- Mercredi 20 décembre
2017
- Audition conjointe sur le continuum sécurité et développement au Sahel : M. Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies, et M. Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France
- Situation de Jérusalem et processus de paix au Proche-Orient - Audition de M. Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
- Nomination d'un rapporteur
- Organismes extraparlementaires - Proposition de désignation
- Organismes extraparlementaires - Désignation
- Missions de la commission pour 2018 - Désignation des membres
- Questions diverses
Mercredi 20 décembre 2017
- Présidence de M. Christian Cambon, président, puis de M. Pascal Allizard, vice-président -
La réunion est ouverte à 9 heures 35.
Audition conjointe sur le continuum sécurité et développement au Sahel : M. Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies, et M. Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France
M. Christian Cambon, président. - Au nom de notre commission, je souhaite la bienvenue à Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies, et à Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France, qui vient d'être renouvelé dans ses fonctions. M. Dupin est un homme de la maison ! Nous les entendrons sur le sujet de la sécurité et du développement au Sahel.
Monsieur le Professeur Guichaoua, vos travaux portent notamment sur les processus de mobilisation violente et sur les dynamiques des groupes armés. Depuis 2007, vous vous êtes plus particulièrement penché sur le Sahel, notamment le Mali et le Niger.
Nous avons souhaité vous entendre sur le G5 Sahel récemment créé. Depuis la tentative des djihadistes de s'emparer du Mali en 2013, le Sahel concentre une grande partie des sujets d'inquiétude de la communauté internationale. Nous assistons à des conflits récurrents entre populations, avec notamment la question de la place des Touaregs dans cet ensemble particulièrement étendu ; de nombreux trafics illicites, une forte dégradation environnementale - un aspect souvent oublié -, une pauvreté persistante et le taux de croissance de la population le plus élevé au monde ; enfin une situation sécuritaire à nouveau dégradée après la brève accalmie qui a suivi l'intervention française et ce malgré l'opération Barkhane. Ce diagnostic plutôt sombre que nous portons vous paraît-il justifié ? Quelle est votre propre analyse ?
Le G5 Sahel et sa force conjointe ont été créés en février 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Il s'agit d'un cadre de coordination liant sécurité et développement. Le G5 regroupe cependant des pays qui appartiennent à plusieurs organisations régionales différentes et dont les intérêts ne coïncident pas toujours. Dans ce contexte, pourriez-vous nous éclairer sur les forces et les faiblesses de ce nouvel ensemble ? À terme, ces forces sont censées relayer la présence française. Comment cette coopération est-elle perçue par les populations du Sahel ?
S'agissant de la création d'une force conjointe, évoquée depuis longtemps mais qui n'a commencé à prendre réellement forme qu'en 2017, nous attendons vos éclaircissements. En juin, la France a obtenu que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution qui « salue le déploiement » de la force conjointe, mais, du fait principalement de la réticence des États-Unis, cette résolution ne mentionne pas le chapitre VII permettant le recours à la force.
Après un intense travail diplomatique, une seconde résolution adoptée le 8 décembre dernier permet cependant à la Minusma d'apporter un soutien logistique et matériel à la force conjointe du G5 Sahel.
Enfin le Président de la République a réuni les partenaires du G5 à la Celle-Saint-Cloud mercredi dernier. L'Arabie Saoudite, notamment, a annoncé une contribution de 85 millions d'euros. Selon vous, la force conjointe du G5 est-elle aujourd'hui crédible ? À quelles conditions peut-elle être efficace, tout en respectant nos standards en matière de droits de l'homme ?
Monsieur Mosneron Dupin, Expertise France, l'agence française de coopération internationale, intervient au Sahel à travers de nombreux projets, allant du soutien matériel de la Minusma à l'agriculture en passant par la santé. Ces projets sont financés pour une grande partie par l'Union européenne, par d'autres bailleurs multilatéraux et pour une part plus modeste par la France et l'AFD.
L'approche de la coopération technique française au Sahel est-elle à la hauteur des enjeux et bien coordonnée ? La France, en particulier, est-elle en mesure d'apporter une contribution significative en matière d'agriculture et d'indépendance alimentaire, sujet essentiel pour l'avenir compte tenu de la croissance démographique du Sahel ?
Le continuum sécurité-développement est essentiel pour les pays du Sahel, qui ont besoin de stabilité pour se développer. Or la question financière reste prégnante, car on se situe en partie hors du champ de l'aide au développement et de ses financements. Comment Expertise France intervient-elle dans ce domaine ? Quels sont les financements que l'agence peut mobiliser ?
Expertise France a été chargée d'une mission de soutien au développement de la Force conjointe du G5 avec un financement de 50 millions d'euros issus de la facilité africaine de paix de l'Union européenne. En quoi consiste cette mission ?
M. Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies. - J'aborderai trois points : l'activité des mouvements djihadistes de la zone, les réponses institutionnelles - notamment les canaux diplomatiques activés par les États dans la zone, qui sont parfois en concurrence avec l'activité contre-terroriste, ainsi que les impacts politiques de celle-ci ; et enfin, la perception sécuritaire des populations.
L'activité des mouvements djihadistes s'est étendue depuis le lancement de l'opération Serval en 2013, gagnant le centre du Mali où leur activité est désormais plus intense que dans le Nord - notamment à Douenza, à Mopti. Cette activité se rapproche dangereusement de la capitale Bamako. Dans cette région ont lieu des attaques régulières contre les forces nationales de sécurité alors qu'au Nord, c'est plutôt la présence étrangère, notamment la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui est ciblée. La situation s'est aussi dégradée au Nord du Burkina Faso, où les acteurs de la violence armée y sont directement connectés à ceux du Mali, même si ce ne sont pas les mêmes groupes.
Une autre zone a récemment attiré l'attention, bien qu'elle soit conflictuelle depuis longtemps : la frontière entre le Mali et le Niger, notamment vers Tillabéri côté Niger, Ménaka côté Mali. C'est un prolongement de l'activité djihadiste du centre du Mali.
La représentation cartographique peut donner l'impression d'un front uniforme en extension, mais cette progression géographique est intimement liée à des rivalités locales. C'est un mécanisme de percolation ; la doctrine et l'agenda général des groupes sont les mêmes, mais les ressources de la mobilisation locale sont à rechercher dans les rivalités communautaires. Il faut donc comprendre, pour chacune des zones concernées, quels acteurs prennent les armes et pourquoi. Les systèmes de recrutement, en effet, sont locaux, même si l'épicentre opérationnel est la région de Kidal, où circule le chef de guerre Iyad Ag Ghali.
Les comparaisons entre Kidal, le centre, la zone de Tombouctou, la zone frontalière Mali-Niger ou le Burkina Faso sont éclairantes. Ainsi dans la région de Tombouctou, les djihadistes sont très influents mais la violence est réduite, car un modus vivendi a été trouvé avec les représentants des communautés locales.
C'est autour de Kidal que la situation est la plus complexe : le groupe chargé de la gestion de la ville, le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) - branche de la Coalition des mouvements de l'Azawad (CMA) signataire des accords d'Alger - entretient des relations troubles avec le mouvement djihadiste d'Iyad Ag Ghali, avec un alignement politique qui semble croître et une activité militante non-violente, dans la ville même, contre Barkhane et la Minusma.
Au centre du Mali, la problématique est différente : on ne peut exclusivement attribuer l'activité militaire à un alignement idéologique avec les mouvements djihadistes notamment du fait de l'importance de la problématique des pasteurs Peuls. Ceux-ci prennent les armes contre le système et leur propre élite, incarnation d'un statu quo qui les a marginalisés. Cette mobilisation peut être interprétée comme une demande d'État, d'ordre, de justice, d'accès équitable aux zones pastorales. Cette aspiration à une offre politique alternative n'est pas une si mauvaise nouvelle. Actuellement elle est comblée par des mouvements qui promeuvent l'application de la charia mais ce choix est possiblement un choix par défaut. Les problématiques du djihad doivent se comprendre à travers les enjeux locaux.
Du côté de la frontière Niger-Mali, la problématique est proche puisque le principal enjeu est l'accès aux terres pastorales. Le djihad prospère sur les rivalités entre nomades et sédentaires, mais aussi entre nomades Peuls et Touaregs. Jusqu'à un passé récent, certains groupes Touaregs étaient affiliés au pouvoir central, dont ils étaient l'instrument pour le contrôle de l'économie politique du Nord. C'est ainsi la gouvernance des dernières années qui est mise en cause. La prise des armes par d'autres groupes touaregs a renforcé le sentiment de vulnérabilité et besoin de protection parmi certaines communautés peules.
Si les forces maliennes, celles de la Minusma et dans une moindre mesure celles de Barkhane sont visées, les civils subissent eux aussi une forte pression. Tous les jours, à Tombouctou, dans le centre, à Kidal, des assassinats visent ceux que l'on accuse d'être des informateurs de Barkhane, ou même ceux qui n'ont pas fait allégeance au djihad. Les djihadistes vont bien au-delà de la violence contre l'occupant : ils travaillent au corps les populations civiles par l'intimidation, mais imposent aussi une régulation compréhensible, voire perçue comme légitime par certains.
J'ai eu l'occasion de travailler sur l'occupation de Gao, où les mains coupées des voleurs ont suscité une forte émotion. Or il ressort des discussions avec les habitants que la notion de justice instantanée ne suscite pas nécessairement de répulsion. Les djihadistes rendaient la justice en utilisant des procédures, et en se prévalant d'une légitimation - celle de l'islam - historiquement beaucoup plus ancrée que le droit des États occidentaux implanté par la colonisation. Les segments les plus éduqués de la population ont certes trouvé ces châtiments barbares, mais une forte proportion de la population admet cette justice lisible et compréhensible, rendue dans la langue qu'elle pratique et non en français.
