- Mardi 7 novembre 2017
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Travail et emploi » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Audition de M. Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes
- Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Audition de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
- Mercredi 8 novembre 2017
- Projet de loi de finances pour 2018 - Examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2018 - Tome I du rapport général
- Régime fiscal et rentabilité des biens immobiliers des particuliers - Communication
- Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Examen du rapport
- Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen des amendements de séance sur le texte de la commission
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural » (et articles 49, 49 bis et 49 ter) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Investissements d'avenir » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2018 - Audition de M. Jean Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
- Jeudi 9 novembre 2017
- Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen d'une motion et d'un amendement
- Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Examen des amendements de séance
- Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen d'un amendement de séance
Mardi 7 novembre 2017
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Examen du rapport pour avis
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une pièce importante du dispositif mis en place par le Gouvernement pour ramener le déficit effectif à 0,2 % du PIB en 2022, contre 3,4 % du PIB en 2016, conformément à la trajectoire qui a été prévue par la loi de programmation des finances publiques.
Compte tenu de la baisse des prélèvements obligatoires prévue au cours de la période, l'effort de redressement des comptes publics reposerait exclusivement sur la maîtrise active de la dépense publique.
Or les administrations de sécurité sociale (ASSO) représentent environ la moitié des dépenses publiques. La trajectoire des administrations de sécurité sociale revêt donc une importance capitale.
Alors que le respect de la trajectoire de dépense du Gouvernement implique la mise en oeuvre d'un plan d'économies d'environ 80 milliards d'euros au cours du quinquennat, 36 milliards d'euros devraient être portés par les administrations de sécurité sociale. La part très importante des économies portée par les ASSO serait donc en ligne avec leur poids dans la dépense publique.
Dans le champ des organismes de sécurité sociale, un effort de consolidation important est prévu en 2018, conditionnant le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale à l'horizon 2020.
Le régime général retrouverait un solde excédentaire en 2018 de 1,2 milliard d'euros. Toutefois, il convient d'intégrer les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour disposer d'une image plus fidèle des comptes sociaux. Or celui-ci est toujours déficitaire, malgré le transfert du minimum contributif à la branche vieillesse réalisé en 2017. Ainsi, le déficit du régime général et du FSV s'élèverait à 2,2 milliards d'euros en 2018, soit une réduction du déficit de 2,7 milliards d'euros par rapport au solde de 2017. Il s'agit d'une consolidation du même ordre de grandeur que les années précédentes.
De façon rétrospective, l'amélioration des soldes à l'intérieur de cette courbe assez linéaire est très hétérogène entre les branches : elle a principalement porté sur les branches famille, au prix d'une mise en cause de la politique familiale, et vieillesse, grâce à la réforme des retraites de 2010. Le déficit de la branche maladie enregistré en 2016 par le présent projet de loi de financement ne s'améliore que de 1 milliard d'euros et de 700 millions d'euros en 2017. L'amélioration précaire des comptes sociaux n'a donc pas permis comme annoncé le retour à l'équilibre du régime général en 2017, dont le solde est toujours déficitaire de 1,6 milliard d'euros.
De façon prospective, la réduction prévue des déficits repose notamment sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses d'une forte dynamique de la masse salariale du secteur privé, notamment par la réduction du chômage.
Le fait que près de la moitié des économies attendues sur le quinquennat relèvent de la sphère sociale est plutôt inquiétant. S'agissant des organismes de sécurité sociale, les économies attendues pour 2018 reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, comme les mesures du plan ONDAM 2015-2017, aux effets inégaux et limités, qui ressortent dans le graphique n°6. Ces prévisions de réduction des dépenses ne sont pas réellement pérennes, mais plutôt liées à des opérations one shot. De plus, ces prévisions intègrent des mesures de gestion non reconductibles comme la maîtrise des dépenses de gestion courante ou le décalage de la date de revalorisation des pensions.
Dans un contexte de relèvement de l'ONDAM à 2,3 % jusqu'en 2020 - il était à 2,1 % l'an dernier - et de dynamisme à venir des prestations de retraite et des dépenses d'assurance maladie, la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale d'ici 2020 paraît optimiste. Les chiffres annoncés pour les années à venir prévoient un retour à l'équilibre très rapide, voire des excédents et l'apurement total de la dette en 2024. Un tel optimisme nous laisse quelque peu songeurs compte tenu des besoins en termes de santé, d'autant que la réforme du régime des retraites n'est pas encore à l'ordre du jour.
Pourtant, c'est sur cette trajectoire de redressement que compte le Gouvernement pour apurer les déficits portés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), c'est-à-dire les 20 milliards d'euros de « dette » du régime cumulés en 2017 qui n'ont pas été transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
S'agissant de la dette sociale portée par la Cades, l'amortissement qu'elle réalise est plutôt efficace, dans un contexte de faibles taux de refinancement, ce qui rend « probable » la perspective de son apurement d'ici à 2024 si le différentiel de taux d'intérêt entre les emprunts remboursés et les emprunts nouvellement contractés se maintient dans les années à venir. Il reste encore 121 milliards d'euros à amortir, sachant que la Cades en a déjà amorti 140 milliards, conformément aux prévisions réalisées voilà plusieurs années.
Les recettes font l'objet de plusieurs mesures significatives : deux d'entre elles sont examinées avec une attention plus particulière par la commission des finances.
La première traduit l'engagement du Président de la République de modifier structurellement le financement de la sécurité sociale, en élargissant son mode de financement, qui repose à l'heure actuelle majoritairement sur les revenus du travail. Nous approuvons cette orientation, même si nos propositions sont différentes de celles du Gouvernement.
En contrepartie d'une hausse de 1,7 point du taux de CSG, comme le propose le Gouvernement, la mesure proposée consiste à supprimer les cotisations salariales d'assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en deux temps en 2018. Je vous renvoie au rapport pour le détail des mesures de compensation prévues pour les autres catégories d'actifs, mais concrètement, nous allons supprimer l'équivalent de 3,15 % de charges patronales sur le montant brut du salaire d'un salarié du secteur privé, soit 2,2 % au mois de janvier, dont la totalité des retenues pour l'assurance maladie et une partie des cotisations chômage, la suppression de ces dernières étant prévue en octobre 2018.
Je suis favorable à la hausse de la CSG, qui est un impôt universel. Cette mesure me semble satisfaisante, à l'exception des retraités qui ne bénéficient d'aucune mesure de compensation contrairement aux salariés. En outre, elle s'ajoutera au gel des pensions de retraite, à savoir une année blanche qui résultera du report de la revalorisation des pensions.
Les retraités concernés sont ceux qui sont assujettis au taux plein de CSG. Cela équivaut à une pension mensuelle de 1 286 euros pour les moins de 65 ans, et 1 392 euros pour les plus de 65 ans. On peut difficilement qualifier ces personnes de retraités « riches ». Or ils prennent de plein fouet la hausse de 1,7 point du taux de CSG, et ce sans aucune compensation. Pour une personne seule de plus de 65 ans percevant 1 440 euros de pension mensuelle, cette augmentation représente une perte de revenus de 27 euros par mois, soit 324 euros par an. Ce sont 60 % des retraités, soit 8,2 millions de personnes qui se verront appliquer dès le 1er janvier 2018 une augmentation de la CSG.
Je vous propose donc la suppression de la hausse de la CSG sur les retraités concernés.
La deuxième mesure prévoit, pour 2019, d'instaurer un allégement permanent de cotisation patronale maladie de 6 points, en contrepartie de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) prévue pour 2019, et ramené à 6 % pour les revenus de 2018. Un renforcement du dispositif des allégements généraux est également prévu.
Je suis également favorable à la transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales. La réduction pérenne des charges me semble une bonne mesure, quand le CICE s'apparentait à une subvention aléatoire. L'État a récupéré 1 % au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 %, et non de 7 %. Je ne propose pas à la commission de revenir sur ce dispositif, car le principe même de la compensation nous paraît satisfaisant.
De plus, le renforcement des allégements généraux est plutôt bienvenu. Je rappelle que les cotisations patronales expliquent en partie, vous en conviendrez tous, les différences de coûts horaires moyens de la main-d'oeuvre entre pays européens. Cette mesure devrait favoriser notre compétitivité.
J'en viens à la présentation de la situation financière de chaque branche.
La branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes. Son solde serait de - 4,1 milliards d'euros en 2017, mais de - 0,8 milliard d'euros en 2018. Elle serait de nouveau la seule branche déficitaire en 2018. L'ONDAM est relevé à 2,3 % en 2018, ce qui nécessite 4,2 milliards d'euros d'économies. Je regrette toutefois que les économies attendues proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en oeuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats limités.
La branche vieillesse enregistrerait un solde positif de 200 millions d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre ne serait que temporaire, et traduit les derniers effets de la réforme engagée en 2010. Néanmoins, les dépenses de la branche vont repartir à la hausse. Il serait utile de remettre ce sujet sur la table. Sinon, le déficit de la branche va remonter à 3 milliards d'euros en 2022.
Excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) devrait présenter un excédent de 500 millions d'euros en 2018.
Enfin, après un déficit record de 3,2 milliards d'euros en 2013, le solde de la branche famille serait excédentaire de 1,3 milliard d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre s'explique essentiellement par le biais de modifications des conditions d'attribution des prestations familiales.
Je souhaite mettre en évidence le trait commun des mesures proposées en dépenses sur les branches famille et vieillesse de ce projet de loi de financement. Sur ces deux branches, des mesures nouvelles en dépenses sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d'économies, prises au détriment des familles et des pensionnés.
Le Gouvernement propose ainsi une revalorisation du minimum vieillesse, financé par le FSV. Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, sera progressivement porté de 803 à 903 euros par mois d'ici à 2020. Cette mesure coûtera 115 millions d'euros en 2018. En même temps, sous prétexte d'une volonté « d'unifier » les dates de revalorisation de versement des pensions et du minimum vieillesse, l'alignement de ces revalorisations au 1er janvier conduit à repousser de trois mois la date de revalorisation des pensions de retraite et donc à une année blanche en 2018. Cette mesure représente une économie de 380 millions d'euros pour la branche vieillesse en 2018.
De même, l'augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde pour les 44 000 familles concernées coûterait 40 millions d'euros d'ici à 2022. En même temps, le montant et les plafonds d'éligibilité de la prestation d'accueil du jeune enfant, la Paje, sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. À titre d'exemple, un jeune couple d'instituteurs perdrait ainsi le droit à près de 2 000 euros d'allocations l'année suivant la naissance de son premier enfant. Cette mesure devrait permettre d'économiser 500 millions d'euros par an à compter de 2022.
Tels sont les quelques éléments sur lesquels nous opposons notre désaccord. Je vous propose donc la suppression de l'abaissement du montant et des plafonds de la Paje.
En conclusion, mes chers collègues et sous réserve de l'adoption des deux amendements annoncés, je vous propose de donner un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dont la commission des finances s'est saisie.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir établi la synthèse du budget de la sécurité sociale, dont le poids, parmi les budgets publics, est très important. Il en est du projet de loi de financement de la sécurité comme du projet de loi de finances : concrètement, le Gouvernement compte plus sur la spontanéité des cotisations que sur les réformes de structure pour améliorer les soldes.
Je me concentrerai sur la question de la CSG et de la baisse des charges.
À l'instar du rapporteur pour avis, je suis très favorable à la baisse des charges. Je considère que le CICE était une erreur, car il n'était pas affecté. En outre, d'après les comparatifs internationaux et les études des cabinets d'audit, le coût du travail et le poids des cotisations sont les plus élevés en France. La priorité était donc à la baisse de charges. Cette mesure va dans le bon sens. En revanche, j'ai un peu plus de mal à comprendre les moyens prévus pour financer cette baisse de charges. Appartenant à une majorité qui avait voté la TVA compétitivité dont le corollaire était la baisse des charges, je persiste à croire que la TVA est une piste bien meilleure. En effet, l'impact de cette taxe frappe largement les produits importés. De plus, la France se situe plutôt dans la moyenne basse des taux européens. Son augmentation est envisageable dans les périodes de faible inflation, lorsque la concurrence va absorber une partie des hausses de TVA. De nombreux pays y ont eu recours. C'est sans doute le seul moyen, dans une économie ouverte, de taxer les importations.
Néanmoins, l'augmentation de la CSG alimentant une baisse des charges ne doit pas déclencher de fortes critiques, dans la mesure où ce dispositif est neutre, voire positif pour les salariés. En revanche, la question reste ouverte pour les retraités, qui ne bénéficient pas de baisse de cotisations, ne sont pas forcément éligibles à la baisse de la taxe d'habitation, donc, en clair, sont victimes purement et simplement de la hausse de la CSG.
C'est la raison pour laquelle je soutiendrai pleinement l'amendement à l'article 7 déposé par le rapporteur pour avis. Autant on peut porter un regard différent sur la délocalisation, qui va dans le sens de la compétitivité des entreprises, autant on peut regretter que cela soit mis en oeuvre par la voie de la CSG.
M. Vincent Delahaye. -Je souhaiterais poser trois questions.
La première porte sur les économies qui sont demandées sur la période. À priori, les 36 milliards d'euros sur les 80 milliards d'euros sont calculés en tendanciel. De quoi s'agit-il exactement ? Comment les retrouve-t-on sur la période ? Le tendanciel qu'il est demandé aux collectivités représente 1,2 %. Qu'en est-il de l'État ? Il serait souhaitable que la commission des finances clarifie ces points avant les discussions en séance publique.
La deuxième question porte sur l'apurement de la dette. Le rapporteur pour avis a l'air optimiste, et j'aimerais partager ce sentiment. Le Gouvernement souhaiterait, à partir de 2019, profiter des excédents de la sécurité sociale pour abonder le budget de l'État. Cet éventuel prélèvement ne remettrait-il pas en question l'apurement de la dette sociale ?
Ma troisième question a trait à la CSG. Son augmentation s'appliquerait aux retraités percevant 1 400 euros par mois. Quant au dégrèvement de la taxe d'habitation, jusqu'à quel seuil de revenu s'appliquerait-il ?
M. Julien Bargeton. - Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir présenté ces points d'accord avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je note que, comme souvent, on se dit favorable à la maîtrise de la dépense publique, mais qu'ensuite très peu de mesures d'économies trouvent un écho favorable. Or s'il faut faire des économies en général, il faut bien en faire aussi en particulier.
Le financement est un rééquilibrage entre les actifs et les inactifs, et aussi entre le travail et le capital via la CSG, taux le plus élevé s'appliquant aux revenus du capital. Les retraités vont tout de même bénéficier de la baisse de la taxe d'habitation, pour 35 % d'entre eux - je le dis de mémoire -, si l'on compte la hausse de la CSG et la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages.
Enfin, sur l'universalité et la dévitalisation de la branche famille, la politique n'est pas nouvelle, puisque la volonté de concentrer les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin s'était déjà manifestée. Je souligne notamment le renforcement des aides en faveur des familles monoparentales. Il est très important d'aider ces familles, notamment pour retrouver un emploi.
M. Jean-François Rapin. - Ma question est simple et pratique : existe-t-il un dispositif qui exonère les retraités vivant en maison de retraite de l'augmentation de la CSG ?
M. Philippe Dallier. - Ma question concerne également l'application de la CSG aux retraités. Dans le document que vous nous présentez, une colonne comprend le revenu fiscal de référence et les deux autres le niveau de pension au-delà ou en deçà de 65 ans.
Qu'entend-on par niveau de pension ? L'ensemble de ce qui est perçu au régime général et aux régimes complémentaires : c'est en agrégeant le tout que l'on pourrait savoir si le seuil est dépassé en fonction de l'âge.
Pour ce qui est de la référence au revenu fiscal de référence, deux seuils différents seraient pris en compte pour l'application de la mesure. Tout cela n'est pas très clair. De nombreux retraités m'interrogent pour savoir s'ils vont être concernés par la hausse de 1,7 %. Honnêtement, j'ai du mal à leur répondre. Pourriez-vous nous éclairer sur la façon dont les deux colonnes doivent être interprétées ?
M. Bernard Delcros. - Le rapporteur pour avis a-t-il évalué le coût de la mesure proposée dans l'amendement, à savoir la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités ?
M. Pascal Savoldelli. - Mon intervention sera plus une explication de vote qu'un questionnement.
La CSG rapportera 122 milliards d'euros en 2018, les exonérations de cotisations sociales 45 milliards d'euros, à quoi s'ajoutent 21 milliards d'euros du fait de la transformation du CICE.
Nous sommes contre la hausse de la CSG, ce n'est pas une révélation, au-delà du principe même de la CSG que nous réfutons. C'est pourquoi nous allons voter un amendement sur lequel nous ne raisonnons pas du tout de la même manière. Mais l'essentiel est que chacun puisse s'exprimer. Je comprends l'intention qui sous-tend la hausse de la CSG, mais quelle sera son incidence sur la pension mensuelle d'un retraité ? En moyenne, si l'on tient compte du régime général et des complémentaires, un retraité paiera 440 euros. On pourrait se rassembler sur ce point, si l'on omettait les 11 vaccins obligatoires, qui coûteront 360 euros à nos concitoyens.
Quant à l'hôpital, il bénéficiera de 1,2 milliard d'euros en moins. Comment allons-nous expliquer que notre vote a entraîné une réduction des moyens alloués aux hôpitaux ? Ce n'est pas un projet idéologique, en fonction du lieu d'implantation de l'hôpital. En l'espèce, il existe des passerelles entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
Cette explication de vote est destinée à éviter toute confusion des genres. Le débat en séance publique sera l'occasion de débattre ensemble de ces sujets.
M. Marc Laménie. - Je m'interroge sur la lutte contre la fraude, par branche. Ce phénomène est très difficile à quantifier. Le rapporteur pour avis a-t-il un avis circonstancié en la matière ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Je m'interroge sur le lien entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, nous avons constaté une période difficile entre 2018 et 2019 qui provient de la transformation du CICE en baisse de charges. Je suis totalement favorable à cette mesure structurelle, contrairement au crédit d'impôt qui était conjoncturel et pouvait de ce fait être remis en cause beaucoup plus facilement. Néanmoins, cela va entraîner une modification des bases imposables, donc un surplus, avec un an de décalage, de l'impôt sur les sociétés. Ces liens ont-ils bien été chiffrés dans le processus de transformation du CICE en baisse de charges ? Certes, des abus ont été commis. Certains responsables politiques et patronaux ont même déclaré que cette transformation contribuait à l'augmentation du coût horaire du travail, ce qui est totalement aberrant !
M. Claude Raynal. - Les tableaux qui nous sont présentés montrent un redressement très significatif, durant les cinq dernières années, des comptes de la sécurité sociale, jusqu'à des résultats jamais atteints par le passé. Il convient également de rappeler que ce redressement a été réalisé sans retentissement sur la qualité du service ni déremboursement de médicaments, comme cela avait cours fréquemment au cours des périodes antérieures. Une telle amélioration était pourtant considérée comme quasiment impossible.
Lors d'une analyse prospective, il faut d'abord revenir sur quelques éléments qui permettent de comprendre notre orientation. Nous constatons un certain nombre de reculs parmi les propositions du Gouvernement afin de trouver des recettes nouvelles, et nous le regrettons. Je pense en particulier à l'alignement du plafond et du montant de la Paje, de la modération de la progression du Fonds national d'action sanitaire et social (FNASS).
Concernant la CSG, nous vous suivrons, monsieur le rapporteur pour avis, car le seuil retenu pour considérer qu'un retraité est suffisamment riche nous paraît extrêmement faible. L'inquiétude des retraités est légitime, car ils ont apporté une large contribution financière et connaissent une situation très difficile par rapport à leurs aînés et leurs enfants. La solidarité familiale doit jouer. Demander un nouvel effort aux retraités nous paraît disproportionné.
Par ailleurs, on ne peut pas décider la baisse de la taxe d'habitation pour certains et pas pour d'autres, annulant l'effet de la CSG.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Je souhaiterais poser une question sur les recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un article du journal Le Monde écrit par un chercheur économiste de Berkeley s'attache aux conséquences de la mise en place de la flat tax, avec un transfert potentiel d'une part de la rémunération des dirigeants vers des revenus de type dividendes, en vue d'une forme d'optimisation fiscale. Or cela aboutirait à une baisse des cotisations, estimée à environ 10 milliards d'euros par an, et donc potentiellement à de moindres recettes inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette question est préoccupante au regard de l'équilibre proposé. Sur le reste, je rejoins la position de Claude Raynal.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Je souhaiterais au préalable formuler quelques considérations générales.
Des interactions toujours plus nombreuses apparaissent entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Aujourd'hui, de plus en plus de décisions prises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale trouvent leur conclusion dans le projet de loi de finances. Ce phénomène s'amplifie, ce qui correspond notamment à un refinancement par l'État d'un certain nombre de dépenses de santé qui étaient auparavant exclusivement financées par un système contributif fermé.
Je ne répondrai pas directement à la question portant sur la flat tax, car ce sujet relève du projet de loi de finances.
Pour ce qui est de la CSG et de la TVA, j'étais personnellement plutôt favorable à la TVA, mais nous n'avons pas les moyens de tout réécrire. Il convient donc d'accepter le principe de la CSG, tout en essayant d'en diminuer les effets néfastes, notamment concernant les retraités. La TVA est un outil de compétitivité, un impôt beaucoup plus juste et proportionnel qu'on ne veut le dire.
Claude Raynal a souligné la façon dont nous avons travaillé. Il a reconnu que mon analyse était plutôt équilibrée, je lui donne aussi acte d'avoir constaté une réduction du déficit global de notre modèle social au cours des cinq dernières années. C'est d'ailleurs ce qui me conduit à être relativement modéré dans la contestation des prévisions, même si elles me paraissent très optimistes, dans la mesure où la trajectoire est quasiment identique sans recettes nouvelles ! Ma crainte est que les anciennes recettes soient à bout de souffle pour les cinq années à venir, et que l'on soit « à l'os » sur des mesures qui ne produiront pas les mêmes effets.
Nous devons donc être attentifs par rapport à ces prévisions. Dans le même temps, celles-ci se fondent sur les cinq années précédentes qui viennent de s'écouler à un rythme presque identique : là où la réduction du déficit était de l'ordre de 2 milliards d'euros de déficit par an, on se situe plutôt entre 3 milliards et 4 milliards d'euros.
Comment retrouve-t-on les 36 milliards d'euros ? Sur la base de quels critères ? Le Gouvernement ne nous a pas transmis les prévisions d'évolution tendancielle des dépenses. Il s'agit d'un quantum d'économies calculé par la commission des finances à partir des prévisions d'évolution tendancielle des dépenses de la Cour des comptes.
Mes prévisions optimistes sur l'apurement de la dette concernaient la Cades. Sous réserve de maintenir la dette de la Cades à périmètre constant et si les taux d'intérêt ne se mettent pas à flamber, la réduction de la dette devrait être effective d'ici 2024.
Quant à l'exonération de la taxe d'habitation, elle ne concernera que les retraités qui ont moins de 2 500 euros de revenus.
M. Vincent Delahaye. - La hausse de la CSG sera donc couverte pour les retraités jusqu'à 2 500 euros de revenus ?
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Oui.
Julien Bargeton, il y a économies et économies. Nous réclamons des économies structurelles dans la mécanique du fonctionnement de l'État, pas des économies qui consisteraient en une réduction de prestations. Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord. En ce qui concerne la politique familiale, je reste attaché à l'universalité des prestations.
Je dirai à Jean-François Rapin que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comporte aucun dispositif qui concernerait spécifiquement les retraités en maison de retraite. En revanche, il y a des éléments sur ce sujet dans le projet de loi de finances.
Je précise à Philippe Dallier que les 1 200 euros intègrent les revenus complémentaires.
Pascal Savoldelli, on évalue à 4,5 milliards d'euros le coût de la suppression de l'augmentation du taux de la CSG pour les retraités. Compte tenu de l'interpénétration du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, il faudra trouver ce même montant d'économies dans le projet de loi de finances. Pour l'instant, nous gageons sur le tabac. Nous verrons au fur et à mesure.
Je confirme à Marc Laménie que la fraude mérite effectivement qu'on s'y intéresse. Les mesures qui sont mises en place sont assez peu pertinentes.
M. Vincent Éblé, président. - Le gage tabac est pertinent quand il s'agit de gager quelques centaines de millions d'euros. C'est beaucoup plus compliqué quand on parle de 4,5 milliards d'euros.
Gérald Darmanin a récemment mentionné la possibilité d'un examen concomitant de la première partie du projet de loi de finances et des recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui permettrait de prendre en compte les excédents à réinjecter dans le budget général de l'État. Une réforme par amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale alors qu'il est aussi mal bouclé en termes de recettes n'est pas une méthode qui convient à notre commission. Pour l'instant, nous restons contraints par la différenciation des deux textes.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Je suis d'accord. Sans cette contrainte, nous aurions pu mettre en oeuvre une stratégie budgétaire efficace pour l'État, en la reconstruisant toute entière à partir des deux textes. La Constitution nous en empêche et nous ne disposons d'aucune solution technique pour résoudre la difficulté.
M. Vincent Delahaye. - Présenter un amendement non gagé par une vraie recette, ce n'est pas très responsable. Combien rapporte la taxe sur le tabac ? Est-ce plus ou moins que 4,5 milliards d'euros ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Toute la difficulté vient des transferts entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. En supprimant l'augmentation du taux de la CSG pour les retraités, on alourdit le montant des dépenses de manière importante et on devra le compenser par des économies sur le budget de l'État. Or, nous ne sommes pas dans l'examen du projet de loi de finances. Le gage tabac est un gage d'attente.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Pour que nous soyons à moitié pardonnés de présenter un tel amendement, peut-être pourrions-nous préciser dans son objet qu'il prévoit une hausse des taxes sur le tabac en raison de l'examen séparé du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances ?
M. Vincent Éblé, président. - Vous pouvez bien sûr modifier l'objet de votre amendement. Cependant le compte rendu de notre réunion sera parfaitement explicite.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - On évalue les droits de tabac totaux à 14 milliards d'euros. On ne peut pas les rehausser de 4,5 milliards d'euros sans explication. Mieux vaut préciser que c'est temporaire.
M. Claude Raynal. - Il est clair que cet amendement est une affirmation politique plus qu'un amendement technique. C'est du moins la lecture que nous en faisons. Pour autant, Monsieur Joyandet, ne croyez pas que nous approuvons l'ensemble de votre rapport.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Ne croyez pas non plus que je suis d'accord avec tout ce que vous avez fait pendant cinq ans.
M. Claude Raynal. - De quelle réforme structurelle parlez-vous dans votre rapport ? La formule ne cache-t-elle pas un vide des idées ? Pour vous être agréable et compte tenu des amendements que vous présentez, nous irons jusqu'à l'abstention.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Mais vous voterez l'amendement ?
M. Claude Raynal. - Oui.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Je rappelle que mon amendement n° 1 supprime l'augmentation du taux de la CSG proposée par le Gouvernement pour les retraités.
La commission adopte l'amendement n° 1.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 2 supprime l'article 26 qui prévoit la révision à la baisse de la Paje.
M. Michel Canevet. - Notre groupe a voté contre l'amendement précédent, car on ne peut pas transférer une telle mesure sur une recette non atteignable. Nous tenons le même raisonnement sur l'amendement n° 2. Les comptes de la Sécurité sociale doivent revenir rapidement à l'équilibre et même être excédentaires pour financer la dette. Dans cette logique, nous sommes contre l'amendement que vous présentez.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. - Nous sommes favorables aux économies quand il s'agit de la mécanique interne des organismes de sécurité sociale. Je rappelle que le projet de loi de finances prévoit la suppression de 1 600 postes en 2018 sur 120 000 suppressions annoncées dans les cinq ans, ce qui revient à reporter 95 % de l'effort de réforme sur les quatre ans qui restent. Voilà ce que j'appelle faire des économies.
Dans cet article, il s'agit de réduire de 8,5 % le montant de l'allocation de base pour 1,6 million de familles. L'alignement des plafonds sur ceux du complément familial aura pour conséquence de resserrer les conditions d'accès à l'allocation de base et à la prime à la naissance pour près de 150 000 familles, soit environ 10 % des allocataires. En définitive, selon les revenus et la configuration des familles, cette mesure représentera entre 1 108 et 2 030 euros de perte de prestations par an pour 150 000 familles, souvent jeunes, concernées par l'abaissement des plafonds et entre 94 et 187 euros en moins chaque année pour les 1,6 million de familles concernées par la baisse des montants. Ces baisses de prestation sont importantes et il ne s'agit pas pour nous d'économies. Nous n'y sommes pas favorables.
La commission adopte l'amendement n° 2.
M. Vincent Éblé, président. - Nous devons à présent nous prononcer sur l'ensemble des articles dont nous nous sommes saisis pour avis.
M. Bernard Delcros. - Nous nous abstiendrons.
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission a émis un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dont elle s'est saisie.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Travail et emploi » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » - Examen du rapport spécial
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - En 2018, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ce budget traduit des choix clairs, et d'abord celui d'une réduction importante des dépenses de plus de quatre milliards d'euros en AE et de deux milliards d'euros en CP, hors rebudgétisation de l'ensemble des dépenses d'allocations de solidarité. Cet effort traduit la participation de la mission à la baisse des déficits publics.
Quatre leviers principaux seront utilisés. Premièrement, la diminution des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de la mission, à hauteur de 50,2 millions d'euros. En particulier, la subvention versée à Pôle emploi devrait passer de 1,5 milliard d'euros en 2017 à 1,46 milliard d'euros en 2018. Cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'Unédic et ne devrait donc pas avoir d'impact significatif sur l'activité de l'opérateur.
Deuxièmement, la non-reconduction de certains dispositifs, tels que l'aide à l'embauche à destination des PME, créée en 2016 et opportunément prolongée jusqu'en 2017 par le précédent Gouvernement. La pérennisation de cette aide aurait conduit à un important effet d'aubaine alors que son coût pour les finances publiques était compris entre 3,5 milliards d'euros et 4 milliards d'euros. De même, le contrat de génération, qui n'a pas fonctionné, ne sera pas reconduit.
Troisièmement, l'enveloppe de contrats aidés sera revue à la baisse. Seuls 200 000 contrats dans le secteur non-marchand seront conclus. 765 millions d'euros en AE et 1,45 milliard d'euros en CP seront consacrés aux contrats aidés, soit une baisse de plus d'un milliard d'euros en AE et de 950 millions d'euros en CP par rapport à 2017.
Enfin, quatrièmement, les efforts en matière d'effectifs et de masse salariale, qui avaient été engagés par le précédent Gouvernement, seront poursuivis.
Ce budget réduit les dépenses tout en restant efficace. En effet, les crédits de la mission « Travail et emploi » seront maintenus à un niveau élevé, le plus important depuis 2009, hors prévision 2017, qui était marquée par d'importantes mesures de périmètre, de l'ordre de deux milliards d'euros.
Le choix a cependant été fait de cibler la dépense sur ce qui fonctionne. Bien évidemment, on ne peut nier l'utilité des contrats aidés pour les collectivités territoriales et le secteur associatif. Cependant, le recours à ces contrats était une réponse de court-terme, parfois motivée par des raisons purement statistiques, au problème du chômage. C'est pourquoi un plan ambitieux d'investissement dans les compétences a semblé préférable à cette solution de facilité. Il garantira d'une part la poursuite de la montée en puissance de la Garantie jeunes, avec 160 millions d'euros en CP versés aux missions locales pour assurer l'accompagnement de 100 000 jeunes. Il facilitera d'autre part la mise en place d'un plan de formation à destination des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs. Au total, deux millions d'actions de formation devraient être proposées sur le quinquennat.
Plus de 14,5 milliards d'euros seront consacrés à ce plan sur le quinquennat, dont près de 14 milliards d'euros sur la mission « Travail et emploi ».
Enfin, le présent budget fait le choix de la sincérité. La décision prise à l'été 2017 de redimensionner l'enveloppe de contrats aidés n'était pas facile. Elle a été rapide, elle était nécessaire. Pas moins de 70 % de l'enveloppe votée en loi de finances initiale avait été consommée dès le premier semestre 2017, le précédent Gouvernement ayant poussé les collectivités territoriales à recruter. On s'acheminait vers un dérapage comparable à celui des années précédentes. En 2016, la dépense en faveur des contrats aidés avait été supérieure aux prévisions à hauteur de 1,8 milliard d'euros en AE et de 1 milliard d'euros en CP en 2016. Je rappelle cependant que 310 000 contrats seront conclus en 2017 contre 280 000 programmés.
Pour 2018, les choses sont claires et le choix affiché du Gouvernement de se tenir à l'enveloppe votée par le Parlement permettra d'améliorer la sincérité du budget.
Je rappelle que, depuis 2009, la prévision n'a été respectée qu'en 2011, 2013 et 2014 en AE, et qu'en 2014 en CP.
La diminution de l'enveloppe globale des contrats aidés prévue dans le présent projet de loi de finances va en outre très clairement dans le sens préconisé par le Sénat et par sa commission des finances, lors de l'examen des projets de lois de finances pour 2015 et 2016, même si la baisse du volume de contrats aidés votée par notre assemblée ne concernait que le secteur non-marchand.
Le budget qui nous est présenté est un budget de transformation, qui se concentre sur l'essentiel : améliorer l'employabilité des personnes les plus éloignées du marché du travail. Des choix clairs de politique publique y sont exprimés, au prix c'est vrai de la non-reconduction de dispositifs dont l'efficacité statistique est indéniable mais dont l'impact sur le marché du travail est faible.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - Cela ne vous surprendra pas, la tonalité de mon intervention sera quelque peu différente de celle de mon collègue co-rapporteur. Nous sommes cependant d'accord sur un point : le choix est à la baisse des dépenses.
Je considère que la diminution des crédits de la mission « Travail et emploi », de 2,7 milliards d'euros en AE et de 295 millions d'euros en CP, est un très mauvais signal adressé aux personnes précaires, alors que le taux de chômage demeure élevé - 9,5 % de la population active au deuxième semestre 2017 - de même que le nombre de demandeurs d'emploi, qui s'élevait à 5,6 millions de personnes. Bien sûr, certains diront que le chômage est en baisse pour certaines catégories. Il n'en reste pas moins qu'il a augmenté de 6 % pour les personnes de plus de cinquante ans et de plus de 11 % pour les demandeurs d'emploi de la catégorie C. L'embellie des chiffres cache des disparités très importantes.
Comme l'a rappelé mon collège Emmanuel Capus, hors compensation de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, la diminution des crédits de la mission sera record et atteindra près de 4,2 milliards d'euros en AE et 2,4 milliards d'euros en CP.
Force est tout d'abord de constater que la baisse des crédits prévue par le présent budget touchera principalement les personnes les plus fragiles. La diminution du nombre de contrats aidés en est probablement l'exemple le plus emblématique.
Pourtant, la décision brutale prise à l'été 2017 de réduire l'enveloppe de contrats aidés - qui s'est traduite par d'importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations - a bien montré l'utilité de ces derniers, sans parler de la détresse dans laquelle les bénéficiaires non reconduits ont été jetés...
Ces contrats constituent des instruments importants pour l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires. En l'absence de contrats aidés, la plupart des personnes concernées n'auraient tout simplement pas eu accès au marché du travail.
La baisse prévue dans le présent budget conduira donc à une fragilisation de certains services publics et de certaines actions associatives, et elle aura des conséquences sociales importantes.
Elle jette en outre l'opprobre sur les collectivités territoriales soupçonnées de tirer profit de l'effet d'aubaine provoqué par ce dispositif pour bénéficier de financements complémentaires. Or les recrutements réalisés l'ont souvent été à la demande de l'État et la grande majorité des collectivités territoriales ont mis en place une véritable insertion professionnelle des bénéficiaires. En plus de la réduction du nombre de contrats aidés, le taux de prise en charge sera revu à la baisse de 70 % à 50 %.
Ce budget porte un coup aux actions en faveur de l'amélioration des conditions de travail avec la baisse du montant de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et la poursuite de la réduction des effectifs de l'inspection du travail, alors même que la mise en oeuvre des ordonnances « Travail » complexifie et favorise une hétérogénéité du droit.
Le budget qui est soumis à notre examen est révélateur de l'incohérence de la politique menée par le Gouvernement qui souhaite relancer l'apprentissage et « en même temps » supprime l'aide financière en faveur des jeunes apprentis, alors même que les centres de formation d'apprentis ont du mal à recruter.
Le Gouvernement lance un grand plan d'investissement dans les compétences et, « en même temps », il diminue les crédits consacrés aux opérateurs. La subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi diminuera ainsi de 50 millions d'euros, en contradiction avec le montant inscrit dans la convention tripartite Pôle emploi/État/Unédic. Certes, l'Unédic augmentera sa contribution, mais dans le même temps les effectifs de l'opérateur devraient diminuer de 297 ETPT, 3 783 ETPT si l'on inclut les effectifs hors plafond. Pôle emploi risque d'être en difficulté pour accompagner les demandeurs d'emploi.
Que dire de la division par deux des crédits consacrés aux maisons de l'emploi ? En les privant des moyens leur permettant d'exercer leurs missions on crée les conditions de leur suppression...
Le Gouvernement ne réévalue pas sa contribution au financement des missions locales, alors que celles-ci devront accompagner près de 15 000 jeunes supplémentaires avec la généralisation de la Garantie jeunes.
Le Gouvernement estime que la baisse du coût du travail, qui se traduira par la transformation du CICE en diminution de cotisations patronales en 2019, doit favoriser les recrutements et, « en même temps », il supprime l'aide à l'embauche à destination des petites et moyennes entreprises.
Concernant le plan d'investissement dans les compétences, présenté par le Gouvernement comme l'alpha et l'oméga de sa politique de l'emploi, je constate que l'effort réel est bien inférieur au montant mis en avant dans la communication du Gouvernement, tant sur le nombre de personnes formées que sur les moyens dégagés. En effet, dans la mesure où les crédits consacrés à la Garantie jeunes et au plan « 500 000 formations » étaient déjà portés par la mission « Travail et emploi », l'effort consenti ne s'élèvera qu'à 750 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP. Des questions demeurent en suspens s'agissant du financement de ce plan et des moyens humains qui y seront consacrés. On peut aussi s'interroger sur le nombre de personnes touchées, qui sera certainement inférieur au plan 500 000 formations auquel il se substitue. On nous annonce deux millions de formation sur cinq ans, soit 400 000 personnes accompagnées chaque année.
