue d'une famille de quatre enfants : deux filles, deux garçons. Mon père était météorologue et joueur de football ; il a été par la suite entraîneur de très bons clubs - le CSM, pour ne pas le citer, l'Arsenal, le Mondial -. Je ne l'ai pas connu comme athlète, mais comme entraîneur. Ses recommandations, ses convictions, son engagement m'ont forcément impliquée. Ma mère était dans l'enseignement. Elle disait : « Vous pouvez découvrir. En revanche, il faut la clé pour permettre d'ouvrir les portes pour l'ascension dans la vie professionnelle ». Effectivement, deux filles - deux tutus -, deux footballeurs : finalement non. J'ai eu la chance de voir une rétrospective d'un match de sabre, et cela a été le déclic : deux personnes en tenues blanches et non deux brindilles imitant Zorro, D'Artagnan, les trois mousquetaires... Et j'ai eu la chance, dans la ville de Petit-Bourg, d'avoir l'Office municipal de la culture et des sports (OMCS), qui existait encore et qui développait cette activité. Cela a été un déclic, un coup de foudre. Quarante ans après, je suis fière d'être ici devant vous, à parler de cette activité physique. Je ne sais plus si c'est le sport qui m'a découverte, ou bien moi. En tous les cas, nous avons fait quarante ans de pratique - vingt ans sous les couleurs de l'équipe de France - et aujourd'hui avec vous.
Lorsque j'ai été détectée à 14 ans, j'avais l'opportunité de venir m'entraîner ici en pôle. Je n'ai pas réfléchi deux fois : j'avais la possibilité de pouvoir continuer à escrimer en outre-mer, j'y suis restée. La fédération m'a dit que, à 18 ans, je pourrais ne pas avoir le niveau ; j'ai considéré que ce n'était pas grave. J'avais les infrastructures qui me permettaient de réussir, j'étais dans un écosystème géographique qui me permettait de rencontrer les Cubains, les Canadiens, les Colombiens, les Brésiliens. Alors que je n'étais pas en équipe de France, je pouvais faire les panaméricains et les championnats centraméricains. J'ai écouté la Marseillaise à Cuba, avant même d'être en équipe de France : cela m'a forgée. En revanche, je ne suis pas partie parce que c'était trop tôt, mais je suis partie réellement parce que j'avais mon confort, mon encadrement - c'est un déracinement de partir, il fallait que cela soit réfléchi -. Je suis partie le baccalauréat en poche, à 18 ans. J'ai eu la chance d'entrer à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), où c'était un peu la jungle de la performance, mais c'était également un choix. Je voulais me pousser dans mes retranchements, savoir si je pouvais intégrer l'équipe de France ou non, savoir si je pouvais rivaliser avec les Cubains dans le cadre de championnats du monde, alors qu'ils me faisaient rêver quand je les rencontrais dans les panaméricains. Je me suis donné le droit aussi de rêver et d'avoir un encadrement qui me permettait, ici en l'occurrence, d'aller chercher les meilleures équipes internationales. Effectivement, je suis arrivée à 18 ans en métropole, à l'INSEP. Pendant cinq ans, on m'a dit que j'étais l'éternelle remplaçante, que j'étais jeune, ce sport était un sport de maturité et qu'il fallait prendre le temps de s'adapter. Je me suis approprié le rythme, je me suis approprié le déracinement : cela a été en effet très dur. L'encadrement, l'écosystème de la performance doivent être très bien réfléchis pour les ultramarins. En revanche, je me donnais aussi le droit de ne pas écouter ceux qui disaient que septième, c'était bien. J'avais déjà entendu la Marseillaise, je suis donc allé chercher, en toute humilité mais avec une détermination exacerbée, la gagne. En 1995, un an avant les Jeux olympiques, j'ai eu la chance d'entrer en équipe de France. Là où on me disait que j'allais être stressée, j'ai pris du plaisir : je retrouvais cette dynamique que j'avais connue aux panaméricains, ce champ de drapeaux, ces couleurs qui venaient, ces uniformes, ces survêtements qui défilaient. J'ai pris plaisir à aller chercher la médaille mondiale. Je rentre des championnats du monde avec deux médailles : une médaille de bronze, en individuel, et une deuxième place en équipe. Je me disais que si c'était cela, la compétition, je signais. L'année suivante, les Jeux olympiques à Atlanta. Pour ceux qui ne le savent pas, l'épée féminine, que je pratiquais, entraient cette année 1996 pour la première fois dans cette grande famille de l'olympisme. Dans cette jungle de la haute performance, j'ai gagné ma sélection : il fallait se faire sa place et même avec deux médailles mondiales, je n'étais pas sélectionnée un mois avant ces Jeux olympiques et paralympiques ; il fallait faire deux fois plus. Un mois avant la sélection, je fais un hold-up : je deviens première française et ce statut me permet d'être qualifiée, sélectionnée d'office sans attendre le vote de la commission. Je rentre dans cette aventure olympique que je finirai avec deux médailles d'or. Deux médailles d'or, sans être championne de France, deux médailles d'or sans être championne d'Europe, deux médailles d'or sans être championne du monde. Je suis allée chercher les titres dans le désordre, parce que ce qui me plaisait, c'était de me dépasser, d'être au sein d'un écosystème de la réussite, de la performance. Je me suis rendu compte qu'être aux côtés des meilleurs c'était aussi parler de durabilité. Effectivement, je me suis mise en danger en étant dans un environnement où il y avait beaucoup d'étrangers : cela m'a permis de me remettre en question en permanence. Cela a duré vingt ans. C'est donc possible : mais avec un écosystème encore performant.
C'est mon rôle aujourd'hui de travailler avec cet équilibre autour de la performance et du développement du sport pour tous et partout. Il faut intégrer un groupe, tous les acteurs du mouvement sportif en réalité. Cela passe par un travail qui va être lancé dès la semaine prochaine sur la nouvelle gouvernance du sport français. Nous allons ouvrir six mois de concertation pour travailler avec tous les acteurs qui vont nous permettre d'aller chercher la performance, la formation. J'ai choisi d'avoir quatre axes :
- la France qui gagne, la France qui rayonne, à travers la diplomatie, la francophonie, la filière « économie du sport », les grands événements. Ce sont des moments attractifs où l'on peut parler d'impact économique, de tourisme sportif et valoriser nos territoires ;
- la France en mouvement - aller chercher, je le disais, 3 millions de pratiquants ; l'objectif est d'intégrer nos territoires au mouvement, pour lutter contre l'exclusion à domicile ;
- la France qui intègre : il s'agit de rétablir la confiance en la vie sportive ;
- la France en pleine santé : considérant les chiffres que j'ai évoqués, nous avons décidé de créer des living labs « bien-être - sport - santé » : des lieux intermédiant pour permettre à toute personne éloignée de la pratique ou en affection de longue durée de venir et bénéficier d'un accompagnement, d'une programmation pour découvrir des pratiques, retravailler l'estime de soi, être dans une cohésion et un tissu social. L'objectif - et nous en avons parlé avec Jean-Louis Borloo, concernant les quartiers prioritaires de la politique de la ville - de positionner ces living labs dans ces zones pour avoir ces réponses autour de la pratique sportive. La pratique constitue une base pour rassembler autour de valeurs de cohésion sociale.
