- Mardi 28 novembre 2017
- Mercredi 29 novembre 2017
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Travail et emploi » et compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »- Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Compte d'affectation spéciale « pensions » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Cohésion des territoires - Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » - Examen du rapport pour avis
- Nomination de rapporteurs
- Projets de loi ratifiant trois ordonnances relatives à la santé - Désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire
- Organismes extra-parlementaires - Désignations de candidats
- Jeudi 30 novembre 2017
Mardi 28 novembre 2017
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Travail et emploi » - Audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
M. Alain Milon, président. - Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, a bien voulu venir nous présenter les crédits de la mission « travail et emploi » tels qu'ils figurent au projet de loi de finances pour 2018. Cette mission représente quelque 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoute plus de 1,5 milliard au titre du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». Le projet de budget traduit plusieurs inflexions de la politique de l'emploi, avec la diminution du nombre de contrats aidés et la non-reconduction de certains dispositifs. Au-delà de l'évolution des dotations, nous souhaiterions que vous puissiez préciser les orientations qui ont inspiré le Gouvernement, et que vous entendez mettre en oeuvre en 2018 et les années ultérieures. Notre rapporteur pour avis, Michel Forissier, et les membres de la commission vous poseront ensuite leurs questions.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - L'année 2018 constitue indéniablement un tournant important pour la mission « travail et emploi », car elle traduira de manière cohérente sur le plan budgétaire notre volonté de rénover en profondeur le modèle social français. Elle comprend des inflexions fortes, avec pour objectif de libérer les énergies des entreprises afin qu'elles investissent et créent de l'emploi.
La mission reflète ainsi l'ambition des chantiers que nous avons engagés. Une première étape a été franchie avec la publication des ordonnances le 22 septembre dernier. Elles seront soumises prochainement à votre ratification. En sillonnant la France depuis leur publication, j'ai rencontré plus de 3 000 chefs d'entreprise et constaté l'effet psychologique réel qu'elles produisaient dans les PME. Le regain de confiance est en train de vaincre la peur d'embaucher.
Ce climat sera consolidé par la réforme de l'assurance chômage, de la formation professionnelle et de l'apprentissage que je défendrai devant vous au printemps prochain.
C'est dans ce contexte que se situe le budget de la mission « travail et emploi », stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, autour de 15,2 milliards d'euros.
Il s'agit d'un budget de transformation car il rompt clairement avec la logique de traitement statistique du chômage pour basculer vers une politique d'insertion durable dans l'emploi des publics qui en sont le plus éloignés, notamment les jeunes.
Ce changement majeur se traduit par des choix assumés de réallocation de moyens.
Premièrement, nous consentirons un effort financier d'une ampleur sans précédent dans la transformation des compétences, incluant les formations qualifiantes et les compétences numériques, via le plan d'investissement dans les compétences (PIC) doté de 15 milliards d'euros sur cinq ans pour former et accompagner un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs à l'horizon de 2022.
Au moment où la croissance repart, la pire des situations serait que, d'un côté, les entreprises n'arrivent pas à profiter de la croissance, faute de compétences, et que, de l'autre, les demandeurs d'emploi et les jeunes, par manque de qualification, ne puissent trouver un emploi. D'où la nécessité d'investir dans des réformes structurelles. Dès l'an prochain, nous engagerons un effort majeur en matière de formation avec 1,25 milliard d'euros en autorisations d'engagement et un triplement des crédits de paiement dédiés à cette politique. En outre, nous viserons le seuil de 100 000 bénéficiaires de la garantie jeunes, dispositif qui a bien démarré et que nous souhaitons amplifier.
Deuxièmement, nous mettrons l'innovation sociale au service de la lutte contre l'exclusion du marché du travail. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, qui me rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'année.
Dans ce contexte, les dispositifs d'insertion efficaces seront soutenus et leur ciblage renforcé.
Ainsi, le Gouvernement a décidé d'accélérer très nettement la création des emplois francs, mettant en oeuvre un engagement de campagne du Président de la République. Ce dispositif permettra d'aider les personnes plutôt que les territoires, pour lutter contre les discriminations à l'embauche et l'assignation à résidence. Vous le savez, on a moins de chance d'accéder à l'emploi quand on habite certains quartiers. Nous devons donc lutter contre cette discrimination négative.
Concrètement, toute entreprise ou toute association, où qu'elle soit située, bénéficiera d'une prime de 15 000 euros sur trois ans pour l'embauche en CDI ou de 5 000 euros pendant deux ans pour une embauche en CDD d'un habitant d'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville choisis, soit l'équivalent de neuf mois de salaires et de charges pour un emploi au SMIC.
Nous avons ciblé cette mesure sur les territoires où elle est destinée à provoquer les changements les plus rapides et les plus puissants : la Seine-Saint-Denis ; l'agglomération d'Angers ; la communauté d'agglomération Val de France et celle de Cergy-Pontoise dans le Val-d'Oise ; le territoire Grand Paris Sud, englobant Grigny et Évry ; et une partie des métropoles de Marseille et de Lille. Près du quart des demandeurs d'emploi de l'ensemble des quartiers prioritaires seront ainsi éligibles au dispositif dès 2018.
À cette fin, 180 millions d'euros en autorisations d'engagement supplémentaires ont été imputés pour 2018 sur le programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », via l'adoption de deux amendements du Gouvernement en séance à l'Assemblée nationale.
Nous arrêterons les contrats aidés dans le secteur marchand : avec la reprise de la croissance, le dispositif pourrait créer un effet d'aubaine. En revanche, les 200 000 contrats aidés non marchands, programmés en 2018 pour un montant de 1,45 milliard d'euros, seront réservés aux employeurs qui mèneront une véritable politique d'accompagnement et de formation, permettant de sortir durablement leurs bénéficiaires de la précarité. De telles exigences n'existaient pas jusqu'à présent pour les emplois aidés. Nous étions donc confrontés à une diversité de situations. Certaines associations et communes réalisaient un véritable travail d'accompagnement, avec des résultats positifs pouvant atteindre 60 %, alors que sur certains territoires l'insertion était proche de zéro.
En outre, en 2017, l'effort exceptionnel en faveur du financement de près de 71 000 aides au poste pour le secteur de l'insertion par l'activité économique sera consolidé et s'élèvera à 822 millions d'euros en 2018.
Si l'on compte également les exonérations spécifiques dont bénéficient les associations intermédiaires et les chantiers d'insertion, l'effort de l'État sera supérieur à 1 milliard d'euros et permettra à environ 140 000 personnes d'être accompagnées dans leur parcours vers l'emploi.
Les dispositifs spécifiques aux travailleurs en situation de handicap s'établissent à ce stade à 377 millions d'euros, en légère hausse par rapport à la LFI 2017. À l'occasion du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, j'ai bien noté que les représentants du secteur s'inquiètent du projet de loi de finances qui prévoit la création de 1 000 aides au poste ainsi qu'une révision du mode de financement des entreprises adaptées à compter du 1er juillet.
Mon cabinet échange actuellement avec les représentants du secteur sur les évolutions nécessaires. À l'heure actuelle, il existe trois lignes budgétaires différentes pour le même objet, ce qui nuit à la visibilité de l'action de l'État. Nous voulons réviser et simplifier le mode de financement par l'État des entreprises adaptées par l'État, définir des règles pour inciter les travailleurs handicapés à rendre plus dynamique leurs parcours professionnels comme la valorisation des compétences, leur promotion en interne, ou encore la mobilité au sein de la structure elle-même ou vers d'autres entreprises.
Les entreprises adaptées sont un modèle original d'entreprises ordinaires « inclusives ». Pour elles plus que pour d'autres, le principal enjeu est de concilier progrès social lié à l'insertion sociale des personnes en situation de handicap et performance économique. Ces entreprises peuvent être un tremplin vers l'emploi durable. Des effets sont attendus en 2019 ; en 2018, nous visons plutôt la stabilisation.
Enfin, les budgets de fonctionnement des missions locales des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Épide) ou encore des écoles de la deuxième chance, qui obtiennent de bons résultats, sont stabilisés à 285 millions d'euros.
En ce qui concerne l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), la subvention est stable à 110 millions d'euros. Nous avons dû accorder des crédits supplémentaires pour la fin de l'année. Nous travaillerons dans les prochains mois à un plan stratégique sur le moyen et le long terme car l'Afpa a besoin de davantage de visibilité.
En ce qui concerne les maisons de l'emploi, leur financement a été légèrement réévalué à l'Assemblée nationale pour atteindre 12 millions d'euros en 2018, de façon à accompagner le retrait de l'État. Ce dispositif n'est en effet pas une priorité nationale, même s'il n'est pas inutile. De ce point de vue, nous nous inscrivons, chose rare, dans la continuité du gouvernement précédent.
Cette mission participe pleinement à l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat et de la baisse du coût du travail. Elle compense ainsi plus de 4,5 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales qui bénéficient à des secteurs d'activité nécessitant un effort particulier de l'État.
Ce budget de transformation se traduit aussi par des ajustements. En termes de périmètre, d'abord, puisque la mission « travail et emploi » accueillera en 2018 l'allocation de solidarité spécifique (ASS) dotée de 2,4 milliards d'euros. Son financement sera désormais pleinement assuré par le budget de l'État, sans perte pour les bénéficiaires.
De même, bien que la dotation de l'État à Pôle emploi - 10 % des programmes 102 et 103 - évolue à la baisse, elle sera plus que compensée par les ressources dynamiques assises sur la masse salariale, versées par l'Unédic.
Nous engagerons dans les prochains mois avec l'Unédic et Pôle emploi des discussions pour fixer le cadre d'une nouvelle convention tripartite et pluriannuelle pour Pôle emploi. Les objectifs et moyens de Pôle emploi seront ainsi examinés à l'aune des réformes que je souhaite défendre d'ici à la fin de l'année 2018.
Ce budget est en phase avec notre volonté d'apporter une attention particulière au dialogue social et à la situation des entreprises : 112 millions d'euros seront notamment provisionnés pour le dispositif d'activité partielle.
Les services déconcentrés de l'État bénéficieront de 52 millions d'euros pour leurs interventions en matière d'appui aux filières, aux branches et aux entreprises.
En outre, le fonds de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs sera abondé par une subvention stable de l'État, à hauteur de 97,8 millions d'euros.
Avec 13,7 millions d'euros, le financement de la formation des conseillers prud'hommes est doublé afin d'appuyer le renouvellement des 14 512 conseillers prud'hommes. Les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail s'élèvent à 24,1 millions d'euros.
Enfin, mon département ministériel comptera l'an prochain 9 250 emplois en administration centrale et dans les services déconcentrés, soit une légère réduction des effectifs. Je salue à cette occasion le travail au quotidien de ces femmes et de ces hommes ; l'évolution de leurs missions sera au coeur du chantier interministériel « Action Publique 2022 ».
La mission « travail et emploi » s'inscrit donc dans le triptyque « protéger, libérer, investir ». L'objectif est d'accompagner les réformes profondes et nécessaires en cours. Ce budget nous permettra de saisir pleinement les opportunités offertes par le retour de la croissance en mettant le pied à l'étrier à de très nombreux jeunes, aux demandeurs d'emploi et aux personnes les plus fragiles, tout en répondant aux besoins de recherche de compétences et donc de développement des entreprises françaises.
M. Alain Milon, président. - Avant de passer la parole au rapporteur pour avis, je vous informe que nous entendrons mardi prochain, à quatorze heures trente, Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, en vue de sa reconduction à ses fonctions.
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. - Votre exposé, madame la ministre, apporte des éclaircissements sur certains points que je souhaitais aborder.
S'agissant des contrats aidés, les acteurs du monde associatif ont besoin de pédagogie et de vision à moyen terme pour adapter leurs comportements. Combien de contrats le Gouvernement souhaite-t-il financer chaque année pendant le quinquennat ? La cible de 200 000 contrats sera-t-elle maintenue l'an prochain ?
Le Gouvernement a choisi de fixer aux préfets quatre priorités pour prescrire des contrats aidés : l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire, l'urgence sanitaire et sociale, l'outre-mer et les communes rurales. Or les responsables d'Emmaüs, que j'ai rencontrés hier, sont très inquiets sur la pérennité de leurs quatre-vingts comités d'amis qui emploient encore aujourd'hui 600 contrats aidés. Pourquoi ne pas fixer comme cinquième priorité la qualité de l'accompagnement offert aux personnes les plus éloignées de l'emploi ? Le Gouvernement pourrait ainsi encourager les associations qui ont des résultats sur le terrain.
Les préfets ont déjà fait connaître leurs intentions. Dans certains secteurs, ils accordent davantage de contrats que ce qui est demandé alors qu'ils n'en offrent aucun aux associations dans d'autres. Le Gouvernement devrait donner des instructions pour mettre l'accent sur cette priorité.
J'ai eu l'honneur d'être rapporteur de la loi ratifiant l'ordonnance qui modifiait le statut de l'Afpa. Les différents groupes du Sénat avaient bien souligné que le changement de statut ne suffirait pas à résoudre ses problèmes. Nous avons une difficulté en ce qui concerne la pyramide des âges mais il y a aussi un problème culturel : il n'est pas évident pour le personnel de passer du statut associatif à celui d'établissement public. Suite à la vacance du poste de président de l'Afpa, quel sera le profil du nouveau président de l'agence ?
Le Gouvernement souhaite développer les emplois francs. Il semble tirer les leçons de l'échec de 2013 en ouvrant davantage le dispositif et en retenant très peu de critères. L'aide sera en effet accordée à toute entreprise qui embauche en CDI ou en CDD de plus de six mois un demandeur d'emploi qui réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Aucune condition de diplôme ni d'âge n'est exigée et aucun secteur d'activité n'est ciblé. Ne trouvez-vous pas excessif le coût global de cette expérimentation, évalué par vos services à 458 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 307 millions d'euros en crédits de paiement ?
Concernant la réforme de l'apprentissage, quelle place faut-il accorder aux régions et aux branches professionnelles ? Les régions n'ont-elles pas un rôle essentiel de pilotage à jouer afin d'assurer une égalité de traitement entre les citoyens à travers une forme de péréquation entre branches ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il existe des priorités géographiques et thématiques en ce qui concerne les contrats aidés. Les priorités géographiques sont l'outre-mer, les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la vile. Parmi les priorités thématiques, figure l'accompagnement des élèves handicapés. Nous avons voulu assurer la rentrée scolaire, mais un plan d'intégration est mis en place au sein de l'Éducation nationale où la logique est un peu différente : ce ne sont pas les personnes en difficulté qui ont vocation à accompagner les élèves handicapés.
Il existe une priorité dans le secteur social et sanitaire, notamment pour accompagner l'insertion, l'apprentissage des codes sociaux, la formation. Le secteur associatif, très mobilisé sur les publics les plus en difficulté, possède une expertise qu'il faut valoriser. Il est choquant de constater que certaines structures recourent systématiquement aux contrats aidés, qui sont par nature des contrats précaires, pour répondre à des besoins durables. Les préfets, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et Pôle emploi devront se livrer à une appréciation qualitative pour identifier les secteurs où des contrats aidés doivent être prescrits. Une circulaire sera adressée très prochainement en ce sens aux différents services.
Nous privilégions désormais une approche qualitative nous ne supprimons que les contrats aidés dans le secteur marchand. L'investissement doit être efficace pour les personnes concernées. Le pire serait d'engendrer de faux espoirs en ne créant que des emplois précaires alors que les personnes sont désireuses de réintégrer le marché du travail. Le contrat aidé est un sas et non une fin en soi : il doit être efficace et déboucher sur un emploi durable. L'année 2018 nous permettra de mieux calibrer le volume des contrats aidés les années suivantes.
Les investissements massifs en matière de qualification et d'apprentissage doivent permettre notamment aux jeunes non diplômés de s'orienter vers une formation qualifiante, préférable aux contrats aidés : la meilleure protection contre le chômage, c'est la compétence.
Le marché du travail va mieux mais nous devons veiller à ne pas substituer de l'emploi aidé à de l'emploi réel.
Les associations bénéficieront l'an prochain d'aides financières importantes via le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, soit environ 500 millions d'euros en 2018. En 2019, elles bénéficieront de la transformation en baisse de charges du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), soit près de 1,5 milliard d'euros. Quoi qu'il en soit, il faut bien distinguer la problématique du financement des associations de celle de l'accès à l'emploi pour les personnes en difficulté.
La transformation de l'Afpa en établissement public au 1er janvier 2018 constitue un changement culturel majeur. Vous avez évoqué la pyramide des âges ; mais les missions de l'Afpa ont aussi évolué car le monde de la formation et les besoins ont changé. L'Afpa n'exerce pas que des missions de service public mais elle est aujourd'hui trés concurrencée par des organismes privés. Vous m'avez interrogée sur le profil du nouveau président. Celui-ci sera nommé prochainement ; il ne devra pas s'occuper de l'opérationnel mais devra animer la réflexion stratégique du conseil d'administration.
En ce qui concerne les emplois francs, l'expérimentation coûte assez cher, sauf si elle fonctionne ! L'idée est de toucher 25 % de ces quartiers et d'obtenir un effet de masse. Il est important de démontrer que ce n'est pas parce qu'on habite tel ou tel quartier qu'on a moins de chance d'avoir un emploi. Il faut créer une dynamique pour prouver que la vision a changé. Aujourd'hui, le taux de chômage est deux fois plus important dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'ailleurs. Nous devons donc engager une action assez vigoureuse si nous voulons des résultats. Avant de généraliser le dispositif en 2020, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement.
Effectivement, les critères retenus sont peu restrictifs, preuve qu'il est possible d'apprendre des erreurs des autres. De trop nombreux critères avaient été retenus en 2013. Du coup, moins de 300 personnes ont pu bénéficier du dispositif sur la France entière ! Nous souhaitons pour notre part produire un effet de masse. Il n'y a aucune raison notamment de prévoir des discriminations selon l'âge.
En ce qui concerne la réforme de l'apprentissage, vous m'avez demandé quelle place il fallait accorder aux régions et aux branches. À l'heure actuelle, notre pays compte seulement 7 % d'apprentis parmi les 16-26 ans. Pourtant, même si son image est négative auprès de certains de nos concitoyens, l'apprentissage est une voie de réussite : 69 % des apprentis ont un contrat de travail après six mois de recherche. De plus, les pays européens les moins frappés par le chômage de masse des jeunes ont tous développé l'apprentissage. En Suisse, par exemple, 65 % des jeunes passent par l'apprentissage, les passerelles étant nombreuses avec les autres modes de formation. Cette idée de passerelle sera inscrite au coeur de notre réforme car il ne paraît pas raisonnable de demander à des individus si jeunes de choisir définitivement une option, d'autant que nombre d'entre eux devront changer plusieurs fois de métier au cours de leur vie professionnelle.
Aujourd'hui, 1,3 million de jeunes n'entrent dans aucune case : ils n'ont pas d'emploi mais ne sont inscrits ni à l'école, ni à l'université, ni en formation. C'est un gâchis humain énorme, une perte de compétitivité pour l'économie et un risque pour la cohésion sociale.
Voilà pourquoi nous appelons à une révolution copernicienne sur l'apprentissage car il ne se passera rien si les lignes ne bougent qu'à la marge. Des concertations ont été ouvertes en ce sens il y a quelques semaines et dureront jusqu'à la fin du mois de janvier. Nous élaborerons ensuite un projet de réforme que nous présenterons au mois d'avril.
Rien n'est encore décidé mais, dans les pays où l'apprentissage est développé, les entreprises et les branches jouent un rôle beaucoup plus important que chez nous. En France, elles ont à l'heure actuelle un rôle secondaire. On pourrait même dire qu'elles sont assises sur un strapontin ! Certes, elles sont consultées mais elles sont peu responsabilisées. Or un contrat de travail est un engagement. Nous devons donc modifier notre façon d'envisager les choses, tout en respectant la compétence décentralisée des régions afin que les stratégies des différents acteurs déployées ne se nuisent pas.
