Jeudi 30 novembre 2017
- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -Groupe de travail sur la simplification des normes sportives - Réglementation applicable aux collectivités territoriales et simplification de normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs - Proposition de résolution de MM. Dominique de Legge, Christian Manable et Michel Savin
M. Jean-Marie Bockel, président. - La proposition de résolution qui va nous être présentée ce matin a pour origine le questionnaire que nous avons diffusé en 2014, à l'occasion du Congrès des maires. Nous nous sommes alors rendu compte que nous avions, en matière sportive, un mécanisme de dépenses un peu absurde. Le rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, rédigé par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, en avait fait état.
Des efforts ont été faits, mais les initiatives n'ont pas été très convaincantes. Nous avons souhaité, avec la commission de la culture, créer un groupe de travail pour examiner la manière d'améliorer l'efficacité du contrôle en vigueur, axé sur le rôle de la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres).
Dominique de Legge et Christian Manable, pour notre délégation, et Michel Savin, pour la commission de la culture, vont nous présenter leurs conclusions.
M. Christian Manable, rapporteur du groupe de travail sur la simplification des normes sportives. - Voilà plusieurs mois que le Sénat s'est engagé dans une dynamique réclamée depuis de nombreuses années par nos concitoyens et par les élus locaux : la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Comme d'autres instances, notre délégation s'est engagée dans ce processus, d'abord sur les normes d'urbanisme et, depuis mars dernier, sur les normes sportives.
Ces dernières années, ces normes relatives à la pratique et aux équipements - cela va des capacités d'accueil à l'éclairage, en passant par les règles de jeu et le confort des installations - sont devenues délicates à gérer pour beaucoup de collectivités. Il faut dire qu'elles s'appliquent à quelque 330 000 équipements, espaces et sites sportifs !
La bonne volonté des élus locaux n'est pas en cause ; personne ne conteste les règles en matière de sécurité et d'accessibilité. C'est la multiplication, l'empilement et l'application sans discernement de ces règles qui deviennent aujourd'hui insupportables. Sur le terrain, on ne parvient plus à distinguer les mesures véritablement utiles et les contraintes superflues.
Surtout, l'addition de ces normes crée un environnement juridique potentiellement incertain et pèse lourdement sur les finances des collectivités. C'est ce que confirment des rapports successifs, qui recommandent tous d'agir dans le sens de la simplification : celui d'Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, en 2013, celui de la mission commune d'information sur le sport professionnel, présidée par notre collègue Michel Savin, en 2014, ou encore celui rédigé conjointement par l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des affaires sociales, en 2015.
L'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a fait les comptes : il existe 400 000 normes, réglementations et prescriptions applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du sport. L'Andes chiffre même à 6 milliards d'euros le coût induit par ces normes entre 2008 et 2014. Ce montant doit être mis en perspective avec un autre chiffre : les collectivités territoriales sont aujourd'hui les premiers financeurs du sport, puisqu'elles assurent 70 % des financements publics dans ce domaine. Voilà pour le constat.
M. Dominique de Legge, rapporteur du groupe de travail sur la simplification des normes sportives. - Pour l'élu local, trois strates de normes viennent s'empiler les unes sur les autres :
- la première strate est celle des normes « d'ordre général », qui s'appliquent aux établissements sportifs comme à tout équipement recevant du public, à l'instar des normes de sécurité ou d'accessibilité ;
- la deuxième est celle des normes sportives proprement dites. Certaines sont édictées par les fédérations internationales et s'appliquent aux fédérations locales mais, à défaut d'ajouter des normes, les fédérations locales peuvent avoir tendance à donner des prescriptions, par exemple en matière de capacité d'accueil ou d'équipements spécifiques. C'est le respect de ces prescriptions qui va conditionner leur reconnaissance de tel ou tel équipement. Sans qu'il s'agisse à proprement parler d'une obligation juridique, c'est une contrainte qui vient impacter la décision de l'élu local, avec des conséquences en matière de financement ;
- la troisième catégorie de normes est plus pernicieuse, si je puis dire. Il s'agit des normes AFNOR, qui permettent de considérer qu'un équipement est totalement sécurisé et répond à un certain nombre d'objectifs. Bien souvent, ces normes conditionnent l'appréciation des responsabilités en cas de difficulté ou d'accident.