Les grands événements, Jeux olympiques et paralympiques, mais aussi jeux des îles de l'océan Indien, sont enfin des richesses à valoriser. Je remercie la direction des sports qui a tenu à avoir un retour détaillé de toutes les régions sur ces sujets.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie, madame la ministre. Et je crois que les applaudissements sont là pour témoigner de la pertinence de votre message. Quand on vient des îles et qu'on évoque cette réalité qu'est le déracinement de nos jeunes, on rêve aussi de leur permettre de rester au pays. Or, ils n'y bénéficient pas des mêmes infrastructures et des mêmes formations, ni du même suivi ou du même accès aux sélections. Nous avons compris à travers votre témoignage que vos qualités personnelles et une volonté de réussir hors du commun avaient servi votre projet professionnel. Dans des milieux aussi sélectifs que celui du sport de haut niveau, il faut être doté soi-même de prédispositions exceptionnelles, détectées très tôt, pour réussir. Au-delà des améliorations que nous préconiserons pour favoriser le sport de haut niveau dans les outre-mer, nous souhaitons montrer l'importance de la pratique sportive comme facteur d'intégration mais aussi comme levier de développement culturel et économique. J'ai particulièrement apprécié que vous évoquiez l'événementiel dans le sport car les compétitions de niveau national, régional ou international sont aussi une source d'animation de la vie de nos territoires et un levier de rayonnement.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre parcours sportif exemplaire. Vous avez évoqué le rapport sur le recensement des équipements en outre-mer et force est de constater que nous sommes sous-dotés par rapport à la moyenne nationale. En métropole, il y a 49,5 équipements sportifs pour 10 000 habitants. Or, si l'on prend le cas de Mayotte, ce taux tombe à 13,4 contre 30 pour la zone Guyane-Antilles et 35 pour La Réunion. La vétusté des installations, gymnases et plateaux sportifs, est souvent accélérée par les conditions météorologiques, et cette année, les outre-mer et La Réunion en particulier ont été fortement impactés par des épisodes exceptionnels. Le coût des équipements en outre-mer est d'autant plus élevé que les matériaux ne sont pas fabriqués sur place.
Cela me conduit à une interrogation d'ordre budgétaire. Vous évoquiez la somme de 13 millions d'euros de crédits alloués pour l'exercice 2017, ce qui, sur l'enveloppe annuelle de 20 millions d'euros prévus pour le plan Kanner, aboutit à un reliquat de 7 millions d'euros. Or, vous indiquiez précisément ensuite « poursuivre l'effort » avec une nouvelle enveloppe de 7 millions d'euros pour 2018. Pouvez-vous clarifier la situation et les engagements financiers effectifs du Gouvernement ? Est-ce là une enveloppe supplémentaire qui s'ajouterait aux 20 millions normalement prévus pour 2018, ou simplement le reliquat de 2017 et donc un étalement de l'enveloppe 2017 ?
Ma deuxième question porte sur l'annonce par le Premier ministre, lors de son déplacement aux Antilles en novembre, d'une enveloppe de 7 à 12 millions d'euros pour un appel à projets relatif à l'étude des équipements sportifs de proximité innovants et adaptés aux territoires ultramarins. Cet appel à projets vient-il en supplément des 7 millions de reliquat ? Combien y a-t-il eu de réponses à l'appel à projets ?
Mme Catherine Conconne, rapporteure. - Je vous félicite à mon tour, madame la ministre, pour votre magnifique parcours, présenté avec passion et tendresse dans votre propos liminaire. Je suis heureuse de voir une Guadeloupéenne, devenue ministre, à la tête du sport français. C'est la preuve que rien ne nous est interdit !
Je viens ici plaider la cause des associations. Vous savez que toute la pratique sportive - je parle ici du pays que je connais, la Martinique, mais je suppose que la situation est semblable ailleurs - repose aujourd'hui pour une large part sur la bonne volonté et la détermination du milieu associatif. Il s'agit souvent de personnes bénévoles qui s'investissent énormément alors qu'elles exercent en parallèle une activité professionnelle. Ces bénévoles passent une grande partie de leur temps libre, avec beaucoup d'abnégation et de sens du sacrifice, auprès de nos sportifs. Or, aujourd'hui, la situation est difficile pour de nombreuses associations avec la réduction des budgets dans les collectivités, la suppression des contrats aidés qui permettaient de faciliter les fonctions d'intendance et le quotidien des associations... Il est donc devenu très compliqué pour le secteur associatif et ses bénévoles de poursuivre leur tâche auprès des sportifs. Que prévoit-on pour eux ? Même si toutes nos collectivités font des efforts conséquents pour mettre à disposition des stades d'un bon niveau et des installations rénovées, ce sont les moyens humains qui pâtissent des restrictions aujourd'hui. Certains bénévoles sont contraints de prendre des risques en amenant par leurs propres moyens les enfants au stade, faute de pouvoir louer un bus. Cette situation est particulièrement problématique dans les outre-mer, compte tenu du faible niveau de développement des transports publics. Nous devons rechercher la façon de remédier à cette situation.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je suis très heureuse, à la faveur de la présente audition, de vous rencontrer, madame la ministre, et le récit de votre parcours personnel a ravivé en moi des images de vos exploits sportifs. Via le petit écran, vous avez fait vibrer de nombreux téléspectateurs amoureux de l'escrime, et vous avez porté haut les valeurs qui sont les nôtres.
Vous avez affirmé, il y a quelques instants, qu'il fallait décliner les différents enjeux sportifs d'une France qui gagne, d'une France qui rayonne, d'une France en pleine santé. Par-delà ces orientations, ce qui m'intéresse en matière de perspectives sanitaires et sociales, c'est ce rôle du maillage associatif en faveur et en direction des jeunes. C'est un enjeu pour tous, aussi bien sur le territoire hexagonal qu'en outre-mer, car le sport est un facteur de cohésion sociale. Le sport assure une mission sociale dans les territoires et dans les politiques de proximité. Je souhaiterais donc savoir comment votre ministère conduit ces politiques d'insertion par le sport, et en particulier dans les outre-mer ?
Par ailleurs, en ce qui concerne le soutien au monde associatif via les subventions, comment votre ministère se coordonne-t-il avec le ministère des outre-mer ?
Mme Victoire Jasmin, rapporteure. - Madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des statuts hybrides de nos ligues régionales d'outre-mer qui se retrouvent phagocytées entre une appartenance à un bassin géographique caribéen ou amazonien, selon les territoires, et une appartenance administrative à la République et à l'Union européenne.
Madame la ministre, ce n'est pas à vous que je vais rappeler que nos territoires, véritables terres de champions, sont un réel vivier pour le sport français et votre palmarès en est un bel exemple. D'ailleurs, qu'il me soit permis de vous remercier une nouvelle fois pour tout ce que « La Guêpe » a apporté à la Guadeloupe, à nos outre-mer, à la République et je crois que l'on peut le dire, au sport.
Madame la ministre, depuis le mois d'avril 2013, les ligues de football de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane ainsi que le district de Saint-Martin ont intégré la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF). Cette adhésion est profitable pour nos ligues et nos sportifs ; elle leur offre la possibilité d'être acteurs du rayonnement de cette confédération dans leur environnement géographique.