Le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » est un mauvais budget, car il accompagnera moins les personnes en difficulté. La dynamique baissière qu'il contient sera en outre aggravée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une diminution des crédits de 17 % entre 2018 et 2020.
Je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi », car ils ne sont pas adaptés à la situation sociale et à la hausse du chômage des publics en difficulté qui se poursuit.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je partage le point de vue du rapporteur spécial Emmanuel Capus. Je ne suis pas un fanatique des contrats aidés, qui servent davantage à améliorer les statistiques du chômage qu'à la réinsertion sur le marché de l'emploi. Le taux de contrats aidés qui débouchent à la sortie sur une embauche reste faible et cela d'autant plus dans le secteur non-marchand que dans le secteur marchand. Sans politique d'accompagnement, ce dispositif ne peut pas être efficace. Mieux vaut privilégier la formation des personnes durablement éloignées de l'emploi.
M. Philippe Dallier. - Je n'ai pas bien compris si l'on nous proposait d'adopter les crédits de cette mission ou pas. Je n'ai jamais été un grand « fan » des contrats aidés à tout prix. Pourtant, j'y ai eu recours comme maire, il y a quelques années, pour former des jeunes susceptibles de remplacer des personnes qui partaient à la retraite. En 2016, les emplois aidés ont été beaucoup utilisés pour améliorer les statistiques du chômage. Je regrette surtout la brutalité de la décision qui a été prise d'en réduire le nombre. Les préfets avaient écrit aux maires pour qu'ils incitent les associations à recruter des contrats aidés et d'un coup, tout s'arrête. La méthode est extrême. Pour autant, j'adopterai les crédits de la mission.
M. Michel Canevet. - En 2017 et 2018 les CP ont augmenté de manière significative. Cette hausse correspond-elle à des changements de périmètre ?
La brutalité de la baisse du nombre des contrats aidés m'a aussi frappé. Cependant, ces contrats doivent être un moyen d'insertion professionnelle et pas une activité occupationnelle. Nous sommes face à un paradoxe : on recense près de six millions d'inscrits à Pôle emploi et pourtant les employeurs peinent à trouver de la main d'oeuvre. C'est le signe d'une inadaptation flagrante entre l'offre d'emploi et les besoins des employeurs. La mission de Pôle emploi est-elle pleinement assurée ? Les employeurs recourent à d'autres supports dans 70 % des cas. Il faudrait une remise à plat complète. Les crédits de cette mission doivent baisser si l'on veut réduire le déficit public.
M. Éric Jeansannetas. - S'agissant des missions locales, vous avez en commun de privilégier la vigilance et de nourrir une certaine satisfaction à l'idée que les crédits seront reconduits. L'État n'est pas le seul partenaire des missions locales. Dans un contexte de baisse des dotations, les subventions des communes, des départements et des régions aux missions locales stagnent voire diminuent. Dans la Creuse, le département a baissé ses subventions à la mission locale qui a dû accomplir un travail de mutualisation en regroupant ses trois permanences d'accueil, d'information et d'orientation.
Dans leur rapport, François Patriat et Jean-Claude Requier préconisent de pérenniser la dotation de base aux missions locales en la stabilisant. En effet, la Garantie jeunes a changé le financement d'une mission locale. La subvention versée est supérieure lorsque le jeune sort du dispositif en situation d'emploi ou de formation. Les missions locales qui sont souvent des associations et des groupements d'intérêt public et dont les recettes ne sont pas stabilisées doivent faire des provisions pour risques afin de garantir la situation de ces jeunes en situation délicate. Les missions locales sont le dernier rempart contre l'exclusion.
M. Marc Laménie. - Des crédits de 15,4 milliards d'euros en CP, c'est important. Or la santé et la sécurité au travail ne représentent qu'une partie infime de cette mission, alors que ces domaines devraient être prioritaires. Comment interpréter la faiblesse du montant qui leur est consacré ?
M. Alain Joyandet. - La période actuelle oblige les citoyens à se former et à s'adapter aux nouvelles missions qui leur sont proposées. Beaucoup d'employeurs cherchent à embaucher sans trouver de candidat aux postes qu'ils offrent. Nous sommes dans une période de mutation de l'emploi. Supprimer les emplois aidés ne contribuera pas à améliorer la situation de l'emploi.
Les évolutions rugueuses du marché du travail font qu'il est difficile de s'y insérer. Il est indispensable que le secteur public intervienne pour faciliter l'insertion professionnelle.
Je m'interroge : on supprime les emplois aidés par mesure d'économie ? Pourtant l'Assemblée nationale vient de voter le transfert du financement de l'assurance chômage des cotisations sociales vers la CSG augmentée de 1,7 point. Cela signifie-t-il que l'on devra augmenter la CSG l'an prochain pour payer les chômeurs supplémentaires ? C'est incohérent. On déplace des emplois aidés financés par l'État vers le chômage également financé par l'État. C'est n'importe quoi, tant du point de vue budgétaire que du point de vue humain : les emplois aidés jouent un rôle important dans les petites collectivités. On aurait pu attendre que le chômage baisse avant de réduire le nombre des emplois aidés.
M. Bernard Delcros. - Je suis en désaccord avec les orientations prises sur les contrats aidés. Le taux de sortie positive ne peut être le seul critère. D'ailleurs, si l'on supprime les contrats des quelque 60 % ou 70 % qui ne sont pas en emploi après leur contrat, ils deviendront des demandeurs d'emploi, ce qui a aussi un coût pour la collectivité. Bien sûr, les bénéficiaires préfèreraient un emploi durable - mais ils préfèrent aussi un contrat aidé à un statut de demandeur d'emploi. Quelle est la part des renouvellements dans le chiffre de 310 000 contrats aidés pour 2017 ?
Les crédits pour la formation augmentent, mais nous consacrons déjà 30 milliards d'euros par an à ce poste : ne pourrait-on plutôt optimiser la dépense existante ?
Les contrats aidés sont utiles pour leurs bénéficiaires, bien sûr, mais aussi pour les associations et les collectivités territoriales, surtout en milieu rural, où certains services ne pourraient sans doute pas être maintenus si ces contrats étaient supprimés.
M. Claude Raynal. - Je ne suis guère convaincu par la présentation d'Emmanuel Capus. Ce n'est pas parce que nous sommes en commission des finances que notre vision doit être déshumanisée. Or vos propos sont ceux d'un animal à sang froid. Comme Alain Joyandet, je souhaite rappeler que derrière ces chiffres, il y a de la pâte humaine. D'ailleurs, les résultats ne sont pas si mauvais, même si vous parlez d'inefficacité. Même dans l'entreprise, les taux de réembauche n'atteignent pas 100 % six mois après la fin d'un contrat. Et si leur effet est que des jeunes très éloignés de l'emploi acquièrent une expérience professionnelle et se remettent dans l'idée de travailler, les contrats aidés restent très positifs - même s'ils ne garantissent pas un emploi à vie. Je suis effondré par le lien entre chômage, maladie et dépression. Aussi me semble-t-il que ce coût budgétaire ne doit pas être immédiatement tranché.
De plus, la continuité de l'État, mentionnée par Philippe Dallier, n'est pas un gros mot ! Il est pour le moins étrange que des représentants de l'État incitent, interrompent... Cette mesure est prise dans un but exclusivement budgétaire, selon une argumentation contestable et qui mériterait une analyse plus qualitative. En même temps qu'on supprime brutalement ces aides, on se prive des recettes de l'ISF. Comment ne pas faire le parallèle ? Pourtant, il y avait moins urgence à diminuer l'ISF qu'à supprimer les crédits des emplois aidés.
Notre gestion publique a ses qualités et ses défauts, mais toutes les études ont montré que, grâce à ce type de dispositifs, qui constituent le fondement social de notre République, la France est le pays qui a le mieux absorbé les conséquences de la crise. Gardons-nous donc de casser ces amortisseurs !
Mme Sylvie Vermeillet. - Les contrats aidés étaient intéressants pour les bénéficiaires comme pour leurs employeurs, et je dénonce la brutalité de leur suppression, quinze jours avant la rentrée scolaire. C'est comme si l'on pensait que la suppression des allocations chômage ferait disparaître les chômeurs... L'économie que cette suppression représente pour l'État est en fait prélevée sur les collectivités territoriales. La charge ainsi transférée a-t-elle été chiffrée ? Est-elle incluse dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Maire, j'ai utilisé pendant deux décennies les contrats aidés, en essayant toujours de les faire déboucher sur une embauche. Mais le dispositif a dérapé, puisqu'on a atteint en 2015-2016 le chiffre de 400 000 contrats, sans doute en vue d'inverser la courbe du chômage. Alors que ces contrats ont vocation à aider des jeunes éloignés de l'emploi et se heurtant à des difficultés d'insertion, certaines collectivités territoriales et associations ont pris l'habitude de les utiliser pour procéder à des recrutements dans des conditions financières allégeant leurs charges de personnel. La mesure va donc dans la bonne direction, même si j'en regrette la brutalité - quoique celle-ci résulte du fait que le financement n'avait pas été assuré jusqu'à la fin de l'année. Les contrats aidés ne sont pas supprimés, puisque 200 000 contrats sont prévus pour 2018, ce qui est un niveau plus raisonnable, et correspond mieux aux besoins d'insertion, qui sont le critère prioritaire.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - Si c'est dans le secteur public que les contrats aidés ont le taux de sortie vers l'emploi le plus faible, c'est aussi que le profil des personnes retenues est différent : les personnes les moins éloignées de l'emploi sont embauchées par le secteur marchand.
Il s'agit tout de même d'une manière de proposer une activité ayant une utilité sociale. Ainsi, à Pôle Emploi, le travail d'accueil effectué par ces personnes est très apprécié.
Pour répondre à Michel Canevet, l'ensemble des allocations de solidarité ont été rebudgétisées du fait de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité destinée à compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires. À périmètre constant, la baisse des crédits est très importante.
Pôle Emploi a dédié 4 000 conseillers au travail avec les entreprises pour mieux analyser le marché de l'emploi local. Ce travail porte ses fruits, et nombre d'entreprises se déclarent satisfaites de cette amélioration. Pour autant, Pôle Emploi n'a pas les moyens de mettre en oeuvre un accompagnement fort des personnes éloignées de l'emploi : seules 40 % d'entre elles en bénéficient. D'après l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales, 50 % des personnes en accompagnement renforcé n'ont pas de rendez-vous trois mois après leur inscription. Et la dématérialisation totale de la procédure allonge sans doute le délai d'inscription des personnes très éloignées de l'emploi.
Les crédits des missions locales sont maintenus, mais 15 000 jeunes supplémentaires bénéficieront de la Garantie jeunes et le financement intégral n'est pas toujours acquis : il faut accomplir nombre de démarches, et l'insertion totale du jeune est requise. Un mouvement de mutualisation est en marche, mais nous devons rester vigilants.
La santé et la sécurité au travail représentent une petite part du budget de cette mission, qui comporte notamment les crédits de l'inspection du travail. L'accession des contrôleurs au statut d'inspecteurs du travail a demandé des efforts de formation et des moyens supplémentaires, puisque c'est un passage - bienvenu - de la catégorie B à la catégorie A. mais ce mouvement s'est accompagné d'une diminution du nombre d'agents sur le terrain. Il faudra donc rester vigilant.
Quant à la question de savoir si les contrats aidés supprimés comptent dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales, nous n'y avons pas la réponse !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - J'avais conscience, en demandant ce rapport, que la mission serait délicate et l'équilibre, difficile à trouver. J'avais peut-être sous-estimé la tâche ! Il est vrai que certains ont changé d'avis en fonction des récentes élections...
Le rapporteur général partage mon souci de maîtrise des dépenses publiques, et je l'en remercie. Philippe Dallier n'est pas un « fan » des contrats aidés et constate qu'ils ont beaucoup servi à un traitement statistique du chômage. Il s'inquiète de la rapidité de suppression de certains contrats. Soyons clairs : la situation était invraisemblable, puisque le Parlement avait autorisé 295 000 emplois aidés pour 2016 et que le Gouvernement en a validé 458 697. Scandaleux !
M. Claude Raynal. - Le terme est excessif...
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Même chose en 2017 : en août, 70 % de l'enveloppe de contrats était déjà consommée. Le choix était simple : laisser filer sans se soucier du vote du Parlement, ou reprendre le contrôle et limiter le nombre de contrats à 310 000 à 320 000. Certes, il aurait pu y avoir davantage de concertation.
Michel Canevet, ma collègue, Sophie Taillé-Polian vous a déjà répondu, en 2017, certaines exonérations de charges ont été rebudgétisées et en 2018, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité est compensée par le budget de l'État.
Alain Joyandet nous dit que ce n'est pas le moment de supprimer les contrats aidés. Je veux bien être humble, puisque je n'étais pas là il y a deux ans. Mais pourquoi, alors, son groupe a-t-il demandé la suppression pure et simple des contrats aidés dans le secteur non-marchand ? La situation économique, ce me semble, n'a guère changé depuis. Et cette année, il ne faudrait plus les supprimer ? D'ailleurs, il n'est pas proposé de les supprimer, car dans le secteur non-marchand ils ont une utilité, et pour les territoires et pour les bénéficiaires. C'est pourquoi je ne vous propose pas de supprimer les 200 000 contrats prévus l'an prochain.
Marc Laménie, le budget de la santé et de la sécurité au travail est quasi-stable, il augmente de 0,13 % en AE mais baisse de 2,15 % en CP.
Claude Raynal, la chaleur de mon propos montre assez, je crois, que je ne suis pas un animal à sang froid. Sans doute l'Anjou et sa douceur chantée par du Bellay sont-ils trop éloignés de la Haute-Garonne ? Je suis un Gaulliste libéral et, comme Jean Bodin, je considère qu'il n'est de richesse que d'hommes. Aussi n'ai-je pas de leçons d'humanisme à recevoir de votre banc.
La question de Sylvie Vermeillet est sans doute la plus pertinente : l'an dernier, vous proposiez de supprimer les contrats aidés dans le secteur non-marchand...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour des raisons liées exclusivement au taux d'insertion à la sortie.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - La question est de savoir s'il faut les maintenir plutôt dans le secteur marchand ou non-marchand. Les points de vue divergent. Alain Joyandet estime que, dans le secteur non-marchand, ils sont indispensables, et le Gouvernement propose d'en maintenir 200 000. Cela me paraît la bonne décision.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail et Emploi » ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
- Présidence de M. Bernard Delcros, vice-président -
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - La mission « Culture » est dotée dans le projet de loi de finances pour 2018 d'un montant de crédits de 2 942,1 millions d'euros en CP. Elle regroupe les crédits de la politique culturelle consacrée aux patrimoines, à la création artistique, à l'enseignement supérieur culture et à l'accès à la culture. Elle comprend également les fonctions de soutien du ministère de la culture.
Les crédits de cette mission ne représentent cependant pas l'ensemble des crédits des politiques publiques consacrées à la culture. Il convient d'y ajouter les crédits de la recherche culturelle, ceux consacrés au livre et aux industries culturelles et enfin la part des concours financiers aux collectivités locales destinée aux bibliothèques.
L'ensemble de ces crédits consacrés à la culture progresse en 2018 d'un peu plus de 17 millions d'euros. Le soutien à la culture a donc été préservé, malgré le contexte budgétaire contraint, et les crédits de la culture représentent un peu moins de 1 % du budget de l'État en 2018.
La prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques inscrit également la mission en progression sur la période, avec une augmentation de 50 millions d'euros sur trois ans.
Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) gèrent plus d'un tiers des crédits, hors dépenses de personnel. Le Gouvernement souhaite d'ailleurs renforcer la dimension territoriale de la politique de la culture en renforçant la déconcentration de la gestion des crédits.
Les conséquences de la fusion des DRAC sur la consommation des crédits déconcentrés avaient été soulignées l'année dernière. Les directions régionales fusionnées avaient en effet davantage de difficultés à consommer leur enveloppe. En 2018, le constat est moins net puisque certaines DRAC fusionnées présentent un taux de consommation parmi les plus élevés.
Par ailleurs, ces directions régionales connaissent actuellement une réorganisation administrative avec la constitution de pôles qui correspondent aux grands domaines d'intervention du ministère : l'architecture et le patrimoine, la création, l'action culturelle et territoriale.
Une part importante des crédits est également confiée aux nombreux opérateurs de la mission. Au final, les services centraux du ministère ne gèrent qu'un cinquième des crédits de la mission.
Vingt-deux dépenses fiscales, pour un montant total évalué à 315 millions d'euros en 2018, sont rattachées à la mission. Une taxe affectée complète les crédits de la mission. Son produit, d'environ 33 millions d'euros, finance le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).
Le ministère de la culture conduit depuis l'année dernière une politique de rattrapage indemnitaire destinée à renforcer l'attractivité de son administration par rapport aux autres secteurs ministériels. Des différences substantielles existent encore entre le régime indemnitaire du ministère de la culture et celui des autres ministères. Le rattrapage représente un coût, non négligeable, de 7 millions d'euros en 2018.
Nous nous réjouissons, d'abord, que la priorité soit donnée à l'éducation artistique et culturelle.
Les crédits qui y étaient consacrés étaient auparavant répartis dans les différents programmes du ministère. Au total, 15,4 millions d'euros sont re-ventilés vers le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Mais l'éducation artistique et culturelle bénéficie également de 35 millions d'euros de mesures nouvelles en CP. Cette priorité s'accompagne d'objectifs ambitieux en matière d'accès des jeunes publics à la culture et de réalisation d'un parcours complet d'éducation artistique et culturelle dans ses trois composantes : la pratique artistique, la fréquentation des oeuvres et la rencontre avec les artistes et l'acquisition de connaissances dans le domaine des arts et de la culture.
Le développement des pratiques artistiques et culturelles implique une collaboration renforcée entre le ministère de la culture et le ministère de l'éducation nationale. Les crédits de la mission contribueront par exemple à l'amplification du plan du ministère de l'éducation nationale en faveur des chorales. Les crédits supplémentaires dédiés à l'éducation artistique et culturelle en 2018 permettront également d'approfondir des dispositifs existants tels que les contrats territoire-lecture.
Le financement de cette politique s'articule autour de cinq postes de dépenses. Outre le développement des pratiques artistiques que nous venons d'évoquer, il s'agit de : développer le goût de la lecture ; décrypter le monde ; former les acteurs de l'éducation artistique et culturelle ; renforcer les partenariats.
Les établissements publics opérateurs de la mission contribuent eux aussi à des actions d'éducation artistique et culturelle, pour un montant total de 30 millions d'euros.
Deuxième point positif : l'effort budgétaire est maintenu, voire renforcé, pour les autres pans de la politique culturelle.
C'est d'abord le cas pour le soutien à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. Un effort particulier est fait à destination des collectivités locales à faibles ressources financières. Une grande partie des 43 000 monuments historiques est localisée sur le territoire des communes de moins de 2 000 habitants, dont les ressources financières sont peu élevées. Par ailleurs, on constate que les départements se désengagent progressivement du financement des opérations de restauration. Un fonds de 15 millions d'euros, réparti et géré par les DRAC, permettra une participation financière de l'État là où les régions décideront de financer des projets. Nous parlons dans le rapport d'une baisse des dotations dans les départements, mais c'est plutôt l'accroissement des charges imparfaitement compensé qui est en cause.
C'est là un exemple du renforcement de la dimension territoriale de la politique du ministère de la culture.
Notons que cette action se conjuguera à la mission confiée par le président de la République à Stéphane Bern qui consiste à identifier le patrimoine immobilier en péril et chercher des solutions innovantes pour assurer le financement des travaux indispensables. Cette mission n'implique pas de coût budgétaire dédié mais les services du ministère de la culture chargés des monuments historiques seront mobilisés. Des priorités seront dégagées parmi les projets recensés.
Une plateforme électronique a été mise en ligne sur le site du ministère de la culture pour que les monuments concernés soient déclarés. L'analyse et la cartographie du patrimoine en péril seront réalisées avec le concours des services du ministère.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. - Les crédits destinés au soutien à la création artistique sont également maintenus à un niveau permettant notamment de poursuivre et d'accentuer la labellisation des structures.
Dans ce domaine comme en matière de patrimoines, la mission continuera de porter en 2018 des projets culturels ambitieux. C'est le cas de la Cité du Théâtre aux ateliers Berthier, qui a retenu notre attention cette année.
L'intérêt culturel de ce projet est incontestable. Il consiste à réunir sur le site des anciens ateliers Berthier, dans le 17e arrondissement de Paris, trois institutions culturelles : la Comédie française, l'Odéon-Théâtre de l'Europe et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
Le déménagement de l'Opéra national de Paris du site de Berthier vers Bastille s'effectuera en parallèle, conformément au projet initial.
Ce projet va apporter une réponse aux besoins exprimés par chacun des trois établissements, en l'inscrivant dans le cadre du Grand Paris et de la promotion des tournées, puisque ces équipements supplémentaires offriront de nouvelles possibilités pour renforcer les capacités de tournée.
Les locaux du Conservatoire d'art dramatique étaient devenus trop exigus et présentaient des insuffisances en matière de sécurité. Le conservatoire sera installé entièrement sur le site de Berthier. Il conservera uniquement la salle de représentation du site historique du Conservatoire, dans le 9e arrondissement de Paris.
Le montant global du projet est actuellement évalué à 145 millions d'euros HT, toutes dépenses comprises - y compris les études.
Le financement de l'État est évalué à 125 millions d'euros, les 20 millions d'euros restants devant être apportés d'une part par la vente d'une partie des locaux actuels du conservatoire, d'autre part, pour les 10 millions d'euros restants, par le mécénat.
En 2018, 27 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP sont prévus. L'objectif pour les établissements est de pouvoir absorber le coût de fonctionnement de ces nouveaux locaux par les recettes supplémentaires et les économies de gestion.
Une attention particulière devra être apportée au respect des échéances et des montants. Ce projet réunit plusieurs acteurs dont les besoins pourraient diverger à certains stades du projet, même si on doit souligner l'évidente synergie qui existe entre les équipes dirigeantes des établissements participants.
La mise en oeuvre du « Pass culture » est à suivre avec attention. Seuls 5 millions d'euros en CP sont inscrits au budget. Ils financeront les études et la conception d'un outil informatique innovant. La ministre est allée voir comment le Pass fonctionne en Italie, où le bilan est plus nuancé que ce qui a pu être écrit. La réflexion va également s'inspirer de ce que font déjà certaines collectivités.
Le coût pour l'État est de 140 millions d'euros par an, ce qui ne représente qu'un tiers du coût total. Il faudra obtenir la participation des distributeurs physiques et des grands acteurs d'Internet.
Deuxième point de vigilance : le fonds d'urgence pour le spectacle vivant. Créé à la suite des attentats récents, la loi prévoit qu'il dure jusqu'à fin 2018 mais il risque de manquer de crédits dès la fin de cette année.
La fréquentation des musées nationaux s'est améliorée après la diminution importante de l'année 2016, mais le niveau n'est pas encore équivalent à celui d'avant les attentats de 2015. Au Louvre, par exemple, la fréquentation est encore 12 % en dessous de son niveau de 2014.
Troisième point de vigilance : les chantiers immobiliers d'envergure du ministère et de ses opérateurs. Ces projets concernent l'ensemble des programmes de la mission : le Grand Palais, la Cité du théâtre, la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin, les nombreux schémas directeurs tels que celui de l'établissement public de Versailles. Pour chacun de ces chantiers, il faudra suivre avec attention le respect des coûts et des délais.
Enfin, le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle n'a pas connu le succès attendu. Le dispositif juridique n'est pas encore finalisé, puisqu'il manque encore quatre des neuf décrets nécessaires à la mise en oeuvre du fonds. Ce fonds est destiné à soutenir activement l'emploi pérenne dans le spectacle vivant et enregistré, dans le secteur public ou privé. Les aides financées par ce fonds doivent jouer directement sur la création d'emplois en soutenant financièrement les entreprises et en consolidant l'emploi des salariés.
La consommation a été bien inférieure aux prévisions : 55 millions d'euros étaient inscrits dans la loi de finances pour 2017. Ce montant a fait l'objet d'une prévision à la baisse à 29 millions d'euros et seulement 17 millions d'euros avaient été consommés à la fin du mois de septembre. Le montant de crédits inscrits pour l'année 2018 est donc de 25 millions d'euros.
En somme, l'effort budgétaire pour la culture est maintenu. Une priorité claire est donnée à l'accès à la culture pour tous et en particulier pour les jeunes et sur tous les territoires. Cette politique ne se fait pas au détriment des patrimoines et de la création puisque le soutien à ces deux secteurs se poursuit en 2018. On peut donc se satisfaire du budget de la mission « Culture » proposé par le projet de loi de finances, tout en restant attentif à la mise en oeuvre des politiques et des projets proposés. Compte tenu de ces observations, nous vous invitons à adopter ces crédits.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce budget comporte des points très positifs, en particulier l'accès de tous les publics à la culture et l'engagement envers le patrimoine, dont les crédits remontent après des années difficiles.
De même, la création du fonds incitatif territorial est satisfaisante. Toutefois, nous devons être vigilants s'agissant des engagements des collectivités. Les départements intervenaient beaucoup en complément de l'État, mais ils le peuvent de moins en moins. Il n'est pas certain que ce fonds suffise à compenser cette diminution.
En outre, certaines directions régionales des affaires culturelles, ou DRAC, peinent à consommer leurs crédits. Les procédures sont lourdes et complexes et les DRAC ont sans doute été désorganisées par la création des grandes régions. Nous votons donc des crédits budgétaires qui ne sont pas tous utilisés, alors que notre patrimoine se dégrade.
Il faudra innover en matière de procédures et observer ce que font les autres pays, comme la Grande-Bretagne, où le National Trust bénéficie de l'adhésion populaire au patrimoine, en plus des ressources extrabudgétaires qui lui sont consacrées. La France est, avec l'Italie, le pays du monde qui a le patrimoine le plus important et les visiteurs viennent pour en profiter. Cela mérite que nous nous y intéressions au-delà des aspects purement budgétaires.
Nous devons donc rester vigilants sur les crédits consommés, le rapport de notre ancien collègue Yann Gaillard avait en son temps constaté de grandes disparités entre les DRAC à ce sujet. Certaines d'entre elles étaient contentes de rendre de l'argent chaque année à Bercy. Ce n'est pas le but.
M. Michel Canevet. - Je me réjouis que l'essentiel des crédits soit préservé, et que le soutien à la création et à la production augmente un peu. Pour cela, il faut parvenir à maîtriser le soutien apporté aux différents opérateurs, grâce aux contrats d'objectifs et de performance. Il importe également que les conditions de fonctionnement des différents opérateurs soient harmonisées, notamment en matière de rémunérations.
Ces deux points entrent-ils dans les objectifs de ces contrats ?
M. Thierry Carcenac. - La hausse des crédits est une bonne chose. S'agissant du regroupement des sites du ministère de la culture, vous indiquez que trois des sept sites seraient conservés. Le coût de l'opération relèverait du compte d'affectation spéciale, avec un engagement de près de 33 millions d'euros, financé par la cession d'anciens bâtiments et se déroulerait entre 2019 et 2021. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. - Les DRAC consomment en effet leurs crédits selon des rythmes différents. Elles ont récupéré des conséquences de la réorganisation, mais des écarts subsistent. Ainsi, au 30 septembre, le taux de consommation de la région Auvergne-Rhône-Alpes atteignait 81 % des crédits, contre 61 % pour Bourgogne-Franche-Comté. Cela n'est plus lié à la réforme ; il apparaît, au contraire, que certaines DRAC fusionnées consomment autant que d'autres qui ne l'ont pas été.
Les contrats d'objectifs et de performance figurent en annexe du rapport. On constate un retard dans les signatures de ces contrats avec certains opérateurs, nous avons demandé au ministère d'accélérer le processus.
Je ne peux pas vous répondre au sujet de la rémunération, mais l'amélioration de la gestion des opérateurs fait partie des objectifs de ces contrats, ainsi que leur capacité à répondre aux attentes du ministère, par exemple en matière d'accueil des publics et d'éducation artistique.
S'agissant des opérations immobilières, le ministère va en effet passer de sept à trois sites. Cette opération doit s'autofinancer grâce à la cession des immeubles de la rue des Pyramides et de la rue Richelieu. Les travaux commenceront en 2019 rue des Bons-Enfants et s'achèveront en 2021 sur le site des Archives nationales. Les cessions doivent financer l'agrandissement et la rénovation des autres sites concernés.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - En plus de ces opérations immobilières, figure également dans le bleu budgétaire la réalisation concomitante d'un schéma directeur triennal des systèmes d'information, qui doit être conclue en 2018, autour de quatre axes stratégiques : le pilotage et l'évaluation des politiques publiques culturelles, le processus de subventions outillées, une meilleure intégration du système dans l'ensemble du champ du ministère et le ministère à l'heure du numérique et de la dématérialisation. L'immobilier et l'organisation numérique sont étroitement imbriqués.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».
La réunion est close à 17 heures.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -
La réunion est ouverte à 17 h 35.
Audition de M. Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - Nous avons le plaisir d'accueillir Pierre Moscovici, qui occupe le poste de commissaire responsable des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, au sein de la Commission européenne.
Les nouvelles révélations des Paradise Papers sur les paradis fiscaux et la finance offshore montrent, une fois de plus, la nécessité de coopérer au niveau international et européen pour lutter contre les stratégies sans cesse renouvelées d'optimisation fiscale. Alors que nous attendons prochainement la publication de la liste européenne des paradis fiscaux, le commissaire Pierre Moscovici pourra nous en dire plus sur les résultats du Conseil Ecofin de ce jour.
Parmi les autres sujets d'actualité figure l'examen du projet de budget 2018 de la France par la Commission européenne. L'avis définitif de la Commission européenne doit être rendu le 22 novembre prochain. Or des « demandes de précision sur le respect des efforts budgétaires prévus » ont été adressées au ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire. Tandis que notre commission des finances entame l'examen du projet de loi de finances 2018, il sera intéressant d'en savoir davantage sur les attentes de la Commission européenne vis-à-vis de la France et sur l'appréciation que vous portez sur la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette audition commune.
À la veille de la discussion budgétaire au Sénat, il est très important d'inscrire nos débats dans la perspective européenne. L'exercice du semestre européen doit permettre d'assurer la coordination indispensable des politiques économiques et budgétaires des États membres. Alors que s'ouvre un nouveau semestre, nous serons intéressés de connaître le bilan que vous tirez de l'exercice précédent, particulièrement quant aux recommandations pour la France. Vous avez demandé un complément d'informations sur les projets de budget 2018 de plusieurs pays de la zone euro dont la France. Pouvez-vous nous expliciter les demandes de la Commission ?
Au-delà, nous sommes attentifs aux prévisions économiques que la Commission européenne doit dévoiler prochainement. Que pouvez-vous nous en dire ?
Je souhaite aussi vous interroger sur l'avenir de l'Union économique et monétaire. Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet. Ce fut, en lien avec la commission des finances, l'un des axes des réflexions du groupe de suivi sur le Brexit et la refondation de l'Union européenne, conjoint avec la commission des affaires étrangères. Nous avons insisté sur l'achèvement de l'Union bancaire et sur la convergence fiscale et sociale. Nous avons aussi examiné différentes pistes pour un budget de la zone euro et mis en avant les contours d'un Fonds monétaire européen, sujet récemment abordé par le président de la Bundesbank notamment devant des banquiers parisiens. Nous avons enfin proposé un renforcement du pilotage exécutif avec l'organisation systématique de sommets de la zone euro et un coordonnateur politique qui présiderait l'Eurogroupe. L'association des parlements nationaux est à nos yeux une priorité. Cela pourrait passer par une modernisation de la Conférence de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, qui n'a pas que des qualités.
Dans son discours sur l'état de l'Union, le président Juncker a rappelé que l'euro avait vocation à devenir la monnaie unique de toute l'Union européenne et proposé la création d'un instrument d'adhésion à l'euro, sur lequel vos précisions seront les bienvenues. Il a également encouragé tous les États membres à rejoindre l'Union bancaire et proposé différentes pistes pour renforcer la zone euro. Nous ne voulons pas voir se multiplier les exemptions du type britannique. L'Eurogroupe a lui-même débattu de ces questions en début de semaine. Nous serons intéressés de connaître vos analyses.
Enfin, je relève sa suggestion d'introduire le vote à la majorité qualifiée sur les décisions concernant l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, qui constituerait une avancée extraordinaire, mais aussi la TVA, une fiscalité juste pour l'industrie numérique et la taxe sur les transactions financières.
Quelle est votre appréciation sur l'état d'avancement de ces dossiers, auxquels nos commissions sont particulièrement attentives ?
M. Pierre Moscovici, commissaire européen. - Merci pour votre invitation. Quelques semaines après le renouvellement d'une partie de votre assemblée je tiens à féliciter les nouveaux élus. Je suis heureux de retrouver les autres, et heureux de vous retrouver, Messieurs les Présidents.
Il me paraît important que le commissaire français vienne s'exprimer régulièrement et au minimum deux fois par an devant vous. Je suis prêt à le faire davantage : je suis à votre disposition pour venir m'expliquer et débattre.
Je reviens de l'Eurogroupe qui a débattu dans un format original à 27 avec des ministres de toute l'Europe. Au Conseil « Affaires économiques et financières » (Ecofin), nous avons eu quelques débats fiscaux notamment sur la liste noire, j'y reviendrai.
Notre réunion a lieu dans un contexte unique, où une fenêtre politique s'ouvre enfin pour relancer l'Europe. Notre précédente rencontre, il y a un an, avait lieu sous l'ombre menaçante du populisme. Elle n'a pas disparu, ainsi en Allemagne, pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, un parti d'extrême droite revient au Parlement, mais elle a perdu une bataille décisive, à commencer par la grande bataille de France. La France a élu un président pro-européen, Emmanuel Macron, qui a pris le parti de parler d'Europe. Il est incontestable qu'une dynamique se crée quand la France parle haut et fort, et que cela a un impact.
De même, la Commission européenne tient un discours politique sur l'Europe, à l'image de celui du président Jean-Claude Juncker sur l'état de l'Union, où elle a manifesté une volonté politique sur les questions budgétaires, mais aussi sur la fiscalité, où nous luttons contre la fraude, sur les déficits, sur le commerce : oui, la Commission est là.
Autre caractéristique de la situation actuelle : en Allemagne, une nouvelle donne politique se met en place, dont je sais qu'elle suscite des interrogations, mais je vous invite à faire confiance à la fibre européenne d'Angela Merkel. Je reviens de Berlin où, j'en suis tout à fait persuadé, prévaudra une orientation clairement pro-européenne.
J'ai cité Paris, Bruxelles et Berlin : c'est le triangle d'or à partir duquel lancer une initiative pro- européenne même si celle-ci ne suffit pas.
Je présenterai les prévisions économiques de la Commission européenne jeudi matin, je ne peux donc les dévoiler maintenant, mais il est incontestable que les indicateurs économiques sont au vert. Cela donne une marge de manoeuvre nouvelle. La croissance sera soutenue en 2017, supérieure à 2 %, soit au moins au niveau de la croissance américaine.
Cette croissance sera étendue à l'ensemble de la zone euro ; ce qui permet d'espérer des créations d'emplois sans précédent. Nous avons d'ores et déjà un nombre record d'emplois dans l'Union européenne. Nous sommes revenus au-dessus du niveau d'avant la crise de 2008. Les déficits se réduisent même si le niveau de la dette publique est toujours trop élevé. Cette amélioration sera durable : pour les deux prochaines années, nous prévoyons une croissance assez élevée. La crise de la zone euro se termine et nous abordons un nouveau chapitre.
Si vous ajoutez ces facteurs objectifs aux facteurs politiques, alors il devient évident que s'ouvre une fenêtre d'opportunité. Dans moins d'un mois, la Commission européenne va présenter plusieurs initiatives pour approfondir l'Union économique et monétaire. Le premier sommet de la zone euro en deux ans va se réunir prochainement et, en juin 2018, un autre sommet adoptera la feuille route pour la zone euro d'ici 2025.
C'est maintenant que la partie se joue.
La zone euro souffre de deux déficits importants : tout d'abord, un déficit d'efficacité, car nous devons d'abord avoir une économie plus productive et plus équitable ; nous conservons aussi un déficit d'investissement, même si ce dernier s'est en partie comblé.
Le deuxième déficit est démocratique : le fonctionnement de la zone euro reste difficile à expliquer et elle n'est pas contrôlée. En effet l'Eurogroupe réunit, outre son président, 19 ministres des finances, le président de la Banque centrale européenne, le Commissaire aux affaires économiques et monétaires et le président du groupe de travail de l'Eurogroupe qui prépare les rencontres, sans aucun contrôle. À la différence de la nôtre, la réunion n'est pas filmée, on ne sait pas ce qui s'y passe. Je suis persuadé que lorsqu'une institution est contrôlée par d'autres, elle prend des décisions meilleures et différentes.
La création d'un poste de ministre des finances de la zone euro, qui doit être aussi le Commissaire en charge de l'économie et des finances, devra être assortie d'un contrôle du Parlement européen d'abord, plus celui des parlements des différents États membres.
La France a un agenda ambitieux, qu'il faudra approfondir pour convaincre les autres capitales européennes. Elle devra être exemplaire, dans le domaine des finances publiques en particulier, à l'égard de son voisin d'outre-Rhin. Elle doit renouer avec l'exemplarité budgétaire ; comme l'Espagne, elle doit retrouver toute sa place dans le club des 17 membres sur 19 dont les finances publiques sont en ordre. Oui, je souhaite que la France sorte de la procédure de déficit excessif en 2018.
J'en viens aux échéances budgétaires de l'automne, puis j'aborderai la lutte contre la fraude, après le scandale des Paradise Papers qui choque et révulse l'opinion à juste titre : cette opacité qui apparaît au grand jour donne le tournis !
La Commission va rendre son avis sur les projets de budgets nationaux le 22 novembre, après les avoir examinés selon la méthodologie européenne habituelle. Le projet de budget confirme l'intention des autorités françaises de respecter le retour sous 3 % de déficit. C'est une bonne nouvelle car c'est une étape nécessaire vers la sortie de la France de la procédure pour déficit excessif. Cela pourra être décidé au printemps 2018, sur la base des chiffres définitifs pour 2017 et des données prévisionnelles pour 2018 et 2019. En effet, les règles budgétaires précisent que la correction doit être durable.
