Jeudi 7 décembre 2017

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Audition de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail

Mme Annick Billon, présidente. - Dans la continuité de l'audition de Marie-France Hirigoyen la semaine dernière sur le harcèlement, nous entendons ce matin Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), pour évoquer les agissements sexistes au travail, qui sont encore bien présents, si l'on se réfère aux chiffres existants.

Je remercie Brigitte Grésy d'avoir une nouvelle fois accepté notre invitation. Je rappelle que nous l'avions auditionnée en 2016, avant l'examen de la « El Khomri1(*) ».

Le CSEP, sous son égide, a publié en mars 2015 un important rapport intitulé Le sexisme dans le monde du travail, entre déni et réalité, qui dresse un panorama complet du sexisme dans le monde du travail, de sa prise en compte dans le droit et des instruments de régulation et de sensibilisation mis en oeuvre au sein des entreprises.

En 2016, Madame la secrétaire générale, vous avez publié un ouvrage intitulé Le sexisme au travail, fin de la loi du silence, dont je recommande vivement la lecture. Comment définiriez-vous le sexisme et comment situez-vous l'agissement sexiste et le harcèlement ?

Qu'en est-il de la prévention de l'agissement sexiste depuis son introduction dans le code du travail par l'article 20 de la loi du 17 août 20152(*), à l'initiative de plusieurs membres de notre délégation ? Cette disposition est-elle mobilisée par les plaignantes et leurs avocats ? Quelle est la portée effective de cette interdiction ?

Pouvez-vous faire état de politiques d'entreprises prenant en compte les violences sexistes et sexuelles ? Quels leviers juridiques proposez-vous dans ce domaine ?

Nous nous interrogeons également sur les conséquences éventuelles de la disparition des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des délégués du personnel prévue par les ordonnances, pour ce qui concerne la prévention du sexisme dans l'entreprise. Ne peut-on craindre, en effet, que le CHSCT, qui peut interpeller les employeurs et demander des enquêtes en matière de sexisme et de harcèlement sexuel, ne soit affaibli dans cette prérogative par la fusion des instances représentatives du personnel ?

À cet égard, la CGT vient de recommander la mise en place de « référent-e-s violences » dans les entreprises pour accompagner les victimes, diligenter des enquêtes et suivre la mise en oeuvre de mesures de prévention. Qu'en pensez-vous ? Ces référent-e-s ont-ils leur place dans le code du travail modifié par les ordonnances ?

Le CSEP a-t-il constaté, dans le cadre de la libération de la parole, une hausse du nombre de plaintes et une plus grande mobilisation des entreprises et des syndicats en matière de prévention du harcèlement et du sexisme ?

Par exemple, le kit élaboré par le CSEP pour agir contre le sexisme dans le cadre de la campagne « Sexisme, pas notre genre » est-il largement diffusé dans les entreprises ?

Qu'en est-il plus particulièrement du MEDEF ? A-t-il, à votre connaissance, favorisé la mise en place d'outils pour aider les employeurs à s'approprier leur devoir de prévention ?

Nous comptons sur vous pour nous apporter des éléments de réponse sur ces nombreuses interrogations, ainsi que, le cas échéant, sur d'autres points que je n'aurais pas soulevés et qui vous paraîtraient importants.

À l'issue de votre présentation, les membres de la délégation feront part de leurs réactions et ne manqueront pas de vous poser des questions.

Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. - Je suis très heureuse de revenir devant vous, alors que la situation au regard du harcèlement a profondément changé. Je suis les questions d'égalité depuis 1999, à des postes différents - cheffe de service des Droits des femmes, directrice de cabinet de la ministre chargée des Droits des femmes, Inspectrice générale des affaires sociales - mais toujours sous l'angle des politiques publiques. Aujourd'hui, je constate un changement de posture. Un quart des agressions sexuelles se fait au travail et une salariée sur cinq est victime de harcèlement sexuel. Il existe un décalage entre la réalité du phénomène et sa prise en compte dans les structures collectives. Je précise que je n'évoque que la situation sur le marché du travail, qui est le champ d'action du CSEP, et non dans la fonction publique, qui relève du Conseil commun de la fonction publique. J'ajoute aussi que j'interviens aujourd'hui à titre personnel, et que les opinions que je vais exprimer devant vous ne reflètent pas la position officielle du CSEP.

On peut distinguer trois étapes.

Jusqu'en 2010 environ, l'égalité professionnelle était traitée comme un bloc : la situation respective des hommes et des femmes était évaluée à l'aune de différents critères - embauche, formation, qualifications... les violences et le harcèlement sexuel étaient traités à part. Ainsi, généralement, le 8 mars on parle de l'égalité professionnelle, et le 25 novembre - Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes - on évoque le harcèlement sexuel et les autres violences sexuelles au travail.

Grâce à différents mouvements, français et anglo-saxons, on a assisté à un changement à partir des années 2010, et surtout à partir de 2013. On a pris conscience de la « tragédie des 20 % ». Alors que les femmes représentent plus de la moitié de l'humanité, il y a toujours un « gap » entre elles et les hommes. Les chiffres sont parlants : alors que 83 % des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent, l'écart de rémunération avec les hommes en moyenne brute annuelle s'élève à 27 % ; 25 % des experts des médias sont des femmes ; 20 % des salariés à temps partiel sont des hommes ; les hommes ne prennent en charge que 20 % du temps domestique. S'agissant de la mise en oeuvre de la loi Copé-Zimmermann3(*), si l'on prend en compte l'entièreté de son champ d'application, on a seulement 30 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises visées par la loi de 2011, alors que l'objectif était d'atteindre 40 %.

L'arsenal juridique de l'égalité est très complet, même si on peut toujours l'améliorer. Le discours politique sur l'égalité est tout à fait à la hauteur. Pourtant, tout se passe comme si les politiques publiques en faveur de l'égalité réelle, pourtant menées avec conviction, ne produisaient pas tous leurs effets. Cela s'explique par les résistances archaïques fondées sur la persistance des stéréotypes de sexe entre les femmes et les hommes, si bien mis en valeur par Françoise Héritier. Ces stéréotypes sont fondés sur la binarité des compétences et des aptitudes - masculin contre féminin, dur contre mou, rigueur contre intuition, actif contre passif -, et sur la stigmatisation et l'infériorisation de tout ce qui relève du féminin. Dans la vie comme dans la grammaire, le masculin l'emporte sur le féminin !

Les stéréotypes de sexe ne créent pas en eux-mêmes les inégalités, mais ils les légitiment en les rendant invisibles et naturelles. Ils peuvent aboutir à un traitement différencié des hommes et des femmes, c'est-à-dire à un système discriminatoire appelé le sexisme. Le sexisme au travail, c'est à la fois une idéologie qui érige la supériorité d'un sexe sur l'autre, et des actes, comportements, propos et attitudes qui infériorisent les femmes dans le monde du travail, ce qu'on peut appeler le sexisme ordinaire, et peuvent aussi porter atteinte à leur intégrité physique (harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viol) et, in fine, créent une souffrance telle qu'elle produit des impacts forts, y compris sur la performance au travail.

Le CSEP a fait une enquête en 2013 auprès de 20 000 cadres, hommes et femmes, et en 2015 auprès de 16 000 non-cadres sur la question du sexisme ordinaire : 80 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de sexisme au travail. Pour 90 % de ces personnes, le sexisme avait eu des conséquences négatives sur leur sentiment d'efficacité au travail et sur leur confiance en elles.

Il s'agit donc d'un phénomène massif et insuffisamment appréhendé. Le sexisme au travail couvre un champ qui va du sexisme ordinaire jusqu'au harcèlement sexuel, à l'agression sexuelle, au viol, en passant par la discrimination. Selon moi, il ne faut pas dire qu'il y a un continuum strict des violences : celui qui fait une blague sexiste à la machine à café n'est pas forcément celui qui va agresser sexuellement. Du moins, ce sujet n'est pas documenté. Simplement, le sexisme ordinaire crée un terreau favorable aux dérives en tous genres.

En 2015, nous avons abouti, grâce à votre délégation, à l'introduction de l'agissement sexiste dans le code du travail, grâce à la loi Rebsamen : « Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Sont visés tous les petits mots ou comportements qui, l'air de rien, de façon sournoise, délégitiment, infantilisent, décrédibilisent les femmes dans le monde du travail.

Aux côtés de l'agissement sexiste, on trouve le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle.

Il faut se demander si la discrimination à raison du sexe est une discrimination comme les autres. Doit-on s'en tenir à un principe d'équivalence des discriminations ? Les femmes ne sont non pas une minorité visible, mais une majorité invisible. Majoritairement, les femmes et les hommes travaillent et vivent ensemble tout au long du jour et de la nuit : il existe une interdépendance entre eux pour les besoins de la reproduction et du désir, ce qui crée une porosité entre la sphère du travail et la sphère privée. Sont ainsi importées dans la sphère du travail des représentations de la femme imprégnées de l'image privée. La femme a une double image, positive et négative : elle est celle qui protège, la mère, et celle qui pervertit, la putain. Et cette irruption de l'intime dans le monde du travail brouille les relations interpersonnelles et participe de l'invisibilité du phénomène.