M. Yves Daudigny. - Je ferai entendre une voix différente de celle exprimée par le rapporteur pour avis. Nous sommes totalement opposés à votre approche en matière de contrats aidés. Pour des territoires ruraux comme le mien, qui connaissent un taux de chômage très élevé, ainsi que des situations de détresse et de grande précarité, la décision brutale prise l'été dernier de supprimer ces emplois est un véritable coup de poignard en direction des collectivités, qui déploient beaucoup d'énergie pour organiser des services à l'attention du public, en particulier dans le secteur de la solidarité, de l'éducation et de la culture. C'est aussi un coup de poignard pour les personnes qui bénéficiaient de ces emplois.
Vous avez dressé un portrait favorable de la garantie jeunes. Une hausse de 18 % de ses bénéficiaires apparaît pour 2018 mais je note dans le même temps une baisse de 9 % des crédits. N'y a-t-il pas là une contradiction ?
Concernant l'insertion des travailleurs handicapés, le nombre d'aides au poste dans les entreprises adaptées a fortement augmenté ces dernières années. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de nouvelles hausses. Néanmoins, il introduit également la dégressivité de l'aide au poste après les premiers mois de travail : il manque donc 8 millions d'euros pour que le dispositif puisse être réellement opérationnel. La volonté affichée par le Gouvernement n'entre-t-elle pas en contradiction avec les moyens mis en place ?
Pour finir, les emplois francs ne sont-ils pas une forme de contrats aidés dans le secteur marchand en ville ? Des emplois spécifiquement destinés à ces quartiers ont déjà été mis en place. La dernière tentative en date remonte à 2013, avec pour seul résultat un effet d'aubaine, accompagné il est vrai d'une forte médiatisation ! Comment pouvez-vous être certaine que ces emplois francs rempliront cette fois leurs objectifs ?
M. René-Paul Savary. -Vous supprimez les contrats aidés du secteur marchand. Or les emplois francs dans les villes ne sont ni plus ni moins qu'une nouvelle forme de contrats aidés dans le secteur marchand ! On connaît les fractures qui existent dans certains quartiers. Mais il existe aussi des fractures entre le monde rural et le monde urbain. Le taux de chômage est très élevé dans les campagnes, sans parler des problèmes de transport. Pourquoi ne faites-vous rien pour l'emploi en milieu rural ?
M. Jean-Marie Morisset. -Nous ne partageons pas toutes vos approches madame la ministre notamment sur les contrats aidés. Depuis quelques décennies, les départements sont animés par de nombreuses structures : missions locales, maisons de l'emploi, associations, etc. Or, les mesures annoncées cet été sur les contrats aidés en ont perturbé beaucoup, à la veille de la rentrée scolaire. Vous dites que les 200 000 contrats maintenus le seront prioritairement dans le monde scolaire et les communes rurales ; mais selon quels critères ? Vous nous devez des précisions.
La suppression progressive des subventions aux maisons de l'emploi n'est pas une bonne chose. Elles sont maltraitées tous les ans ! Tous les gouvernements successifs y ont contribué, dites-vous ; mais les parlementaires s'y opposent chaque année et le ministre finit par abonder leur budget. Ces maisons de l'emploi sont indispensables dans nos départements.
Il est bon d'augmenter les aides au poste pour les travailleurs handicapés mais il l'est moins de supprimer les prises en charge car les entreprises adaptées ne peuvent pas forcément financer ces postes.
Où en est l'expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » dans les dix territoires retenus ? Allez-vous l'élargir aux autres villes qui étaient candidates ?
M. Martin Lévrier. - On parle beaucoup de formation mais peu des centres de formation susceptibles d'accueillir tous ces jeunes. Y a-t-il suffisamment de centres de formation, quel que soit le diplôme préparé ? Leur financement restera-t-il fondé sur la taxe d'apprentissage ? Cette logique fiscale a ses défauts : les formations de niveau IV et V, très utiles pour les jeunes en difficulté, ont généralement lieu dans des petites entreprises, exonérées de taxe d'apprentissage, ce qui réduit d'autant le financement des centres de formation. Sans compter que les grandes entreprises monopolisent les financements pour les redistribuer dans leur réseau plutôt que de les affecter aux véritables besoins.
M. Daniel Chasseing. - Je me réjouis de l'effort sans précédent consenti en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Qu'une formation soit nécessaire pour renforcer l'utilité des contrats aidés, soit ; mais ils ont aussi un rôle social très important, qui ne doit pas être abandonné, notamment en zone rurale. Je rejoins notre collègue René-Paul Savary sur les emplois francs. Dans certains secteurs, et dans les territoires ruraux, menacés de désertification et où les TPE sont peu implantées, il serait utile de les expérimenter.
Mme Patricia Schillinger. - Je me réjouis d'entendre citer l'exemple suisse, pays dans lequel j'ai travaillé dix-neuf ans. L'apprentissage me tient à coeur -j'ai d'ailleurs rédigé en 2012 un rapport sur les collectivités territoriales et l'emploi. Si tous les parlementaires avaient un enfant passé par l'apprentissage, nos débats seraient plus éclairés... En Allemagne et en Suisse, l'apprentissage est développé grâce à une meilleure orientation au collège et à la possibilité d'y entrer à tout moment de la vie -y compris après des études de médecine, par exemple ! Leur système peut nous inspirer. L'apprentissage est en outre impossible sans le soutien des parents, il faudra donc trouver une forme d'accompagnement des enfants au collège.
Mme Sabine Van Heghe. - La baisse drastique des crédits consacrés en 2018 aux contrats aidés est regrettable car c'est un outil important pour rendre efficace la politique de l'emploi. Il est sans doute perfectible mais il permet aux personnes qui en bénéficient de remettre le pied à l'étrier en les obligeant à se lever le matin, en leur offrant un cadre, en leur rendant leur dignité, et il débouche parfois sur un contrat pérenne. Il permet en outre aux communes petites et moyennes, qui subissent de plein fouet les baisses de dotations de l'État, d'offrir un service public de qualité. Les associations de mon département souffriront gravement de la diminution des contrats aidés, comme la Ligue de l'enseignement dont les activités d'éducation, de formation et d'accès à la culture seront réduites, ou les banques alimentaires qui luttent au quotidien contre la précarité. « Mieux vaut un contrat aidé que le chômage », voilà ce que j'entends sur le terrain. Non madame la ministre, il n'y a pas de profiteurs du système, personne ne part en vacances avec les allocations chômage, on survit, madame la ministre. Je demande donc au Gouvernement de revenir sur sa réforme des contrats aidés.
Mme Corinne Imbert. - Aucune réforme de l'apprentissage ne sera efficace sans les entreprises ni les employeurs. Que pensez-vous du mode de rémunération actuel des apprentis, qui varie en fonction de l'âge et non du niveau de formation ? N'est-ce pas un frein à l'embauche, notamment chez les artisans et dans les petites entreprises ?
Mme Pascale Gruny. - Je partage l'avis de notre collègue Yves Daudigny sur les contrats aidés. La brutalité de la décision de l'été est insupportable. Les communes n'embauchent pas en contrat aidé par plaisir : elles n'ont plus les moyens d'agir autrement ! Le développement de l'intelligence artificielle va raréfier certains emplois, surtout ceux des personnes en contrat aidé qui ne trouvent pas d'emploi classique dans le secteur concurrentiel -il en va ainsi de certains saisonniers dans l'agriculture. Mieux vaut être en contrat aidé qu'à la maison à toucher le RSA ! Surtout, n'oublions pas la dignité de la personne humaine.
Le cadre juridique de l'apprentissage change à chaque gouvernement, voire à chaque budget. Je connais de nombreuses entreprises qui renoncent à recourir à l'apprentissage après une mauvaise expérience car les jeunes manquent aussi de savoir-être. Leur formation peut être bonne mais s'ils ne savent pas se conduire correctement lors d'un entretien ou respecter la hiérarchie, ils ne s'inséreront jamais dans l'emploi.
Certaines maisons de l'emploi ne fonctionnent pas, c'est vrai. Mais celles qui fonctionnent fournissent une aide essentielle en matière de formation. Cessons de supprimer sans discernement leurs crédits et laissons les collectivités adapter les dispositifs aux réalités du terrain.
Le mal-être en entreprise augmente. Or les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et de la médecine du travail, deux outils essentiels, sont réduits. Ce n'est pas cohérent.
Mme Laurence Rossignol. - Je partage les observations de tous mes collègues sur les emplois aidés. Où est la cohérence quand le Gouvernement supprime des contrats aidés pour lutter contre la précarité, tout en modifiant le code du travail pour accroître la flexibilité des salariés... Les contrats aidés entraînent parfois de la précarité mais tout le monde n'est pas éligible à une formation. Certaines personnes ne trouveraient pas d'emploi si seules les compétences étaient prises en compte ; elles n'en ont pas moins besoin de vivre et nous devons leur assurer la dignité en aidant à leur embauche.
Le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une grande cause du quinquennat. Le chantier de la lutte contre les violences faites aux femmes est très bien engagé ; le prochain chantier sera celui de l'égalité salariale. Or, sur ce sujet, la position du monde patronal est contradictoire : on ne peut vouloir à la fois l'égalité salariale et la baisse du coût du travail... Quelles sont vos pistes de travail ? Et où en est la refonte des grilles de classification, qui est une des causes de l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes ?
Mme Monique Lubin. - Je partage les remarques de Yves Daudigny. Ancienne présidente, pendant douze ans, d'une mission locale départementale, je sais que la garantie jeunes est l'un des outils les plus efficaces pour l'insertion des jeunes dans l'emploi. Mais en zone rurale, les objectifs assignés à chaque département semblent difficiles à atteindre. Le cahier des charges est lourd en termes d'investissements, de locaux, de personnel... Que se passera-t-il si les crédits de fonctionnement diminuent ? Les conditions d'accès au dispositif, draconiennes - il ne s'adresse en effet qu'aux jeunes les plus en difficulté - devraient en outre être assouplies.
Mme Nassimah Dindar. - Madame la ministre, vous avez parlé de révolution copernicienne pour l'apprentissage. Il faut travailler avec l'Éducation nationale pour orienter dès la fin du collège les élèves qui ne peuvent faire un cycle long et encourager les secteurs pilotes dans les territoires d'outre-mer.
Les départements d'outre-mer sont-ils aussi concernés par l'expérimentation sur les emplois francs ?
Une association réunionnaise, le Comité national d'accueil et d'action pour les Réunionnais en métropole, qui bénéficie notamment du Fonds social européen et du soutien des collectivités, encourage la mobilité des Réunionnais vers le territoire métropolitain. Elle fonctionne très bien, à telle enseigne que les entreprises de métropole lui ont confié 1 845 offres d'emploi en 2017, contre 1 326 en 2016. La majorité de ces entreprises sont prêtes à continuer de lui confier des offres, y compris en CDI, à condition que les salariés bénéficient d'une formation. Ces employeurs appréciant le savoir-être des Réunionnais, ne pourrions-nous mettre en place de telles formations de courte durée, sous forme de préparation opérationnelle à l'emploi, financées par Pôle emploi ?
Mme Victoire Jasmin. - Les départements d'outre-mer, la Guadeloupe au premier chef, comptent parmi les territoires les plus vieillissants du pays et ils n'ont pas suffisamment d'entreprises pour permettre aux jeunes de trouver un emploi. Les formations existent mais les entreprises ne sont pas toujours en mesure de verser une gratification. En conséquence, les jeunes abandonnent trop souvent leur formation en alternance. Il faudrait aider les entreprises qui accueillent des personnes en alternance car trop de jeunes partent en métropole pour ne plus revenir, ce qui accroît le vieillissement de nos territoires. Autre piste : les services académiques devraient prendre en compte très tôt, dès le CM2, les résultats des jeunes pour anticiper leurs orientations, en fonction de leurs capacités.
Mme Corinne Féret. - La fin des contrats aidés entraîne de lourdes conséquences dans les territoires. Une commune de mon département a même dû reporter sa rentrée scolaire de quelques jours pour y faire face et je ne dis rien de l'inquiétude de certaines associations sur la pérennité de leur activité. Les emplois d'avenir comportent des actions de formation obligatoires et offrent un accompagnement de trois ans avec l'aide des missions locales : c'était une bouffée d'oxygène pour de nombreux jeunes à même de concevoir de nouveaux projets. Ces contrats permettent aussi aux collectivités d'organiser le passage de témoin d'agents titulaires partant à la retraite. Dans le secteur non marchand, certaines personnes n'ont pas le niveau pour entrer en formation ; elles ont besoin d'une étape d'accompagnement au retour vers l'emploi, que constituent les contrats aidés.
Les recettes du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) diminuent compte tenu de l'augmentation du taux d'emploi des personnes handicapées. C'est une bonne chose car on se rapproche de l'obligation d'employer 6 % de travailleurs handicapés mais les dépenses du fonds augmentent également pour financer les adaptations des postes de travail. Où en est la réflexion du Gouvernement sur l'avenir du Fonds ?
L'apprentissage ne doit pas être un choix par défaut ; il doit être rendu accessible à tous les niveaux de qualification, du CAP à l'enseignement supérieur, à tout moment du parcours de formation. Il doit aussi contribuer à l'élévation du niveau de formation : nous l'avons conçu ainsi en Normandie. Cela suppose de changer l'image, souvent négative, de l'apprentissage dans notre pays.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je crois dans les emplois aidés, à condition que leur évaluation soit faite et qu'ils servent à atteindre les objectifs fixés. Ils sont utiles dans certaines communes, dans le périscolaire par exemple, notamment dans les communes rurales, mais aussi dans les associations d'insertion ou humanitaires, à la condition qu'ils permettent d'obtenir un CDI.
Je crois aussi dans le service public. Je préside une mission locale et une maison de l'emploi dont j'ai engagé la fusion car j'y vois une source d'efficacité et d'efficience - je ne suis d'ailleurs pas le seul puisque dans les Hauts-de-France, une telle fusion a été engagée dans de nombreuses villes. Ne faut-il pas simplifier le paysage actuel des acteurs de la politique de l'emploi ? Il repose sur les maisons de l'emploi qui portent la coordination avec Pôle emploi. Chez moi, la maison de l'emploi fait office de plateforme. Alors que les chambres de commerce ont presque disparu, les entreprises n'ont plus comme interlocuteurs que les conseillers que nous avons formés, chez Pôle emploi, dans les maisons de l'emploi ou dans les départements. Il faut, je crois, revoir l'architecture d'ensemble.
Mme Martine Berthet. - Faire de la formation des jeunes décrocheurs et des jeunes sans qualifications une priorité est une très bonne chose. Comment mettre en adéquation ces formations avec les besoins des entreprises dans les territoires ? Certains secteurs - la filière bois par exemple - ont des attentes spécifiques.
Pourquoi ne pas étendre les emplois francs à tous les quartiers prioritaires au sens de la politique de la ville ?
Mme Élisabeth Doineau. - J'ai rédigé avec Jean-Pierre Godefroy un rapport d'information sur les mineurs non accompagnés. Ils sont souvent incités à signer un contrat d'apprentissage car c'est la voie de formation la plus rapide mais selon les départements, il n'est pas fait la même lecture de l'obligation de formation de six mois que prévoit la circulaire Valls, d'où des disparités dans la politique de délivrance des autorisations de travail. Comment y remédier ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Je vous dirai les choses comme je les vois, sans polémique, par respect pour le débat public.
Les contrats aidés doivent d'abord être analysés à l'aune de leurs résultats en matière d'insertion professionnelle car nous devons aux personnes éloignées de l'emploi de l'efficacité, et non des dispositifs en trompe-l'oeil, qui peuvent parfois entraîner des pertes de chances et des faux espoirs. Dans le secteur marchand, ils génèrent des effets d'aubaine ; dans le secteur non marchand, ils affichent le taux d'insertion le plus bas de tous les dispositifs existants parmi les outils de la politique pour l'emploi : 26 %. Ceux qui fonctionnent mêlent trois ingrédients : l'accompagnement, la formation et l'expérience professionnelle. Les dosages varient : l'insertion économique privilégie le travail, la formation qualifiante mise davantage sur la formation. La majeure partie des contrats aidés n'offre pas ces trois composants. Le taux de 26 % est une moyenne : selon les cas, le taux d'insertion est plus proche de zéro ou de 60% : il faut donc accompagner et former les personnes, et évaluer la qualité des dispositifs -ceux qui fonctionnent seront maintenus.
J'ai déjà répondu sur l'aide aux collectivités territoriales et aux associations : 1,5 milliard d'euros d'aide leur sera mécaniquement attribué via le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires et la transformation du CICE en baisse de charges, ce qui représente un peu plus que ce qu'elles percevaient pour les contrats aidés. Je ne suis pas certaine qu'il soit sain que certaines grandes villes - je dis bien certaines seulement - embauchent plus de mille personnes en contrat aidé pour les cantines scolaires et privilégient la rotation du personnel au renouvellement des contrats... Résultat : on entretient l'espoir de ces personnes pour mieux les décevoir ! J'en ai rencontrées qui étaient persuadées de garder leurs postes... Ce n'est pas responsable. Bref, les contrats aidés ne sont qu'un outil parmi d'autres dans la palette dont nous disposons ; 200 000 d'entre eux seront maintenus.
Brutalité, dites-vous ? Je voudrais rappeler la responsabilité du gouvernement précédent. Je n'aime pas tenir ce genre de propos mais vous m'y poussez. En 2016, 460 000 contrats aidés étaient prévus - au passage, depuis vingt ans, le chiffre gonfle toujours avant les élections mais ce doit être une coïncidence... - mais seulement 280 000 figuraient en loi de finances initiale pour 2017 : la brutalité était donc programmée. Les préfets avaient en outre reçu instruction d'en consommer 80 % au premier semestre 2017, en sorte que fin mai, il n'en restait presque plus. Nous en avons précisément ajouté 40 000 cette année pour amortir la brutalité de cette méthode...
De nombreuses entreprises ne trouvent pas les compétences qu'elles recherchent car nous avons vécu très longtemps avec un chômage de masse qui a durablement éloigné de l'emploi certaines personnes. L'emploi aidé qualitatif, ciblé, exigeant, permet d'y faire face, de même que les entreprises et chantiers d'insertion. Mais on ne peut pas dire aux jeunes que l'emploi aidé est la solution à tout ! On ne doit pas accepter de leur promettre, à vingt ans, que des petits boulots précaires et subventionnés, ce n'est pas ce qu'ils veulent. Il faut investir dans le social, dans l'accompagnement, dans les compétences, dans ce qui a du sens. Le taux de chômage des jeunes à Bac + 2 est de 5,6 % et continue de baisser ; celui des jeunes sans qualification est de 18,6 % : la compétence reconnue sur le marché du travail reste la meilleure arme contre le chômage.
Sur la garantie jeunes, on vous aura mal renseigné : elle concernait 87 000 personnes en 2017, pour 420 millions d'euros ; elle devrait concerner 100 000 personnes en 2018, pour 467 millions d'euros. S'il faut aller plus loin, nous le ferons : le dispositif n'est pas contingenté. Les critères sont larges : il faut avoir entre 18 et 25 ans pour en bénéficier, n'être ni étudiant, ni en formation ni en emploi, et disposer d'un revenu mensuel inférieur à 480 euros. Il cible donc les jeunes en difficulté sociale et prêts à se mettre dans une dynamique de projet. C'est un bon dispositif que nous entendons amplifier. Il est en tout cas préférable à un contrat aidé, contrairement au discours que tiennent certaines missions locales, car il projette les jeunes vers l'avenir.