Le projet de loi de finances pour 2018 marque également l'intention de poursuivre l'assainissement des comptes publics, ce que le président Jean-Claude Juncker a estimé très positif. Mais attention, une fois que l'on passe sous les 3 % de déficit nominal, les règles applicables - ce que l'on appelle le « bras préventif » du pacte budgétaire - ne sont pas plus faciles que celles du « bras correctif » : En 2018, s'ensuivra donc une logique différente : ainsi, 3 % n'est pas une limite, la moyenne des déficits de l'Union européenne étant d'ailleurs plus proche de 1 %... Il importe de réduire également le déficit structurel. Donc, une fois sous les 3 %, le déficit budgétaire doit continuer à baisser fortement. Il faudra donc changer la focale.
Les moindres recettes liées à l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les dividendes ne seront pas prises en compte dans l'effort structurel car il s'agit d'un impact ponctuel (one off). Cela n'autorise pas pour autant la France à passer au-dessus de 3 % de déficit, ni en 2017 ni au-delà, si elle souhaite voir la procédure pour déficit excessif abrogée. Au surplus, il est trop tôt pour savoir sur quelle année cet impact sera comptabilisé, cela ne dépend pas de la Commission européenne, mais d'un organisme indépendant, Eurostat.
Notre système de règles, définies par les États membres eux-mêmes, donne un rythme de référence pour les pays à dette publique élevée, dont la France fait partie. Je rappelle que la dette publique française sera, en 2022, toujours au niveau de 90 % du PIB, tandis que la dette de l'Allemagne se situera en-dessous de 60 %. Le rythme de réduction prévu, qui représente un effort de 0,6 % du PIB par an, est supérieur à celui qui est prévu par le projet de loi de programmation des finances publiques sur le quinquennat. Nos règles sont souples : elles autorisent des déviations, jusqu'à un certain seuil. Le plancher minimal se situe à 0,1 % de réduction du déficit structurel mais il convient alors de se rattraper sur les années suivantes. Or toute la marge devrait être consommée en 2018. Il faudra donc veiller à la suite en 2019 et 2020 : vos commissions doivent avoir en tête toute la séquence et non seulement l'année en cours.
C'est pourquoi, la Commission a envoyé une lettre à la France mais aussi à l'Italie, à l'Espagne, à la Belgique et au Portugal, pour avoir des informations complémentaires, afin de former un jugement équilibré. Cela ne compromettra pas la sortie de la France de la procédure pour déficit excessif, mais colorera son jugement sur les finances publiques françaises.
J'en viens à la fiscalité : le scandale des Paradise Papers nous rappelle l'urgence à agir pour plus de justice fiscale. Chaque nouveau scandale de ce type est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Cela montre que certaines entreprises et certains particuliers sont prêts à tout pour échapper à leurs obligations, et ne laisser aucune place à un altruisme de bonne facture. Les citoyens, qui eux paient leurs impôts, sont légitimement outrés par ce qui se passe. Cependant, et c'est la bonne nouvelle, un tel scandale fait progresser la prise de conscience. Quand il apparaît au grand jour, le Conseil Ecofin, se passe différemment : les mêmes ministres que l'on avait connus parfois résistants sont plus sensibilisés à cette cause.
La Commission européenne a déjà fait beaucoup dans ce domaine. Deux évolutions majeures sont en cours d'application : l'échange automatique d'informations entre administrations fiscales ; la fin du secret bancaire en Europe, qui concerne, en plus de l'Union européenne, Monaco, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et la Suisse. Nous avons aussi agi en matière de rescrits fiscaux.
La justice fiscale repose sur un principe simple : les profits doivent être taxés là où ils sont générés, afin de limiter le transfert de bénéfices vers les pays où la fiscalité est plus avantageuse. Parallèlement, nous avons aussi interdit les schémas d'évasion fiscale les plus courants des entreprises.
La première chose à faire pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales est de mettre en oeuvre ces mesures par exemple pour une entreprise dont a beaucoup parlé qui s'est livrée aux Pays-Bas à des pratiques pourtant prohibées par la directive de 2016 sur la lutte contre l'évasion fiscale.
La mise en oeuvre de toute directive peut durer plusieurs années. Le plus simple et le plus digne est de l'anticiper. Au-delà, il y a beaucoup à faire : je citerai trois chantiers.
Le premier chantier consiste à instaurer de nouvelles règles de transparence pour les intermédiaires, tels les banquiers, avocats, conseillers fiscaux qui, organisant des montages facilitant le contournement des règles, ne sont pas forcément dans l'illégalité mais profitent des failles des lois. J'ai proposé avant l'été d'imposer aux intermédiaires une obligation de transparence sur les montages fiscaux. Les États membres doivent avancer rapidement sur ce dossier.
Ensuite, rien ne sert de devenir vertueux si le reste du monde peut attirer les évadés fiscaux. C'est pourquoi les Européens doivent se mettre d'accord d'ici la fin de l'année sur une liste européenne de paradis fiscaux mondiaux, assortie de sanctions dissuasives. Je suis optimiste après la réunion du Conseil Ecofin de ce matin, où l'enthousiasme des ministres était perceptible. Il faut que trois conditions soient remplies : que cette liste sorte rapidement, qu'elle soit crédible, plus que celle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que le G 20 a retoquée, et qu'elle soit assorties de sanctions appropriées.
Le troisième chantier concerne les données comptables et les bénéfices des entreprises, ce que l'on appelle en anglais country by country reporting, qui existe déjà entre administrations fiscales. Il est temps de les rendre publiques, afin que les citoyens et vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, puissent y accéder. Le jour où cela arrivera, les comportements opaques changeront. C'est nécessaire et possible, sans mettre en péril le secret des affaires. C'est l'absence de transparence qui pose un problème.
En matière de fiscalité, les entreprises numériques, comme les entreprises traditionnelles, doivent payer leur juste part du financement des services publics. Il ne s'agit pas que des grandes entreprises du numérique (GAFA) : notre fiscalité des sociétés ne permet pas de saisir toute une série d'autres entreprises. Il faut inventer une fiscalité du XXIe siècle, avec une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés autour d'un véhicule structurant, mais je ne suis pas opposé à ce que la Commission étudie une option plus simple pour aller plus vite. La Commission se prépare, comme le lui ont demandé les chefs d'États et de gouvernements réunis à Tallin, à faire une proposition au printemps 2018.
Il faut mener les réformes structurelles fondamentales. Je vous invite, avec les présidents de vos commissions, à peser dans ce débat et à aborder les échéances budgétaires en ayant à l'esprit que la voix de la France sera d'autant plus forte que rien ne pourra lui être reproché en matière de finances publiques et que le rôle de la Commission européenne est important dans le cadre de l'Eurogroupe et du conseil Ecofin.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci pour la clarté de vos propos, tant sur le volet correctif que sur le volet préventif.
La proposition, faite par la France, d'une taxe « d'égalisation » sur le chiffre d'affaires des entreprises du numérique, avec un taux unique et éventuellement un mécanisme de consolidation, fait-elle toujours partie des pistes étudiées par la Commission européenne ?
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fait l'objet dans la discussion de chaque projet de loi de finances de nombreux amendements, rarement pour la réduire. Or récemment, la Commission européenne a envisagé de donner plus de liberté pour revoir la liste des biens et services pouvant faire l'objet de taux réduits. Quelle piste privilégie-t-elle ? Comment concilier une plus grande liberté pour les États membres et la lutte contre la concurrence fiscale déloyale ?
Enfin, je souhaitais vous interroger sur l'érosion due aux fraudes à la TVA, qui se multiplient avec le développement de l'e-commerce, entraînant des pertes de recettes considérables.
M. Jean-Yves Leconte. - Je reviens du Danemark, pays avec lequel la France n'a pas de convention fiscale. Je constate que la fiscalité de certains États membres constitue parfois un obstacle à la mobilité et à la construction européenne. Comment faire en sorte que les fiscalités convergent davantage, et éviter des conventions fiscales bilatérales sources de complications voire d'aberrations ? Il faut aller vers plus d'harmonisation.
Je m'interroge sur le budget de la zone euro : comment mener de nouvelles politiques, sachant qu'il manquera 10 milliards d'euros, en raison de la sortie de la Grande-Bretagne et que, depuis quinze ans, les ressources propres du budget européen baissent ? Ne faudrait-il pas renverser le système et construire des financements forts, afin que la zone euro contribue au budget de l'Union européenne ?
Puisque l'on a une monnaie commune, on peut avoir une convergence fiscale et reconstituer des ressources propres pour l'Union européenne.
Mme Sophie Taillé-Polian. - L'an dernier, un certain nombre de pays européens et de parlementaires ont demandé la révision du mode de calcul du solde structurel et de l'écart de production. Dans un courrier, vous aviez envisagé un travail approfondi sur le sujet. Où en est-on ?
M. André Gattolin. - Le Président de la République a proposé de créer un poste de ministre européen des finances. Quel serait le rôle du commissaire chargé de ces questions ? Cette fonction pourrait-elle englober la présidence de l'Eurogroupe, d'autant que le poste doit être renouvelé en décembre ? Un budget européen spécifique est-il envisageable ?
Comme pour le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ne risque-t-on pas d'avoir un ministre européen quelque peu symbolique, puisque la fiscalité reste du ressort de chaque pays ?
Les propositions sur le renforcement de l'union bancaire et des marchés de capitaux européens devraient être présentées début 2018, ainsi qu'un plan d'action sur les technologies financières, les Fin Tech. Il était aussi question de créer un passeport européen qui permettrait aux start-ups d'opérer partout dans l'Union. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Julien Bargeton. - Vous estimez qu'il ne faut pas limiter la liste des paradis fiscaux à un seul pays, comme le fait l'OCDE. Quels sont les critères retenus par l'Union européenne ? Les réformes structurelles décidées ces derniers mois vont-elles permettre à la France de sortir de la procédure de déficit excessif ?
M. Yannick Botrel. - Nos concitoyens se défient de l'Europe, ce que je regrette. Pourtant, les instances européennes peinent à se saisir de certains sujets, comme la fraude ou l'optimisation fiscales. Certains paradis fiscaux sont aux portes même de l'Europe. Or il a fallu attendre que la presse dévoile les Paradise Papers pour qu'elle réagisse. Elle se devrait d'être plus proactive sur de tels sujets. La fiscalité des grands groupes est également régulièrement évoquée. Comment se fait-il qu'autant de temps soit nécessaire pour apporter les réponses attendues ?
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - S'agissant de la liste noire de l'Union européenne, comment cette liste peut-elle être crédible dès lors qu'elle exclurait les territoires de l'Union européenne ? Vous avez cité vous-même les Pays-Bas, Malte, certains territoires du Royaume-Uni. Cette liste se subsistera-t-elle aux listes nationales ?
M. Pierre Moscovici, commissaire européen. - La TVA est un chantier structurel qui m'occupe quotidiennement. Depuis 1993, nous vivons sous le régime provisoire de la TVA établi par les États membres. Le système de la TVA a ses mérites mais aussi ses défauts : il génère 160 milliards d'euros de pertes de recettes annuelles dont 50 milliards liés à la fraude transfrontalière, notamment la fraude « carrousel ». Nous devons donc passer à un régime définitif de TVA et traiter les flux transfrontaliers comme les flux domestiques.
Ce matin même, nous avons été sur le point d'adopter une directive sur le e-commerce, qui suppose une coopération entre les États membres. Le nouveau ministre allemand des finances a promis que le texte serait adopté en décembre.
Nous devrons certainement autoriser l'adoption de taux réduits sur les e-books et les e-publications, c'est-à-dire la presse en ligne. En effet, je souhaite donner plus de liberté aux États membres sur le choix des produits bénéficiant d'un taux réduit, ce qui n'est pas contradictoire avec l'harmonisation fiscale. Il convient de respecter la souveraineté fiscale dans le cadre des catégories de taux, mais ce n'est pas Bruxelles qui doit fixer la liste des produits sur lesquels doit s'appliquer la TVA à taux réduit. Lorsque j'étais ministre des finances, nous avions eu un grand débat sur la baisse du taux de la TVA sur le e-book ou sur la filière équine. Le principe de subsidiarité doit s'appliquer.
La liste des paradis fiscaux établie par l'Union européenne devra se substituer aux listes nationales : ce sera la première fois qu'une grille unique s'appliquera dans tous les États membres, avec les mêmes critères et les mêmes sanctions. Aujourd'hui, il existe 22 listes, certaines étant vides et d'autres pléthoriques. Nous n'excluons pas les pays de l'Union par principe. Si l'un d'entre eux était un paradis fiscal, il figurerait sur la liste. Mais les pays de l'Union ont accepté les standards internationaux en matière d'échanges automatiques d'information. Un pays ne peut être considéré comme un paradis fiscal du fait de son attractivité fiscale. Distinguons aussi la fraude fiscale de l'évasion fiscale ou de la planification fiscale agressive. Ne confondons pas ce qui est légal mais immoral, de ce qui est illégal. En revanche, la directive interdira certaines pratiques fiscales, comme celle utilisée par une grande marque d'équipements sportifs au Pays-Bas. Avant même les Paradise Papers, j'ai écrit aux ministres de Malte et de Grande-Bretagne pour soulever certaines infractions, notamment en ce qui concerne l'Île de Man.
L'OCDE est une institution qui a un regard confiant sur le monde mais elle a tendance à considérer que les engagements pris sont tenus, ce qui explique que sa liste ne comprenne qu'un seul pays. En outre, elle n'a pas retenu tous nos critères : procédures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, échanges automatiques, suppression du taux zéro pour les sociétés. En décembre, nous aurons sur ce dernier point une discussion serrée car certains pays ne souhaitent pas aborder cette question.
La liste noire des paradis fiscaux, la transparence des intermédiaires et le reporting public par pays sont sur la table des ministres. La Commission a décidé de lancer des enquêtes sur Malte et l'Île de Man. Depuis que je suis commissaire, six directives ont été adoptées et onze propositions ont été présentées. Du fait des scandales à répétition, la pression sur les États membres s'est accrue. La Commission européenne a le monopole des initiatives, mais la pression actuelle s'exerce sur les États, et je m'en réjouis. Les grands groupes doivent payer leurs impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits.
Vous m'avez également interrogé sur la fiscalité du numérique : il s'agit d'un problème qui doit être résolu au niveau mondial. Nous devons donc jouer le jeu de l'OCDE. À mon sens, la solution consisterait à instaurer une assiette commune consolidée d'impôt sur les sociétés. Cette proposition est sur la table des ministres : il s'agit d'une taxe sur les profits dont le seuil est fixé à 750 millions de chiffre d'affaires. La consolidation permet d'éviter le transfert des profits d'un pays à l'autre. J'ai demandé à mes services d'examiner l'instauration éventuelle d'une taxe sur le chiffre d'affaires, mais des effets de seuil et des doubles impositions risquent de se produire.
Enfin, n'oublions pas le principe de la souveraineté fiscale, notamment en matière de fixation des taux. La proposition du président Juncker d'appliquer la clause passerelle, c'est-à-dire passer de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée, suppose de lever un certain nombre de tabous. Il n'y aura pas d'harmonisation fiscale - comme sociale, d'ailleurs - tant que la règle de l'unanimité s'appliquera.
En décembre, la Commission fera des propositions pour que nos règles soient plus simples et plus lisibles, tout en préservant les flexibilités actuelles. Les problèmes de soldes structurels ont fait l'objet de travaux qui n'ont pas été validés par les ministres des finances. Avec la reprise, ces problèmes sont moins prégnants. En France, les analyses du Gouvernement en matière de solde structurel se sont considérablement rapprochées de celles de la Commission.
Un budget de la zone euro permettrait plus de croissance et d'emplois. Mais quelles ressources pour un tel budget ? Le chantier reste largement ouvert. Dès lors qu'un budget propre serait instauré, la gouvernance devrait évoluer. Le ministre des finances serait à la fois le commissaire chargé des affaires économiques et financières et le président de l'Eurogroupe qui, aujourd'hui, n'est responsable que devant son propre Parlement. Ainsi, un contrôle parlementaire pourrait s'exercer.
La Commission européenne continue à travailler sur l'union bancaire, les marchés de capitaux et le passeport européen.
Les réformes structurelles démontrent la volonté d'un pays de réduire ses déséquilibres et de renforcer sa croissance. Mais, au total, la Commission européenne s'en tient à l'évaluation des déficits nominaux et structurels et de la trajectoire des finances publiques pour sortir un pays de la procédure de déficits excessifs. Nous avons des raisons solides de croire que tel sera le cas pour la France en 2018. Comme le disait Léon Blum : « Je l'espère et je le crois, je le crois parce que je l'espère ».
M. Michel Raison. - L'économie évolue beaucoup plus vite que la fiscalité. Tous les jours de nouvelles applications sont proposées et l'e-commerce profite de l'absence de charges, de taxes foncières. Les petits et grands commerces disparaissent face à cette nouvelle concurrence. Nous risquons de sérieuses pertes de recettes fiscales.
L'accord des pays de l'Union est-il nécessaire pour définir les paradis fiscaux ? Les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Irlande ne seront-ils pas tentés de bloquer le processus ? Comment faire pour obtenir l'unanimité sur la liste noire ?
M. Victorin Lurel. - Quelle sera la conséquence du Brexit sur notre contribution au budget de l'Union européenne ? Peut-on espérer aboutir sur une base commune et consolidée de l'impôt sur les sociétés ? La taxe carbone et la taxe sur les transactions financières vont-elles voir le jour ?
Nous avons signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en mars 2012, qui est un traité international. Sept mois après, nous avons voté une loi organique de transposition en droit national. Qu'en est-il désormais de la communautarisation du TSCG ?
M. Emmanuel Capus. - Quel contrôle démocratique sur le ministre de la zone euro proposez-vous ? S'agirait-il du Parlement européen ou de parlementaires de la zone euro ?
Votre collègue à la concurrence a mis en place une procédure d'enquête approfondie sur les pratiques fiscales du Royaume-Uni. Demain, quels seront les contrôles qui pourront être exercés à l'encontre de ce pays ? Ne risque-t-on pas d'avoir un paradis fiscal aux portes de l'Union ?
M. Didier Rambaud. - Une large partie de nos territoires et de nos exploitations est exsangue. Le monde agricole souhaite une politique agricole rénovée. Quelles sont vos réflexions en la matière ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - La Commission européenne s'intéresse-t-elle aussi à l'explosion des excédents dans certains pays ?
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - En 2016, Édouard Leclerc et le groupe allemand REWE ont créé une centrale d'achat qui se dénomme Eurelec Trading. Sera-t-il possible de corriger ces dérives de l'optimisation fiscale qui pénalisent encore un peu plus les exploitants agricoles ? Le président Jean Arthuis avait tenté de lutter contre ce fléau en 2013, mais sans succès. Je déposerai un amendement en ce sens. La Commission européenne est-elle mobilisée sur cette question ?
M. Pierre Moscovici, commissaire européen. - Je regarderai avec attention cet amendement, mais je n'ai pas été saisi de ce dossier, sur lequel je ne suis pas compétent.
Je ne puis donner de chiffre sur le coût du Brexit puisque les discussions sont en cours. En revanche, il n'est pas question que les discussions durent deux ans : le 29 mars 2019 à minuit, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union européenne. Les négociations doivent donc se conclure bien avant, afin de laisser le temps aux pays membres de ratifier les accords de sortie. Les négociations devront donc s'achever en octobre 2018 à la fois sur le solde de nos relations mais aussi sur nos relations futures. D'ici la fin de cette année, des progrès décisifs doivent être réalisés sur la question financière, le sort des citoyens et la frontière avec l'Irlande pour laquelle il faudra éviter un excès de rigidité.
Je vous invite à lire le rapport de Mario Monti qui a présidé le groupe de Haut niveau sur les ressources propres. Il décline des propositions sur l'impôt sur les sociétés, la TVA, la taxe carbone. Je regrette que nous n'ayons pas encore fait de proposition sur la taxation de l'énergie. Nous devrions y parvenir au printemps prochain. En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, les dix États membres, dont la France, pourraient la mettre en oeuvre très rapidement. Je les incite à sortir de l'ambiguïté.
Le TSCG doit être intégré dans les traités : nous évoquerons cette question dans le paquet « Union économique et monétaire » du 6 décembre prochain. Ce sujet n'est politiquement pas neutre, car cela signifie qu'il faut aussi introduire de la flexibilité, ce que certains refusent.
Je partage votre point de vue, Michel Raison, la TVA doit être modernisée. Pour ce qui concerne la liste noire, nous avons fixé les critères que j'ai déjà donnés. Le groupe « Code de conduite » est en train de travailler sur les propositions de la Commission. Il examine de façon précise et détaillée les différents systèmes fiscaux des États qui pourraient figurer dans la liste. Les États qui n'auront pas répondu aux demandes d'informations seront sur la liste, les États qui auront satisfait à nos critères n'y seront pas. De nombreux pays doivent encore répondre à diverses questions.
Emmanuel Capus m'a interrogé sur le contrôle démocratique : les assemblées nationales ont tout leur rôle à jouer. Mais, pour l'essentiel, ce sera au Parlement européen ou à un Parlement dérivé de ce dernier de contrôler le budget de la zone euro. À mon sens, le Parlement européen est l'assemblée idoine pour y procéder. Mais libre aux parlementaires européens de s'organiser entre eux pour créer une commission ou un comité.
À partir du moment où le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne, ce sera un État tiers qui définira de façon souveraine sa politique fiscale. Certains évoquent une sorte de Singapour à nos frontières, mais Singapour n'est pas un paradis fiscal. En outre, rien n'interdirait au Royaume-Uni de proposer une fiscalité avantageuse dans le cadre de l'Union : il pourrait réduire son taux d'imposition de dix points mais, ensuite, il lui faudrait compenser les pertes de recettes. Pour moi, cette éventualité n'est économiquement pas viable et elle ne permettrait pas au Royaume-Uni de s'affranchir de toutes les règles, car c'est un pays membre du G20 et du G7. Enfin, depuis cinq ans, les gouvernements britanniques successifs ont été proactifs en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Il est encore trop tôt pour parler de l'avenir de la politique agricole commune (PAC). Mais les prochaines perspectives financières vont être compliquées, car il y aura moins de ressources tandis que de nouvelles politiques publiques devront être financées : défense, investissement, innovation, éducation, économie du futur... Pour la PAC, la vigilance s'imposera donc.
Enfin, l'Allemagne et les Pays-Bas connaissent des excédents qui pèsent sur la croissance de la zone euro. Ces déséquilibres doivent se réduire grâce, notamment, à un effort supplémentaire d'investissement dans les infrastructures.
La réunion est close à 19 h 05.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 19 h 10.
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Audition de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
M. Vincent Éblé, président. - Mes chers collègues, nous entendons ce soir Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances sur le projet de loi de finances rectificative tirant les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Je suis conscient du délai imposé au Parlement pour examiner ce projet de loi de finances rectificative pour 2017. Vous disposez en effet de très peu de temps pour prendre connaissance de ce texte, dont l'urgence est due à la récente décision du Conseil constitutionnel. Toutefois, je tiens à vous assurer que le caractère exceptionnel de ce calendrier ne remet pas en cause la volonté du Gouvernement de dialoguer avec le Parlement.
Ce projet de loi de finances rectificative est essentiel pour permettre une bonne gestion budgétaire pour l'année 2017.
Le 17 mai 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la contribution de 3 % sur les montants distribués était incompatible avec le régime fiscal commun appliqué aux sociétés mères et filiales. Dans sa décision du 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré ce même dispositif et a demandé à l'État de restituer aux entreprises, de manière rétroactive, la totalité des sommes perçues.
L'article 13 du projet de loi de finances pour 2018 supprime la taxe de 3 % sur les dividendes en tirant les conséquences du contentieux européen. Nous avions en outre provisionné - sur la période 2018 à 2021 - les sommes nécessaires au remboursement. La censure intégrale du dispositif par le Conseil constitutionnel conduit à une augmentation du montant total des remboursements dus par l'État, ainsi qu'à une simplification du traitement des dossiers par rapport au schéma imaginé. Les décaissements se feront finalement sur deux ans, à hauteur de 5 milliards d'euros en 2017 et 5 milliards d'euros en 2018. Au total ce sont donc 10 milliards d'euros, et non les 5,7 milliards d'euros que nous avions initialement imaginés, que nous devons rembourser, dont 1 milliard d'euros au titre des intérêts moratoires.
Cette somme est susceptible de remettre en jeu notre équilibre des comptes publics et nos engagements européens. En effet, si aucune mesure n'est prise, la charge imprévue pourrait conduire à une remise en cause de la sortie de la France de la procédure pour déficit public excessif. À titre de rappel, il n'y a plus que deux pays concernés par celle-ci. Nous avons pris l'engagement d'une sortie de cette procédure dès l'année prochaine, avec un déficit projeté de 2,9 % en 2017, et 2,6 % en 2018. À défaut de mesure exceptionnelle, cette trajectoire serait remise en cause.
Au vu des efforts demandés aux concitoyens depuis la nomination du Gouvernement, nous présentons ce projet de loi de finances rectificative distinct, avec un dispositif qui n'a vocation à s'appliquer qu'une seule fois. Il n'est ainsi pas question de rééditer ce type de dispositif par la suite.
Il repose sur deux surtaxes dont le taux est conditionné au chiffre d'affaires des entreprises. Une contribution exceptionnelle est instaurée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Elle représentera environ 15 % du montant de l'impôt sur les sociétés, ce qui mettra leur taux d'impôt sur les sociétés à 38,33 %. Par un amendement voté hier à l'Assemblée nationale, un lissage a été mis en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 milliard d'euros et 1,1 milliard d'euros, afin de minimiser les effets de seuil.
Une contribution additionnelle est également mise en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 3 milliards, qui représentera 15 % de leur impôt sur les sociétés. Elle s'ajoutera à la contribution exceptionnelle précédemment évoquée. Au total, leur taux d'impôt sur les sociétés sera de 43,3 %. Un lissage est également prévu pour les entreprises qui ont un chiffre d'affaires compris entre 3 milliards d'euros et 3,1 milliards d'euros.
Par ces deux contributions, nous évaluons les rentrées fiscales à 4,8 milliards d'euros en 2017, qui seront payées avant le 20 décembre de cette année, et à 600 millions d'euros supplémentaires en 2018. Grâce à ces contributions, le déficit - à 2,9 % - restera inchangé. Le Haut Conseil des finances publiques a d'ailleurs jugé cette hypothèse crédible, indiquant que « les informations communiquées à sa demande au Haut Conseil sur les modalités pratiques retenues pour le règlement des sommes dues - et en particulier le choix de traiter prioritairement d'ici fin décembre les dossiers correspondant aux montants les plus importants - rendent plausible l'hypothèse d'un montant total voisin de 5 milliards d'euros sur l'année 2017 ».
Il restera à la charge de l'État 4,6 milliards d'euros, imputés sur le budget 2018. Ce surcoût ne devrait toutefois pas dégrader le déficit au-delà de la limite des 3 %. En effet, dans la version actualisée, cette dépense supplémentaire devrait faire passer le déficit de 2,6 % à 2,8 % du PIB. Ce n'est pas une décision politique agréable à porter, d'autant plus que de nombreux efforts budgétaires ont été consentis. Toutefois, cela n'est nullement une remise en cause de notre trajectoire budgétaire, ni de notre volonté de baisser l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % d'ici la fin du quinquennat, avec un taux à 28 % dès 2020. Il n'est ainsi pas question d'augmenter durablement la pression fiscale sur nos entreprises.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je souhaiterais avoir une explication sur le scénario macroéconomique retenu pour ce projet de loi de finances rectificative. En effet, l'exposé des motifs mentionne que « le scénario macroéconomique attaché au projet de loi de finances rectificative pour 2017 est identique à celui du projet de loi de finances pour 2018, qui retient une croissance du PIB de 1,7 % pour l'année 2017 ». L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) prévoit pour 2018 une croissance à 1,8 %, ce qui pourrait conduire à des recettes supérieures et une amélioration du solde public. Dès lors, pourquoi ne pas avoir intégré cette nouvelle évaluation de la croissance dans les calculs pour ce projet de loi de finances rectificative ? Cela permettrait en effet de limiter le prélèvement fait sur les entreprises.
Par ailleurs, la semaine prochaine, nous allons examiner le deuxième projet de loi de finances rectificative - le collectif budgétaire de fin d'année. Ce dernier confirmera-il l'hypothèse retenu par le Gouvernement de 1,7 % de croissance ? Ou bien, cette dernière serait-elle différente à celle utilisée pour ce premier projet de loi de finances rectificative ?
Enfin, je souhaite souligner que les entreprises qui vont être mises à contribution dans le cadre de la contribution exceptionnelle ne sont pas forcément celles qui vont bénéficier d'un remboursement de la contribution de 3 % sur les dividendes. C'est notamment le cas des banques mutualistes et des groupes fiscalement intégrés. Pour eux, il s'agit d'une augmentation brute de leur fiscalité, alors même qu'ils ont peut-être déjà investi leurs bénéfices. Avez-vous des informations sur les gagnants et les perdants de cette contribution exceptionnelle ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a fait le choix de maintenir son hypothèse de croissance à 1,7 %. Bien évidemment, nous nous réjouissons qu'un institut renommé annonce une croissance supérieure. Toutefois, d'autres estiment que la croissance sera plus faible. Ainsi, le Fonds monétaire international (FMI) l'estime à 1,6 %, l'Organisation de coopération et de développement économiques à 1,7 % et l'Insee à 1,8 %. Nous avons choisi de retenir l'hypothèse médiane, qui nous paraît être la plus responsable. J'espère que nous aurons une bonne surprise l'année prochaine, avec une croissance qui sera au rendez-vous. Mais la prudence prévaut actuellement.
Une révision du montant prévisionnel des recettes, en lien uniquement avec une modification des hypothèses de croissance, nous a apparu peu opportune. En effet, à ce stade de l'année, ce n'est pas tant le cadrage macroéconomique qui va déterminer le niveau des recettes que l'on va inscrire au projet de loi de finances rectificative, mais plutôt la dynamique des encaissements constatés au vu des dernières remontées comptables.
La question des gagnants et des perdants est inextricable. Tout d'abord, toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 milliard d'euros sont gagnantes. Certes, la contribution exceptionnelle vise à faire face à la censure de l'imposition à 3 % sur les dividendes. Toutefois, il n'y a aucun lien juridique entre l'assujettissement à cette contribution exceptionnelle et la perception d'un remboursement du fait de la censure du dispositif précédent. Un tel lien serait contraire à la Constitution et risquerait une nouvelle annulation.
Sur la base de l'impôt sur les sociétés payé en 2016, nous estimons que 319 entreprises sont redevables à cette contribution exceptionnelle - 223 d'entre elles payeront un montant supérieur aux restitutions demandées, 95 d'entre elles payeront un montant inférieur au remboursement accordé, soit un ratio de deux tiers un tiers.
Je sais que les banques mutualistes ont alerté de nombreux parlementaires sur leur assujettissement à ces contributions, alors même qu'elles n'étaient pas assujetties à la taxe de 3 % sur les dividendes. Toutefois, si elles sont concernées par ce dispositif, cela signifie que leur chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Par ailleurs, ne pas les considérer de la même manière que d'autres entreprises constituées par des entités fiscales intégrées fait courir le risque d'une nouvelle censure pour rupture d'égalité devant les charges publiques. Leurs résultats fiscaux sont ainsi déterminés de la même manière que les autres groupes fiscaux intégrés soumis à cette contribution exceptionnelle.
M. Claude Raynal. - Les banques mutualistes font partie de ces entités qui vont être des contributeurs bruts, c'est-à-dire qui vont devoir payer ces contributions exceptionnelles, sans recevoir un quelconque remboursement de la part de l'État. Combien de sociétés contributrices ne recevront aucun remboursement au titre de la taxe à 3 % ?
Par ailleurs, j'ai mal vécu l'explication du ministre de l'économie et des finances expliquant que cette censure était un scandale d'État. Ce sont des termes très violents. À ce titre, je tiens à vous remercier pour votre exposé sobre. J'ai ainsi l'impression, qu'en fonction des publics, la terminologie employée par le Gouvernement n'est pas la même.
Il ne faut pas oublier les circonstances dans laquelle a été créée cette taxe des 3 % sur les dividendes. Elle succède à un contentieux ancien, portant sur les OPCVM. L'ancien Gouvernement avait dû - tout comme vous - trouver une solution en urgence à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. C'est l'administration qui doit à chaque fois trouver des solutions en urgence, en pesant le pour et le contre et estimant les risques.
Pour moi, il ne s'agit pas d'un scandale d'État, mais d'une solution technique, mais fragile, proposée en urgence par une administration de qualité. Il est en effet toujours difficile d'anticiper les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ou du Conseil constitutionnel.
On pourrait très bien imaginer que dans quelque temps, le système que vous proposez soit également remis en cause. Vous avez parlé de rupture d'égalité devant les charges publiques. Or, votre projet cible très peu d'entreprises. Un nouveau contentieux porté par les entreprises concernées devant le Conseil constitutionnel n'est pas à exclure.
Nous devons trouver collectivement une solution. Je me permettrai d'en proposer une. On pourrait, par exemple, reporter d'un an la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU). On trouverait ainsi les 5 milliards d'euros manquants, tout en enlevant ce poids financier pesant sur les entreprises et l'inquiétude qui peut exister chez nos concitoyens concernant la réforme de l'ISF et du PFU. Par ailleurs, cette solution ne risque pas d'être censurée par le Conseil constitutionnel.
M. Julien Bargeton. - À l'Assemblée nationale, Bruno Le Maire a annoncé vouloir réfléchir à un taux d'intérêt moratoire plus faible. En effet, un taux de 4,8 % est très élevé. Quels seraient les critères et conditions pour pouvoir abaisser ce taux ?
Plus largement, comment peut-on éviter collectivement à l'avenir de reproduire ces erreurs ? Je suis un nouveau parlementaire. Peut-on renforcer les moyens d'évaluation ex post et ex ante de la loi, ainsi que la façon de suivre les contentieux fiscaux ? Faut-il mettre en place une mission de suivi des contentieux fiscaux européens et surtout ceux faisant l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Les inscrire sur une liste ? Faut-il prévoir une étude d'impact systématique sur les amendements parlementaires et gouvernementaux ?
M. Emmanuel Capus. - Une réponse a déjà été apportée à ma question portant sur les gagnants et perdants de cette contribution exceptionnelle. Cette censure ne témoigne peut-être pas d'un scandale d'État, mais à tout le moins d'un dysfonctionnement. Être condamné par plusieurs juridictions ne traduit pas une bonne façon de légiférer. Aussi, en dehors du rapport confié à l'inspection générale des finances sur ce sujet, y a-t-il une réflexion en cours avec vos services sur la façon de mieux légiférer en matière fiscale - sachant que pour moi, dans ce domaine, mieux légiférer signifie moins légiférer ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Les banques mutualistes ne sont pas les seuls groupes d'entreprises à être des contributeurs bruts. Au total, entre 70 sociétés et 80 sociétés le sont. Je souhaite réaffirmer que cette surtaxe n'est pas une compensation du remboursement que certaines entreprises peuvent percevoir. Sinon on pourrait avoir l'impression que le Gouvernement cherche à contourner une décision de justice.
Le rapport de l'inspection générale des finances, commandé par le ministre de l'économie et des finances, doit permettre de faire la lumière sur le processus ayant amené à cette censure. Mais il doit aussi nous éclairer sur la manière dont on peut préparer plus efficacement les textes financiers. Nous devons travailler ensemble - administration, Parlement, Conseil constitutionnel - afin d'éviter à devoir refaire en urgence, ce que nous devons faire aujourd'hui. Enfin, si ce n'est pas un scandale d'État, c'est à tout le moins une faute extrêmement lourde de gestion, qui coûte 10 milliards d'euros. L'établissement des responsabilités est la moindre des choses que nous devons faire.
Le report d'une année de la réforme de l'ISF ne permettrait pas de répondre à notre volonté de passer en dessous des 3 % de déficit pour la fin décembre 2017. Je tiens également à rappeler que la fiscalité ne doit pas servir une clientèle, mais être au service d'un modèle économique, de l'intérêt général, afin d'accroître le potentiel de croissance.
Nous connaissons tous des patrons de petites et moyennes entreprises (PME) qui cherchent des financements de 3 millions à 6 millions d'euros, pour se développer mais ne les trouvent pas. Aujourd'hui, soit vous cherchez un financement plus petit et vous pouvez le trouver, soit vous cherchez un financement beaucoup plus important sur les marchés financiers. Mais pour cette tranche médiane d'investissement, nous avons la conviction que le capital productif est trop taxé. Le Gouvernement souhaite permettre aux entreprises et aux PME d'investir, de leur donner des leviers de croissance.
Certes, quelques fonds de grandes entreprises, ainsi que la Banque européenne d'investissement (BEI) commencent à s'intéresser à nos PME, mais cela n'est pas suffisant. Notre but est de permettre l'émergence de PME solides, de leur donner des leviers de croissance et de financement. Or, il faudra un certain délai pour que les mesures structurelles que nous mettons en place aujourd'hui aient un impact sur les territoires. C'est la raison pour laquelle il faut dès à présent les faire. Nous souhaitons par ailleurs évaluer l'impact des mesures prises dans deux ans.
Le niveau des intérêts moratoires fera l'objet d'un débat dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année. En effet, le taux de 4,8 % est fixé par la loi. Une modification législative est nécessaire pour le changer. Le ministre est ouvert aux différentes propositions sur ce point.
Sans doute avons-nous été insuffisamment vigilants dans l'élaboration du dispositif sanctionné. C'est la raison pour laquelle le double dispositif proposé a fait l'objet d'une sécurisation maximum. Lors du passage en Conseil d'État, une attention particulièrement importante a été apportée au regard du droit de l'Union européenne. C'est certainement sur ce point qu'il y a eu une défaillance en 2012.
Nous avons également supprimé le plafond initialement prévu, sur l'avis du Conseil d'État. Nous avons ensuite refusé toute exception, afin d'éviter une remise en cause du dispositif pour rupture d'égalité. Enfin, les deux contributions reprennent le principe de la surtaxe « Fillon » sur l'impôt sur les sociétés qui n'avait pas fait l'objet de contentieux.