La Guadeloupe et plus récemment encore la Guyane et la Martinique ont eu l'occasion de briller par les prestations de leur sélection lors de la prestigieuse Gold Cup, réunissant les meilleures formations d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes. Aujourd'hui, non reconnues par la Fédération internationale de football association (FIFA), nos ligues aspirent à davantage d'autonomie et de reconnaissance par la fédération internationale.
Alors, je sais bien que deux associations ne peuvent, pour un même pays, être affiliées à une fédération internationale telle que la FIFA pour éviter notamment que l'équipe nationale n'ait à affronter une sélection régionale lors d'une compétition internationale.
Conscientes de cette réalité, nos ligues ont travaillé à un projet sérieux d'évolution pour plus d'autonomie et de reconnaissance ; elles ont saisi leur autorité fédérale et ont, avec le soutien de la CONCACAF, entrepris une démarche d'intégration à la FIFA avec un statut particulier.
En l'espèce, malgré l'accord de principe passé avec les ligues régionales pour un statut adapté à leurs spécificités au sein de la FIFA en octobre dernier, le statu quo demeure avec les conséquences que nous savons.
Ma question est donc simple, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet, comment entend-il accompagner cette demande d'évolution de nos ligues régionales auprès de la FIFA ?
Madame la ministre, êtes-vous pleinement disposée à rencontrer prochainement nos ligues régionales dans le plus haut intérêt de nos sportifs ? Je vous remercie.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - En ce qui concerne la question de Madame Malet sur le plan de développement des équipements en outre-mer, celui-ci prévoyait un engagement de 10 millions d'euros en 2017. Or, en 2017, comme je l'expliquais, cette somme s'est élevée à plus de 13 millions. Le ministère des sports, cette année, s'engagera à hauteur de 7 millions d'euros en 2018. Le ministère des sports a par ailleurs demandé au ministère des outre-mer d'apporter une contribution financière équivalente. Vous n'êtes pas sans savoir que le budget a été réduit, mais avec un peu moins de moyens, nous tiendrons tout de même notre ligne de conduite, qui consiste à poursuivre le travail engagé.
Le plan de développement 2018 sera clairement axé sur l'innovation afin de répondre aux problèmes liés aux conditions climatiques spécifiques aux outre-mer. Il convient - et nous l'avons vu avec l'épisode cyclonique sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy - de rechercher des équipements adaptés aux territoires ultramarins. L'enjeu est double : encourager les concepteurs d'équipements sportifs à développer une offre novatrice et s'ajuster à de nouveaux usages. À ce titre, et c'est une nouveauté, nous avons décidé de travailler avec l'Agence française de développement (AFD) afin de mieux structurer les réponses aux appels à projets. Nous cherchons à proposer des solutions durables sur nos territoires. Dans le cadre de ces appels à projets, nous avons dégagé les axes prioritaires de ma feuille de route : les équipements sportifs de proximité, les plateaux sportifs et le sport-santé. La semaine dernière s'est tenu le premier conseil d'administration, et nous souhaitons faire une réforme axée sur les quartiers prioritaires, la valorisation de la pratique au féminin et les personnes en situation de handicap.
Sur la question des contrats aidés : en 2018, 200 000 contrats aidés seront maintenus, et notamment sur le sport. Vous prêchez une convaincue : j'ai créé un club et j'ai vu la dure réalité de l'organisation d'un club, surtout sur les trois premières années où les subventions se font rares. Nous voulons pérenniser des emplois diplômants. À ce titre, nous oeuvrons d'ores et déjà avec Muriel Pénicaud, la ministre du travail, dans la perspective de 2024, afin de valoriser nos bénévoles et nos volontaires. L'objectif est d'obtenir environ 250 000 emplois directs et indirects et plus de 70 000 volontaires pour l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Notre ligne directrice est de valoriser et de renforcer les zones fragiles, et notamment de soutenir les associations situées dans les quartiers citadins prioritaires. Nous veillerons à ce que les outre-mer ne soient pas oubliés. En prenant en compte les retours d'expérience de nos champions, nous voulons optimiser les formations diplômantes en collaboration avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour valoriser nos Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS), avec un budget supplémentaire de 2,2 millions d'euros pour nos apprenants. De même, avec le ministère de l'éducation nationale, nous réfléchissons à une réforme du bac professionnel pour que nos jeunes puissent s'orienter vers les différents métiers dans la mouvance de la pratique sportive mais aussi de l'animation, tout en prenant en compte les spécificités de nos îles.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Madame la ministre, je voudrais rebondir sur la question des contrats aidés et de l'entretien des installations et équipements. Je vous sais amatrice des sports de nature, dont le développement revêt parfois de forts enjeux économiques pour nos territoires et doit être encouragé. Il existe à La Réunion un plan départemental de randonnée pédestre qui couvre également des sentiers d'équitation et de VTT. Or, les frais d'entretien et les moyens humains afférents sont importants, surtout après les périodes cycloniques et de tempête. Le département de La Réunion dépense près de 4 millions d'euros auprès de l'Office national des forêts (ONF) pour l'entretien des pistes, le département possédant 80 % du parc national. Ces 4 millions constituent en fait la somme allouée aux contrats aidés. De même, nos communes ont à charge les parcours santé et seront très pénalisées par la disparition à terme des contrats aidés. Dès lors, qu'adviendra-t-il de l'entretien des sentiers et des parcours de santé ?
Mme Catherine Conconne, rapporteure. - Ma question va dans le même sens. Il faut améliorer les formations diplômantes pour favoriser l'émergence des talents et, sur certains sujets relatifs à l'intendance au quotidien, il faut pouvoir continuer à avoir recours aux contrats aidés. De grâce, ne limitez pas ces initiatives auxdits « quartiers prioritaires ». Si je prends l'exemple de la Martinique, seules trois villes comptent 100 % de quartiers prioritaires. À Fort-de-France, cela ne concerne que 12 quartiers sur 130. Cela limite donc énormément le champ d'application si on s'arrête au périmètre des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Comme je viens de le dire, les contrats aidés sont maintenus dans les outre-mer. Nous avons en plus de cela les contrats SESAME (Sésame vers l'emploi pour le sport et l'animation dans les métiers de l'encadrement), le service civique et l'apprentissage, que nous sommes en train de développer. J'entends donc vos craintes et vous confirme que, pour les outre-mer, le maintien de ces contrats est entériné.
En ce qui concerne le rôle social du sport, nous avons demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) d'étudier la manière dont le sport crée du lien dans les quartiers prioritaires de la ville, dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et surtout dans les outre-mer.
Sur la question de l'enjeu de santé publique du sport, la direction des sports agit selon trois axes. En premier lieu, créer et développer des équipements en adaptant l'offre à la pratique et en liaison étroite avec les agences régionales de santé (ARS) qui travaillent déjà dans certaines îles, notamment sur les programmes sport-santé.