À cela s'ajoute l'utilisation du temps, c'est-à-dire la charge, notamment mentale : les femmes assurent encore 80 % du travail domestique et les deux tiers du temps parental.

De ce fait, on ne peut pas utiliser pour les femmes les mêmes leviers d'action que ceux applicables aux autres groupes discriminés. Si les lois ne fonctionnent pas à l'égard des discriminations à l'encontre des femmes, c'est parce que le sexisme au travail repose sur des systèmes de pensée archaïques très ancrés. Il faut donc prendre en charge ce problème culturellement. Quelques illustrations de cet ancrage profond des inégalités : les métiers majoritairement féminins sont sous-valorisés par rapport à ceux qui sont majoritairement masculins. Je le dis souvent, il est aussi difficile de porter une personne âgée dépendante - le quotidien de celles qui travaillent dans les métiers du Care - que de porter un sac de ciment, ce que l'on retrouve dans les métiers industriels, mais ce n'est pas valorisé comme tel dans la classification des métiers. Toutes les compétences discrètes des femmes - gestion des conflits, anticipation... - sont moins valorisées que les compétences requises dans les secteurs comme la chimie ou la sidérurgie, qui se réfèrent à une conception classique de la pénibilité. On nous dit que les big datas, fondés sur les algorithmes savants, vont faire disparaître les discriminations entre les sexes, alors que les données fournies pour construire les algorithmes intègrent les stéréotypes sexistes.

Entre 2013 et 2015, donc, a émergé l'idée que le sexisme faisait déraper les choses. C'était une première évolution.

Puis est arrivée l'affaire Weinstein, et l'explosion de la parole et de l'écoute. Dès lors, les questions de politique d'égalité professionnelle ne peuvent qu'intégrer les atteintes à l'intégrité du corps des femmes, ce qui n'était pas le cas auparavant. Tout à coup, le 8 mars s'invite le 25 novembre, et les questions relatives aux violences s'inscrivent dans la réflexion sur l'égalité professionnelle ! L'égalité professionnelle doit aujourd'hui être traitée par des politiques structurelles sur l'embauche et la formation, mais aussi en agissant sur la culture symbolique du sexisme.

Pour répondre à votre question, Madame la présidente, il n'y a eu jusqu'à présent aucun contentieux sur le fondement de l'agissement sexiste, car on ne se l'est pas encore approprié. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de mettre sur la table la question des violences sexistes et sexuelles. Auparavant, je considérais le sexisme non pas comme de la violence, mais comme des actes qui infériorisaient les femmes. Certains partenaires sociaux travaillent depuis longtemps sur cette question, comme la CGT ou la CFDT, FO également. Aujourd'hui, il me semble qu'il est plus facile de traiter tout en bloc : le sexisme ordinaire, l'agression sexuelle, le harcèlement sexuel, le viol.

Alors que peut-on faire ? Je vais vous exposer ma position personnelle sur la question et non la position officielle du CSEP, comme je le disais tout à l'heure.

On peut agir sur un certain nombre de leviers. Le premier est celui de la négociation. L'obligation de négocier un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail est une disposition d'ordre public. Cette obligation de conclure un accord ? à défaut, l'entreprise doit produire un plan unilatéral - doit être respectée par toutes les entreprises de plus de 50 salariés, sous peine d'une sanction qui peut aller jusqu'à 1 % de la masse salariale. Cette sanction porte sur neuf domaines d'action - le neuvième a été ajouté en 2014 et concerne « la santé et la sécurité au travail ». Les entreprises de plus de 300 salariés doivent décliner au moins quatre domaines sur neuf ; celles de moins de 300 salariés, trois domaines sur neuf. Un domaine est obligatoire : l'égalité des rémunérations.

Il est temps d'ajouter à la formule « santé et sécurité au travail » les mots « dont les violences sexistes et sexuelles ». Dans la partie réglementaire du code du travail, il faudrait prévoir un indicateur sur les violences sexistes et sexuelles.

Le deuxième levier est celui de la prévention. On prend désormais en considération les risques psychosociaux. Dans l'Accord national interprofessionnel de 2010 sur le harcèlement et la violence au travail et dans celui du 19 juin 2013, il était indiqué que la question de la violence et des stéréotypes devait être prise en compte.

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail, les employeurs doivent mettre en oeuvre des actions de prévention fondées sur neuf principes généraux. Parmi ceux-ci figuraient déjà les risques liés au harcèlement moral et sexuel. Ont été intégrés en 2016 ceux liés aux agissements sexistes.

Nous avons donc les moyens législatifs pour agir. Mais 80 % des entreprises (source CGT) ne prévoient pas de plan de prévention. La CGT a proposé une disposition nouvelle prévoyant une sanction.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4121-3 du code du travail, l'évaluation des risques doit tenir compte de l'impact différencié de l'exposition aux risques en fonction du sexe. Cela traduit l'idée que les risques n'atteignent pas de la même façon les hommes et les femmes. Peu de choses sont faites dans ce domaine. Il faudrait mettre en place un groupe de travail pour élaborer un outil prévoyant une méthode d'évaluation des risques pour la santé liés aux violences sexistes et sexuelles, et des mesures de prévention à intégrer dans le document unique d'évaluation des risques et le plan de prévention. Nous avons là dans la loi une pépite que l'on n'exploite pas !

Avec l'intégration du CHSCT dans le Comité social et économique (CSE) a émergé la crainte d'une dilution des sujets. Aujourd'hui, un seul délégué peut saisir le CSE sur un sujet donné ; mais il faudra être vigilant. Cette peur a été exprimée lors de la dernière réunion plénière du CSEP, qui portait sur la prise en compte des violences sexistes et sexuelles au travail.

Une déléguée syndicale nous a indiqué avoir participé à une réunion où le nombre de présents et de sujets évoqués était tel que des cas de harcèlement n'avaient pu être évoquées. Quelle portée donnons-nous à la parole et à ces sujets sensibles ?

Au-delà de la prévention, il faut recourir davantage à des instruments de régulation dans l'entreprise, et notamment le règlement intérieur, qui est sous-utilisé. C'est un acte réglementaire de droit privé, obligatoire dans les entreprises et les établissements de plus de 20 salariés, et établi de manière unilatérale par l'employeur. Il a des clauses obligatoires en matière d'hygiène, de sécurité et de règles générales de discipline. La loi du 8 août 20164(*) a obligé, via l'article L. 1321-2 du code du travail, à citer dans le règlement intérieur les agissements sexistes à côté des harcèlements moral et sexuel. Le CSEP a analysé plusieurs règlements intérieurs ; la plupart du temps, la formulation des dispositions est insensible au genre ; le contenu de la loi de 20125(*) - le harcèlement est caractérisé par la répétition ou une pression grave - n'est pas inscrit dans les règlements intérieurs, et la technicité et la généralité de ses dispositions sont telles qu'elles sont incompréhensibles si elles ne sont pas expliquées et commentées.

Il faudrait recommander aux entreprises de libeller une clause générale, afin que l'ensemble du personnel ait des comportements respectueux envers les hommes et les femmes. Une circulaire de la Direction générale du travail pourrait ainsi obliger les règlements intérieurs à comporter l'intégralité des dispositions de la loi de 2012 sur les harcèlements moral et sexuel, ainsi que sur les agissements sexistes, exemples à l'appui.

En Belgique, toute nouvelle personne recrutée doit signer le règlement intérieur. On pourrait ainsi compléter l'article R. 1331-1 du code du travail par un deuxième alinéa prévoyant que le règlement intérieur est remis en mains propres à tout nouvel employé et signé à nouveau en cas d'avenant au Règlement intérieur contre une décharge affirmant sur l'honneur qu'il a pris connaissance du règlement intérieur.

Autre instrument, les codes d'éthique, qui nous viennent des États-Unis, et qui sont une base d'autorégulation. Nous en avons examiné plusieurs, américains ou français. Généralement, ils sont insensibles au genre - sauf un code d'éthique français. Il faudrait obliger l'employeur à intégrer dans ce document le sexisme au sens large, et à définir ses différentes manifestations, en rappelant l'interdiction des agissements liés au sexe. Il en est de même dans le label Égalité, qui prévoit des dispositions très complètes dans son cahier des charges, mais mentionne le sexisme sans autre précision. Le sexisme ordinaire, l'humour sexiste devant la machine à café doivent être prohibés, mais pas l'humour...

Troisième pilier, la formation doit être renforcée. Je vous ai apporté des guides qui fleurissent dans des organisations comme FO, la CFDT ou certaines entreprises. Ces outils de sensibilisation sont essentiels. J'ai moi-même fait du sexisme sans le savoir. Ce sexisme exclut les femmes et les auto-exclut. Nous sommes tous tombés dans la marmite des stéréotypes depuis que nous sommes petits, et avons intégré leurs prédictions autoréalisatrices.