Pour les futures dispositions budgétaires et fiscales, je suis en faveur d'un renforcement d'un travail conjoint entre les deux chambres et les services administratifs, afin d'éviter d'avoir à travailler dans l'urgence, porteuse de risques. Nous sommes en effet responsables envers nos concitoyens des lois que nous votons. Par ailleurs, nous devons, à mon sens, porter une attention accrue aux textes communautaires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Permettez-moi de faire une remarque. Dans cette optique, il serait bien que le Gouvernement ne dépose plus en séance des amendements de fond, notamment lors des projets de loi de finances rectificative. Nous avons plusieurs exemples, notamment dans le cadre de collectifs budgétaires où le Gouvernement dépose en séance un amendement, sans avis du Conseil d'État, et pour lequel la commission des finances ne dispose que de quelques minutes pour l'étudier et se prononcer. Cela a été le cas de la réforme du régime fiscal applicable aux zones de revitalisation rurale (ZRR). J'ai également le souvenir de la réforme du tabac, dont l'amendement de séance, comprenant de nombreuses pages, a été déposé par le Gouvernement à 22 heures, et sur lequel nous avons voté cinq minutes plus tard. Une telle façon de procéder est source de contentieux éventuels. Un effort de la part du Gouvernement est nécessaire sur ce point. Par ailleurs, les avis du Conseil d'État pourraient être rendus publics.
M. Bernard Delcros. - Vous avez déjà répondu à plusieurs de mes questions, de manière pragmatique, notamment sur le risque constitutionnel du nouveau dispositif proposé, les intérêts moratoires ainsi que les solutions à trouver pour éviter qu'un tel scénario ne se répète. Comment ont été évalués les 10 milliards d'euros qui doivent être remboursés aux entreprises ?
M. Jean-François Husson. - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'est jamais bon de voter des lois dans l'urgence. À ce sujet, Bruno Le Maire a annoncé que le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) sera remis le 10 novembre prochain. Or, nous voterons sur ce texte la veille. Je comprends qu'il faille rapidement trouver une solution législative après la censure du dispositif existant. Toutefois, n'aurait-on pas pu attendre une semaine de plus, ce qui nous aurait permis d'avoir les conclusions du rapport de l'IGF ?
Par ailleurs, je trouve que la politique du Gouvernement manque de logique, voire est contradictoire. En effet, alors que vous annoncez une baisse de l'impôt sur les sociétés, celui-ci va augmenter dans un premier temps pour un certain nombre d'entreprises. De même, le président de la République s'était engagé en faveur du secteur mutualiste et de la prévoyance. Or les banques mutualistes sont imposées au titre de ces contributions exceptionnelles. Ce sont bien les entreprises, certes pas forcément les mêmes, qui sont taxées.
Enfin, et il en est de même pour les collectivités territoriales, les entreprises ont besoin d'un cadre stable. Quelles lisibilité et logique trouver dans la mesure proposée ?
M. Marc Laménie. - Certes, on connait la complexité des finances publiques, mais on a du mal à imaginer comment on a pu arriver à la situation actuelle. Comment trouver 10 milliards d'euros, alors que les entreprises rencontrent aussi des difficultés ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Le dispositif en lui-même est un bricolage, mais on ne peut pas faire autrement. Il ne doit pas être compris comme une ligne politique, mais comme une opération comptable.
J'ai deux questions techniques. Le vocable « des créances fiscales de toute nature, réduction et crédit d'impôt » concerne-t-il uniquement l'impôt sur les sociétés dû ou inclut-il également les réductions de la base imposable ? Le suramortissement est-il concerné ? En effet, un certain nombre d'entreprises bénéficient encore du suramortissement, qui a été prolongé de manière restrictive en 2017.
Par ailleurs, la définition retenue pour le chiffre d'affaires, dans le cadre des groupes, est la somme des chiffres d'affaires, et non le chiffre d'affaires consolidé. Pourquoi cette définition a-t-elle été choisie ? Traditionnellement, c'est le chiffre d'affaires consolidé qui est utilisé dans le déclenchement de certains seuils fiscaux. C'est notamment le cas pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Or le chiffre d'affaires consolidé neutralise le chiffre d'affaires interentreprises de sociétés d'un même groupe. Pour certaines entreprises, le choix du mode de calcul peut déclencher le passage du seuil d'un milliard ou de trois milliards d'euros de chiffre d'affaires.
M. Philippe Dominati. - Est-il prévu de rétrocéder en 2018 l'argent prélevé en 2017 aux entreprises au titre de ces contributions ? En effet, cette ponction exceptionnelle modifie leur potentiel de croissance. Par ailleurs, comment le Gouvernement aurait-il fait s'il avait fallu rembourser 10 milliards d'euros de plus ? Aurait-il mis un taux de contribution exceptionnelle plus fort ou l'État aurait-il augmenté sa part ? Quel a été le cheminement à Bercy pour arriver à la solution proposée ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - L'évaluation de 10 milliards d'euros est le fruit des réclamations déjà enregistrées au tribunal de Montreuil et auprès de l'administration, auxquelles nous avons ajouté les intérêts moratoires, ainsi que les versements indus non prescrits et donc réclamables.
La hausse de l'impôt sur les sociétés, alors que nous nous sommes engagés sur une baisse de ce dernier, reflète une réalité budgétaire. Tout comme vous, le Gouvernement est attaché à la stabilité et à la lisibilité fiscales. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de régler le problème en une fois. D'ailleurs, les marchés, les entreprises et nos partenaires étrangers, de manière générale, saluent la clarté et la simplicité du dispositif.
Le rapport de l'inspection générale des finances n'apportera pas d'éléments sur la façon de partager cette dépense de 10 milliards d'euros, car il s'intéresse au processus ayant mené à l'élaboration du dispositif censuré.
L'État va prendre en charge la moitié de ce surcoût ; les grands groupes prennent en charge l'autre moitié. Par contre, l'État ne prendra pas en charge l'intégralité de ce dernier, car cela toucherait d'autres politiques publiques, par exemple la baisse de la fiscalité des ménages. Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous mettons en place ces contributions qui vont toucher 319 entreprises, au moment où nous efforçons de convaincre nos partenaires de la volonté de faire baisser la pression fiscale sur les entreprises, de mieux valoriser les bénéfices afin de les orienter vers l'investissement dans l'appareil productif.
Mais nous assumons cette mesure. En outre, seules les entreprises réalisant des bénéfices et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros et supérieur ou égal à 3 milliards d'euros seront assujetties respectivement à la contribution exceptionnelle et à la contribution additionnelle.
Le suramortissement diminue le résultat fiscal imposé à l'impôt sur les sociétés. Les surtaxes seront assises sur un impôt après la prise en compte du suramortissement. Par ailleurs, nous avons fait le choix de prendre la somme des chiffres d'affaires, car c'est toujours cette dernière qui est utilisée pour les mesures fiscales. Nous avons ainsi utilisé la même définition que celle habituellement retenue.
Il n'est pas prévu de rendre aux entreprises en 2018 les montants versés au titre des deux contributions. L'État fait beaucoup pour les entreprises dans cadre du projet de loi de finances pour 2018, nous nous sommes en particulier engagés sur une baisse importante du taux de l'impôt sur les sociétés, qui atteindra un niveau historiquement bas. Nous allons continuer à prendre des mesures en faveur du capital, de l'activité, de l'investissement et de l'emploi. À terme, les gains pour les entreprises via la seule baisse de l'impôt sur les sociétés seront supérieurs aux sommes qu'elles auront déboursées, en une fois, pour ces deux contributions.
La réunion est close à 20h10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat
Mercredi 8 novembre 2017
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Projet de loi de finances pour 2018 - Examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2018 - Tome I du rapport général
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous étiez tous impatients : nous abordons enfin le projet de loi de finances, avec l'analyse des principaux équilibres du budget de l'année 2018.
Nous avons récemment examiné la loi de programmation des finances publiques et détaillé à cette occasion les aspects conjoncturels. Je serai donc bref sur ce sujet. L'Insee a clairement établi que l'Europe bénéficiait d'une embellie conjoncturelle, ce que le commissaire européen Pierre Moscovici nous a confirmé hier. Dans sa lettre à la Commission européenne, le Gouvernement fait état de recettes conséquentes, de TVA notamment, qui facilitent le retour du déficit sous le seuil des 3 % du PIB.
Après une nouvelle année décevante, l'économie française présentait à l'issue de l'exercice 2016 une capacité de rebond supérieure à celle de ses principaux voisins, avec un écart de production deux fois plus important que la moyenne européenne. Déjouant les prévisions initialement pessimistes, l'économie française semble enfin s'orienter depuis le printemps 2017 vers une reprise solide. Pour ne donner qu'un chiffre, le nombre de déclarations d'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) s'est établi en septembre 2017 à un niveau qui n'avait jamais été atteint. Dans ce contexte, le Gouvernement a de nouveau relevé sa prévision de croissance pour l'année 2017, qui s'établit désormais à 1,7 %, contre 1,5 % initialement. L'Insee considère que la croissance atteindra les 1,8 % : la reprise est solide.
Cette accélération de la croissance s'accompagnerait en outre d'un dynamisme des prélèvements obligatoires, qui augmenteraient plus rapidement que le PIB. Ainsi, la trajectoire du Gouvernement est désormais fondée sur une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1,3 en 2017, soit 0,3 point au-dessus de son niveau initial. En 2017, l'amélioration du contexte macroéconomique a ainsi grandement facilité la tâche du nouveau Gouvernement.
Au total, l'effet de l'amélioration de la conjoncture observée depuis le printemps sur le niveau du déficit 2017 peut être estimé à 0,4 point de PIB. En l'absence d'embellie conjoncturelle, la prévision de déficit public pour 2017 serait ainsi nettement supérieure au seuil de 3 % du PIB, en dépit des mesures de redressement mises en oeuvre par le Gouvernement à la suite de la publication des résultats de l'audit des finances publiques par la Cour des Comptes : le rabot sur les APL et les autres mesures d'urgence sont restées inefficaces.
Le président du Haut Conseil des finances publiques avait décrit un scénario macro-économique raisonnable. Les hypothèses de croissance et d'élasticité retenues pour 2017 sont prudentes. S'agissant de la croissance, le Gouvernement est ainsi, ce qui est rare, plus pessimiste que l'Insee, qui a révisé à 1,8 % sa prévision. Il est vrai qu'une hausse du PIB de 0,22 % au dernier trimestre serait suffisante pour atteindre 1,8 % de croissance sur l'année. L'objectif est plus qu'atteignable. Le Gouvernement est très prudent.
S'agissant de l'élasticité des prélèvements obligatoires, le Haut Conseil des finances publiques estime que « des évolutions plus favorables ne sont pas à exclure », en particulier pour les prélèvements sociaux et surtout la TVA. En matière de recettes, une bonne surprise à l'issue de l'exercice 2017 est donc possible.
Pour donner un ordre de grandeur, une révision du taux de croissance à 1,8 % en 2017 se traduirait par une amélioration du solde public d'environ 1,4 milliard d'euros, tandis qu'une élasticité des prélèvements obligatoires supérieure de 0,1 au niveau attendu permettrait un recul du déficit de 2,5 milliards d'euros, toutes choses égales par ailleurs.
Pour 2018, le présent projet de loi de finances fait l'hypothèse d'un maintien du taux de croissance à 1,7 %, en ligne avec les prévisions. Pour l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, l'estimation du Gouvernement peut même être qualifiée de prudente : après avoir atteint 1,2 en 2016 et 1,3 en 2017, elle reviendrait à 1,0 en 2018.
S'il apparaît aujourd'hui raisonnable, le scénario macroéconomique sur lequel est construit le projet de loi de finances pour 2018 est naturellement entouré de risques, à la hausse comme à la baisse. J'ai choisi d'envisager deux scénarios alternatifs extrêmes fondés sur les prévisions des instituts de conjoncture privés les plus pessimistes et les plus optimistes. S'il faut en croire une vieille plaisanterie, les économistes ont été inventés pour que les météorologues se sentent moins seuls... J'ajouterais que si le pire n'est pas toujours sûr, le meilleur n'arrive pas toujours ! La sensibilité du solde au scénario retenu est importante : le déficit atteindrait 1,9 % du PIB dans le scénario favorable, contre 2,9 % du PIB dans le scénario défavorable.
Quant à la trajectoire budgétaire pour 2018, le Gouvernement prévoit un recul du déficit public de faible ampleur, alors même que le contexte conjoncturel est très favorable. Alors que le déficit devait initialement se réduire de 0,3 point de PIB, l'amélioration ne serait finalement que de 0,1 point de PIB, après prise en compte du contentieux lié à l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. À l'issue de l'exercice, le déficit atteindrait ainsi 2,8 % du PIB, soit un niveau très supérieur à celui de l'ensemble de nos principaux voisins. Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, nous le rappelait encore hier : la France est le mauvais élève de l'Europe. Tous les pays ont sensiblement amélioré leur solde public sauf la France et l'Espagne. Pour la première fois depuis la crise, le déficit de l'Espagne s'établirait à un niveau inférieur à celui de la France. Un tel niveau de déficit étant insuffisant pour réduire la dette, la France serait le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement ne diminuerait pas en 2018.
Si la réduction du déficit public prévue l'an prochain apparaît modeste, encore est-il nécessaire de préciser qu'elle résulte pour partie de l'amélioration de la conjoncture. En 2018, le solde conjoncturel s'améliorerait ainsi de 0,2 point de PIB, tandis que le déficit structurel, corrigé par les effets de la conjoncture et des mesures ponctuelles et temporaires, ne se réduirait que de 0,1 point de PIB.
Là encore, la réduction du déficit structurel anticipée par le Gouvernement apparaît significativement inférieure à celle prévue par les principaux pays de la zone euro qui demeurent éloignés de leur objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, à l'exception de l'Espagne.
En outre, elle apparaît difficilement compatible avec nos engagements européens. Pierre Moscovici nous a en effet rappelé hier que le volet préventif n'était pas moins exigeant que le volet correctif. La commission européenne a adressé une lettre au Gouvernement à ce sujet. En 2018, l'écart par rapport à l'objectif fixé par le Conseil européen atteindrait 0,5 point de PIB, soit la déviation maximum autorisée sur deux années. Autrement dit, la France aura épuisé dès l'exercice 2018 ses marges de manoeuvre, au risque de conduire la Commission européenne à ouvrir à son encontre une procédure pour déviation significative à l'issue de l'exercice 2019.
À cet égard, il doit être souligné que la réduction du déficit structurel prévue par le Gouvernement, aussi modeste soit-elle, n'est nullement garantie. En effet, tant l'OCDE que le FMI anticipent en 2018 une dégradation du déficit structurel de la France dans leur scénario central, contrairement au Gouvernement.
Ce redressement limité de la situation structurelle des comptes publics tient d'une part à la volonté louable du Gouvernement de ne pas différer la nécessaire baisse des prélèvements obligatoires ; d'autre part, au choix critiquable de reporter une part significative de l'effort de maîtrise de la dépense.
L'an prochain, le Gouvernement entend procéder à une baisse significative des prélèvements obligatoires, pour près de 7 milliards d'euros. Ce choix tranche avec la politique de choc fiscal menée lors du précédent quinquennat, dont nous avions souligné les effets délétères sur la compétitivité de l'économie et le consentement à l'impôt. Le « ras-le-bol fiscal » est une formule que je n'ai pas inventée.
Si les modalités et la composition des baisses d'impôts apparaissent critiquables - nous y reviendrons -, j'observe qu'elles devraient faire reculer la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale. Malheureusement, ces baisses d'impôts s'accompagnent d'un effort de maîtrise de la dépense plus faible qu'escompté.
Dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement s'était donné l'objectif inédit de stabiliser la dépense publique en volume en 2018. Cette ambition louable et inédite est finalement revue à la baisse avec une croissance de la dépense publique en volume de 0,5 %. Cela représente 14 milliards d'euros d'économies, contre 20 milliards d'euros dans le scénario initial.
Pour réaliser les 14 milliards d'euros d'économies prévues, tous les sous-secteurs des administrations publiques sont naturellement mis à contribution. S'agissant des collectivités territoriales, les économies en dépense intégrées aux prévisions pour 2018 sont supérieures à celles exigées dans le cadre du mécanisme de contractualisation. En effet, le Gouvernement fait l'hypothèse d'une croissance en valeur des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales de 0,5 %, et non de 1,2 % comme il l'avait prévu au titre de la contractualisation. En complément des économies prévues dans le cadre du mécanisme de contractualisation, il compte ainsi l'an prochain sur un effort supplémentaire réalisé sur une base volontaire par les collectivités territoriales pour respecter sa trajectoire de dépense, en lien avec la faiblesse de l'inflation.
S'agissant des administrations de sécurité sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 intègre un montant d'économies de 5,4 milliards d'euros sur le champ du régime général, dont 80 % concernent l'Ondam. Or, s'agissant de l'Ondam, la plupart des mesures proposées relèvent de leviers traditionnels déjà largement exploités (baisse des prix des médicaments, développement des génériques, etc.) et dont le potentiel d'économies finira par s'amoindrir.
Quant au budget de l'État, l'exercice 2018 devrait voir une dégradation marquée du déficit budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une détérioration significative du déficit budgétaire de l'État, qui passerait de 76,5 milliards d'euros en 2017 à 82,9 milliards d'euros en 2018. Cette dégradation résulte pour 6,6 milliards d'euros de la hausse des dépenses et pour 10 milliards d'euros de mesures nouvelles en recettes, cependant plus que compensées par l'évolution spontanée de ces mêmes recettes qui devrait atteindre 10,2 milliards d'euros en 2018.
Au total, les recettes de l'État devraient donc contribuer à améliorer le solde de 200 millions d'euros tandis que la dynamique des dépenses le dégraderait de 6,6 milliards d'euros - conduisant à relativiser l'affirmation du Gouvernement selon laquelle l'augmentation du déficit résulterait exclusivement des mesures de baisse d'impôt supportées par le budget de l'État.
Ainsi, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité pèse pour 1,5 milliard d'euros, tandis que la hausse de la contribution au budget européen représente 2,3 milliards d'euros. Le troisième programme d'investissements d'avenir conduit à augmenter les dépenses de 1,1 milliard d'euros. Enfin, les dépenses pilotables de l'État devraient progresser de 1,7 milliard d'euros par rapport à l'exécution prévisionnelle pour 2017 qui intègre déjà un dérapage de 4,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
La décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les dividendes conduit à revoir à la hausse la prévision de déficit pour 2018 de 4,5 milliards d'euros au regard des mesures déjà annoncées par le Gouvernement. Au total, le déficit budgétaire de l'État serait donc dégradé de 10,5 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2017.
L'évolution du déficit budgétaire renvoie évidemment à la dynamique des recettes et des dépenses. Les recettes totales nettes de l'État, globalement stables, devraient s'élever à 302 milliards d'euros en 2018 soit une très légère diminution de 0,4 %. Cette évolution recouvre une hausse de 2 % des recettes non fiscales et une baisse de 0,5 % des recettes fiscales nettes de l'État.
Cette réduction résulte de plusieurs mouvements de sens contraire. Les mesures nouvelles représenteraient une baisse de 10 milliards d'euros, contre une évolution spontanée de 10,2 milliards d'euros. La suppression de la taxe de 3 % sur les dividendes diminuerait de 1,8 milliard d'euros les recettes fiscales de l'État quand les mesures de transfert auraient un impact positif de 200 millions d'euros.
La baisse de 0,5 % des recettes fiscales nettes de l'État recouvre des mouvements contrastés selon l'impôt considéré. Ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée augmenterait de 2,3 milliards d'euros et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques croîtrait fortement, quand l'impôt sur le revenu serait quasiment stabilisé.
Les principales mesures nouvelles prévues par le projet de loi de finances pour 2018 représentent une réduction des impôts d'environ 5,5 milliards d'euros. En effet, le chiffre d'une réduction des impôts d'environ 10 milliards d'euros intègre l'incidence de mesures qui ont en réalité été adoptées sous la précédente mandature. Je vois que Claude Raynal, thuriféraire du gouvernement précédent, m'approuve.
M. Claude Raynal. - Sur ce point du moins.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les mesures proposées par l'actuel Gouvernement n'ont quasiment aucun impact sur l'impôt sur les sociétés en 2018 et devraient même finalement contribuer à l'alourdir en raison de l'incidence de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés. De même, plus de la moitié de la réduction de l'impôt sur le revenu découle de mesures dont la mise en oeuvre avait été décidée sous la précédente mandature. L'accélération de la hausse de la composante carbone et de la convergence entre le diesel et l'essence fait peser une charge supplémentaire de 3,2 milliards d'euros sur les contribuables.
La diminution résultant des propositions du Gouvernement concerne la catégorie des autres recettes fiscales nettes, qui intègre la réforme de la taxe d'habitation (soit moins 3 milliards d'euros en 2018), le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière, IFI (soit moins 3,2 milliards d'euros) et la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes (moins 1,8 milliard d'euros).
M. Claude Raynal. - Tout cela se tient.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Bien évidemment, nous parlons du seul budget de l'État mais il faudrait tenir compte des hausses de prélèvements inscrites dans le PLFSS pour être complet - mais nous en avons parlé hier - notamment la hausse de CSG dont le rendement net des allègements de charges est de près de 5 milliards d'euros et la hausse des droits tabacs pour 500 millions d'euros. Nous avons adopté hier un bon amendement pour protéger les retraités de la hausse de la CSG.
S'agissant des dépenses, le budget de l'État est incontestablement plus sincère, avec moins de sous-budgétisations, mais il reste peu ambitieux en matière d'économies. En 2018, les dépenses totales de l'État connaîtraient une hausse de 7,3 milliards d'euros portée par la hausse des crédits des ministères de 4,4 milliards d'euros, par un relèvement du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (+ 1,5 milliard d'euros) et le début des décaissements en crédits de paiement au titre du troisième programme d'investissements d'avenir. Je rappelle que l'année dernière, le programme d'investissement d'avenir était doté d'autorisations d'engagement (AE) mais de zéro crédits de paiement (CP), ce qui était pour le moins étrange. Au total, les dépenses croîtraient de 0,7 % en volume.
La hausse des crédits des ministères entre la loi de finances initiale 2017 et le projet de loi de finances pour 2018 résulte pour plus de 95 % de la correction des sous-budgétisations relevées par notre commission et ses rapporteurs spéciaux, dont Philippe Dallier et Roger Karoutchi, lors de l'examen du PLF 2017 et confirmées par la Cour des comptes dans son audit des finances publiques de juin : les mesures de rebasage représentent ainsi 4,2 milliards d'euros.
Plus de la moitié des dépenses qui n'étaient pas budgétées à un niveau adéquat au regard des besoins portaient sur la politique de l'emploi (contrats aidés, prime à l'embauche), le budget des armées (opérations extérieures et intérieures, masse salariale) et la politique de solidarité et de santé publique (en particulier concernant l'allocation aux adultes handicapés et la prime d'activité).
Des efforts restent à fournir, en particulier concernant le budget de la Défense. La ministre des armées, Florence Parly a reconnu ici-même que le niveau de budgétisation initiale des dépenses liées aux opérations extérieures demeurait insuffisant. À cet égard, les plafonds de crédits proposés au vote du Parlement pour 2018 présentent indéniablement moins de biais de construction que le budget présenté, sous la précédente mandature, pour 2017, dont la sincérité contestable avait motivé le refus du Sénat de l'examiner...
M. Claude Raynal. - Allons bon !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Manifestement, cela fait rire Claude Raynal ! Est-ce si drôle que cela ?
Malgré le surcroît de charges lié à la construction d'un budget plus sincère, la hausse des dépenses en 2018 n'était pas inéluctable et trouve sa principale explication dans la mise en oeuvre d'un programme d'économies très modeste. D'après le projet de budget pour 2018, seules trois missions devraient voir leurs dépenses diminuer d'un montant supérieur à 100 millions d'euros. Les économies sont en fait ciblées sur les deux missions « Travail et Emploi » et « Cohésion des territoires » et sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » qui subit un effet calendaire plus qu'un véritable effort d'économies.
La masse salariale devrait connaître une nouvelle hausse en 2018, progressant de 1,6 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2017. C'est une augmentation moins marquée que le dérapage des dépenses de personnel en 2017, dont la croissance devrait atteindre 5,8 %, un montant inédit sur les quinze dernières années. Le précédent gouvernement a en effet ouvert les vannes - Claude Raynal rit moins - alors que tous les pays faisaient un effort de maîtrise des dépenses publiques.
La hausse des dépenses de personnel résulte à hauteur de 0,3 milliard d'euros de la hausse des effectifs. Il y a eu des créations de postes liées à la sécurité, mais la progression provient également des mesures catégorielles (+ 600 millions d'euros) et du glissement-vieillesse technicité (+ 300 millions d'euros). Tous les coûts ne sont pas reportables, notamment pour le ministère de l'éducation nationale.
Par conséquent, il n'est pas impossible que la hausse des dépenses de personnel soit en réalité supérieure aux 2,1 milliards d'euros budgétés par le projet de loi de finances pour 2018. En effet, une partie des mesures décidées sous la précédente mandature se traduira en hausses budgétaires pour 2018. Lorsqu'on crée des postes de policiers, de gendarmes, de magistrats, ou de militaires, l'impact est pluriannuel et la montée en charge progressive du fait de la nécessité de former le nouveau personnel.
Cependant, la hausse de la masse salariale aurait pu être contenue grâce à un programme résolu de réduction de postes au sein de la fonction publique. Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait souhaité réduire le nombre d'agents publics de 120 000 emplois sur la durée du quinquennat, dont 50 000 postes dans la fonction publique d'État. Une telle diminution supposerait, si l'effort était équitablement réparti sur chacune des années de la période, une suppression nette d'environ 10 000 postes par an de 2018 à 2022.
L'exercice 2018 est très en-dessous de ce quantum puisque le solde global des créations et suppressions d'emplois devrait s'élever à seulement 1 600 emplois équivalents temps plein en 2018 dont l'impact en équivalents temps plein travaillé (ETPT) serait limité à 682 ETPT, soit moins de 2 % de l'objectif prévu sur le quinquennat.
L'effort très limité sur les effectifs de l'État en 2018 se traduit, au regard des hausses enregistrées dans le courant de l'année 2017, par une augmentation nette de 16 008 ETPT et de 8 677 ETPT hors effets de périmètre.
L'impact de l'extension en année pleine des schémas d'emploi de 2017 est particulièrement marqué pour le ministère de l'éducation nationale, avec une hausse de 7 774 ETPT. Il est également significatif pour le ministère de la justice (+ 1 119 ETPT) et celui des armées (+ 783 ETPT).
Au total, le budget 2018 présente de réels motifs de satisfaction - en particulier concernant l'amélioration de la sincérité de la budgétisation initiale - mais aussi des carences substantielles : un plan d'économies modeste, des baisses d'impôt dont l'effet réel sur le pouvoir d'achat des ménages reste à démontrer, un déficit fortement dégradé, sans parler du contentieux sur la taxe de 3 %.
Enfin, il convient de mentionner le « Grand plan d'investissement » (GPI), lancé par le Gouvernement, avec de grandes ambitions affichées mais des moyens finalement assez limités. Sur les 57 milliards d'euros affichés, figurent en effet 10 milliards d'euros qui correspondent en réalité au « recyclage » du PIA 3 et 12 milliards d'euros à des redéploiements de crédits déjà existants.
En outre, une partie des initiatives annoncées ne fait finalement que prolonger des dispositifs déjà existants, tout en leur donnant effectivement les moyens de se poursuivre. S'agissant du projet de loi de finances pour 2018, certains crédits sont simplement labellisés GPI mais n'ont finalement rien de différent de ce qu'ils étaient auparavant, par exemple les crédits de fonctionnement du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.
M. Marc Laménie. - Ce rapport est fort détaillé. En ce qui concerne l'augmentation de la masse salariale, je voudrais rappeler qu'un rapport d'information a été publié récemment. Il faudrait définir l'incidence de la durée du temps de travail rapportée aux effectifs sur la masse salariale de l'État.
La TVA est la première source de recettes. Comment son produit est-il réparti en fonction des différents taux ?
M. Éric Bocquet. - En aparté, nous nous disions avec mon collègue Pascal Savoldelli qu'il nous fallait redoubler d'efforts pour entendre ce genre de discours : tout commence bien avant de devenir anxiogène. « Déficit dégradé », « manque d'ambition », « prévisions fragiles », « maîtrise en demi-teinte » : pour un peu, on prendrait la fuite ! Nous restons là parce que nous sommes des élus engagés. Notre Alain Gillot-Pétré de la finance a cité moult prévisions ; il a omis de mentionner les agences de notation qui nous abreuvaient de données il y a quelques années avant de disparaître soudainement. Où sont-elles donc passées ? La France s'apprête à réemprunter 195 milliards d'euros l'an prochain selon Les Échos. Qu'en pensent-elles ? Pour aller mieux, je lis Le Monde...
M. Julien Bargeton. - Merci au rapporteur général d'avoir salué l'effort de double sincérité sur les hypothèses et sur les inscriptions budgétaires, même s'il faut ajouter en reprenant Pierre Dac que « la prévision est difficile surtout quand elle concerne l'avenir ». C'est quand la situation s'améliore qu'il faut mener les réformes structurelles et les baisses d'impôt. Je n'ai pas la même lecture que vous sur le solde budgétaire de l'État. Les principales mesures sur les recettes compensent leur évolution spontanée. Autrement dit, les réformes fiscales corrigent une amélioration liée à la conjoncture. On peut contester les choix fiscaux du Gouvernement. En revanche, les réformes entraînent une dynamique à long terme sur le potentiel de croissance, les hypothèses de recettes et la réduction du déficit.
S'agissant de la masse salariale, je constate que nous sommes favorables aux économies en général et moins favorables aux économies en particulier, car lorsque nous examinons les missions une par une, nous regrettons toujours les réductions de personnel. Efforçons-nous d'être cohérents : où faut-il réduire le personnel et dans quelles proportions ?
M. Claude Raynal. - Merci de ce moment ! Deux moments me réjouissent chaque année : l'examen de ce rapport et de celui du président du Haut Conseil des finances publiques. Vous avez comme toujours démontré votre art de la synthèse et de la nuance... J'écoute toujours avec un certain amusement ce vieux refrain selon lequel quand ça va mal, c'est à cause du gouvernement et quand ça va mieux, c'est grâce à la conjoncture. La reprise est plus vigoureuse qu'anticipée, je vous l'accorde. Pour autant, vous ne pouvez pas dire qu'entre 2012 et 2017 ce n'est pas la conjoncture mais le gouvernement qui était mauvais. En 2012, le taux de croissance était à 0 %, résultant de l'action du gouvernement précédent. Si l'on a aujourd'hui une meilleure conjoncture et de meilleurs résultats, c'est grâce à l'action menée par le gouvernement, ces dernières années.
Le mot « sincérité » a un sens très précis en matière financière. Vous mentionnez dans votre présentation, censée illustrer la « sincérité » de ce budget, des corrections de sous-budgétisations : 800 millions d'euros, 500 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros pour les Opex, car la ministre de la défense souhaite que tous les ministères participent à la régulation de ces dépenses. C'est énorme, direz-vous sur un budget de 236 milliards d'euros ? Cela équivaut à cinq pour mille. Et c'est sur ce chiffre qu'on nous parle de sincérité ! Gardons la mesure : il ne s'agit pas de sincérité mais de corrections à la marge.
Vous qualifiez les hypothèses de croissance de « sincères ». Que dire de celles qui ont précédé ! En 2017, le Gouvernement faisait une hypothèse de croissance de 1,5 %. À l'époque, vous l'aviez jugée inatteignable. Idem pour le Haut Conseil des finances publiques. Non seulement la prévision du Gouvernement était juste, mais il a même fait mieux avec 1,7 % de croissance. Plutôt que d'insincérité, mieux vaudrait parler de très grande prudence !
Quant à votre tableau sur les mesures anciennes et nouvelles, il faut prendre en compte pour l'interpréter le fait qu'un certain nombre d'évolutions sont liées aux positions du gouvernement précédent, comme la pente du taux d'imposition des entreprises. Laissez-moi vous le redire : les mesures comme la suppression de l'impôt sur la fortune ou celles qui portent sur le plan forfaitaire unique sont extrêmement onéreuses. Elles auraient pu être décalées dans le temps, ce qui aurait dégagé 5 milliards d'euros d'économies.
Éric Bocquet a déjà commenté avec humour les « économies insuffisantes » ou les « réformes structurelles que l'on attend toujours ». Vous n'entrez jamais dans le détail. Parler d'économies insuffisantes est trop générique ! La seule fois où vous avez voulu vous montrer concret, vous avez diminué toutes les dépenses et nous n'avons pas voté votre budget. Sur la base de quelle réforme pouvez-vous imaginer des économies légitimes ?
Quant aux suppressions de postes, il est grand temps de traiter la fonction publique avec plus d'égards. Commencer par réformer les structures de l'État avant d'envisager la suppression des fonctionnaires. Dans votre présentation, vous expliquez que l'évolution totale de la masse salariale entre 2008 et 2012 est de - 6,6 %. Le président Sarkozy s'est excusé publiquement pour sa politique de suppression de postes en matière de défense et de sécurité. « J'ai eu tort » a-t-il dit, car au moment des attaques terroristes, il n'y avait plus assez d'effectifs pour contrôler la situation. L'analyse devrait être plus qualitative que quantitative. Si les dépenses salariales remontent aujourd'hui, personne ne peut contester leur utilité, puisqu'elles contribuent à renforcer la sécurité et la défense, ce que nous avons approuvé sur tous les bancs de notre assemblée.
M. Jacques Genest. - J'ai écouté avec attention ce rapport objectif. Que deviendra le budget de l'État quand les voitures ne rouleront plus à l'essence ou quand les gens ne fumeront plus, ne boiront plus et ne joueront plus aux jeux ? J'entends dire partout qu'il faut réduire le nombre de fonctionnaires. En tant qu'élu de l'Ardèche, je m'aperçois qu'il n'y a pas pléthore de fonctionnaires. Certes, il existe quelques doublons, mais on ne réduira pas la masse salariale de l'État si l'on ne touche pas aux agences. Pourquoi des ARS, des agences de bassin ou des DREAL ? Redonnons toutes ces compétences à l'État, nous réaliserons ainsi des économies et nous pourrons mieux payer les fonctionnaires. C'est une piste en vue de réduire la masse salariale, à laquelle doit venir s'ajouter une réflexion sur l'augmentation du temps de travail. Regardons aussi le nombre de fonctionnaires dans les ministères, notamment à Bercy !
M. Philippe Dallier. - Je m'inquiète pour Claude Raynal ! Il met beaucoup de passion à défendre la politique menée sous le quinquennat précédent, mais il devrait envisager la situation avec plus d'objectivité. Le rapporteur général a bien fait la part des choses : ce budget est plus sincère que le précédent. C'est le cas de la mission dont je m'occupe. En ce qui concerne les aides personnelles au logement (APL), l'estimation est meilleure, ce qui ne me fait pas avaliser la baisse de 1,7 milliard d'euros. Les prévisions sont aussi prudentes. Le Gouvernement se garde-t-il un peu de carburant ? En ce qui concerne les collectivités locales, je ne crois pas du tout que l'on pourra tenir la dépense à 0,5 %, notamment parce que l'inflation sera d'environ 1 %. Par ailleurs, on entre en deuxième partie de mandat, c'est la période où l'on inaugure des équipements nouveaux. À partir de quand les grandes collectivités seront-elles amenées à signer les contrats de maîtrise de la dépense ? Qui sera pénalisé si cette maîtrise n'est pas effective ? J'aimerais que l'on nous éclaire sur le calendrier. L'État attend beaucoup des collectivités locales en matière de maîtrise de la dépense, je crains que celle-ci ne puisse être au rendez-vous.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est la mission Richard-Bur !
M. Philippe Dallier. - Je dirai un mot sur la baisse des APL. Trois missions diminuent pour 1,7 milliard d'euros. Pour moi, il ne s'agit pas d'une baisse de dépense publique. On transfère seulement sur les bailleurs sociaux cette diminution de charges pour l'État. L'autofinancement des bailleurs s'en trouvera réduit entre deux tiers et trois quarts, ce qui aura des conséquences. C'est à mes yeux une mauvaise manière de faire, qui n'est pas sans risque sur notre capacité à construire. Si l'embellie en matière d'immobilier subissait le contrecoup de cette décision, c'est toute l'économie qui s'en porterait mal.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je suis perplexe. Certes, cela va mieux, ce qui fera plaisir à Claude Raynal ; pour autant, à en croire le rapporteur général, il faut faire plus. Quelle est la part de réformes structurelles ? Est-elle suffisante ? Est-on prêt à en payer le prix ? Ce qui est en débat, c'est l'ampleur de l'effort. Un certain nombre d'indicateurs ne sont pas négatifs : baisse des prélèvements obligatoires, amélioration de l'ajustement structurel, effort de maîtrise de la dépense publique. Comment le Sénat peut-il donner des signaux clairs sur la valeur ajoutée de son travail ? Il importe d'aller plus loin dans la direction donnée, qui est plutôt positive. Certes, la conjoncture budgétaire s'améliore. Tant mieux ! C'est l'art budgétaire que de faire avec ce que l'on a.
M. Gérard Longuet. - Le rapporteur général peut-il compléter sa présentation par une sociologie de la charge de la dépense publique ? Un ancien ministre des finances avait parlé de ras-le-bol fiscal. Si j'avais le goût de la provocation, je dirais : enfin un Gouvernement qui fait quelque chose pour les riches !
Plus gravement, le sentiment de ras-le-bol fiscal est né d'une réalité : pour les contribuables qui participent massivement au financement de la dépense publique, les taux de prélèvement dépassent très largement les 60 % si l'on tient compte de l'impôt sur le revenu, de la TVA, de la TIPP, de l'ISF et de la taxe foncière.
En matière de dépenses, il faut s'attaquer à la durée du temps de travail. Je suis rapporteur spécial de l'enseignement scolaire. Le Gouvernement n'a pas une conception globale. L'enseignement représente un peu plus de la moitié des fonctionnaires civils de l'État. Il n'y a aucun signal fort, aucune prise de conscience de l'évolution du coût de l'offre de l'enseignement dans notre pays, qui est insuffisante dans le primaire et excessive dans le secondaire. Nous voulons supprimer des postes ? Réfléchissons plutôt à des gains de productivité de 10 % en cinq ans dans ce secteur qui représente la moitié de la fonction civile de l'État. Ce serait possible à condition d'engager le mouvement dès la première année de ce quinquennat, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Mme Frédérique Espagnac. - Je remercie Gérard Longuet qui vient de faire un très beau cadeau d'anniversaire à Éric Bocquet en s'exclamant : enfin un Gouvernement qui pense aux riches !