Nous voulons par ailleurs continuer à travailler avec la CONCACAF que nous avons déjà rencontrée, et organiser une réunion avec Noël Le Graët, président de la Fédération française de football. Je vais initier des relations bilatérales pour avoir l'opportunité de recevoir des équipes étrangères sur nos îles. Cette proximité est favorable pour des stages et aux avant-veilles de compétitions. Pourquoi ne pas aussi réfléchir à l'organisation des Jeux de la francophonie chez nous ? Aujourd'hui, j'ai rencontré le ministre du Québec, avec lequel je travaille sur la manière de gérer les commotions cérébrales ainsi que le sport à l'université. Je ferai un déplacement aux États-Unis au trimestre prochain pour évoquer le rôle du sport à l'université ainsi que la haute performance. Il faut que les parcours universitaires de nos jeunes favorisent l'apprentissage des langues et développent les contacts avec le monde de l'entreprise. Il faut permettre à nos territoires de saisir les opportunités en jouant sur ces proximités. Nous poursuivrons une démarche identique dans le bassin Pacifique en direction de l'Australie afin de développer nos sites et la pratique pour faire de nos îles des territoires attractifs, notamment pour les stages et la formation. Nous avons déjà rencontré le représentant du Comité national olympique et sportif (CNOS) colombien afin de valoriser la pratique du haut niveau chez les 14-25 ans dans l'optique des Jeux olympiques de 2024. Pour des raisons de proximité géographique, ces jeunes souhaitent venir dans la Caraïbe. L'idée est donc de développer les échanges bilatéraux sur différents registres, y compris en matière de programmes universitaires. Les acteurs économiques ont montré de l'intérêt pour ces échanges, en particulier dans le domaine du tourisme d'affaires.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur la pratique du sport de haut niveau, et plus précisément sur la mission confiée à M. Claude Onesta sur la haute performance, dans la perspective des Jeux de Paris 2024. Les outre-mer sont-ils pris en compte dans cette réflexion à la hauteur des résultats des sportifs ultramarins dans les compétitions internationales ? Certaines orientations sont-elles déjà disponibles ? Cela me semble pertinent, eu égard à l'apport des sportifs ultra-marins à la haute compétition.
En deuxième lieu, concernant les structures de recrutement et de formation, vous avez évoqué, le CREPS. A-t-on avancé sur des projets concrets, et notamment sur la question de l'implantation d'un CREPS en Polynésie française ?
Enfin, j'aimerais revenir sur l'importance du rayonnement des territoires à travers le sport et les compétitions sportives, car ce sont de véritables leviers pour les politiques de développement. En ce qui concerne la participation de délégations territoriales à des compétitions ou jeux internationaux organisés par bassin ou région, dans quelle mesure le ministère des sports encourage-t-il la participation des territoires français d'outre-mer à ces manifestations sportives ? Le ministère des sports se coordonne-t-il à ce titre avec le Quai d'Orsay, et notamment l'ambassadeur pour le sport ?
Mme Laura Flessel, ministre des sports. -À Rio, 17 athlètes médaillés s'entraînaient en outre-mer ou étaient issus des territoires ultramarins. Les ultramarins ont représenté 18 % des Français sur les podiums, alors qu'ils ne représentent que 3 % de la population française. En sport paralympique, 4 athlètes s'entraînaient en outre-mer. En vue des Jeux olympiques et paralympiques, nous avons souhaité travailler sur la haute performance. Nous avons donc missionné Claude Onesta, un entraîneur charismatique qui a travaillé pendant trois mois et qui m'a remis hier ses préconisations. Il va sans dire que je ne pourrai pas vous donner de réponse très précise aujourd'hui sur cette question. En revanche, je serai en mesure de le faire la semaine prochaine.
Nous souhaitons construire une stratégie spécifique nous permettant de prendre en compte les liens avec le terrain, dans un écosystème positif. Cet écosystème est d'abord constitué des opérateurs qui nous permettent de réussir (l'INSEP, le grand INSEP, les territoires ultramarins, les clubs). Plus largement, les acteurs économiques et les collectivités territoriales font partie intégrante de cet écosystème et doivent, à ce titre, être intégrés dans notre stratégie. Dès la semaine prochaine, j'annoncerai la stratégie pour l'horizon 2024. Bien sûr, les outre-mer ne seront pas oubliés, même si la mission de Claude Onesta consistait à travailler sur la haute performance en général. Tous les acteurs seront donc logés à la même enseigne pour aller chercher un collectif gagnant. Il convient de travailler dans la sérénité, d'accepter les risques et de relever les défis, tout en réfléchissant à des réformes sur le fonctionnement des fédérations, sur la méthodologie... Nous avons plus de 40 médaillés, et nous devons donc être fiers de cet engagement. Mais nous voulons davantage, nous voulons gagner les jeux. Cela impliquera des changements sur la manière de s'entraîner en innovant dans les lieux d'entraînement, en ayant recours à de nouvelles technologies, en travaillant avec de nouveaux acteurs. Et cela, pour une équipe de France unie et solidaire.
Pour répondre à la question sur la relation de notre ministère avec le Quai d'Orsay, l'ambassadeur du sport, Monsieur Philippe Vinogradoff, travaille depuis neuf mois avec nous. Nous avons pu dégager ensemble une feuille de route internationale et commencer à travailler en étroite collaboration avec les ambassadeurs de France dans chaque pays. Nous nous rendrons prochainement au Rwanda afin de valoriser la pratique du football féminin. Nous voulons encourager les fédérations internationales à travailler au profit du développement et le Rwanda est très actif en matière de sport féminin. Une opération est ainsi prévue avec la secrétaire générale de la FIFA dans ce domaine en coordination avec des fondations. On constate souvent deux inégalités majeures : les femmes n'apprennent pas à nager ni à faire du vélo. Il y aura donc une opération autour de la pratique du vélo pour lutter contre ces inégalités. Monsieur Philippe Vinogradoff, en étroite collaboration avec Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, oeuvre pour valoriser notre savoir-faire à l'international en matière de formation, de développement. Ainsi, dans le cadre des Jeux de la Francophonie à Abidjan, j'ai eu le plaisir d'être accompagnée par une quinzaine d'entreprises françaises dans le but de promouvoir l'attractivité de la France. Ces entreprises ont pu signer des contrats avec la Côte d'Ivoire. Je vous présenterai notre feuille de route à l'international et je souhaite réfléchir avec vous à la manière dont les outre-mer pourront y être intégrés.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Madame la ministre, qui de plus qualifiée que vous pour nous parler du sujet d'étude de notre délégation, la jeunesse des outre-mer et le sport ? À Mayotte, 60 % de la population a moins de 22 ans. Malgré la faiblesse des infrastructures, nos jeunes signent des performances sportives remarquables, notamment dans les compétitions régionales de l'océan Indien. Or, il est dénié à nos jeunes le droit de défiler sous les couleurs de leur pays, la France, et, en cas de victoire, il leur est aussi dénié le droit d'entendre la Marseillaise. Vous le savez mieux que personne, madame la ministre, ce sont là les premières récompenses, les premières sources de motivation. La cause de cette situation, c'est notre vieux conflit avec les Comores. Il n'est pas sain que la politique s'invite ainsi dans ce domaine, surtout lorsque cela impacte la jeunesse. Vous avez déjà reçu les élus mahorais sur cette question qui entre pleinement dans le champ d'étude de notre délégation. Quelles mesures peuvent être concrètement déployées par notre pays pour faire cesser cette humiliation, et pour que nos jeunes ne soient plus ainsi découragés ?
Ma deuxième question, d'ordre plus général, porte sur la pratique du sport à Mayotte : quelles mesures envisagez-vous pour atténuer l'énorme retard en termes d'infrastructures ? Est-il possible de mobiliser davantage de moyens pour que les jeunes du département puissent s'adonner à la pratique sportive comme partout ailleurs ? Car je retiens vos mots : le sport est un facteur d'intégration, un vecteur de lien social, et le premier remède en matière de santé.