Permettez-moi une anecdote qui m'a été racontée l'année dernière. Une ONG internationale a réussi à continuer à travailler dans un hôpital stratégiquement important pendant l'occupation, avec l'accord des djihadistes. Lors du déclenchement de Serval en 2013, le chef local des djihadistes a réuni le personnel de l'hôpital pour s'excuser d'avoir pris le pouvoir par la force ; mais, a-t-il poursuivi, la justice rendue était équitable et frappait les riches comme les pauvres ; la sécurité régnait dans la ville. Il avait raison : on pouvait laisser sa mobylette au marché pour faire ses courses, sans crainte de se la faire voler. Cela n'était pas possible avant, cela ne l'a plus été après. Le chef djihadiste a conclu qu'ils reviendraient, mais cette fois à l'invitation des populations. Selon des témoins ces adieux furent finalement très émouvants! Voilà une histoire symptomatique du décalage entre les perceptions locales et les nôtres.
La situation humanitaire est inquiétante dans certaines zones du pays. Il n'y a pas d'État, d'éducation, de maires dans de nombreuses localités. Un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, l'OCHA, dénombre 150 000 réfugiés à l'extérieur du Mali, un chiffre qui n'a pas bougé depuis 2012. Le processus de paix est dans l'impasse. C'est le fruit d'une certaine apathie de Bamako, de complications interminables induites par le comportement des mouvements signataires, et du sabotage systématique pratiqué par les djihadistes.
Ainsi un attentat contre un rassemblement dans le cadre du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao, il y a un an, a tué 80 personnes et mis fin à une dynamique qui prenait forme : désormais, plus aucune famille n'enverrait son fils dans les forces du MOC. Depuis, le processus n'a pas redécollé. Ces actions sont symptomatiques de la capacité des djihadistes à s'inscrire dans le temps long. Je ne m'étendrai pas sur l'enlisement diplomatique.
Il y a six mois, Bamako a soutenu l'émergence de mouvements nouveaux, avec l'appui tacite de Barkhane et de la MINUSMA, sur certains territoires, notamment le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA) autour de Ménaka. Mais ceux-ci se sont vite essoufflés parce qu'ils utilisaient les ressources à leur disposition pour régler des comptes locaux. Les forces de sécurité ne sont pas considérées comme légitimes - je vous renvoie au rapport d'Human Rights Watch sur les exactions militaires au Nord du pays ; mais la solution des milices progouvernementales ne marche pas non plus, parce que la fragmentation communautaire est trop forte. Associées à un camp ou à un autre, les milices suscitent très vite des oppositions, y compris dans leur propre communauté.
J'aborderai enfin les perceptions de la sécurité par les populations. Une enquête a été conduite auprès d'un échantillon représentatif de ménages nigériens en 2015 ; c'était avant la dégradation critique de la situation sécuritaire, mais Boko Haram gagnait déjà du terrain. La première question portait sur le sentiment d'insécurité, sans plus de précision. D'emblée, il apparaît que si ce sentiment est massif, Diffa, menacée par Boko Haram, n'est pas l'endroit où il s'exprime le plus. La deuxième question a consisté à exprimer les facteurs d'insécurité. Or la violence terroriste arrive très loin dans la liste, après la maladie, la pauvreté, le vol, les conflits agricoles, et même la sorcellerie ! On verrait sans doute le terrorisme figurer plus haut au Mali, mais cette enquête révèle une aspiration profonde à la sécurité et à l'ordre, avec des modes de régulation impartiaux et compréhensibles. Des groupes de discussion conduits en même temps que cette enquête auprès des ménages ont mis en évidence l'idéalisation par les populations d'une vie villageoise oubliée, centrée sur l'activité agricole et la figure de l'imam traditionnel - aujourd'hui concurrencé par l'émergence du mouvement Izala dans certaines zones du Niger. Ce ne sont pas les intrusions des mouvements terroristes qui inquiètent ; ceux-ci peuvent capitaliser sur leur connexion avec l'islam, même si ce n'est pas l'islam historiquement le plus ancré de la zone.
M. Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France. - Je ne peux que souscrire aux propos d'Yvan Guichaoua sur la complexité de la situation et l'enchevêtrement du local et du national. C'est un peu comme l'Orient compliqué, plus vous essayez de comprendre, plus la complexité des équilibres en présence et des facteurs de crises vous apparaissent. Le Sahel, c'est comme les Balkans, si vous avez compris, c'est que l'on vous a mal expliqué...
Mon propos sera complémentaire, il est celui d'un opérateur de l'Etat en charge de la coopération technique. Il sera nécessairement empreint d'humilité : si la coopération au développement avait réussi au Sahel, nous ne serions pas en train d'en parler. Il y a de très belles réussites et de nombreux échecs. Il faut apprendre de nos échecs. D'une certaine façon, l'insistance sur le continuum sécurité/développement, c'est une leçon apprise sur le terrain, l'un sans l'autre, cela ne marche pas !
Un mot sur Expertise France. Nous sommes l'agence française de coopération technique. Nous conseillons, nous accompagnons des ministères et des administrations partenaires dans le cadre de réformes de leurs politiques publiques. Notre coeur de métier est le renforcement de capacité. Nous apportons un appui à la définition et à la mise en oeuvre de politiques publiques autour de quatre axes prioritaires :
- Renforcer la gouvernance démocratique, économique et financière,
- Contribuer à la stabilisation des pays fragiles et à la sécurité,
- Lutter contre le dérèglement climatique
- Renforcer la santé publique et le développement humain.
Le Sahel est notre priorité géographique : l'Afrique concentre plus de 50 % de notre activité, et le Sahel 25 à 30 %. Nous menons une trentaine de projets nationaux et régionaux. Citons d'abord l'accompagnement des ministères de l'économie et des finances du Niger, du Mali et de la Mauritanie, dans la gestion et l'augmentation des ressources domestiques. Il y a en effet un enjeu fiscal dans ces pays, afin de financer les services publics de base et faire face au doublement de la population d'ici 2050. Nous accompagnons également le Mali dans un processus de décentralisation, très lié aux accords de paix : le couple décentralisation-déconcentration est l'une des clés du développement local dans cette zone comme dans l'ensemble de l'Afrique.
Dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, nous menons un projet en direction des jeunes dans la région de la Boucle du Mouhoun, au Nord du Burkina Faso, en mettant l'accent sur le bassin d'emploi : qu'est-ce qui fonctionne, quelles sont les qualifications nécessaires ? Nous travaillons aussi dans les domaines du changement climatique dans plusieurs pays du Sahel, de la santé - notamment au Tchad - et de l'éducation de base au Niger.
Dans le domaine de la sécurité, nous conduisons avec la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), notre homologue allemande un projet de renforcement de capacité des forces de gendarmerie autour de Mopti, au centre du Mali, à travers la fourniture d'infrastructures, d'équipements et de formation. Nous développons également une action conjointe, en parallèle, avec la GIZ en matière de services publics de base et de création d'opportunités économiques. Notre stratégie consiste à travailler sur une zone limitée, mais sur le renforcement de capacité de l'ensemble des services publics de façon à répondre aux besoins des populations et à relégitimer l'Etat.
Ces projets illustrent très clairement la capacité d'Expertise France, issue de la fusion d'opérateurs qui traitaient aussi bien des questions de sécurité que de développement humain, à proposer des projets intégrés sur ce continuum.
En matière de sécurité, nous assurons également le soutien logistique d'opérations de maintien de la paix dont la Minusma qui est une des opérations les plus meurtrières - 146 morts depuis son lancement - et la plus coûteuse - 1 milliard d'euros par an - des opérations de maintien de la paix menées par l'ONU aujourd'hui. Expertise France exerce cette activité dans le cadre d'un accord intergouvernemental entre la France et l'ONU. Nous assurons également le soutien logistique à la Force du G5 Sahel.
Un film destiné à l'ONU présentant l'action d'Expertise France est montré aux participants.
Après cette illustration concrète du savoir-faire d'Expertise France, quelques mots sur la notion de continuum sécurité-développement et sur les leçons tirées de notre expérience sur le terrain.
Si l'on parle tant de ce continuum aujourd'hui, c'est que jusqu'à présent, les opérations de développement et de sécurité étaient conçues et menées de façon séparée, pour plusieurs raisons.
D'abord, les dépenses de sécurité ne sont pas éligibles à l'aide publique au développement au sens de l'OCDE. De plus, la réforme des services de sécurité et le renforcement des forces de police ne font généralement pas partie du mandat des bailleurs de fond. C'est le cas par exemple à l'AFD. Enfin, les mentalités ont longtemps été marquées par la dichotomie entre services sociaux, forcément bénéfiques aux populations, et services régaliens, toujours du côté de l'arbitraire et de la violence. Les « trois D » que sont la défense, la diplomatie et le développement ont ainsi longtemps fonctionné avec un personnel, des instruments et des budgets séparés et une coordination très faible.
Depuis quelques années, toutes les réflexions à la commission européenne, comme à la Banque mondiale sur les Etats dit « fragiles », les Etats dit « faillis », sur l'approche dite « globale » où sur « la vulnérabilité » visent à essayer de décloisonner les 3D et avoir une analyse plus globale des situations et des réponses plus intégrées, associant des questions de développement, de sécurité et de gouvernance.