Le budget des missions locales est maintenu. Elles gagneraient à s'organiser en réseau. J'ai été l'une des trois premières directrices de mission locale en France, il y a fort longtemps, je connais donc bien ces structures. Elles sont censées être des plateformes réunissant tous les acteurs économiques et sociaux de l'insertion des jeunes. Elles gèrent la garantie jeunes, ce qui est une bonne chose à condition qu'elles ne se referment pas sur elles-mêmes.
Les entreprises adaptées bénéficieront de plus de 1 000 aides au poste supplémentaires. Le montant de ces aides passe de 314 à 338 millions d'euros. C'est la subvention spécifique qui diminue, passant de 41 à 33 millions d'euros. Le total est néanmoins en hausse de 4 millions d'euros. Nous travaillons pour transformer le modèle de financement des entreprises en 2019 - car les trois subventions calculées différemment nuisent à la visibilité des établissements - et pour augmenter le niveau de subvention par poste - j'en dirai davantage en séance la semaine prochaine.
Les maisons de l'emploi ont été créées par Jean-Louis Borloo, peu de temps avant Pôle emploi. Les collectivités territoriales se sont alors demandé à quoi elles serviraient et la labellisation a été interrompue dès 2009. Le nombre de maisons de l'emploi a alors beaucoup diminué, les collectivités se recentrant sur la coordination de tous les acteurs.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Beaucoup ont compris en effet qu'elles seraient un Pôle emploi bis, ce qui était une grave erreur.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Certaines collectivités ont craint en effet de devoir coordonner l'action de cette nouvelle structure avec les structures existantes... La maison de l'emploi de Haguenau, où j'étais il y a quelques jours, a été comprise au sens physique du terme : le centre d'information et d'orientation et la mission locale sont dans le même bâtiment, Pôle emploi et l'internat pour les apprentis sont à proximité... Mais il y a de nombreuses manières de procéder. Pour cette raison, les gouvernements, de droite comme de gauche, ont tous réduit leurs financements : 120 millions d'euros en 2005, 90 millions d'euros en 2009, 21 millions d'euros en 2017 ; nous avons prévu 12 millions d'euros en 2018. Nous travaillons avec les collectivités territoriales pour assurer que des synergies soient créées entre tous les acteurs. Nous ne croyons pas utile que l'État finance des dispositifs ad hoc supplémentaires. La coordination locale, elle, a du sens.
L'expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » se poursuit. Elle est appréciée localement. En 2018, 1 100 ETP supplémentaires y seront affectés, soit 700 de plus qu'en 2017, pour un montant de 18 millions d'euros. Pour aller plus loin, une évaluation sera nécessaire.
Faut-il privilégier les emplois francs en milieu rural ? Nous préférons y concentrer les contrats aidés. Le problème auquel les emplois francs tentent de répondre est celui de la discrimination -au faciès ou à l'adresse- et non seulement celui des difficultés objectives d'accès à l'emploi. Nous travaillons également sur l'aide à la mobilité et à l'accès au logement car d'un bassin d'emploi à un autre, le taux de chômage oscille entre 5 % -le niveau du chômage frictionnel- et 40 %, en raison de la difficulté à se loger ou à se déplacer. Nous en discutons avec les collectivités territoriales.
La réforme de l'apprentissage suscite, je m'en réjouis, beaucoup de questions ! Nous en reparlerons en avril. L'orientation sera une question clé. Je mène actuellement les concertations avec Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer : que les vues des ministres du travail, de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale convergent, c'est inédit.
Mme Patricia Schillinger. - Bravo !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - L'apprentissage est une voie de réussite. Son image a beaucoup évolué en France, les sondages le montrent mais il reste encore des freins à lever.
Le budget de l'Anact passera de 10,26 millions d'euros en 2017 à 10,05 millions d'euros en 2018, en raison de la hausse de sa productivité - l'agence est bien gérée. Sa mission est très importante. Agnès Buzyn et moi-même avons confié à Jean-François Naton, de la CGT, au consultant Bruno Dupuis, et à la députée Charlotte Lecoq une mission sur la santé au travail dont les conclusions sont attendues pour mars 2018. Ce sujet, comme celui de la médecine du travail, constitue une préoccupation forte pour le Gouvernement.
Le contrôle de la recherche d'emploi n'a rien de choquant en soi : personne n'imaginerait que l'on puisse se passer de contrôle en matière d'impôts ou de cotisations sociales. Le contrôle mené par Pôle emploi sur 300 000 demandeurs d'emplois a révélé que 14 % n'effectuaient pas de recherche effective d'emploi. Le contrôle n'a de sens que si l'on accompagne fortement ces personnes. Certaines sont tout simplement découragées. La très grande majorité des demandeurs d'emploi veulent vraiment en trouver un, je n'ai aucun doute à ce sujet. Mais là comme ailleurs - ni plus ni moins -, il y a des exceptions.
Le savoir-être est en effet un aspect très important de la formation. L'absence de maîtrise des codes sociaux de base - respect des horaires, compréhension des relations de travail, etc. - est souvent un frein à l'embauche. Le plan d'investissement dans les compétences mettra l'accent sur cet aspect.
L'égalité salariale entre les femmes et les hommes exige une mobilisation collective car l'inégalité est un véritable fait de société. J'ai saisi les partenaires sociaux il y a dix jours sur les violences sexistes et sexuelles et le harcèlement au travail, dans le secteur public comme privé. L'arsenal législatif existant suffit. Les difficultés actuelles sont la charge de la preuve et la prévention. J'attends les propositions des partenaires sociaux pour le 15 décembre. Je vais m'investir beaucoup sur ce sujet, car voilà trente ans que les obligations législatives ne sont pas remplies. A qualification et travail égal, l'écart de rémunération atteint 9% ; compte tenu des différences de carrières, l'écart atteint 20 %, voire 25 %. La loi sur le renforcement du dialogue social en a fait un sujet prioritaire. Les ordonnances portant réforme du code du travail renforcent le rôle des branches dans les négociations sur l'égalité hommes-femmes et exigent l'avis conforme du conseil d'entreprise sur deux sujets : la politique de formation professionnelle et l'égalité entre les hommes et les femmes. Il n'y a pas pléthore de solutions pour parvenir à l'égalité salariale : les augmentations de salaires devront profiter davantage aux femmes qu'aux hommes.
L'expérience de La Réunion est intéressante : nous touchons du doigt justement ce que nous voulons développer. Nous en discuterons avec la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et Pôle emploi. Je me rendrai en Guadeloupe mi-décembre. Réfléchissons ensemble sur les moyens de susciter la création d'activités dans les territoires d'outre-mer, notamment dans l'économie sociale et solidaire mais aussi dans le bâtiment, l'hôtellerie et la restauration, secteurs qui recourent à la main d'oeuvre extérieure, ce qui est un comble ! Nous veillerons aussi à renforcer les filières de formation dans ces secteurs. Un plan d'action spécifique sera mis en oeuvre.
Le problème des jeunes décrocheurs doit être traité avec celui des besoins des entreprises. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences par secteur et par territoire sera une composante majeure de la réforme de la formation professionnelle. Certes, on ne peut prévoir l'avenir mais certains pays parviennent à avoir une vision claire de leurs besoins. Ce sera une priorité du plan d'investissement dans les compétences. Nous accompagnerons la transformation numérique, la transition écologique, les priorités identifiées par les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, et prendrons en compte la vision qu'ont les branches de l'avenir des métiers. Nous commençons à bénéficier d'une analyse des big data sur les mouvements de personnel, que nous mettrons à la disposition des branches et des collectivités.
À la suite des travaux d'Élisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy, un rapport a été confié, en septembre, à Aurélien Taché sur la refonte de la politique d'intégration, qui abordera le sujet des mineurs non accompagnés et leur accès à la formation et l'emploi
M. Alain Milon, président. - Madame la ministre, merci.
La réunion est close à 10 h 45.
Mercredi 29 novembre 2017
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Travail et emploi » et compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »- Examen du rapport pour avis
M. Alain Milon, président. - Nous devons examiner ce matin cinq rapports sur avis sur le PLF pour 2018. C'est pourquoi je donne sans tarder la parole à notre collègue Michel Forissier pour présenter la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage.
M. Michel Forissier. - rapporteur pour avis. - Nous examinons aujourd'hui le premier budget du quinquennat consacré à l'emploi, au travail et à l'apprentissage.
Au préalable, je voudrais comme les années précédentes souligner l'endettement préoccupant de l'Unédic, qui devrait atteindre 34 milliards d'euros en fin d'année et dépasser 37 milliards fin 2018 à réglementation inchangée, soit une année de ses recettes. Certes, la croissance économique devrait atteindre 1,7 % l'an prochain et le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, se maintenir à 9,5 %, mais ces prévisions relativement optimistes ne règleront aucunement la question de la dette de l'assurance chômage.
Pour commencer à se désendetter, il faudrait que celle-ci dégage un excédent structurel, alors qu'il n'est même pas certain qu'elle puisse résorber son déficit structurel dans les années à venir. Peut-on accepter que l'Unédic verse 405 millions d'euros en 2017 uniquement pour payer les intérêts de sa dette ? Si les taux d'intérêt remontent soudainement, les demandeurs d'emploi risquent d'être les premières victimes d'une baisse des prestations de l'Unédic et le fardeau de sa dette deviendra un épineux sujet politique : la question se posera alors de sa reprise partielle par l'État. Je souhaite donc que le Gouvernement et les partenaires sociaux intègrent véritablement les enjeux liés à la dette lors des négociations sur la prochaine réforme de l'assurance chômage, lancées pour mettre en oeuvre les engagements présidentiels.
Venons-en à la présentation de la mission « travail et emploi ». Elle bénéficiera l'an prochain de 15,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un léger repli par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 (- 91 millions). En revanche, ses autorisations d'engagement (AE) subiront une chute majeure, en recul de 2,7 milliards, pour atteindre 13,7 milliards.
À périmètre constant, la diminution des crédits de la mission est sensible et s'élève à 1,5 milliard en CP, en raison de la compensation par crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité (1,4 milliard), qui finançait notamment jusqu'à cette année l'allocation spécifique de solidarité (ASS).
Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, la diminution des crédits de la mission devrait se poursuivre, avec un plafond de la mission fixé à 12,9 milliards en 2019 et 12,6 milliards en 2020.
Je centrerai mon analyse des programmes 102 et 103 de la mission sur cinq sujets principaux : le plan d'investissement dans les compétences (PIC), les opérateurs de la politique de l'emploi, les contrats aidés, les personnes éloignées de l'emploi et les aides à l'embauche.
En premier lieu, la mission se caractérise par une première traduction timide du plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui constitue pourtant une priorité du programme d'investissement annoncé par le premier ministre le 25 septembre 2017.
Ce plan devrait bénéficier de 14,6 milliards pendant le quinquennat, mais les modalités de son financement n'ont pas été arrêtées. La mission n'y consacrera que 1,1 milliard en CP, à travers deux volets. D'une part, 467 millions seront dédiés à la garantie jeunes, en hausse de 47 millions, étant rappelé que ce dispositif, initié par le précédent gouvernement, a été généralisé sur le territoire depuis le 1er janvier 2017. D'autre part, 225 millions solderont les plans de formation exceptionnels des demandeurs d'emploi mis en oeuvre en 2016 et 2017. Autrement dit, l'effort net supplémentaire de l'État dans le cadre du PIC s'élèvera à 428 millions l'an prochain, afin de former des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs. Le plan bénéficiera également de crédits non budgétaires d'origine européenne (36 millions), ainsi que de fonds de concours à hauteur de 250 millions, qui devraient être versés par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
En deuxième lieu, la majorité des opérateurs de la politique de l'emploi voient leurs crédits préservés.
La subvention de Pôle emploi connaîtra une légère baisse de 50 millions pour atteindre 1,45 milliard, mais son directeur général nous a indiqué qu'elle n'empêchera pas l'opérateur public de remplir ses missions. Les missions locales bénéficieront de 206 millions l'an prochain, en hausse d'un million, sans compter la dotation de 149 millions pour l'accompagnement des bénéficiaires de la garantie jeunes.
Le PLF pour 2018 prévoyait initialement une dotation de 10,5 millions aux maisons de l'emploi, soit la moitié de celle versée cette année. Le Gouvernement poursuit un désengagement de l'État initié en 2013 et qui vise à rationaliser le paysage des acteurs de la politique de l'emploi. L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement des députés Modem majorant leurs crédits de 1,5 million.
Quant à l'Afpa, sa dotation est maintenue à 110 millions d'euros mais sa transformation en établissement public depuis le 1er janvier 2017 ne s'est toujours pas accompagnée d'un modèle de développement ambitieux et crédible, comme l'a souligné son ancien président pour justifier sa démission le 19 octobre dernier. La situation financière de la nouvelle agence demeure très préoccupante, tant au niveau de sa trésorerie, de ses dettes fiscales et sociales que de ses engagements passés contractés auprès de l'État. La directrice générale devrait annoncer prochainement, après une concertation approfondie avec les syndicats et des échanges continus avec ses autorités de tutelle, les grandes lignes du développement de l'agence et de ses deux filiales, qui pourront dès le 1er janvier prochain former des demandeurs d'emploi et des salariés.
En troisième lieu, la réforme des contrats aidés, même si elle trouve des justifications économiques solides, manque de pédagogie, d'accompagnement et de vision à long terme.
Vous le savez, le Gouvernement envisage de financer l'an prochain seulement 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand (CUI-CAE). Ils ne concerneront que les collectivités publiques et les associations, avec un taux de prise en charge par l'État plafonné à 50 %, contre 76 % cette année, soit un coût global de 765 millions en CP. S'y ajoute une enveloppe de 523 millions pour honorer les engagements portant sur les emplois d'avenir conclus avant 2017.
Le Gouvernement s'engage à ne signer aucun nouveau contrat aidé dans le secteur marchand (CUI-CIE) en 2018, ni aucun nouveau contrat en emploi d'avenir.
Pour mémoire, le PLF pour 2017 avait prévu de financer 280 000 contrats aidés (200 000 dans le secteur non-marchand, 45 000 dans le secteur marchand et 35 000 emplois d'avenir). Ces objectifs étaient eux-mêmes en net repli par rapport aux 459 000 contrats aidés conclus en 2016.
Compte tenu des enseignements tirés des études économiques, je partage l'ambition du Gouvernement de donner la priorité à la formation professionnelle plutôt qu'aux emplois aidés.
En revanche, la méthode suivie me paraît perfectible sur de nombreux points. Force est de constater qu'elle a parfois été jugée brutale et n'a pas toujours été bien comprise par nos concitoyens. A la décharge du Gouvernement actuel, il convient de rappeler que le précédent exécutif avait donné comme consigne aux préfets de consommer 80 % des crédits dès le premier semestre 2017. C'est pourquoi le Gouvernement a augmenté en urgence cet été de 30 000 à 40 000 le nombre de contrats par rapport à ce qu'avait prévu la LFI pour 2017. Finalement, le volume global de contrats aidés se situera entre 310 000 et 320 000 contrats cette année.
Mais il s'est refusé à fixer des perspectives pluriannuelles sur le volume des contrats aidés et le taux de prise en charge, contrairement aux attentes des anciens bénéficiaires et des structures concernées. En outre, un faible volant de contrats aidés dans le secteur marchand aurait pu être justifié l'an prochain, malgré les signes de reprise de la croissance économique. Enfin, le Gouvernement n'a pas tenté de mesurer les conséquences indirectes de cette réforme sur les autres dispositifs de la mission.
En quatrième lieu, les crédits destinés aux personnes éloignées de l'emploi sont en légère augmentation.
Les dépenses consacrées aux personnes handicapées atteindront 377 millions, en hausse de 4 millions, et financeront notamment 24 000 aides au poste, soit 1 000 supplémentaires. Face aux inquiétudes des responsables des entreprises adaptées, la ministre du travail a annoncé, le 8 novembre à l'Assemblée nationale, qu'elle les rencontrerait prochainement pour réfléchir aux moyens de pérenniser leur « modèle économique », et qu'elle pourrait, le cas échéant, déposer un amendement en ce sens lors de l'examen du budget au Sénat.
S'agissant du soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique, il atteindra 840 millions, en hausse de 30 millions : 71 000 aides au poste seront financées, soit 5 000 de plus que cette année. Le Gouvernement attend beaucoup du rapport qui lui sera remis d'ici la fin d'année par Jean-Marc Borello sur la mobilisation des acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes.
Enfin, concernant les jeunes en difficulté, les écoles de la deuxième chance disposeront l'an prochain de 24 millions, comme cette année, tandis que la dotation aux établissements pour l'insertion par l'emploi est maintenue à 55 millions.
En dernier lieu, la mission hérite de dispositifs d'aide à l'embauche coûteux, elle tire les conséquences de l'abrogation des contrats de génération, mais elle lance dans le même temps l'expérimentation des emplois francs.
De fait, la mission consacrera 1,1 milliard à l'aide à l'embauche dans les PME (contre 3,6 milliards en 2017). Elle consiste à verser 500 euros par trimestre pendant deux ans à toute PME qui a embauché entre le 18 janvier 2016 et le 1er juillet 2017 un salarié faiblement rémunéré. De même, une dotation de 10 millions est nécessaire pour l'aide à l'embauche d'un premier salarié dans les TPE. Même si le Gouvernement s'est refusé à prolonger ces dispositifs, il doit respecter les engagements pris par la précédente majorité. En outre, l'efficacité de ces dispositifs est douteuse compte tenu des effets d'aubaine et aucune évaluation indépendante n'a été prévue par la loi alors que les sommes en jeu sont très importantes.
Bien qu'abrogés par l'une des cinq ordonnances « travail » du 22 septembre 2017, les contrats de génération nécessiteront l'année prochaine une dotation de 68 millions pour payer les aides accordées aux entreprises depuis 2015. Je n'ai eu de cesse de dénoncer ces dernières années l'échec des contrats de génération, dont l'intention était louable mais qui ont été pénalisés par des contraintes juridiques trop nombreuses : je ne peux donc qu'approuver leur suppression.
Enfin, sous la pression d'une partie de la majorité présidentielle, le Gouvernement a fait adopter précipitamment à l'Assemblée nationale un amendement visant à expérimenter les emplois francs dès l'an prochain. Prévue entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2019, cette expérimentation consistera à verser 5 000 euros par an pendant trois ans à tout employeur qui embauchera en CDI un demandeur d'emploi habitant un quartier prioritaire de la politique de la ville. La prime sera limitée à 2 500 euros par an pendant deux ans pour une embauche en CDD de plus de six mois. Aucune condition d'âge ou de diplôme ne sera exigée, de même qu'aucun secteur d'activité ne sera ciblé. Ce faisant, le Gouvernement entend tirer les enseignements de l'échec de la précédente expérimentation des emplois francs en 2013 et 2014. Je souhaite évidemment, comme chacun d'entre vous, que les pouvoirs publics se mobilisent pour aider les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais le coût de l'expérimentation m'apparaît exorbitant, alors même que son efficacité est douteuse en raison là aussi des effets d'aubaine qui ne manqueront pas d'apparaître. Selon le Gouvernement, ce coût pourrait atteindre 458 millions d'euros en AE et 307 millions en CP sur la période 2018 2022. C'est pourquoi je vous présenterai tout à l'heure un amendement pour diviser par deux ces crédits en 2018.
Je voudrais maintenant rapidement rappeler les trois points saillants des autres programmes de la mission.
Tout d'abord, le nombre d'emplois rémunérés par la mission atteindra 9 251 équivalent temps plein travaillé (ETPT) l'an prochain, soit une baisse de 272 ETPT. À périmètre constant, les effectifs poursuivront leur décrue dans les années à venir, pour atteindre 8 785 ETPT en 2020. Le plan de transformation des contrôleurs en inspecteurs du travail continue son déploiement, et il a permis d'augmenter le nombre d'agents chargés de contrôler les entreprises en unité de contrôle.