Mme Viviane Artigalas. - Je vous remercie, madame la ministre, d'être parmi nous aujourd'hui pour traiter d'un sujet qui vous tient à coeur : la jeunesse, le sport et les outre-mer. Vous avez parlé du sport comme facteur d'intégration, et j'y crois, particulièrement pour les jeunes issus de milieux défavorisés. Je suis une ancienne professeure d'éducation physique et sportive. J'ai ainsi pu mesurer combien la pratique sportive apprend aux jeunes à vivre ensemble, à respecter les règles et à s'inscrire dans un cadre collectif. Je pense que la pratique sportive permet aussi de résoudre certains problèmes de délinquance, voire de prédélinquance. Toutefois, je constate que l'accès au sport n'est pas démocratique, et ces jeunes des milieux défavorisés, particulièrement en outre-mer, ont du mal à accéder au sport loisir ou au sport de haut niveau. Vous ne venez pas d'un milieu très défavorisé. Vous aviez, dans votre famille, une culture du sport. Or, les inégalités d'accès au sport s'accentuent. J'ai noté votre attention particulière pour les associations des quartiers prioritaires. Je crois cependant qu'il est nécessaire d'aller plus loin dans la promotion du sport en réfléchissant aux actions concrètes qui pourraient être mises en oeuvre en outre-mer pour que l'accès au sport, comme pratique de loisir ou de haut niveau, soit plus démocratique et moins inégalitaire.
M. Gérard Poadja. - Je vous adresse toutes mes félicitations, madame la ministre, pour votre parcours sportif. Les sportifs de Nouvelle-Calédonie vous adressent également leurs salutations ensoleillées. Avec près de 68 000 licenciés, soit une moyenne largement supérieure à la métropole, le sport en Nouvelle-Calédonie revêt une importance toute particulière. Il contribue efficacement à la lutte contre la déshérence et le décrochage scolaire, dont souffre une part trop importante de la jeunesse calédonienne. Cependant, le ratio d'infrastructures sportives pour 10 000 habitants demeure très inférieur à celui des autres territoires français.
En outre, comme lors des Jeux olympiques de Sydney de 2000, la Nouvelle-Calédonie pourrait servir de base arrière d'entraînement pour les athlètes français, dans le cadre des prochains jeux olympiques de Tokyo en 2020. À ce titre, je tiens à préciser que la Fédération française Handisport ainsi que la Fédération française de judo ont d'ores et déjà confirmé que la Nouvelle-Calédonie serait la base arrière pour l'entraînement de leurs athlètes. Par ailleurs, les fédérations françaises de natation (FFN, pour la nage en eau libre), de la montagne et de l'escalade (FFME, pour l'escalade), de surf ainsi que la Fédération de rugby (pour le rugby à 7) ont quant à elles fait montre de sérieuses marques d'intérêt pour s'entraîner en Nouvelle-Calédonie à l'occasion des Jeux olympiques de 2020.
Afin de convaincre les responsables nationaux, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a par ailleurs adressé à l'Association des directeurs techniques nationaux (ADTN) une invitation (prise en charge des frais de transport et d'hébergement par la Nouvelle-Calédonie) pour qu'à l'issue de leurs voyages officiels de préparation au Japon, les dirigeants puissent, durant trois jours, visiter les infrastructures sportives, hôtelières et médicales de Nouvelle-Calédonie.
Dans ce contexte et dans cette perspective, le Gouvernement envisage-t-il d'amplifier son soutien à la réalisation de nouveaux équipements sportifs en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à la mise aux normes de certaines installations existantes ? Je pense notamment aux travaux d'adaptation handisport devant être réalisés sur la piste territoriale d'athlétisme, ou encore à ceux du dojo de Magenta.
Enfin, madame la Ministre, je souhaite vous interroger sur le fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs (FEBECS). Lors de l'examen en séance de la mission outre-mer du projet de loi de finances, le 7 décembre dernier, j'ai déposé avec mes collègues de Polynésie, un amendement visant à étendre à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française le bénéfice de ce Fonds. La ministre des outre-mer, Annick Girardin, s'est alors engagée à apporter 100 000 euros au service des projets qui seront déposés auprès du ministère au cours de l'année 2018, même en dehors du cadre du FEBECS. Je tiens à remercier Madame la ministre des outre-mer ainsi que vous-même, pour ce qui constitue une réelle avancée pour le Pacifique en faveur de la jeunesse.
Plus concrètement et compte tenu de cet engagement, pourriez-vous nous préciser quelle procédure devront suivre nos territoires afin de bénéficier de ce fonds ?
M. Antoine Karam. - Je voudrais remercier le président, Monsieur Michel Magras, son bureau et la délégation d'avoir organisé cette rencontre avec Madame Laura Flessel, ministre des sports. Madame la ministre et moi-même avons un point commun : nous venons tous les deux du mouvement sportif. Et, bien souvent, le mouvement sportif conduit à la politique. Il y a 41 ans, j'étais le plus jeune président d'une ligue en France. J'ai eu l'occasion de rencontrer Madame Laura Flessel à de multiples reprises et de lui rendre hommage en Guyane. Elle allait souvent enseigner et pratiquer avec les jeunes, dont certains sont devenus champions olympiques par la suite (je pense notamment à Ulrich Robeiri, champion olympique en escrime par équipe). Tout cela pour vous dire que le monde est un village.
Tout ce que nous avons entendu aujourd'hui montre que les outre-mer contribuent au rayonnement de la France dans tous les sports, y compris en natation, alors que certains scientifiques pensaient que les noirs ne savaient pas nager. Or, Malia Mettela, vice-championne olympique, est la première femme noire à être montée sur un podium olympique en 2004.
En ce qui concerne les bases avancées, j'avais demandé à Monsieur Nicolas Sarkozy que les équipes françaises puissent s'entraîner en Guyane en vue de la Coupe du monde de football et des Jeux olympiques de 2016. Le résultat fut excellent : environ 50 millions d'euros ont été investis dans un partenariat entre l'État, les collectivités territoriales et les collectivités communales afin de permettre à la Guyane de bénéficier d'équipements de haut niveau et de combler, en partie, son retard en matière d'infrastructures.
Pour revenir sur la question de Monsieur Gérard Poadja, j'ai récemment interrogé à ce sujet Monsieur Tony Estanguet, en sa qualité de président du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO). À cette occasion, j'ai fait le voeu que le terme de « base avancée » soit préféré à celui de « base arrière », car le choix des mots est symbolique. J'ai également défendu l'idée de faire de la Nouvelle-Calédonie une base avancée pour les équipes de France dans la perspective des Jeux olympiques de Tokyo. Cette initiative pourrait s'inscrire dans un mouvement plus large en imaginant que partout dans les outre-mer il puisse y avoir des bases avancées pour les échéances de 2024. Lorsque des nageurs et des athlètes brésiliens se rendront aux Jeux olympiques à Paris, ils apprécieront sans doute de pouvoir s'entraîner en amont en Martinique, en Guadeloupe ou en Guyane. Or, il faut des équipements structurants pour réaliser cela. Je suis donc un farouche partisan d'une telle politique et je peux témoigner moi-même de l'impact positif d'une telle démarche sur nos territoires.