En effet, le bilan de l'aide au développement depuis un demi-siècle au Sahel est mitigé. Des sommes considérables y ont été consacrées. La stratégie Sahel de l'Union européenne représente par exemple un budget de 8 milliards d'euros pour la période 2015-2020. L'aide s'est souvent concentrée sur les infrastructures et le développement humain : route, irrigation, santé, éducation avec quelques succès, mais globalement les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs. Le Sahel concentre toujours 3 des 5 pays les plus pauvres du monde. Quelques chiffres peuvent illustrer la situation : 77 % des adultes au Mali ne savent ni lire ni écrire ; 5 % des surfaces cultivables sont irriguées ; 0,2 % de la population rurale a accès à l'électricité continue. Les mouvements djihadistes et les trafics se sont développés sur le terreau du sous-développement. Chacun de ces pays souverains depuis plus de 50 ans a sa part de responsabilité, mais l'APD aurait pu sans doute faire plus ou mieux.
Comment expliquer cette situation ? De nombreux facteurs interviennent. Pour ce qui relève de la responsabilité de l'aide au développement, on peut relever des problèmes de méthode et d'allocation.
D'abord, il y a eu manifestement des problèmes liés au ciblage de l'aide qui n'a pas toujours répondu aux priorités des populations notamment en matière de sécurité et de services régaliens. Aujourd'hui des zones entières sont désertées par l'Etat et les services publics de base. L'ordre public n'est plus assuré. L'Etat ne rend plus les services de base qu'attendent les populations locales. Il est enfin progressivement délégitimé au profit de groupes violents qui font régner l'ordre et assurent parfois de véritables services sociaux.
Autre oublié, l'agriculture : alors que 70 % de la population du Sahel est rurale, l'agriculture n'a pas toujours constituée la priorité des bailleurs. Seuls par exemple 3,5 % des 3,4 milliards promis en 2015 à la Conférence des donateurs de Bruxelles sur le Mali lui ont été consacrés.
Enfin, l'aide n'a pas réussi à accélérer la transition démographique au Sahel. Au Niger, la moyenne d'enfants par femme est de 7, contre par exemple 2,2 en moyenne en Asie. Cela a un impact majeur sur le niveau de vie des populations. Au Niger, le PIB par habitant a régressé de 30% depuis l'Indépendance du fait du décalage entre croissance économique et croissance démographique. Il y a aujourd'hui 70 millions d'habitants au Sahel ; ils seront 200 millions en 2050, sans doute 500 millions avec le Nigeria. Cette zone - qui n'est pas éloignée de la rive Sud de l'Europe - court des risques majeurs en termes de sécurité alimentaire. Entre insécurité et famine, on est potentiellement face à une bombe démographique
Autres difficultés bien connues, les problèmes de coordination entre bailleurs et le manque d'évaluation des projets et de leur impact global. Il arrive que l'on puisse améliorer la situation de certains agriculteurs sédentaires en faisant du tort aux éleveurs nomades ou vice-versa, que l'on aide une ethnie au détriment d'une autre Enfin, l'aide a souvent contourné les structures étatiques jugées trop fragiles et nuit à la consolidation de l'Etat. La coopération au développement a toujours été prise entre le souhait politique d'impact à court terme et la nécessité de s'inscrire dans le long terme. Mais sans doute au Sahel le court terme a prévalu sur le renforcement des capacités des Etats à long terme.
Sur le plan sécuritaire, quel bilan peut-on dresser ? La situation a conduit à une implication croissante d'armées étrangères en substitution des forces nationales incapable de faire face à la montée de l'insécurité et des menaces. Au Mali, l'incapacité des forces de sécurités intérieures, la multiplication des mouvements violents, le développement des trafics, la crise libyenne : tous ces facteurs ont conduit aux épisodes que l'on connait. Si l'intervention de Serval puis de Barkhane ont été salutaires, elles ont suscité un élan populaire qui ne peut cependant durer.
Tout le monde sait que le choix de faire assurer l'ordre public par des forces étrangères françaises ou multinationales n'est pas une solution durable quelle que soit la qualité de ces armées. Les forces françaises seront et sont parfois déjà perçues comme des forces d'occupation, malgré tous les efforts de Barkhane pour s'insérer dans le tissu local, travailler en partenariats avec les forces maliennes, et agir au bénéfice de la population locale. Il en va de même de la Minusma comme en témoigne la détérioration rapide de la piste d'atterrissage de Kidal par des forces locales alors qu'elle avait été reconstruite depuis peu dans le cadre du programme que nous avons porté pour le compte de la Minusma. Cet exemple témoigne d'un manque de compréhension des populations à l'égard des missions de l'ONU dans le contexte, il est vrai complexe, de Kidal. Le ressenti de ces populations locales est un élément clef de la situation. En dépit du milliard de budget annuel de la Minusma, des 600 millions de Barkhane, les attaques ont augmenté. C'est pourquoi une solution sahélienne aux problèmes sahéliens est nécessaire : c'est le sens du G5 Sahel.
Après ce constat, quelles sont les nouvelles orientations prises par les politiques de coopération au Sahel ?
La détérioration de la situation a tout d'abord clairement illustré la nécessité d'une approche coordonnée et globale du continuum sécurité / développement.
La première orientation retenue par les bailleurs repose donc sur une approche simultanée des questions de sécurité et de développement consistant à coordonner les analyses, à monter des projets ensemble en synergie, pour renforcer les capacités des services de l'État sur place. Il ne s'agit pas de demander aux militaires de faire du développement ou aux coopérants de faire de la sécurité, mais qu'ils agissent de façon coordonnée et complémentaire. A Expertise France, nous avons l'avantage d'avoir les deux profils, nous partons d'une analyse conjointe des situations et des ressentis des populations pour monter des projets intégrés associant : la sécurité, la gouvernance locale, l'accès à la justice et aux services de base ainsi que le développement d'activités génératrices de revenus.
Cela suppose de mettre le renforcement de capacité au coeur du dispositif. Il ne faut pas faire à la place, mais faire avec, conseiller, former, se rendre non plus indispensable mais dispensable, c'est-à-dire pouvoir se retirer en sachant que l'autonomie des acteurs ainsi accompagnés est assurée.
Cette nouvelle approche, les bailleurs l'acceptent et la promeuvent désormais. Au niveau européen par exemple, la Direction générale Coopération internationale et développement internationale (DG Devco) a ce mois-ci pour la première fois créé un instrument de renforcement capacité en matière de sécurité et de défense (CBSD).
La deuxième voie consiste à mieux se coordonner. La coordination a depuis longtemps été bien perçue comme une nécessité par tous comme en témoigne la « programmation conjointe » au niveau européen, la « stratégie intégrée » au niveau des Nations unies, mais dans les faits beaucoup reste à faire. Au niveau local, chacun a sa stratégie et mène ses projets, parce que la solidarité est aussi un instrument d'influence. C'est pourquoi l'initiative de l'AFD, de la Banque mondiale, de la Banque Africaine de développement, de la France, de l'Allemagne et d'autres de constituer l'Alliance pour le Sahel, qui identifie des chefs de file dans 6 thématiques prioritaires au Sahel (l'accès à l'énergie, la gouvernance, la décentralisation, l'éducation et l'employabilité des jeunes, sécurité alimentaire, sécurité) est une voie prometteuse. La démarche consiste à mutualiser les moyens, augmenter les ressources, aligner les stratégies et les conditionnalités, à intégrer la sécurité dans les projets, et à proposer des actions phares, mesurables et évaluables.
Troisième orientation : aider à la constitution d'une force sahélienne de sécurité efficiente : la force conjointe du G5 Sahel, déployée en trois fuseaux larges de 50 kilomètres orientés nord-sud.
Un Power Point présentant la genèse de la Force Conjointe du G5 sahel son implantation sur une carte et le soutien logistique d'Expertise France est montré aux participants.
La génération de cette force multinationale exigera des moyens. Il faudra opérationnaliser les PC de commandement, assurer l'interopérabilité entre les forces, les former, les accompagner, les équiper - en moyen de communication et de transport de troupes. L'Union européenne a notamment chargé Expertise France de mettre en oeuvre un soutien civil de 50 millions d'euros consacrés notamment à la réhabilitation des PC, aux communications et à l'évacuation médicale d'urgence. Le budget nécessaire au fonctionnement de la force du G5 est compris entre 200 et 400 millions euros. C'est une force naissante : 5 000 hommes pour 5 millions de kilomètres carrés, c'est peu au regard de l'étendue des territoires concernés, mais c'est un début. En outre, dans ce domaine, le principal est la qualité en matière de réactivité, de mobilité et d'interopérabilité. Un autre aspect essentiel est le respect des populations. En cas d'exactions, le remède serait pire que le mal : Boko Haram s'en est nourri. La justice et l'État de droit sont essentiels à l'adhésion des populations.
En conclusion, je formulerais trois séries d'observations au niveau international et français et au niveau de l'agence.
Au niveau international, il convient d'inscrire nos actions dans une stratégie globale de stabilisation autour de 6 piliers : la sécurité, la gouvernance locale, l'accès à la justice et aux services de base ; le développement économique et l'emploi. Il est également indispensable de mutualiser les financements pour favoriser une programmation et une exécution conjointe : c'est le sens des fonds fiduciaires. Il convient d'accorder une plus grande importance à la prévention. Certains pays font l'objet d'une surabondance de bailleurs, d'autres sont « orphelins » - et à l'intérieur de certains Etats fragiles, il y a des zones en difficultés où l'aide ne parvient pas. Comme chacun le sait : la prévention coûte bien moins cher qu'une intervention post-crise, comme en témoigne la côte d'Ivoire ou la RCA. Il faut enfin encourager les circuits courts et évaluer systématiquement les actions menées. Il faut capitaliser sur ces évaluations pour améliorer nos méthodes et l'impact de nos actions. L'évaluation est un élément essentiel de l'efficacité de l'aide.