La formation et la sensibilisation sont essentielles. Il faut rendre obligatoire, par la loi, une formation aux violences sexistes et sexuelles. Le CSEP a réalisé un guide et interrogé les entreprises. Les formations à la négociation collective étaient nombreuses, surtout depuis la loi Génisson (encore une sénatrice !) de 20016(*) qui rendait obligatoire la négociation sur l'égalité professionnelle. Et ces formations se sont renforcées lors de la loi de 2010 qui prévoit des sanctions. Mais il existe aussi le mythe de « l'égalité déjà là » et les entreprises se sont tournées depuis quelques années davantage vers les formations sur les stéréotypes de sexe mais sans en tirer toutes les conséquences sur les effets du sexisme. Dès lors, il faudrait rendre obligatoire une formation aux violences sexistes et sexuelles, pour tous les salariés, et en particulier pour les membres des Comités sociaux et économiques (CSE, futures instances représentatives du personnel), les partenaires sociaux, les managers et les responsables des ressources humaines. Ces formations doivent permettre de réfléchir, de montrer comment certains comportements peuvent déboucher sur du sexisme, et lutter contre certains travers : la femme qui se sent coupable, dont on booste la confiance, ou bien l'absence d'interrogation sur la responsabilité collective du sexisme... Aujourd'hui, il faut des formations liant les violences sexistes et sexuelles à l'égalité professionnelle, et intégrer une obligation de former. La loi du 27 janvier 20177(*) a modifié l'article L. 1131-2 du code du travail pour faire en sorte que dans « toute entreprise employant au moins trois cents salariés et toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l'embauche au moins une fois tous les cinq ans. » Prévue à l'article L. 4141-2 du code du travail, la formation à la sécurité est également obligatoire. Rajoutons donc dans les formations obligatoires une formation sur les violences sexuelles et sexistes à destination de tous les salariés, sinon au moins aux managers, partenaires sociaux, responsables des ressources humaines et responsables de la santé et de la sécurité au travail.

Quatrième point, au-delà de la prévention et de la sensibilisation, il faut s'attaquer au traitement des victimes du sexisme. Les délégués du personnel ont un droit d'alerte, prévu à l'article L. 2313-2 du code du travail. L'employeur peut alors diligenter une enquête avec le délégué. C'est une organisation juridique intéressante. Parallèlement, certaines entreprises ont mis en place un dispositif d'alerte professionnelle comme des cellules d'écoute ou le traitement des plaintes et réclamations. Ainsi, chez Areva, « tout salarié doit pouvoir faire état et porter à la connaissance de l'entreprise des événements discriminatoires - discriminations, agissements ou harcèlements discriminatoires. » Les parties rappellent que de telles situations peuvent remonter par les voies normales et habituelles que sont les lignes hiérarchique, fonctionnelle, les ressources humaines, les représentants du personnel, les déontologues, voire les voies judiciaires. Ces réclamations peuvent également être portées à la connaissance du responsable en charge de la lutte contre les discriminations au sein de la Direction de la diversité et de l'égalité des chances. Cette possibilité est aussi ouverte à des tiers témoins. Le traitement des réclamations et alertes est interne au groupe, centralisé et complémentaire aux voies de recours précitées, soumises à autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Ces cellules d'alerte existent seulement dans certaines entreprises. Il faut aussi faire attention à certains points : le choix ou non du principe d'anonymat ou de la confidentialité, pour éviter les dénonciations calomnieuses ; la légitimité des instances ou des personnes saisies de l'alerte ; le périmètre de l'alerte ; la traçabilité des données recueillies. On pourrait imaginer un lieu d'écoute et de libération de la parole, soit interne, soit externe à l'entreprise, comme évoqué dans l'accord national interprofessionnel de 2002.

L'article 6 de la loi du 9 décembre 20168(*) relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique crée le dispositif du lanceur d'alerte, d'abord pour la lutte contre la corruption économique. Mais le lanceur d'alerte y est défini comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit ». Un décret précise qu'il faut un référent légitime, stable, une pratique de signalement, et prévoit comment pratiquer les signalements.

Un travail reste à mener sur le lanceur d'alerte et le droit d'alerte pour savoir s'il faut construire quelque chose, éventuellement obligatoire - mais en mutualisant pour les petites entreprises - afin de permettre le recueil de la parole, qui doit être bienveillant sans être complaisant. Le conflit est consubstantiel à toute vie collective, et donc à la vie dans l'entreprise, il peut être riche sauf s'il est lié à un motif de discrimination et notamment en raison du sexe : dans ce cas, il détruit la personne. Le sexisme est différent de la compétition entre les individus. On vit huit à douze heures ensemble chaque jour en entreprise... Il faut faire la part des choses : sensibiliser, prévenir et traiter.

Les effectifs de l'Inspection du travail ont diminué de 20 % depuis 2010. D'après la circulaire de novembre 2012 du directeur général du travail, consécutive à la loi sur le harcèlement, elle a comme mission d'informer sur les nouvelles dispositions, donc sur celles concernant les agissements sexistes. Mais la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles ne fait pas l'objet d'une évaluation par l'Inspection du travail. Autre mission, elle contrôle et peut réaliser des enquêtes. Mais le traitement des violences sexistes et sexuelles n'est pas identique dans toutes les régions ; il faudrait se pencher sur ce sujet.

Cinquième pilier, les sanctions et les réparations doivent être renforcées. L'entrepreneur se doit d'être réactif. Il a différents moyens, comme son pouvoir disciplinaire, insuffisamment utilisé. Il doit insister sur le caractère inacceptable de ces violences. Il faut aussi permettre la réparation, soit en nature sur le contrat de travail ou la rémunération, soit en dommages et intérêts ou indemnités.

Le CSEP a rédigé un Kit pour agir contre le sexisme ; trois outils pour le monde du travail, sous le logo « Sexisme, pas notre genre ! » dont Mme Rossignol est responsable...

Mme Laurence Rossignol. - ...et même coupable !

Mme Brigitte Grésy. - Nous avons travaillé sur dix leviers de lutte contre le sexisme ordinaire - ou les violences sexistes et sexuelles, c'est la même chose... Ce guide est un must dans les entreprises : souvent, on nous en demande 40, 50 ou 100 exemplaires. Il est téléchargeable sur le site du CSEP. Plusieurs entreprises s'inspirent de ce kit pour réaliser leurs guides, complétés avec leurs propres exemples. Elles se l'approprient donc totalement, ce qui est une très bonne chose. Les leviers de lutte contre le sexisme valorisés par le kit sont : construire un programme d'action contre le sexisme, porté au plus haut niveau de l'entreprise ; définir clairement les actes prohibés ; mettre en place une politique de prévention du sexisme ; intégrer la lutte contre le sexisme dans le dialogue social ; sensibiliser à la question du sexisme l'ensemble des personnes appartenant à l'entreprise ; prendre en charge les victimes et traiter les situations de sexisme ; instaurer une vigilance sur les stéréotypes de sexe dans les procédures du ressort des ressources humaines ; construire une communication interne et externe dépourvue de caractère sexiste - au contraire de la dernière campagne de communication du Salon de l'étudiant, par exemple, qui cantonnait les femmes aux métiers du Care et à la communication ; assurer une promotion active du programme d'action contre le sexisme ; établir un baromètre de confiance au sein de l'entreprise et procéder à des évaluations régulières...

Mme Annick Billon, présidente. - Merci de votre intervention. Pourquoi, à votre avis, n'y-a-t-il pas de contentieux à ce stade sur le fondement de l'agissement sexiste ? Est-ce parce que ce type de contentieux a peu de chances de prospérer ?

On peut observer, il me semble, des différences de traitement dans l'accueil des femmes victimes de violence selon les entreprises et la taille des entreprises. Souvent, les obligations sont plus importantes dans les grandes entreprises que dans les PME, instaurant de facto une inégalité de traitement des femmes. Les grandes entreprises ont établi des guides, qu'en est-il des PME ?

Mme Françoise Laborde. - Merci de votre intervention. Vous nous aidez à avancer. De nombreuses choses existent déjà, même si les dispositifs peuvent toujours être améliorés. Il faut de la formation, de la prévention et appliquer les sanctions, vous avez raison de le souligner.

Je réagis positivement à vos propositions sur le règlement intérieur des entreprises ; j'avais fait adopter certaines dispositions dans le code du travail lors de la discussion de la loi « El Khomri »9(*), notamment à la suite de l'affaire Baby Loup. Le règlement intérieur est un outil qu'il faut absolument mobiliser. Si l'on arrive à responsabiliser l'encadrement supérieur, les directeurs des ressources humaines et l'ensemble des salariés, ce sera une grande avancée. Inspirons-nous de l'exemple belge que vous nous avez commenté pour responsabiliser les salariés. Une fois le règlement intérieur signé, la personne est censée l'avoir lu. Cela doit accompagner la signature du contrat de travail. Renforçons la loi et insistons aussi sur tout ce qui existe déjà.

Mme Laurence Cohen. - Merci pour cet exposé complet. La loi est extrêmement riche, mais tout le problème réside dans son application. Creusons cette piste : faut-il augmenter les sanctions, notamment financières ? Actuellement, certaines entreprises peuvent se défausser. Tenons compte des entreprises vertueuses sur l'égalité salariale et professionnelle, qui jouent le jeu et appliquent la loi.