Ensuite, 7,8 millions d'euros seront consacrés à la formation et au maintien de salaire des défenseurs syndicaux lorsqu'ils exercent leurs fonctions. Instaurés par la loi « croissance et activité » du 6 août 2015, ils auront pour mission d'assister et de représenter les parties devant les conseils de prud'hommes.
Enfin, le Gouvernement prévoit une dotation de 13,7 millions, en hausse de 6 millions, pour assurer la formation des conseillers prud'hommes, compte tenu du renouvellement des 14 512 sièges prévu en décembre prochain.
Je souhaiterais avant de conclure évoquer l'apprentissage à travers le compte d'affectation spéciale (CAS) qui lui est consacré. Ses recettes atteindront 1,63 milliard l'an prochain, soit 59 millions de plus qu'en 2017. Le compte devrait être remanié l'an prochain dans le prolongement du prochain projet de loi réformant l'apprentissage.
Je voudrais à cette occasion faire trois remarques.
La première concerne l'article 19 du PLF et le plafonnement de certaines ressources des chambres consulaires. Même si cet article n'est pas rattaché à notre mission ni au CAS, le Gouvernement doit veiller à ce que la réduction de ces ressources ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des centre de formations d'apprentis qui relèvent des chambres consulaires.
La deuxième remarque porte sur les aides aux apprentis. L'aide au recrutement d'un jeune apprenti dans les TPE est maintenue pour un coût de 195 millions, tandis que la prime spéciale de 335 euros versée aux apprentis en 2017 ne sera pas reconduite l'an prochain. Vous le savez, je suis très réservé sur l'utilité des aides financières pour développer l'apprentissage, mais il est clair que les employeurs et les apprentis ont besoin d'un cadre juridique stabilisé.
Ma dernière remarque concerne le rôle des régions dans la future réforme de l'apprentissage. Si je partage l'objectif du Gouvernement de donner plus de place aux branches professionnelles dans l'élaboration des référentiels de formation, il ne faudrait pas que les régions soient écartées du pilotage de l'apprentissage, alors qu'elles ont aujourd'hui un rôle de chef de file reconnu par la loi.
En définitive, compte tenu de mes observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » sous réserve de l'adoption de mon amendement sur les emplois francs, et un avis favorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage.
M. Michel Amiel. - Si la réforme des contrats aidés a pu paraître brutale aux yeux de certains, je me félicite de constater que nous sommes nombreux désormais à considérer que ces contrats sont de faux emplois pour ainsi dire. Maire pendant de nombreuses années, j'ai souvent reçu des appels du préfet qui m'incitait à conclure des contrats aidés. Sur 450 équivalents temps plein dans ma mairie, je ne comptais que trois contrats aidés. J'ai constaté en effet que le recours à ces contrats s'accompagnait d'importants effets d'aubaine, tandis que les actions de formation et les débouchés manquaient.
C'est pourquoi j'ai des doutes sur l'utilité des emplois francs, même si je partage la volonté du Président de la République de relancer la politique de la ville. Sans sombrer dans le pessimisme, force est de constater que les différentes orientations de la politique de la ville, de gauche comme de droite, ont échoué ces dernières années. J'ai moi-même constaté dans certains quartiers que les dispositifs d'aide étaient repoussés par certains jeunes, qui gagnent parfois jusqu'à cent euros par jour grâce à des trafics en tout genre. Je me réjouis en tout cas de l'avis favorable proposé par le rapporteur pour avis sur la mission.
M. Alain Milon, président. - Sous réserve de l'adoption de l'amendement sur les emplois francs !
M. Yves Daudigny. - Vous connaissez ma position sur ce budget à travers mon intervention hier lors de l'audition de la ministre du travail. Malgré quelques désaccords, l'analyse du rapporteur est équilibrée et je partage ses observations sur les emplois francs.
Il est paradoxal que les crédits de la mission, à périmètre constant, baissent de 1,5 milliard d'euros alors que le chômage reste encore à un niveau élevé.
Certaines évolutions de crédits sont en trompe-l'oeil, je pense notamment aux dispositifs en faveur des travailleurs handicapés.
Enfin, je suis en totale opposition avec la réforme des contrats aidés. L'argument tiré du comportement de l'exécutif précédent est de peu de valeur puisque le Gouvernement a décidé, pour des raisons politiques parfaitement assumées, de réduire l'année prochaine le volume des contrats aidés. Cette réforme met à mal des structures comme la banque alimentaire, dont l'utilité n'est pas à démontrer et qui ne recourt pas à de « faux emplois ».
M. René-Paul Savary. - Suite aux échanges que nous avons eus avec la ministre du travail hier, je pense qu'il serait souhaitable de consacrer les 90 millions d'euros en AE économisés par l'amendement du rapporteur à l'expérimentation des emplois francs en zone rurale. La fracture sociale existe entre quartiers, mais aussi entre zones urbaines et zones rurales. Quel est l'avis du rapporteur sur cette proposition, que je ne manquerai pas de présenter en séance publique avec ma collègue Corine Imbert ?
M. Martin Lévrier. - Monsieur le rapporteur pour avis, quels sont les avantages d'un pilotage de l'apprentissage par les régions ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Pourquoi doutez-vous de l'efficacité des emplois francs ? J'imagine que les crédits ont été calibrés avec précision. Par ailleurs, je regrette la disparition programmée de la subvention de l'État aux maisons de l'emploi. Je déposerai donc un amendement pour augmenter leurs crédits, car la plupart ont montré leur utilité et je souhaite que les collègues de la commission soutiennent mon initiative.
M. Dominique Watrin. - Ce budget traduit la politique de rigueur du Gouvernement, alors que notre pays compte encore six millions de chômeurs. La diminution des crédits s'accompagne d'une timide mise en oeuvre du plan d'investissement dans les compétences. Pôle emploi verra sa subvention d'équilibre amputée de 50 millions, tandis que la dotation versée aux maisons de l'emploi sera également réduite. Les missions locales devront accueillir l'an prochain quinze mille jeunes de plus bénéficiant de la garantie jeunes. La baisse de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) nous inquiète, tout comme la réduction des effectifs de l'inspection du travail. Ce budget traduisant l'orientation libérale du Gouvernement, nous voterons contre l'avis proposé par le rapporteur, et nous ne voterons pas son amendement qui réduit encore les crédits de la mission. La réforme des contrats aidés procure au Gouvernement une économie de l'ordre d'un milliard d'euros. Le milieu associatif s'en trouvera fragilisé. J'aurais souhaité que le Gouvernement mette en place un dispositif concerté et pertinent alternatif aux contrats aidés plutôt que de décider leur suppression pure et simple dans le secteur marchand et leur réduction dans le secteur non-marchand. Le Président de la République, au congrès des maires, a reconnu une forme de brutalité de la réforme et a annoncé qu'il en serait autrement à l'avenir, mais je ne vois pas la traduction de ces propos dans le budget.
M. Olivier Henno. - Si la réforme des contrats aidés a manqué de pédagogie, les positions des groupes politiques ont beaucoup varié ces dernières années sur leur utilité et doivent nous inciter à la prudence.
On parle souvent du millefeuille territorial, mais la multiplication des opérateurs de la politique de l'emploi est tout aussi néfaste pour l'action publique. À travers la réduction de la subvention aux maisons de l'emploi, l'État fait le choix de supprimer un acteur. Mais leur disparition n'est pas certaine : les collectivités territoriales se substitueront peut-être à l'État, comme on l'observe déjà un peu aujourd'hui. Je crois qu'une loi est nécessaire pour déterminer les compétences des différents opérateurs de la politique de l'emploi et éviter l'enchevêtrement de leurs compétences.
Le développement de l'apprentissage ne règlera pas le problème fondamental de la formation professionnelle en France, à savoir que seulement 15% de ses crédits bénéficient aux chômeurs de longue durée et aux bénéficiaires du RSA. Ce sont ces personnes qui ont pourtant le plus besoin de formation.
M. Daniel Chasseing. - Je partage les propositions de notre collègue René-Paul Savary. J'avais d'ailleurs déposé un amendement au PLFSS pour favoriser l'emploi en zone rurale. Comme la ministre du travail, je pense qu'il faut rendre obligatoires les formations pour les bénéficiaires des emplois aidés. Ne négligeons pas cependant le rôle social d'un retour à l'emploi pour les personnes qui ont été longtemps écartées du monde du travail.
Les régions doivent être mieux associées à la politique d'apprentissage et veiller à ce que les formations proposés correspondent aux besoins des entreprises.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Pouvez-vous rappeler les quartiers qui seront retenus dans le cadre de l'expérimentation des emplois francs ? Sur quels critères ont-ils été choisis ? Il aurait effectivement été judicieux d'étendre l'expérimentation aux territoires ruraux en difficulté. Pourquoi ne pas prévoir une évaluation de l'expérimentation avant le 31 décembre 2019, afin de ne pas réitérer les erreurs du contrat de génération ?
M. Philippe Mouiller. - La diminution à périmètre constant de 1,5 milliard des crédits de la mission interroge sur les choix politiques du Gouvernement. Je déposerai également un amendement pour relever les crédits des maisons de l'emploi. Les collectivités locales vont prendre le relais de l'État pour financer celles qui ont de bons résultats. L'État se désengage ainsi à bon compte de certains dispositifs. S'agissant des aides au poste pour les travailleurs handicapés, il semble que quelques millions d'euros manquent cette année, c'est pourquoi je présenterai là aussi un amendement en séance publique. Enfin, l'Afpa a-t-elle pu réaliser ses projets d'investissements, notamment ses travaux de rénovation des centres ?
Mme Nadine Grelet-Certenais. - La brutalité de la réforme des contrats aidés a suscité le désarroi de nombreux bénéficiaires et des structures qui y recouraient.
S'agissant des entreprises adaptées, je note qu'une dégressivité de l'aide est prévue par le Gouvernement, sans doute pour les inciter à diriger les bénéficiaires vers le milieu ordinaire. Or ces salariés rencontrent parfois de graves difficultés et ont besoin d'un accompagnement important. Je serai donc attentive à la mise en oeuvre de cette réforme.
J'attends avec intérêt le rapport de Jean-Marc Borello sur l'insertion par l'activité économique : les solutions innovantes devront respecter les règles européennes de concurrence et de transparence en matière de marchés publics.
Mme Catherine Fournier. - Les dotations pour le secteur de l'insertion par l'activité économique et les écoles de la deuxième chance sont heureusement préservées, et permettront à certaines personnes de retrouver une utilité sociale.
Les maisons de l'emploi sont légitimes si leurs missions sont complémentaires à celles de Pôle emploi et des missions locales.
Dès lors que les régions ont la compétence en matière de développement économique, elles doivent avoir celle du soutien aux entreprises, qui inclut la formation professionnelle et l'apprentissage. En Haut-de-France, nous avons constaté que l'apprentissage coûtait cher aux TPE et que les employeurs avaient beaucoup de difficulté à se séparer d'un apprenti qui ne correspondait pas à leurs attentes. C'est pourquoi la région s'est substituée à eux, à titre expérimental, pour rompre dans de bonnes conditions le contrat de l'apprenti. Cette expérimentation pourrait utilement être généralisée. En tout état de cause, le rôle des régions en matière d'apprentissage m'apparaît incontournable.
M. Jean-Marie Morisset. - Les maisons de l'emploi ont été l'occasion dans certains territoires de mieux coordonner les acteurs de la politique de l'emploi. Mais aujourd'hui, leur disparition est programmée, ce que je déplore. Les services du ministère du travail devraient venir dans nos territoires examiner l'efficacité des maisons de l'emploi...
Je partage l'appréciation du rapporteur sur la réforme des contrats aidés, j'ajouterai seulement qu'elle répond aussi à des considérations budgétaires, en permettant de faire des économies substantielles.
Mme Véronique Guillotin. - Je regrette que chaque nouveau gouvernement supprime les dispositifs mis en place par son prédécesseur au profit de nouveaux dispositifs. Les contrats aidés ne sont pas la panacée, mais ils sont très utiles pour certaines personnes éloignées du marché du travail, qui ne doivent pas être oubliées.
A l'instar du rapporteur, je souhaite que les régions, proches des préoccupations des entreprises, conservent leur rôle de pilotage en matière d'apprentissage. Leurs compétences en matière formation et de développement économique, via le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, sont complémentaires. Les régions ne doivent pas être cantonnées à la gestion du parc immobilier des lieux de formation, il faut au contraire leur donner plus de compétences, plus d'autonomie pour expérimenter.
Mon groupe va également déposer un amendement pour abonder les crédits des maisons de l'emploi, pour ne pas pénaliser les territoires les plus touchés par le chômage.
M. Jean Sol. - Je regrette la disparition brutale des contrats aidés dans la sphère marchande, car les bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand ne s'insèrent pas facilement dans le monde du travail à l'issue de leurs contrats, en raison du manque de formation qualifiante.
Je constate avec satisfaction la hausse de 30 millions des crédits de l'insertion par l'activité économique, mais elle sera insuffisante dans les départements connaissant un fort taux de chômage.
Je ne vois pas raison de limiter les emplois francs aux quartiers prioritaires de la politique de la ville : pourquoi ne pas les expérimenter partout et pour tous ?
Quelles sont les pistes envisagées pour résorber la dette de l'Unédic ?
M. Alain Milon, président. - La suppression de l'argent liquide au profit de l'utilisation exclusive des cartes bancaires comme moyen de paiement, déjà en vigueur en Suède, serait un moyen de lutter contre le développement de l'économie souterraine évoqué par notre collègue Michel Amiel.
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'apprentissage, je n'ai jamais pensé que son développement suffirait à résoudre tous les problèmes de la formation en France. Je souhaite en revanche que cette formation en alternance soit ouverte à tous les diplômes, sans condition d'âge.
À la suite de l'ouverture de la concertation sur la réforme de l'apprentissage, des rumeurs ont circulé sur le remplacement des régions par les branches professionnelles pour assurer le pilotage de cette politique de formation. Or toutes les branches ne fonctionnement pas correctement. À mes yeux, il incombe à la collectivité publique, dirigée par des élus du peuple, de piloter l'apprentissage, tout en donnant plus de poids aux branches pour élaborer les référentiels de formation, car l'on ne saurait revenir à la vision patronale de la formation du XIXème siècle.
Lorsque j'avais présenté mon rapport sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 novembre 2016 transformant l'Afpa en établissement public, j'avais souligné que ce changement de statut ne suffirait pas à assurer son développement pérenne. Une partie de ses salariés n'ont pas encore pris pleinement conscience des défis que doit relever l'Agence, confrontée à la concurrence des acteurs privés du marché de la formation. Au-delà de la question de l'investissement, c'est surtout la capacité pour l'Agence de rendre opérationnelles ses deux filiales de formation qui importe. La directrice générale que nous avons rencontrée, esseulée depuis la démission du président, devrait présenter en janvier prochain le nouveau modèle de développement de l'Afpa.
Si certaines maisons de l'emploi sont efficaces, d'autres peinent à trouver leur utilité et peuvent parfois entraver l'action de Pôle emploi. Les maisons de l'emploi sont un cas d'école : les parlementaires rechignent à réduire les subventions publiques versées à des opérateurs peu efficaces, surtout s'ils ont participé localement à leur création, alors même qu'ils veulent réduire la dette publique. Je considère qu'il incombe à Pôle emploi d'assurer la coordination entre les acteurs de la politique de l'emploi, sans interdire bien entendu des aménagements pour prendre en compte les spécificités locales. C'est cette arborescence qu'il nous faut défendre et éviter la dispersion des efforts et des crédits. Il faut donc examiner les performances des maisons de l'emploi au cas par cas à partir d'un cahier des charges, soutenir par des crédits de l'Etat celles qui sont efficaces, et autoriser les collectivités territoriales volontaires à leur verser des subventions.
Beaucoup de contrats aidés s'apparentent à une mise sous perfusion de leurs bénéficiaires. Je regrette que chaque nouveau Gouvernement souhaite créer un dispositif d'aide à l'emploi, sans évaluation préalable et sans démontrer son efficacité. Je partage néanmoins la volonté du Gouvernement de mettre la priorité sur le préventif -le renforcement de la formation continue-, plutôt que sur les mesures correctrices comme les contrats aidés, qui restent utiles dans certaines situations mais doivent être utilisés avec discernement.
La ministre du travail nous a indiqué hier que l'expérimentation des emplois francs devrait concerner certains quartiers prioritaires de la politique de la ville situés en région parisienne, à Lille et Marseille. Mais nous ne disposons pas de l'évaluation du nombre de bénéficiaires en CDD et en CDI. Le dispositif proposé ressemble à une nouvelle catégorie de contrats aidés spécifiques aux quartiers en difficulté. L'amendement ne condamne pas l'organisation de l'expérimentation, il permet au Gouvernement de faire une économie substantielle. Il reste libre d'étendre par voie réglementaire cette expérimentation aux zones rurales, mais comme j'ai des doutes sur l'efficacité même des emplois francs, je ne souhaite pas prendre l'initiative de les étendre aux zones rurales. Ce n'est pas notre commission qui est chargée de donner des avis sur les amendements portant sur le PLF, mais il pourrait être utile d'interroger en séance publique la ministre sur le champ d'application de l'expérimentation.
Concernant les entreprises adaptées, la ministre du travail a confirmé hier devant notre commission son ambition de clarifier leur financement par un amendement qui sera examiné lundi prochain en séance publique dans notre assemblée. Vous pourrez donc l'interroger sur les crédits dédiés aux travailleurs handicapés.
M. Alain Milon, président. - Nous passons maintenant à la présentation de l'amendement n° II-270 du rapporteur pour avis sur les emplois francs.
M. Michel Forissier. - L'amendement que je vous propose vise à diviser par deux les crédits de l'expérimentation des emplois francs, afin de les ramener à 90 millions en autorisations d'engagement et 5,8 millions en crédits de paiement.
Trois raisons justifient cet amendement. La première est le coût excessif du dispositif proposé par le Gouvernement : quasiment un demi-milliard d'euros en AE pour une expérimentation d'un an et demi. À titre de comparaison, l'expérimentation « zéro chômage de longue durée », qui durera cinq ans, coûtera seulement 18 millions d'euros en 2018.
La deuxième raison est que j'ai des doutes sérieux sur l'efficacité des emplois francs. Le Gouvernement, échaudé par l'échec de l'expérimentation en 2013 et 2014, a refusé de prévoir des critères d'âge ou de diplôme pour verser l'aide, et il n'a pas ciblé de secteurs d'activité prioritaires. En agissant ainsi, le risque est grand de faire apparaître des effets d'aubaine. Or je vous rappelle que c'est ce risque qui a justifié la suppression par le Gouvernement des emplois aidés dans le secteur marchand ! Il n'est pas raisonnable de dépenser un demi-milliard pour soutenir des embauches qui auraient eu lieu de toute façon dans la majorité des cas sans la création des emplois francs.
La troisième raison de cet amendement, c'est l'absence d'information sur des paramètres décisifs de l'expérimentation, comme le nombre prévisionnel d'embauches en CDI et en CDD. On a l'impression d'un dispositif conçu tardivement, dans la précipitation, qui ne permet pas au Parlement de se prononcer en toute connaissance de cause.
Au final, l'amendement que je vous propose ne supprime pas l'expérimentation, mais il vise à encadrer strictement l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée. Le Gouvernement restera en tout état de cause libre de fixer par voie réglementaires les paramètres de l'expérimentation (choix des quartiers, montant et durée de l'aide), tout en respectant l'enveloppe fixée par le Parlement. Nous souhaitons tous nous mobiliser pour défendre les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais dans le contexte budgétaire actuel, nous devons agir avec prudence et responsabilité quand il s'agit des deniers publics, sans créer de faux espoirs chez nos concitoyens.