Au niveau national, deux observations : il conviendrait de créer une équipe France de la coopération et du continuum sécurité développement plus compacte et plus solidaire. Pour l'instant interviennent sur le Sahel à différents titres, par ailleurs tout à fait légitimes : l'AFD, Expertise France, le centre de crise, la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), le Secrétariat général du Conseil supérieur de la défense nationale (SGDSN), l'Etat-major des armées, la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) : chacun a sa stratégie et ses projets. Sans doute gagnerait-on à une plus grande synergie notamment entre ce qui relève des affaires étrangères et de la défense. Des liens existent, ils pourraient être renforcés. Deuxièmement, s'il faut constituer des alliances internationales, nous gagnerions à mettre des moyens bilatéraux supplémentaires pour peser sur les orientations des bailleurs internationaux et des fonds fiduciaires. La France qui a une intimité avec ces pays du Sahel, une diaspora issue de ces pays, des intérêts majeurs dans la région, ne peut pas sous-traiter cette coopération à d'autres. Un doublement de la facilité vulnérabilité à 200 millions serait sans doute nécessaire.
Quelques observations sur Expertise France. Avec cette agence, vous avez au sein de cette commission en 2014, créé un opérateur particulièrement bien positionné sur le continuum sécurité développement. Son activité sur financements internationaux a augmenté de 70 % depuis sa création. Nous rendons une palette de services qui font de nous un opérateur assez unique au niveau européen ce qui explique notre développement. J'aurais cependant trois observations :
Premier point, le modèle économique qui est le nôtre aujourd'hui n'est pas adapté, en demandant à l'opérateur à la fois de remplir une mission d'intérêt général, d'être un instrument de la politique étrangère française tout en poursuivant un autofinancement qui nous rapproche d'un modèle entrepreneurial privé, qui va à l'encontre même de ce type d'intervention sur des théâtres d'opérations complexes. Il est prévu que notre modèle économique évolue à l'occasion de notre prochain contrat d'objectifs et de moyens 2019-2021, vers un modèle mixte comparable à ceux d'autres agences européennes, telle que l'agence belge.
Deuxième point, avec la poursuite de la réforme du dispositif de coopération technique, nous pourrions être plus efficace. Le texte de loi prévoyait une deuxième vague qui pourrait se traduire par l'intégration des activités de coopérations opérateurs police, justice et agriculture ou un accès plus direct à leur vivier d'experts. Nous y sommes favorables, ce sont d'un côté, des domaines essentiels au continuum sécurité développement, la police et la justice, de l'autre, l'agriculture, une priorité essentielle pour le Sahel.
Troisième point, dans le champ de la stabilisation et de la prévention des crises, Expertise France est financée par de nombreux bailleurs : l'ONU, l'Union européenne, les Anglais, les Japonais, mais assez rarement par l'AFD qui ne représentera en 2018 que 5 % de nos activités. Nous avons donc des marges de progression considérable. Nous n'avons, par exemple, actuellement aucun projet avec l'AFD sur la facilité-vulnérabilité. Expertise France pourrait avoir un soutien plus fort de l'opérateur pivot de la coopération française. Il y a des synergies évidentes entre les deux opérateurs à développer. Ces synergies devraient nous conduire à un rapprochement que j'appelle de mes voeux, mais il faudrait au préalable développer plus de projets ensemble, en particulier, sur ce continuum sécurité développement.
L'année prochaine, vous devrez donner votre avis sur les contrats d'objectifs et de moyens d'Expertise France et de l'AFD. La loi de 2014 sur l'aide au développement sera modifiée : le Parlement aura donc l'occasion de peser sur les orientations de notre politique de coopération eu développement et l'organisation des opérateurs intervenant dans ce secteur.
En conclusion, le Sahel est une des zones les plus fragiles et complexe du monde, avec des dynamiques locales, nationales, internationales enchevêtrées. C'est déjà une zone stratégique pour la France et pour l'Europe. Avec 200 millions d'habitants en 2050, cette zone deviendra une menace stratégique pour l'Europe si la situation ne s'améliore pas.
M. Christian Cambon, président. - Votre présentation n'est guère rassurante. La France a apporté des financements massifs d'aide au développement dont l'efficacité reste à prouver. Merci d'avoir rendu hommage à l'initiative du Sénat : j'étais un de ceux qui ont voulu créer Expertise France. Cet organisme a permis de rassembler tous nos outils d'expertise.
M. Jean-Marie Bockel. - Ces exposés étaient très intéressants, très convaincants mais quelque peu désespérants. J'ai longtemps sillonné le nord Mali dans le cadre de la coopération décentralisée. Dans certaines zones, la notion de danger était totalement absente alors que ce n'est plus le cas aujourd'hui : quelle dégradation tragique !
Le G5 Sahel a besoin de partenaires conscients des enjeux.
M. Michel Boutant. - Au tout début de l'opération Serval, la télévision française nous montrait les troupes françaises accueillies comme des libérateurs. Aujourd'hui, les forces sur le terrain sont considérées comme des occupants. M. Guichaoua nous a dit qu'à l'hôpital de Gao, le chef djihadiste était venu présenter ses excuses au personnel. En voulant pacifier le Mali, n'est-ce pas l'occident que nous voulons sauver, plutôt que de répondre aux attentes immédiates de la population ?
M. Yannick Vaugrenard. - Si vous comprenez le Sahel, c'est qu'on ne vous a pas bien expliqué, avez-vous dit. Mais grâce à vos deux interventions, nous commençons à comprendre, en dépit de la complexité du sujet : vous bousculez les idées communément reçues et admises. Barkhane, avez-vous dit, est considérée comme une force d'occupation. J'ai été frappé par l'enquête d'opinion que vous avez évoquée : les questions les plus importantes pour la population locale sont celles de santé, de niveau de vie, de sécurité et d'éducation. Le terrorisme n'est cité qu'après. Les populations ont avant tout besoin d'un État.
Ne pensez-vous pas qu'une collaboration beaucoup plus étroite avec l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie permettrait d'être plus efficace ? Ce sont en effet ces trois pays qui seraient concernés au premier chef en cas de crise majeure, renforcée par une démographie galopante. Comment ces pays sont-ils intégrés dans le processus actuel ?
M. Robert del Picchia. - Plusieurs études démontrent qu'il existe de par le monde plus de 200 millions d'enfants sans nom, dont une grande partie en Afrique. Avez-vous prévu des aides pour les déclarations de naissance ? Cela permettrait d'endiguer les divers trafics d'êtres humains.
M. Richard Yung. - Dans le temps, les Touaregs étaient organisés et maintenaient l'ordre dans toute la zone sahélienne. Le Sahara est devenu une sorte de supermarché de la vente de drogues et d'armes diverses. Les Touaregs y jouent un rôle important, ce qui a provoqué leur déstructuration. Nous avons donc perdu nos interlocuteurs historiques. Confirmez-vous cette analyse ?
Les forces unifiées dans la zone du Sahel ne m'inspirent pas une grande confiance. Depuis 50 ans, nous tenons à bout de bras les écoles militaires et de gendarmeries, sans aucun résultat. Cela signifie-t-il que Barkhane est là pour les quinze prochaines années ?
M. Christian Cambon, président. - La communauté internationale a dépensé des milliards d'aide au développement, notamment pour le Mali. Les résultats sont plus que décevants : nous avons l'impression de remplir le tonneau des Danaïdes.
M. Pascal Allizard. - L'Union européenne appuie le G5 Sahel en débloquant 50 millions pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, pour rétablir l'ordre démocratique et former le personnel de commandement de l'armée malienne. L'aide européenne est-elle suffisante ? Comment s'articule-t-elle avec vos propres missions ?
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage votre analyse sur l'échec de notre politique de développement. L'ONU nous a reproché le faible montant de notre aide au développement. Vous estimez qu'il nous faut plutôt changer nos façons d'aider. Dans divers pays africains, nous avons financé de grands projets, mais sans aucun contrôle. À Bamako, un ministre m'a dit : demandez-nous des résultats ! Avec d'immenses projets qui n'aboutissent pas, nous entretenons la corruption dans ces pays. Privilégions les circuits courts : nous l'avions dit dans notre rapport sur le Sahel, l'année dernière, M. de Raincourt et moi-même.
Pourquoi continuer dans cette voie alors que nous constatons que les résultats sont inverses à nos attentes ? Plutôt que de se fixer comme seul objectif d'atteindre 0,7 % du PIB pour l'aide au développement, demandons-nous comment faire pour être efficaces.
M. Ladislas Poniatowski. - Vos présentations étaient passionnantes, lucides humbles, mais aussi terrifiantes. Il nous faut rester, mais comment le faire quand on est considéré comme un occupant ?
La photo du camp de Kidal que vous nous avez montrée m'a fait penser à Diên Biên Phu : on se retranche et on se protège avant d'être attaqué et de riposter le mieux possible. Les terroristes qui quittent l'Irak et la Syrie vont venir au Sahel, comme ils l'ont déjà fait en Libye. Vous nous avez démontré que nos forces n'avaient pas l'intention d'être offensives. Mais comment aller chercher les terroristes qui risquent d'être plus nombreux dans les mois et années à venir ? Que faire avec nos 4 500 hommes et les 9 000 soldats africains pour tenir cet immense territoire ?