Rappelons-nous que faire évoluer la condition des femmes, c'est faire progresser toute la société. En 2017, je suis horrifiée par l'absence d'égalité salariale : c'est une perte pour le budget de l'État et pour la protection sociale. Le patriarcat est un système puissant.

Vous rappelez votre manque de moyens pour diffuser le guide sur le sexisme. Dès qu'il s'agit de droit des femmes, c'est le bénévolat qui domine. Vous êtes bien placée pour le savoir, Madame la secrétaire générale. Les budgets ne sont pas à la hauteur des enjeux ; c'est scandaleux !

Mme Marta de Cidrac. - La discrimination sexiste et sexuelle est-elle un facteur aggravant d'autres discriminations ? J'ai moi-même entendu une jeune femme d'origine indienne se plaindre de discrimination pour raisons sexistes et sexuelles, et on lui a répondu que c'était plutôt du racisme de base... J'ai l'impression que les deux discriminations se cumulaient. Comment faire la part des choses dans le code du travail ?

Mme Laurence Rossignol. - Je vous recommande la lecture du livre de Brigitte Grésy, La Vie en rose, excellent ouvrage pour comprendre les stéréotypes de sexe. Après le discours de l'Élysée du 25 novembre du Président de la République, la ministre du Travail a été chargée d'organiser une table ronde et un groupe de travail. Où en est-on ? Le CSEP a-t-il été sollicité ?

Par ailleurs, je m'adresse tant à l'agrégée de grammaire qu'à la spécialiste des stéréotypes. Quel est votre avis sur l'écriture inclusive et la féminisation de la langue ?

Mme Laure Darcos. - Après toutes ces années d'observation du monde du travail, avez-vous détecté une corrélation entre le sexisme au travail et la parité ? Dans le secteur de l'édition dans lequel je travaille, les femmes sont majoritaires, et la question du sexisme se pose moins. Dans le monde politique, il a fallu instaurer des quotas et la parité... Lors des élections locales, le sexisme est moins présent qu'auparavant. Les hommes reconnaissent que les femmes travaillent différemment et nous montrent plus de respect. Mais ce n'est pas encore le cas au Parlement, vous l'avez souligné...

Dans ma société, la responsabilité sociétale de l'entreprise (RSE) est une question souvent saisie par les femmes. Lorsque les femmes sont à parité, voire majoritaires, le regard est différent. Qu'en est-il aussi de l'égalité salariale ? Malgré la loi Copé-Zimmermann, il est très difficile pour des femmes d'accéder à des postes d'administrateurs, a fortiori de membres de comités exécutifs et ce, même si, comme moi, elles ont suivi une formation spécifique...

M. Roland Courteau. - Plus nous creusons ce sujet, plus je suis choqué. Stendhal, en 1840, affirmait : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite sera la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublera les forces intellectuelles du genre humain ». Les choses ont changé, mais les inégalités salariales n'ont été réduites que de 3 % en 20 ans. À ce rythme, nous atteindrons l'égalité parfaite en 2186... Il est nécessaire de s'attaquer aux stéréotypes sexistes dès le plus jeune âge !

Mme Annick Billon, présidente. - Merci cher collègue pour cet éclairage littéraire et historique.

Mme Brigitte Grésy. - Il n'y a pas de contentieux spécifique sur les agissements sexistes, mais parfois des entreprises concluent de magnifiques accords qui ne les empêchent pas de tolérer des agissements sexistes. Nous avons écrit ce guide pour montrer que les leviers d'action ne sont pas forcément les mêmes. On joue sur la culture, mais les stéréotypes perdurent. Ce sont souvent les grandes entreprises qui se saisissent du sujet. Dans les accords sur l'égalité, il y a eu environ 2000 mises en demeure depuis 2003 et 100 pénalités. Plus de 80 % d'entre elles concernent des PME. Lorsqu'il n'y a pas de service de ressources humaines ou de structuration suffisante, les responsables font comme ils peuvent, à flux tendu. Dans les PME, il y a aussi une telle proximité avec les individus qu'il peut y avoir des ajustements de l'ordre de l'interrelationnel - sauf présence de déviants notoires. Mais cela repose sur la bonne volonté, à la différence des grandes entreprises qui mettent en place des politiques structurées.

Il existe une énorme différence dans la prise en compte de l'égalité professionnelle selon la taille des entreprises. Seules les entreprises de plus de 50 salariés doivent signer un accord, alors que celles de moins de 50 salariés n'ont à prendre en considération qu'un objectif d'égalité professionnelle. Il faudrait un véritable site Internet sur l'égalité professionnelle porté par le ministère du Travail et celui des Droits des femmes, facile d'accès, et comprenant de nombreux exemples : comment faire un accord, qu'est-ce que le sexisme, comment le traiter...

Nous avons aussi besoin de régulation et d'outils d'encadrement pour faciliter le travail des PME. À l'heure du numérique, il n'y a pas suffisamment d'informations disponibles sur Internet.

Il faut responsabiliser les entreprises. Faut-il augmenter les sanctions - c'est une piste possible ; augmenter le nombre de domaines concernés, renforcer certains d'entre eux ? Certaines dispositions, actuellement uniquement supplétives, pourraient être déclarées d'ordre public.

Il y a un véritable problème d'appropriation des outils relatifs à l'égalité. Faut-il aller jusqu'au name and shame ou privilégier le name and honour ?

Peut-être faut-il aussi prendre en compte la recommandation européenne sur la transparence des rémunérations. Les lois anglaises et finlandaises vont plus loin. Il y a un mouvement vers la transparence des rémunérations. En France, les entreprises sont obligées d'en faire une synthèse portée à la connaissance des salariés et disponible sur le site Internet, mais il n'existe qu'un seul indicateur sur les rémunérations moyennes ou médianes. Il faudra travailler sur la transparence dans ce domaine et, éventuellement, prendre des sanctions.

Nous avons une obligation de progrès. On pourrait établir des classements, comme le baromètre Ethics and board, sur la place des femmes dans le top 100 des entreprises - mais, rappelons-le, ce baromètre ne traite pas des rémunérations. Il manque une réflexion plus globale sur l'impact de l'égalité professionnelle et de l'égalité de rémunération. Il faut avoir conscience du fait que lorsqu'on améliore les conditions de travail des femmes sur les chaînes de montage, par exemple en créant des outils de portabilité par exemple, on améliore aussi l'ergonomie pour les hommes moins costauds ou qui prennent de l'âge !

Il faut faire le même raisonnement à propos des temps de vie. Pour moi, il y a un droit individuel de chacun à la parentalité. La performance au travail est liée au réseau d'interdépendances, souvent prises en charge par les femmes. Si l'on prend en compte l'équilibre du temps de vie, on laisse du temps non seulement pour la vie familiale, mais aussi pour le mandat syndical, le sport, la récupération...

Mme Laure Darcos. - Pour les femmes politiques aussi !

Mme Brigitte Grésy. - Lorsque les femmes sont arrivées en nombre dans le secteur médical, certains craignaient une dévaluation de l'exercice de la médecine. Certes, les femmes avec de jeunes enfants ont fait en sorte de ne pas avoir à se réveiller trois fois par nuit pour des urgences, et ont préféré se regrouper dans un cabinet où une personne par nuit gérait les urgences. Et d'ailleurs, avoir trois regards sur un même patient plutôt qu'un n'est pas forcément plus mal. Ce sont les conditions de l'exercice de la médecine qui changent, pas forcément sa qualité qui se déprécie...

À chaque fois qu'on met de l'égalité, on transforme les processus d'organisation et les modèles culturels. C'est valable dans tous les domaines. Cette problématique est insuffisamment traitée. On considère l'égalité comme un business case : mettez de l'égalité, votre chiffre d'affaires va augmenter. Et, en conséquence, les femmes sont recrutées pour leur valeur ajoutée. Elles ont été exclues du contrat social (cf. Rousseau) sous prétexte qu'elles étaient différentes et incapables de faire. Voilà qu'elles sont incluses précisément au motif qu'elles devraient être différentes, et donc complémentaires des hommes. Le talent des femmes est tellement repéré que des analystes mettent en évidence l'augmentation du PIB qui résulterait d'un taux d'activité des femmes équivalent à celui des hommes et de l'égalité de rémunération. Les inégalités de rémunération sont donc responsables d'un manque à gagner en cotisations sociales et en fiscalité, en talents, en absence d'équilibrage des compétences et en gâchis des capacités extrêmement pénalisant. Mais ne les traitons pas seulement par le prisme de la performance. Il s'agit aussi d'un modèle social à transformer. On ne peut faire la révolution numérique et la transition énergétique si l'on ne pose pas la question du salarié au travail. L'arrivée des femmes aux postes de gouvernance est un fait et les hommes auront moins accès à des postes de gouvernance. Mais est-ce une catastrophe ? Qu'est-ce qu'une belle carrière ? Là aussi, il y a une réflexion à mener. On pourrait avoir des postes de management, puis d'audit, avant de manager de nouveau, et différemment... Une carrière ne serait pas linéaire mais irait dans plusieurs directions. Il faut imaginer des conditions de travail et des carrières différentes.

Vous évoquiez le manque de moyens, sachez que je suis bénévole depuis cinq ans à mon poste...