M. René-Paul Savary. - Le coût de l'expérimentation évoqué dans l'amendement du rapporteur pour avis ne me semble pas cohérent avec celui de 64 millions d'euros mentionné dans l'amendement adopté à l'Assemblée nationale. En outre, dès lors que l'on accepte le principe des emplois francs, pourquoi ne pas d'emblée les étendre aux zones rurales ?
M. Michel Amiel. - À combien s'élèvera le coût de l'expérimentation des emplois francs si votre amendement est adopté ?
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. - Un amendement présenté par notre collègue Monique Iborra et plusieurs membres de la République en marche et instituant l'expérimentation des emplois francs pour un coût de 64 millions a effectivement été adopté en commission des affaires sociales. Mais il a ensuite été retiré en séance publique à la demande du Gouvernement, dont deux amendements sur ce sujet ont été adoptés. C'est pour cette raison que je disais que ce dispositif avait été préparé dans la précipitation. Je vous rappelle que le Gouvernement devra remettre en septembre 2019 un rapport au Parlement sur le bilan de l'expérimentation avant son éventuelle généralisation.
La commission adopte l'amendement n° II-270.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement portant sur les emplois francs, et un avis favorable sur le compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » du projet de loi de finances pour 2018.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Compte d'affectation spéciale « pensions » - Examen du rapport pour avis
M. Alain Milon, président. - La parole est à René-Paul Savary, rapporteur pour avis pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
M. René-Paul Savary. - Nous en venons, avec ce rapport sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » à l'examen des crédits du budget de l'État finançant une partie des dépenses de l'assurance vieillesse. Je remercie notre Président qui a proposé cette année d'élargir le périmètre de cet avis budgétaire au Cas « Pensions » alors que nous n'examinions les années passées que les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Cela nous permet désormais de disposer d'une vision plus consolidée des dépenses des régimes de base de l'assurance vieillesse.
Vous avez, mes chers collègues, à votre disposition un schéma, qui figurera dans le rapport écrit, représentant la complexité de notre système de retraite face à la diversité des statuts des cotisants. Vous le notez, les travailleurs indépendants relèvent jusqu'à sa suppression définitive en 2020 du RSI pour la retraite de base mais aussi du régime complémentaire des indépendants. Les professionnels libéraux relèvent pour la base et leur complémentaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CnavPL). Les exploitants agricoles relèvent de la MSA pour leur retraite de base et d'un régime complémentaire obligatoire spécifique (RCO) financé en partie par la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Les salariés agricoles sont affiliés également à la MSA pour leur régime de base et aux régimes de retraite complémentaire des salariés du privé Agirc-Arrco. Les salariés du privé relèvent de la Cnav pour leur retraite de base et également de l'Agirc-Arrco. Si les contractuels de la fonction publique cotisent également à la Cnav pour leur retraite de base, ils sont affiliés à l'Ircantec pour leur retraite complémentaire.
S'agissant des fonctionnaires titulaires des trois fonctions publiques, des ouvriers de l'État ou des salariés d'entreprises ou d'institutions publiques relevant de régimes spéciaux, ils sont assurés à des régimes dits « complets » c'est-à-dire qui ne distinguent pas la base de la part complémentaire et versent une pension unique. Les fonctionnaires civils et militaires de l'État relèvent du service des retraites de l'État dont les dépenses sont retracées dans le Cas « Pensions » comme le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État. Les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont assurés auprès de la CNRACL. Il existe enfin plus d'une quinzaine de régimes spéciaux dont l'équilibre financier est assuré par une subvention d'équilibre. La mission « Régimes sociaux et de retraite » concerne les subventions du budget de l'État versées à onze régimes spéciaux, dont la plupart sont en voie d'extinction.
Prendre en compte la complexité du système des retraites me paraît essentiel à la veille du projet de réforme systémique annoncé qui pourrait conduire à interroger l'architecture de ce système.
Chaque année, lors de l'examen du PLFSS, nous votons les objectifs de dépenses des seuls régimes de base de l'assurance vieillesse, qui correspondent d'une part, aux régimes de base des travailleurs du secteur privé et d'autre part, aux régimes de retraite « complets » de la fonction publique et des autres régimes spéciaux. En 2018, elles s'élèveront à 236,4 milliards d'euros dont 232,3 milliards de prestations.
La différence correspond aux frais de gestion nécessaires à la liquidation de ces prestations. On estime que ces frais de gestion atteignent un montant total de 5 à 6 milliards d'euros pour l'ensemble des 310 milliards de prestations de base et complémentaires versées par la branche vieillesse de la sécurité sociale.
Les objectifs de dépenses de la branche vieillesse dans le PLFSS ne prennent donc pas en compte les dépenses des régimes complémentaires, qui représentent tout de même plus de 85 milliards d'euros. Je souscris à ce titre à l'idée, évoquée la semaine dernière par notre Président lors de la CMP sur le PLFSS, d'élargir le champ des LFSS à ces dépenses ainsi qu'à celles des hôpitaux et de l'assurance chômage au sein d'un texte de financement consolidé de la protection sociale. Ce n'est pourtant pas la piste qui a été évoquée devant notre assemblée par le ministre des comptes publics.
Parmi les dépenses des régimes de base, les régimes de la fonction publique pèsent pour 80 milliards d'euros. Le CAS « Pensions » retrace les dépenses de retraite des fonctionnaires de l'État uniquement (58,4 milliards en 2018). Les dépenses de la CNRACL (22 milliards) pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers font partie des dépenses des régimes de base au même titre que la MSA par exemple. Les contractuels de la fonction publique, comme les élus locaux, relèvent du régime général pour la retraite de base et de l'Ircantec pour la retraite complémentaire.
S'agissant des régimes spéciaux, la mission « Régimes sociaux et de retraite » concerne 11 régimes spéciaux parmi lesquels quatre sont significatifs : le régime de la SNCF, le régime des mines, le régime des marins et celui de la RATP. Ils représentent environ 9 milliards d'euros de prestations sur les 15 milliards d'euros de dépenses de l'ensemble des régimes spéciaux.
Vous le constatez donc, les régimes de retraite couverts par le CAS « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » concernent une part significative des dépenses des régimes de base. L'intervention de l'État dans ces deux missions budgétaires relève de deux logiques différentes : une contribution d'équilibre en tant qu'employeur dans le cadre du CAS « Pensions » ; une subvention d'équilibre pour les régimes spéciaux couverts par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Le CAS« Pensions » regroupe trois programmes :
- le programme 741, qui retrace les dépenses des pensions de retraite ainsi que des allocations temporaires d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Il présente pour 2018 un montant de 54,7 milliards d'euros de crédits soit près de 95 % des dépenses du CAS. Ces dépenses sont financées en 2018 à hauteur de 6,8 milliards d'euros par les cotisations salariales des fonctionnaires, dont les taux convergent avec ceux des salariés du privé depuis la réforme des retraites de 2010.
Le montant de la contribution d'équilibre employeur de l'État et des cotisations patronales des autres employeurs (établissements publics, Orange, La Poste...) s'élève pour sa part à près de 47 milliards d'euros. La création de la contribution employeur en 2003 a constitué un progrès de transparence sur les conditions de partage de l'effort contributif entre les employeurs publics et leurs agents qui demeure toutefois insuffisant. Dans le cas du régime de retraite des fonctionnaires de l'État, cette contribution employeur couvre à la fois la part employeur de la cotisation retraite des fonctionnaires mais elle permet également d'équilibrer le régime en compensant son déséquilibre démographique1(*) et en finançant les prestations de retraite non couvertes par le seul effort contributif.
C'est ce qui explique que les taux de cette contribution au sein du régime de retraite de l'État demeurent très éloignés des taux employeurs (base et complémentaire) dans le privé, assis sur la masse salariale : 74,3 % pour les fonctionnaires civils et 126 % pour les militaires contre 16,3 % pour les employeurs privés.
La contribution d'équilibre employeur joue donc bien le rôle de subvention du régime de retraite des fonctionnaires de l'État mais dans une proportion qu'il est aujourd'hui impossible de mesurer, j'y reviendrai ;
- le programme 742, concerne le Fonds spécial des ouvriers des établissements de l'État (FSPOEIE) créé en 1928 qui verse un montant de 1,9 milliards d'euros de prestations en 2018 (soit 2,5 % des dépenses du CAS).
La contribution employeur de l'État pour ce programme, assise sur la masse salariale au taux de 34,6 %, n'atteint qu'un montant de 282 millions en 2018 nécessitant une subvention d'équilibre ad hoc de 1,4 milliard ;
- enfin, le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Ces dépenses, par nature exclusivement financées par la solidarité nationale, atteignent en 2018 un montant de 1,9 milliard.
De son côté, la mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre que l'État verse aux 11 régimes spéciaux concernés ainsi qu'au régime complémentaire des exploitants agricoles. Le montant des crédits de cette mission atteint 6,33 milliards en 2018 soit une hausse de 1,3 % par rapport à 2017, après quatre années consécutives de baisse. Elle résulte de la progression des dépenses dans les régimes de la SNCF et de la RATP.
Trois programmes composent la mission :
- le programme 198, relatif aux régimes sociaux et de retraite des transports, affiche une dépense de 4,1 milliards d'euros. Il comprend les subventions versées aux régimes de la SNCF (3,3 milliards, + 0,9 % par rapport à 2017) et de la RATP (700 millions, + 4,22 %) ainsi qu'à un ensemble de petits régimes en voie d'extinction comme les régimes des chemins de fer secondaires pour un montant cumulé de 127 millions (- 10 %) ;
- le programme 197 concerne le régime de retraite et de sécurité sociale des marins qui comprend la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) pour un montant de 824 millions en 2018 (en recul de 0,45 % par rapport à 2017) ;
- enfin le programme 195, relatif aux régimes de retraite des mines, de la Seita et divers réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradés pour un montant de 1,4 milliard (- 3 %). La principale dépense concerne le versement, au fonds spécial de retraite de la caisse des mineurs d'une subvention d'équilibre de 1,2 milliard.
Depuis 2017, ce programme budgétaire retrace également la subvention versée par l'État au régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles (RCO) pour un montant de 55 millions. À cette subvention, accordée à l'automne 2016, s'ajoute désormais l'affectation au RCO du produit de la taxe sur les farines, que notre commission souhaitait supprimer dans le PLFSS. Ces mesures de soutien au RCO ont eu pour contrepartie une augmentation de la cotisation des exploitants agricoles.
Je m'étonne au passage de l'imputation comptable qui a été choisie l'an dernier pour la subvention de l'État au RCO tant l'objet de ce programme budgétaire concerne non seulement des régimes de base mais qui plus est des régimes « fermés ».
La grande diversité des régimes couverts par ces deux seules missions budgétaires laisse entrevoir l'immense difficulté que la réforme des retraites annoncée aura à faire converger l'ensemble des régimes de retraite vers des règles identiques. Le principal enjeu de la réforme sera prioritairement d'améliorer la transparence du système de retraite qui alimente actuellement le sentiment de manque d'équité entre les Français face à la retraite.
Il demeure encore des différences comme en atteste l'entrée en vigueur, seulement depuis le 1er janvier 2017, de la réforme de 2010 portant sur le report de l'âge minimum légal dans les régimes de la RATP et de la SNCF. Il s'agit là pourtant d'une exception, qui justifie que notre commission assortisse de réserves son vote des crédits de la mission « Régimes sociaux » depuis plusieurs années. Je vous invite d'ailleurs à renouveler ces réserves dans l'avis que nous rendrons.
Le comité de suivi des retraites a montré combien en matière d'âge de départ à la retraite et de taux de remplacement, les écarts entre les régimes du privé et du public n'étaient pas significatifs.
Un point demeure toutefois obscur : la forte diversité des règles empêche aujourd'hui de comparer les efforts contributifs entre les régimes pour atteindre un même taux de remplacement. C'est tout l'enjeu du calcul nécessaire du taux de rendement pour chaque régime de retraite c'est-à-dire du rapport entre le montant total des cotisations salariales versées et le montant de la pension servie à la retraite. Cet indicateur sera au coeur de la réforme à venir.
En effet, si un « un euro cotisé » doit rapporter la même chose quel que soit le statut du cotisant ou le régime dans lequel il l'a versé, cela signifie qu'il ne peut subsister de différence dans le niveau de la participation employeur sauf à reconnaître des spécificités selon les métiers ou les fonctions. Ce sera nécessairement le cas pour les militaires par exemple. Mais quid des autres catégories de fonctionnaires ?
La logique de la réforme proposée par le Président de la République nécessitera de rendre transparent le coût de l'ensemble des dispositifs de solidarité, c'est-à-dire de tout ce qui ne relève pas de la seule logique contributive pour laquelle les assiettes et les taux de cotisation, salarial comme employeur, se devront d'être harmonisés.
La réforme impliquera donc en réalité de réinterroger tout notre système de retraite : quels dispositifs de solidarité souhaitons-nous conserver parmi les droits familiaux à la retraite, les pensions de réversion, le minimum vieillesse, la prise en charge des périodes d'inactivité ? Et si on les conserve, comment les valorise-t-on en termes de points ou d'euros alimentant les futurs comptes notionnels ? C'est le défi qui nous attend en tant que législateur au cours de l'année 2018 : appréhender la complexité actuelle du système de retraite et décider ce qu'il convient de conserver ou de faire évoluer.
En attendant, je vous propose de donner un avis favorable sur les crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite », assorti des réserves évoquées.
M. Dominique Watrin. - Mon propos se concentrera sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » dont l'objet est tout de même, je le rappelle, de pallier le déséquilibre démographique important de certains régimes spéciaux dont un nombre significatif est en voie d'extinction. Je note que les crédits de la mission sont stables entre 2017 et 2018 et que ces régimes ont réalisés d'importants efforts d'économie de gestion de l'ordre de - 15 % en 4 ans. D'un point de vue général, je suis inquiet quant à la philosophie qui sous-tend à la fois le propos de notre rapporteur et le projet de réforme systémique évoqué par le Président de la République. Dans une interview donnée à la presse à la fin de l'été, ce dernier a annoncé une sorte de « deal » aux cheminots consistant à supprimer leur régime spécial de retraite en échange de la reprise par l'État de la dette ferroviaire. Il est pourtant clair que la dette de la SNCF s'explique par les investissements du groupe, dans le TGV par exemple, et ne doit donc pas être supportée par les salariés ! Quelle que soit l'évolution future du système de retraite, je rappelle que le déséquilibre du régime des cheminots est d'abord et avant tout du à la baisse de leur nombre : ils étaient 1,5 million en 1945 contre 150 000 aujourd'hui.
Je suis également en désaccord avec le propos du rapporteur qui consiste à analyser les crédits de cette mission dans le cadre de la future réforme. Cette dernière est porteuse d'un changement fondamental dans notre système de solidarité en faisant passer le système de retraite actuel d'un système à prestations définies, à un système à cotisations définies. C'est une idée ancienne portée par le Medef notamment qui refuse de voir augmenter les cotisations d'assurance vieillesse. Mais pour les salariés, le changement sera considérable : les pensions pourront devenir la variable d'ajustement du financement de la sécurité sociale. Notre groupe s'y opposera et votera également contre le rapport qui vient de nous être présenté.
M. Olivier Henno. - Je reviens sur le bilan des réformes successives des retraites en particulier celles qui ont eu pour conséquence de reporter l'âge de départ à la retraite. Malgré ces réformes qui ont décalé de seulement 24 mois l'âge moyen de départ à la retraite, je constate que la France est encore l'un des pays où cet âge moyen est le plus faible. Il serait inférieur en moyenne de deux ans par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Il n'est pas rare de voir encore dans les entreprises certains salariés partir à 58 ou 59 ans à la retraite. Je crains donc que la réalité soit éloignée des chiffres qui ont été évoqués sur les âges de départs à la retraite.
M. René-Paul Savary. - Il est clair que nous ne partageons pas la même philosophie sur les retraites avec notre collègue Dominique Watrin. La réforme entend effectivement mettre en place un régime universel de retraite, ce qui ne signifie pas un régime unique. Mais comment accepter que la réforme décidée en 2010 de reporter l'âge minimum légal de départ à la retraite commence simplement à s'appliquer dans les régimes de la SNCF et de la RATP alors même qu'ils bénéficient de conditions de départ beaucoup plus avantageuses ? D'autre part, l'analyse des équilibres financiers des régimes de retraite des fonctionnaires fait apparaître des écarts importants entre les contributions employeurs des collectivités publiques et les taux de cotisations patronales de l'assurance vieillesse de base et complémentaire. C'est un fait marquant qui doit nous interpeller. J'ignore encore quel sera le degré d'universalité du système après la réforme mais il me parait souhaitable et logique que les régimes spéciaux s'adaptent.
M. Jean-Louis Tourenne. - Je souhaiterais avoir des explications sur la différence entre les taux de contribution employeurs dans le public et les taux de cotisation patronales dans le secteur privé.
M. René-Paul Savary. - Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, la contribution employeur pour les fonctionnaires de l'État intègre à la fois la part patronale de l'État-employeur et aussi une dimension de compensation démographique. Le régime de retraite des fonctionnaires affiche un ratio démographique inférieur à 1, c'est-à-dire beaucoup plus dégradé que celui du régime général qui s'élève à 1,3.
Un dernier mot pour répondre à notre collègue Olivier Henno. L'âge moyen de départ à la retraite, y compris dans la fonction publique civile sédentaire, est environ de 61,9 ans. Cet âge a été repoussé de plus de deux ans grâce à la réforme de 2010.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » du projet de loi de finances pour 2018, assorti toutefois d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis. - J'ai le plaisir et l'honneur de vous présenter, pour la première fois cette année, mes observations sur le budget alloué aux outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2018.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire, à titre liminaire, ma satisfaction de voir la situation économique, sociale et humaine des outre-mer devenir peu à peu plus présente dans le débat public. Notre commission elle-même a d'ailleurs eu l'occasion de se mobiliser sur le sujet au cours des deux dernières sessions parlementaires, en conduisant une mission d'information sur la santé des populations de l'Océan Indien mais également en se saisissant pour avis de la loi sur l'égalité réelle outre-mer (loi Erom). Quoi que l'on puisse penser de la portée concrète de ce texte, l'attention portée aux réalités de ces territoires ne pourra que contribuer à changer les choses. Alors que cette année parlementaire sera jalonnée d'étapes importantes (adoption de la stratégie nationale de santé et de sa déclinaison ultramarine en décembre, tenue des Assises de l'outre-mer au printemps prochain), je fais en tout état de cause le voeu que notre commission ne relâche pas ses efforts sur cette question.
Car les défis restent immenses ; nous avons tous pu nous en rendre compte à l'occasion des tristes événements qui ont secoué cette année la Guyane, avec le mouvement social de mars dernier, et les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, touchées par le passage de l'ouragan Irma. Je ne citerai, à titre d'illustration, que quelques chiffres qui me paraissent rendre compte de manière particulièrement parlante de la situation difficile, parfois même critique, des outre-mer sur l'ensemble des sujets qui intéressent notre commission.
Sur le plan sanitaire tout d'abord, les derniers chiffres communiqués sur la mortalité infantile continuent de susciter l'inquiétude : alors qu'elle n'est que de 3,5 pour mille naissances en France hexagonale, elle atteint 6,6 %o à La Réunion, 8,3 %o en Guadeloupe, et jusqu'à 8,8 %o en Guyane. La situation sanitaire est particulièrement critique à Mayotte, où le centre hospitalier exsangue doit faire face à un afflux constant de patients en provenance des Comores, dans le cadre d'un système de santé non payant.