M. Christian Cambon, président. - La Minusma n'a pas vraiment le mandat pour être réellement offensive, alors que Barkhane l'est beaucoup plus.
M. Sébastien Mosneron Dupin. - Ces forces sont complémentaires. L'action des forces armées locales et internationales est complétée par la puissance, la mobilité, la réactivité et l'allonge de Barkhane. Barkhane n'est, par ailleurs, pas seulement perçue comme une force d'occupation. Elle assure la sécurité publique, forme les forces maliennes et nigériennes et intervient sur le terrain. Barkhane est ainsi à l'origine des premiers exercices de la force conjointe du G5 Sahel : c'est elle qui a mené les premières opérations transfrontalières avec certaines armées du G5. La première opération officielle des forces du G5 en octobre dernier a mobilisé près de 1 000 hommes, sur environ 200 kilomètres et a montré un vrai savoir-faire, lié notamment à une formation commune, dispensée par les écoles nationales à vocation régionale soutenues par la Direction de la coopération de sécurité et de défense. Le tableau ne doit donc pas être noirci à l'extrême. Notre coopération en matière de développement comme de défense a fait oeuvre utile. En outre, je constate une véritable mobilisation de la communauté internationale sur le financement de cette nouvelle force multinationale comme en témoigne la réunion de la Celle Saint Cloud. Les pays du G5 Sahel eux-mêmes se mobilisent. Le Niger par exemple, doit armer 4 forces différentes (FMM, Minusma, G5, et OP nationales), ce qui relève de l'exploit tant leur armée de terre est réduite.
M. Yvan Guichaoua. - Barkhane est très active sur le terrain : la semaine dernière encore, un chef djihadiste a été visé. Notre armée tente par tous les moyens d'éviter les bavures mais elle ne sait pas vendre le récit de ses actions. C'est d'ailleurs plus que de la politique que de la communication qu'il faut. Quand la France intervient, des voix s'élèvent pour défendre les cibles visées, les qualifiant par exemple de bergers innocents. Les opérations de Barkhane donnent lieu à toutes sortes de spéculations qui peuvent se retourner contre elle. L'épisode des onze militaires maliens, retenus en otage dans un camp djihadiste, et qui ont été bombardés par nos forces, a eu des conséquences dramatiques. La question de l'assurance vie des militaires est très importante : ce sont des manifestations de veuves de militaires ont enclenché le mouvement qui a fait tomber Amadou Toumani Touré en 2012.
De plus, Barkhane met parfois fin à des initiatives de dialogue avec les groupes armés qui sont engagées en off par les États africains. Lors d'une intervention à la frontière du Burkina, c'est ce qui s'est passé : Barkhane a ciblé des responsables qui avaient engagé un dialogue avec des intermédiaires des autorités maliennes. Pensons donc aux impacts politiques des actions antiterroristes. Barkhane peut contribuer à interrompre les fils du dialogue. Le chef de la tribu dominante de Kidal dirige le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), mais une bonne partie de sa tribu a choisi le camp du djihadiste d'Iyad Ag Ghaly. En traçant une ligne infranchissable entre terroristes et non terroriste on interdit au chef tribal de jeter des passerelles pour récupérer les jeunes partis rejoindre les djihadistes. Le contre-terrorisme a une vision binaire du monde, alors que les rapports sociaux sont beaucoup plus multidimensionnels que ce clivage artificiel entre gentils et méchants. Les États qui ont rejoint de G5 Sahel disposent d'autres canaux d'intervention mais plus discrets. Pourquoi ne pas chercher à mieux comprendre ces initiatives informelles ?
La Mauritanie fait partie du G5 Sahel mais aujourd'hui, ce G5 se réduit à un G3 : Burkina-Faso, Niger et Mali. Une nouvelle relativement encourageante : le parrainage (et la surveillance) par Barkhane de ces forces minimise les risques d'exactions ; c'est ce que suggèrent les rapports de Human Rights Watch. En revanche, quand Barkhane n'accompagne pas les forces locales, les mauvais comportements risquent de ressurgir. Côté malien, la gendarmerie a meilleure presse que les militaires. Côté nigérien, le sens républicain de l'armée est un peu plus poussé. La semaine dernière, 33 gendarmes nigériens ont ainsi été radiés pour abandon de poste : la surveillance des militaires est plus stricte qu'au Mali.
M. Sébastien Mosneron Dupin. - L'aide ne peut pas tout. Au Mali, l'application de l'accord d'Alger est une question avant tout politique qui doit se traiter au niveau local et national. Les équilibres ethniques, politiques, les luttes contre les rentes de situation ou la corruption, relèvent avant tout d'une volonté politique. L'aide peut accompagner un processus politique, mais solution politique appartient aux maliens. La réponse au discours islamique radical est avant tout politique : faire de la démocratie, de l'État de droit, des droits de l'homme un modèle attractif, respectable parce que respecté par l'ensemble de la population des plus humbles aux plus puissants.
S'agissant de l'efficacité de l'aide, pour améliorer concrètement la situation sur le terrain, il convient de mieux se coordonner, de privilégier des demandes globales fondées sur les 6 piliers précédemment cités, des circuits courts et une évaluation systématique des projets.
En ce qui concerne le montant de l'aide au développement française, elle ne représente qu'un tiers de l'aide allemande, et la moitié de l'aide britannique. La commande publique adressée à Expertise France s'élève à 12 millions en 2017 et 30 millions en 2018 tandis qu'en Allemagne, elle se chiffre à 3 milliards, ce qui permet à l'Allemagne d'agir en faveur de la solidarité, mais également de diffuser un écosystème favorable aux intérêts allemands. J'ai récemment rencontré mon homologue. Sa préoccupation était de mettre en oeuvre les 500 millions supplémentaires que l'État lui avait versés, alors que, de mon côté, je réclame 10 millions pour assurer l'équilibre de mon agence. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'un ministre africain puisse me dire que lorsqu'on avait besoin d'une intervention militaire, on appelait la France, lorsqu'on souhaitait de la coopération, on appelait l'Allemagne et lorsqu'on voulait faire des affaires, on s'adressait aux Chinois. Les récentes annonces du Président de la république vers une trajectoire d'APD 0,55 % du RNB devrait cependant permettre de redresser un peu la situation.
M. Yvan Guichaoua. - L'apparition du trafic de drogue à partir des années 2005 a bouleversé des équilibres préexistants du fait des énormes sommes en jeu. Mais n'oublions pas que le Sahara a toujours été un espace de commerce intégré, traversé par des routes commerciales. Ce qui a changé avec la drogue, c'est la nature et la valeur des chargements : il faut des véhicules pour les transporter et protéger les convois. S'agit-il pour autant d'un élément structurant des conflits ? Oui et non. Il y a tout autant de passage de drogues au Niger qu'au Mali et, pourtant, le Niger s'en sort mieux que le Mali en matière sécuritaire. L'enjeu n'est pas tant de savoir si la drogue est un facteur de conflit, mais de déterminer si l'État est capable d'apprivoiser les réseaux de trafic. L'État nigérien y parvient bien : les opérateurs des trafics ne sont pas loin des cercles étatiques. Au Mali, nous sommes en présence d'un duopole : pour simplifier deux groupes se disputent férocement le gâteau dont l'un a ses ramifications à Kidal et l'autre à Bamako.
- Présidence de M. Pascal Allizard, vice-président -
M. Yvan Guichaoua. - Au Mali, le contrôle qui prévaut au Niger est inexistant : il y a des acteurs armés crédibles capables de contester le pouvoir des groupes qui sont proches de l'État, basés à Gao. Après avoir épargné les trafiquants pour se concentrer sur les djihadistes, Barkhane semble désormais entraver les routes du trafic, ce qui appauvrit les réseaux, notamment arabes, qui avaient fait la prospérité de Gao pendant l'occupation.
M. Sébastien Mosneron Dupin. - Je suis convaincu, pour répondre à M. Boutant, qu'en stabilisant la zone, nous défendons un intérêt commun aux pays de la zone et aux nôtres. L'arrivée de 3 millions de Syriens en Europe a eu des conséquences politiques considérables ; avec les 200 millions d'habitants du Sahel en 2050, on peut s'attendre à des dizaines de millions de migrants si la situation ne s'améliore pas. La participation de l'Union européenne à la montée en puissance d'une force sahélienne est dans l'intérêt du contribuable européen.
Il m'a été demandé si nous exportons nos valeurs au mépris des besoins des populations ; cela me rappelle la question de M. Chevènement au moment de l'intervention en Afghanistan : « Vouloir que la population de Kaboul puisse écouter les Beatles, est-ce un objectif de guerre pertinent ? ». Ici le but guerre est plus simple ! C'est le rétablissement de l'ordre public. Aujourd'hui, les services publics de base se retirent face à la violence des groupes armés. Nous voulons aider ces Etats à se redéployer pour former les nouvelles générations et donner une nouvelle impulsion à l'activité économique dont ont besoin ces pays. Quant à la lutte contre les trafics, la principale destination de la drogue est l'Europe. La traite des êtres humains est contraire à notre conception de l'humanité ; mais elle finit aussi chez nous... Il est donc de notre intérêt d'aider ces Etats à ramener l'ordre et la sécurité sur leur territoire.
Nous n'intervenons pas sur l'état-civil des pays de la zone ; mais dans le cadre de la réforme, il pourrait éventuellement être envisagé de transférer à l'agence des activités de coopération internationale de ce type. Des centaines de millions d'enfants sont en effet sans état-civil. C'est aussi un enjeu humanitaire important, et également industriel pour certains groupes français spécialisés dans ce domaine de la biométrie.