Quant au cumul des discriminations, à la question de l'intersectionnalité, ils ne sont pas suffisamment étudiés - on parle de discrimination systémique, avec par exemple le cumul sexe, origine et âge. On a progressé sur la discrimination directe, mais la discrimination à raison du sexe est une discrimination indirecte. La discrimination systémique a un effet multiplicateur. Mais notez que le fait d'être une femme d'origine indienne travaillant dans l'informatique par exemple peut être un avantage, voyez à Bangalore...

Une table ronde, multilatérale, sur les violences sexistes et sexuelles se tiendra en janvier, et le CSEP est mobilisé. Tous les partenaires sociaux doivent envoyer leurs remarques à Muriel Pénicaud avant le 15 décembre. Je n'en sais pas plus.

La féminisation des titres de fonction est le B-A BA. Au Moyen-Âge, on féminisait de manière assez systématique. Vaugelas et Malherbe sont responsables de l'idéologie ayant imposé le masculin, le mâle étant considéré comme plus noble que la femelle. Au XIXe siècle, on disait encore la médecine et la médicineuse. L'introduction de l'école publique obligatoire à la fin XIXe siècle a abouti à simplifier les règles - et à les appauvrir. Contrairement à ce que prétendent les tenants du masculin, il n'y a pas de neutre dans la langue française.

Mme Laurence Cohen. - Et il y a eu l'Académie française...

Mme Brigitte Grésy. - Oui, au XXe siècle, elle a noyauté le sujet. Mais désormais, une femme fait bouger les choses de l'intérieur... Je suis partisane de l'écriture inclusive car elle donne de la visibilité aux femmes. Ajouter « .e » ou « .e.s » est certes long, mais au prix d'une contrainte légère, à laquelle on s'habitue car ce « point milieu » devient un réflexe ; on obtient des textes riches de toutes les différences, comme un tableau de Brueghel, qui font apparaître la multiplicité de la population, au lieu de la neutralité qui noyait la diversité. La règle de la proximité - on ne peut faire plus simple ! - a été utilisée par Ronsard. Elle s'imposera, je ne suis pas inquiète. Auparavant, l'absence de féminisation des fonctions représentait une inégalité de traitement entre madame la directrice d'école et madame le directeur d'une grande banque.

La montée en puissance de la parité réduit le sexisme. L'appropriation et la familiarisation avec des visages féminins réduit le sexisme, même si cela n'empêche pas des poches de résistance, des montées de la masculinisation et des poussées de peurs identitaires qui ressurgissent, comme la peur inspirée il y a quelques années par les ABCD de l'égalité. Non, ce n'est pas parce que l'on agit comme le font majoritairement les hommes à certains postes que l'on deviendra un homme... Faisons la différence entre l'identité et l'orientation sexuelle et l'identité sexuée. Les femmes et les hommes ne sont pas faits pareil mais peuvent faire pareil dans le monde du travail, quasiment à tous les postes. Cela ne doit pas créer de peurs identitaires.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie.

Audition de Mme Marie Pezé, docteure en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail, sur les conséquences pour les victimes du harcèlement et des agressions sexuelles au travail

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, nous poursuivons notre matinée sur les violences sexuelles et sexistes au travail par l'audition de Marie Pezé, docteure en psychologie, ancienne experte judiciaire, responsable du réseau de consultation « Souffrance au travail ».

Madame Pezé, vous êtes à l'origine de la création de la première consultation « Souffrance au travail » à l'hôpital de Nanterre. Nous aimerions que vous nous parliez des conséquences du harcèlement et du sexisme sur la santé physique et mentale des personnes concernées.

Bien sûr, la souffrance au travail dépasse le sujet du harcèlement ; elle trouve souvent son origine dans certaines formes de management qui induisent beaucoup de pression chez les salariés. À cet égard, quelle est la spécificité du sexisme ordinaire et du harcèlement sexuel par rapport aux autres formes de souffrance au travail ?

Dans son ouvrage Le sexisme au travail, fin de la loi du silence, Brigitte Grésy, que nous venons d'entendre, souligne que les liens entre souffrance psychique et travail ne font pas encore l'objet d'analyses très précises, et qu'ils sont souvent déniés, encore plus lorsqu'ils concernent le sexisme ordinaire. Qu'en pensez-vous ? Pourriez-vous développer ce point ?

Dans le cadre de votre consultation, quelle proportion représentaient les personnes victimes de sexisme et/ou de harcèlement sexuel ? S'agissait-il majoritairement de femmes ?

Enfin, pourquoi les victimes de violences sexuelles et sexistes au travail parlent-elles tardivement ? Qu'est-ce qui rend l'émergence de la parole si difficile ?

Madame Pezé, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Nous comptons sur vous pour nous apporter des éléments de réponse sur ces questions, ainsi que, le cas échéant, sur d'autres points que je n'aurais pas soulevés et qui vous paraîtraient importants !

À l'issue de votre présentation, les membres de la délégation feront part de leurs réactions et ne manqueront pas de vous poser des questions. Je vous laisse sans plus tarder la parole.

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Je vous remercie de me recevoir. Je pense qu'il est important de préciser que la consultation que j'ai créée en 1996 a d'emblée été axée sur ce qu'on appelle la division sexuelle du travail, véritable terreau du sexisme ordinaire dans ce pays. C'est bien cette discrimination de système que je vais vous présenter ce matin. Car au-delà de la partie apparente, qui émerge actuellement sur les réseaux sociaux, cela fait trente ans, en réalité, que l'on étudie les conséquences de cette division sexuelle du travail sur la santé des femmes.

Je vous renvoie à cet égard à l'enquête Sumer réalisée par la DARES et la Direction générale du travail (DGT) tous les six ans. Il s'agit d'une enquête épidémiologique prédictive qui porte sur 23 millions de salariés, illustrée par des chiffres très précis sur les tableaux cliniques des femmes et des hommes, faisant apparaître une spécificité des pathologies féminines dans le monde du travail. C'est une donnée encore méconnue, en raison d'une forme de « construction de l'ignorance » sur toutes ces questions de souffrance au travail.

Je précise qu'il y a aujourd'hui 130 consultations dédiées à la souffrance au travail et que nous essayons de développer dans ce domaine un bon maillage territorial. J'ai également été à l'origine, avec Christophe Dejours, de la création du certificat de psychopathologie du travail, le seul délivrant un enseignement sur cette division sexuelle du travail et formant des cliniciens à même de prendre en charge ces spécificités.

La question de la différence de traitement au travail des hommes et des femmes et des conséquences qui en résultent sur leur santé a été présente dès l'origine de ma consultation. J'ai en effet travaillé pendant trente ans dans un service de chirurgie de la main, pionnier dans la prise en charge des troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les femmes, au sein duquel j'ai pu constater la prévalence de ces troubles et du syndrome du canal carpien chez les femmes. Les chirurgiens de l'époque l'expliquaient par des causes hormonales, se référant à la grossesse ou à la ménopause. On peut le dire, le sexisme ordinaire imprégnait alors les théories scientifiques de l'époque, qui n'étaient donc pas très crédibles... Il a fallu attendre longtemps pour que le lien entre l'apparition préférentielle et tendancielle de ces TMS chez les femmes et les postes déqualifiés qu'elles occupaient dans la hiérarchie des métiers soit établi.

C'était une importante avancée. Il me paraissait en effet très difficile d'expliquer à l'ouvrière qui vissait 27 bouchons par minute que les pathologies dont elle souffrait étaient imputables à son oedipe, alors que c'est à ce poste que l'assignait l'organisation du travail. De même, comment aurais-je dire aux jeunes femmes cadres travaillant dans le quartier de la Défense que le masochisme féminin était responsable de leur moindre rémunération, à hauteur de 30 % ? De la même manière, il me paraissait incongru de demander aux jeunes femmes harcelées pourquoi elles n'étaient pas parties plus tôt - c'est ce que leur disaient les psychiatres -, alors que démissionner fait perdre ses droits sociaux, ce qu'une femme en situation de monoparentalité - cas hélas très répandu dans notre pays - ne peut absolument pas se permettre...

Je voudrais vous faire comprendre ce qui me paraît être le terreau de tout le reste. On peut lutter contre le sexisme ordinaire, contre le harcèlement sexuel au travail, mais quand le premier message qu'on envoie à une jeune femme qui se présente sur le marché du travail, c'est qu'il va falloir qu'elle accepte d'être payée entre 20 et 30 % de moins qu'un homme, quand on lui indique lors de son entretien d'embauche qu'elle est jeune et aura des enfants, et que de ce fait elle n'évoluera pas dans sa carrière, on lui fait intérioriser sa prétendue infériorité. Les femmes intègrent ainsi dans leur inconscient ce que Danièle Kergoat appelle la « position féminine fautive » (c'est-à-dire que tout ce qui peut arriver est la faute des femmes) et la nécessité d'adopter des comportements de soumission pour pouvoir « se faufiler et passer entre les gouttes ».

Nous ne voulons pas de cette règle sociale implicite pour nos filles, nos soeurs et nos enfants : il est donc temps de leur envoyer un message de véritable égalité.