Combinées les unes aux autres, ces trois séries de prescriptions, de nature juridique différente, peuvent renchérir la facture pour les collectivités territoriales. Du reste, elles peuvent être contradictoires les unes avec les autres, ou tout au moins ne pas être en totale cohérence.
M. Michel Savin, rapporteur du groupe de travail sur la simplification des normes sportives. - Nous avons tous à coeur de desserrer les contraintes et d'alléger les coûts qui pèsent sur les collectivités territoriales. Celles-ci sont aujourd'hui les garantes du dynamisme sportif, en investissant chaque année près de 13 milliards d'euros au bénéfice des 36 millions de pratiquants de notre pays. Les collectivités territoriales sont les premiers financeurs du sport dans notre pays. Ces coûts induits sont surtout le résultat du dynamisme sportif des clubs, et nous pouvons aussi nous en féliciter.
Il est vrai que les élus locaux sont régulièrement sollicités pour investir dans des équipements qui coûtent cher, mais il faut distinguer le cas des équipements qui ne sont plus aux normes en raison de nouvelles règles édictées par les fédérations sportives de l'hypothèse où le passage d'un club ou d'une équipe d'une division à une autre modifie le niveau d'homologation et impose des investissements parfois importants pour l'application des normes correspondantes.
Il faut aussi rappeler aux élus locaux que les normes des fédérations ne s'appliquent qu'aux infrastructures destinées à accueillir des compétitions sportives et que, si la loi autorise les fédérations à fixer des normes applicables à ces équipements sportifs, cette habilitation s'entend pour de stricts motifs de police, essentiellement liés aux conditions d'hygiène et de sécurité dans la pratique sportive. Sur le reste, les collectivités territoriales n'ont absolument aucune obligation de suivre les recommandations commerciales des ligues ou des fédérations.
Il convient par ailleurs de souligner que toutes les normes nouvelles ne sont pas systématiquement inutiles. Des normes peuvent être souhaitables sur la qualité des sols, par exemple lorsqu'il s'agit d'éviter des traumatismes aux sportifs ou d'assurer une meilleure pratique du sport. Les normes peuvent ainsi avoir des objectifs de sécurité tout autant que des objectifs d'efficacité économique.
Enfin, il faut rappeler que les normes résultent parfois de grands objectifs de politique publique portés par les gouvernements successifs, que ce soit en matière de lutte contre les discriminations, d'accessibilité au sport pour les handicapés ou encore d'égalité entre les sexes. Les fédérations sportives, qui ne font qu'appliquer ces grands objectifs, reportent ainsi la charge normative sur les clubs et les collectivités territoriales.
C'est pour ces raisons que la question de l'impact des normes sportives doit être abordée objectivement et dans toutes ses composantes. Comme mon collègue Dominique de Legge, je pense que les élus locaux ne veulent pas forcément moins de normes, mais qu'ils souhaitent moins de normes inutiles. Ils demandent « la bonne norme au bon endroit ».
Depuis mars 2009, nous disposons d'une instance de concertation reconnue, légitime, efficace et surtout plébiscitée par tous les acteurs : la Cerfres, qui réunit l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif. On ne peut plus dire que les normes sont « hors-sol » ou édictées au mépris de toute consultation des élus locaux. Les représentants des collectivités territoriales sont désormais associés en amont à la production normative des fédérations sportives et peuvent faire valoir leurs observations. La pratique a d'ailleurs démontré que, sur de nombreux sujets, comme par exemple les vidanges des piscines publiques, les cages de but ou les résines collantes des ballons de handball, les règlements des fédérations ont évolué dans le bon sens, sous la pression de la Cerfres, et que les décisions sont prises par consensus. Nous devons préserver cette instance de dialogue, tout en souhaitant la consolidation de ses prérogatives.
M. Christian Manable, rapporteur du groupe de travail sur la simplification des normes sportives. - C'est précisément ce que nous avons souhaité faire à travers cette proposition de résolution à l'attention du Gouvernement. Nous vous proposerons de la cosigner si vous le souhaitez. La matière étant essentiellement réglementaire, l'instrument de la résolution s'est imposé comme celui le plus adapté à nos propositions.
Pour ce qui concerne la Cerfres, nous souhaitons inviter le Gouvernement à allonger les délais d'examen des projets de règlements fédéraux de deux à trois mois, pour donner plus de temps aux différents acteurs. Il s'agit en particulier de permettre aux fédérations une fertilisation croisée des initiatives et aux collectivités territoriales une meilleure évaluation des impacts financiers des normes nouvelles.