Mes chers collègues, les fonctionnaires sont au service de notre population et de nos territoires. En fin de compte, ils ne sont pas si nombreux et nous sommes bien contents de les trouver au quotidien. Si l'ancien gouvernement a augmenté les recrutements, notamment dans l'éducation nationale, c'était pour compenser toutes les suppressions de postes. Cette politique a permis notamment à l'actuel Gouvernement le dédoublement des classes dès cette rentrée scolaire. On peut réfléchir à des gains de productivité du personnel enseignant. Certes, ils représentent la moitié des fonctionnaires de l'État, mais nous en avons besoin. Claude Raynal a rappelé les erreurs de Nicolas Sarkozy : oui nous avons recruté 10 000 policiers, mais Sarkozy en avait supprimé 9 000 !
M. Sébastien Meurant. - D'où venons-nous et où voulons-nous aller ? Il y a effectivement du mieux, mais nous sommes les derniers de la zone euro en matière de déficit. Nous sommes aussi les champions d'Europe, avec le Danemark, en matière de dépense publique, sans parler du chômage ! Tout cela est le fruit des politiques précédentes. Au cours des cinq dernières années, nous avons fait moins bien que l'ensemble de nos partenaires européens, y compris la Grèce, l'Espagne et le Portugal. L'échec est patent sur tous les sujets, en particulier en matière de sécurité.
Que faire ? Il faut d'abord regarder ce qui fonctionne dans les autres grands pays européens. Les Allemands, les Anglais, les Italiens, les Espagnols ont engagé des réformes. La sociologie de la dépense publique m'intéresse, notamment par rapport à nos voisins européens. Il importe d'avoir une vision d'ensemble, qu'il s'agisse du temps de travail, de l'organisation interne et surtout des résultats. L'éducation, par exemple, constitue une dépense pour l'État, mais aussi pour les collectivités et pour les parents ! Il faut envisager le coût, les résultats et les axes d'amélioration. Intéressons-nous à ce qu'ont fait les autres pays, en tenant compte de notre histoire particulière et de notre géographie. On part de tellement bas qu'il y a un effet de rattrapage. C'est heureux. Tirons-en le meilleur profit pour engager les réformes de structure. Cela n'apparaît pas clairement dans ce projet de loi de finances.
M. Philippe Dominati. - J'ai retenu deux chiffres. Tout d'abord, notre déficit public représente 30 % des recettes publiques. Dans le secteur privé, ce serait une dégradation, mais ici il semble y avoir accoutumance, puisque cela fait trente ans que nous consolidons cette dette. Je m'attendais à trouver un redressement dans ce budget. Or la situation s'est dégradée. C'est ma première déception.
J'ai ensuite retenu les chiffres des trois derniers quinquennats pour la fonction publique : on constate une stabilité sous Chirac, un effort sous Sarkozy et une dégradation sous Hollande. J'ignore si Nicolas Sarkozy a présenté ses excuses, mais je sais que le pouvoir sortant a explosé. Pourtant, on entend Bernard Cazeneuve ou Michel Sapin expliquer sur les ondes ce qu'il aurait fallu faire !
Comme mon collègue, je me demande s'il y a dans ce projet de loi de finances insincérité ou correction à la marge. Le rapport de la Cour des comptes parle d'insincérité. Un trou de 9 milliards d'euros apparaît brutalement dans les finances publiques. Le Parlement peut-il poursuivre en responsabilité des ministres des finances qui ont failli ? C'est une question qui se pose bien souvent dans le secteur privé.
Par ailleurs, j'entends parler d'une baisse tendancielle des prélèvements obligatoires. Cela tient-il compte des 10 milliards d'euros qui surgissent dans le collectif budgétaire ?
M. Thierry Carcenac. - Chaque année, Monsieur le Rapporteur général, vous évoquez le problème des taux d'intérêt. Aujourd'hui, il ne semble plus y avoir d'incertitude sur les taux. Pouvez-vous préciser votre point de vue ? En matière de recettes, on évoque généralement la TVA nette. Il serait intéressant de connaître la TVA brute. Les entreprises privées investissent-elles ? En matière de masse salariale publique des mesures sont reportées, notamment le « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Je ne suis pas sûr que les différents ministères aient intégré cette stabilisation. Avez-vous des informations ?
M. Charles Guené. - On nous présente les embellies. Cela ne masque-t-il pas la problématique de la reprise de l'inflation et du coût de l'argent, à la fois à court terme pour le Gouvernement et pour les collectivités locales ? Actuellement, le loyer de l'argent se situe autour de 1 % et il risque de monter à 4,5 % en 2022. Ce budget n'anticipe pas assez sur ces deux éléments. De plus, l'effort reposera à hauteur de 33 % sur les collectivités locales, ce qui est énorme. Certains observateurs parlent de 25 milliards d'euros. Cela aura une influence sur la capacité d'investissement des collectivités. Ces deux points sont en contradiction avec l'embellie de ce budget.
M. Pascal Savoldelli. - On parle beaucoup de l'endettement public, mais il faut aussi avoir des éléments d'appréciation sur l'endettement privé. Il y a peu de jours, j'ai présenté un rapport établissant que sur 115 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements, 90 % des remboursements et des dégrèvements vont aux sociétés. La dette privée a augmenté de 2007 à 2017 de 34 points du PIB. Elle représente aujourd'hui 130 % du PIB. On parle d'accoutumance et de ras-le-bol fiscal, mais où va l'argent que l'État donne aux entreprises ? Certaines d'entre elles se lancent dans des aventures financières. Il y a donc deux courbes à comparer, y compris à l'échelle européenne.
Mme Christine Lavarde. - Si les collectivités avaient augmenté leur masse salariale de la même manière que l'État, elles auraient eu du mal à contribuer à l'investissement ! En 2018, l'État augmentera sa masse salariale de 1,6 % alors que l'on demande aux collectivités de contraindre leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %. Quand on sait que la masse salariale compte pour plus de 50 % dans la dépense des collectivités, on mesure combien l'objectif sera difficile à atteindre, d'autant que certaines mesures récentes viendront aggraver la situation comme le transfert du PACS, des changements de prénom, la dépénalisation du stationnement, etc.
M. Emmanuel Capus. - Je me félicite de l'objectivité du rapporteur général. Ce budget va dans le bon sens, mais je partage les observations de Christine Lavarde. Il serait utile que l'État fasse le même effort de maîtrise que les collectivités territoriales.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Certains ont exprimé des frustrations. Je précise que nous n'en sommes pas encore à l'examen des articles fiscaux de première partie de la loi de finances. Nous sommes ici sur le cadrage macroéconomique.
J'éprouve comme vous les plus grands doutes sur la capacité des collectivités territoriales à réaliser les économies ambitieuses qui leur sont demandées, d'autant qu'un certain nombre de mesures nationales impactant leurs budgets ont été annoncées. Les objectifs sont donc ambitieux et le mécanisme de contractualisation est plus que flou.
Sur le cadrage macroéconomique, je maintiens mes propos. Les doutes que nous avons émis sur le précédent budget tenaient au fait que les hypothèses retenues n'étaient pas conformes à celles des différents économistes. Il y avait également une sous-budgétisation chronique et répétée. Le Gouvernement a d'ailleurs dû prendre des mesures d'urgence. Il existait donc des éléments d'insincérité, comme l'a souligné la Cour des comptes. Aujourd'hui, tout cela a été corrigé.
Le Gouvernement ne profite pas de cette embellie. Quoi qu'il en soit, il a raison de ne pas repousser les mesures fiscales en fin de quinquennat. Il est important de ne pas attendre pour engager les baisses d'impôts.
En revanche, comme vous, je regrette le manque d'ambition en matière de maîtrise de la dépense. Il y a peu de réformes structurelles. Je pense, par exemple, au temps de travail dans la fonction publique. La Cour des comptes a établi que seuls 400 000 fonctionnaires, sur les 2 millions que compte l'État, travaillaient 1 607 heures. S'ils travaillaient tous 1 607 heures, cela ferait des gains considérables ! Notre commission avait adopté à mon initiative en novembre 2015 un amendement pour que les fonctionnaires travaillent 37,5 heures par semaine. Quelle horreur ! Pourtant, la Cour des comptes chiffrait cette économie à 5 milliards d'euros.
Je répondrai à mon collègue de l'Ardèche que ce n'est pas dans les territoires que se pose le problème de l'évolution de la fonction publique. Pensez-vous que la France est mieux administrée avec les ARS, les agences de bassins et les opérateurs de l'État qui ne maîtrisent ni les plafonds d'emplois ni les ratios de mètres carrés ? La création des DREAL est-elle un progrès ? Aujourd'hui, les préfets sont déresponsabilisés. Nous assistons à une sorte d'atomisation.
En ce qui concerne les missions de l'État, les conséquences de la décentralisation n'ont pas été tirées. L'État doit-il encore gérer les routes ? Sommes-nous satisfaits de l'existence des directions interdépartementales des routes ? L'État doit-il intervenir aux côtés des départements sur le handicap ? Il existe aujourd'hui un certain nombre de doublons.
Gérard Longuet a parlé de l'enseignement. Nous entendrons le ministre cet après-midi. Nous proposons de multiples options dans le secondaire alors que nous accusons du retard dans le primaire. Notre pays est-il mieux administré qu'il y a vingt ans ou que les pays voisins ? Nous consacrons 2 points de plus de PIB que l'Allemagne à la fonction publique et 4 points de plus aux retraites. Faisons-nous mieux que les Allemands ? Concrètement, avec moins de moyens, nous pourrions mieux administrer ce pays.
Je suis déçu qu'Éric Bocquet n'ait pas posé sa question habituelle sur le diktat des institutions européennes ! Pour parler clairement, je ne me soucie pas tant de la règle des 3 % ; ce qui m'inquiète plutôt, c'est le comparatif avec les autres pays. Savoir que nous sommes le dernier élève de la classe, que notre situation est moins bonne que celle de la Grèce, de l'Espagne, de l'Italie ou du Portugal, je me pince ! Cela signifie que les autres ont été capables de faire des efforts que nous n'avons pas encore consentis ! Aujourd'hui, tous les pays font un effort en matière de désendettement, sauf la France. La dette publique approche 100 % du PIB. Le risque de remontée des taux aux États-Unis est réel. Concrètement, en 2027, il nous faudrait trouver 17,7 milliards d'euros de plus chaque année. Ce jour-là, la France sera clairement incapable de payer.
Le meilleur ami de notre ancien Président de la République, François Hollande, je l'ai souligné, c'est la finance qui a été anesthésiante pendant cinq ans et lui a servi des taux d'intérêt bas. La France a augmenté son stock de dettes comme jamais, servie par des marchés gavés de liquidités. Rappelons que la dette est le deuxième poste du budget de l'État après l'éducation nationale, mais il pourrait devenir le premier. Nous devons nous inquiéter de laisser une telle dette à nos enfants.
Quant à la responsabilité des ministres, elle relève de la Cour de justice de la République, mais elle sera prochainement supprimée. Dans les démocraties, la meilleure des sanctions est celle des urnes. En l'occurrence, le Président de la République avait lui-même tiré les conséquences de la situation en ne se représentant pas.
La commission donne acte au rapporteur général de sa communication.
Régime fiscal et rentabilité des biens immobiliers des particuliers - Communication
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cette année, deux réformes sont attendues dans le projet de loi de finances : la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI) ; et l'instauration du PFU, le prélèvement forfaitaire unique. Cette politique est justifiée par l'engagement de campagne du Président de la République d'exonérer « tout ce qui finance l'économie réelle ». On a parlé de rente immobilière. Le sujet étant d'actualité, il m'a semblé intéressant d'examiner la notion de rente immobilière. La rente immobilière est-elle un mythe ou une réalité ? L'immobilier est-il une classe d'actifs improductifs qui permet à ses détenteurs de bénéficier d'une rente ?
À l'inverse, les valeurs mobilières contribueraient seules à la croissance de l'économie réelle et devraient voir leur taxation allégée. La question n'est pas nouvelle. La notion de rente immobilière renvoie à celle de surprofit : la rente correspond, dans la théorie économique, à une situation dans laquelle le prix d'une marchandise est fixé à un niveau supérieur à celui qui résulterait d'une concurrence pure et parfaite sur le marché considéré.
Du point de vue de l'investisseur, l'existence d'une rente immobilière devrait donc, en principe, se traduire par une rentabilité avant impôts anormalement élevée, par comparaison aux principales classes d'actifs concurrentes - actions, obligations et placements monétaires. Or, sur une longue période, l'immobilier ne présente pas une rentabilité anormale. Celle-ci provient de deux sources : le gain en capital et le rendement. Il est toutefois nécessaire de comparer cette rentabilité par type de placement.
Les actions présentent un taux plus élevé que les autres classes d'actifs en raison de la prise de risque. S'agissant du placement en logement, la mesure de la rentabilité est particulièrement complexe et doit prendre en compte les frais de transaction, le taux de vacance ainsi que le poids des charges pesant sur les propriétaires, qui grèvent le rendement et faussent les comparaisons avec les autres classes d'actifs. L'immobilier est le seul actif taxé tout au long de sa vie : droits de mutation, taxe foncière, ISF, plus-value, droits de succession, impôts sur le revenu, CSG, etc. A contrario, les actions ne sont pas ainsi taxées.
Les différentes études économiques montrent que l'investissement en logement présente sur une longue période un niveau de rentabilité et de volatilité cohérent, en contradiction avec l'idée qu'il existerait une rente immobilière. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable situe la rentabilité du logement locatif sur longue période à un niveau intermédiaire entre les actions et les obligations.
Néanmoins, au cours des vingt-cinq dernières années, l'immobilier est le secteur qui a connu la rentabilité la plus performante. Entre 1990 et 2015, la rentabilité du logement locatif apparaît comparable à celle des actions - 6,2 % par an - en dépit d'un niveau de volatilité significativement inférieur. La surperformance de l'immobilier au cours de la période s'explique non par le rendement, mais principalement par la hausse des prix, notamment en Île-de-France. Le niveau de progression du prix des logements en France est supérieur à celui des autres pays, en particulier ceux de la zone euro.
D'après une étude récente de la Banque de France, la progression rapide des prix observée en France jusqu'à la crise correspondait à une phase de rattrapage par rapport aux autres pays de la zone euro. En tout état de cause, il apparaît paradoxal de s'interroger sur l'existence d'une rente immobilière au moment même où la rentabilité du logement locatif apparaît désormais significativement inférieure, en France, à son niveau tendanciel sur une longue période.
Par ailleurs, la fiscalité française n'apparaît pas particulièrement biaisée en faveur de l'immobilier. Avec 68 milliards d'euros de prélèvements liés au logement, le poids des prélèvements opérés sur les logements est en progression sur les dix années passées. Les prélèvements liés au logement suivent la même évolution que celle des prélèvements obligatoires, augmentant de près de 200 % en trente ans.
Les prélèvements sur le patrimoine immobilier représentaient environ 3,3 % du PIB de la France en 2015 et 7,2 % de l'imposition totale, selon les chiffres de l'OCDE. Entre 1995 et 2015, la part des prélèvements sur le patrimoine immobilier est en hausse de 28 % par rapport à l'ensemble des recettes fiscales et de 39 % au regard du PIB.
Du point de vue des comparaisons internationales, la France apparaît ainsi en deuxième position parmi les pays de l'OCDE, derrière le Royaume-Uni, et bien avant les États-Unis et l'Allemagne. Notre pays aime donc taxer l'immobilier. Pourtant, c'est un actif qui participe à la richesse nationale.
J'ai souhaité réaliser des simulations afin de comparer la fiscalité avant et après les réformes envisagées par le Gouvernement. Nous avons pris l'exemple d'un ménage médian et d'un ménage très aisé, et nous avons comparé un placement immobilier et un placement en valeurs mobilières. Dans la quasi-totalité des cas, le taux global d'imposition est plus élevé pour l'immobilier. Évidemment, après la réforme prévue par le Gouvernement, ce taux explose de manière assumée. Nous avons aussi envisagé le cas de l'optimisation fiscale et réalisé une simulation en Pinel. En matière de valeurs mobilières, nous avons choisi un placement en actions optimisé, c'est-à-dire un PEA, un plan d'épargne en actions. Avec la réforme, le taux d'imposition sera de 16 points plus élevé pour l'immobilier que pour les autres actifs.
Le Gouvernement assure que l'immobilier serait improductif. Ce secteur contribue pourtant à 18 % de la valeur ajoutée, et génère 8 % des emplois, en France comme, à quelques légères variations près, dans l'Union européenne. Le Gouvernement répond que les gains de productivité y seraient plus faibles qu'ailleurs. Certes, la bulle immobilière espagnole a mobilisé d'importants volumes de capitaux avant de retomber. Désormais, aussi bien en valeur ajoutée qu'en part dans l'emploi, la contribution de l'immobilier se stabilise et l'on n'a pas observé de déformation de la structure de l'économie au profit de la construction. Le Gouvernement explique alors que l'immobilier aurait un effet d'éviction sur le financement des entreprises. Là aussi, les études économiques infirment cet argument. La dynamique du crédit à l'habitat n'a pas empêché la croissance de l'endettement des entreprises, dont la part dans le PIB a augmenté de plus de 20 points et la part des crédits à l'habitat dans le financement bancaire - 57 % - ne présente pas de caractère atypique en France.
Au niveau microéconomique, les estimations suggèrent même qu'une hausse de l'immobilier favoriserait l'investissement des entreprises, puisqu'elle rehausse la valeur des biens immobiliers qu'elles apportent sous forme de garantie auprès de leurs établissements bancaires. Bref, sur le plan de l'efficacité économique, il ne semble exister aucun motif valable justifiant de pénaliser ou de freiner l'investissement immobilier en France.
Au-delà de l'efficacité économique, l'évolution du marché du logement français suscite également des inquiétudes sur le plan des inégalités. Si la hausse des prix de l'immobilier constitue un motif légitime d'inquiétude s'agissant des bailleurs, la situation est plus nuancée s'agissant des propriétaires occupants, qui représentent 84 % des transactions. En cas de revente, les propriétaires-occupants doivent en effet le plus souvent se reloger à un prix qui a augmenté. En outre, en l'absence de revente, les caractéristiques du marché hypothécaire français ne permettent pas aux propriétaires occupants de tirer parti de la hausse de leur patrimoine immobilier afin de consommer davantage, puisque le crédit hypothécaire rechargeable est interdit chez nous.
Le tableau que vous trouverez dans ma présentation montre que le logement représente une proportion très faible de la richesse patrimoniale des ménages les plus aisés, alors qu'il constitue l'essentiel de la richesse des ménages de la classe moyenne patrimoniale. Voilà pourquoi le rendement de l'IFI ne sera que de 850 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour l'ISF. En l'absence de hausse des prix de l'immobilier, la hausse de la concentration patrimoniale observée en France aurait été substantiellement plus élevée.
Le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux en l'espace de seulement 40 ans, tandis que celui des ménages aisés a augmenté de plus de 50 % au cours de la même période.
Sans nier les conséquences néfastes de l'inflation immobilière, notamment en Île-de-France, il faut les ramener à leur juste proportion. Il est temps de s'écarter des faux débats sur l'existence d'une rente immobilière et de s'intéresser au contraire aux vrais problèmes, qui demeurent. Un groupe de travail sur le financement et la fiscalité du logement avait été constitué à l'automne 2015 au sein de notre commission des finances et avait formulé des recommandations, dont certaines restent à mettre en oeuvre.
Il convient, tout d'abord, de remédier au phénomène de rente foncière pour les terrains nus devenus constructibles, dont les propriétaires bénéficient d'un effet d'aubaine. Accès à la propriété des jeunes générations, PTZ, équilibre entre ancien et construction... Autant de sujets à aborder. Chaque ministre du logement a laissé son nom à un dispositif fiscal, mais ces dispositifs bénéficient davantage aux promoteurs qu'aux particuliers ! Un quart des Français sont logés dans le parc locatif privé ; celui-ci se dégrade et doit être mieux mobilisé.
Le PFU laisse l'immobilier de côté. Et l'IFI est une erreur. Si quelqu'un place un million d'euros dans un gros diamant, un lingot d'or ou des bons du Trésor américains, est-ce plus utile à l'économie française que d'investir dans des terres agricoles, une boutique ou un appartement qui logera une famille ? Mieux vaudrait supprimer complètement l'ISF... On peut vivre sans diamant, mais pas sans toit ! A la question « Y a-t-il une rente immobilière ? », je réponds donc : non !
M. Vincent Éblé, président. - La décomposition du patrimoine par type d'actif selon le niveau de richesse, illustré dans votre diaporama, montre bien que la concentration de la fiscalité sur l'immobilier ne permet pas de toucher la totalité des patrimoines de manière équitable.
M. Claude Raynal. - Le graphique que vous mentionnez est déjà connu. Un autre concerne la très longue période. À propos de vos conclusions...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce sont des pistes.
M. Claude Raynal. - Elles nous agréent : tous ces sujets sont sur la table. Nous ne partageons pas, en revanche, votre proposition - orale - de supprimer totalement l'ISF. Le graphique décomposant la richesse patrimoniale par décile montre bien que plus on est riche, moins la part de l'immobilier dans le patrimoine est importante. Quiconque est normalement constitué doit en déduire qu'il faut continuer à taxer les actifs financiers ! Les grandes fortunes, souvent, louent leur immobilier à des sociétés extérieures. La question est donc de réintroduire l'ISF.
M. Philippe Dallier. - Ce rapport montre que le Gouvernement s'appuie sur quelques idées reçues. Comment la rentabilité est-elle calculée ? La vacance inclut-elle les incidents de parcours ? Deux ans d'impayés de loyers, une procédure, cela peut coûter cher...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui, elle les inclut.
M. Philippe Dallier. - Le Gouvernement, en supprimant l'APL accession ou en suscitant des difficultés avec les bailleurs sociaux, n'incite pas à investir dans ce secteur. C'est nous faire prendre un gros risque, car au sortir d'une crise très rude nous avons besoin de construire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je partage cet avis.
M. Alain Houpert. - On parle souvent, à propos d'immobilier, de gestion « en bon père de famille ». Dans les zones où les loyers sont très bas, les bailleurs privés peuvent être considérés comme des bailleurs sociaux. L'équilibre entre Paris et le reste de la France est menacé par la baisse de la démographie en zone rurale. Pas sûr que les propriétaires en zone rurale continueront d'investir dans leur bien.
M. Julien Bargeton. - Le sujet n'est pas facile. J'attire toutefois votre attention sur le fait que le graphique dont nous parlons, tiré du livre de Thomas Piketty, grossit considérablement la part des déciles supérieurs.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est parce que l'ISF ne concerne que le dernier centile.
M. Julien Bargeton. - Je vous l'accorde. Mais pour des très riches, l'immobilier a beau ne représenter qu'une petite fraction de leur patrimoine, sa valeur peut être considérable.
L'arbitrage entre placements financiers et l'immobilier, avec des taux d'intérêts faibles, est favorable à l'immobilier. Or un investissement locatif est moins intéressant pour le financement de l'économie. Il faut agir sur les choix individuels. À cet égard, les pistes que vous proposez sont intéressantes.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Plus on est pauvre, moins on a de capacité d'arbitrage. Même pour les classes moyennes supérieures, en région parisienne, la résidence principale constitue la quasi-totalité du patrimoine. On ne peut donc pas parler d'effet d'éviction.
M. Emmanuel Capus. - Ne serait-il pas plus simple de supprimer l'ISF ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - N'anticipons pas...
M. Bernard Delcros. - Nous devons veiller aux équilibres territoriaux. En zone rurale, ce secteur a un fort impact sur l'activité. L'addition des mesures prises risque d'accroître la fracture territoriale en pénalisant les territoires ruraux. Quant à l'ISF, il faut le maintenir ou le supprimer, pas le réduire à un produit de 850 millions d'euros.
M. Arnaud Bazin. - Un mot n'a pas été prononcé, celui de résidence principale. Parfois, la survalorisation des lieux où certains de nos compatriotes résident par tradition familiale les expose à une imposition sans proportion avec leurs revenus.
La commission donne acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Examen du rapport
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous examinons désormais le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017, déposé en urgence par le Gouvernement pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués.
Au total, les éléments nouveaux par rapport à l'estimation révisée du solde 2017 présentée dans le projet de loi de finances pour 2018 entraînent une dégradation nette du solde budgétaire de l'État de 400 millions d'euros, portant le déficit à 76,9 milliards d'euros.
Ces dépenses sont portées par la mission « Remboursements et dégrèvements » ; elles dégradent le solde de 5 milliards d'euros par rapport à l'estimation révisée associée au projet de loi de finances pour 2018. En outre, la censure intégrale du dispositif conduit à son abrogation anticipée alors qu'il devait être maintenu jusqu'au 31 décembre 2017, ce qui réduit les recettes de l'État d'environ 200 millions d'euros, détériorant le déficit d'autant.
M. Vincent Delahaye. - N'y avait-il aucune provision ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Si. Mais pas pour ces 200 millions d'euros de recettes ni pour un remboursement dès 2017. Pour 2018, une provision de 300 millions d'euros a été inscrite.
En prononçant la non-conformité à la Constitution de la contribution de 3 %, la décision du Conseil constitutionnel entraîne deux conséquences. La première est relative au champ des réclamations, puisque l'ensemble des contributions versées à compter de 2015 peut faire l'objet d'une réclamation jusqu'à la fin de l'année 2019. La seconde est relative à la comptabilisation du coût du contentieux : en faisant naître une créance des entreprises sur l'État, la déclaration d'inconstitutionnalité se traduit par une comptabilisation de remboursements dès 2017.
Le montant de 5,7 milliards d'euros provisionné par le Gouvernement sur la période 2018-2021 est donc insuffisant et le calendrier de paiement, trop tardif : le coût des contentieux est revu à la hausse de 4,3 milliards d'euros, totalisant 10 milliards d'euros répartis à égalité sur 2017 et 2018.
Afin de compenser la baisse des recettes, le Gouvernement prévoit la création de deux contributions exceptionnelles et ponctuelles sur l'impôt sur les sociétés (IS), dont le rendement attendu s'élève à 4,8 milliards d'euros en 2017 et à 600 millions d'euros en 2018. Cela représente environ 10 % du montant brut de l'IS.
Il y aurait ainsi une majoration du taux d'IS avec deux tranches : une première majoration de 15 % du taux d'IS pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros, une seconde majoration de 15 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 milliards d'euros.
Ces contributions permettraient de contenir la dégradation du déficit budgétaire de l'État et la détérioration du solde public effectif qui, en l'absence de compensation, se serait élevé à 3,1 % du PIB.
Il s'agit de conserver l'espoir d'une sortie de la France en 2018 du volet correctif, ce qui est indispensable pour renforcer sa crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens.
Cette mesure de rendement s'accompagne d'importants biais, puisque 223 sociétés sur les 318 redevables seront perdantes, car ceux qui seront taxés ne bénéficieront pas forcément du remboursement. L'industrie, le commerce et les services financiers sont particulièrement concernés. Le produit est fortement concentré, puisque 30 sociétés payeront 71 % des recettes prévues. Il est très difficile de mieux cibler le dispositif sans risquer une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a choisi la simplicité en créant une taxe additionnelle sans toucher à l'assiette. Il avait songé à un mécanisme de plafonnement, mais le Conseil d'État a jugé cela contraire à la Constitution.
Il faut souligner de plus que les entreprises devront acquitter des montants élevés selon un calendrier très contraint - alors même que le projet de loi de finances prévoit une baisse de l'IS ! Le collectif budgétaire qui sera présenté mercredi prochain pourrait être l'occasion pour le Gouvernement de calculer sa vraie marge de manoeuvre. Compte tenu de l'acquis de croissance au troisième trimestre 2017, la croissance devrait s'établir à 1,8 % en fin d'année. De même, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB devrait être supérieure au montant retenu. Le ministre l'a d'ailleurs confirmé tout récemment en réponse au courrier de la Commission européenne sur le budget 2018 : « les derniers encaissements comptables recueillis à fin septembre indiquent le dynamisme de certaines recettes, en particulier la TVA », et il mentionne une « élasticité des recettes plus élevée très probable ».
Bref, les rentrées fiscales et sociales devraient être meilleures qu'attendu : l'effet positif sur le solde d'une hausse de 0,1 point du coefficient d'élasticité des recettes à la croissance peut être estimé à 2,5 milliards d'euros.
Je vous propose donc - à défaut de pouvoir réviser les paramètres de la nouvelle contribution - d'ajuster la contribution des grandes entreprises au montant strictement nécessaire au respect de nos engagements européens en réduisant de moitié la contribution exceptionnelle qui leur est demandée. C'est l'objet de mon amendement, qui est un amendement d'appel. Si le Gouvernement refuse, il devra s'expliquer sur la raison pour laquelle il n'intègre pas les prévisions plus optimistes parues récemment. Serait-ce pour constituer un matelas de précaution ?
M. Vincent Delahaye. - Ce sujet compliqué nous a été laissé par le précédent gouvernement...
M. Claude Raynal. - Toujours le passé !
M. Vincent Delahaye. - En tous cas, nous devons rembourser, et rapidement. Le choix proposé par le Gouvernement n'est pas aberrant. Il laisse 5 milliards d'euros à la charge du contribuable, et réduit de 5 milliards d'euros ce que toucheront, globalement, les entreprises. Il est normal que la somme soit ainsi partagée. Recettes supplémentaires ? La TVA évolue de manière erratique : une croissance de 1,7 % la fait croître de 5 % ! Si nous percevons 2,5 milliards d'euros de plus, l'ardoise se réduit à 7,5 milliards d'euros, ce qui devrait faire deux parts de 3,75 milliards d'euros chacune. Je comprends que le Medef pousse des cris d'orfraie, mais ce prélèvement n'aura lieu qu'une fois. Nous voterons donc ce projet de loi de finances rectificative tel quel.
M. Bernard Delcros. - La situation est ce qu'elle est. Le Gouvernement propose une solution pragmatique et efficace, qui ne creuse pas le déficit. Les prélèvements concerneront les plus grosses entreprises, dont le chiffre d'affaires se compte en milliards d'euros. Quant à ce qui sera pris sur le budget de l'État, cela ne dégradera pas la situation en 2017, et ne fera croître le déficit que de 0,2 point de PIB en 2018. C'est une solution raisonnable et équilibrée.
M. Claude Raynal. - Les propos de Vincent Delahaye sont caricaturaux. Les premiers débats remontent à 1979, et la taxe sur les OPCVM, a dû être remplacée en 2012, en catastrophe, par cette taxe sur les dividendes. Cela concerne donc nombre de gouvernements. Nous en sommes donc à la troisième taxe. Nous nous féliciterons si elle n'est pas, à son tour, censurée. Quant au contribuable... Les entreprises ont payé 10 milliards d'euros de trop, on les leur rend : en somme, c'est un prêt gratuit !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avec 4,8 % d'intérêts moratoires, tout de même !
M. Claude Raynal. - En tous cas, ce ne sont pas les contribuables qui paient.
Je ne suis pas d'accord avec votre amendement. Vous aviez vous-même proposé que tout gain inattendu soit consacré à la diminution du déficit. En revanche, nous ne nous opposons pas à la solution proposée par le Gouvernement - en espérant que le Conseil constitutionnel ne s'y opposera pas !
M. Philippe Dallier. - La recherche en responsabilité, laissons-la de côté ! Que cette affaire nous incite à ne plus voter de dispositions sur la constitutionalité desquelles nous aurions des doutes.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Alors nous risquons de ne plus rien voter !
M. Philippe Dallier. - L'amendement du rapporteur général est intéressant, surtout comme amendement d'appel. Il est un peu facile d'aller chercher dans les poches des grandes entreprises les sommes dont on a besoin. L'impôt sur les sociétés, que le Gouvernement veut réduire, va être porté à des sommets qu'on n'a pas vus depuis longtemps. Posons la question au Gouvernement. J'appelle mon groupe à voter en faveur de cet amendement.
M. Julien Bargeton. - En cours de finances publiques, on apprenait qu'un bon impôt a une base large, un taux faible et pas d'exceptions... Les intérêts moratoires de 4,8 % sont élevés. Parlons-en en séance. Pour le coup, c'est un bon placement ! Je ne voterai pas l'amendement, car un projet de loi rectificative n'a pas pour objet de revoir les hypothèses macroéconomiques. D'ailleurs, 1,7 % correspond encore à la moyenne des prévisions. N'y touchons pas. Souvenons-nous, enfin, de la surtaxe Juppé en 1995, de celle créée par Dominique Strauss-Kahn en 1997 ou de celle de François Fillon, en 2011. Ce dispositif est donc bien connu.
M. Philippe Dominati. - Je ne voterai pas l'amendement du rapporteur, mais je m'abstiendrai. Je n'avais pas voté cette taxe, et je ne vois pas pourquoi la faute de l'État devrait être assumée par les entreprises, fût-ce pour moitié. C'est un très mauvais réflexe, bien malheureux à l'heure où la stabilité fiscale et budgétaire revêt une telle importance. Le Gouvernement utilise, en effet, des recettes du passé. Grosses entreprises, footballeurs ou taxe à 75 % : c'est la même déplaisante méthode !
M. Jean Pierre Vogel. - Ces 9 milliards d'euros ne sont pas un cadeau aux entreprises mais un juste retour des choses ! Le milliard d'euros d'intérêts moratoires génèrera 350 millions d'euros d'impôt sur les sociétés supplémentaire. En a-t-il été tenu compte ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement invoque l'urgence car il souhaite faire passer le déficit public sous les 3 % du PIB - ce qui justifie d'examiner les hypothèses de croissance. Ce qui est gênant, c'est que ce ne sont pas les mêmes qui paieront et qui percevront un remboursement.
L'amendement n° 2 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2017 tel que modifié par l'amendement qu'elle a adopté.
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen des amendements de séance sur le texte de la commission
La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport spécial
M. Vincent Éblé, président. - Nous sommes heureux d'accueillir Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Je rapporte la mission « Outre-mer » avec Nuihau Laurey, qui m'a demandé de l'excuser auprès de vous pour son absence ; je vous transmettrai également ses principales observations. Cette mission, qui ne rassemble que 13 % des crédits de l'État en faveur des outre-mer, constitue le « bras » budgétaire de l'intervention de l'État dans ces territoires. Elle en est donc aussi le « bras » le plus visible.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont, à bien des égards, indispensables pour ces territoires qui, faut-il le rappeler, souffrent d'importants handicaps structurels liés à leur éloignement de l'hexagone, à la faiblesse de leurs marchés locaux et à leur tissu économique composé pour l'essentiel de très petites entreprises. Les données socio-économiques des outre-mer sont pour le moins inquiétantes : PIB par habitant inférieur de près de 40 % à celui de la métropole, persistance d'un fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, augmentation de la mortalité infantile dans certains territoires, traduisant de graves difficultés sanitaires, retard dans le domaine de l'éducation, etc.
L'année 2017 est, à mon sens, particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, qui n'est qu'un symptôme des difficultés de ces territoires, mais également à l'ouragan Irma, qui nous rappelle la prégnance des risques naturels auxquels sont confrontées ces collectivités.
Le travail accompli est certes considérable, mais beaucoup reste à faire. C'est pourquoi les ultramarins sont particulièrement attentifs aux évolutions des crédits de cette mission. Il faut souligner d'emblée que les crédits sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d'euros, puisqu'ils s'élèveront à 2 104 milliards d'euros en AE et 2 068 milliards d'euros en CP. À périmètre constant, il est en hausse de 3,6 % en AE et de 4,3 % en CP par rapport à 2017. On ne peut que s'en réjouir.
En tout état de cause, il convient d'insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un « budget de transition » ne présageant qu'en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s'est en effet engagé à s'appuyer sur le Livre bleu Outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer, lancées par le Gouvernement 4 octobre 2017, afin d'ouvrir un temps d'échange et de réflexion avec l'ensemble des ultra-marins.
Cette « transition » entraine nécessairement quelques doutes.
La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques outre-mer représentera cette année une dépense de 1,079 milliard d'euros en AE, soit plus de la moitié des crédits prévus au sein de la mission « Outre-mer » en 2018 et 81,2 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ces exonérations ont connu de multiples recentrages depuis 2014, ce qui a entraîné une baisse importante de la dépense associée ; de plus de 36 % entre 2014 et la prévision de dépenses pour 2018. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit, cette année, aucun recentrage des exonérations. Selon le Gouvernement, elle devrait toutefois faire l'objet d'un « réexamen » à l'automne 2019. Nous serons particulièrement vigilants quant à ce que cette réforme soit favorable à l'emploi outre-mer, le chômage culminant encore aujourd'hui à 20 % en moyenne dans ces territoires.
Ce budget présente également, reconnaissons-le, plusieurs motifs de satisfaction.
Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l'État et les collectivités d'outre-mer sont en hausse et s'élèvent à 152 millions d'euros en AE et 157 millions d'euros en CP (contre 136 millions d'euros en AE et 148 millions d'euros en CP en 2017), soit une hausse de 12 % en AE et de 6 % en CP. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l'objet d'un important sous-financement les années passées.
Le fonds exceptionnel d'investissement sera maintenu sur l'ensemble du quinquennat. Ses crédits sont en augmentation de 3 % en AE et stables en CP. Surtout, le Gouvernement s'est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l'ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d'information que nous lui avons dédié l'an dernier, l'utilité de cet instrument. Nous serons donc particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.
Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l'objectif fixé : former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Ses crédits sont en augmentation de 4,16 % en AE et 4,25 % en CP, et le ratio d'encadrement a été amélioré.
Mon collègue Nuihau Laurey souhaitait toutefois appeler notre vigilance sur certains points. Si les crédits de paiement dédiés à la construction neuve seront en augmentation, il faut reconnaître que les crédits affectés au logement, dans leur ensemble, sont en baisse (de 8,13 % en AE et de 1,57 % en CP). En 2018, le Gouvernement prévoit la construction de 5 870 logements locatifs sociaux et très sociaux et 3 550 réhabilitations de logements. Cette prévision reste inférieure au nombre de réhabilitation et de constructions annuelles nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de 2017. Cette baisse de crédit est donc préoccupante, étant donné l'ampleur des besoins en logements et l'augmentation des coûts de construction.
Les crédits destinés à la continuité territoriale sont en baisse de 1,3 % en AE et en CP. Cette poursuite de la baisse des crédits traduit le retrait de l'État dans l'effort de désenclavement des collectivités ultramarines, alors même que le financement de la continuité territoriale faisait partie des promesses de campagne.
Enfin, le dernier motif de préoccupation porte sur la programmation triennale 2018-2020, qui prévoit une augmentation des crédits de 0,5 % en valeur (contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général), ce qui équivaut à une baisse en volume de 2 %.