M. Pascal Allizard, président. - Je vous remercie.
La réunion est close à 11 h 20.
- Présidence de M. Pascal Allizard, vice-président -
La réunion est ouverte à 15 h 05
Situation de Jérusalem et processus de paix au Proche-Orient - Audition de M. Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Pascal Allizard, président. - Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition sur un sujet majeur : la situation de Jérusalem et le processus de paix au Proche-Orient.
Ce sujet s'est trouvé, pour un moment, relégué à l'arrière-plan des nombreuses crises du Proche-Orient, même si la France, en janvier 2017, a pris l'initiative d'une importante conférence, à Paris, visant à « réanimer » le processus de paix israélo-palestinien alors au point mort, en créant un consensus international. Nous nous interrogeons sur le succès de cette démarche.
Les initiatives du président Trump viennent de replacer le dossier, assez brusquement, au tout premier plan des préoccupations.
Je rappelle que, de façon unilatérale, les États-Unis, le 6 décembre dernier, ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël. Le président Trump, en conséquence, a donné l'instruction de déplacer à Jérusalem l'ambassade américaine, située actuellement à Tel-Aviv. Cette relocalisation à Jérusalem, promis par les présidents américains successifs, était un engagement de campagne. Toutefois, la relative brusquerie de sa mise en oeuvre a surpris. Alors que le vice-président américain a annulé sa tournée dans la région, un plan américain pour la paix israélo-palestinienne serait préparé pour les prochains mois.
Monsieur le ministre, vous rentrez de Washington : quels ont été les ressorts des décisions de M. Trump ? Que peut-on à présent attendre des États-Unis quant à un plan de paix ? Quelles concessions M. Netanyahou, en visite à Paris le 10 décembre dernier, serait-il prêt à faire pour faire avancer la paix ?
M. Trump a-t-il surtout voulu satisfaire un électorat, ou encore créer un « électrochoc », prétendument pour relancer le processus de paix, en s'attaquant d'emblée, avec Jérusalem, au point le plus épineux du problème ? Ou bien, au contraire, a-t-il compris que le vrai problème pour ses alliés régionaux était l'Iran et les milices chiites ? Une alliance objective semble exister entre l'Égypte, l'Arabie saoudite et Israël sur ce dossier.
Les réactions ont bien sûr été nombreuses. Israël s'est naturellement réjoui des décisions américaines, tandis que l'Autorité palestinienne les condamnait. Le Hamas a quant à lui appelé à une nouvelle Intifada. Le président turc, M. Erdogan, a appelé à reconnaître Jérusalem-Est comme « capitale de la Palestine » et l'Organisation de la coopération islamique, réunie à Istanbul la semaine dernière, a condamné les décisions américaines, de même que l'Égypte, l'Arabie saoudite, l'Iran et la Jordanie.
Les décisions de M. Trump ne vont-elles pas, paradoxalement, renforcer l'influence régionale de l'Iran, en restaurant son aura de champion de la cause palestinienne ?
On notera que le roi Salmane d'Arabie saoudite a déclaré que les Palestiniens avaient « le droit de faire de Jérusalem-Est la capitale de l'État auquel ils aspirent », alors même que le prince héritier, Mohammed ben Salmane, aurait récemment proposé au président Abbas d'y renoncer. La Russie et la Chine ont exprimé leurs inquiétudes. L'Union européenne a pour sa part réitéré son soutien à la solution des « deux États », et la plupart de ses États membres ont à tout le moins regretté les décisions américaines. Les 14 membres du Conseil de sécurité ont d'ailleurs soutenu la résolution égyptienne rejetée, avant-hier, du fait du veto américain.
Quels sont, monsieur le ministre, les développements possibles, à court terme, de cette crise, évidemment des plus dangereuses, au Proche-Orient et au-delà ?
La France, pour sa part, a exprimé son regret, à juste titre. Les décisions prises par le président américain apparaissent en effet contraires aux précédentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et au consensus international sur Jérusalem. Ces décisions se heurtent à la ligne diplomatique traditionnelle de la France, qui prône la solution des « deux États », Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières reconnues et sûres, avec Jérusalem comme capitale de chacun des deux États.
En outre, les initiatives de M. Trump ne servent pas la cause de la paix et de la stabilité régionales. En particulier, comme l'a signalé le Premier ministre Édouard Philippe devant l'Assemblée nationale, « il est fort probable qu'elles n'améliorent pas la sécurité d'Israël ».
Monsieur le ministre, que peut désormais faire, très concrètement, notre diplomatie face à cette situation ? Certes, le Président de la République a appelé le Premier ministre Netanyahu, qu'il rencontrait à Paris le 10 décembre, à « des gestes courageux envers les Palestiniens », en citant par exemple le gel de la colonisation dans les territoires palestiniens occupés, et ce tout en condamnant « toutes les formes d'attaques » contre Israël. La France se dit prête, évidemment, à accompagner « toutes les initiatives constructives ».
Quelles seraient les chances de succès, dans le nouveau contexte créé par M. Trump, d'une initiative américaine qui, dans les prochains mois, demanderait des concessions à chacune des parties ?
Israël serait prêt à des concessions, mais sous réserve, notamment, d'être reconnu comme État juif par les Palestiniens, sans retour des réfugiés. De son côté, le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a estimé que les États-Unis n'avaient plus de rôle à jouer dans le processus de paix. Un déblocage est-il désormais possible ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Vous m'avez demandé, voilà quelques jours, de réagir aux décisions du président Trump. Du fait de mon emploi du temps très contraint, j'irai à l'essentiel. Vous m'y aidez, monsieur le président, car vous avez quasiment tout dit !
La question de Jérusalem est un problème diplomatique ancien, complexe et épineux. Les récentes décisions du président Trump en ont rappelé l'importance et l'actualité. Il y a un siècle, le 9 décembre 1917, le général Allenby entrait dans Jérusalem, par la porte de Jaffa, après en avoir chassé les Ottomans. Par respect pour cette ville sainte, le commandant des forces britanniques au Levant avait rompu avec les traditions militaires pour y entrer à pied, comme un pèlerin, plutôt qu'à cheval, comme un conquérant. Cela est symbolique de l'importance de la question de Jérusalem.
Le président Trump s'en est saisi de manière fracassante. Sa décision a suscité une condamnation quasi unanime de la communauté internationale et des manifestations de protestation au-delà même du monde arabe ou du monde musulman. Les violences sont certes restées circonscrites, mais elles ont déjà causé des morts, notamment dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas.
La décision de M. Trump est double : il s'agit, d'abord, de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël et, conséquence logique à ses yeux, d'y transférer l'ambassade américaine.
Ces annonces rompent avec la pratique constante des États-Unis depuis 1947. Elles contredisent le droit international, tel qu'il résulte des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et prennent le contre-pied d'un consensus international bien établi, dans lequel s'inscrit d'ailleurs la position de notre pays. Ces annonces peuvent contribuer à attiser l'instabilité dans cette région qui, honnêtement, n'avait pas besoin de cela.
La France a regretté cette décision et a fait part aux États-Unis de sa réprobation. Quelques jours auparavant, au cours d'un entretien avec M. Trump, le Président de la République avait fait valoir les inconvénients et les risques d'une telle démarche. Nous avons été consultés, mais pas entendus. La position de la France est claire et constante : il ne peut y avoir d'issue au conflit israélo-palestinien que par une solution « à deux États », Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières reconnues et sûres, avec Jérusalem comme capitale des deux États. C'est ce que dit le droit, et c'est la seule issue réaliste et équitable à ce conflit. Vous avez rappelé que j'étais à Washington avant-hier. J'ai eu l'occasion d'y faire connaître cette position à mes interlocuteurs.
Pourquoi cette décision, pourquoi une telle rupture de la part des États-Unis ? Pour le comprendre, il faut revenir à la campagne électorale de M. Trump, à sa pratique de la diplomatie depuis son accession à la présidence et à l'évolution des débats de politique étrangère américains sur Jérusalem et, plus généralement, le processus de paix.
Cette décision obéit avant tout, selon moi, à des considérations de politique intérieure. Elle se veut la réalisation d'une promesse de campagne, que M. Trump n'est pas le premier à avoir formulé, mais qu'il est le premier à effectivement mettre en oeuvre. Les lignes bougent, aux États-Unis : la solution « à deux États », naguère consensuelle, a été retirée de la plateforme électorale du parti républicain en 2016.
À l'origine de cette affaire, on trouve la loi, adoptée par le Congrès américain à une large majorité en 1995, qui prévoit le transfert à Jérusalem de l'ambassade des États-Unis auprès de l'État d'Israël. Au regard des rapports de force actuels au sein du Congrès, ce texte recueillerait sans doute aujourd'hui une majorité encore plus large. Cette loi comporte un dispositif, caractéristique du droit américain, qui permet au pouvoir exécutif de surseoir au transfert de l'ambassade pour des raisons relevant de l'intérêt supérieur des États-Unis. La notification de ce sursis doit être donnée au Congrès tous les six mois. Depuis 1995, l'ensemble des présidents y ont eu recours, y compris ceux qui, comme Bill Clinton ou George W Bush, avaient inscrit ce transfert dans leur programme : ils ont en effet toujours pris en considération les réactions qu'une telle décision n'aurait pas manqué de susciter au Proche-Orient.