Nous souhaitons sensibiliser les fédérations sportives à la nécessité de bien veiller à laisser aux collectivités territoriales un délai raisonnable pour la mise en conformité de leurs équipements ou infrastructures aux normes nouvelles. Nous recommandons, par exemple, des échéanciers prévoyant une date butoir d'opposabilité des normes nouvelles qui tiennent compte de la taille de la collectivité, des contraintes locales et des réalités territoriales. En somme, nous préconisons plus de progressivité et plus d'adaptabilité.
Nous envisageons également, avec les associations d'élus concernées - AMF, ADF, Régions de France, France urbaine, Assemblée des communautés de France -, un élargissement de la composition de la Cerfres pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités, de plus en plus nombreuses à exercer la compétence sport. C'est une demande forte de cette résolution.
Nous proposons de réfléchir à la création de groupes de travail associant en amont la Cerfres et les fabricants d'équipements sportifs, afin de bénéficier de l'expertise de ces derniers. Je pense à l'exemple ubuesque de la chaise d'arbitre : dans une même salle de sport, on exige, pour la pratique de trois sports de filet différents, trois chaises d'arbitre de hauteur différente.
Nous demandons que la Cerfres puisse se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre la norme obligatoire et non obligatoire. Je pense, par exemple, à tous les labels d'ordre commercial des ligues professionnelles.
Nous demandons que la Cerfres puisse se voir reconnaître un pouvoir d'avis dès lors qu'une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l'exploitation d'un équipement.
Nous demandons que les compétences d'évaluation de la Cerfres soient renforcées, en prévoyant, par exemple, une révision régulière des normes tenant compte de l'expérience des collectivités territoriales.
Nous souhaitons encourager la Cerfres à réactiver la procédure existante de saisine du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), pour que ce dernier puisse examiner tout projet de texte d'une norme fédérale, avant que celle-ci rende son avis définitif. Cette faculté est aujourd'hui largement inutilisée, alors que le CNEN plaide pour une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances.
Enfin, nous souhaitons inciter la Cerfres à s'autosaisir, à la demande d'une collectivité territoriale, d'un problème rencontré concernant une norme fédérale.
M. Dominique de Legge, rapporteur du groupe de travail sur la simplification des normes sportives. - La norme n'a de sens que si elle est au service d'un objectif. Par conséquent, nous proposons une nouvelle lecture de la norme et de sa définition.
La norme doit répondre à deux exigences :
- premièrement, elle doit introduire une exigence de proportionnalité selon les équipements ou la taille des collectivités. Nous devons prévoir des normes qui soient fonction de l'usage réel des équipements. De nombreuses communes sont trop souvent sollicitées pour des normes qui paraissent disproportionnées par rapport aux situations. Par exemple, des investissements sont parfois exigés - relatifs aux bancs de touche, aux barrières de protection entre joueurs et spectateurs, aux capacités d'accueil des stades... - qui n'ont strictement aucun rapport avec le niveau dans lequel évoluent certains clubs.
Cette exigence de proportionnalité des prescriptions s'appliquerait selon qu'il s'agisse de manifestations sportives locales, régionales ou nationales, de sport amateur ou professionnel. Bien souvent, on souhaite appliquer à des pratiques pour amateurs une norme créée, de manière parfaitement justifiée, à partir d'une pratique professionnelle. Cette tendance contribue à l'inflation.
Nous recommandons aussi que le ministère des sports réalise un classement des équipements sportifs au niveau national, afin de permettre une mutualisation au bénéfice des collectivités territoriales ;
- deuxièmement, la norme doit répondre à une exigence d'adaptabilité aux situations. On ne peut pas souhaiter limiter les coûts sans envisager une utilisation pluridisciplinaire des équipements sportifs. Je pense notamment aux salles sportives multi-usages. Tout à l'heure, Christian Manable a cité l'exemple type de la chaise d'arbitre : il est effectivement assez étonnant que celle-ci fasse l'objet d'autant de normes ! Nous devrions pouvoir avancer sur ce point. Les fédérations doivent dialoguer pour assurer la polyvalence et le partage des équipements. Sur ce plan, les marges de progression sont importantes et intéressantes.