Pour bien comprendre les implications de la division sexuelle du travail, il est important de se référer aux travaux de Danièle Kergoat et Héléna Hirata, toutes deux directrices de recherche au CNRS, spécialistes de ce sujet depuis de nombreuses années. Des recherches existent dans ce domaine, mais elles n'ont pas encore « infusé » dans l'ensemble de la société.

La division sexuelle du travail s'inscrit dans une conception de la société fondée sur deux caractéristiques : d'une part, l'assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et celle des femmes à la sphère reproductive ; d'autre part, la captation par les hommes des fonctions à très forte valeur politique, religieuse et militaire. Il en résulte deux principes organisateurs du marché du travail : on distingue des travaux d'hommes et des travaux de femmes, les premiers valant plus que les seconds. Et encore aujourd'hui, c'est une réalité quotidienne !

Les hommes ont construit une hiérarchie des métiers reflétant le paradigme de l'assignation des hommes au dehors, à l'espace public, et des femmes au-dedans, à l'espace privé, ainsi que le fonctionnement physique, psychologique, social des hommes et leurs ambitions. Or ils n'ont pu mettre au point une telle organisation que parce que les femmes les libéraient de la prise en charge des enfants et de la sphère domestique.

Dans notre pays, on constate la permanence d'une organisation « au masculin neutre ». Aux hommes, l'attribution des métiers de conception et de direction, aux femmes celle des métiers de subordination, d'exécution et de prise en charge des autres (ce que l'on appelle le Care).

Je vous rappelle, mesdames, que nous sommes naturellement assignées à la prise en charge des enfants, des vieillards, de l'aspirateur, de la cuisine ! Autant de savoir-faire prétendument naturels qui induisent sur le marché du travail des embauches avec de faibles qualifications, peu de formation et encore moins de reconnaissance.

Les femmes se trouvent ainsi confrontées à ce que j'appellerais une double peine : une embauche discriminatoire accompagnée de la mise en invisibilité, dans une organisation du travail « au masculin neutre », de la seconde journée qu'elles doivent encore assumer de manière tendancielle même si, fort heureusement, les jeunes hommes s'occupent désormais un peu plus des enfants. Mais, vous les savez, toutes les études mettent en avant la persistance de la prise en charge des tâches domestiques par les femmes, ce qui s'accompagne d'une lourde charge mentale. C'est une réalité.

Nous sommes le seul pays, en Europe et parmi les États anglo-saxons, à maintenir cette organisation du travail au masculin neutre. Certains de mes proches sont partis à l'étranger. Par exemple aux Pays-Bas, où tout le monde prend son mercredi et quitte le travail à 17h30. Ou encore au Canada, où, alors qu'ils travaillaient comme cadres supérieurs jusqu'à 21h00 en France, ils se sont retrouvés seuls dans leur open-space, le premier jour, à 17h30, car tous leurs collègues étaient partis chercher leurs enfants à l'école. À Tübingen, enfin, ville universitaire allemande où il est exclu de travailler le week-end. À ma connaissance, ces trois pays ne sont pas en voie de développement et leur économie se porte bien !

Comment expliquer que dans notre pays, les entreprises persistent à organiser les réunions tard le soir, à donner les rapports à taper aux secrétaires en fin de journée, si ce n'est parce que perdure une organisation du travail pour des hommes débarrassés de la prise en charge de la vie familiale par les femmes ? L'idéologie managériale à la française repose sur le « présentéisme », alors qu'ailleurs il est considéré comme de l'incompétence. Dans notre pays, si vous n'êtes pas encore au bureau à 20h00 le soir, on considère que vous n'êtes pas « corporate », ni engagé dans la vie de l'entreprise. En conséquence, la femme qui quitte le bureau à 18h00 subit des remarques du type « tu prends ton après-midi ? ». Ce travers me préoccupe d'autant plus que je suis convaincue que si nous parvenions à faire bouger cette idéologie managériale, nous pourrions résoudre la question des épuisements professionnels qui détruisent actuellement les intelligences françaises, mais aussi les foyers. Je rappelle que le taux de divorce dans les cas de burn-out est de 80 %.

Il est donc extrêmement important de s'attaquer aux fondements de cette idéologie, car cela permettrait de faire progresser la santé au travail, qu'il s'agisse de celle des hommes ou de celle des femmes.

Pour en revenir à la division sexuelle du travail, l'enquête Sumer est très précise sur le fait que les comportements humiliants et hostiles tels que le harcèlement sexuel ou le sexisme ordinaire affectent majoritairement les femmes, et déclenchent chez elles des syndromes anxio-dépressifs et des pathologies spécifiques. Chez les hommes, le mal-être au travail provient plutôt de l'absence de reconnaissance ou de l'inadéquation de certains postes par rapport à leurs ambitions sociales.

Je vais maintenant vous parler plus en détail des dégâts de la division sexuelle du travail sur le corps des femmes.

En premier lieu, les femmes qui évoluent dans une organisation du travail « au masculin neutre » et qui y occupent un poste important ont tendance à « neutraliser » leur corps féminin. Ainsi, comme Michèle Alliot-Marie l'a fait à l'époque où elle était ministre et où on ne l'a plus jamais vue en robe, la plupart des femmes cadres adoptent « l'uniforme » de mise - noir ou bleu marine -, plutôt des tailleurs pantalons, des coupes de cheveux sportives, des bijoux de bon aloi et un maquillage discret - car il faut tout de même se maquiller. Il s'agit pour ces femmes d'être coquettes sans être sexy, de montrer qu'elles sont des femmes, mais sans risquer d'attirer les éventuelles réflexions des hommes.

Ceci n'est pas sans conséquence, surtout quand on sait que les femmes entrent généralement dans le monde du travail avec une grosse différence de salaire et se heurtent à une progression ralentie de leur carrière, à travers des grossesses qu'on leur reproche : combien de femmes ne retrouvent pas leur poste au retour de congé maternité ? Combien sont placées dans une voie de garage pour finalement bénéficier d'une retraite au montant dérisoire ?

La neutralisation du corps féminin et le sentiment d'être en faute parce qu'on est une femme - la position féminine fautive dont je parlais à l'instant - induisent des pathologies spécifiques. Dans nos 130 consultations souffrance et travail, nous accueillons des milliers de patients et de patientes chaque année. Cela représente une belle cohorte clinique, mais, faute de moyens - car c'est moi finalement qui finance le réseau par les formations que je peux dispenser - on ne peut pas analyser ce magnifique matériau clinique issu de nos consultations, qui pourrait certainement vous servir dans vos travaux.

30 % de femmes en situation de discrimination au travail, avec toute la panoplie des comportements dont Brigitte Grésy vous a parlé, présentent des pathologies de la sphère gynécologique. C'est un chiffre colossal. L'identité et la construction identitaire partent du corps réel. La construction du deuxième corps, celui que j'appelle le corps érotique, imaginaire, sexué ou genré, s'appuie sur ce corps physique, mais c'est aussi là qu'il vient s'éteindre quand cette identité sexuelle est mise à mal. Ainsi, les femmes victimes de la division sexuelle du travail présentent très rapidement des métrorragies (règles abondantes) ou des aménorrhées (disparition des règles) - dont elles ne s'étonnent d'ailleurs même plus -, mais aussi des kystes des ovaires et du sein, des cancers de l'ovaire, du sein et de l'utérus. La sphère corporelle étant soumise au stress aigu dans le cadre de la souffrance au travail, cela provoque une hyper-sécrétion de cortisol qui va entraîner l'atteinte des différentes fonctions sollicitées au travail.

À cet égard, j'ai du mal à comprendre pourquoi notre pays continue à rattacher la santé au travail au ministère du Travail, plutôt qu'au ministère de la Santé, ce qui fait que la santé au travail n'est pas incluse dans les études de médecine. Cela ne facilite pas l'identification des atteintes à la santé au travail. A l'inverse, dans d'autres pays où il n'y a pas plus de médecine du travail qu'en France - je pense au Japon et aux États-Unis par exemple - les cardiologues ont fait des études remarquables montrant des liens entre des risques cardio-vasculaires et les conditions de travail des femmes. Je pense notamment à une enquête américaine sur les femmes cadres qui montre que ces femmes présentent des taux d'infarctus de 45 %, corrélés avec la double journée, des postes à très haute responsabilité et très peu de congés ou d'arrêts maladie. Nous savons que les trois principaux critères des infarctus féminins sont des journées de travail supérieures à 60 heures par semaine, des changements de tâches constants et un vécu d'impasse, c'est-à-dire la sensation que rien ne change malgré l'expression de ce qui ne va pas dans l'organisation de leur travail.

Peut-être certaines d'entre vous se reconnaissent-elles dans ces situations, car c'est comme ça que le travail des femmes se passe sur le terrain. Nous savons aussi que le taux d'infarctus féminin explose en France mais on entend encore que cela est dû au fait que les femmes boivent et fument comme des hommes ! Jamais, en France, vous n'entendez un cardiologue parler du présentéisme exigé au travail, de la double journée qui est demandée aux femmes et de la charge mentale, pour expliquer ces statistiques affolantes.