En ce qui concerne la CONCAFAF, je suis un militant actif de l'intégration de nos territoires dans leur environnement. C'est nous qui faisons rayonner la France sur tous les continents, et particulièrement en Amérique du sud et dans la Caraïbe. Et cela n'est pas être séparatiste que de vouloir voir briller une sélection guyanaise avec des joueurs de très haut niveau, dont certains ont été sélectionnés en équipe de France. Or, je pense au conflit récent qui nous oppose à la CONCACAF au sujet de Florent Malouda. En effet, notre joueur de football, sélectionné 80 fois en équipe de France, n'a pas eu le droit de disputer la Gold Cup au sein de l'équipe guyanaise, et ce en dépit de la jurisprudence Angloma (2007). Soyez notre avocate, madame la ministre. Je sais que vous saurez nous défendre. Je vous invite à vous engager dans ce combat que nous aurons à mener avec les ligues de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe, car c'est l'image de la France que nous défendons. Quel hymne est joué lorsque nous disputons une compétition à Dallas ou à Miami ? Il s'agit bien de l'hymne national français. Si nos sélections sont handicapées dès le départ, nous serons la risée de tous ces pays. Souvent, ces pays nous encouragent à prendre notre indépendance - car le problème est fondamentalement politique - pour régler cette question. Je pense donc qu'aujourd'hui, plus que jamais, il faut trouver les moyens sur le plan juridique de nous permettre de présenter nos joueurs dans les sélections de haut niveau lorsqu'ils ne font plus partie de l'équipe de France. Je sais pouvoir compter sur vous, puisque nous avons déjà commencé à étudier la question ensemble. Voici donc mon plaidoyer.
Le sport, facteur d'intégration, est le paravent contre tous les fléaux, et spécifiquement dans un pays comme la Guyane, qui connaît de grandes difficultés, notamment avec le problème des jeunes « mules » qui se retrouvent pour 2 000 euros emprisonnées à Fresnes. En investissant dans des équipements sportifs et en donnant des moyens aux bénévoles, qui sont nombreux et qui n'attendent rien en retour, nous réussirons notre pari de faire rayonner nos territoires, et notre pays tout entier.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie, monsieur Antoine Karam, pour ce plaidoyer qui témoigne de votre passion et de votre connaissance du monde sportif.
Mme Nassimah Dindar. - Je me joins à mes collègues pour vous féliciter, puisque nous avons la chance d'avoir une ministre issue à la fois des outre-mer et du sport de haut niveau. Aujourd'hui, nous faisons valoir tout ce qui a été fait, malgré tout, dans le domaine sportif en outre-mer, grâce au bénévolat, à l'engagement des ligues, clubs et comités et grâce à celui des collectivités. Toutefois, le sport reste une compétence partagée entre les communes, les communautés d'agglomération, les régions et les départements. Je trouve que les quatre axes de travail que vous avez énumérés sont des axes prioritaires, pour la France hexagonale comme les outre-mer. Je souhaite cependant que votre réflexion prenne en compte la spécificité des publics visés par ces politiques, à savoir la population ultramarine. La jeunesse a déjà beaucoup été évoquée, mais le sport s'adresse également aux publics vulnérables. Vous avez ainsi abordé la question des personnes âgées ou en situation de dépendance. À cela s'ajoutent les femmes, car la réhabilitation des femmes victimes de violences passe aussi par le sport, qui permet de valoriser l'estime de soi. C'est un travail qui sera mis en avant lors de nos différents ateliers au moment des États généraux, et je connais l'implication du président Michel Magras sur cette question.
Je voudrais aussi revenir sur le sport de haut niveau. De nombreux champions doivent disputer des compétitions dans l'hexagone et à l'étranger. Leurs déplacements sont très coûteux, et la commune, le département, la région et les ligues participent tous modestement au règlement de ces notes. Je souhaite qu'au ministère des outre-mer, une ligne budgétaire dédiée soit créée, avec une somme votée chaque année pour le règlement de ces déplacements. Cette mesure est d'autant plus importante que le handisport connaît un certain essor, entraînant une augmentation significative de la demande pour financer ces déplacements.
Sur la formation diplômante des bénévoles, je souhaite que nous puissions passer des conventions avec l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer afin de répartir clairement les compétences et les engagements financiers. Cela concernerait le financement des contrats de professionnalisation mais aussi des contrats d'apprentissage qui encadrent le travail des bénévoles dans les ligues, les clubs et les comités. Vous savez que, depuis cette année, le transfert des CREPS aux régions nous oblige à avoir une vision plus globale sur la question de la formation. Chaque département d'outre-mer devrait pouvoir signer, sous l'autorité de votre ministère et de celui des outre-mer, des conventions entre les régions - qui s'occupent des CREPS et des formations -, les départements, les intercommunalités et les communes. Je voudrais que les États généraux soient l'occasion de proposer ensemble, avec les sénateurs ultramarins, une feuille de route pour chaque territoire.
Enfin, j'abonde dans le sens du sénateur Antoine Karam : nous n'avons pas à rougir, au contraire, nous aurons tout à gagner à défendre, dans nos zones spécifiques, les couleurs du sport français à travers nos athlètes de haut niveau. Je voudrais défendre ce regard de la France ultramarine sur tous les continents, qui oeuvre pour la reconnaissance de la France dans sa diversité, mais aussi dans son unité donnée par le sport.
Je me permets encore d'insister, en guise de conclusion, sur l'opportunité qui nous est donnée, au moment des États généraux, de tracer une feuille de route partagée entre le ministère des sports, le ministère des outre-mer et le ministère de l'éducation nationale, responsable de la jeunesse. Il convient, madame la ministre, de s'atteler à cette tâche le plus tôt possible.
M. Michel Magras, président. - Nous avons pris de l'avance sur nos travaux puisque nous abordons déjà des préconisations en matière de politique sportive.
M. Robert Laufoaulu. - Je m'associe à mes collègues pour vous féliciter, madame la ministre. Votre admirable parcours est un modèle pour notre jeunesse. Je vous souhaite de réussir la mission qui vous est confiée en tant que ministre des sports au sein du Gouvernement.
Je profite de cette intervention pour transmettre une demande émanant du territoire de Wallis-et-Futuna. Une élue locale, accompagnée du chef du service de la jeunesse et des sports, s'est rendue dans votre ministère. Je souhaite insister sur les points qui ont été abordés lors de ce déplacement. En premier lieu, le service civique n'est pas adapté à notre collectivité. Ce dispositif doit donc faire l'objet d'aménagements afin d'être le plus efficace possible pour notre collectivité.
En outre, j'attire votre attention sur les difficultés que rencontrent nos services en ce qui concerne l'agrément « jeunesse éducation populaire » donné aux associations. Sur place, nous n'avons pas la possibilité de résoudre ce problème car cela relève, me semble-t-il, directement de votre autorité.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Cela relève en réalité du secteur de la jeunesse, qui n'est plus dans le périmètre du ministère des sports. Nous transmettrons toutefois l'information.
M. Robert Laufoaulu. - Je me permets enfin de vous solliciter afin d'organiser la visite sur place d'une inspection, si possible avant le mois de juin, car la mise en place de certaines infrastructures pose problème, surtout à Futuna. Or, nous n'avons pas les moyens de mener une expertise au niveau local. Nous espérons ainsi que l'inspection pourra nous aider et nous apporter les solutions adéquates.