L'adaptabilité commande ensuite de réfléchir selon des logiques de subsidiarité et de progressivité dans l'application des normes. Les textes des fédérations sportives devraient se borner à fixer des objectifs, à charge pour les collectivités territoriales d'en définir les modalités d'application. Nous définissons une obligation de résultats, plutôt qu'une obligation de moyens.
Enfin, l'adaptabilité nécessite de prévoir une application différenciée des normes d'homologation. Je pense notamment à l'accessibilité, sujet ô combien sensible. Nous ne vous recommanderons pas d'aller dans le sens d'un allègement des normes trop important. Mais quelle est la signification d'une norme d'accessibilité pour un équipement sportif ? On ne peut gérer de la même façon l'accessibilité du hall d'accueil, des sanitaires et des autres parties publiques et l'accessibilité de la partie de l'équipement dédiée aux joueurs, qui n'a peut-être pas besoin de répondre exactement aux mêmes normes d'accessibilité. Or, si l'ensemble de l'équipement n'est pas accessible, celui-ci est déclaré non conforme.
Nous devons essayer d'avoir une approche de la norme qui soit fonction de l'usage réel des différentes parties du bâtiment, et non une obligation uniforme d'appliquer la norme sur l'ensemble de l'équipement.
Enfin, si ces orientations ne suffisaient pas, il ne faudrait pas s'interdire d'inviter ceux qui prescrivent la norme à participer au surcoût qu'ils génèrent. Les fédérations sportives que nous avons rencontrées nous ont dit qu'elles y participaient déjà. En ce qui nous concerne, nous avons eu l'impression que le montant de leur concours, sauf peut-être pour quelques fédérations, n'était pas à la hauteur des exigences qu'elles nous imposaient.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et pour leurs conclusions réalistes, pragmatiques et applicables. Chacun saura en prendre le meilleur, notamment au niveau de l'exécutif.
M. Philippe Dallier. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail très intéressant.
Si l'on m'avait posé la question du nombre de normes dans le domaine sportif, j'aurais peut-être répondu 1 000, mais jamais je n'aurais soupçonné qu'il en existait 400 000 !
Pourrait-on disposer d'une classification de ces normes sous forme d'un tableau un peu détaillé ? Un tel document pourrait être très utile aux élus locaux, ne serait-ce que pour leur permettre de sensibiliser nos clubs sportifs à la question. Je ne sais combien de fois on a essayé de me convaincre qu'une mise aux normes était absolument obligatoire pour qu'un club puisse continuer à jouer. J'ai toujours tenu bon... et l'on joue toujours au football dans ma commune !
Je n'aurais jamais pensé non plus que le coût des normes dans ce secteur puisse s'élever à 6 milliards d'euros. Quelle diminution de ce coût peut-on raisonnablement espérer de vos recommandations ? C'est la question que nous nous posons tous. Une baisse de 10 % ferait déjà gagner 600 millions d'euros à nos collectivités territoriales, ce qui ne serait pas si mal.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Je veux saluer la manière dont nos rapporteurs ont abordé la question. Je me félicite qu'ils ne soient pas partis du postulat qu'il faut, a priori, alléger les normes. Nous connaissons bien le sujet de l'excès de normes, et nous avons peut-être parfois tendance à exagérer un peu ce phénomène, tant il est prégnant pour les élus locaux. Cependant, nous savons bien aussi que la norme peut être protectrice pour les élus.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Vous avez raison. D'ailleurs, au début de nos réflexions, nous avions abordé le sujet à travers le prisme des normes.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Par ailleurs, les préconisations sont de bon sens et bâties sur la concertation entre les élus, les pouvoirs publics et les praticiens du sport. Comme l'a dit Philippe Dallier, les élus locaux sont soumis à des pressions de la part des clubs sportifs. Il est positif de les associer à cette réflexion.
La proposition de résolution est l'exemple même du travail intelligent que peut faire notre délégation, et qu'elle fait d'ores et déjà. Je tiens à le saluer.
Mme Sonia de la Provôté. - Il faut travailler sur le sujet des normes sportives. En effet, le coût que représentent les changements de normes, par exemple sur l'éclairage des terrains de football, est proprement hallucinant, même pour le sport professionnel. Tout récemment, des incidents ont poussé à l'édiction de nouvelles normes sur les tribunes. Il a fallu révolutionner les équipements complets. C'est un sujet en soi.