M. Trump, lui, saute le pas, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, ce n'est pas la première fois que le président américain rompt avec le consensus international sur une question diplomatique majeure. En témoignent le retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, ou encore la fin de la certification de l'accord sur le programme nucléaire iranien. Ces décisions ont un dénominateur commun : à chaque fois, il s'agissait de promesses de campagne. Leurs conséquences négatives, pourtant réelles, n'affectent pas immédiatement les États-Unis. Le président Trump les met en oeuvre suivant un calendrier qui se veut indifférent aux contraintes de l'agenda international.
Ces décisions traduisent aussi une défiance envers le multilatéralisme, ses principes et ses institutions. C'est l'une des marques de fabrique de la présidence Trump. Cette orientation a un caractère irréaliste, voire dangereux : le Président de la République l'a souligné lors de son discours devant l'Assemblée générale des Nations Unies, en septembre dernier, et j'ai eu l'occasion de le faire lorsque j'ai présidé le Conseil de sécurité en octobre.
La question israélo-palestinienne est au coeur de cette prise de distance vis-à-vis de la diplomatie multilatérale. C'est ainsi qu'ont été, en grande partie, justifiés le retrait américain de l'Unesco et les coupes budgétaires demandées à l'ONU : selon l'administration Trump, ces institutions sont en effet animées d'un biais anti-israélien.
Le président Trump fait montre d'un intérêt tout particulier pour ce conflit, dont il s'est saisi dès le début de sa campagne électorale. Cet intérêt ne s'est pas démenti depuis son élection. Donald Trump se voit d'abord comme un négociateur et un businessman. Il ne cache pas son ambition de conclure le « deal des deals », pour reprendre son expression, c'est-à-dire un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. C'est pourquoi il a confié le dossier à des personnalités de confiance, au premier rang desquels son gendre, M. Jared Kushner, son collaborateur de vingt ans, M. Jason Greenblatt, qui a multiplié les navettes dans la région ces derniers temps, et son avocat, M. David Friedman, qu'il a nommé ambassadeur en Israël. Ces trois personnalités jouissent d'un accès direct au président américain, en dehors des circuits habituels du Département d'État, du Pentagone ou du Conseil national de sécurité.
Ces trois émissaires travaillent, dans la plus grande discrétion, à une initiative de paix qui pourrait être présentée dans les prochaines semaines. Je me suis entretenu avec M. Kushner avant-hier à ce sujet. Personne ne sait grand-chose de cette initiative. Elle est en préparation ; il faudra donc la juger sur pièces, une fois qu'elle aura été exposée clairement, et ce dans un esprit lucide, critique, mais constructif. Toute initiative de paix, à nos yeux, mérite d'être considérée ; encore faut-il qu'elle soit sur la table ! Je ne souhaite pas sur un tel sujet apprécier avant de connaître avec précision. .
Toujours est-il que, en abattant d'emblée ses cartes sur Jérusalem, le président Trump pourrait avoir, dès à présent, quelque peu affaibli ce projet. Autant il faut saluer le principe de sa mobilisation sur le dossier israélo-palestinien et sa volonté d'agir, autant sa propension à s'affranchir de l'acquis du processus de paix peut en compliquer la résolution et amoindrir sa capacité à construire une voie de sortie acceptable par tous.
Quelles sont les conséquences de la décision du président Trump ? Il s'agit d'une décision unilatérale, qui n'engage que l'administration américaine et ne modifie ni les paramètres d'un règlement de paix ni la méthode nécessaire pour y parvenir. Elle ne s'impose pas aux autres États, qui, dans leur très grande majorité, l'ont condamnée ou s'en sont distanciés, même si certains - pour l'instant, je n'en connais que deux, le Guatemala et les Philippines - ont évoqué à leur tour la possibilité de déplacer leur ambassade à Jérusalem.
L'administration américaine, en l'occurrence M. Tillerson, qui était à Paris la semaine dernière, a pris soin de préciser que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël ne préjugeait pas des limites de la ville, qui doivent être agréées par la négociation entre les parties. Elle a par ailleurs fait savoir que le transfert de l'ambassade serait un processus long et complexe : aucun site n'a même été identifié, à ce stade, pour l'accueillir. En fonction de la localisation de la future ambassade - à l'ouest, à l'est ou dans le no man's land -, la signification politique de ce transfert ne sera pas la même.
Cela étant, en dépit de ces précautions, la réprobation internationale a été quasi unanime. La Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique, mais aussi la plupart des États européens, ont pris leurs distances. Dans ces conclusions du 15 décembre, le Conseil européen a rappelé, dans des termes très clairs, son attachement à la solution des « deux États ». Le Conseil de sécurité des Nations unies a été saisi, à la demande de plusieurs de ses membres, dont la France. Il s'est réuni hier et ses travaux ont abouti au vote que vous connaissez : une résolution condamnant unanimement la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël a reçu 14 voix sur 15, mais les États-Unis y ont mis leur veto.
Ces réactions tiennent à la singularité de Jérusalem, ville sainte pour les trois grands monothéismes. Les lieux saints - mur des Lamentations, esplanade des mosquées et Saint-Sépulcre - sont concentrés dans la vieille ville ou à proximité ; je pense là au tombeau du roi David, au Cénacle, à l'église de Gethsémani ou au mont des Oliviers.
C'est pourquoi Jérusalem fait l'objet d'un traitement diplomatique particulier. La résolution 181 de novembre 1947 prévoyait d'en faire un corpus separatum, c'est-à-dire une entité distincte et démilitarisée, placée sous la tutelle des Nations unies. Ce projet n'a jamais abouti en raison des conflits successifs qui ont eu Jérusalem pour enjeu. En 1948, les Israéliens se sont emparés de la partie ouest de la ville ; les Jordaniens, de la partie est, y compris la vieille ville et la plupart des lieux saints, d'où le fait que le roi Abdallah soit aujourd'hui leur garant. En 1967, à l'issue de la guerre des Six Jours, Israël a occupé Jérusalem-Est, annexé dès le 27 juin 1967 et rattaché à la municipalité israélienne. La loi de Jérusalem, adoptée par la Knesset le 30 juillet 1980, proclame la ville « capitale éternelle et indivisible de l'État d'Israël ». La plupart des institutions israéliennes, que ce soit la Knesset, la présidence, la primature et les ministères, à l'exception de celui de la défense, y ont été transférés. Cette annexion a été rejetée par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations unies.
L'approche française, qui est partagée par la majeure partie de la communauté internationale, insiste sur le fait que le statut de Jérusalem ne peut être déterminé que par un accord négocié entre les parties au conflit. En l'absence d'un tel accord, aucune souveraineté ne peut être reconnue sur la ville, et la doctrine du corpus separatum continue de faire référence. C'est pourquoi, jusqu'à présent, Jérusalem n'a accueilli aucune ambassade étrangère. Il ne s'agit de nier ni la vocation de Jérusalem à devenir la capitale de l'État d'Israël ni le lien entre la ville et le judaïsme, comme une résolution ambiguë adoptée par l'Unesco pouvait le laisser croire ; le Premier ministre Manuel Valls avait d'ailleurs apporté alors les clarifications nécessaires sur la position française. Il s'agit de définir une méthode pour parvenir à un accord sur le statut de Jérusalem, sur lequel les négociations de paix ont achoppé à plusieurs reprises, en particulier à Camp David en juillet 2000 et, en 2003, dans le cadre de la feuille de route du quartet qui a pour mission de suivre le processus de paix.
Avec 900 000 habitants - 62 % de juifs et 37 % d'Arabes -, dont 200 000 colons israéliens vivant dans la partie orientale de la ville, normalement dévolue à un futur État palestinien, Jérusalem est au quotidien un foyer de tensions. Cela s'est encore vérifié l'été dernier lorsque des incidents ont eu lieu à la suite de l'installation de portiques de sécurité. L'accélération, depuis le début de l'année 2017, des programmes de logement à Jérusalem-Est, annoncée par les autorités israéliennes, n'est pas non plus de nature à susciter l'apaisement.
Dans ces conditions, la décision du président Trump appelle une réponse concertée de notre diplomatie. Il faut réaffirmer les principes, que j'ai rappelés tout à l'heure, dans lesquels devra s'inscrire le statut de Jérusalem. Le Président de la République a réagi en ce sens. Les Européens doivent faire front commun sur ce dossier ; c'est le cas. La position de l'Union européenne est claire, et elle continuera de la défendre sur la scène internationale, tout en apportant une aide considérable pour améliorer la situation humanitaire dans les territoires palestiniens. C'est sur la base de ces paramètres que l'Union européenne et la France examineront les initiatives américaines. Les décisions contestées du président Trump créent un trouble dans la région, mais ne modifient pas le droit existant.
Nous souhaitons également appeler au calme, pour éviter que la violence ne vienne s'ajouter à la confusion. Heureusement, en dépit de violences et, même, de morts à Gaza, jusqu'à ce jour, l'embrasement ou l'intifada évoqués par certains n'ont pas eu lieu.
Nous devons en même temps continuer de travailler avec les pays arabes modérés, les pays donateurs et les bailleurs pour continuer de privilégier les actions concrètes. Nous appuyons les efforts égyptiens pour la réconciliation interpalestinienne, de même que les efforts entrepris par l'Union européenne pour aider les Palestiniens à mettre en oeuvre une administration. Il faudrait aussi qu'Israël fasse les gestes nécessaires pour que la situation soit plus sereine. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité qu'Israël prenne des initiatives : il l'a dit devant le Premier ministre Netanyahou.