Cette programmation pourrait être insuffisante pour donner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires. Par ailleurs, il serait justifié que la pertinence de cette programmation puisse être réévaluée après la tenue des Assises des outre-mer.
Aussi, c'est bien conscients des carences de ce budget, mais également du fait qu'il s'agisse d'une « transition » que nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je succède à Serge Larcher en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur ce budget, que nous examinerons la semaine prochaine. À ce stade, il m'est donc difficile d'exprimer un commentaire général. Je puis toutefois vous faire part de quelques observations, puisque c'est la dixième fois que je dois me prononcer, comme parlementaire, sur le budget de l'État et sur celui de la mission « Outre-mer ». Pendant ces dix ans, c'est la seule mission qui n'a jamais diminué. Le rapporteur spécial a justement observé que ce budget n'est pas le seul des outre-mer : c'est une mission à périmètre variable. Il suffit de jouer sur ce périmètre pour la rééquilibrer : telle est l'impression que j'ai eue.
Dans certains secteurs, les crédits diminuent, comme l'a noté le rapporteur spécial, notamment la continuité territoriale ou le logement, où les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer ne sont pas respectés.
Je m'interroge, à propos des Assises des outre-mer dont on parle beaucoup, sur le fait de savoir s'il ne s'agit pas d'une année perdue, au sens budgétaire, à l'exception de quelques crédits concernant la Guyane. C'est un avis provisoire. Sur le CICE et la CSG, je suis également inquiet, surtout pour les collectivités, comme la mienne, qui n'ont pas d'autre ressource fiscale : l'État semble revenir sur cette compétence transférée.
Aucun crédit supplémentaire nécessaire pour la reconstruction post-cyclonique n'apparaît à ce budget. Sont-ils ailleurs, ces crédits correspondant aux annonces médiatiques ? je pose cette question davantage pour la collectivité voisine de Saint-Martin, puisque Saint-Barthélemy assume sa responsabilité conformément à son statut.
Je ne peux donc pas donner d'avis. Je présenterai mon rapport le 15 novembre. Il est difficile de ne pas voter un budget en augmentation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui, c'est un budget à périmètre variable, qui prend une tournure particulière cette année, en raison des événements climatiques. Il est vrai que des annonces importantes ont eu lieu. On sait qu'à Saint-Martin, le taux d'assurance est peu élevé et que certaines constructions ont été réalisées sans permis de construire. Le fonds de secours prévu dans la mission « Outre-mer » ne s'élève qu'à 10 millions d'euros et sera rapidement épuisé. Nous interrogerons donc le Gouvernement. Reconstruire vite, comme il l'a annoncé, nécessitera des moyens que les assurances seules ne pourront assumer au regard des règles actuelles.
M. Jean-Claude Requier. - Je salue les efforts de l'État. Comment sont ressenties sur place les Assises des outre-mer, qui devraient aboutir à un livre bleu outre-mer ? La population est-elle impliquée ?
M. Éric Bocquet. - Un plan d'urgence a été décidé au printemps, de 1,086 milliard d'euros. De nombreuses propositions ont été faites par le collectif guyanais « Pou La Gwiyann dékolé ». Un groupe de suivi devait être mis en place. Y a-t-il déjà un début de mise en place concrète de ces mesures ? Où en est-on ?
M. Victorin Lurel. - Merci à Georges Patient, dont le rapport est plus sincère et plus vrai que ceux que j'ai pu lire à l'Assemblée nationale. Je partage ce qu'a dit Michel Magras, sauf la conclusion. Je ne pourrai voter ces crédits. Je ne partage pas votre optimisme. Depuis Christian Paul, on avait déjà atteint près de 2 milliards d'euros. Cette mission stagne, or il faut des moyens autres pour répondre aux besoins.
Je ne suis pas sûr que ce soit un budget de transition, je parlerais plutôt de pérennisation de la stagnation. Le périmètre m'étonne. L'exécution budgétaire diminue de 90 millions d'euros sur les lycées, collèges et autres écoles. On nous présente un budget initial qui n'est presque jamais exécuté comme le Parlement l'a voté. Sauf erreur, il y a une vraie baisse de la mission.
On a pris une loi sur le logement outre-mer. Dans ce budget, ce n'est pas une transition à cet égard, mais un désengagement, en dépit des urgences mobilisatrices. Prenons l'article 52 du présent projet de loi. Les aides personnalisées au logement (APL) ne s'appliquent pas outre-mer, or ces territoires les financent. Certes, notre plafond est plus faible qu'en métropole, mais dès que nous dépassons, de 20 %, nous finançons le fonds national des aides à la pierre, dont nous ne bénéficions pas. On nous l'a refusé lors de la discussion de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. C'est difficile à accepter.
Quelle est la véracité des chiffres ? Quant au fonds exceptionnel d'investissement, pour lequel François Hollande s'était engagé à hauteur de 500 millions (tout en n'atteignant que 250 millions d'euros), nous sommes à 250 millions... soit très loin du compte : l'effet de levier ne jouera pas !
Le Président de la République, alors candidat, s'est engagé à hauteur d'un milliard pour les outre-mer, et au total pour 2,5 milliards d'euros ; plus la Guyane, cela fait 4,6 milliards d'euros, sans compter le financement d'Irma et de Maria. Or il n'y a rien sur les autres missions. Georges Patient, qui est guyanais, connaît les insuffisances. Je ne peux donc pas voter cette mission. Ce n'est pas un budget de transition. Le Gouvernement n'a pas encore intégré dans son logiciel le fait qu'appliquer à des situations différentes des règles identiques constitue une discrimination. Lorsqu'on nous dit « Père Noël », « fainéants », l'on n'a pas pris la mesure de la situation vécue dans tous les outre-mer.
M. Sébastien Meurant. - Dans quelle mission sont inscrits les crédits dévolus à la reconstruction ? Je souligne la diversité des territoires, notamment en matière de sécurité. Les budgets dans ce domaine sont-ils dans cette mission ? Ces territoires souffrent d'une discrimination à cet égard par rapport à Paris en particulier. C'est scandaleux.
Rapporteur de la mission « Immigration, asile et intégration », je voulais savoir ce qui est prévu, pour Mayotte et la Guyane en particulier. Autre question sur le développement de ces territoires : Quid des recherches pétrolières en Guyane, qui pourraient être une chance inouïe pour ce territoire et la franque ?
M. Marc Laménie. - Le montant des crédits exprime la légitime solidarité de la Nation à l'égard des outre-mer. Je note une augmentation significative des crédits relatifs à la circulation routière et au stationnement, de 35,6 %, à hauteur de 241 millions d'euros. Sans doute a-t-elle une explication.
M. Jean-François Rapin. - Je préside l'Association nationale des élus du littoral et rencontre à ce titre les élus locaux. Je reviens d'une mission à La Réunion. On est sans doute plus dans la réaction que dans l'anticipation, face aux enjeux considérables de ces territoires. Ainsi, à La Réunion, le chantier gigantesque de la route du littoral répond aux problèmes d'érosion. Le Conservatoire du Littoral a réalisé des expertises sur les risques à long terme de submersion du littoral en Guadeloupe ou en Martinique, qu'il faut aussi anticiper dans ces budgets.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Nous pourrions ouvrir un débat général sur les problèmes des outre-mer, mais concentrons-nous sur ce budget, qui, je l'ai dit, représente 13 % des crédits alloués aux outre-mer. En dehors de ces deux programmes, il faut aller chercher un peu partout l'ensemble des crédits de l'État, qui s'élèvent à 21 milliards d'euros, y compris les 4 milliards d'euros de dépenses fiscales.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un budget de transition. Le Président de la République, en Guyane, a laissé entendre que les priorités de la politique outre-mer surgiraient des Assises, ce qui a été diversement perçu. Ainsi, dans mon territoire d'origine, ceux qui ont signé les accords sont contre ces Assises, préférant travailler dans le cadre d'états généraux qu'ils ont déjà lancés. D'autres mêmes ont laissé entendre que ces Assises seraient une façon de gagner du temps pour le Gouvernement. Celui-ci a déclaré que les deux milliards d'euros supplémentaires, en sus du plan d'urgence d'un milliard, devraient être étudiés dans le cadre de ces assises, priorité du Gouvernement. À Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire de la ministre, ces assises n'ont pas été mises en place. En Guadeloupe, en Martinique, je ne sais ce qu'il en est au juste. À La Réunion, elles ont démarré (Michel Magras était réservé sur ces assises).
Un calendrier a été établi par le Gouvernement, de telle sorte que les projets présentés cette année soient actés dans la loi de finances pour 2019. Le Président de la République a même évoqué la possibilité d'une loi.
Je n'entre pas dans le détail de l'analyse de Victorin Lurel, qui a été ministre. Pour le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), on peut considérer qu'il augmente par rapport aux sommes effectivement mises à disposition lors du quinquennat précédent. Pour le logement, des crédits seront encore ajoutés dans le courant de l'année. La ligne budgétaire unique est très critiquée : les engagements seront maintenus, wait and see !
Quant à la sécurité et à l'immigration, ces crédits ne figurent pas dans cette mission. Pour la Guyane, les engagements du plan d'urgence ont été pris. Des mesures fortes ont été annoncées par le Président de la République lors de sa visite en Guyane : le RSA serait repris, avec un temps de présence de quinze ans, au lieu de cinq ans, et les paiements seront effectués par carte, et non pas en espèces ou par virement, ce qui a paru satisfaire la population guyanaise.
Nous demandons l'approbation de ces crédits.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis. - Je ne jette pas la pierre au ministère des outre-mer, qui connait bien les réalités ultramarines, et est confronté tous les ans aux arbitrages budgétaires. Il ne peut faire inscrire au budget tout ce qui correspond aux besoins réels. Souvent, nous, parlementaires, devons arbitrer des différends entre son approche et celle de Bercy.
Il est vrai que l'on s'intéresse de plus en plus à l'outre-mer, si l'on prend en considération le nombre de lois votées, peut-être que les délégations y sont pour quelque chose... Sur les Assises, je considère simplement qu'il y a une année budgétaire perdue. Les deux territoires cyclonés, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, en ont été exclus.
Enfin, je dois remercier nos amis guadeloupéens et martiniquais, qui ont réagi très vite, mais aussi toutes les collectivités et départements de France, qui ont agi, ainsi que la Fondation de France, l'agence française de la biodiversité et la Croix-Rouge.
M. Vincent Éblé, président. - Ce que vous dites des rapports entre le ministère et Bercy n'est pas vrai que de l'outre-mer et touche bien d'autres domaines !
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, les crédits de la mission « Outre-mer ».
La réunion est close à 12 h 50.
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission désigne les candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Philippe Dominati, Jean-François Husson, Vincent Capo-Canellas, Claude Raynal et Julien Bargeton comme membres titulaires, et de MM. Thierry Carcenac, Yvon Collin, Philippe Dallier, Bernard Delcros, Roger Karoutchi, Mme Christine Lavarde et M. Pascal Savoldelli comme membres suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural » (et articles 49, 49 bis et 49 ter) - Examen du rapport spécial
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - L'examen du premier budget agricole de la nouvelle législature suscite une grande perplexité. Plus encore, au vu des grandes ambitions affichées par le nouveau Président de la République dans le cadre des États généraux de l'alimentation, il provoque une réelle déception.
Pour la perplexité, elle provient, comme c'est devenu une habitude, de la crédibilité de la budgétisation qui nous est présentée. En premier lieu, une épée de Damoclès pèse sur ce budget, celle de l'exécution pour 2017. J'ai régulièrement dénoncé le défaut de sincérité des budgets agricoles qui semblent marqués par une logique paradoxale avec l'existence concomitante de dotations non dépensées et de dépenses non dotées. Le premier président de la Cour des comptes a dans cette même salle exposé combien le budget agricole pour 2017 comportait d'impasses financières. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a pu évaluer celles-ci à plus de 600 millions d'euros et a refusé en conséquence d'accorder son visa à la répartition des crédits. Comment ces impasses seront-elles comblées ? À ce stade, nous n'en savons rien. Peut-être y aura-t-il à nouveau des corrections dans le cadre du collectif de fin d'année. Une chose est sûre : ces rectifications ne couvriront pas l'ensemble des déficits de financement. En effet, le projet de budget pour 2018 prévoit de réserver une partie de ses dotations pour assurer des paiements dont certains remontent à des engagements pouvant dater de 2015. On peut dire ainsi qu'il entérine une gestion budgétaire hasardeuse ce qui ne plaide pas pour lui. Par ailleurs, la question de sa sincérité se pose également au regard des risques financiers nouveaux qui devraient se matérialiser en 2018. Le Gouvernement fait valoir qu'en inscrivant 300 millions d'euros au titre d'une réserve pour dépenses imprévisibles, le principe de sincérité budgétaire se trouve enfin respecté. Assiste-t-on pour autant à une révolution de la sincérité ? Je peine à répondre positivement à cette question. Il semble d'ores et déjà que cette provision pour dépenses imprévisibles sera absorbée par des dépenses hélas tout à fait prévisibles résultant en particulier de risques contentieux. Je veux parler des risques de refus d'apurement qui, quant au passé, ne sont toujours pas complètement réglés, des risques nouveaux, estimés à plus de 1 milliard d'euros, n'étant nullement provisionnés. Mais l'on pourrait aussi évoquer les suites des contentieux avec les vétérinaires en mission qui ne sont budgétées que partiellement, l'impasse totale sur les conséquences budgétaires de certaines situations, comme celles que connaissent certains laboratoires d'analyses, ou des hypothèses de budgétisation favorables dont celle portant sur le cours du bois qui permet de minorer les besoins de financement de l'Office national des forêts. En bref, les 300 millions de réserves pour dépenses imprévisibles risquent de dégénérer en une ligne de comblement très partiel des sous-dotations habituelles que nous réserve le budget agricole.
Dans ces conditions, les vrais risques, ceux de l'exploitation agricole d'aujourd'hui, les risques économiques, les risques environnementaux, demeurent sans provision dans le projet de budget. Rien ne change de ce point de vue par rapport à la situation antérieure, ce qu'il faut déplorer compte tenu du renforcement des aléas de cette activité comme il faut déplorer, plus fondamentalement encore, le défaut d'ambition agricole que porte le projet de budget pour 2018. Les crédits de paiement du programme 149 reculent alors même qu'ils sont consacrés pour une part importante à régler des factures héritées du passé et que des lignes budgétaires ne sont pas assez fournies. Les interventions suivent une trajectoire baissière encore plus accusée en volume, dans un budget qui néglige l'inflation. Des dotations importantes pour la modernisation de notre agriculture sont en fort repli. Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations, le PCAE, subit une réduction drastique de ses crédits et n'a pas de remplaçant à ce jour. Face à une crise aviaire dont le coût économique a pu être estimé au minima à 500 millions d'euros pour la filière, on relève la faiblesse des indemnisations mais également celle des provisions destinées à la nécessaire modernisation des bâtiments d'élevage : 5 millions d'euros, soit le supplément de crédits prévus pour protéger les élevages contre les grands prédateurs. La question du sérieux budgétaire se pose inévitablement et, au-delà celle de la crédibilité de la parole publique sur les ambitions agricoles du pays, d'autant que le projet de loi de programmation pluriannuelle nous promet une baisse de plus de 10 % des crédits à l'horizon 2020. Tout cela dans un climat de fortes inquiétudes sur une politique agricole commune en cours de reprogrammation et sur laquelle pèsent les incertitudes de l'après Brexit.
Le budget agricole pour 2018 ne traduit pas la nécessaire prise de conscience de la très grande fragilité actuelle de notre agriculture. 2016 a été une année catastrophique avec un recul de la valeur ajoutée de près de 15 % en volume. La valeur ajoutée nette a même reculé de 25 %. Dans ces conditions, si une certaine amélioration semble se dessiner en 2017, elle doit être appréciée en fonction d'un point de départ extrêmement dégradé. Il est quand même remarquable que les publics à l'agriculture n'aient pratiquement pas joué de rôle amortisseur. Par ailleurs, nous assistons à un effritement continu de notre puissance agricole. Les disparitions d'exploitations se comptent chaque année en dizaines de milliers. Nous avons perdu plus de 11 % de nos exploitations depuis 2010. Il y a en somme une « désagriculturalisation » à côté de la désindustrialisation. La relève n'arrive pas. L'installation est en berne peu attirée par une activité aux revenus particulièrement peu attractifs. Ces évolutions appellent un sursaut. Qu'on ne dise pas que le phénomène est inévitable. Dans l'Europe des vingt-huit, il est vrai que onze pays ont connu un recul du revenu supérieur à 10 % mais dans dix-sept pays il y a eu une hausse parfois très marquée du revenu agricole. La France est du mauvais côté de la ligne alors qu'elle était encore réputée posséder la plus puissante agriculture d'Europe il y a peu.
En bref, les crises conjoncturelles touchent une agriculture structurellement fragilisée et qui n'investit plus. En volume, l'investissement agricole est en 2015 au même niveau qu'en 1980 ! Au cours de cette période, les prix de l'investissement ont, de leur côté, presque triplé. Les exploitants n'ont pas les moyens de suivre. La situation de l'investissement agricole est au coeur d'un défi qui mérite mieux que des paroles, celui de redresser l'agriculture française.
Parmi les mesures nécessaires au redressement de l'agriculture, il est évident qu'il faut accorder une vraie priorité à une forme de garantie de perspectives de revenu rémunérateur au profit des agriculteurs. La nouvelle politique agricole commune présente de très grandes failles de ce point de vue. Compte tenu de la contribution française au budget européen, nous devrons faire en sorte que le nouveau compromis agricole tienne mieux compte de l'exposition aux crises de l'agriculture européenne la plus diversifiée mais aussi, plus largement, de la nécessité de défendre l'Europe agricole dans un contexte de concurrence internationale allant crescendo.
Dans le cadre de notre rapport de contrôle sur la sécurité sanitaire des aliments, nous avons pu mesurer à quel point il est préoccupant d'accepter que des produits entrent en Europe sans respecter les normes européennes. Cette dimension du commerce international des produits agricoles appelle une attention renouvelée qui évidemment pose tout le problème de la régulation internationale du commerce. Sans doute devrions-nous d'ailleurs commencer par lutter plus efficacement contre la concurrence sanitaire déloyale en Europe.
Enfin, pour conclure, je voudrais insister sur la nécessité d'améliorer les performances de notre administration agricole. La programmation budgétaire est une chose, l'exécution budgétaire en est une autre. Deux exemples avec, d'abord, le domaine de la sécurité sanitaire de l'alimentation. La superposition des intervenants, la complexité des financements, la confusion des missions doivent être surmontées afin que nous disposions d'une meilleure intégration des forces et d'infrastructures tout à fait irréprochables. Un deuxième domaine où des améliorations de gestion sont impératives c'est celui des paiements sur lequel nous avons débuté un contrôle dans le cadre de la procédure du 58-2. Il faut en effet savoir que, non seulement du fait des refus d'apurement nous ne profitons pas de la totalité des enveloppes européennes mais encore que nous mettons en place des systèmes extrêmement lourds à gérer pour les agriculteurs, les apports de trésorerie remboursables, qui s'accompagnent de coûts financiers pour l'État mais également de retards de paiement des aides pour des agriculteurs dont les trésoreries sont déjà souvent sous très grande tension.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - En guise de transition avec les propos d'Alain Houpert, je souhaite mettre en exergue une forme de constance des concours publics au bénéfice de notre agriculture, dans un contexte très agité. En 2013, ils s'élevaient à 18,6 milliards d'euros et, en 2017, ils avaient progressé pour atteindre 20,6 milliards d'euros. 2 milliards d'euros supplémentaires en quatre ans, ce n'est pas rien. Et je crois qu'on peut mettre ce chiffre en rapport avec la perspective ouverte par le projet de loi de programmation d'une économie de 350 millions d'euros sur le budget de la mission à l'horizon de 2020.
Pour autant, je dois relever une évolution sur laquelle il nous faudra ouvrir un débat : celle qui a vu les allègements de prélèvements obligatoires gagner en importance relative dans l'ensemble des concours publics à l'agriculture, tandis que la dépense publique, européenne ou nationale, a perdu plus de 5 points dans sa contribution à ces transferts. C'est l'équivalent de 2,7 milliards d'euros qui se sont trouvés ainsi interchangés. Or ces deux modalités de soutien n'ont pas les mêmes propriétés économiques, ni le même impact sur la distribution des concours publics.
Il nous faut mieux évaluer ce changement. Je ne suis pas sûr qu'en modifiant les équilibres du financement de la protection sociale des agriculteurs comme le Gouvernement le propose, avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s'inscrive réellement dans cette démarche évaluative. Mais, je note que ces initiatives pourraient se traduire par une atténuation des transferts entre les administrations publiques et les agriculteurs. Si la suppression de l'allégement de cotisation d'assurance maladie permet au budget pour 2018 de gagner plus de 400 millions d'euros, il est douteux que cette mesure soit gagnante pour les exploitations.
Il y a là un élément d'incertitude qui s'ajoute à d'autres, d'une ampleur potentiellement bien supérieure, celles qui viennent de l'existence possible sinon probable de risques de toutes sortes, économiques, climatiques, sanitaires. Cet aspect du budget agricole a fait naître un débat autour de la sincérité budgétaire. Je persiste à estimer qu'il est difficile de fonder un jugement d'insincérité sur la manifestation de risques par nature aléatoires. Mais je note que la dotation de 300 millions d'euros inscrite au budget et présentée comme constituant un progrès de sincérité décisif semble d'ores et déjà quelque peu en retrait par rapport à des risques dont il est presque certain qu'ils auront une traduction financière en 2018. Si insincérité il y avait dans la loi de finances pour 2017, alors insincérité il y a encore pour ce projet de loi de finances pour 2018, cela est très clair. Mais ce débat sur la sincérité ne doit pas être un écran de fumée. L'important est bien que la solidarité nationale s'exerce quand une profession connaît des événements imprévisibles mais, au-delà, que le budget consacré à l'agriculture soit à la hauteur des enjeux.
Je regrette que le budget agricole pour 2018 rompe avec l'élan donné à certaines priorités : la modernisation des exploitations, l'affirmation d'un projet d'agriculture biologique, le maintien d'une agriculture diversifiée, en bref, une ambition de modèle agricole à la française.
La politique forestière me paraît ne pas relever d'une appréciation plus positive. Les crédits sont en repli. Le Gouvernement explique que ceci est dû au bouclage du plan mis en oeuvre à la suite de la tempête Klaus. Mais, compte tenu du reste des dossiers à traiter, et alors même que les ambitions de ce plan auraient sans doute pu être réévaluées, des crédits complémentaires devraient être nécessaires. Dans ce contexte, la budgétisation de la politique forestière pourrait être assez virtuelle, d'autant qu'elle repose sur des anticipations plutôt favorables du prix du bois. Tout ceci conduit à une construction fragile.
Enfin un mot sur la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation. Je partage avec Alain Houpert le souhait que nos 61 recommandations pour la refonder soient réellement prises en compte. Je mentionne que nos capacités de surveillance des risques sanitaires restent dépendantes d'une mise à niveau des effectifs. Le précédent Gouvernement y avait pourvu avec la création en trois ans de 180 ETPT destinés à renforcer la surveillance sanitaire dans les abattoirs de volailles qui était très négligée. Le budget pour 2018 ne confirme pas cet effort. Je le regrette d'autant plus que nous sommes confrontés à des crises sanitaires régulières et particulièrement graves et à des situations de limite de capacités avec l'extension de déserts vétérinaires sur le territoire.
En définitive, le budget de l'agriculture pour 2018 proposé par le Gouvernement ne me convainc pas pleinement. L'orientation générale m'amène à m'interroger sur plusieurs points : le poids des allègements de cotisation obligatoire, sans évaluation d'impact, est selon mois hasardeux. Néanmoins, plusieurs progrès ou continuités budgétaires méritent, si je puis dire, que pour ce premier budget de l'agriculture du nouveau quinquennat, un vote négatif soit rejeté. La structuration proposée pour les crédits de cette mission n'est pas totalement incohérente avec ce qui a été fait dans le passé. En ce sens et sans être pleinement convaincu, je vous propose donc, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits de la mission.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - Je complète mon intervention en vous précisant que je vous recommande de rejeter les crédits de la mission.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - J'aimerais d'abord souligner qu'il n'est pas anodin pour l'agriculteur et producteur de lait que je suis, d'exercer les fonctions de rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture ». D'autant plus que l'examen de ces crédits revêt cette année une dimension particulière, en raison de la crise affectant le monde agricole.
Cette crise est d'abord économique : les revenus des agriculteurs sont constamment en diminution, les contraignant à repenser leur activité pour conserver un hypothétique revenu, sans aucun élément de répit. Les prix n'évoluent pas : en 1995, je vendais un litre de lait pour 2 francs, aujourd'hui, j'en vends un litre pour 30 centimes d'euros. En revanche, les charges ont considérablement augmenté. Les états généraux de l'alimentation ont permis d'évoquer bon nombre de sujets mais ne règlent ni le problème des quatre centrales d'achat, qui achètent la totalité de la production de 500 000 agriculteurs et de plus de 3 000 entreprises de transformation, ni celui de la restauration hors foyer. En effet, la moitié des repas étant en dehors du foyer, le consommateur ignore l'origine de la moitié de son alimentation, alors qu'il s'agit pour une part importante de produits issus de l'étranger ou d'Europe et achetés sans véritable regard sur le cahier des charges si ce n'est le critère du prix.
Cette crise est aussi morale pour les agriculteurs qui, accusés d'être des empoisonneurs, des pollueurs ou d'être peu soucieux du bien-être animal, sont heurtés dans le sens même de leur métier et leur passion de l'agriculture. En réalité, c'est tout le contraire. Depuis plusieurs années, la très grande majorité, voire l'ensemble des agriculteurs s'engage dans la diminution constante de la part des produits phytosanitaires et dans une attention croissante aux conditions d'hébergement et de nutrition de leurs animaux.
L'impression commune sur le manque de qualité de l'alimentation est erronée, celle-ci ne s'étant jamais autant amélioré que depuis trente ans. Il faut privilégier les circuits courts mais ceux-ci ne sont pas non plus la réponse à tous les maux : je vois mal comment les 220 000 habitants de mon département de la Haute-Loire pourraient être les seuls consommateurs des 430 millions de litres de lait qui y sont produits. Notre agriculture est capable de s'exporter et il faut l'encourager.
Les agriculteurs sont également accusés de productivisme ou d'exploitation intensive parce qu'ils augmentent la taille de leur exploitation ou le nombre de leurs animaux, alors qu'ils cherchent seulement à maintenir leurs revenus. Ils sont par ailleurs soumis à de plus grandes responsabilités du fait de la multiplication des normes et des réglementations, et à des risques plus importants tels que les aléas climatiques, les incertitudes financières, la transmission ou la maladie.
Ce budget de la mission « Agriculture » me paraît paradoxal en comparaison avec les engagements pris depuis 2015. Les manifestations des agriculteurs de cette année avaient en effet incité le Gouvernement à développer la compétitivité du secteur agricole par des mesures introduites dans les lois de finances pour 2015, pour 2016 et pour 2017, mais qui n'apparaissent plus dans le projet de loi de finances pour 2018. C'est notamment le cas de la suppression de l'allègement des sept points sur les cotisations sociales des agriculteurs dont le revenu est supérieur à 13 500 euros, qui me paraît mal venue alors que la compétitivité du secteur ne sera pas restaurée en 2018. C'est aussi le cas de la fin annoncée de la transition concernant le forfait pour accéder en plusieurs années au régime du micro-bénéfice agricole (micro-BA) qui pèsera sur 20 % des exploitations, ou encore des aides supplémentaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) sont également en diminution de 84,5 millions d'euros à seulement 56 millions d'euros, alors qu'elles favorisaient l'investissement et la compétitivité du secteur agricole.
La prévision budgétaire ne reprend pas non plus certaines questions qui se poseront pourtant en 2018, telles que l'avenir incertain de la retraite complémentaire obligatoire (RCO), du fait de l'éventuelle suppression de la « taxe farine » qui apporte pourtant 65 millions d'euros sur un budget de 120 millions d'euros, et de l'absence du report de 55 millions d'euros en 2019 sur le budget de la RCO.
Ce budget ne prend ni en compte une éventuelle indexation sur le nombre d'installations, qui pourrait augmenter l'année prochaine, ni les éventuelles répercussions qu'aurait la fin du régime social des indépendants (RSI) sur la mutualité sociale agricole (MSA). À ce titre, l'aide au répit pour épuisement professionnel que verse la MSA sera supprimée en 2018, alors qu'elle permettait de faire face aux aléas que vivent les agriculteurs. Une provision de 300 millions d'euros pour la gestion des aléas climatiques est certes prévue mais ne suffira pas. Il nous faut une politique novatrice qui tienne mieux compte de ces aléas alors qu'ils font peser des risques plus importants. Le montant pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) reste certes identique, mais le zonage n'est toujours pas arrêté. Or, s'il venait à s'étendre, le montant de l'ICHN ne suffirait pas.
Je m'interroge encore sur d'autres sujets, tels que les « centimes forestiers » qui demeurent pour l'instant dans le fonds national de solidarité et de péréquation des chambres d'agriculture, l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui n'exonèrera pas le secteur agricole, ou encore la pêche, secteur dans lequel la France peine à rivaliser avec les autres pays. En effet, seule une entreprise française figure à la 137e place parmi les 250 entreprises mondiales de pêche. L'absence de fermes aquacoles dans notre territoire profite à d'autres pays comme l'Espagne ou Malte qui récupèrent dans leurs fermes la totalité du thon pêché dans nos eaux. Enfin, le système des aides de la politique agricole commune (PAC) devient trop complexe et opaque, empêchant les agriculteurs de connaître le montant des aides qu'ils toucheront.
En conclusion, je voudrais rappeler mon attachement à défendre le modèle agricole français et son principe selon lequel l'agriculteur demeure propriétaire de son exploitation. Je suis donc Alain Houpert dans sa proposition de ne pas adopter les crédits de la mission.
M. Marc Laménie. - Le sujet est très dense et nous connaissons tous la situation économique difficile des agriculteurs, notamment en raison des aléas climatiques. Ma question concerne les moyens humains du ministère : l'intégration des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) dans les directions départementales des territoires (DDT) a-t-elle permis une amélioration de l'aide apportée par l'État au monde agricole et de l'examen des situations individuelles ?
Par ailleurs, quel est le sentiment de nos rapporteurs concernant les moyens de la filière bois ?
M. Antoine Lefèvre. - Certains considèrent que la suppression de la taxe d'habitation pourrait conduire, par ricochet, à une augmentation de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, l'un des seuls leviers restant à disposition des élus locaux. Or on le sait, les taxes pénalisent lourdement notre agriculture. Quel est l'avis de nos rapporteurs sur ce risque de hausse de la taxe foncière et ses conséquences pour l'agriculture ?
Dans le droit fil de l'adossement du régime social des indépendants au régime général, la mutualité sociale agricole (MSA), maillon pourtant essentiel de l'accompagnement des agriculteurs, ne risque-t-elle pas de disparaître ?
M. Philippe Adnot. - Ma question est technique : lorsqu'un vigneron ou un agriculteur a du foncier sous forme sociétaire, il ne serait pas soumis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Mais qu'en est-il si le foncier est loué par bail à long terme ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce sont les règles actuelles de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui s'appliquent.
M. Philippe Adnot. - Donc ils bénéficient d'une exonération.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Le problème, c'est surtout qu'en cas de vente, le foncier peut certes être exonéré d'IFI s'il y a un locataire ; mais si une grande fortune française veut acheter du foncier, elle doit payer l'IFI, alors que si elle est étrangère, elle sera exonérée. Si on laisse les choses en l'état, cet écart de fiscalité favorisera l'achat du foncier agricole français par tous les étrangers qui viendraient investir en France.
M. Alain Houpert. - Il s'agit dans ce cas de ventes de foncier, et, en tant que sénateur de la Romanée-Conti, je suis très concerné.
Nous avons, dans nos territoires, des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), qui peuvent vendre des parcelles en bénéficiant d'une exonération des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui reviennent normalement aux départements et aux communes et leur échappent donc. Je me demande dans quelle mesure des interpositions habiles ne favorisent pas une sorte d'optimisation fiscale. Nous devrions nous pencher sur cette question.
Je souhaite remercier et féliciter le rapporteur pour avis, qui nous a communiqué son émotion.
S'agissant de l'intégration des DDAF dans les DDT, je crois qu'il faudrait faire un jour le rapport entre le nombre d'exploitations et le nombre de fonctionnaires qui les gèrent et les contrôlent.
La MSA, c'est une présence importante dans nos territoires donc il faudra faire attention à tout ce qui pourra être fait sur ce sujet.
M. Yannick Botrel. - La diminution des effectifs qui touche les services de l'État concerne surtout l'administration centrale. Des moyens ont tout de même été mis en place pour traiter par exemple les dossiers relatifs à la politique agricole commune (PAC). Si blocages il y a eu, ils sont dus à deux raisons principales : d'une part, la cartographie des parcelles agricoles a dû être reprise car elle est à l'origine du contentieux sur les apurements et, d'autre part, les dysfonctionnements de l'Agence de services et de paiements (ASP), notamment s'agissant de la gestion informatique des dossiers. Alain Houpert l'a dit, nous avons demandé à la Cour des comptes une mission de contrôle de l'ASP à ce sujet.
La filière bois perd 10 millions d'euros en 2018. Une taxe devrait être affectée in fine aux régions qui prendraient le relais du budget de l'État dans le soutien à la filière forestière. Cette disposition ne sera peut-être pas satisfaisante et elle nécessitera une évaluation.
J'ai été sensible à l'intervention de notre collègue Laurent Duplomb : il me semble effectivement qu'au-delà des seules questions budgétaires, il est nécessaire d'apprécier la situation globale de l'agriculture. En effet, ces dernières années, nous avons assisté à une série de crises, différentes d'ailleurs selon les filières.
Certains sénateurs souhaitent la mise en place en place d'outils de régulation de ces crises dans le cadre de la PAC, et je crois qu'on ne peut pas ignorer la question de la compétitivité des filières mais aussi la concurrence mondiale, voire les risques géopolitiques. On a ainsi subi des pertes de parts de marchés en Russie compensées par des achats massifs en provenance de Chine. Avec seulement quatre centrales d'achat en France, nos agriculteurs sont confrontés à peu d'acheteurs : c'est une spécificité française, qu'on ne retrouve pas ailleurs, par exemple en Allemagne. En dépit de tout ce qu'on a pu dire à ce sujet depuis de nombreuses années, lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, puis de nouveau à l'occasion de la loi de modernisation de l'agriculture, il n'y a pas d'avancées. J'entends les propositions en faveur d'une place plus importante laissée aux organisations de producteurs mais je sais aussi que les organisations syndicales ont peur que ce ne soit pas suffisant et que ce problème reste entier.
Concernant les sept points d'exonération au titre de la MSA, je serais plus nuancé. Un nouveau dispositif a été créé, qui aura des conséquences sur le budget de la sécurité sociale. Je déplore moi aussi la faiblesse du plafond, à 13 500 euros. Il me paraît sain d'avoir cherché à réguler ce système : des producteurs de champagne en étaient bénéficiaires. Il s'agit d'une disposition prise dans l'urgence et je ne suis pas sûr qu'elle ait été évaluée à l'époque. Qu'on revienne sur cette disposition pour l'adapter me semble intéressant, même si le plafond me paraît insuffisant.
Nous avons rencontré le président de la caisse centrale de la MSA qui n'a pas fait état de risque de disparition.
En ce qui concerne les simplifications, je tiens à souligner que le règlement européen « omnibus » prévoit, sur quatre sujets, une simplification à destination des agriculteurs. Nous verrons ce qu'il en sera réellement, mais ces mesures vont dans le bon sens.
M. Vincent Éblé, président - Nous allons maintenant voter sur les crédits de la mission, ainsi que sur l'amendement et les articles rattachés.
L'amendement des rapporteurs propose la suppression de l'article 49 qui supprime le fonds d'accompagnement de la réforme du micro-BA. L'article 49 bis porte sur l'affectation des « centimes forestiers ».
M. Victorin Lurel. - L'article 49 bis prévoit que les centimes forestiers soient centralisés. Pour avoir été directeur de chambre départementale d'agriculture, je connais bien la situation de ces chambres, notamment outre-mer, où elles sont toutes en faillite. Je ne suis donc pas sûr qu'elles puissent réaliser l'effort que représente ce versement. Leurs moyens sont si faibles que l'idée de rattacher ces chambres à la région était envisagée.
M. Alain Houpert. - Cet article a été introduit par un amendement du Gouvernement, et, à ce stade, nous en proposons l'adoption car son dispositif prévoit que les recettes issues du secteur forestier lui soient réaffectées. Mais l'expertise des effets détaillés du dispositif peut conduire à préciser les positions.
M. Victorin Lurel. - Je voterai contre l'adoption de cet article 49 bis.
M. Alain Houpert. - L'article 49 ter a été introduit par amendement avec un avis favorable du Gouvernement et prévoit la remise d'un rapport. Ce rapport porte sur un point important à savoir la disponibilité réelle des enveloppes agricoles à l'horizon 2020. Cette information devrait figurer systématiquement dans les documents budgétaires usuels et nous exprimerons cette volonté lors des débats. Mais apparemment le ministre a besoin d'en savoir un peu plus sur la programmation pluriannuelle. C'est un peu paradoxal dans la mesure où le Gouvernement annonce une réduction des crédits de 350 millions d'euros d'ici 2020, qu'on imaginerait mieux documentée. Nous proposons l'adoption de cet article, de même que les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La commission adopte l'amendement des rapporteurs spéciaux et décide de proposer au Sénat la suppression de l'article 49 et l'adoption des articles 49 bis et 49 ter.
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Investissements d'avenir » - Examen du rapport spécial
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Concernant les investissements d'avenir, vous connaissez tous les deux premiers programmes, les PIA 1 et 2, respectivement créés en 2010 et 2014 et qui sont actuellement mis en oeuvre. Le rapport que je vous présente aujourd'hui est relatif cette fois au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), lequel fait désormais l'objet d'une mission spécifique au sein du projet de loi de finances.
Le PIA 3 a été institué par la loi de finances initiale pour 2017 mais en ne prévoyant que des autorisations d'engagement, sans aucun crédit de paiement. Cela avait d'ailleurs été fortement critiqué l'an dernier par le rapporteur général Albéric de Montgolfier, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission.