Il est un peu compliqué de transiger sur les normes de sécurité en les adaptant suivant la taille de la commune ou de l'équipement. Sur ce plan, la marge de manoeuvre est réduite. Cependant, un peu de nettoyage ne nuirait pas car certaines normes sont contradictoires entre elles.
L'accessibilité est un sujet très politique, que ce soit pour le handisport ou dans le public. Réfléchir à une moindre accessibilité sur certaines parties strictement sportives de l'équipement est difficile à défendre actuellement : l'inclusion est un postulat sur tous les équipements publics, et l'accessibilité en constitue un préalable, mais elle est coûteuse. Si la partie sportive d'un équipement n'est pas mise aux normes, cet équipement ne pourra pas accueillir de compétition handisport.
Mme Michelle Gréaume. - J'ai été très satisfait de ce travail. Les fédérations imposent souvent des normes avec des dates butoir, et menacent de ne plus organiser de compétition sur le territoire. Mettre à contribution les fédérations pourrait limiter ces exigences exagérées. Proposer un temps de réflexion allongé est une bonne proposition. Souvent, on va trop vite.
M. Bernard Delcros. - Je m'associe aux remarques de Mme Perol-Dumont. Vous avez une bonne approche, très pragmatique : adapter les normes à la réalité des usages et du terrain. Parfois, l'application des mêmes normes partout est incompréhensible et inexplicable. Une approche pragmatique et réaliste peut aboutir.
Mme Patricia Schillinger. - Merci pour ce travail. Le sport est bon pour la santé, mais il est lourd à supporter pour les collectivités territoriales ! Il faut étudier également les normes européennes qui s'appliquent sur nos territoires. Lorsqu'il faut changer l'intégralité du matériel, les communes n'ont pas toujours la possibilité ni les moyens de le faire. Attachons-nous aussi aux contrôles des normes de sécurité sur le territoire : un stade de football en Alsace ne doit pas répondre aux mêmes contraintes qu'un stade dans les Landes... Qui contrôle ?
Dans ma commune de 3 400 habitants, avec une équipe jouant en division d'honneur, il a fallu investir plus de 100 000 euros pour moderniser le stade, et notamment créer un tunnel pour aller sur le terrain, alors qu'il n'y a souvent que quelques spectateurs !
M. Antoine Lefèvre. - Le sujet est complexe. Vos propositions sur l'adaptabilité, la mutualisation et la proportionnalité sont intéressantes. Nous sommes effarés des conséquences engendrées par des normes complexes et parfois absurdes. Communiquons mieux sur ces incohérences : les fédérations et les sportifs n'en ont pas forcément conscience. Comme le disait Philippe Dallier, obtenons les chiffres et partageons-les dans les conseils d'administration dont nous sommes membres. Dans ma commune, à peine deux ans après avoir inauguré une nouvelle salle, il a fallu refaire le marquage car les règles d'une discipline avaient changé... Et nous avons été obligés d'aménager une tribune de presse en hauteur dans les tribunes, dans laquelle les journalistes ne viennent pas, car elle est trop éloignée du terrain de football puisqu'il y a une piste d'athlétisme tout autour... Au-delà de ces deux exemples d'aberrations, certains coûts supplémentaires deviennent démesurés lorsqu'ils sont mis bout à bout. Quand les communes ont fait un effort financier et qu'elles se rendent compte que l'équipement n'est pas adapté et mal utilisé, c'est de la gabegie d'argent public !
M. Jean-Marie Bockel, président. - Ancien maire, j'ai connu tout cela durant vingt ans...
M. François Grosdidier. - Je salue le travail réalisé ainsi que les propositions. Nous avons tous des expériences d'élu local. Dernièrement, dans une petite commune, nous avons dû reprendre le chantier d'un vestiaire pour les arbitres afin de le mettre aux normes pour les non-voyants. Je n'ai jamais vu d'arbitre non-voyant !
Les collectivités ne sont pas les seules concernées par ces normes. L'armée a été obligée de mettre ses simulateurs de vol pour Rafale aux normes d'accès pour les personnes à mobilité réduite. Chacun sait qu'il y a des pilotes de chasse à mobilité réduite ! On pourrait faire un bêtisier de l'accessibilité... Le sujet est délicat ; dès que nous voulons nuancer ou être plus raisonnable dans la mise en oeuvre, on nous accuse de vouloir abandonner l'objectif d'une accessibilité intégrale...
Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas voté l'article 1 de la proposition de loi d'Éric Doligé, qui prévoyait de soumettre les normes au principe de proportionnalité et d'adaptation au contexte local. C'était du bon sens et de la réactivité.
Nous sommes tous confrontés à ces difficultés. Certains maires en viennent à souhaiter que leur équipe perde pour ne pas monter de division et devoir équiper davantage le stade...
M. Michel Dagbert. - Je me réjouis de l'approche choisie, en concertation avec les fédérations sportives et les collectivités locales. Le débat est parfois difficile avec les fédérations, car elles ont souvent la tâche facile. C'est hypocrite... Les dirigeants, souvent bénévoles, viennent pleurer à la mairie en invoquant tous les risques pour l'avenir de leur club si la commune n'investit pas. Cela risque de pénaliser les pratiquants adultes, les scolaires et la jeunesse. Nous devons continuer de dialoguer avec les fédérations.
L'intercommunalité est un phénomène majeur. Si chaque commune est attachée à gérer ses propres équipements, il faudrait réfléchir aux usages. Ainsi, mon établissement public de coopération intercommunal (EPCI) est passé de 65 à 120 communes, pour 300 000 habitants. Vestiges historiques, chacun a sa salle de sport, son terrain de football, avec des pratiques et des fréquentations variées. Certaines communes pourraient avoir des usages fléchés. À 3 km de chez moi, il y a deux complexes sportifs et un club de handball de bon niveau. Il faudrait que 60% des plages horaires dans le complexe le plus adapté soient consacrées au handball, car les contraintes pour les équipes jouant en championnat sont plus importantes. Cela sera source d'économies pour les années à venir. Je doute que les élus puissent régénérer l'ensemble de ces salles. Ouvrons ce sujet, comme nous l'avons fait sur les piscines, qui sont désormais des ouvrages communautaires. Sans parler d'intérêt communautaire des équipements sportifs, coordonnons les usages pour une meilleure utilisation de l'argent public.
M. Pascal Savoldelli. - Ce rapport m'aurait aidé dans mes anciennes fonctions d'adjoint au sport dans une ville de 60 000 habitants. Partageons ce travail avec l'ensemble des élus. Les collectivités assurent aussi le sport scolaire et il n'est pas simple, pour une commune, d'articuler l'usage des bâtiments sportifs à des fins scolaires et de compétition - sans forcément qu'elle soit de très haut niveau.
Le multi-usage a ses limites : certes, les tracés sont proches pour le football et le handball en salle, avec la même zone de penalty, mais ne tordons pas trop les choses pour n'utiliser qu'un seul et même équipement...
M. Jean-François Husson. - Législateurs, nous sommes responsables du poids de la norme, y compris en cas de problème. À Amiens, les caméras n'ont pas cherché le règlement de la fédération, mais l'élu, qui n'est pas forcément propriétaire de l'équipement. Soyons extrêmement rigoureux dans notre volonté d'élus pragmatiques et de bon sens. Même en cas d'incident, la responsabilité et la norme s'appliquent avec la même sévérité, voire avec brutalité. Nous ne pouvons pas déroger à la loi et à la règlementation.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci de porter ce débat à un niveau sociétal, voire philosophique. Nous ne sommes pas seulement en relation avec les associations et les fédérations. Nous le sommes aussi avec nos concitoyens, qui ont des demandes contradictoires - peut-être plus qu'avant : ils veulent de la sécurité, mais aussi l'économie des deniers publics... Cela rappelle la mise aux normes des installations de jeux pour enfants, qui a coûté très cher. Certes, ces espaces ont été améliorés, mais nous n'avons pas fait disparaître tous les accidents...
M. Dominique de Legge, rapporteur. - Soyons clairs : nous ne souhaitons pas, et ne souhaiterons jamais, remettre en cause les normes de sécurité. Il en va de la responsabilité des maires. Si vous cherchez un responsable, vous le trouverez toujours.
J'entends vos remarques sur l'accessibilité : dans une commune de 1 500 habitants, obliger à mettre des indications en braille sur la porte du vestiaire de l'arbitre est absurde. La probabilité d'avoir un arbitre non-voyant, même pour du handisport, est faible !