Laissez-moi vous dire à quel point cette charge mentale est préoccupante du côté des hommes comme des femmes. Le clivage est un mécanisme de défense inscrit dans le psychisme. On ne le contrôle pas. Une femme au travail ne peut donc pas s'empêcher de penser à tout ce qu'elle doit faire à la maison : préparer le dîner du soir, récupérer les chemises au pressing, faire le repassage, penser à appeler le pédiatre parce que le petit dernier démarre une rhino, et comme il n'est pas question de le garder à la maison, il va donc falloir prescrire, voire « sur-prescrire », des antibiotiques...

La surconsommation française de médicaments n'y est pas étrangère. Ma fille vit à Amsterdam et l'on n'y prescrit jamais d'antibiotiques quand les petits sont malades : les employeurs renvoient chacun des deux parents à leur domicile pour qu'ils puissent s'occuper de leur enfant malade. Et cela va de soi. Une autre culture de santé est possible ; les rapports sociaux de sexe et la construction de la division sexuelle du travail représentent donc un enjeu crucial de santé publique, qui dépasse le problème du sexisme ordinaire et du harcèlement sexuel au travail. Il s'agit de préserver notre société du chaos social dans tous les aspects de la vie des travailleurs (vie privée et vie sociale).

Pour conclure, je souhaiterais vous présenter trois cas concrets, ce que j'appelle des « vignettes », pour vous aider à prendre la mesure de ce qui se passe sur le terrain.

Le premier cas est celui d'une jeune femme, secrétaire depuis six ans dans une entreprise de cordistes. Ce type d'entreprise emploie principalement des hommes ancrés dans leur virilité, mais cette jeune femme a néanmoins su y faire sa place. Les ressources humaines lui ont attribué des toilettes séparées. Un jour, le patron de l'entreprise la convoque pour lui annoncer qu'il vient d'embaucher un nouveau cordiste et qu'il anticipe des relations compliquées avec cette personne. Effectivement, la première chose que le nouveau recruté va faire sera de souiller les toilettes de la jeune femme pour « marquer son territoire ». À longueur de journée, il va l'humilier, faire des gestes déplacés. Cette jeune femme va alors se plaindre à son patron et au service des ressources humaines, lequel, tout en lui disant qu'elle a mauvais caractère, va prendre la décision de poser un verrou sur ses toilettes. Or cette décision est une erreur : il aurait fallu convoquer le salarié et le recadrer, dans la logique de l'obligation légale de sécurité des salariés à la charge de l'employeur. Ce cadenas témoignait d'une faiblesse disciplinaire vis-à-vis du salarié. La situation n'a donc fait qu'empirer jusqu'à ce que la victime fasse une crise de nerfs sur son lieu de travail. Elle n'a pas été soutenue par sa hiérarchie. Elle a été arrêtée pour maladie. Elle présentait les symptômes d'un stress post-traumatique. Trois jours après le début de son arrêt maladie, son employeur l'a appelée pour lui proposer une rupture conventionnelle, synonyme de perte d'emploi. Le médecin du travail, mal formé, a seulement reproché à l'employeur l'absence d'effectif féminin au sein de l'entreprise, ce qui n'était pas le problème en l'espèce. C'est dire l'importance de la formation !

Le deuxième cas est celui d'une jeune femme qui travaille dans une boutique de manucure et d'esthétique. Elle subit un attouchement sexuel de la part de son patron. Celui-ci lui demande par ailleurs de faire de fausses attestations afin de licencier deux employées qui ne lui plaisent pas. La jeune femme refuse. Les choses s'enveniment. Elle va voir le médecin du travail qui l'arrête dans le cadre d'un accident du travail. La Sécurité sociale refuse et diligente un enquêteur qui se rend sur place pour entendre le patron. Ce dernier lui raconte que son employée se prostitue dans l'hôtel voisin du salon entre 12h00 et 14h00. L'enquêteur de la Sécurité sociale, mandaté pour vérifier que l'incident déclaré par la salariée a bien eu lieu sur le lieu de travail, va alors se rendre à l'hôtel pour vérifier si cette jeune femme loue bien une chambre entre midi et deux.

Comme en témoigne cette réaction hallucinante de l'enquêteur, qui excède ses prérogatives, il est consternant de réaliser que le sexisme ordinaire imprègne les comportements et les raisonnements intellectuels de tout un chacun. Nous avons pris en charge cette jeune femme et déposé un recours devant la Sécurité sociale pour obtenir la reconnaissance de son arrêt en accident du travail. Notre réseau compte des inspecteurs du travail, des juristes et des avocats. La jeune femme a déposé plainte pour harcèlement sexuel contre son patron et sera défendue par l'une des avocates avec laquelle nous travaillons.

Le troisième cas que je vais vous décrire me paraît encore plus grave. Il concerne une jeune femme, commerciale dans une entreprise dont je ne citerai pas le nom, embauchée par un responsable qui apprécie ses compétences et souhaite qu'elle « fasse carrière ». Six mois après son embauche, au cours d'une soirée de fin d'année, le responsable qui l'a recrutée, dans l'impunité d'une atmosphère alcoolisée, l'humilie en public par un geste sans ambiguïté et une proposition d'ordre sexuel. La jeune fille en sort bouleversée et honteuse, contrairement à son agresseur dont la conscience morale est émoussée par l'alcool. Certains de ses collègues la plaignent et proposent de témoigner, quand d'autres disent : « que veux-tu, c'est comme ça ». On voit l'enjeu de la prévention et de la sensibilisation, car ces personnes n'ont pas réalisé qu'il s'agissait d'une agression sexuelle.

Après cet incident, la jeune femme passe toute l'année suivante à essayer d'éviter cet homme qui lui fait régulièrement des propositions ou lui impose des gestes déplacés. Au cours de la soirée festive de l'année suivante, le même homme récidive et lui fait de nouveau subir en public des attouchements sexuels. La jeune femme est tétanisée et c'est un autre responsable qui les sépare de force. La victime se retrouve en état de stress post-traumatique et tombe dans ce que l'on appelle la dissociation. Anesthésiée, elle parvient juste à dire qu'elle veut rentrer chez elle. Son responsable la ramène donc à l'hôtel, il monte dans l'ascenseur et au moment d'appuyer sur le bouton de son étage, il lui rappelle que dans cette entreprise, « quand on veut y arriver, il faut coucher ». Elle finit par le suivre et passe la nuit avec lui. Il faut bien avoir à l'esprit que l'état de dissociation pose la question du consentement. À partir de là, il devient impossible à la jeune femme d'avoir des rapports sexuels avec son mari. Elle grossit de 40 kg. Elle est de plus en plus mal et leur couple s'en ressent. Son mari finit par l'inviter à parler ce qui lui est arrivé au travail en lui expliquant qu'il y va de la survie de leur couple - il faut souligner un réel changement d'attitude, positif, chez les jeunes compagnons d'aujourd'hui. En effet, cette parole de bienveillance et d'écoute de la part de son mari lève la dissociation, et la jeune femme parvient à lui raconter ce qui s'est passé. Son mari va l'accompagner au commissariat pour porter plainte. C'est là que je l'ai reçue pour faire l'expertise nécessaire et montrer l'impact d'une dissociation, qui peut durer des années avant de permettre au refoulement de remonter à la surface. La jeune femme a perdu son travail. Vous pensez bien qu'entre le bon commercial agressif et la petite jeune récemment embauchée, le choix a été vite fait. Je tiens à souligner que certaines entreprises autorisent de tels comportements, qui permettent à leurs employés d'être agressifs et de conquérir des marchés. Vous avez même des réunions de travail le lundi matin dans certaines entreprises dédiées aux prouesses érotiques du week-end des employés... Cela « booste » leur combativité dans les affaires, dit-on...

Enfin, le dernier cas est celui d'une jeune femme cadre de très haut niveau qui subit depuis plusieurs mois, sur les écrans de veille de ses collègues de l'open-space, la présence d'images pornographiques, chose banale dans certaines entreprises. La jeune femme se plaint à sa hiérarchie qui refuse d'intervenir en considérant que « ce n'est pas méchant ». Un jour, excédée, elle décide elle aussi d'afficher sur son écran d'ordinateur une image pornographique. Que croyez-vous qu'il arriva : elle fut convoquée immédiatement et mise à pied pendant huit jours par sa hiérarchie...

Voilà le genre de situations que nous affrontons au quotidien. La balle est désormais dans votre camp, car c'est vous qui avez la possibilité de faire changer les choses.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie de cet exposé qu'illustrent des situations de violences vécues dans le monde du travail.

Je considère que les violences sexistes et sexuelles s'exercent non seulement à l'encontre des collaborateurs d'une entreprise mais aussi dès leur recrutement, notamment lors des entretiens collectifs pendant lesquels les candidates féminines sont dévalorisées. J'ai été surprise quand j'en ai fait l'expérience pendant mon propre parcours.

La formation, la prévention sont essentielles dans le traitement de ces violences, tout autant que la nécessité que les femmes qui en sont victimes bénéficient d'un accompagnement bienveillant et d'une écoute attentive, en particulier de la part de personnels formés pour recueillir leurs témoignages.