Sur le front de l'emploi, les taux de chômage se maintiennent à des niveaux très élevés ; les outre-mer cumulent sur ce point le triste record du département et du territoire les plus touchés par le chômage, avec 27 % à Mayotte en 2016 et 33 % à Saint-Martin en 2013. Le chômage des jeunes, en particulier, culmine à des niveaux insoutenables, avec près de 45 à 50 % de jeunes concernés dans la plupart des outre-mer - soit la moitié d'une génération. Cette situation s'explique en large partie par la petitesse du marché de l'emploi ultramarin, du fait de l'exiguïté de ces territoires. Par ailleurs, alors que le PIB par habitant était en moyenne de 32 307 euros sur l'ensemble du territoire français en 2014, il n'était que de 8 103 euros en Guadeloupe, et de 1 936 euros à Mayotte.
Sur le logement enfin, la situation demeure très préoccupante s'agissant de l'habitat insalubre et indigne, avec plus de 150 000 personnes (officiellement) concernées. Les besoins restent par ailleurs immenses en matière de logement social, alors que 80 % de la population ultramarine y est éligible. Selon la DGOM, il serait ainsi nécessaire, pour répondre aux besoins, de disposer d'ici à 2030 de 50 000 logements supplémentaires en Guadeloupe, dont au moins 25 000 logements sociaux.
Il faut ajouter à ces difficultés structurelles la particulière instabilité de la législation applicable en outre-mer, s'agissant notamment des politiques de soutien aux entreprises, ainsi que les inquiétudes liées à l'application effective des engagements pris par les gouvernements successifs qui, trop souvent, se révèlent être de simples effets d'annonce. Dans ce contexte, on ne peut que comprendre que certains des interlocuteurs que j'ai rencontrés aient qualifié les territoires d'outre-mer de véritables « poudrières ».
Pour autant, je souhaite insister sur la nécessité de changer de regard sur nos territoires ultramarins. A bien des égards, ceux-ci pourraient en effet constituer un formidable terreau d'expérimentation pour les défis que rencontreront demain d'autres territoires français : l'exiguïté et l'éloignement de ces territoires leur impose en effet l'obligation d'innover. Et bien souvent, ce qui nous est présenté comme des « spécificités » ultramarines n'est en réalité qu'une version plus concentrée, si je puis dire, des réalités traversées par d'autres territoires ou départements français. Lorsque nous parlons, en France métropolitaine, des problèmes rencontrés dans les banlieues, je ne peux m'empêcher de penser au territoire réunionnais qui, par certains aspects, a toutes les caractéristiques d'une grande banlieue.
La Guadeloupe et la Martinique, dont la population vieillit très rapidement dans un contexte de délitement progressif des solidarités familiales, pourraient ainsi être envisagées comme le laboratoire de la prise en charge des personnes âgées, défi auquel la majorité des départements français feront également face demain. D'une façon plus générale, en matière sanitaire, la nécessité de compenser l'éloignement pourrait être à l'origine de grandes avancées en matière de télémédecine ou de développement des coopérations interprofessionnelles.
Ces précisions contextuelles étant faites, j'en viens à la présentation proprement dite des crédits consacrés à la mission.
J'observe tout d'abord avec satisfaction que cette mission fait partie de celles que l'on peut considérer comme préservées dans le cadre contraint des finances publiques. Ses crédits sont en effet stabilisés au-dessus de 2 milliards d'euros, ce qui, en ce début de quinquennat, me paraît constituer une mesure au moins symboliquement positive. À périmètre constant, le budget de la mission serait même en légère hausse par rapport à 2017 (+ 3,7 %).
La mission prendra cependant sa part de l'effort de redressement des comptes publics : le triennal 2018-2020 prévoit une baisse de crédits de l'ordre de 2 % en volume sur les trois prochaines années. Il me paraît toutefois difficile de s'engager définitivement sur une telle évolution, avant même de disposer des éléments de constats et de propositions auxquels les Assises de l'outre-mer ne manqueront pas d'aboutir. À cet égard, il me semble que le présent budget ne pourra constituer qu'un budget de transition.
Ces constats d'ordre général doivent être nuancés sous deux aspects.
Je rappelle, en premier lieu, que la mission « Outre-mer » est bien loin de retracer l'ensemble des crédits consacrés aux territoires ultramarins. Ceux-ci bénéficient en effet par ailleurs de crédits transversaux portés par 88 programmes relevant de 29 missions. La majeure partie des crédits concourant à l'action sanitaire et sociale de l'État dans les outre-mer est ainsi portée par d'autres missions que celle que nous examinons aujourd'hui.
Au total, si l'on prend en compte à la fois les crédits retracés par la présente mission, ces crédits transversaux ainsi que les dépenses fiscales spécifiques aux territoires ultramarins, l'effort total de l'État en outre-mer atteindra 21,2 milliards en 2018 - soit plus de dix fois les montants sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui. Comme mes prédécesseurs, je ne peux que souligner que cette architecture budgétaire rend particulièrement malaisée l'évaluation et le contrôle, dans le cadre du débat parlementaire, des moyens dévolus à l'outre-mer.
Cette même architecture explique d'ailleurs la quasi-absence de traduction financière, dans le cadre de cette mission, des engagements récemment pris par le Gouvernement à Mayotte et en Guyane, ce qui a légitimement pu susciter une certaine confusion auprès des acteurs que j'ai auditionnés.
À cela s'ajoute un réel problème de lisibilité des réformes ayant un effet majeur sur les crédits de la mission - je pense notamment aux mesures successives d'ajustement des exonérations de cotisations sociales. Celles-ci sont en effet faites, selon les années, ou bien dans le cadre du PLF, ou bien dans celui du PLFSS, c'est-à-dire de manière non concomitante à l'examen de cette mission. Elles peuvent en outre intervenir dans le périmètre de dispositifs non spécifiques aux outre-mer, comme le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui prévoit des taux majorés pour les entreprises ultramarines. Enfin, les gouvernements successifs semblent hésiter entre la formule de l'exonération fiscale ou sociale et celle du crédit d'impôt, ce qui n'est bien entendu pas sans effet sur les entreprises. Si je comprends que ces choix peuvent être justifiés, je note qu'ils rendent particulièrement complexe le suivi des mesures touchant aux outre-mer.
Dans le budget qui fait l'objet de nos travaux de ce jour, trois sujets entrent plus particulièrement dans le champ de compétence de notre commission.
Plus de la moitié des dépenses de la mission (soit 1,08 milliard d'euros) est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthelémy. Cette politique d'exonération vise à la fois à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, par une compensation des difficultés structurelles notamment liées à leur position géographique, et à encourager la création d'emplois par la réduction du coût du travail.
Elle a fait l'objet de mesures de rationalisation successives au cours des dernières années, visant notamment à recentrer ces exonérations sur les bas salaires. Les crédits associés atteignent en conséquence un niveau historiquement bas, en baisse de 36 % en 2018 par rapport à l'année 2014.
Cette trajectoire descendante des crédits associés au principal dispositif de soutien à l'emploi ultramarin suscite légitimement l'inquiétude des acteurs économiques, qui plus est dans le contexte de la transformation du CICE et du « réexamen » programmé des exonérations sociales ultramarines à l'automne prochain - à quoi s'ajoute en outre le reflux des contrats aidés, qui concerne également les outre-mer. Nous devrons nous montrer particulièrement attentifs, lors de l'examen des prochains budgets de l'État et de la sécurité sociale, à ce que le dispositif qui sera mis en place soit fondé sur une véritable évaluation de la situation actuelle, et assure une réduction du coût du travail au moins équivalente à celle existant aujourd'hui.
S'agissant du service militaire adapté (SMA), l'objectif de 6 000 volontaires annuels, prévu de longue date et repoussé à plusieurs reprises, a été atteint en 2017. Les crédits associés seront en conséquence stabilisés ; il s'agit là encore d'un budget de transition dans l'attente d'un nouveau plan « SMA 2025 ».
Je vous rappelle que le SMA est un organisme de formation offrant aux jeunes ultramarins âgés de 18 à 26 ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire ou en grande difficulté, la possibilité de bénéficier d'une formation comportant à la fois un volet professionnel et de remise à niveau scolaire, et une dimension citoyenne et comportementale. Je souligne qu'il s'agit là de l'un des rares dispositifs ultramarins ayant inspiré une politique hexagonale, avec la mise en place de l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV). Cela montre que les outre-mer peuvent bel et bien constituer un laboratoire pour les politiques hexagonales, à la condition que l'on s'en donne les moyens.
S'agissant enfin du domaine sanitaire et social, les budgets prévus dans le cadre de la présente mission sont limités. En réalité, la plupart des dispositifs sanitaires sont financés ou dans le cadre de la sécurité sociale ou au travers de financements versés aux collectivités territoriales pour l'exercice de leurs compétences. L'article 17 du présent projet de loi prévoit ainsi un financement de la PMI de Mayotte à hauteur de 106 millions d'euros sur trois ans.
La présente mission comprend tout d'abord, outre 2,5 millions d'euros pour le financement d'allocations aux personnes âgées et aux personnes handicapées à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, 12 millions d'euros destinés au financement du régime de solidarité territorial de Polynésie française. Je vous rappelle que le régime de solidarité territoriale (RST) polynésien, initialement conçu comme un régime résiduel de la protection sociale généralisée (PSG) en vigueur dans cette collectivité, connaît de graves difficultés financières en raison de la croissance rapide du nombre de ses bénéficiaires. Plusieurs mesures de redressement des comptes sociaux sont en conséquence en cours à partir des préconisations d'une mission d'inspection de l'État français de 2014.
La mission prévoit par ailleurs 3,9 millions destinés au financement d'actions diverses « dans le domaine sanitaire et social ». Cette ligne budgétaire, certes modeste, me paraît cependant essentielle. Elle permet en effet d'apporter des financements complémentaires indispensables à la fois aux acteurs associatifs participant à des actions de prévention, dont on sait combien elles sont cruciales pour nos outre-mer, et aux divers acteurs contribuant aux actions de protection de l'enfance et de la jeunesse. Je relève avec satisfaction que son montant est en nette augmentation par rapport aux années précédentes.
Je terminerai sur ce point en soulignant que les conditions du suivi des femmes enceintes et des jeunes enfants me paraissent particulièrement préoccupantes en Guyane et à Mayotte. En Guyane, le fort pourcentage de femmes d'origine étrangère (61 %), ne bénéficiant bien souvent d'aucun suivi, explique que les 23 PMI du territoire doivent étroitement coopérer et mutualiser leurs ressources avec les centres départementaux de prévention et de santé (CDPS), les hôpitaux et la Croix-Rouge - notamment pour assurer les vaccinations. À Mayotte, où il existe aujourd'hui 21 centres de PMI, la progression extrêmement rapide du nombre de naissances (6 640 en 2013 et 9 800 en 2017) nécessite un renforcement considérable des moyens, passant notamment par la construction urgente de 10 nouvelles structures.
Tels sont, Monsieur le Président, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au sujet de la mission « Outre-mer ». Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits correspondants. Je vous remercie.
M. Michel Amiel. - Je suis frappé par vos observations sur la lisibilité des budgets alloués aux outre-mer. Vous semblerait-il pertinent de prévoir un budget annexe spécifique à chacun des territoires ultramarins ?
Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis. - Toutes les pistes me semblent ouvertes ; et la création d'un budget annexe ultramarin pour chacune des politiques publiques conduites au niveau national pourrait en effet être un sujet à évoquer lors des Assises de l'outre-mer.
Si nous voulons faire changer les choses dans la durée, deux choses me semblent indispensables à retenir : il n'est pas possible de penser une politique ultramarine unique dans la mesure où les outre-mer sont tous très différents ; nous devons par ailleurs, de part et d'autre, dépasser le discours victimaire et paternaliste.
Mme Victoire Jasmin. - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport dont je partage les grandes orientations. Je regrette cependant qu'il nous faille attendre les Assises de l'outre-mer pour engager un nouveau cycle de réformes, alors que les constats des États généraux de l'outre-mer restent d'actualité.
Il me semble par ailleurs nécessaire de prendre davantage en compte la question de l'immigration dans les territoires ultramarins, qui entraîne des dépenses considérables, notamment dans le champ sanitaire - vous avez à juste titre évoqué la situation mahoraise, mais des difficultés semblables peuvent être rencontrées sur plusieurs territoires.
Je souligne enfin que les problèmes de logement dans les territoires ultramarins sont étroitement liés aux problèmes du foncier qui avaient d'ailleurs été largement mis en évidence dans le cadre des États généraux.
Mme Florence Lassarade. - Je m'étonne de certains des taux de mortalité périnatale relevés dans les outre-mer. Il me semblait que certains de ces territoires, et notamment la Martinique, présentaient un niveau d'équipement sanitaire satisfaisant. Je m'interroge par ailleurs sur la couverture vaccinale de ces territoires. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Mme Victoire Jasmin. - L'immigration massive constatée en certains territoires contribue à y faire mécaniquement baisser le taux de vaccination.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je partage les réserves de Mme Jasmin sur les prochaines Assises de l'outre-mer : on peut se demander s'il ne s'agit pas là d'un moyen de gagner du temps, notamment pour le ministère du budget.
Sur la question du logement, l'incitation à la construction de logements sociaux passe essentiellement par l'outil de la défiscalisation ; celui-ci bénéficie largement aux investisseurs privés qui peuvent ainsi s'enrichir. Dans le cadre de mes travaux sur le sujet au sein de la commission des affaires économiques, j'avais formulé une contre-proposition qui consisterait à privilégier l'outil du prêt à taux zéro. Cette solution me paraîtrait tout à fait adaptée aux territoires ultramarins. Je me pose également la question de la pertinence des mécanismes d'accession très sociale, dans la mesure où la plupart des territoires ultramarins n'ont pas de tradition locative forte. On pourrait envisager la mise en place de systèmes d'acquisition différée, en adossant le montant des remboursements à l'évolution positive ou négative des revenus. Pourquoi ne pas expérimenter ces deux mécanismes en outre-mer, notamment en Guyane, ou encore à l'occasion de la reconstruction de Saint-Martin ?
M. Dominique Watrin. - Ce budget suscite de fortes inquiétudes chez les acteurs ultramarins qui pointent notamment l'insuffisance des moyens dédiés au logement et à l'éducation ou encore la chute des crédits de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom). Cette mission me paraît être sans audace et sans ambition au regard des besoins constatés. Nous déplorons également le faible abondement du fonds d'urgence pour les outre-mer, alors même que les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin viennent d'être dévastées. Nous ne pourrons donc vous suivre sur votre avis favorable.
Mme Viviane Malet. - Je rejoins les inquiétudes exprimées quant à la baisse des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) qui permet de financer la politique en faveur du logement ultramarin. Les autorisations d'engagement seront en effet en baisse de 20 millions d'euros en 2018, ce qui représente une diminution de crédits de l'ordre de 10 %. Je me demande comment nous pourrons, dans ces conditions, répondre aux besoins au cours des prochaines années - notamment en ce qui concerne la rénovation.
Sur l'accession à la propriété, nous avons pu observer que les logements très sociaux (LTS) communaux de l'ère Debré ont été très peu payés, de sorte que les acquérants ne sont aujourd'hui toujours pas propriétaires. En tout état de cause, la région s'efforce, en collaboration avec le département et certaines communes, de mener une politique de logement associant des actions de rénovation, de construction et d'accession à la propriété.
Je souligne que 30 000 familles réunionnaises sont en attente de logement et que tout recul de la politique menée en ce domaine entraîne nécessairement des effets sur le secteur du BTP.
Mme Jocelyne Guidez. - Je m'interroge sur les équilibres démographiques dans les outre-mer. La Martinique perd 12 000 habitants chaque année. Comment rendre ces territoires plus attractifs pour les jeunes générations ?
Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis. - Je partage la position exprimée quant à la tenue des Assises de l'outre-mer : alors que nous disposons déjà de nombreux éléments de constats et de propositions, nous pouvons sous interroger sur le caractère dilatoire de cette décision.
Je rejoins également les inquiétudes formulées quant à la situation de l'immigration massive sur certains territoires, où elle pose à la fois des questions de financement et de moyens, de santé publique, voire de cohésion sociale.
Les chiffres élevés de la mortalité périnatale sont à mettre en relation avec la prévalence des grossesses précoces, la question du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF), le problème de l'absence de suivi de trop nombreuses femmes. Nous avons encore un énorme travail de pédagogie à conduire en la matière.
Sur le logement, on nous dit chaque année, lorsque nous pointons la baisse des crédits associés, qu'elle n'est que la conséquence logique de la sous-consommation des crédits alloués l'année précédente. En réalité, ces crédits sont largement inutilisables et pensés pour l'être. Une remise à plat de la politique du logement est nécessaire, qui devra passer par une évaluation préalable des moyens existants : en concentrant les moyens sur la défiscalisation, qui n'est pas un outil pertinent en faveur du logement, on n'a abouti qu'à faire grimper les prix du foncier.
Sur la question de l'emploi et des contrats aidés, je crois que nous devrons un jour ou l'autre nous poser la question des surrémunérations dans les outre-mer. Peut-être, un jour prochain, les collectivités ultramarines pourront-elles payer leurs agents à un niveau de rémunération plus proche de celui constaté dans l'hexagone.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2018.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis
M. Alain Milon, président. - Je me substitue ce matin à Bruno Gilles, dont l'état de santé l'empêche d'être parmi nous, pour vous présenter son rapport. Les propos que je vais tenir sont donc les siens.
Le premier budget d'un nouveau gouvernement en dit long sur sa méthode de travail, ses ambitions et l'intérêt qu'il porte aux politiques publiques concernées. S'agissant de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », force est de constater un dialogue très ouvert avec le Parlement, mais peu de mesures concrètes et d'engagements pour satisfaire les revendications légitimes du monde combattant.
Les constats traditionnels sur ce budget restent d'actualité, quel que soit le parti au pouvoir : le recul démographique des anciens combattants, dont la majorité est issue de la guerre d'Algérie, entraîne de façon quasi mécanique une diminution des crédits alloués. Les effectifs de la nouvelle génération du feu, issue des opérations extérieures (Opex), sont bien inférieurs à ceux des précédentes, issues de la conscription. On s'interroge alors sur l'utilisation de cette économie automatique, trop souvent reversée au budget général.
Cette mission comporte quatre volets distincts : l'initiation de la jeunesse à l'esprit de défense, avec la journée défense et citoyenneté (JDC) ; l'entretien et la valorisation de la mémoire des conflits et des combattants du vingtième siècle et du patrimoine qu'ils nous ont légué ; la mise en oeuvre du droit à réparation reconnu aux anciens combattants en raison des services qu'ils ont rendu à la Nation ; l'indemnisation des victimes de la barbarie nazie.
En 2018, son budget s'établira à 2,46 milliards d'euros, en baisse de 3 % par rapport à 2017, alors qu'entre 2016 et 2017 il n'avait reculé que de 2,6 %. Cette diminution est supportée par le programme 169, qui finance les prestations en direction des anciens combattants : les droits acquis sont maintenus mais le nombre de leurs bénéficiaires décroît. En revanche, en raison du caractère commémoratif exceptionnel de l'année 2018, avec le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, les moyens de la politique de mémoire connaitront une hausse de près de 25 %.
L'approfondissement du lien entre la Nation et son armée est un enjeu essentiel, facteur de cohésion nationale à l'heure où nombreux sont ceux, chez les jeunes, qui remettent en cause les valeurs de la citoyenneté. C'est l'objet du programme 167. Depuis la suspension du service militaire obligatoire en 1997, la JDC constitue l'unique lien entre toute une classe d'âge et les armées. Tout Français doit l'effectuer, entre ses 16 et 25 ans, sous peine de ne pouvoir participer aux concours organisés par l'État ou passer son permis de conduire.