Au nom des responsables du territoire, je vous invite, madame la ministre, à vous rendre à Wallis-et-Futuna pour assister à l'inauguration de certaines constructions, actuellement en cours d'aménagement. Les ministres nous font rarement l'honneur de leur présence sur notre territoire situé à 25 000 kilomètres de Paris et à 25 heures de vol, ce qui nous est souvent rappelé. Je sais que vous êtes une ministre disponible et disposée à aider la jeunesse de notre collectivité.
M. Maurice Antiste. - Je vous félicite, madame la ministre, pour votre parcours exemplaire. Si vous avez beaucoup évoqué le sport de haut niveau, j'ai aujourd'hui envie de vous parler de sport de bas niveau. Vous avez vous aussi commencé par les clubs. Or, en faisant émerger de grands champions, vous ne remplissez que la moitié de votre mission si vous ne parvenez pas dans le même temps à démocratiser l'accès au sport. Car l'enjeu du sport public est aussi celui de la santé publique. J'estime que le sport est un sujet transversal puisqu'il n'intéresse pas que le ministère des sports, mais aussi celui de la santé, le ministère du travail, celui de l'éducation nationale, et, enfin, le ministère des outre-mer. Ainsi, avez-vous un projet pour que le sport devienne automatique chez les tout petits, et encouragé pour les aînés ? Dans ma ville de Martinique, nous avons mis en place une structure pour la pratique sportive des aînés. Ce dispositif procure du bonheur à ceux qui en bénéficient, si bien que lorsque les activités sont interrompues, nous recevons des courriers de mécontentement de ces personnes âgées. La pratique sportive peut également être un médicament contre le diabète. J'ajoute que la plupart des ultramarins sont entourés de mer, ce qui rend nécessaire la mise en place un dispositif permettant de s'assurer que tous les enfants de nos territoires sachent nager.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Je commencerai par Mayotte. Je suis très attachée au drapeau français et, dès ma nomination, nous avons rencontré la délégation de Mayotte et échangé avec le ministre des Comores. Nous avons ainsi amorcé il y a cinq mois un important travail diplomatique entre tous les acteurs concernés. Aujourd'hui, la balle est dans votre camp, car toutes les autres îles ont accepté de voir jouer une délégation unique réunissant La Réunion et Mayotte. Or, le président du conseil départemental de Mayotte s'oppose à cette solution d'équipe unifiée. Nous souhaitons continuer à travailler ensemble, et je forme le voeu de voir cette équipe unique représenter la République française à Djibouti.
Par rapport au plan Mayotte 2025 qui vise à développer la pratique sportive, mes objectifs principaux sont de développer le tourisme sportif et de renforcer la construction des infrastructures sportives. En ce sens, nous travaillons avec l'AFD afin de structurer le secteur associatif et multiplier les actions en faveur de la jeunesse. Car, même si la jeunesse ne fait plus partie du portefeuille du ministère des sports, le travail en interministériel nous permet de conserver la cohérence des programmes. À ce titre, nous pouvons notamment citer le dispositif « Jeunes talents mahorais », qui permet à ces sportifs d'intégrer le CREPS de La Réunion. Depuis cinq ans, une vingtaine de jeunes ont été recrutés : 5 sportifs sont actuellement au CREPS, et les retours d'expérience sont positifs.
J'ai toujours associé le sport de haut niveau et la pratique du sport partout, pour tous et tout au long de la vie. Mon ministère est celui des sports, pas des fédérations olympiques et paralympiques. Je souhaite créer un équilibre, et non une opposition. Nous mettrons ainsi tout en oeuvre pour que la France puisse compter 3 millions de pratiquants supplémentaires, en particulier des femmes. Il convient aujourd'hui de valoriser la pratique, car trop de femmes ne s'adonnent au sport qu'à titre curatif. Le 5 septembre dernier, nous avons créé la Commission du développement du sport, au féminin, dont les objectifs sont triples : la valorisation de la pratique, la médiatisation et la gouvernance du sport au féminin. Dans cette perspective, nous tiendrons le 5 février une conférence de presse au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
La démocratisation du sport passe également par le développement de la pratique sportive chez les personnes en situation de handicap, qui est l'un des axes forts de ma lettre de mission. Cet objectif est d'autant plus important que la France connaît un réel retard dans ce domaine. En effet, sur plus de 34 millions de pratiquants, il n'y a que 80 000 licenciés en situation de handicap.
Dès la rentrée, le ministère de l'éducation nationale et celui des sports se sont consacrés à l'élaboration du label « Génération 2024 » pour développer la culture sportive. Nous espérons réunir une centaine d'infrastructures labellisées dès l'année prochaine. Notre but est d'ouvrir les infrastructures sportives des écoles primaires afin de valoriser les activités mixtes handi-valide, comme le cécifoot ou l'escalade. Plus de 300 000 enfants de l'enseignement primaire ne pratiquent aucune activité sportive. Avec ce label, nous pourrons ainsi optimiser ce temps de pratique pour inclure la différence, car la singularité de l'autre peut renforcer toute une équipe.
Dans la continuité de cette initiative, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a consacré l'activité sportive libre en milieu universitaire qui représente actuellement seulement 2 % de la pratique. Afin de pallier les problèmes d'infrastructures, nous avons élaboré avec les collectivités territoriales et l'Association des maires de France (AMF) un protocole dans le but de mutualiser les structures et permettre aux universitaires de faire du sport.
Enfin, nous souhaitons associer le monde de l'entreprise à notre démarche, car favoriser le bien-être et le vivre ensemble passe également par l'organisation du sport en entreprise. Il est primordial de valoriser davantage nos champions de handisport afin de faire évoluer les mentalités pour que les entreprises qui payent actuellement des amendes préfèrent embaucher des personnes en situation de handicap.
La ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons sollicité l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) afin d'obtenir une cartographie des activités sport-santé. Dans le même temps, nous collaborons avec Public santé pour perfectionner notre projet en ce qui concerne le sport-santé, et notamment les maisons sport-santé-bien-être. Enfin, nous souhaitons mieux intégrer les instituts médico-éducatifs (IME), pour qu'après le cycle de la réathlétisation, nous puissions offrir des opportunités d'activité physique à ces personnes qui sont en situation de handicap.
Nos efforts de démocratisation du sport portent également sur le milieu carcéral, où nous travaillons en collaboration avec la Garde des Sceaux. Certaines fédérations, comme celle du judo, de la boxe, du taekwondo et du yoga, développent déjà des programmes sportifs en ce sens.
En définitive, ce qui sous-tend toutes ces initiatives, c'est la volonté partagée de réduire les inégalités liées à la pratique. Or, les inégalités en matière de pratique sportive se mesurent avant tout dans l'apprentissage de la natation chez les enfants. Ainsi, nous souhaitons consacrer 50 % du budget du Centre national pour le développement sportif (CNDS) aux quartiers prioritaires de la ville, en particulier pour valoriser la pratique du sport au féminin. 12 millions d'euros seront consacrés aux outre-mer, ainsi que 7 millions d'euros prévus dans le cadre du plan d'investissement. Nous travaillons pour cela en étroite collaboration avec l'AFD afin d'optimiser ces infrastructures.