De fait, il ne s'est donc pas passé grand-chose en termes d'exécution cette année.
La grande nouveauté pour 2018 réside dans la prévision d'une enveloppe d'1,08 milliard d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances, ce qui permet de supposer que des projets pourront concrètement avancer.
Certes, les montants inscrits dans le projet annuel de performances sont moindres que ceux initialement prévus par le précédent gouvernement pour la période 2018-2022. Une ouverture de crédits à hauteur de 2 milliards d'euros par an était prévue. Sur le triennal 2018-2020, nous n'aurons en réalité que 4 milliards d'euros.
Concrètement, la mise en oeuvre du PIA 3 en est à ses balbutiements puisque seules huit conventions sur les trente prévues ont été signées.
Différents modes de financement sont, par ailleurs prévus, dans le cadre du programme et l'on peut constater que 750 millions d'euros, sur les 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement prévus, correspondent à des prises de participations qui ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien. C'est donc intéressant d'un point de vue budgétaire pour l'État mais il y a des actions reposant sur des subventions ou des avances remboursables qui restent peu couvertes.
Le Gouvernement s'engage donc un peu sur le PIA 3, mais surtout par le biais des instruments ne pesant pas sur le déficit maastrichtien et en reportant pour partie l'effort sur les années à venir.
En conséquence, compte tenu de ces éléments et du fait que, cette année, contrairement à l'an dernier, des crédits de paiement sont inscrits, même si c'est de façon limitée, je suggère donc que la commission des finances propose l'adoption des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Quel progrès !
M. Vincent Éblé, président. - Je constate que vous êtes pragmatique, puisque ce léger progrès semble vous satisfaire. C'est une mission technique mais qui rejoint des sujets très concrets.
M. Jean-François Rapin. - En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et plus spécifiquement s'agissant de ceux de la recherche, je m'interroge sur la lisibilité des actions menées dès lors qu'il y a à la fois des crédits inscrits dans la mission que je rapporte et celle sur les investissements d'avenir. Plusieurs sujets sont communs et certains figurent dans les points d'attention de votre rapport parce qu'ils peuvent être critiqués. Ainsi en est-il notamment du financement du réacteur Jules Horowitz. Certains projets concernent ainsi les deux budgets. Quel est finalement la différence entre les deux missions ? Pourquoi y aborder séparément les mêmes problématiques ? Ce serait plus simple et lisible de n'avoir qu'une seule analyse au titre de la recherche ou de l'innovation.
M. Vincent Éblé, président. - C'est peut-être davantage une question pour le rapporteur général que pour le rapporteur spécial. Pour les deux premiers PIA, les programmes qui leur étaient consacrés étaient éclatés entre les missions concernées. Pour le PIA 3, le précédent gouvernement a fait le choix d'en créer une nouvelle qui lui est spécifiquement dédiée.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Dans la mesure où des crédits étaient ouverts pour ces PIA, on s'en est aussi clairement servi par le passé pour financer des projets qui ne l'étaient pas par les enveloppes classiques des missions, en procédant à des débudgétisations qui n'ont d'ailleurs pas manqué d'être critiquées par la commission des finances, notamment concernant le réacteur Jules Horowitz.
M. Jean-François Rapin. - Il y a là franchement un vrai problème de lisibilité.
M. Claude Raynal. - Je suis un peu perdu. Les 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement sont-ils toujours prévus pour le PIA 3 ? Je comprends que la programmation triennale prévoit seulement 4 milliards d'euros. Par ailleurs, ces 10 milliards d'euros font-ils partie du « Grand plan d'investissement » annoncé par le Gouvernement ?
M. Victorin Lurel. - J'ai moi aussi des difficultés à comprendre l'articulation entre le PIA et les différentes missions budgétaires. Je suis rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et le « Grand plan d'investissement » prévoit la création d'un fonds de 10 milliards d'euros en faveur de l'innovation. Les intérêts des fonds placés auraient vocation à financer des innovations dites « de rupture ». Or je vois qu'il y a d'autres actions en faveur de l'innovation financées dans d'autres missions comme celle relative aux investissements d'avenir. Quelles sont les frontières entre ces différents fonds dédiés à l'innovation ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'année dernière, le gouvernement précédent avait annoncé en grande pompe le lancement du PIA 3 avec 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement effectivement inscrits, mais sans aucun crédit de paiement associé. Dans ce contexte, on peut d'ailleurs saluer l'absence de remise en cause du PIA par le nouveau Gouvernement qui l'a, par ailleurs, inclus dans le « Grand plan d'investissement » de 57 milliards d'euros.
La grande différence entre le PIA 3 et les deux générations précédentes de PIA est que les autorisations d'engagement et les crédits de paiement ne sont pas inscrits et dépensés sur le budget de l'État de façon concomitante. Or cette adéquation entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement avait jusqu'ici donné de la visibilité aux porteurs de projet et facilité les investissements. Certes, le Gouvernement maintient le PIA 3 mais avec un rythme de décaissements bien inférieur à celui initialement prévu.
Aujourd'hui, nous avons une visibilité uniquement sur trois années : d'ici 2020, 4 milliards d'euros devraient être décaissés. Quid des 6 milliards restants ? Nous n'avons aujourd'hui pas d'indication précise.
S'agissant du soutien à l'innovation, je partage la remarque de Victorin Lurel concernant la difficulté à comprendre la frontière entre les différents soutiens à l'innovation. Le choix des projets relève du Premier ministre dans le cadre du PIA et l'on conserve une forme de décentralisation de l'action, non pas auprès des ministères mais des opérateurs - à savoir l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations - qui en sont les gestionnaires pour le compte de l'État. Toutefois, les ministères sectoriels sont également parties prenantes aux décisions prises, comme on a pu le voir avec l'arrêt de l'appel à projets sur les instituts hospitalo-universitaires annoncé par la ministre de la santé et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie notre rapporteur spécial de son pragmatisme. Il est vrai que l'année passée, il avait été assez singulier d'examiner une mission dotée de zéro crédit de paiement. Le risque de débudgétisation de programmes qui ne relèvent pas vraiment d'investissements d'avenir persiste-t-il ? Par exemple, nous avions identifié à l'époque l'opération de rénovation du Grand Palais. Ma deuxième interrogation porte sur le rôle important de la Caisse des dépôts et consignations, en tant qu'opérateur. Nous aurons certainement l'occasion d'aborder ce point lors de l'audition du futur candidat à la direction générale de la Caisse des dépôts.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Concernant la rénovation du Grand Palais, cette opération avait effectivement pu être évoquée pour être portée par le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » de la mission « Investissements d'avenir » mais il n'y a plus aucun crédit de paiement prévu au titre de cette action, ce qui laisse supposer que cela n'est pour le moment pas à l'ordre du jour.
S'agissant du rôle de la Caisse des dépôts et consignations, elle joue effectivement un rôle important et j'ai constaté que la répartition des rôles entre elle et Bpifrance pouvait être source de complexité, même si cela peut se justifier pour des raisons juridiques. Bpifrance a parfois la qualité de sous-opérateur pour des actions confiées à la Caisse des dépôts et consignations qui conserve quant à elle la qualité d'opérateur.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».
Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - En 2018, le budget consacré à nos armées s'élèvera à 47,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 42,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de près de cinq milliards d'euros en AE et de plus de deux milliards d'euros en CP par rapport à 2017.
Hors « Pensions », dont le montant est important, les CP de la mission progresseront de 1,8 milliard d'euros, passant de 32,4 milliards d'euros en 2017 à 34,2 milliards d'euros en 2018.
La Nation consacrera ainsi 1,82 % de son produit intérieur brut à l'effort de défense, contre 1,7 % l'an passé.
Pour être tout à fait précis, compte tenu du coût pour 2018 des mesures décidées lors du conseil de défense du 6 avril 2016, de l'ordre d'un milliard d'euros, et de la rebudgétisation d'une partie des surcoûts liés aux opérations extérieures, à hauteur de 200 millions d'euros supplémentaires, qui ne sont pas, à proprement parler, des crédits nouveaux, l'effort « net » prévu pour 2018 s'élèvera à 600 millions d'euros environ.
Ne boudons cependant pas notre plaisir, l'effort prévu pour 2018 demeure important. Il s'inscrit dans la trajectoire fixée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une augmentation annuelle des crédits de paiement de la mission de 1,7 milliard d'euros.
Ce rythme de progression bienvenu ne suffira cependant pas à atteindre l'objectif de porter les ressources des armées à 50 milliards d'euros d'ici 2025 - soit 2 % du produit intérieur brut - sauf à majorer cet effort de manière significative à partir de 2023. Or 2023 correspondra à une nouvelle mandature.
Par ailleurs, si 2018 constitue une première marche, encore faut-il que cette marche soit effectivement gravie.
Or, du fait de l'annulation de 850 millions d'euros en CP intervenue en juillet 2017, d'un montant des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures, qui devrait atteindre un niveau record, proche de 1,5 milliard d'euros, et d'un montant élevé de crédits reportés en 2016 et 2017 encore « gelés », de 700 millions d'euros, la portée de cet effort est, dans une large mesure, conditionnée à la fin de gestion 2017.
Sans financement interministériel du surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures, ni dégel, au moins partiel, des crédits encore bloqués, le report de charge de la mission « Défense » pourrait approcher les 4 milliards d'euros en 2018.
Lors de son audition par notre commission, la ministre des armées a indiqué être raisonnablement optimiste sur l'obtention d'un financement interministériel des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Je l'ai cependant sentie moins assurée s'agissant du dégel des crédits encore bloqués.
Par ailleurs, le budget 2018 de la mission « Défense » comporte plusieurs points de vigilance.
Malgré l'augmentation de la provision Opex, un dépassement sera sans doute constaté en 2018. Or les modalités de financement du surcoût Opex et Missint au-delà de la provision prévue ne sont pas arrêtées.
Par ailleurs, l'année 2018 devrait voir le début du déploiement du logiciel Source Solde. Or il ne serait pas tolérable pour nos soldats que ce logiciel connaisse les mêmes déboires que Louvois. Sur ce point, donnons acte à la ministre qui nous a indiqué préférer différer le déploiement de Source solde plutôt que de connaître les mêmes difficultés qu'avec Louvois.
Sous ces importantes réserves, le budget 2018 comporte différents motifs de satisfaction et devrait permettre de répondre globalement aux besoins des armées.
La rebudgétisation à hauteur de 200 millions d'euros de la provision Opex, qui sera portée à 650 millions d'euros, constitue un indéniable progrès et va dans le sens préconisé par notre commission.
Par ailleurs, un effort important, de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, sera consenti en faveur des équipements. Lors des auditions que j'ai réalisées, il m'a été indiqué que le programme des livraisons et des commandes prévues pour 2018, qui nous a été présenté par la ministre et qui figure dans le rapport, devrait permettre de répondre aux besoins de nos forces.
Par ailleurs, près de 4 milliards d'euros seront consacrés à l'entretien programmé des matériels, soit une hausse de 450 millions d'euros par rapport à 2017. Il s'agit d'un effort indispensable pour améliorer le maintien en condition opérationnelle des matériels.
Une partie de la hausse des crédits consacrés aux équipements sera destinée aux opérations immobilières. L'entretien des infrastructures, notamment celles du quotidien, devrait être doté de 333 millions d'euros.
Comme je l'ai relevé dans mon rapport sur l'immobilier des armées, il est indispensable que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin de contenir la dégradation des infrastructures, notamment celles du quotidien.
Par ailleurs, le plan d'amélioration de la condition du personnel lancé par le précédent Gouvernement sera complété par un « Plan famille », dont les axes nous ont été présentés par la ministre la semaine dernière. L'amélioration des conditions de vie des personnels et de leur famille revêt une importance cruciale alors que le ministère des armées doit répondre à un enjeu de fidélisation de ses personnels.
En conclusion, notre commission et le Sénat se doivent d'accompagner l'effort consenti en faveur des armées tout en restant vigilants.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Défense », sans nous interdire pour autant, si les décisions prises dans le cadre de la fin de gestion 2017 remettaient en cause l'équilibre prévu dans le présent projet de loi de finances, à revenir sur ce vote lors de la réunion au cours de laquelle nous serons appelés à confirmer nos votes. En clair, si nous obtenons satisfaction sur la fin de gestion 2017, je considérerai que le budget 2018 est sincère et satisfaisant. En revanche, si rien n'était fait, le report de charge atteindrait 4 milliards d'euros, ce qui remettrait en cause la sincérité et la portée de ce budget.
L'Assemblée nationale a adopté hier soir deux amendements portant articles additionnels.
Le premier a pour objet de proroger d'un an le régime de transferts de propriété d'établissements gérés par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à des établissements publics nationaux. Deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent encore être cédés. Cet article 52 septies ne semble pas soulever de difficulté.
L'article 52 octies vise notamment à étendre aux militaires le bénéfice du dispositif de réparation des maladies professionnelles provoquées par l'amiante qui existe pour les fonctionnaires. Je suis a priori favorable à cet article, mais je vous propose de réserver notre vote afin de me laisser le temps de l'expertiser avant de me prononcer.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je rejoins l'approche pragmatique du rapporteur spécial. On peut saluer l'effort que représente ce budget tout en restant vigilant sur les conditions de la fin de gestion budgétaire pour 2017. Lors de notre examen du projet de loi de programmation des finances publiques, nous avons donné plus tôt un avis favorable à l'amendement du rapporteur spécial visant à exclure le ministère des armées du mécanisme de plafonnement des restes à payer.
Par ailleurs, concernant les Opex, on arrive à une situation plus saine, même si la ministre des armées a reconnu que le montant inscrit ne suffirait probablement pas à couvrir le montant des surcoûts lorsque je l'ai interrogée sur le sujet.
M. Antoine Lefèvre. - Je souligne l'augmentation des crédits de la mission, qui apparaît comme une bonne nouvelle après plusieurs années difficiles. Concernant les cessions immobilières, le rapporteur spécial avait mis en évidence dans son rapport sur le parc immobilier des armées que le produit des ventes des immeubles est très souvent inférieur aux prévisions inscrites dans les budgets. C'est le cas par exemple pour l'îlot Saint-Germain, qui était estimé à 80 millions d'euros et a été cédé pour 30 millions d'euros. Ce type d'écart est-il à nouveau à craindre dans le budget pour 2018 ?
M. Marc Laménie. - On constate des fermetures de sites militaires depuis plusieurs années. Des contrats de redynamisation de sites sont conclus localement mais les problèmes pour les départements concernés en termes d'emploi et d'activité économique sont réels. Reste-t-il beaucoup à faire en matière de cessions immobilières ?
Je m'interroge par ailleurs : quel est l'objectif concernant la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne ?
M. Emmanuel Capus. - Mes questions prolongeront les interrogations qui avaient été adressées à la ministre lors de son audition. Vous indiquez que le service national universel poserait des difficultés financières. La ministre a répondu que ce n'était pour le moment pas envisagé dans le budget du ministère. Avez-vous une idée de la répartition du coût entre les ministères, puisqu'il est peu probable qu'il soit pris en charge entièrement par le ministère de la défense ?
Je constate que les reports entraînent une incapacité d'avoir des programmes d'équipements de nos armées et nous conduisent à devoir acheter des équipements « sur étagère ». C'est le cas des fusils d'assaut que nous devons acheter en Allemagne. Ce sera également la même chose à la suite de la cession de Renault Trucks, qui obligera à commander des camions « sur catalogue ». Ne peut-on pas améliorer la planification pour favoriser les équipementiers français ?
Mme Christine Lavarde. - Au sujet de l'article 52 septies adopté par l'Assemblée nationale, qui propose de décaler d'une année le délai limite de transfert des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, il me semble sage d'accorder ce délai, les structures d'accueil n'étant pas toujours prêtes.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La perte de recettes pour l'îlot Saint-Germain est estimée à 50 millions d'euros. En contrepartie, le ministère a négocié de pouvoir bénéficier de 50 logements au sein de l'immeuble, ce qui est plutôt une bonne chose, même si le ministère ne sera pas propriétaire de ces appartements. C'est une sortie honorable même si j'aurais préféré que l'on mette fin à la décote « Duflot », considérant qu'il n'est pas de bonne pratique de vouloir financer deux politiques avec le même budget, l'une étant toujours pénalisée.
En réponse à Marc Laménie, je précise que les sites qui restent à vendre ne sont malheureusement pas les plus faciles à céder, puisqu'ils ne se situent généralement pas dans des localités avec une forte demande au regard du dynamisme économique de ces territoires. Il reste une partie de l'îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce, pour lequel plusieurs ministères seraient intéressés. L'assurance a été donnée qu'une telle opération conduirait à une inscription budgétaire en recettes pour le ministère des armées et qu'il n'y aurait donc pas de manque à gagner. Je n'arrive cependant pas à comprendre pourquoi le ministère investit dans la rénovation d'un patrimoine à une trentaine de kilomètres pour y loger des militaires, alors qu'ils devront venir assurer l'opération Sentinelle dans le coeur de Paris.
Le dispositif concernant les réservistes monte progressivement en puissance et l'objectif est de parvenir à 40 000 engagements à servir en 2018.
Au sujet du service national universel, je constate que nous n'arrivons déjà pas à loger les 10 000 personnes affectées aux opérations intérieures et qu'il me semble donc difficile d'envisager de le faire pour la moitié d'une classe d'âge, c'est-à-dire environ 400 000 jeunes. Je serais très heureux que les armées puissent contribuer à cet objectif, mais nous ne sommes plus dans une armée de masse, mais dans une armée de métier, de spécialistes, et il ne m'apparaît pas réaliste de faire reposer cette mission sur ce ministère. Je dirais même que plus le temps passera moins le ministère des armées sera le mieux placé pour l'assumer.
La question des achats sur « étagère » revient régulièrement. J'ai déjà été confronté à cette difficulté - qui n'est pas propre au secteur de la défense - lorsque j'étais rapporteur budgétaire de la sécurité civile. En effet, de nombreux ingénieurs pensent qu'il faut créer des outils tellement spécifiques qu'ils deviennent totalement unitaires. Cela pose des problèmes au stade de leur fabrication mais aussi pour leur entretien.
On s'oriente donc plutôt vers des plateformes polyvalentes que l'on va adapter selon les usages que l'on envisage.
À cet égard, je crois savoir que le ministère souhaite y associer étroitement les industriels français pour éviter les déconvenues que vous avez signalées.
M. Claude Raynal. - S'agissant l'article 52 octies, introduit par l'Assemblée nationale, il faut en effet du temps pour le comprendre. Même son exposé sommaire n'est pas tout à fait simple.
En revanche, s'agissant de l'article 52 septies, j'y suis, comme Christine Lavarde, tout à fait favorable, ne serait-ce que parce que sur les deux Ehpad qui restent à transférer, l'un est situé en Haute-Garonne, à Barbazan.
Il s'agit de l'un de ces sujets dont le principe est bon - ces établissements n'ont plus rien à voir avec le ministère des armées, mais relèvent du secteur médico-social - mais qui se heurte à des difficultés concrètes d'application.
Évidemment, la disparition de cet établissement, à proximité de Luchon, au pied des Pyrénées, serait un cataclysme, mais sa reprise est très complexe, en raison, notamment, du problème du statut militaire des personnels. Ceux-ci, en effet, acceptent difficilement d'y renoncer.
Derrière une idée générale de bon sens peuvent parfois se cacher des problèmes plus complexes. Se donner une année supplémentaire est donc bienvenu, mais je ne suis pas sûr que cela permettra de résoudre le problème. Quoiqu'il en soit, donnons un peu d'air à cette opération.
Je suis donc favorable à cet amendement du Gouvernement et je souhaiterais que cela soit consigné, car cela est rare !
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense » et l'article 52 septies, et de réserver sa position sur l'article 52 octies.
La réunion est close à 16 h 05.
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de finances pour 2018 - Audition de M. Jean Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
M. Vincent Éblé, président. - Nous avons le plaisir de recevoir Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, pour poursuivre notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances pour 2018.
Monsieur le ministre, depuis votre nomination, vous vous êtes montré particulièrement actif dans la promotion de ce que vous appelez l'école de la confiance : aménagement de la réforme des rythmes scolaires et de la réforme du collège, relance des stages de réussite, dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) dans les établissements situés en réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) ou encore mise en place du dispositif « devoirs faits ».
Il est vrai que vous connaissez parfaitement ce ministère puisque vous avez été recteur des académies de Guyane et de Créteil - en tant qu'élu seine-et-marnais, je m'en souviens bien - et directeur général de l'enseignement scolaire.
En 2018, le budget de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » progressera de 1,3 milliard d'euros pour atteindre 51,3 milliards d'euros. Il restera, à ce titre, le premier budget sectoriel de la Nation. Il fait donc l'objet de la plus grande attention de notre commission.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. - Je suis très heureux de présenter ce budget, le premier de la Nation, ce qui traduit la priorité accordée à l'éducation. Il illustre l'importance du projet d'école de la confiance. Notre société doit être davantage une société de confiance, une société qui fasse plus confiance à son école et dont l'école produise plus de confiance en la société. C'est insuffisamment le cas aujourd'hui.
Les moyens doivent être articulés avec des finalités claires, l'augmentation budgétaire n'étant évidemment pas une fin en soi. Nous devons surtout partager avec nos concitoyens des principes clairs sur l'école, d'où la définition de priorités et un lien avec l'autre politique dont j'ai la charge, celle de la jeunesse et la vie associative.
Nos idées fondamentales sont de donner plus à ceux qui ont besoin de plus, d'où l'importance de l'éducation prioritaire ; d'insister sur la qualité des savoirs fondamentaux, c'est-à-dire « lire, écrire, compter, respecter autrui » ; de transmettre les valeurs de la République. C'est la fonction de l'école primaire qui est la première de mes priorités.
Pour la première fois, le budget de l'éducation nationale dépasse le seuil des 50 milliards d'euros, pour s'établir à 50,1 milliards d'euros - hors cotisations et pensions de l'État, qui feraient dépasser le seuil des 70 milliards d'euros -, soit une augmentation d'1,3 milliard d'euros par rapport à 2017. Ce chiffre permet d'envisager les transformations profondes du système éducatif que nous souhaitons.
Notre priorité est d'abord l'école primaire, qui apporte le socle fondamental qu'est « lire, écrire, compter, respecter autrui ». S'il n'est pas acquis, aucun autre savoir ne peut l'être. Aussi, nous voulons combattre l'échec scolaire à la racine en nous attachant aux premières années de la vie et aux territoires les plus défavorisés, c'est-à-dire aux réseaux d'éducation prioritaire renforcés, les REP + et, dès la rentrée prochaine, aux réseaux d'éducation prioritaires (RGP). Cela signifie un dédoublement de 2 500 classes de cours préparatoire en REP + cette année ; en 2018, les classes de CE1 en REP + seront elles aussi divisées par deux, tout comme les CP en REP ; en 2019, ce sera le cas des CE1 en REP. L'engagement du Président de la République sera ainsi tenu.
Nous nous donnons les moyens de cette ambition en programmant 3 900 postes supplémentaires dans le premier degré à la prochaine rentrée scolaire, afin de ne pas porter atteinte aux moyens de remplacement. Nous avons également prévu le financement en 2018 du début de montée en charge de l'engagement présidentiel d'une prime de 3 000 euros au personnel des réseaux d'éducation prioritaire renforcés. Cette mesure va de pair avec une politique plus générale de ressources humaines qui a pour objectif de mieux pourvoir les postes en REP et d'offrir une gestion plus attractive, plus dynamique, plus souple, au bénéfice du personnel et des élèves dans la lignée des recommandations de la Cour des comptes, qui a rappelé récemment le besoin de modernisation des ressources humaines de l'éducation nationale.
Nous voulons aussi réussir une véritable évolution du collège. La mesure emblématique des « devoirs faits », entrée en vigueur hier, sera dotée d'une enveloppe globale de 220 millions d'euros en 2018. Il s'agit de la systématisation d'un véritable soutien scolaire gratuit dans les 7 100 collèges de France, une heure par jour, quatre jours par semaine. Ce dispositif mobilise les professeurs, en heures supplémentaires, ainsi que les assistants d'éducation, les associations et les collectivités territoriales. Quelque 7 000 volontaires du service civique sont mobilisés actuellement ; ils seront ensuite 10 000.
Grâce à cet effort collectif, nous franchissons une nouvelle étape en matière de devoirs. L'ambiguïté est levée : oui, il faut donner des devoirs aux élèves pour leur apprendre l'autonomie et le travail personnel. Pour autant, ces devoirs doivent-ils être laissés aux conditions particulières de chacun en fonction de sa famille ? Non. La mesure « devoirs faits » diminue les différences pour que tous les élèves, quelle que soit leur classe sociale, en bénéficient. Nous évaluons à 25 % le nombre d'élèves qui demanderont à s'inscrire. Lors des conseils de classe du premier trimestre, nous inciterons aussi les élèves qui en ont le plus besoin à rejoindre le dispositif.
Nous répondons également à la fragilité scolaire, qui touche toutes les classes sociales, par les stages de réussite pendant les vacances scolaires. Leurs moyens augmenteront l'année prochaine de plus du double, passant de 15 millions d'euros à 35 millions d'euros. Les élèves s'y inscriront volontairement mais y seront également incités s'ils en ont besoin.
La fragilité sociale est également traitée, avec la revalorisation de 25 % des bourses de collège attribuées sur critères sociaux - le mérite étant davantage pris en compte - soit 43 millions d'euros supplémentaires.
La fragilité peut aussi être liée au handicap. Notre effort est sans précédent, avec 50 000 personnes en contrats aidés dont 11 200 seront transformées en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), des emplois plus stables, plus pérennes et plus professionnalisés. Notre politique vise à réduire le nombre de contrats aidés pour les remplacer par des contrats plus solides et plus qualitatifs.
Au-delà de ces transformations, 4 500 AESH supplémentaires seront directement recrutés. En outre, 100 postes de professeurs des écoles seront mis à disposition des 100 nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). Là aussi, le quantitatif est pris en compte, mais au service du qualitatif, c'est-à-dire la formation des personnels.
Bien d'autres dotations disent notre détermination à faire de l'école un lieu de travail et d'épanouissement pour les élèves, car c'est bien le but de toute éducation. Je pense en particulier à l'enveloppe consacrée à l'éducation artistique et culturelle qui progressera de 50 % l'an prochain et aux synergies que nous aurons avec le ministère de la culture. C'est ensemble que nous procéderons à une relance de l'éducation artistique et culturelle. La rentrée en musique en septembre 2017 était un premier signal de notre objectif d'une plus grande systématicité des pratiques artistiques et culturelles dans nos écoles. La musique, mais aussi la lecture - avec le lancement d'un plan lecture - et le théâtre font partie de nos priorités communes.
J'en viens au programme « Jeunesse et vie associative ». Il articule le temps des apprentissages que l'enseignement scolaire porte et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement que ce programme budgétaire soutient. C'est toute la cohérence du rattachement de ce programme au ministère de l'éducation nationale lors de la constitution du Gouvernement. Le but est de donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour qu'ils se projettent en confiance vers leur avenir.
Le premier objectif consiste à les accompagner vers l'autonomie, par l'information, la mobilité internationale et l'accès de tous à des loisirs de qualité : le présent budget y consacre 25 millions d'euros.
Le tissu associatif constituant un facteur clé de réussite de cette politique, les associations du secteur « jeunesse et éducation populaire » seront financées à hauteur de 52 millions d'euros dont 31 millions d'euros via le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) qui soutient plus de 5 000 emplois et 21 millions d'euros destinés aux associations agréées aux échelons national et local.
Le deuxième objectif est de développer l'engagement dans la vie associative, qui rassemble 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la Nation. Ces associations sont au coeur de la société de confiance que j'évoquais précédemment.
À périmètre constant, l'appui transversal au développement de la vie associative connaîtra une hausse de 60 % en 2018, passant de 10 millions d'euros à 16 millions d'euros. Le soutien au bénévolat, pilier du monde associatif, connaîtra un renforcement par la mise en oeuvre du nouveau compte d'engagement citoyen (CEC) qui valorise l'engagement au service de l'intérêt général de chacun de nos concitoyens.
Nous répondrons de façon spécifique aux besoins de toutes les associations en prenant leur taille en considération. Il est en effet nécessaire de distinguer les grandes associations, qui emploient jusqu'à des centaines de salariés, des plus petites, qui jouent un rôle décisif dans la vie sociale locale, notamment rurale.
Les dispositions de l'article 43 de ce projet de loi de finances prévoient la suppression du crédit d'impôt sur les taxes sur les salaires (CITS) et du CICE à partir de 2019, au bénéfice d'une réduction des cotisations patronales inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Cette diminution des cotisations patronales engendrera pour les associations une économie de 1,4 milliard d'euros chaque année à partir de 2019. Ce soutien considérable à la vie associative profitera aux associations qui emploient des salariés. Pour tenir compte des petites associations, dans le cadre de l'examen en séance publique des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » à l'Assemblée nationale la semaine dernière, j'ai proposé un amendement au nom du Gouvernement relevant de 25 millions d'euros les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Le but est de compenser, selon des modalités d'attribution renouvelées, la diminution de crédits ouverts au bénéfice du tissu associatif après la suppression de la réserve parlementaire. J'ai été très heureux de constater que cet amendement avait été adopté à l'unanimité. C'est le signe que l'ensemble de la représentation nationale a salué l'existence d'une compensation à la suppression de la réserve parlementaire. Ces crédits supplémentaires abonderont le Fonds de développement de la vie associative (FDVA). Comme l'amendement du Gouvernement le précise, ces 25 millions d'euros de crédits supplémentaires s'adresseront en priorité aux associations qui ne bénéficient pas des allègements de charge que j'évoquais précédemment. Il ne s'agit pas de faire renaître la réserve parlementaire. Un groupe de travail sera mis en place pour définir l'échelle et les modalités d'attribution de ces moyens. Le but est d'aller au plus près du terrain, en association avec les représentants de la Nation.
Le troisième objectif est d'accroître l'engagement par le service civique, dispositif plébiscité par les jeunes. L'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Le service civique est le reflet de la diversité de notre jeunesse ; il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative, avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. C'est une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, du dépassement de soi, une école de la vie. Ce succès se traduit dans les chiffres : en 2017, environ 130 000 volontaires ont bénéficié du dispositif. Notre objectif en 2018 est de parvenir à 150 000 volontaires. C'est pourquoi les crédits augmentent de 63 millions d'euros pour atteindre 448 millions d'euros. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation de 10 000 volontaires au dispositif « devoirs faits ».
Vous le constatez, ce budget traduit le plein engagement du Gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative et fait du ministère de l'éducation nationale le ministère de l'avenir, avec une vision complète des enjeux de la scolarité et de l'engagement des jeunes.
Cette action déterminée sera complétée et renforcée par la mise en place d'un autre engagement présidentiel, le service national universel, qui associera les ministères de l'éducation nationale et de la défense et dont les modalités sont en cours d'élaboration.
Nous avons là des perspectives d'avenir pour la jeunesse mais aussi pour l'ensemble de la Nation.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - Je salue Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, avec lequel j'ai l'habitude de travailler.
Monsieur le ministre, vous arrivez à ce poste précédé d'une réputation flatteuse. Vous avez été recteur dans des territoires difficiles, en Guyane, à Créteil, mais avez également travaillé en administration centrale. Vous avez donc une caractéristique rare à ce poste : vous avez la compétence, manifestement des convictions, et sans doute aussi du caractère, ce qui ne nuit pas dans l'exercice de la fonction. Pour dire la vérité, nous avons plutôt envie de vous soutenir.
Dans ce budget, quel est l'héritage de la politique précédente - qui était bien plus quantitative que qualitative - qui vous ralentit ? Le Président de la République précédent s'était efforcé de mettre en place son programme d'embauches, qui a engendré des difficultés. Dans l'augmentation de 1,3 milliard d'euros de votre budget, quelle est la part du prolongement des « coups partis », par exemple du fait de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ?
Quelle est la répartition de cet héritage de création de 54 000 postes ? Ces postes ont-ils été vers votre priorité, que nous partageons, à savoir l'enseignement primaire ? En d'autres termes, subissez-vous l'inertie de décisions précédentes qui s'imposent à vous ?
En matière d'effectifs, le budget démontre une attitude réfléchie. Les quelque 2 800 postes créés dans le primaire sont équilibrés par une diminution dans le secondaire de 2 600 postes de stagiaires non pourvus - cela révèle d'ailleurs une limite de la politique quantitative, celle de la difficulté à trouver des candidats qui satisfassent les exigences du concours - et dans l'administration centrale, de 200 postes.
Votre effort en faveur du primaire se poursuit, avec la prolongation du dédoublement des classes au CP. Qu'en est-il du recrutement dans le secondaire ? Le problème du recrutement est justement une des raisons de renoncer à la politique quantitative. Certains considèrent que l'enseignement secondaire est mieux servi que le primaire, sauf pour des matières magistrales telles que les lettres, les mathématiques, l'anglais et l'allemand.
Au sein de la commission des finances, nous avions travaillé sur les heures supplémentaires. Envisagez-vous des pistes d'assouplissement, d'annualisation du temps de travail des enseignants ? Quel est votre sentiment sur l'année scolaire ? Notre beau pays a pour spécificité d'avoir les horaires les plus lourds et l'année la plus courte.
Je voudrais ensuite vous faire part d'une réflexion de sénateur, plus personnelle. L'école de la confiance suppose que l'école ait confiance en elle-même et qu'elle trouve des alliés. Vous avez des alliés naturels : les élus locaux. Ils peuplent les conseils d'administration des collèges et des lycées ; ils sont présents dans l'enseignement agricole. Mais ils sont assez peu mobilisés, si ce n'est pour des considérations logistiques. Cela les prive d'une participation plus effective à la vie des établissements. Vous avez l'intention de mobiliser des talents nouveaux, aux côtés des enseignants : les volontaires du service civique, le monde associatif - je partage cette conviction. Mobilisez aussi les élus pour des tâches autres que le périscolaire, qui leur a été imposé sans qu'ils soient volontaires, ayant le sentiment qu'avant d'apprendre le macramé et la confection de boîtes en coquillages, il fallait renforcer les enseignements principaux.
L'excellente initiative « devoirs faits » nous rappellera de très bons souvenirs d'approfondissements ou de rigolade - les deux sont possibles à l'école.
Quelle est l'autorité du chef d'établissement sur ses enseignants ? On a pu entendre que l'enseignement public était la plus grande profession libérale. Ne serait-il pas temps de trouver un bon compromis avec l'esprit de liberté et la responsabilité de l'enseignant devant sa classe, la communauté éducative étant une vaste plaisanterie car le chef d'établissement n'a pas d'autorité - il ne cherche pas non plus à en avoir ?
Une autre catégorie d'alliés, ce sont les parents. Comment les associer, les responsabiliser et les conduire à faire respecter les règles de l'école ? Il faut une confiance réciproque entre parents et enseignants pour obtenir un résultat. Finalement, ce qui compte, c'est la volonté. La vôtre nous rassure mais nous avons soif de détails et d'ouverture sur des projets.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Merci d'avoir repris le terme d'école de la confiance ; c'est le socle de tout. J'ai constaté que les pays dans lesquels l'école va mieux qu'en France ne sont pas tant ceux qui bénéficient de dispositifs techniques divers que ceux dans lesquels le degré de confiance est plus élevé qu'en France. Notre pays a connu cette confiance en l'école à certaines périodes. Il est possible de la retrouver. L'école devrait être un sujet d'unité nationale, tant en politique générale que dans la vie quotidienne. Cela passe d'abord par le respect des professeurs par les élèves et par notre société. C'est un premier enjeu qualitatif majeur.
Oui, la priorité va au premier degré. Elle est visible dans le budget ; il y a une rationalité de la décision. Je rappelle que lorsque nous nous comparons aux pays étrangers, nous constatons que la France dépense moins que la moyenne des pays de l'OCDE pour son école primaire alors qu'elle dépense plus pour le second degré.
M. Gérard Longuet. - Nettement plus.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Cela doit nous faire réfléchir et agir, c'est-à-dire consacrer nos moyens supplémentaires prioritairement et très fortement à l'école primaire ; c'est ce que nous faisons.
Quant au second degré, vous avez remarqué quelques annulations, par cohérence et sincérité budgétaires, en particulier pour tirer les conséquences des postes ouverts aux concours qui ne sont pas pourvus : elles n'ont donc pas pour conséquence de mettre moins de professeurs devant les élèves. Certains Capes, vous le savez, recrutent à une moyenne beaucoup trop basse, ce qui n'est pas souhaitable. Nous devons donc déployer une stratégie de long terme afin que la qualité soit au rendez-vous.
D'une manière plus générale, vous avez fait référence à l'évolution de la gestion des ressources humaines du ministère. J'ai évoqué le rapport de la Cour des Comptes. Nous mènerons des discussions approfondies avec l'ensemble des partenaires. Notre capacité à parler avec les organisations syndicales est très importante pour avancer sereinement sur ces sujets. Tout le monde peut gagner, notamment les professeurs, à une meilleure gestion du système, en termes de ressources humaines et d'organisation du temps de travail.
Il faut accompagner ces efforts d'une véritable stratégie de pré-recrutement : nous devons mener une politique volontariste pour attirer tous les talents vers les fonctions professorales, alors que de nombreux départs à la retraite auront lieu dans les quinze prochaines années. Il nous faudra faire preuve d'intelligence budgétaire. L'enjeu du pré-recrutement a certes été prévu par la loi de 2013, mais de manière extrêmement limitée. Dans le futur, je souhaite que nous puissions mettre en place, par des bourses notamment, un pré-recrutement dès la première année de l'université, voire en amont. Des questions se posent, en mathématique ou en sciences, en particulier, dans l'ensemble des pays du monde. Comme vous l'avez dit, l'objectif est qualitatif.
Nous avons les moyens en termes quantitatifs. À nous d'organiser les choses autrement, pour atteindre l'objectif qualitatif. Je souhaite que la France sorte du débat sur les créations et suppressions de postes. Le mouvement de balancier observé lors des quinquennats précédents doit cesser. Nous avons 850 000 professeurs, nous devons avancer et nous concentrer sur les enjeux qualitatifs, de recrutement, mais aussi de formation initiale et continue, identifiés dans les études internationales comme premier facteur de réussite d'un système scolaire.