Recentrée sur les questions de défense en 2014, la JDC est utilisée pour sensibiliser les participants aux menaces qui pèsent sur la France et justifient son appareil de défense, mais également pour présenter les façons dont ils peuvent s'engager pour elle. Un test d'évaluation des acquis fondamentaux de la langue française est réalisé, dont le taux d'échec est d'environ 10 %. Enfin, diverses informations, encore trop nombreuses aux yeux de certains, sont fournies aux jeunes sur leurs droits en matière de formation, d'emploi, d'insertion ou encore sur les dons de sang, de moelle osseuse ou d'organes.
Alors qu'environ 800 000 personnes participent à la JDC chaque année, pour un coût de 14,6 millions d'euros, des réflexions ont été engagées pour l'étendre sur une deuxième journée, qui serait consacrée à la citoyenneté. Toutefois, elles sont pour l'instant suspendues en raison du lancement des travaux de préfiguration du service national universel promis par le Président de la République. Ses contours ne sont pas encore définis et de très nombreuses questions restent en suspens : une commission devrait être prochainement mise en place pour les examiner et formuler des recommandations au printemps. Une expérimentation pourrait avoir lieu dès 2019. Une chose est certaine : le ministère des armées ne pourra pas assurer seul son organisation et son financement, comme au temps du service militaire.
La politique de mémoire bénéficiera quant à elle de moyens fortement accrus en 2018, année marquant le terme du cycle du centenaire de la Première Guerre mondiale.
A cet effet, 8 millions d'euros seront versés à la Mission du centenaire, soit une augmentation de 5,3 millions par rapport à 2017. Cette année, trois principales commémorations ont été organisées : celles des batailles d'Arras et de Vimy, événement fondateur de l'identité canadienne, de l'offensive du Chemin des Dames et de l'entrée en guerre des États-Unis. Le Président de la République a récemment annoncé qu'en 2018 le rôle essentiel de notre éminent prédécesseur Georges Clemenceau serait honoré, qu'il se déplacerait sur les champs de bataille de 1918 et qu'à l'occasion du 11 novembre l'ensemble des chefs d'États et de gouvernements des pays belligérants seraient conviés à Paris. De plus, des cérémonies internationales avec nos alliés devraient être organisées. Il est essentiel qu'à cette occasion la dignité des lieux de mémoire soit respectée et que les leçons de la commémoration du centenaire de la bataille de Verdun, qui avait suscité de violentes polémiques, soient tirées.
Par ailleurs, plus de 10 millions d'euros seront consacrés à l'entretien et à la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale. L'accent est mis sur ceux concernés par le projet d'inscription au patrimoine mondial des sites funéraires et mémoriels de la Grande Guerre, sur lequel l'Unesco devrait se prononcer en juillet prochain.
J'en viens maintenant au programme 169, qui finance les prestations destinées aux anciens combattants et les opérateurs de la mission. Ses crédits s'élèveront en 2018 à 2,32 milliards d'euros, ce qui représente l'écrasante majorité du budget de la mission : 94,2 %. Néanmoins, par rapport à 2017, 80 millions d'euros sont économisés, soit une baisse de 3,3 %.
La population des bénéficiaires de ses principaux dispositifs connait un recul plus marqué. Ainsi, le nombre de titulaires d'une pension militaire d'invalidité (PMI) devrait reculer de 4,8 % et celui des bénéficiaires de la retraite du combattant, versée à partir de 65 ans aux titulaires de la carte du combattant, de 5,2 %. Ils sont encore près d'un million mais 97 % d'entre eux ont plus de 75 ans.
Il faut par ailleurs noter le maintien d'une dépense fiscale soutenue en faveur des anciens combattants, qui devrait représenter 759 millions d'euros en 2018. La principale est la demi-part dont bénéficient les titulaires de la carte du combattant à partir de 74 ans.
Ce projet de loi de finances pour 2018 préserve l'Onac et l'Institution nationale des Invalides (Ini). Contrairement au budget de la mission, leurs moyens ne diminuent pas.
Ainsi, l'Onac poursuit sa modernisation. Il s'est séparé de ses établissements médico-sociaux et se recentre sur son coeur de métier, l'accompagnement de ses ressortissants. Son maillage départemental, auquel chacun d'entre nous ici est très attaché, n'est pas remis en cause, comme l'a précisé la ministre lors de son audition.
Surtout, il a dû s'adapter à de nouveaux publics, en particulier les anciens des Opex. Il a développé ses aides à la réinsertion professionnelle et celles, plus spécifiques, en faveur des blessés en opération. L'Onac assure en effet leur suivi dans la durée, après qu'ils ont quitté l'institution militaire, en coopération avec les armées et le service de santé des armées. Ainsi, ses personnels ont été formés à la détection des syndromes de stress post-traumatique.
Quant à sa politique d'aide en faveur des ressortissants les plus démunis, son budget de 26,4 millions d'euros reste inchangé par rapport à 2017 et elle est désormais mieux acceptée au niveau local, après des difficultés d'adaptation à la réforme de 2015. Il conviendrait toutefois de bien harmoniser les pratiques entre les départements.
L'Ini sort d'une période d'incertitudes sur son avenir et a engagé sa transformation, ainsi que Bruno Gilles a pu le constater en se rendant sur place au début du mois. Un nouveau projet médical a été adopté, visant à en faire le pôle de référence dans la réhabilitation post-traumatique des blessés de guerre, aussi bien sur le plan physique, avec son centre de rééducation, que sur le plan psychique, avec une unité de traitement des syndromes de stress. Cette réforme s'accompagne d'une rénovation immobilière importante, dont le coût est estimé à 50 millions d'euros sur quatre ans. Le centre des pensionnaires, dont le plus âgé a 103 ans, ne sera pas affecté par ce projet.
Comme je le disais en préambule, si ce budget préserve les droits acquis, il ne corrige en aucun cas les insuffisances du droit à réparation et les inégalités que son application engendre. Il n'apporte pas de réponse à la situation précaire des conjoints survivants des grands invalides, qui ont souvent renoncé à toute activité professionnelle pour s'occuper d'un grand blessé et, au décès de celui-ci, ne bénéficient que d'une pension de réversion forfaitaire d'un faible montant.
Surtout, il ne remédie pas à deux injustices dans le traitement réservé à la troisième génération du feu que je trouve tout particulièrement révoltantes et auxquelles je souhaite qu'il soit mis un terme dans les plus brefs délais.
La première est l'attribution de la carte du combattant aux soldats qui ont séjourné en Algérie, en application des accords d'Evian, entre juillet 1962 et 1964. Elle leur est refusée, alors que 627 militaires ont été reconnus « morts pour la France » durant cette période. Il ne s'agit pas ici de réécrire l'histoire et de modifier les bornes temporelles sur la guerre d'Algérie. La solution serait plutôt de reconnaître à ce déploiement le caractère d'Opex, comme cela a été fait par arrêté pour de nombreux autres, plus anciens.
La ministre a annoncé qu'une évaluation du coût de cette mesure serait prochainement engagée : il est essentiel qu'elle aboutisse rapidement et permette de confronter les estimations du Gouvernement - plus de 100 millions d'euros - et celles du monde associatif - 15 millions d'euros. Le déclin démographique du monde combattant doit permettre de financer cette mesure en 2019.
Enfin, il est temps que les distinctions entre anciens supplétifs selon leur statut civil disparaissent. La très grande majorité des harkis relevaient du statut civil de droit local. Toutefois, des pieds noirs, de statut civil de droit commun, se sont engagés à leurs côtés dans les différentes formations supplétives. Le législateur leur a toutefois toujours refusé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance.
Une décision du Conseil constitutionnel de 2011 leur a donné satisfaction mais l'administration n'a pas accédé à leurs demandes et une loi de 2013 les a à nouveau exclus du dispositif. Environ soixante-dix personnes seraient concernées, ce qui représente un coût, minime, de 260 000 euros par an. C'est une question de justice que de garantir l'égalité entre ces anciens compagnons d'armes : tel est l'objet d'un amendement que je vous présenterai.
Pour conclure, il faut préciser que deux articles du projet de loi de finances sont rattachés à cette mission : l'article 50, qui revalorise de 100 euros cette allocation de reconnaissance, et l'article 51, qui est une mesure d'équité permettant le calcul des pensions d'invalidité et des pensions de réversion antérieures à 1962 au taux du grade, et non plus au taux forfaitaire du soldat.
Sur ces considérations, je vous invite, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et de ces deux articles qui y sont rattachés et à adopter l'amendement que je vais vous présenter.
M. Philippe Mouiller. - Je partage pleinement les conclusions de ce rapport, en particulier s'agissant de l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant séjourné en Algérie entre 1962 et 1964. Les difficultés à estimer le coût de cette mesure sont réelles. Je compte déposer un amendement sur ce point, pour qu'un débat sur cette question ait lieu en séance publique. Pensez-vous qu'une demande de rapport à ce sujet lui donnerait plus de poids ?
M. Jean-Marie Morisset. - Chaque année, j'entends les mêmes conclusions sur le budget des anciens combattants : il est en baisse, en raison du déclin démographique de ses bénéficiaires. Arriverons-nous un jour à faire comprendre à un ministre chargé des anciens combattants qu'une année de gel de ce budget permettrait de satisfaire les demandes légitimes du monde combattant ?
Avec Philippe Mouiller ainsi que les autres parlementaires des Deux-Sèvres, nous rencontrons tous les ans les trente-deux associations d'anciens combattants de notre département. Cette année, la principale revendication était bien l'attribution de la carte du combattant à ceux qui ont servi en Algérie entre 1962 et 1964.
Il y a par ailleurs deux autres points sur lesquels la législation doit évoluer : l'attribution de la demi-part fiscale aux conjoints survivants des titulaires de la carte du combattant décédés avant d'avoir atteint l'âge de 74 ans, à partir de laquelle elle est accordée, alors que les conjoints survivants d'un ancien combattant décédé ensuite en bénéficient. Il faut également faire évoluer la reconnaissance de la Nation envers les pupilles de la Nation. Une réflexion doit être engagée sur le sujet et il est difficilement compréhensible que les demandes d'un rapport en ce sens aient été rejetées à l'Assemblée nationale sur demande du Gouvernement.
M. Dominique Watrin. - Le budget du programme 169 accuse une baisse de 3,3 % tandis que depuis 2012 celui de la mission a reculé de 520 millions d'euros. Les deux mesures nouvelles annoncées dans ce projet de loi de finances ne représentent que 6,5 millions d'euros, ce qui est bien faible comparé aux 80 millions économisés en 2018.
Les demandes récurrentes du monde combattant ne sont pas satisfaites, alors qu'une année de maintien du budget permettrait de les satisfaire, qu'il s'agisse de la campagne double, de la valeur du point de PMI, du bénéfice de la demi-part fiscale pour les conjoints survivants ou encore de l'attribution de la carte du combattant au titre d'une présence de quatre mois en Algérie entre 1962 et 1964.
Je regrette enfin qu'aucune actualisation des éléments qui nous avaient été communiqués l'an dernier sur les effets de la réforme de l'aide sociale de l'Onac n'ait été réalisée. Le remplacement de l'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS) par un mécanisme individualisé et attribué par ses services départementaux avait pu conduire à une perte pour les veuves concernées.
De manière générale, notre groupe n'est pas de l'avis du rapporteur et est défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Mme Corinne Féret. - Notre point de vue rejoint celui du rapporteur sur plusieurs des questions qu'il a abordées, en particulier l'attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964.
J'aimerais insister sur la nécessité de préserver le budget d'action sociale de l'Onac. Le nombre d'anciens combattants diminue mais celui des aides versées reste stable et de nouveaux besoins apparaissent, en particulier ceux des anciens des Opex. De plus, le nombre de pupilles de la Nation a fortement augmenté à la suite des attentats de 2015 et 2016. Il faut être extrêmement vigilant sur ce point.
Notre groupe est favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Alain Milon, président. - En réponse à Philippe Mouiller, je ne suis pas absolument opposé à un rapport sur l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant été en Algérie entre 1962 et 1964. Néanmoins, mon expérience récente dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 me laisse sceptique quant à la probabilité que, si nous venions à l'adopter, il soit conservé par l'Assemblée nationale dans le texte final.
De même, la proposition d'une stabilité du budget de la mission d'une année sur l'autre est intéressante. Néanmoins force est de constater que malgré les annonces et les évolutions des pratiques aucune alternance politique n'a remis en cause la diminution mécanique des crédits consacrés aux anciens combattants.
Par ailleurs, le budget d'aide sociale de l'Onac sera maintenu en 2018 à son niveau de 2017, soit 26,4 millions d'euros.
J'en viens à l'amendement II-289, qui vise à corriger une injustice qui persiste entre harkis selon le statut juridique qui était le leur en Algérie. La plupart, d'origine musulmane, relevaient du statut civil de droit local. Toutefois, un petit nombre de pieds noirs, de statut civil de droit commun, se sont également engagés dans les formations supplétives et ont connu exactement les mêmes conditions de vie et d'engagement.
Plus de 55 ans après les faits, l'allocation de reconnaissance est toujours refusée à ces derniers, bien qu'ils aient bénéficié, entre 2011 et 2013, de décisions de justice en leur faveur. Selon les associations, moins de 70 personnes seraient concernées, pour un coût très faible : environ 260 000 euros par an. Celui-ci serait immédiatement compensé par le déclin démographique global du nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance (- 209 entre 2016 et 2017).
Bruno Gilles nous offre aujourd'hui la possibilité de mettre un terme à cette discrimination entre frères d'armes. Je vous invite, mes chers collègues, à la saisir.
La commission adopte l'amendement II-289.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2018 et des articles 50 et 51 rattachés.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Cohésion des territoires - Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » - Examen du rapport pour avis
M. Alain Milon, président. - Je passe la parole à notre collègue Jean-Marie Morisset, pour le programme 177 - hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l'avis que je présente porte sur le programme 177, dont les crédits financent essentiellement des dispositifs d'hébergement et de logement adapté. Ces dispositifs accueillent des publics divers et sont le réceptacle des échecs et des insuffisances de nombreuses politiques sociales : politique du logement, aide sociale à l'enfance, psychiatrie, prison, asile... Nous constatons tous quotidiennement, que ce soit en ville ou dans des départements ruraux, une augmentation du nombre de personnes sans logement ou mal logées.
Ce programme 177 est compris dans une mission interministérielle dont le périmètre s'élargit cette année pour couvrir les aides au logement, l'urbanisme, l'amélioration de l'habitat ainsi que l'aménagement du territoire et la politique de la ville. Ces politiques publiques sont naturellement toutes imbriquées les unes aux autres. Toutefois, notre commission ne se saisit habituellement pas de la politique du logement, qui est du ressort de nos collègues de la commission des affaires économiques. Je ne prendrai donc pas position sur la question du logement social et de l'article 52, qui constituent un élément important de ce PLF, et je renverrai sur ces points aux observations de nos collègues Philippe Dallier pour la commission des finances et Dominique Estrosi-Sassone pour la commission des affaires économiques.
Si notre pays a connu un certain nombre de changements politiques au cours de l'année qui vient de s'écouler, les constats que je développerai devant vous ce matin sont malheureusement assez proches de ceux que je formule depuis maintenant trois ans.
Entre 2013 et 2017, les crédits votés en loi de finances initiale ont progressé de plus de 500 millions d'euros, ce qui constitue une progression notable dans le contexte de contrainte budgétaire qui marque l'ensemble des politiques publiques.
Toutefois, le programme 177 est caractérisé d'une part par une sous-budgétisation récurrente et par une insincérité chronique, pointée récemment par la Cour des comptes.
La sous-budgétisation se traduit par le fait que, en dépit de l'augmentation enregistrée chaque année, les crédits votés en loi de finances initiale s'avèrent systématiquement insuffisants face à l'augmentation du nombre de personnes sans-abri et doivent tous les ans être complétés en cours d'exercice.
L'année 2017 n'a pas dérogé à ce constat récurrent. Les crédits ouverts en LFI ont été majorés dès juillet par un décret d'avance de 120 millions d'euros. La loi de finances rectificative déposée le 15 novembre dernier prévoit 90 millions supplémentaires et on nous annonce d'ici la fin de l'année un nouveau décret d'avance de 65 millions d'euros.
La sous-budgétisation du programme 177 s'accompagne d'une insincérité de la programmation, puisque celle-ci ne tient pas compte des crédits supplémentaires ouverts en cours d'exercice. Les crédits demandés dans le PLF sont donc systématiquement inférieurs à la consommation réelle de l'exercice n-1.
Cette situation n'est pas satisfaisante, d'une part parce qu'elle conduit le Parlement à se prononcer sur des crédits dont on sait qu'ils ne correspondent pas à la réalité et d'autre part parce qu'elle crée pour les opérateurs locaux une situation d'incertitude constante qui ne peut permettre une gestion sereine.
Le budget 2018 s'inscrit dans la continuité des années précédentes. Les crédits du programme 177 progressent ainsi de 212 millions d'euros en valeur et 12 % en volume par rapport à la LFI pour 2017, mais on sait déjà qu'ils seront inférieurs aux crédits consommés en 2017 d'environ 100 millions d'euros. On peut donc considérer sans pessimisme excessif que ce budget sera encore une fois nettement insuffisant.
Or, cette année, la direction générale de la cohésion sociale a fait passer aux chefs des services déconcentrés le message selon lequel les crédits du PLF ne seront pas majorés en cours d'exercice. En d'autres termes, le Gouvernement table donc sur une baisse effective des dépenses en matière d'hébergement en 2018. Tous les opérateurs sur le terrain savent que cette approche n'est pas tenable, à moins de consentir à une explosion du nombre de personnes et de familles sans-abri auxquelles aucune solution d'hébergement n'est proposée.
Par ailleurs, ce budget 2018 s'inscrit dans le cadre de l'annonce par le Président de la République d'un plan quinquennal pour le logement d'abord. Ce plan vise, d'une part, à recentrer les dispositifs d'hébergement sur la réponse à l'urgence afin d'assurer l'effectivité du droit à l'hébergement et, d'autre part, à orienter rapidement les personnes sans-abri vers le logement.
Je souscris totalement à cette philosophie, qui a d'ailleurs été appliquée avec succès à l'étranger, notamment en Amérique du Nord. Je souligne toutefois que cette approche n'est pas nouvelle. Le mot d'ordre de « logement d'abord » était déjà mis en avant par M. Benoist Apparu quand il était ministre délégué chargé du logement en 2009 et n'a pas pu être mis en oeuvre faute de moyens adéquats.
Si le principe du logement d'abord fait consensus, nous ne voyons pas dans le PLF qu'il nous est demandé de voter la traduction budgétaire des orientations annoncées dans le cadre de ce plan.
On voit mal comment la baisse effective des crédits par rapport à l'année 2017 permettra de rendre effectif le droit à l'hébergement. Je me suis rendu récemment dans les locaux du Samu social de Paris, où j'ai pu mesurer à la fois le dévouement des opérateurs et le manque criant de solutions qui les conduit à gérer la pénurie. En outre, le recours à des réservations hôtelières, qui est loin d'être une solution satisfaisante, continue de progresser même si la saturation du parc hôtelier à bon marché, particulièrement criante en Ile-de-France ralentit cette progression. Avec plus de 42 000 nuitées en 2016, l'hôtel est en passe de devenir le premier mode d'hébergement et s'inscrit, pour un nombre croissant de personnes, dans la durée. Un réel investissement dans des structures plus adaptées serait donc nécessaire.
S'agissant du logement adapté, l'augmentation des crédits est bienvenue. Encore faut-il qu'une partie d'entre eux ne soient pas encore une fois réaffectés en cours d'année vers les dispositifs d'urgence. Toujours est-il que l'objectif de créer en cinq ans 10 000 places en pension de familles et 40 000 places d'intermédiation locative ne semble pas de nature à répondre aux enjeux actuels du mal logement si des débouchés vers le logement social ordinaire ne sont pas créés. Or, l'article 52 du PLF fait craindre une fragilisation des bailleurs sociaux qui aurait pour conséquence d'obérer leur capacité à produire du logement très social.