Mme Marta de Cidrac. - J'avoue que la gravité des situations que vous exposez me laisse pantoise ! Comment votre association est-elle amenée à connaître les cas de ces femmes et à les prendre en charge ? Quels sont les moyens dont vous disposez, non seulement pour exercer votre expertise, mais aussi pour assurer l'intervention de conseils ?

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Une forte implication est indispensable pour déconstruire la peur qui habite ces femmes terrorisées.

Bien que les voies d'entrée du réseau « Souffrance et travail » soient multiples, on constate que ces femmes nous sont majoritairement adressées dans le cadre d'examens complémentaires par des médecins généralistes, des psychiatres ou encore des médecins du travail, soumis au secret médical et qui doivent impérativement noter dans le dossier médical du travail les faits dénoncés dont la chronologie est fondamentale pour l'expert judiciaire.

Notre site « Souffrance et travail » propose les adresses des consultations en accès direct ; je regrette que ni le ministère de la Santé ni celui du Travail ne mentionnent sur leur propre site la liste de ces dernières et des lieux dédiés à l'écoute de ces femmes, alors même que notre réseau dispose pourtant de toutes les compétences cliniques et juridiques.

La prise en charge de ces femmes par notre réseau est coordonnée entre différents intervenants :

- le médecin du travail pour déterminer les leviers à exercer au sein de l'entreprise ;

- un psychiatre de notre réseau spécialiste dans le traitement de leurs pathologies ;

- le médecin conseil de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), pour requalifier en accident du travail leur état de stress aigu ou post-traumatique, afin d'en imputer la cause à l'entreprise et de permettre aux patientes de bénéficier d'une meilleure prise en charge par l'assurance maladie ;

- nos avocats spécialisés qui assurent le suivi de la procédure judiciaire.

Toutefois, outre cette coordination médico-administrative, notre réseau mène un travail essentiel pour sortir ces femmes de la solitude, car elles souffrent bien d'une « pathologie de la solitude » et éprouvent une grande honte à exprimer ces faits, qui les affectent dans leur intimité.

Ces femmes doivent comprendre qu'elles ne sont désormais plus seules et seront accompagnées et assistées lors des auditions et expertises ; le cas échéant, une demande de protection peut être formulée auprès des forces de l'ordre.

Mme Christine Prunaud. - Dans d'autres pays que la France, pourtant aussi développés économiquement, la valeur que l'on attribue au travail et le partage des charges familiales au sein des couples diffère de celles qui prévalent dans l'hexagone.

Tout travail n'est pas émancipateur, surtout pour les femmes !

Je suis admirative du travail que vous menez avec des moyens dont nous avons bien compris l'insuffisance.

Mme Françoise Cartron. - Je salue votre bienveillance à l'égard de toutes ces femmes que vous accompagnez.

Les sénateurs sont aussi des employeurs d'assistants parlementaires, dont la gestion administrative est confiée à une association que j'ai présidée pendant les trois dernières années. Face à certaines situations, il a été décidé de mettre en oeuvre des mesures d'accompagnement, afin de permettre aux assistants, dans le respect de l'anonymat, de confier leurs souffrances à un médecin du travail qui déterminera les suites à y donner.

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Les médecins du travail ne sont pas formés à la prise en charge de ces pathologies et sont souvent mal à l'aise lorsque des patients en font état !

Le réseau « Souffrance au travail » possède un site Internet classé d'intérêt général, visité mensuellement par 80 000 personnes, et dont le financement est assuré par le produit des formations que j'anime ; il propose un accès à 130 consultations, dont 50 en région parisienne, ainsi que des guides pratiques dont celui des violences sexistes et sexuelles au travail, élaboré par Marylin Baldeck, délégué générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui intervient dans le certificat de spécialisation en psychopathologie du travail. Je vous invite donc à diriger ces salarié-es vers l'une de nos consultations spécialisées dans le traitement de ces violences.

Mme Françoise Cartron. - C'est bien la démarche que nous préconisons lorsque le médecin du travail nous alerte, mais il est essentiel que les collaborateurs puissent bénéficier en premier recours du concours d'un intervenant de proximité, en l'occurrence le médecin du travail, pour libérer la parole. Un guide sera bientôt diffusé au sein de l'institution pour faire connaître l'ensemble de ces démarches.

Les enseignants devraient aussi être sensibilisés pour ne pas appeler systématiquement la mère d'un enfant au moindre souci bénin de santé, en la culpabilisant par des propos alarmistes. Ils devraient être formés pour juger si l'état de l'enfant nécessite vraiment des soins immédiats, pour éviter de soumettre la mère à l'injonction de venir chercher immédiatement son enfant.

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Les vieux réflexes perdurent, d'autant que le manque d'infirmières et de médecins scolaires se fait cruellement sentir !

M. Roland Courteau. - Peut-on considérer que les atteintes dont vous parlez sont psychologiques et neurologiques ? Quelles sont les conditions pour espérer guérir d'un traumatisme ?

Enfin, dispose-t-on de statistiques fiables sur les victimes qui osent déposer une plainte ?

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Les atteintes sont incontestablement tant psychologiques que neurologiques, notamment dans les cas de burn-out qui affectent principalement les postes d'encadrement supérieur et dirigeant, le diagnostic de surmenage étant alors établi par nos neuropsychologues à l'issue de batteries de tests systématiquement proposés.

Les bilans neuropsychologiques des femmes en état d'épuisement professionnel attestent de capacités intellectuelles définitivement altérées, le fonctionnement cérébral de femmes brillantes issues des plus grandes écoles étant définitivement amoindri, certaines n'arrivant même plus à renseigner des formulaires de Sécurité sociale, non pas en raison d'une dépression, mais parce que leurs capacités de concentration et de logique sont définitivement entamées : elles ne pourront vraisemblablement jamais retrouver du travail.

L'une d'elle n'a que 45 ans et son coeur bat encore à 140 battements par minute après six mois d'arrêt maladie car elle se sent toujours oppressée par un état de stress aigu qui nécessite de lui prescrire des béta bloquants.

C'est une part du génie français qui ainsi s'abîme irrémédiablement !

Dans ce genre de situation, il convient de consulter au plus vite, mais aussi de pouvoir bénéficier du soutien de son compagnon dans l'épreuve ; je constate d'ailleurs que les jeunes hommes sont aujourd'hui plus attentifs et solidaires de leur femme que ne l'étaient encore il y a quelques années ces hommes qui opposaient généralement la suspicion aux propos relatés par leur compagne. Récemment, le compagnon d'une jeune femme en contrat aidé, harcelée par des photographies et des messages graveleux adressés par son employeur, a parfaitement réagi en conservant ces preuves et en lui conseillant d'enregistrer les propos qui lui étaient tenus par son harceleur. Il faudrait que les enregistrements soient acceptés comme preuve aux prudhommes comme c'est le cas au pénal. Dans cette affaire, la DRH de l'entreprise alertée par la directrice de la mission locale a immédiatement fait un signalement à l'inspection du travail, signe que les mentalités évoluent. Rappeler les règles légales et indiquer les démarches à effectuer, notamment pour le recueillir des preuves, permettra aux femmes et aux hommes qui les soutiennent d'agir à bon escient.

Marylin Baldeck, déléguée générale de l'AVFT, que vous recevrez bientôt, pourra vous préciser les données statistiques sur les dépôts de plaintes par des victimes de violences sexuelles au travail.

Beaucoup de victimes négocient leur départ avec le concours d'un juriste, estimant qu'une indemnisation vaut réparation, seules déposent plainte celles qui disposent d'éléments probants suffisamment solides.

Mme Noëlle Rauscent. - Les comportements que vous rapportez existent aussi en milieu rural où ils peuvent parfois être encore plus graves, mais les femmes qui y sont confrontées, notamment au sein des TPE, ne savent à qui se confier, sinon à leur médecin généraliste.

Mme Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de psychopathologie du travail. - Les comportements excessifs existent dans tous les milieux professionnels, comme l'illustre le cas de cette vendeuse qui doit se soumettre à un viol quotidien de la part de son chef pour conserver son poste ; 6 % des viols sont commis dans le cadre professionnel.

Le choix des futurs auditeurs du certificat de spécialisation en psychopathologie, effectué par notre association, vise un maillage territorial de cette compétence. Il faut éviter que des territoires soient démunis. Le concours des associations dans les territoires, notamment avec la Mutualité sociale agricole (MSA), est nécessaire pour progresser, tout autant que l'implication des hommes, tant les poncifs qui accablent les femmes les desservent quand elles veulent se faire entendre.

La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), qui effectue déjà un extraordinaire travail d'information sur l'épuisement professionnel et son suivi, en imposant désormais une visite de pré-reprise par le médecin du travail, pourrait étendre ces dispositifs à la prise en charge des agressions sexuelles dans le milieu professionnel, pour autant que les médecins conseils soient formés.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie, Madame, pour la richesse de votre exposé.

Chers collègues, je vous remercie de votre participation active à nos travaux.


* 1 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 2 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi (dite loi Rebsamen).

* 3 Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle.

* 4 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 5 Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.

* 6 Loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

* 7 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 8 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 9 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.