Nous estimons nécessaire d'exprimer clairement notre désaccord. Nous jugeons également que l'initiative de paix américaine, si elle arrive, méritera d'être regardée avec la plus grande attention pour essayer de la rendre constructive. Cette initiative n'est toutefois pas encore sur la table des négociations. Le chemin est étroit ; la vigilance doit être permanente pour éviter tout risque d'incident. La France reste active et mobilisée dans cet esprit auprès de ses partenaires. C'est pourquoi le Président de la République a reçu, hier après-midi, le roi de Jordanie et qu'il recevra après-demain M. Mahmoud Abbas, afin d'évoquer avec eux la situation.
M. Gilbert Roger. - Je considère la déclaration de M. Trump comme une provocation. Au forum transatlantique de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, à Washington, où j'étais récemment, tous les représentants des pays européens présents ont exprimé leur préoccupation.
Nous avons noté le poids terrible des évangélistes dans la politique intérieure américaine, notamment chez des parlementaires républicains. Pour eux, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël va de soi, d'abord en raison de la loi de 1995, mais surtout parce que Dieu a dit à Jacob qu'il s'appellerait désormais Israël ; il n'y a pas besoin d'autre justification à leurs yeux !
Depuis François Ier, la France est gardienne des lieux saints de la chrétienté. Les treize autorités religieuses concernées ont fait part de leur très grande inquiétude. Nous devons les rassurer.
Sachant que le président américain a été capable d'appliquer une loi de 1995, qu'est-ce qui empêche le Président de la République de mettre en oeuvre les résolutions adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat tendant à la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la France ? Cela permettrait d'avoir des discussions d'État à État, en non plus d'occupant à occupé.
Mme Christine Prunaud. - À part les États-Unis, tout le monde a condamné la déclaration de M. Trump.
Nous sommes très inquiets pour l'avenir de la Palestine ; Israël procède à un morcellement constant via les colonies, ce qui rend plus difficile la solution avec deux États. Comment inciter le gouvernement israélien à demander aux colons de respecter les frontières prévues dans les accords ?
Vous avez raison de prôner une initiative de paix et d'appeler au calme. Mais, malgré mon pacifisme, j'ai de plus en plus de mal à y croire.
La France et l'Union européenne ont des accords d'association avec Israël. Pourquoi ne pas commencer à envisager des sanctions économiques à l'égard de certaines personnalités ?
M. Olivier Cigolotti. - Mohammed ben Salmane dit vouloir révolutionner le Royaume d'Arabie saoudite. Il se dit prêt à « détruire » les positions extrémistes, même s'il cherche en même temps à couper les ailes à l'Iran et au chiisme. Pensez-vous qu'il soit aujourd'hui un allié pour la France ? Est-il capable d'engager un certain nombre de changements, qu'il s'agisse de l'islam, du Moyen-Orient ou des positions sur Jérusalem ?
M. Ladislas Poniatowski. - La France a été très claire sur la déclaration de M. Trump. Mais je ne suis pas certain que tous les États membres de l'Union européenne soient tous sur la même position.
Si, lors de sa rencontre avec les Vingt-huit, M. Netanyahou s'est vu signifier par Mme Federica Mogherini qu'il n'était pas question pour l'Union européenne de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, je doute que la Hongrie, la Pologne ou la République tchèque, dont les gouvernements sont très atlantistes, nous soutiendraient si nous étions un jour amenés à prendre une décision.
J'aimerais également savoir si, lors de cette rencontre, les infrastructures - écoles, eau, électricité - que l'Union européenne finance en Cisjordanie et qu'Israël détruit régulièrement ont été évoquées.
M. Robert del Picchia. - La décision de M. Trump ne fait-elle pas partie du futur plan américain, que nous ne connaissons pas, mais qui pourrait comporter une contrepartie pour les Palestiniens ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je me pose également cette question.
Lors de la venue de M. Netanyahou à Bruxelles, on pouvait avoir le sentiment qu'il y avait bien la recherche d'une solution à deux États, mais à deux États différents, avec des souverainetés différentes ; bref, le risque d'une sorte de « Canada Dry » de solution à deux États !
Le plan Kushner aura lieu. Je pense qu'il n'est pas encore abouti.. Mais, dès lors qu'un plan est en préparation, il serait malvenu pour la France ou l'Union européenne de décider d'une initiative unilatérale ; respectons la démarche en cours. Cela étant, il faudrait qu'elle aboutisse assez rapidement. Les appels au calme ont été honnêtement relayés par nombre d'acteurs arabes, y compris lors de la discussion du Caire. Nous examinerons l'initiative de paix avec un a priori favorable. Mais il faudra qu'elle ne soit pas une provocation et permette d'engager un processus.
Chacun sait que la a gouvernance américaine est parfois surprenante . Au moment de la déclaration de M. Trump, il semble que ni le Pentagone ni le département d'État n'étaient pleinement informés !
Si Mohammed ben Salmane veut moderniser et ouvrir l'Arabie saoudite, sortir de la rente et rompre de fait l'accord historique entre le wahhabisme et la monarchie, nous ne pouvons que l'encourager et souhaiter son succès. Certes, nous pouvons avoir des questions. Certains détenus ont été libérés contre forte caution, sous les applaudissements de la jeunesse saoudienne sur les réseaux sociaux. Mohammed ben Salmane semble très proche des positions américaines, mais il a eu un vrai dialogue et une bonne relation avec le Président de la République.
Je me rendrai en Israël au premier trimestre de l'année prochaine et j'aborderai la question des infrastructures, qui est effectivement très irritante.
Le Conseil des chefs d'État et de gouvernement européens - gouvernement hongrois compris ! - a adopté vendredi une position, d'ailleurs conforme à la position constante de l'Union européenne. Il peut y avoir des nuances entre les pays, mais, dès lors qu'une position a été adoptée, il n'y a pas à y déroger.
Il ne me paraît pas opportun de prendre une initiative susceptible de rendre la situation encore plus compliquée. Comme je l'ai dit, nous attendons d'abord l'initiative américaine. Au cours des derniers mois, voire des dernières années, la question palestinienne est passée un peu au second plan derrière les crises syrienne, iranienne ou libanaise. Mais elle revient aujourd'hui au premier plan.
À mes yeux, l'inconvénient majeur de l'initiative du M. Trump est de pousser les Palestiniens en attente d'une initiative de paix vers les mouvements les plus extrémistes. C'est d'autant plus difficile à comprendre qu'un rapprochement initié par les Égyptiens et validé par les Israéliens était en cours entre Mahmoud Abbas et le Hamas. Il faut éviter que ce mouvement pour la paix ne soit remis en cause par la décision du M. Trump.
Parmi les Palestiniens, le plus gêné est évidemment Mahmoud Abbas, qui sera d'ailleurs reçu par le Président de la République vendredi matin. Le risque est que sa marge de manoeuvre actuelle ne se limite à une intervention aux Nations unies, ce qui ne serait pas l'idéal en ce moment...
Le chemin est étroit. La France maintient sa position. Comme cela a été rappelé, notre pays a une responsabilité sur les lieux saints depuis 1536, responsabilité assurée aujourd'hui par des congrégations catholiques, en particulier les franciscains.
M. Pascal Allizard, président. - Au nom des membres de notre commission, je vous remercie de la qualité de ces échanges et de la franchise de vos propos.
Nous étions récemment en Chine et au Pakistan : nos interlocuteurs ministériels, parlementaires ou issus de la société civile ont salué de manière très positive la position de la France sur la question de Jérusalem.
Nomination d'un rapporteur
La commission nomme rapporteur M. René Danési sur le projet de loi n° 62 (2017-2018) autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord du 9 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières concernant l'emploi transfrontalier d'aéronefs.
Organismes extraparlementaires - Proposition de désignation
La commission désigne comme candidats proposés à la nomination du Sénat :
- M. Bruno Sido pour siéger en tant que membre titulaire au sein de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
- M. Richard Yung pour siéger en tant que membre titulaire au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ;
- M. Gilbert Bouchet pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD) ;
- M. Jean-Marie Bockel pour siéger en tant que membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD), en remplacement de Mme Sylvie Goy-Chavent, démissionnaire.
Organismes extraparlementaires - Désignation
La commission désigne comme candidats :
- M. Ronan Le Gleut pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de Campus France ;
- Mme Isabelle Raimond-Pavero pour siéger en tant que membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence française d'expertise technique internationale ;
- M. Raymond Vall pour siéger en tant que membre titulaire au sein du Conseil d'administration de l'Institut français.
Missions de la commission pour 2018 - Désignation des membres
La commission désigne rapporteurs dans les missions suivantes :
- Dispositif Barkhane au Sahel : MM. Christian Cambon, Ladislas Poniatowski, Rachid Temal et Oliver Cigolotti ;
- Pré-positionnements français à Djibouti : MM. Philippe Paul, Hugues Saury, Gilbert-Luc Devinaz et Bernard Cazeau ;
- Évolution de la situation en Libye : MM. Cédric Perrin et Rachel Mazuir comme co-rapporteurs, ainsi que M. Jean-Pierre Vial et Mme Christine Prunaud comme missionnaires ;
- Mission ONU (New York) : Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Noël Guérini et Mme Gisèle Jourda.
En outre, M Joël Guerriau sera chargé du suivi des réunions PESD-PSDC réunissant les parlements de l'Union Européenne ; un sénateur Les Républicains et un sénateur socialiste se joindront à lui.
Questions diverses
M. Pascal Allizard, président. - Mes chers collègues, la gendarmerie nationale propose aux sénateurs de la commission des visites ou stages de 1 à 3 jours ; vous allez recevoir dans les jours qui viennent un courrier en ce sens : il faudra s'inscrire directement auprès de la gendarmerie nationale.
La réunion est close à 16 h 05.