Dans ma commune, deux salles de sport sont communicantes. L'une est aux normes et l'autre non, mais le seul fait qu'elles communiquent a pour conséquence que l'ensemble est considéré ne pas être aux normes. Il faudrait un espace entre les deux... Faisons preuve de bon sens.
L'objectif n'est pas de supprimer ou d'alléger des normes par principe, mais de rendre celles-ci utiles et efficaces. C'est un message politique à faire passer, qui s'applique à la sécurité et à l'accessibilité.
C'est l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) qui cite ce chiffre de 400 000 normes, lesquelles vont de l'épaisseur de la ligne du cours de tennis à des normes plus lourdes en termes d'accessibilité et de sécurité. Il faudrait que nous rédigions, avec le ministère et l'Andes, un ouvrage éclairant les élus sur ce qui est indispensable et ce qui l'est moins.
Monsieur Dagbert, il faut travailler à la fois sur la mutualisation géographique à l'échelle des EPCI et sur la polyvalence de plusieurs équipements. À un niveau modeste, une commune ne doit pas avoir à respecter tous les canons de la fédération !
M. Christian Manable, rapporteur. - Vous avez parfaitement compris l'esprit de la résolution, pragmatique, réaliste, et qui insiste sur la notion d'adaptabilité selon les circonstances et le niveau de la compétition.
Nous serions tentés de faire appliquer le principe prescripteur-payeur aux fédérations qui ont des exigences, mais les médias exigent parfois un certain niveau d'éclairage au sol pour retransmettre les matchs...
Il est parfois exagéré d'exiger un vestiaire d'arbitre homme et un vestiaire d'arbitre femme dans les stades des petites communes, alors que souvent, vu le niveau de la compétition, il n'y a qu'un seul arbitre durant le match ! Et dans mon district de la Somme, il n'y a qu'1 % d'arbitres femmes...
Lorsque je présidais le département de la Somme, nous cherchions à avoir un maillage cohérent des piscines, même si chacun voulait en avoir une. La natation est une discipline obligatoire à l'école primaire, nous avons donc cherché à ce qu'aucune piscine ne soit située à plus de 20 km de l'école. Auparavant, certaines piscines étaient très rapprochées, à côté de véritables déserts sportifs... Il faudrait un plan natation pour rationaliser l'implantation de ces équipements.
M. Daniel Chasseing. - Que dites-vous également de la norme obligeant à un sanitaire handicapé pour l'arbitre ?
M. Jean-Marie Bockel, président. - Cela me semble moins pire que les inscriptions en braille...
M. Michel Savin, rapporteur. - La situation financière des collectivités n'est plus celle d'il y a quelques années... Les collectivités ont de plus en plus de mal à financer des équipements sportifs. Il faut travailler plus en souplesse avec les fédérations et les services de l'État. Il faut du dialogue, de la souplesse et du bon sens.
Lorsqu'une commune de 5 à 15 000 habitants possède deux ou trois gymnases, n'obligeons pas à ce que tous les équipements soient accessibles aux personnes handicapées ! Ayons le réflexe d'adapter les normes à l'échelle pertinente du territoire.
Il faut débattre avec la fédération en cas de montée en division d'un club car l'aléa sportif existe. Les collectivités sont sous pression pour investir en cas de montée mais, un an après, le club peut également redescendre. Il faudrait trouver des ajustements. Si le club se maintient durant deux ou trois ans, alors cela vaudrait le coût d'investir...
M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci pour la qualité de ce travail et de ces échanges. Nous avons travaillé étroitement avec les commissions permanentes compétentes. Nous attendons en contrepartie qu'elles respectent la transversalité et la spécificité de notre délégation ; c'est un combat permanent mais amical...
Notre réunion sur le Grand Paris prévue la semaine prochaine doit être reportée, car certains partenaires ne seront pas disponibles.
Un travail sur le statut de l'élu a été engagé par le Bureau du Sénat à la demande du président Larcher, qui nous demande de commencer les travaux avant la Conférence nationale des territoires afin de pouvoir émettre, à cette occasion, des remarques de méthode.
Nous nous réunirons peut-être avant Noël pour faire un suivi étroit de la Conférence nationale des territoires et pour suivre le programme de travail que nous avons défini ensemble. Chacun pourra s'impliquer et proposer un rapport d'information.