Comment mobiliser les élus locaux, leur intelligence collective ? J'y suis extrêmement sensible. C'est par la réalité quotidienne que l'on répondra le mieux, je pense au rôle des élus dans les conseils d'administration des établissements, mais aussi par leur rôle au sein de l'enseignement professionnel, que je considère comme ma deuxième priorité, après l'enseignement primaire. Une concertation sera bientôt lancée sur l'enseignement professionnel. Nous voulons ne plus opposer l'apprentissage et l'enseignement professionnel mais valoriser l'ensemble pour dessiner un avenir réussi. La transition écologique, l'entrepreneuriat, les savoir-faire français sont des enjeux clés de l'économie et de la société ont vocation à mobiliser tout particulièrement les élus locaux, en associant toutes les forces vives autour des établissements.
Les enjeux périscolaires doivent eux aussi évoluer dans le sens de la qualité. On doit sortir du débat entre quatre jours et quatre jours et demi. Mon but est d'aboutir à une situation aussi équilibrée que possible. Nous n'avons pas supprimé le fonds de soutien aux communes pour celles qui restent à la semaine de quatre jours et demi. Nous n'incitons donc pas à revenir à quatre jours, mais nous offrons cette liberté, lorsqu'elle convient à la communauté éducative. J'ai eu un rapport précis sur mon bureau à mon arrivée montrant que l'un ou l'autre système importait peu en vérité. Certains élus se sont sentis mal à l'aise. Nous voulons arriver à une décrispation, afin que chacun se sente à l'aise et actif.
Je proposerai prochainement un « plan mercredi », articulé avec mes compétences en matière de jeunesse et de vie associative, pour appuyer les collectivités territoriales, qu'elles soient à quatre jours ou quatre jours et demi, pour organiser un temps périscolaire culturel, sportif...Les élus locaux seront considérés dans cette politique. On a besoin d'une éducation nationale qui suscite la confiance, de la part de ses propres acteurs, des familles, des élus locaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La commission dans sa majorité ne peut qu'approuver vos orientations : priorité au primaire, au soutien scolaire et à l'enseignement professionnel. Au lycée, la dispersion des moyens semble réelle. Les « devoirs faits » sont un vrai facteur de chance. On se penche beaucoup sur la question du logement et là est souvent la vraie inégalité.
Votre incitation au qualitatif plaît à la commission, qui considère qu'on doit cesser d'aller vers le « toujours plus » de postes, etc., et qu'il faut conduire des changements qualitatifs. J'ai deux questions à vous poser.
La France recule depuis plusieurs années dans le classement Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves). D'autres pays ont décidé de prendre le « taureau par les cornes » et sans forcément consacrer plus de moyens. Comment ont-ils réussi à remonter dans le classement ? Que manque-t-il à la France ?
Quand on compare les jeunes Français aux jeunes Européens, on constate un déficit en langues étrangères : que faudrait-il faire pour améliorer leur niveau ?
Nous émettrons un avis très favorable sur cette mission.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éduction et de la communication. - Je conserve quelques questions, Monsieur le ministre, pour votre venue devant la commission de la culture. Une audition commune serait d'ailleurs utile.
Une question concerne les manuels scolaires : selon certaines informations, les crédits pour le renouvellement des manuels dans le cadre de la réforme du collège seraient insuffisants. Ce n'est pas nouveau : j'avais déposé un amendement en 2015 pour les augmenter. Ces informations sont-elles fondées ? Les crédits sont-ils suffisants ? Pouvez-vous nous garantir que les collectivités territoriales, les départements pour les collèges, ne devront pas mettre la main au portefeuille ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Pour répondre au rapporteur général, oui, nous avons une stratégie face au recul de la France dans différents classements, notamment Pisa. Regardons d'abord les pays qui ont progressé vite, comme l'Allemagne dans les années 2000 - elle était très en-dessous de la France, elle est aujourd'hui légèrement au-dessus -, mais aussi le Portugal, la Pologne, qui ont réussi de belles performances grâce à des politiques volontaristes, ou les pays asiatiques, tel Singapour, qui ont fortement remonté dans les classements.
Un constat : nos résultats moyens s'expliquent par les écarts entre nos territoires et entre les élèves. Dans la partie ouest de la France, notre système scolaire a des résultats honorables, voire très honorables. Il ne faudrait pas détruire des choses qui fonctionnent bien. Je rappelle que les établissements français à l'étranger sont très attractifs, ce qui doit nous donner confiance en nous-mêmes. L'hétérogénéité des territoires et des publics doit nous conduire à mener une politique très volontariste d'acquisition des savoirs fondamentaux. Que reflètent l'enquête Pisa ou l'enquête Timss, qui concerne des élèves plus jeunes ? Tout simplement un niveau faible en français et en mathématiques, qui prend sa racine à l'école primaire. D'où notre volontarisme dans les territoires les plus défavorisés, en CP et en CE1. L'école maternelle sera rénovée également. Cela portera ses fruits à moyen terme, mais les tout premiers se verront dès la fin de cette année, non dans les résultats à Pisa, mais dans les résultats des élèves. Nous avons laissé s'accumuler les retards des élèves, au nom d'une fausse bienveillance. L'échec en licence peut s'expliquer ainsi par ce qui n'a pas été acquis lors des premières années. Cela s'accompagne d'une stratégie pour le collège, dont les résultats, je l'espère, se reflèteront dans le classement Pisa. La mesure « devoirs faits » en fait partie.
Sur la maîtrise des langues étrangères, la future réforme du baccalauréat doit nous permettre de réfléchir aux points de repères et aux évolutions pédagogiques, notamment avec les nouvelles technologies, qui ouvrent de belles perspectives.
La question des manuels scolaires est aussi stratégique. La question immédiate porte sur les budgets d'acquisition de manuels dans les collèges. Au-delà, nous devons nous interroger sur les manuels au XXIe siècle et leur économie. Je voudrais vous rassurer sur les enjeux de court terme : nous avons mis 13 millions d'euros dans le budget pour les manuels scolaires, ce qui peut sembler à certains insuffisants, mais en 2016 et 2017, 105 millions d'euros ont été engagés chaque année, en raison des changements de programmes. Revenons à la normale. Cette réponse ne nous exonère pas d'une réflexion plus structurelle. Le financement par l'État des manuels scolaires au collège peut apparaître comme une anomalie, alors que ce sont les communes qui l'assurent pour le primaire et les régions pour les lycées. Des discussions doivent s'ouvrir entre l'État et les collectivités territoriales à ce sujet. On peut vivre avec cette exception mais elle n'a pas de justification logique. Au-delà, c'est le rôle du manuel qui est interrogé. Je fais une différence entre l'école primaire et l'enseignement secondaire et je prends en compte les évolutions technologiques.
Nous avons besoin de manuels en papier, particulièrement à l'école primaire. Il ne faut pas aller vers l'extrémité du « tout numérique ». Mais ces manuels peuvent être plus minces, particulièrement dans le primaire, où la fonction structurante du manuel, y compris pour la communication avec les familles, doit être préservée. Or seulement 40 % des élèves ont un manuel à l'école primaire. Nous devons viser 100 %. Cela doit rendre optimistes ceux qui se préoccupent de l'économie éditoriale.
Il faut aussi, à partir du collège, une plus grande complémentarité entre le manuel, fixant l'ossature, et le numérique, fournissant la chair, si vous me permettez cette métaphore. Cela doit aller dans le sens de l'amincissement des manuels, donc un moindre coût et un moindre poids, et d'un usage harmonieux du numérique.
Les éditeurs ne doivent pas être inquiets à cet égard, quoique votre question traduise leur inquiétude, car cette évolution peut être positive, pour l'élève, bien sûr, mais aussi pour eux. Nous devons soutenir l'industrie des « EdTech » scolaires, objet du déplacement que je ferai tout à l'heure. Les éditeurs du futur feront des manuels, mais aussi des ressources numériques et des outils d'intelligence artificielle, à l'échelle nationale et internationale. Ayons cette vision large, plus vaste que la reconduction des habitudes... Je vois la possibilité d'un consensus avec l'ensemble des acteurs, afin de donner les outils pédagogiques nécessaires à nos élèves.
M. Vincent Éblé, président. - J'ai interrogé la ministre des armées la semaine dernière sur le déploiement du logiciel Source Solde, successeur du sinistre Louvois. Quid du logiciel SIRHEN ? Gérard Longuet nous a alertés à plusieurs reprises sur les dérives de son coût, qui aurait quintuplé par rapport aux prévisions initiales ?
M. Antoine Lefèvre. - Six pour cent des enfants souffrent de troubles spécifiques des apprentissages, dont le dépistage est du ressort du médecin scolaire, en collaboration avec les psychologues, l'équipe éducative et les parents. Or la pénurie de médecins dans l'éducation nationale est criante. Quelles actions souhaitez-vous mettre en oeuvre pour tenter d'améliorer cette situation préoccupante.
M. Emmanuel Capus. - Sur les contrats aidés, je n'ai pas de souci avec la sincérité budgétaire voulue par le Gouvernement. Au sein des 200 000 contrats maintenus, quelle est la répartition ? La priorité aux accompagnants d'élèves handicapés est-elle exclusive d'autres contrats tels que ceux des Atsem ou des animateurs d'activités périscolaires ? Vous prévoyez la création de 15 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) : que fait-on du delta ? Quelle est votre position sur le financement du service national universel ?
M. Jean Pierre Vogel. - Je souhaite une précision sur les aides majorées dont le montant s'élève à 90 euros accordées aux établissements situés dans des communes bénéficiaires de la DSU ou DSR-cible au titre de la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires. Ces aides continueront-elles à être attribuées aux communes qui en bénéficiaient jusqu'à présent, pour la rentrée de septembre 2018 ?
M. Georges Patient. - Vous avez exercé pendant deux ans en Guyane, que vous connaissez bien. Ma première question porte sur l'insuffisance des établissements scolaires. L'État doit respecter le plan d'urgence, à hauteur de 250 millions d'euros sur cinq ans, soit 50 millions d'euros chaque année. Pour l'an prochain, cette somme est inscrite au budget des outre-mer, nous vous en remercions. Peut-on avoir cette garantie pour les années suivantes ?
Ma deuxième question concerne la stratégie que vous avez annoncée en Guyane pour lutter contre l'absentéisme et le manque d'enseignants.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Les manuels scolaires sont pris en charge par les communes, mais visiblement sans obligation juridique, les écarts variant de un à dix entre les communes, ce qui provoque des inégalités.
Je m'interroge sur la confiance des élèves en eux-mêmes, en raison de la façon dont sont utilisées les évaluations, vécues parfois de façon punitive, alors qu'il y aurait des manières positives à mettre en valeur.
Quel accès à la restauration scolaire chez les collégiens ? Certains établissements mettent en place des bourses pour les familles en difficulté. Dans d'autres, l'accès à la cantine est une préoccupation en termes de santé publique et de lutte contre les inégalités.
M. Pascal Savoldelli. - Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il fallait faire du qualitatif, mais vous avez évoqué le quantitatif : je vous donne acte du fait que vous avez bien augmenté le budget de 1,3 milliard d'euros cette année. En revanche, vous dites qu'il faut donner confiance à ceux qui en ont le plus besoin. J'ai fait un petit calcul : pour une augmentation de 700 millions d'euros en faveur de l'enseignement public, l'augmentation est de 583 millions pour l'enseignement privé. Or vous savez que 13 % des élèves sont scolarisés dans le privé, contre 87 % dans le public. En quoi certains avaient-ils plus besoin de confiance que d'autres ? Quels ont été vos critères ?
Vous avez évoqué tout à l'heure la question de la disparité territoriale. C'est un fait indéniable, qui ne relève pas de l'idéologie ou de la défense d'un territoire contre un autre : les moyens consacrés par l'État à un élève de l'académie de Paris sont supérieurs de 47 % à ceux consacrés à un élève de l'académie de Créteil. Je veux bien qu'on aborde l'aspect qualitatif, car les enjeux sont très importants et peuvent nous rassembler, mais quand on relève un tel écart de dépenses, il ne s'agit pas seulement d'un rattrapage.
Vous avez souligné l'effort que voulez faire pour les réseaux d'éducation prioritaire. Dans la même académie de Créteil, vous avez supprimé 2 000 emplois aidés sur 5 300. Quelles ont été les missions identifiées comme étant devenues caduques ? Quels ont été vos critères ?
M. Michel Canevet. - Nous sommes actuellement en train d'étudier le budget et nous recherchons des pistes d'économies. L'éducation nationale est le premier employeur de l'État, avec plus de la moitié des effectifs : je pense qu'il faudra également y chercher des économies. La plupart du temps, les ministres sont jugés à l'aune des dépenses supplémentaires qu'ils peuvent réaliser, mais je crois que tous doivent faire un effort de réduction de la dépense publique.
Identifiez-vous des pistes pour réduire les effectifs de l'éducation nationale ? Ne serait-il pas logique de demander aux enseignants du second degré de travailler plus, parce qu'il n'y a pas de raison pour qu'il y ait une différence forte entre leur temps de travail et celui des enseignants du premier degré ? Il serait peut-être juste de réexaminer la situation.
Mme Sylvie Vermeillet. - Le Président de la République a annoncé qu'il n'y aurait plus aucune fermeture de classe en milieu rural. Quelle sera la traduction pluriannuelle de cette mesure ? Arrêtera-t-on le comptage des effectifs ? Quelle est votre définition du milieu rural ? Qu'en sera-t-il des ratios d'encadrement ? Après la fusion des régions, ces ratios seront-ils revus ? Les taux de population rurale isolée ont évolué dans les départements et les suppressions de postes ont fait beaucoup de mal en milieu rural. Comment envisagez-vous le maintien des postes en zone rurale ?
M. Charles Guené. - Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre pragmatisme s'agissant des nouvelles activités périscolaires (NAP). Vous avez évoqué le concept de « devoirs faits » : selon vos propos, il sera limité au collège. Vous avez également parlé de contractualisation avec les collectivités territoriales dans ce domaine : j'imagine qu'il s'agira des départements, puisque vous respecterez la répartition des compétences.
En ce qui concerne la substitution aux NAP, vous avez parlé d'un « plan mercredi ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Vous vous doutez que les communes rurales qui avaient auparavant des contrats enfance jeunesse (CEJ) peuvent être intéressées.
M. Julien Bargeton. - Monsieur le ministre, vous avez confié à Pierre Mathiot une mission sur l'évolution du baccalauréat. Qu'en attendez-vous, pas simplement d'un point de vue budgétaire, mais aussi en termes de fusion des filières du baccalauréat général ?
On parle souvent des bourses des étudiants, mais on évoque beaucoup moins les bourses du secondaire. Pourriez-vous nous dire un mot sur l'effort réalisé dans ce domaine ?
M. Didier Rambaud. - On parle beaucoup du recrutement des enseignants, mais moins de leur formation. Quand on fait le tour des établissements dans nos départements, on se rend compte de la crise des vocations, avec un grand nombre de postes non pourvus au Capes. Comment faire pour revaloriser le métier d'enseignant ?
Par ailleurs, je veux saluer l'ampleur et l'ambition du « plan étudiants ». Étant père d'un jeune victime du système « admission post-bac » (APB), je constate que ce plan crée des espoirs, mais je ne peux qu'insister sur la nécessité de renforcer l'articulation entre le lycée et l'université.
M. Sébastien Meurant. - Monsieur le ministre, comment allez-vous réussir cette réforme ? Avec quelle méthode de management ? Votre ministère a été qualifié de « mammouth » par certains de vos prédécesseurs. Or cette réforme ne se fera pas sans l'implication de tout le personnel. Pour passer à l'école de la confiance et de la réussite, le moment n'est-il pas venu de retrouver l'esprit des fondamentaux et de passer de l'éducation nationale à l'instruction publique ?
Mme Christine Lavarde. - Monsieur le ministre, je viens de vous entendre parler de numérique et de manuels scolaires. Pour autant, l'action 07 du programme 421 dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) est celle qui doit porter le plan numérique à l'école. C'est une des rares actions du PIA 3 qui n'est pas dotée de crédits de paiement cette année, alors que les autorisations d'engagement s'élèvent à 500 millions d'euros. Dois-je en conclure qu'elle est suspendue ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Monsieur le Président, vous m'avez questionné sur le programme SIRHEN et sur les risques de dérapage qu'ont pu connaître certains logiciels de l'État. Le coût global de SIRHEN s'élève à 393 millions d'euros. Les financements s'étalent de 2009 à 2020. Aujourd'hui, nous sommes en route vers un SIRHEN réussi.
Antoine Lefèvre m'a interrogé sur les troubles d'apprentissage et sur la médecine scolaire. Ces questions font partie des grandes difficultés du système scolaire. C'est un problème non pas de moyens, mais d'attractivité de la fonction de médecin scolaire. La première mission que je m'impose est de réussir la visite médicale pour tous les élèves de six ans. Pour y arriver, j'ai engagé un travail interministériel avec la ministre de la santé, notamment pour que les médecins non scolaires puissent contribuer à la médecine scolaire. Par ailleurs, nous essaierons à moyen terme d'attirer davantage de personnes vers la médecine scolaire en proposant cette discipline comme spécialité lors du concours de l'internat. Nous envisageons également de faire évoluer les missions, en relation avec les médecins et les infirmières.
Cette question fait écho à celle soulevée par Gérard Longuet tout à tout à l'heure sur notre capacité à mieux impliquer les élus locaux. Les collectivités territoriales, qui doivent souvent lutter contre les déserts médicaux, peuvent contribuer à élaborer une vision d'ensemble des solutions à mettre en oeuvre.
Emmanuel Capus m'a questionné sur les contrats aidés. Dans quelle proportion les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) s'y substituent-ils ? Les choses se préciseront avec le temps, en lien avec le ministère du travail. Notre priorité est l'accueil des élèves en situation de handicap. Les contrats aidés que nous conserverons viseront à accueillir ces élèves. Ils étaient 50 000 cette année. Toute diminution en termes de contrats aidés sera compensée par des AESH. Une fois encore, les enjeux qualitatifs sont plus importants que les enjeux quantitatifs.
Aujourd'hui, nous avons 80 000 supports : 50 000 contrats aidés et 30 000 AESH, contre 22 000 l'année précédente. Nous rencontrons encore quelques difficultés pour arriver à satisfaire toutes les demandes. Notre pays compte environ 300 000 élèves en situation de handicap, même si tous n'ont pas besoin d'un accompagnement à plein temps. Il existe deux sources de difficultés : premièrement, l'inflation des demandes, qui augmentent de 15 % ; deuxièmement, nous n'arrivons pas toujours à recruter toutes les personnes sur les emplois aidés. Cette inflation doit nous interroger sur notre système et sur la façon dont se passent les préconisations. Je travaille sur tous ces sujets avec Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, de façon à proposer des évolutions dans l'intérêt des élèves.
Emmanuel Capus m'a également interrogé sur le service national et sur son financement. Le service national n'est pas prévu pour 2018, même si nous avons prévu d'honorer cet engagement présidentiel au cours du quinquennat. Cela suppose un très gros travail interministériel qui impliquera notamment le ministère de la défense et celui de l'éducation nationale. Avant d'envisager la question de la budgétisation, il faut définir le concept. Je m'appuierai aussi sur mes compétences jeunesse et vie associative.
Jean Pierre Vogel m'a interrogé sur le financement des activités périscolaires. Je me suis peut-être mal exprimé lors des questions au Gouvernement, mais il n'y aura pas de changement. L'aide de 90 euros par élève sera maintenue. Nous travaillons avec la caisse d'allocations familiales pour que le soutien soit au moins aussi important que par le passé et surtout plus simple sur le plan administratif.
Pour répondre à Georges Patient, je confirme les engagements pris par le Président de la République il y huit jours en Guyane en faveur des collectivités territoriales pour les constructions scolaires du second degré. L'aide s'élèvera à 250 millions d'euros sur cinq ans. S'y ajouteront 150 millions d'euros sur dix ans pour les constructions scolaires du premier degré. Les sommes en jeu sont très importantes, de l'ordre de 400 millions d'euros. Cet engagement sera tenu. De façon plus générale, nous travaillons à trouver des solutions originales pour la Guyane sur la question des ressources humaines dans l'académie. On pourrait aussi parler de Mayotte. Nous avons besoin de nouvelles règles du jeu, dans l'intérêt de tous. Il est essentiel d'avoir plus de professeurs guyanais, le cas échéant, recrutés et formés différemment. Parmi les objectifs très ambitieux du ministère, nous souhaitons une école supérieure du professorat qui soit la locomotive du système guyanais dans la nouvelle université. C'est ce à quoi nous nous attèlerons avec les élus.
Sophie Taillé-Polian a posé la question des méthodes d'évaluation. C'est un sujet qui n'est pas binaire. La mise en perspective est importante. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre l'évaluation, mais de savoir comment nous évaluons les élèves. Les sciences cognitives prouvent qu'il est bon de se tester pour connaître. C'est ce que font les jeunes lorsqu'ils jouent aux jeux vidéo, qui sont composés de tests permanents. En sport, la question du dépassement de soi ne pose aucun problème. Je m'étonne toujours que cela en pose dans le débat scolaire. Vous avez à juste titre repris à votre compte le mot de « confiance ». L'idée est bien d'instituer une sorte de contrat de confiance avec l'élève, non pas pour moins d'évaluation, mais pour plus d'évaluations et pour mieux d'évaluations. Cela inclut l'autoévaluation et l'instauration d'objectifs sur l'année. Nous visons le progrès personnalisé de l'élève.
En ce qui concerne l'accès à la restauration scolaire, il existe une hétérogénéité des situations. Nous avons la possibilité d'agir au travers des fonds sociaux, qui seront stabilisés, voire augmentés dans certains cas. J'alerte les académies pour qu'il y ait une plus grande homogénéité sur le territoire et qu'elles prennent mieux en compte les différentes situations sociales. Il y a aussi des enjeux qualitatifs, sur les circuits courts. Un de nos grands objectifs est, par exemple, la lutte contre l'obésité. J'en profite pour aborder un sujet que vous n'avez pas évoqué, mais qui est corrélatif : celui des toilettes. Cela fait toujours sourire, mais c'est une question dramatique, car les toilettes sont aussi des lieux de violence, qui manquent souvent d'hygiène. C'est un sujet sur lequel il faudra aussi mener des discussions avec les collectivités territoriales.
Je n'ai pas très bien compris la question de Pascal Savoldelli. Il n'existe aucune augmentation disproportionnée du budget de l'enseignement privé. Ce point mériterait d'être approfondi ultérieurement. Ce budget est un budget de justice sociale. Les augmentations les plus importantes ont trait à ce que nous faisons en REP et en REP+, notamment pour y attirer les professeurs. Je ne vois pas davantage de déséquilibre entre l'académie de Paris et celle de Créteil.
Michel Canevet m'a questionné sur la charge horaire dans le premier et le second degré. Ces différences ont des justifications anciennes. Par exemple, les agrégés enseignent 15 heures contre 18 heures pour les professeurs certifiés. Dans le futur, nous nous efforcerons d'affecter davantage les agrégés dans les lycées et dans l'enseignement supérieur. L'agrégation est une magnifique institution française. Elle tire notre système vers le haut. Nous devons donc positionner les professeurs là où ils sont utiles pour les élèves. C'est un exemple d'une politique de gestion des ressources humaines plus qualitative.
Pour répondre à Sylvie Vermeillet, le secteur rural est une des priorités du Président de la République. Nous ne devons plus être sur la défensive, mais le temps est à l'offensive. La question des seuils de fermeture ne doit plus être le sujet principal. Notre ambition est d'inverser la logique en rendant les écoles primaires et les collèges ruraux plus attractifs. Je rappelle que les écoles primaires rurales ont des résultats supérieurs à la moyenne nationale, contrairement aux collèges ruraux. Une analyse trop rapide nous conduirait à fermer les collèges dans ces zones et à maintenir les écoles primaires, mais je souhaite aller plus loin et redynamiser les collèges ruraux. Le rural a notamment une capacité d'innovation que je souhaite explorer. L'exemple typique que je cite souvent est le collège de Marciac dans le Gers. Cet établissement comptait 80 élèves il y a vingt ans, contre 250 aujourd'hui grâce à un festival de jazz, à des classes de musique et à l'existence d'un internat. Il ne doit pas y avoir de clivage entre l'urbain et le rural. Les politiques doivent au contraire être très complémentaires. Cela passe par la renaissance des internats ruraux. Un internat, ce n'est pas quatre murs, un lit et un toit, c'est un projet éducatif. Nous relancerons donc prochainement la politique des internats, au bénéfice du rural.
Charles Guené m'a questionné sur le dispositif « devoirs faits ». Oui, ce dispositif a vocation à s'étendre à l'école primaire dès la rentrée prochaine. Je lève une ambiguïté : même à l'école primaire, il est pertinent de faire des devoirs dès lors que la démarche est bien pensée.
Je ne peux pas détailler davantage sur le « plan mercredi ». L'idée est de concentrer les moyens du programme « Jeunesse et vie associative », auxquels viendront s'adjoindre ceux de la culture et du sport, dans un ensemble cohérent se déclinant dans les territoires, en appui aux efforts des collectivités. L'objectif est de donner une visibilité aux familles par rapport à l'offre périscolaire proposée sur le territoire.
Julien Bargeton m'a interrogé sur la mission « bac ». Elle vient d'être mise en place, ses conclusions seront connues début 2018. De grandes tendances se dégagent, conformément aux engagements de campagne du Président de la République : des épreuves sur quatre matières, le reste en contrôle continu. Bien des éléments restent à définir, ce sera la tâche de la mission. Notre ambition est d'avoir un bac plus « musclé », préparant mieux à la réussite.
Didier Rambaud a évoqué l'enseignement supérieur : il faut mieux prendre en compte les premiers désirs et les forces de l'élève. Nous concilierons excellence et réussite de tous par une capacité de choix plus forte et des effets de levier.
Didier Rambaud m'a aussi questionné sur la crise des vocations. Je crois beaucoup au prérecrutement ; la politique universitaire menée par Frédérique Vidal coïncidera avec ce que nous faisons sur le plan scolaire.
Sébastien Meurant m'a interrogé sur les méthodes de management pour mener à bien les réformes. Il y aurait beaucoup à dire. L'école de la confiance constitue la première des réponses. Les personnels doivent être heureux de travailler pour l'éducation nationale et se sentir estimés par leur institution. Cela ira de pair avec les évolutions en matière d'autonomie. Elle signifie non pas caporalisme, mais esprit d'équipe à l'échelle des établissements. Il y aura des ouvertures en termes de carrière au sein de l'éducation nationale comme en dehors.
Christine Lavarde a évoqué le numérique dans le programme d'investissement d'avenir (PIA). Il est exact que nous entrons dans une nouvelle phase. Les engagements pris en matière de tablettes numériques seront honorés. Nous insisterons néanmoins davantage sur la formation des professeurs. Ce PIA dessinera notamment la formation des professeurs du futur, qui mettra plus d'accent sur la dimension numérique.
La réunion est close à 18 h 25.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat
Jeudi 9 novembre 2017
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 11 h 30.
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen d'une motion et d'un amendement
La commission examine la motion n°54 présentée par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Assassi et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe CRCE, tendant à opposer la question préalable à l'examen en première lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
M. Vincent Éblé, président. - La commission doit se prononcer sur une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, dont nous sommes saisis en première lecture.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - J'émets un avis défavorable à cette motion. La loi de programmation des finances publiques est un texte essentiel pour définir une trajectoire de redressement de nos comptes publics. Nous sommes en désaccord avec le Gouvernement sur certains points de ce texte et notre commission propose en conséquence de nombreux amendements visant à corriger ces points. Il serait dommage de ne pas pouvoir en débattre en séance publique, d'autant que certains de ces amendements proviennent justement du groupe CRCE. Je propose donc de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter la motion tendant à opposer, en première lecture, la question préalable au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n°55 du Gouvernement modifie de façon importante le dispositif de contractualisation et le mécanisme de correction qui figurent à l'article 10. Cet amendement nous est arrivé dans la nuit, ce qui montre bien que le dispositif que le Gouvernement avait lui-même proposé dans son projet de loi n'est pas encore complètement abouti.
Il reprend certains éléments introduits par la commission des finances, ce qui va dans le bon sens. Le Gouvernement nous a ainsi suivis sur le fait que les contrats indiquent également les engagements de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales en prévoyant « une contrepartie » en matière de DGF ou de TVA. Il a également repris le mécanisme de bonification que nous avons introduit, ainsi que l'idée de plafonner la « sanction » éventuelle à un pourcentage des recettes réelles de fonctionnement. Par ailleurs, l'amendement souhaite limiter le dispositif de correction aux collectivités territoriales ayant l'obligation de contractualiser.
Cependant, l'amendement du Gouvernement ne reprend pas certains points que nous avons proposés, notamment le fait que la « sanction » ne peut pas dépasser une certaine fraction de l'écart à l'objectif de dépense et le fait que le mécanisme de correction ne peut aboutir à diminuer le montant total des concours financiers de l'État, ce qui reviendrait à une « baisse déguisée » des dotations. En outre, l'amendement me semble imprécis : il vise les collectivités « mentionnées au IV », ce qui couvre aussi les collectivités ayant volontairement contracté. Si cette démarche volontaire les conduit à être dans le périmètre du mécanisme de correction, bien peu de collectivités seront candidates... La proposition du Gouvernement me semble donc inaboutie.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. Nous pourrions envisager un amendement de synthèse des avancées du Gouvernement et de celles du texte de la commission.
M. Alain Joyandet. - Pourriez-vous préciser ce que prévoit l'amendement du Gouvernement sur la TVA versée aux régions ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement évoque une « contrepartie » sur la TVA versée aux régions, puisqu'elles ne perçoivent pas de DGF. Si la « contrepartie » est bienvenue, il me semble qu'elle devrait porter sur leurs ressources et non sur la TVA, qui n'est pas un concours financier pilotable par l'État, puisque son produit dépend principalement de l'activité économique. Cela n'a pas de sens d'intégrer la TVA.
M. Thierry Carcenac. - Je tiens d'abord à souligner qu'il n'est pas normal de débattre de cet amendement en seulement quelques minutes.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - J'ai fait savoir au Gouvernement qu'il serait souhaitable d'éviter les amendements de séance de dernière minute.
M. Thierry Carcenac. - Très bien. Sur le fond, je souhaiterais obtenir une précision : les 13 milliards d'euros d'économies portent-ils uniquement sur les 319 collectivités qui sont tenues de contracter avec l'État ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'effort de 13 milliards d'euros porte sur l'ensemble des collectivités territoriales. Le Gouvernement espère que celles qui ne contractualiseront pas s'auto-disciplineront.
M. Thierry Carcenac. - Je trouve que ce texte est intéressant pour les régions. En revanche, il ne comporte aucune avancée pour les départements.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je l'ai déjà dit : je ne suis pas opposé au mécanisme de contractualisation, qui me semble plus intelligent qu'un rabot pur et dur, mais nous souhaitons des précisions : la loi devrait a minima fixer des critères.
M. Thierry Carcenac. - Nous voterons donc contre l'amendement du Gouvernement.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 55.
La réunion est close à 11 h 40.
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 - Examen des amendements de séance
La réunion est ouverte à 14 h 35.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SEANCE
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 11 vise à supprimer les contributions exceptionnelles proposées. Je suis partagé sur cet amendement, car il y a une certaine cohérence avec celui que j'ai déposé. Je partage avec les auteurs de l'amendement le constat de l'absence de concordance entre les entreprises qui vont devoir payer ces contributions et celles qui bénéficieront des remboursements au titre de la contribution de 3 %, ce qui apparaît particulièrement injuste.
Pour autant, il ne nous est pas possible d'amender le dispositif proposé pour corriger ce problème, dans la mesure où un dispositif ad hoc ciblant les entreprises bénéficiant des remboursements s'exposerait à une censure du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a donc choisi une solution simple : une surtaxe d'impôt sur les sociétés, en appliquant les mêmes règles que cet impôt, avec un critère de seuil d'assujettissement. Malheureusement, l'effet collatéral est que des entreprises, à l'instar des banques mutualistes, vont être pleinement assujetties aux contributions exceptionnelles, alors même qu'elles étaient exonérées de la contribution à 3 % au titre de certains revenus distribués.
Je souscris donc à l'intention des auteurs de l'amendement, mais par cohérence avec l'amendement que nous avons adopté hier, j'en demande le retrait.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 11.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 4 restreint le périmètre des entreprises assujetties aux contributions, ce qui soulève des problèmes juridiques. J'en demande le retrait.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 4.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 5 veut rendre pérennes les contributions exceptionnelles. C'est contraire à la trajectoire de baisse du taux normal d'impôt sur les sociétés. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 6 veut étendre à l'exercice 2018 les contributions exceptionnelles. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 3 propose un abattement pour le montant de contributions exceptionnelles à acquitter. Je propose de demander l'avis du Gouvernement.
La commission décide de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les amendements n°s 9, 10 et 12 proposent d'instituer un régime dérogatoire pour l'application des contributions exceptionnelles aux banques mutualistes. Cet amendement exposerait le dispositif fiscal à la censure du Conseil constitutionnel. Je demande donc le retrait de cet amendement.
La commission émet une demande de retrait sur les amendements n°s 9, 10 et 12.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les amendements n°s 1 et 13 établissent un lien entre les contributions exceptionnelles et la contribution à 3 %, ce qui soulève un risque juridique. J'en demande le retrait.
La commission émet une demande de retrait des amendements n°s 1 et 13.
Articles additionnels après l'article 5
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 8 vise à supprimer la commission des infractions fiscales. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 8.
Concernant l'amendement n° 7, c'est un sujet connu sans rapport avec l'objet du texte qui nous est soumis. J'en demande le retrait.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 7.
M. Alain Joyandet. - Il était difficile de se prononcer sur l'amendement n° 11 sans connaître la position du rapporteur général sur les amendements suivants proposant d'exempter les groupes mutualistes. Si j'avais connu l'avis du rapporteur sur les amendements ultérieurs, je me serais exprimé en faveur de l'amendement de suppression de l'article.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'analyse juridique indique qu'un dispositif ad hoc nous exposerait à une censure du Conseil constitutionnel au titre de l'égalité devant les charges publiques. C'est pourquoi le Gouvernement a recours au procédé traditionnel de contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, qui a déjà fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel et n'a pas été censuré.
La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen d'un amendement de séance
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement a déposé cette nuit un amendement sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qu'il a ensuite rectifié dans la matinée. Nous l'avons examiné ce matin en urgence, dans des conditions qui ne permettent pas de travailler de façon satisfaisante. Je ne suis pas opposé au principe de contractualisation, mais on ne peut légiférer en la matière avec des bricolages de coin de table en cinq minutes.
Nous pouvons maintenant examiner cet amendement plus précisément. Sur le fond, nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement reprenne certains éléments que nous avons introduits en commission. Ainsi, l'amendement déposé a repris notre souhait que les contrats fixent également les engagements de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales, en prévoyant « une contrepartie » en matière de dotation globale de fonctionnement (DGF) ou de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le Gouvernement a également repris notre idée de plafonner la « sanction » éventuelle à un pourcentage des recettes réelles de fonctionnement. Enfin, il a repris le mécanisme de bonification que nous avions introduit à l'article 10. Par ailleurs, l'amendement souhaite limiter le dispositif de correction aux collectivités territoriales ayant l'obligation de contractualiser.
Cependant, l'amendement du Gouvernement ne reprend pas notre souhait que la « sanction » ne puisse dépasser une certaine fraction de l'écart à l'objectif de dépense. Il en est de même pour notre proposition que le mécanisme de correction ne puisse aboutir à diminuer le montant total des concours financiers de l'État, ce qui reviendrait à défaut à une « baisse déguisée » des dotations.
M. Philippe Dallier. - Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - S'agissant de la « contrepartie » en cas de respect des objectifs, l'amendement évoque une « contrepartie » sur la TVA versée aux régions, dans la mesure où elles ne perçoivent plus de DGF ; si la « contrepartie » est bienvenue, il me semble qu'elle devrait porter sur leurs ressources au sens large, et non explicitement sur la TVA, qui n'est pas un concours financier que l'État peut piloter ou gérer de façon individuelle pour chaque région.
Enfin, l'amendement me semble imprécis. Il vise les collectivités « mentionnées au IV », ce qui couvre aussi les collectivités territoriales ayant volontairement contracté : si cette démarche volontaire les conduit à être dans le périmètre du mécanisme de correction, bien peu de collectivités seront candidates... De même, le dispositif prévoit un « mécanisme de reprise financière » et un « mécanisme de correction », que l'on a du mal à distinguer. Quant au mécanisme de bonification proposé par le Gouvernement, il doublonne le volet incitatif que nous avons introduit, puisque l'alinéa 18 n'est pas supprimé par l'amendement du Gouvernement.
En définitive, l'amendement du Gouvernement comporte des avancées, mais aussi des reculs. Je vous propose donc soit d'en rester à notre texte de commission, soit d'adopter un amendement qui incorpore ces avancées. Cet amendement prévoirait l'exclusion des petites communes et établissements publics de coopération intercommunale du mécanisme de correction, en précisant que ceux qui auront contractualisé de façon volontaire demeureraient exclus de ce mécanisme. Il préciserait que la « contrepartie » que le Gouvernement a introduite porte sur « les ressources » et notamment la DGF, mais en supprimant la référence à la TVA des régions, car cette fraction transférée n'est pas un concours financier que l'État pourrait piloter. Enfin, nous pourrions reprendre les éléments de calendrier introduits par le Gouvernement et le renvoi à un décret en Conseil d'État pour la définition des modalités d'application de l'article.
Le fait que l'amendement du Gouvernement n'offre pas de garantie quant au montant des concours financiers de l'État me pousse cependant à privilégier l'option du dépôt d'un amendement.
M. Philippe Dallier. - Je pense qu'il faut effectivement adopter cet amendement, qui donne plus de garanties aux collectivités territoriales et évite que le Gouvernement ne procède à une baisse subreptice des dotations.
M. Charles Guené. - Je partage cet avis. J'ajoute que le travail effectué en commission des finances a été unanimement salué par les observateurs.
M. Jean-Marc Gabouty. - J'abonde dans le même sens : on ne peut pas renoncer aux avancées que nous avons introduites, mais il ne faut pas non plus refuser celles proposées par le Gouvernement.
M. Albéric de Montgolfier. - Exactement ! Nous intégrons les avancées du Gouvernement, mais nous conservons les nôtres !
M. Jean-François Husson. - J'ai entendu ce matin parler de vigilance et de bienveillance : à défaut d'être bienveillants, soyons vigilants, il sera plus facile de trouver un terrain d'entente.
La commission adopte l'amendement n° 56.
La réunion est close à 14 h 55.