Enfin, je considère que le sport doit être mis à l'honneur à travers des manifestations festives, comme la fête du sport qui se tiendra du 21 au 23 septembre prochains. Nous comptons y associer les médias, les acteurs économiques, ainsi que le ministère de la culture, pour que cette célébration soit relayée sur tout le territoire, et que nous puissions préparer les Jeux olympiques dès maintenant et tous ensemble.
J'aimerais revenir sur la formation. Nous menons conjointement avec le ministère du travail des actions de valorisation du travail des bénévoles. Nous voyons l'apprentissage comme un facteur d'excellence, et avons à ce titre lancé une concertation. Il existe une grande hétérogénéité des diplômes parmi les bénévoles du monde sportif : certains ont un bac+7, d'autres n'ont pas le baccalauréat, et il convient donc de trouver un équilibre afin que tous se sentent valorisés dans leur activité, et fiers de leur perspective professionnelle.
Sur la question du coût des déplacements, il existe des fonds prévus à cet effet. J'aimerais d'abord rappeler qu'à la fin de l'année 2017, le CNDS a financé des déplacements à hauteur de 814 000 euros, dont 300 000 euros consacrés aux déplacements des jeunes guadeloupéens disputant des compétitions de référence. Les jeunes de la Guyane, de La Réunion, ou encore de Mayotte peuvent également bénéficier d'une aide financière à travers le FEBECS, en collaboration avec le ministère des outre-mer. 50 % des crédits du FEBECS ont été consacrés au domaine sportif, et notre ministère contribuera à ce fonds à hauteur de 330 000 euros en 2018. Ce travail se fait en collaboration avec le ministère des outre-mer, et je prends d'ailleurs note de la proposition de Madame la sénatrice Nassimah Dindar d'utiliser les Assises des outre-mer pour renforcer la coopération interministérielle, à laquelle j'adhère.
Mais cette coopération doit être élargie à la contribution d'autres acteurs, que nous avons pu rencontrer sur le terrain, comme le Groupe Intersport du MEDEF en Martinique. Je souhaite inciter le tissu économique à suivre étroitement le mouvement sportif et la haute performance, dans l'optique de créer une stratégie cohérente à l'horizon 2024. À La Réunion, cela fonctionne déjà bien, et nous souhaitons implanter ce groupe en Guadeloupe également. Sur le territoire métropolitain, nous avons décidé de créer une Team des entreprises afin de mieux accompagner la carrière mais aussi la reconversion des sportifs, en valorisant la pratique à l'intérieur de l'entreprise. Notre objectif est triple pour les acteurs économiques : l'aide sur le territoire, l'aide au haut niveau et l'aide à la valorisation de nos programmes.
Mme Nassimah Dindar. - Il est vrai que chaque territoire conserve ses spécificités. À titre d'exemple, La Réunion consacre 22 millions d'euros, versés par la région, à la continuité territoriale. Ma préconisation consiste à mettre en cohérence tous les fonds qui peuvent être consacrés aux déplacements des sportifs de haut niveau et en compétition. En effet, en additionnant les aides du CNDS et le FEBECS, la somme totale disponible atteint le million d'euros à l'année. Or, La Réunion consacre à elle seule près de 2 millions d'euros pour financer ces déplacements. Mais de nombreux acteurs participent en réalité à cet effort financier : la région, à travers la continuité territoriale, le département mais aussi parfois les communes. Cette complexité administrative rend aléatoire la réponse aux demandes de ces sportifs, alors qu'un conventionnement entre les collectivités donnerait de la lisibilité et de la crédibilité au financement de la pratique sportive et de la mobilité des sportifs.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Votre proposition, madame la sénatrice, peut effectivement entrer dans le champ de la convention tripartite qui a été signée. Toutefois, je me permets d'insister à nouveau sur l'importance des Assises des outre-mer à ce sujet.
M. Michel Magras, président. - Pour avoir moi-même rédigé le rapport d'évaluation des politiques de l'État de la CNEPEOM sur la continuité territoriale (maritime, aérienne, numérique), je me permets de souligner que le sujet de la continuité territoriale est spécifique à chaque territoire et qu'il sera difficile de créer un statut commun des sportifs.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Je souhaiterais répondre au sénateur de Wallis-et-Futuna. Vous avez effectivement rencontré la direction des sports et, puisque nous avons constaté des dysfonctionnements en ce qui concerne le service civique que le ministère entend développer, nous allons y remédier. La priorité demeure cependant de garantir la sécurité des pratiquants. Nous étudions donc une possible modification du code du sport relatif à l'obligation d'assurance et à l'enseignement pour trouver une solution. Par ailleurs, j'accepte volontiers votre invitation.
M. Michel Magras, président. - Je soulignerai que nos échanges ont permis de rendre compte de l'ampleur et de la singularité des problématiques qui se posent en outre-mer. Vous êtes sans doute, madame la ministre, la mieux placée pour comprendre ces enjeux et nos attentes. Notre sujet d'étude, la jeunesse des outre-mer et le sport, fera l'objet d'un rapport d'ici l'été.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Je suis aussi ravie d'échanger avec vous car nous aurons ainsi l'occasion de réfléchir ensemble, à l'horizon 2019, à la manière d'intégrer les outre-mer à la loi « sport et société », qui sera le pendant de la loi technique pour les Jeux olympiques et paralympiques.
M. Michel Magras, président. - J'aimerais enfin saluer la présence dans la salle de Monsieur Ghani Yalouz, directeur général de l'INSEP, à qui nous aurons l'occasion de rendre visite le 2 février.
En guise d'ouverture, j'aimerais souligner que nos outre-mer offrent la possibilité aux sportifs nationaux, dans certaines disciplines, de venir s'entraîner dans des conditions climatiques plus favorables au moment de l'hiver métropolitain.
M. Gérard Poadja. - Madame la ministre, je souhaiterais obtenir les réponses aux deux questions que j'ai posées.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - La Nouvelle-Calédonie est un lieu que je connais bien, pour y avoir fait mon stage terminal avant les Jeux olympiques de Sydney. Je suis donc favorable à l'idée de faire de ce territoire une base avancée pour nos sportifs. Par conséquent, je me montrerai très attentive aux requêtes des fédérations en ce sens pour les accompagner au mieux. Je vous suggère de nous faire parvenir une plaquette de propositions afin que nous puissions présenter votre projet aux fédérations françaises mais également, lors des déplacements internationaux que nous effectuons, à mes homologues européens et internationaux. Je vous invite à présenter vos propositions au COJO dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, mais aussi aux différents services de notre ministère afin que nous puissions vous mettre en relation avec les fédérations intéressées. À titre informatif, pour les Jeux olympiques de Londres, plus de 600 demandes avaient été adressées à la capitale pour recevoir des fédérations. Il s'agit donc d'une véritable opportunité pour la Nouvelle-Calédonie. Pour les disciplines en extérieur, le climat de la Nouvelle-Calédonie est particulièrement propice à l'entraînement de nos sportifs.
M. Antoine Karam. - Je transmettrai avec plaisir à mon collègue Gérard Poadja le dossier de la Guyane.
M. Michel Magras, président. - Madame la ministre, je tiens au nom de notre délégation et du Sénat à vous adresser tous nos remerciements, à la fois pour votre disponibilité et pour la qualité de nos échanges. Nous continuerons à travailler ensemble, et vous serez la première destinataire du rapport d'information que produiront nos quatre rapporteures.