En outre, les dispositifs financés par le programme 177 continuent d'être fortement sollicités par des personnes en situation irrégulière, notamment des déboutés du droit d'asile. Sans perspective de régularisation, ces personnes ne peuvent accéder aux dispositifs de logement adapté ou de logement social.
Le PLF contient un article rattaché au programme 177. Il s'agit de l'article 52 bis, adopté par l'Assemblée nationale, qui vise à rendre obligatoire la réponse des gestionnaires de CHRS à l'étude nationale des coûts annuelle. Cette obligation doit permettre de mieux appréhender les disparités et de s'inscrire dans une démarche de convergence. Je suis favorable à cet article, même si je sais que notre collègue Philippe Dallier réfléchit à un amendement visant à préciser cette obligation.
Si les crédits du programme 177 sont nettement insuffisants, ce programme est inscrit dans une mission plus large. Je sais qu'à cette heure le rapporteur de la commission des finances travaille encore, en lien avec le Gouvernement, sur un amendement à l'article 52 dont l'adoption le conduirait à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'ensemble de la mission. Je vous propose donc que notre commission adopte un avis de sagesse pour ne pas préjuger des avancées qui pourront être obtenues d'ici à la séance publique.
M. Michel Forissier. - Le rapporteur a dépeint une situation bien connue des élus locaux. L'État ne doit pas se défausser sur les collectivités territoriales de son incapacité à mettre en oeuvre les obligations qu'il se fixe.
Mme Laurence Cohen. - Je voudrais exprimer notre inquiétude quant à la baisse des crédits des actions 11 et 14 relatives à la prévention de l'exclusion et à la conduite et à l'animation des politiques.
Par ailleurs, comme l'a souligné le rapporteur, les mesures prévues par l'article 52 du PLF pénaliseront fortement les bailleurs sociaux et pourraient les conduire à être plus sélectifs quant aux locataires qu'ils admettent, au détriment des plus modestes. Les acteurs du logement social sont d'ailleurs opposés à cet article.
En ce qui nous concerne, nous voterons contre les crédits de cette mission.
Mme Monique Lubin. - Ainsi que l'a souligné le rapporteur, si les crédits progressent, ce programme continue à être marqué par une sous-budgétisation. L'information communiquée par le rapporteur selon laquelle il n'y aurait pas de crédits supplémentaires est donc inquiétante, tout comme la diminution des crédits dédiés à la lutte contre l'exclusion.
Par ailleurs, on continue depuis des années à avoir recours à l'hôtel, qui n'est pas une solution satisfaisante, au risque de financer des marchands de sommeil. Ces sommes ne permettraient-elles pas de financer des places d'accueil de meilleure qualité ?
Par ailleurs, les dispositifs d'accompagnement dans le logement sont clairement insuffisants. La problématique des femmes sans domicile, dont le nombre croît fortement depuis plusieurs années, mériterait également une attention particulière. Enfin, les mesures prévues par l'article 52 laissent craindre une véritable catastrophe pour le secteur du logement social.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Un des éléments du plan de résorption des nuitées hôtelières a été l'ouverture de résidences hôtelières à vocation sociale et la mise en place d'un cadre réglementaire spécifique à ces structures. On constate que ce cadre règlementaire pose un certain nombre de difficultés, notamment pour l'accueil des familles ainsi qu'en matière de tarification. En outre, le cadre réglementaire des RHVS favorise les grands opérateurs nationaux par rapport à des groupements d'acteurs locaux. Il conviendrait donc de revenir sur ce cadre règlementaire.
Je partage les propos de ma collègue Monique Lubin sur l'article 52. Le PLF prévoit en outre une baisse des aides à la pierre, ce qui aura pour conséquences d'augmenter les loyers sociaux.
Enfin, la philosophie du logement d'abord est une bonne chose, mais elle suppose un réel accompagnement des personnes orientées vers le logement. Des initiatives locales existent, je défendrai un amendement visant à financer leur extension.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Au-delà de la question de l'hébergement, la question de l'accès au logement suppose un important accompagnement pluridisciplinaire des personnes concernées. Les crédits destinés à cet accompagnement sont-ils prévus dans le programme 177 ?
Mme Michelle Meunier. - Comme l'a dit Michel Forissier, les dispositifs financés par le programme 177 sont sollicités du fait des échecs de nombreuses politiques sociales.
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Les interventions des uns et des autres confirment les constats que j'ai pu dresser au cours de mes auditions et de mes déplacements.
L'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles pose le principe du droit inconditionnel à l'hébergement. Cette politique incombe à l'État, mais comme l'a dit Michel Forissier, les collectivités territoriales sont mises à contribution. A la problématique du mal logement et de l'exclusion s'ajoute depuis quelques années celles des mineurs non-accompagnés, dont une partie s'avèrent être majeurs.
Mme Cohen a relevé avec justesse que, si les crédits du programme augmentent globalement, deux actions sur trois connaissent une diminution préoccupante.
J'ai rencontré les associations têtes de réseau, je me suis déplacé en région et en Ile-de-France. Le constat partagé est qu'il est difficile de planifier la réponse à des situations d'urgence.
J'ai été surpris de la progression du recours à l'hôtel qui est passé de 14 000 nuitées en 2010 à plus de 42 000 en 2016. Même dans des départements ruraux comme le mien où l'hébergement à l'hôtel, qui était encore inconnu il y a quelques années, il progresse fortement.
Comme l'a rappelé Mme Lienemann, un plan de réduction des nuitées hôtelières a été annoncé il y a quelques années. Or, malgré l'ouverture de places en CHRS ou dans le logement adapté, le nombre de nuitées ne diminue pas.
Le recours à la procédure d'appel d'offre pour la création de résidences hôtelières à vocation sociale a surpris bon nombre d'opérateurs locaux. Ces marchés publics passés avec des opérateurs nationaux ne permet pas une réponse en adéquation avec les besoins locaux ni une coordination efficace avec les acteurs associatifs. La DGCS nous a quelque peu rassurés en nous précisant que l'État ne prévoit pas de renouveler ce type d'appel d'offre à l'avenir.
La sous-budgétisation pénalise les acteurs locaux, qui ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre une gestion sereine.
Enfin, l'accompagnement social est la clé d'une intégration réussie dans le logement. Or, cet accompagnement est aujourd'hui largement insuffisant.
La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2018.
Nomination de rapporteurs
La commission nomme M. Alain Milon en qualité de rapporteur sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
M. Alain Milon, président. - Comme annoncé lors des débats sur le projet de loi d'habilitation sur la réforme du code du travail, nous allons mener en association avec la commission des lois une mission d'information sur la justice prud'homale, chacune de nos deux commissions désignant deux rapporteurs. Je vous propose de nommer Mmes Pascale Gruny et Corinne Féret pour la commission des affaires sociales.
La commission nomme Mmes Pascale Gruny et Corinne Féret rapporteurs de la mission d'information sur la justice prud'homale.
Projets de loi ratifiant trois ordonnances relatives à la santé - Désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. Alain Milon et Mmes Corinne Imbert, Chantal Deseyne, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Yves Daudigny, Jean-Louis Tourenne, Michel Amiel, comme membres titulaires, et de Mme Laurence Cohen, M. Gérard Dériot, Mmes Élisabeth Doineau, Véronique Guillotin, Florence Lassarade, Michelle Meunier, M. René-Paul Savary, comme membres suppléants, de l'éventuelle commission mixte paritaire.
Organismes extra-parlementaires - Désignations de candidats
M. Alain Milon, président. - Suite aux élections sénatoriales, le Sénat doit renouveler sa représentation dans divers organismes extra-parlementaires. Pour certains d'entre eux, il revient à la commission des affaires sociales de proposer les candidats. Cela concerne 13 organismes et 22 sièges à renouveler, 4 sièges n'étant pas soumis à renouvellement. Suite à la concertation menée avec les différents groupes, je vous soumets la liste des candidats que la commission des affaires sociales pourrait proposer. Nous désignerons ultérieurement des candidats pour la commission nationale d'agrément des associations d'usagers dans les instances hospitalières et pour la commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
La commission procède à la désignation des candidats suivants proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein d'organismes extraparlementaires :
- M. Jean-Noël Cardoux (titulaire) pour le comité de surveillance de la caisse d'amortissement de la dette sociale ;
- Mme Monique Lubin et M. René-Paul Savary (titulaires) pour le comité de surveillance du Fonds de solidarité vieillesse ;
- Mme Laurence Cohen (titulaire) pour la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
- Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Jomier et Michel Amiel (titulaires) pour le conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine ;
- M. René-Paul Savary, Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe (titulaires) pour le conseil d'orientation des retraites ;
- M. René-Paul Savary (titulaire) pour le conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ;
- M. Yves Daudigny (titulaire) pour le conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle maladie ;
- Mme Nadine Grelet-Certenais (titulaire) et M. Olivier Henno (suppléant) pour le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Par ailleurs, la commission a désigné Mme Nassimah Dindar (titulaire) pour siéger au comité national de l'organisation sanitaire et sociale et Mme Pascale Gruny (titulaire) pour siéger au conseil d'administration de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail.
La réunion est close à 12 h 20.
Jeudi 30 novembre 2017
- Présidence de M. René-Paul Savary, vice-président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Examen du rapport en nouvelle lecture
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - À l'issue de son examen par l'Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 comprenait 76 articles, dont 19 articles additionnels. Le Sénat en a adopté conformes 37, modifié 36, supprimé 3 et il a ajouté 16 articles additionnels. Après l'échec de la commission mixte paritaire, 55 articles restaient en discussion.
L'Assemblée nationale en a adopté 21 conformes, elle en a modifié 21, rétabli 3 et supprimé 14. Ceci fait un total de 59 articles, 4 ayant été réouverts par le Gouvernement pour coordination.
Le Sénat a marqué son accord avec de nombreux points, adoptant conformes près de la moitié des articles, dont les tableaux d'équilibre des différentes branches et la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux.
Il a également marqué son accord avec le développement d'une politique de prévention, notamment en matière vaccinale, d'une démarche d'expérimentation en matière de prise en charge des parcours de soins et d'une promotion de la pertinence des actes et de l'innovation.
Les points de convergence sont donc nombreux sur des sujets majeurs, plus nombreux que les années précédentes, mais les points de vue des deux assemblées divergent sur plusieurs points.
À l'article 26, le Sénat a marqué son désaccord avec les choix du Gouvernement pour la prestation d'accueil du jeune enfant.
À l'article 7, mesure phare de ce PLFSS pour 2018, le Sénat a supprimé l'augmentation de 1,7 point de la CSG sur les pensions de retraite et d'invalidité. Ce point de désaccord représente 4,5 milliards d'euros et il a suffi, à lui seul, pour constater l'échec en commission mixte paritaire.
Dans ces conditions, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, à son texte de première lecture, en particulier sur les deux principaux points de désaccord. À l'article 7, l'Assemblée nationale a rétabli l'augmentation du taux applicable aux pensions de retraite et d'invalidité, la réduction dégressive de la cotisation maladie des agriculteurs et la date d'entrée en vigueur de l'augmentation de CSG sur les revenus du patrimoine. Une solution a cependant été apportée ou annoncée sur trois points. Pour les bénéficiaires de la PCH, cette prestation a été « reclassée » dans les revenus auxquels s'applique la CSG sur les revenus d'activité. Pour les artistes-auteurs, une solution devrait être financée par le budget de la culture. Pour les redevables de la cotisation de solidarité sur les revenus agricoles, le Gouvernement s'est engagé à en abaisser le taux pour compenser l'augmentation de la CSG.
À l'article 9, sur le cumul de l'Accre avec l'exonération « jeunes agriculteurs », à l'article 11 bis sur les mesures « Irma » ou à l'article 13, sur le bioéthanol, l'Assemblée nationale a conservé les apports du Sénat. C'est aussi très largement le cas sur l'article 11 sur le RSI que l'Assemblée nationale a toutefois encore modifié, à l'initiative du Gouvernement et de la commission des affaires sociales.
D'autres articles, adoptés avec l'avis favorable de la commission ont été supprimés en troisième partie : extension des exonérations de cotisations aux EPCI, cumul emploi-retraite des médecins retraités en zones sous-denses, durée des contrôles Urssaf, notamment.
L'Assemblée nationale a revu le barème de la taxe sur les boissons sucrées pour en limiter le rendement supplémentaire, tout en préservant néanmoins un rendement supplémentaire.
À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié les tableaux d'équilibre de fin de troisième partie pour tenir compte des votes intervenus au cours de l'examen parlementaire. Les modifications apportées affectent pour l'essentiel les recettes des branches maladie et AT-MP et du FSV, le solde de ce dernier étant dégradé pour 2018 de 100 millions d'euros. Le Gouvernement n'a apporté aucune précision sur l'impact des différents votes intervenus sur les recettes et les amendements n'ont même pas été exposés en séance publique... En outre, les règles d'arrondi et la présentation de ces tableaux « à la centaine de million d'euros près » nuit à la qualité de l'information apportée au Parlement ; 0,1 milliard d'euros d'écart en recettes ne se traduit pas toujours par un impact sur le solde. Compte tenu des délais d'examen, je n'ai pu interroger le Gouvernement sur le détail de ces impacts.
Concernant l'assurance maladie, l'Assemblée nationale est revenue sur la plupart des évolutions du texte adoptées au Sénat, à quelques exceptions car elle a maintenu, dans le cadre des expérimentations de l'article 35, le développement des modes d'exercice « coordonné » (et non seulement « regroupé »), suivant une initiative de Florence Lassarade et de membres de son groupe ainsi que de la commission ; elle a également approuvé l'extension de l'accès au dossier pharmaceutique aux pharmaciens biologistes, issue d'un amendement de Gérard Dériot et de plusieurs membres de son groupe ; elle a enfin voté, pratiquement dans les mêmes termes que le Sénat, l'article 36 sur la télémédecine, et donc la reconnaissance du rôle des pharmaciens d'officine dans son déploiement, sur amendement du Gouvernement reprenant une initiative de Corinne Imbert et plusieurs membres de son groupe.
En revanche, ont notamment été supprimés, sur la proposition du rapporteur général, la mention spécifique de la prise en charge des patients atteints d'insuffisance rénale chronique dans le champ des expérimentations, issue d'un amendement de Yves Daudigny et de membres de son groupe ; la création d'une procédure d'utilisation testimoniale éclairée et surveillée, issue d'un amendement de René Paul Savary et de plusieurs membres de son groupe, notamment en l'absence de garde-fous jugés suffisants ; les ajustements apportés à la régulation du secteur du dispositif médical par notre rapporteur Catherine Deroche et plusieurs sénateurs ; le rapport au Parlement sur l'investissement immobilier des établissements de santé, demandé par notre président Alain Milon.
La possibilité pour les conventions passées avec les professionnels de santé autres que les médecins de prévoir un avantage complémentaire maternité a également été supprimée, à l'initiative du Gouvernement, afin de renvoyer cette question à la réflexion plus globale qu'il souhaite engager sur l'égalité en matière de couverture de la maternité.
Nos désaccords avec l'Assemblée nationale ne sont pas nombreux mais au terme de l'examen par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, il semble que nous soyons parvenus au terme du dialogue utile... C'est pourquoi je vous proposerai l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable. Elle préserve la possibilité pour les différentes opinions de s'exprimer lors de la discussion générale. Mais son adoption se justifie à mon sens dans la mesure où il n'est pas utile, à ce stade, de rouvrir une discussion sur les articles restant en navette : on connaît déjà le résultat.
M. René-Paul Savary, président. - Une question préalable n'empêchera pas la discussion générale, car les groupes ont sans doute encore des choses à dire sur le PLFSS. Je regrette qu'un certain nombre de propositions de bon sens votées au Sénat n'aient pas été reprises.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Nous les avions présentées avant même la CMP à nos interlocuteurs députés, hélas cela n'a pas suffi.
M. René-Paul Savary, président. - Nous proposions même aux députés des inflexions pour tenir compte des remarques du Gouvernement : je l'ai fait sur la procédure d'utilisation testimoniale du médicament.
M. Yves Daudigny. - Arrêter la discussion parlementaire n'est jamais signe de bon fonctionnement des institutions démocratiques, mais vos arguments peuvent être entendus... À la majorité sénatoriale maintenant d'assumer ses responsabilités. Mon groupe, lui, s'abstiendra.
M. Michel Amiel. - Écourter le débat n'est jamais une bonne chose... Il est vrai que le déroulement de la CMP n'a pas été très encourageant. Il demeure deux points essentiels d'achoppement, l'article 26 sur la Paje, l'article 7 qui augmente d'1,7 point la CSG, en particulier sur les retraités : ils ont empêché, pour la première fois au Sénat, un vote quasi-unanime du PLFSS. Je le regrette... Mais nous ne voterons pas la question préalable.
M. Michel Forissier. - L'attitude des députés me déçoit beaucoup, car les relations avec le Gouvernement au cours du débat avaient été excellentes. La question préalable est certes un échec démocratique, mais nous n'en portons pas la responsabilité. Notre rapporteur général a fait preuve d'ouverture, de dialogue. Le Gouvernement n'aurait-il pas des doutes sur le bicamérisme ?
Mme Patricia Schillinger. - C'est un peu excessif !
M. Michel Forissier. - Je suis déçu. La démocratie parlementaire ne consiste pas à dire à une partie des représentants de la nation : « Circulez, il n'y a rien à voir »... J'attendais plus d'ouverture du Gouvernement et de sa majorité à l'Assemblée nationale. Mais j'ai l'espoir que les choses évoluent dans les années qui viennent.
M. Daniel Chasseing. - Mon groupe avait proposé de diminuer la CSG pour les retraités, mais ce n'a pas été accepté. Nous pensions qu'il pouvait y avoir tout de même un prélèvement intergénérationnel pour réduire le déficit de la sécurité sociale d'ici 2020. Je constate une incompréhension entre les assemblées. Je m'abstiendrai.
M. Martin Lévrier. - Le bicamérisme n'est nullement remis en cause ! Le problème, ce sont les 4,5 milliards d'euros de CSG sur les pensions. Je suis surpris des débats qu'ils suscitent, car les retraités touchés sont ceux qui perçoivent au moins 2 500 euros net, allègement de taxe d'habitation pris en compte. Pendant dix ans, les réformes ont été autrement violentes pour les personnes âgées, je songe à la demi-part des veuves sous le mandat Sarkozy, puis aux 8 % de taxe pour les foyers imposables : ces mesures ont frappé avant tout les retraités à très faibles revenus. Les candidats à l'élection présidentielle ont fait connaître clairement leurs choix. Il s'agit d'un point dur incontournable, mais qui, je le répète, ne met pas en cause le bicamérisme.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Je regrette moi aussi la façon dont les choses se sont passées. Néanmoins certains éléments me laissent espérer une discussion plus ouverte et franche l'an prochain. Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, en CMP, a souhaité des discussions préalables qui permettent éventuellement de converger sur certains points. La ministre n'a pas dit autre chose, estimant dommage que nous n'ayons pas plus échangé en amont sur la CSG, pour parvenir à une solution médiane. Quoi qu'il en soit, il importe de tenir compte de la façon dont les choses sont reçues par l'opinion publique.
M. Martin Lévrier. - Précisément.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - J'ai bon espoir que nous évoluerons dans l'avenir vers plus de complémentarité. Dans l'immédiat, je vous propose d'adopter la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.
M. René-Paul Savary, président. - Merci au rapporteur général d'avoir défendu nos propositions.
La motion ASOC.1 est adoptée.
La réunion est close à 9 h 25.
* 1 Le ratio démographique (nombre de cotisants/nombre de retraité) est de 1,3 au sein du régime général est inférieur à 1 pour les régimes de fonctionnaires et ouvriers de l'État.